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ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)

18 janvier 2007 (*)

«Concurrence – Accord de distribution de véhicules automobiles – Exemption par catégorie – Règlement (CE) nº 1400/2002 – Article 3, paragraphes 4 et 6 – Résiliation par le fournisseur – Droit de recourir à un expert ou à un arbitre et de saisir un juge national – Clause expresse de résiliation – Compatibilité avec l’exemption par catégorie – Validité des motifs de la résiliation – Contrôle effectif»

Dans l’affaire C-421/05,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le rechtbank van koophandel te Brussel (Belgique), par décision du 21 novembre 2005, parvenue à la Cour le 29 novembre 2005, dans la procédure

City Motors Groep NV

contre

Citroën Belux NV,

LA COUR (troisième chambre),

composée de M. A. Rosas, président de chambre, MM. J. N. Cunha Rodrigues et A. Ó Caoimh (rapporteur), juges,

avocat général: M. L. A. Geelhoed,

greffier: M. J. Swedenborg, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 26 octobre 2006,

considérant les observations présentées:

–        pour City Motors Groep NV, par Mes A. Tallon et Y. Lemense, advocaten,

–        pour Citroën Belux NV, par Mes J. Verbist et B. van de Walle de Ghelcke, advocaten,

–        pour la Commission des Communautés européennes, par MM. A. Bouquet et A. Whelan, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 1400/2002 de la Commission, du 31 juillet 2002, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile (JO L 203, p. 30).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant City Motors Groep NV (ci‑après «CMG») à Citroën Belux NV (ci‑après «Citroën») au sujet de la validité de la résiliation par cette dernière de l’accord qu’elle avait conclu avec CMG en vue de la distribution en Belgique de véhicules automobiles de la marque Citroën.

 Le cadre juridique

 La réglementation communautaire

3        L’article 5, paragraphe 3, du règlement (CE) nº 1475/95 de la Commission, du 28 juin 1995, concernant l’application de l’article [81] paragraphe 3 du traité à des catégories d’accords de distribution et de service de vente et d’après-vente de véhicules automobiles (JO L 145, p. 25), prévoyait:

«Les conditions d’exemption prévues aux paragraphes 1 et 2 ne préjugent pas:

[…]

–      du droit d’une partie d’exercer la résiliation extraordinaire de l’accord en raison d’un manquement de l’autre partie à une de ses obligations essentielles.

Dans chaque cas, les parties doivent, en cas de désaccord, accepter un système de règlement rapide du litige, tel le recours à un tiers expert ou à un arbitre, sans préjudice du droit des parties de saisir le tribunal compétent conformément aux dispositions du droit national applicable.»

4        À compter du 1er octobre 2002, le règlement n° 1475/95 a été remplacé par le règlement n° 1400/2002.

5        Aux termes des neuvième et onzième considérants du règlement nº 1400/2002:

«(9)      Afin d’empêcher un fournisseur de résilier un accord parce qu’un distributeur ou un réparateur a un comportement favorisant la concurrence, consistant notamment dans les ventes actives ou passives à des clients étrangers, le multimarquisme ou la sous‑traitance des services de réparation et d’entretien, la notification de la résiliation doit en indiquer par écrit les raisons, qui doivent être objectives et transparentes. De surcroît, afin de renforcer l’indépendance des distributeurs et des réparateurs à l’égard de leurs fournisseurs, il convient de prévoir des périodes minimales de préavis en cas de non‑renouvellement des accords à durée déterminée et pour la résiliation des accords à durée indéterminée.

[…]

(11)      Afin de favoriser le règlement rapide des litiges qui pourraient survenir entre les parties à un accord de distribution et qui pourraient sans cela entraver une concurrence effective, les accords ne doivent bénéficier de l’exemption que s’ils prévoient le droit de chaque partie d’avoir recours à un expert indépendant ou à un arbitre, notamment en cas de notification de résiliation d’un accord.»

6        L’article 2 du règlement n° 1400/2002, intitulé «Champ d’application», dispose à son paragraphe 1, premier alinéa:

«Conformément à l’article 81, paragraphe 3, du traité et sous réserve des dispositions du présent règlement, l’article 81, paragraphe 1, est déclaré inapplicable aux accords verticaux lorsqu’ils concernent les conditions dans lesquelles les parties peuvent acheter, vendre ou revendre des véhicules automobiles neufs, des pièces de rechange pour véhicules automobiles ou des services de réparation et d’entretien de véhicules automobiles.»

7        L’article 3 du règlement n° 1400/2002, intitulé «Conditions générales», énonce à ses paragraphes 4 et 6:

«4.      L’exemption s’applique à condition que l’accord vertical conclu avec un distributeur ou un réparateur prévoie qu’un fournisseur qui souhaite notifier la résiliation d’un accord soit tenu de le faire par écrit en spécifiant les raisons objectives et transparentes de la décision de résiliation, afin d’éviter qu’un fournisseur ne résilie un accord vertical avec un distributeur ou un réparateur à cause de pratiques qui ne peuvent faire l’objet de restrictions dans le cadre du présent règlement.

[…]

6.      L’exemption s’applique à condition que l’accord vertical prévoie le droit pour chacune des parties de recourir à un expert indépendant ou à un arbitre en cas de litige relatif au respect de leurs obligations contractuelles. Ces litiges peuvent notamment concerner:

[…]

g)      la question de savoir si la résiliation d’un contrat est justifiée par les raisons données dans le préavis.

Le droit visé à la première phrase est sans préjudice du droit, pour chaque partie, de saisir une juridiction nationale.»

8        L’article 4 du règlement n° 1400/2002, intitulé «Restrictions caractérisées», prévoit, à son paragraphe 1, que l’exemption ne s’applique pas aux accords verticaux qui ont pour objet les restrictions énoncées à cette disposition.

9        L’article 5 du même règlement, intitulé «Conditions spécifiques», dispose que l’exemption ne s’applique pas aux obligations qui y sont énumérées et qui sont contenues dans des accords verticaux.

 La réglementation nationale

10      Aux termes de l’article 1184 du code civil belge:

«La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.»

11      En prévoyant une clause expresse de résiliation, les parties peuvent toutefois convenir mutuellement de se placer en dehors du champ d’application dudit article 1184 et prévoir dans quelles circonstances un manquement est suffisamment grave pour justifier une résiliation de plein droit de la convention sans l’intervention d’un juge.

 Le litige au principal et la question préjudicielle

12      Depuis 1992, CMG distribue en Belgique les véhicules de la marque Citroën en vertu de conventions de concession de vente conclues avec Citroën. La dernière de ces conventions portant sur la vente de véhicules automobiles neufs a été conclue le 13 mai 2003 pour une durée indéterminée, avec effet à compter du 1er octobre 2003 (ci‑après la «convention de concession»).

13      En vertu de l’article XVIII de la convention de concession, Citroën peut résilier celle-ci immédiatement, de plein droit et sans mise en demeure, notamment «en cas de revente, en violation des dispositions des articles V et XIV-9°, d’une ou de plusieurs voitures [de marque Citroën] neuves ou immatriculées depuis moins de trois mois et/ou d’équipements et d’accessoires à un revendeur qui n’est pas membre du réseau de distribution officiel de [Citroën], agréé comme revendeur et établi sur le territoire de l’Espace économique européen ou en Suisse».

14      Par ailleurs, l’article XXI de la convention de concession stipule:

«[…] En cas de contestation relative à l’exécution de cette convention et afin d’aboutir à un règlement à l’amiable, chaque partie peut faire appel à un expert, nommé par le président du tribunal de commerce de Bruxelles à la demande de la partie la plus diligente.

Cette disposition ne préjudicie en aucune façon [au] droit de chacune des parties de s’adresser aux tribunaux en cas de contestation portant sur l’exécution de la convention […]»

15      Le 1er juin 2004, Citroën a résilié la convention de concession en vertu de l’article XVIII de celle-ci en raison de la vente par CMG de voitures à la société Interlease NV.

16      CMG a assigné Citroën devant le rechtbank van koophandel te Brussel (tribunal de commerce de Bruxelles) en vue d’obtenir une indemnité pour rupture illégale de la convention de concession. Dans ce cadre, elle soutient, notamment, que la clause expresse de résiliation prévue par cette convention est contraire au règlement n° 1400/2002.

17      Statuant en référé, le président de ladite juridiction a ordonné à Citroën, sous peine d’astreinte, de poursuivre ses relations avec CMG jusqu’à ce qu’il ait été statué sur le fond du litige. Le recours introduit par Citroën contre cette ordonnance devant le hof van beroep te Brussel (cour d’appel de Bruxelles) a été rejeté.

18      Quant au fond, la juridiction de renvoi, faisant siennes les considérations du hof van beroep te Brussel, estime que l’article 3, paragraphe 6, sous g), du règlement n° 1400/2002 semble devoir être interprété en ce sens que le contrat doit être maintenu dans l’attente de la solution du litige. Il en résulterait qu’une clause expresse de résiliation qui permet d’écarter l’intervention préalable d’un expert, d’un arbitre ou d’un juge ne pourrait pas valablement exister en présence de l’un des cas énumérés audit paragraphe 6. L’article XVIII de la convention de concession serait donc, à première vue, non conforme au règlement n° 1400/2002.

19      Dans ces conditions, le rechtbank van koophandel te Brussel a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante:

«L’article 3, paragraphe 6, du règlement […] n° 1400/2002 […] doit‑il être interprété en ce sens qu’il exclut une clause expresse de résiliation figurant dans un contrat de concession pour voitures auquel on souhaite appliquer l’exemption [prévue à l’article 2, paragraphe 1, du même règlement?]»

 Sur la question préjudicielle

20      Par sa question, la juridiction de renvoi demande en substance si l’article 3, paragraphe 6, du règlement n° 1400/2002 doit être interprété en ce sens que l’exemption par catégorie prévue à l’article 2, paragraphe 1, de ce règlement ne s’applique pas aux accords relevant du champ d’application de celui-ci qui contiennent une clause expresse de résiliation, telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un accord peut être résilié par le fournisseur de plein droit et sans préavis en cas de manquement par le distributeur à l’une des obligations contractuelles mentionnées dans ladite clause.

21      Selon CMG, une clause expresse de résiliation doit être considérée comme faussant la concurrence en ce qu’elle place le fournisseur dans une position de force en limitant le pouvoir d’appréciation du juge national en cas de litige. En effet, en présence d’une telle clause, le juge saisi devrait se limiter à examiner si les conditions de son application sont remplies et si la résiliation constitue un abus de droit. Le caractère restrictif de la concurrence de cette clause serait en outre confirmé par le fait que, contrairement au règlement nº 1475/95, le règlement nº 1400/2002 ne prévoit plus la possibilité d’une résiliation extraordinaire en raison d’un manquement à l’une des obligations essentielles du contrat.

22      À cet égard, il convient d’observer d’emblée que, ainsi que Citroën le relève à bon droit, ni l’article 4 ni l’article 5 du règlement n° 1400/2002, qui énoncent de manière limitative les restrictions caractérisées et certaines conditions spécifiques faisant obstacle à l’application de l’exemption par catégorie prévue par ce règlement, ne mentionnent les clauses expresses de résiliation.

23      Certes, ainsi que le relève CMG dans ses observations écrites, le règlement n° 1400/2002, à la différence de l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 1475/95, n’indique plus explicitement que les conditions de l’exemption par catégorie «ne préjugent pas […] du droit d’une partie d’exercer la résiliation extraordinaire de l’accord en raison d’un manquement de l’autre partie à une de ses obligations essentielles».

24      Toutefois, il ne saurait être déduit de ce silence que les clauses expresses de résiliation seraient désormais interdites en tant qu’elles constituent une restriction de la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE. En effet, l’article 5, paragraphe 3, du règlement n° 1475/95 n’avait nullement pour objet d’accorder l’exemption par catégorie à certaines restrictions de la concurrence au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, mais il prévoyait uniquement une simple possibilité qui ne restreignait pas la liberté contractuelle des parties telle que celle-ci s’exerce dans le cadre du droit national applicable (voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2006, Vulcan Silkeborg, C‑125/05, non encore publié au Recueil, point 47).

25      Dans sa décision de renvoi, le rechtbank van koophandel te Brussel se demande cependant si une clause expresse de résiliation, en ce qu’elle permet d’écarter l’intervention préalable d’un expert indépendant, d’un arbitre ou d’un juge, n’est pas contraire à l’article 3, paragraphe 6, du règlement n° 1400/2002. Le respect de cette disposition semblerait en effet exiger qu’un accord faisant l’objet d’une résiliation demeure en vigueur dans l’attente de la solution du litige portant sur la validité de ladite résiliation.

26      Force est toutefois de constater que l’article 3, paragraphe 6, du règlement n° 1400/2002 n’interdit aucune clause contractuelle, mais se borne à exiger, à titre de condition d’application de l’exemption par catégorie, que l’accord avec un distributeur prévoie le droit contractuel pour chacune des parties, sans préjudice de celui de saisir un juge national, de recourir à un expert indépendant ou à un arbitre en cas de litige contractuel portant, notamment, aux termes de cette disposition, sous g), sur la question de savoir si la résiliation du contrat est justifiée par les raisons données dans le préavis.

27      Dès lors, pour respecter ladite condition d’application de l’exemption par catégorie, il suffit, aux termes mêmes de l’article 3, paragraphe 6, du règlement n° 1400/2002, et ainsi qu’il ressort du onzième considérant de celui‑ci, que ledit accord contienne une clause prévoyant un tel droit contractuel. L’énumération des litiges contractuels effectuée par cette disposition n’étant pas limitative, tel doit être le cas que la résiliation ait lieu avec ou sans préavis. En revanche, ladite disposition non plus qu’aucune autre disposition dudit règlement n’exige, pour l’application de l’exemption par catégorie, que l’intervention de l’expert indépendant, de l’arbitre ou du juge ait lieu avant la mise en œuvre de la résiliation ou qu’elle suspende les effets de celle‑ci tant qu’une décision n’aura pas été adoptée quant à la validité de cette résiliation.

28      Il résulte ainsi de ce qui précède qu’aucune disposition du règlement n° 1400/2002 n’interdit aux parties à un accord relevant du champ d’application de ce règlement de prévoir une clause expresse de résiliation telle que celle en cause au principal (voir, en ce sens, arrêt du 30 avril 1998, Cabour, C‑230/96, Rec. p. I‑2055, point 37). Partant, la validité d’une telle clause relève, en principe, non pas dudit règlement, mais du seul droit national.

29      Toutefois, s’agissant de la résiliation d’un accord relevant du champ d’application du règlement n° 1400/2002, il convient de tenir compte du fait que, en vertu de l’article 3, paragraphe 4, de celui‑ci, l’exemption par catégorie s’applique uniquement à condition que l’accord prévoie qu’un fournisseur qui souhaite notifier la résiliation de cet accord soit tenu de le faire par écrit en spécifiant les raisons objectives et transparentes de la décision de résiliation, et ce, selon les termes mêmes de cette disposition, afin d’éviter qu’un fournisseur ne résilie un accord à cause de pratiques qui ne peuvent pas faire l’objet de restrictions dans le cadre dudit règlement. Tel serait le cas, selon le neuvième considérant de ce dernier, si un fournisseur résiliait un accord au motif qu’un distributeur adopte un comportement favorisant la concurrence, consistant notamment dans des ventes actives ou passives à des clients étrangers.

30      Il en résulte, ainsi que le soutiennent tant CMG que la Commission des Communautés européennes, et comme Citroën l’admet d’ailleurs elle même, que lorsqu’un fournisseur résilie un accord en vertu d’une clause expresse de résiliation, le respect des conditions d’application de l’exemption par catégorie instituée par le règlement n° 1400/2002 exige non seulement que ce fournisseur indique par écrit les motifs de cette résiliation, mais également que l’expert indépendant, l’arbitre ou le juge national, auxquels le distributeur a le droit de recourir en vertu de l’article 3, paragraphe 6, dudit règlement pour contester la validité de cette résiliation, soient en mesure d’exercer un contrôle effectif des motifs de celle‑ci.

31      Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si l’existence d’un tel contrôle effectif est garantie par le droit national applicable lorsqu’un accord est résilié par un fournisseur en vertu d’une telle clause expresse de résiliation.

32      À cet égard, compte tenu de l’objectif poursuivi par l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1400/2002, le caractère effectif d’un tel contrôle exige, à tout le moins, que l’expert indépendant, l’arbitre ou le juge soient en mesure de vérifier que la résiliation effectuée par le fournisseur n’est pas motivée par des pratiques du distributeur qui ne peuvent pas faire l’objet de restrictions dans le cadre dudit règlement.

33      Par ailleurs, en cas de violation par un fournisseur de la condition d’application de l’exemption par catégorie énoncée à l’article 3, paragraphe 4, du règlement n° 1400/2002, le juge national doit être en mesure d’en tirer toutes les conséquences, conformément au droit national, tant en ce qui concerne la validité de l’accord en cause au regard de l’article 81 CE qu’en ce qui concerne la réparation du dommage éventuellement causé au distributeur lorsqu’il existe un lien de causalité entre ce dommage et une entente ou une pratique contraire à l’article 81 CE (voir, en ce sens, arrêts du 20 septembre 2001, Courage et Crehan, C‑453/99, Rec. p. I‑6297, point 26, et du 13 juillet 2006, Manfredi e.a., C‑295/04 à C‑298/04, non encore publié au Recueil, points 60, 61 et 90).

34      Quant à la question de savoir si l’intervention d’un expert indépendant, d’un arbitre ou d’un juge national doit avoir lieu préalablement à la résiliation ou si les effets de celle-ci doivent être suspendus dans l’attente d’une décision quant à la validité d’une telle résiliation, il convient de rappeler que, en l’absence de réglementation communautaire en la matière, aucune disposition du règlement n° 1400/2002 ne comportant, ainsi qu’il résulte du point 27 du présent arrêt, une telle exigence, il appartient à l’ordre juridique de chaque État membre de désigner les juridictions compétentes et de fixer les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent de l’effet direct du droit communautaire, pour autant que ces modalités ne soient pas moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe d’équivalence) et qu’elles ne rendent pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique communautaire (principe d’effectivité) (voir, notamment, arrêts précités Courage et Crehan, point 29, ainsi que Manfredi e.a., points 62 et 71).

35      Conformément au principe d’équivalence, un expert indépendant, un arbitre ou un juge national chargés d’apprécier, au regard du droit communautaire de la concurrence, la validité d’une résiliation prononcée en vertu d’une clause expresse de résiliation ne sauraient être tenus d’intervenir préalablement à cette résiliation si, comme il ressort de la décision de renvoi et ainsi que les parties au litige au principal l’ont indiqué en substance lors de l’audience en réponse aux questions de la Cour, une telle intervention préalable n’est pas non plus requise lorsque la validité d’une telle résiliation est examinée au regard de dispositions similaires du droit interne. De même, il n’apparaît pas que les conditions de l’intervention du juge des référés dans le cadre d’actions fondées sur les règles communautaires de concurrence soient moins favorables que celles applicables dans le cadre d’actions similaires fondées sur le droit interne, ce point devant toutefois faire l’objet des vérifications de la juridiction de renvoi.

36      En ce qui concerne le principe d’effectivité, dès lors que la validité, au regard du règlement n° 1400/2002, des motifs d’une résiliation prononcée en vertu d’une clause expresse de résiliation doit faire l’objet d’un contrôle satisfaisant aux conditions énoncées aux points 29 à 33 du présent arrêt, le fait qu’une telle clause a pour effet d’exclure l’intervention préalable d’un expert indépendant, d’un arbitre ou d’un juge national et que les effets de ladite résiliation ne sont pas suspendus dans l’attente d’une décision quant à la validité de cette résiliation ne sauraient être considérés comme rendant pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par ledit règlement.

37      En conséquence, il y a lieu de répondre à la question posée que l’article 3, paragraphe 6, du règlement n° 1400/2002 doit être interprété en ce sens que le seul fait qu’un accord relevant du champ d’application de ce règlement prévoie une clause expresse de résiliation telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un tel accord peut être résilié de plein droit et sans préavis par le fournisseur en cas de manquement du distributeur à l’une des obligations contractuelles mentionnées dans ladite clause, n’a pas pour effet de rendre l’exemption par catégorie prévue à l’article 2, paragraphe 1, dudit règlement inapplicable à cet accord.

 Sur les dépens

38      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle‑ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit:

L’article 3, paragraphe 6, du règlement (CE) n° 1400/2002 de la Commission, du 31 juillet 2002, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées dans le secteur automobile, doit être interprété en ce sens que le seul fait qu’un accord relevant du champ d’application de ce règlement prévoie une clause expresse de résiliation telle que celle en cause au principal, en vertu de laquelle un tel accord peut être résilié de plein droit et sans préavis par le fournisseur en cas de manquement du distributeur à l’une des obligations contractuelles mentionnées dans ladite clause, n’a pas pour effet de rendre l’exemption par catégorie prévue à l’article 2, paragraphe 1, dudit règlement inapplicable à cet accord.

Signatures


* Langue de procédure: le néerlandais.