Language of document : ECLI:EU:T:2021:870

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

8 décembre 2021 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Énergie – Directive 2010/30/UE – Indication, par voie d’étiquetage et d’informations uniformes relatives aux produits, de la consommation en énergie – Règlement délégué (UE) no 665/2013 – Étiquetage énergétique des aspirateurs – Efficacité énergétique – Méthode de mesure – Annulation par le Tribunal – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers »

Dans l’affaire T‑127/19,

Dyson Ltd, établie à Malmesbury (Royaume-Uni), et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe (1), représentées par MM. E. Batchelor, T. Selwyn Sharpe et Mme M. Healy, solicitors,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par M. J.-F. Brakeland, Mmes Y. Marinova et K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que les requérantes auraient prétendument subi du fait de l’illégalité du règlement délégué (UE) no 665/2013 de la Commission, du 3 mai 2013, complétant la directive 2010/30/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’étiquetage énergétique des aspirateurs (JO 2013, L 192, p. 1),

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos, président, V. Valančius et M. Sampol Pucurull (rapporteur), juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 25 janvier 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La première requérante, Dyson Ltd, ainsi que les autres requérantes, qui font partie du même groupe et dont les noms figurent en annexe, fabriquent des aspirateurs cycloniques sans sac.

2        Par arrêt du 11 novembre 2015, Dyson/Commission (T‑544/13, EU:T:2015:836), le Tribunal a rejeté le recours formé par la première requérante et tendant à l’annulation du règlement délégué (UE) no 665/2013 de la Commission, du 3 mai 2013, complétant la directive 2010/30/UE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’étiquetage énergétique des aspirateurs (JO 2013, L 192, p. 1). Cet arrêt a été annulé par la Cour par arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission (C‑44/16 P, EU:C:2017:357). La Cour a renvoyé l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur la première branche du premier moyen, pris de l’incompétence de la Commission européenne, et sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, invoqués en première instance, tout en réservant les dépens.

3        Par arrêt du 8 novembre 2018, Dyson/Commission (T‑544/13 RENV, EU:T:2018:761), le Tribunal a annulé le règlement délégué no 665/2013 et a condamné la Commission aux dépens.

 Procédure et conclusions des parties

4        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 février 2019, les requérantes ont introduit le présent recours.

5        La Commission, par acte déposé au greffe du Tribunal le 6 mai 2019, a sollicité l’adoption d’une mesure d’organisation de la procédure consistant à ce que le Tribunal détermine à titre liminaire si les conditions de l’engagement de la responsabilité de l’Union européenne en vertu de l’article 340 TFUE étaient satisfaites, à l’exclusion de toute question portant sur l’existence d’un quelconque préjudice allégué par les requérantes et, partant, de dispenser les parties de traiter les questions portant sur le montant du préjudice allégué jusqu’à nouvel ordre.

6        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 juin 2019, les requérantes se sont opposées à cette demande.

7        Le Tribunal n’a pas fait droit à cette demande.

8        Par décision du 18 octobre 2019, le président du Tribunal, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, a réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur affecté à la septième chambre.

9        Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (septième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité les parties à présenter leurs observations sur certaines questions lors de l’audience.

10      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner la Commission au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu’elles ont subi du fait de l’illégalité du règlement délégué no 665/2013, à savoir 176 100 000 euros, y compris les intérêts compensatoires, dans la situation contrefactuelle en l’absence d’étiquetage, calculés à compter de l’entrée en vigueur dudit règlement délégué et jusqu’au 19 janvier 2019, date à laquelle ce règlement délégué a été annulé, au taux composé de 2,05 % (soit 8 000 000 euros) ou, à titre subsidiaire, 127 100 000 euros, y compris les intérêts compensatoires, dans la situation contrefactuelle du réservoir chargé, calculés à compter de l’entrée en vigueur du règlement délégué en question du 3 mai 2013 et jusqu’au 19 janvier 2019, date à laquelle le même règlement délégué a été annulé, au taux composé de 2,05 % (soit 5 100 000 euros) ;

–        condamner la Commission aux dépens.

11      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

12      Les requérantes demandent réparation du préjudice qu’elles prétendent avoir subi du fait de l’illégalité du règlement délégué no 665/2013. Elles soutiennent, en substance, que la Commission a commis plusieurs violations suffisamment caractérisées d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers, de nature à engager la responsabilité non contractuelle de l’Union. Elles font valoir que ces violations leur ont causé un préjudice et qu’il existe un lien de causalité direct entre ce préjudice et l’illégalité dudit règlement délégué.

 Sur les conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union

13      En vertu de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en matière de responsabilité non contractuelle, l’Union doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par ses institutions ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

14      Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union suppose la réunion de trois conditions cumulatives, à savoir que la règle de droit violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers et que la violation soit suffisamment caractérisée, que la réalité du dommage soit établie et, enfin, qu’il existe un lien de causalité direct entre la violation de l’obligation qui incombe à l’auteur de l’acte et le dommage subi par les personnes lésées (voir, en ce sens, arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, points 39 à 42, et du 13 décembre 2018, Union européenne/Kendrion, C‑150/17 P, EU:C:2018:1014, point 117). Le caractère cumulatif de ces conditions implique que, dès lors que l’une d’entre elles n’est pas remplie, la responsabilité non contractuelle de l’Union ne saurait être engagée (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, points 63 et 64, et du 15 juin 2000, Dorsch Consult/Conseil et Commission, C‑237/98 P, EU:C:2000:321, point 54).

15      Le critère décisif pour considérer qu’une violation du droit de l’Union est suffisamment caractérisée est celui de la méconnaissance manifeste et grave, par l’institution ou l’organe de l’Union concerné, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation (arrêts du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C‑352/98 P, EU:C:2000:361, point 43, et du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, EU:C:2017:256, point 31).

16      L’exigence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union découle de la nécessité d’une mise en balance entre, d’une part, la protection des particuliers contre les agissements illégaux des institutions et, d’autre part, la marge de manœuvre qui doit être reconnue à ces dernières afin de ne pas paralyser leur action (arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 34).

17      Une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers est établie lorsqu’elle implique une méconnaissance manifeste et grave par l’institution concernée des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation, les éléments à prendre en considération à cet égard étant, notamment, la complexité des situations à régler, les difficultés d’application ou d’interprétation des textes, le degré de clarté et de précision de la règle violée ainsi que l’étendue de la marge d’appréciation que la règle enfreinte laisse à l’institution de l’Union et le caractère intentionnel ou inexcusable de l’erreur commise (voir, en ce sens, arrêts du 30 mai 2017, Safa Nicu Sepahan/Conseil, C‑45/15 P, EU:C:2017:402, point 30 et jurisprudence citée, et du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 40 et jurisprudence citée).

18      Conformément à ces critères, il y a lieu de prendre en compte, plus généralement, le domaine, les conditions et le contexte dans lesquels la règle méconnue s’impose à l’institution ou à l’organe de l’Union concerné (voir arrêt du 4 avril 2017, Médiateur/Staelen, C‑337/15 P, EU:C:2017:256, point 40 et jurisprudence citée).

19      Lorsque l’institution concernée ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, la simple infraction au droit de l’Union peut suffire à établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (voir arrêt du 23 novembre 2011, Sison/Conseil, T‑341/07, EU:T:2011:687, point 35 et jurisprudence citée).

20      Toutefois, il n’existe aucun lien automatique entre, d’une part, l’absence de pouvoir d’appréciation de l’institution concernée et, d’autre part, la qualification de l’infraction de violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union (arrêt du 3 mars 2010, Artegodan/Commission, T‑429/05, EU:T:2010:60, point 59).

21      Ainsi, seule la constatation d’une irrégularité que n’aurait pas commise, dans des circonstances analogues, une administration normalement prudente et diligente permet d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union (arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 43).

22      Il appartient dès lors au juge de l’Union, après avoir déterminé, d’abord, si la Commission disposait d’une marge d’appréciation, de prendre en considération, ensuite, la complexité des situations à régler, les difficultés d’application ou d’interprétation des textes, le degré de clarté et de précision de la règle violée ainsi que l’étendue de la marge d’appréciation que la règle enfreinte laisse à l’institution de l’Union et le caractère intentionnel ou inexcusable de l’erreur commise.

 Sur les illégalités alléguées

23      Les requérantes soutiennent que la Commission a enfreint de façon manifeste et grave quatre règles de droit destinées à conférer des droits aux particuliers, à savoir l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30/UE du Parlement européen et du Conseil, du 19 mai 2010, concernant l’indication, par voie d’étiquetage et d’informations uniformes relatives aux produits, de la consommation en énergie et en autres ressources des produits liés à l’énergie (JO 2010, L 153, p. 1), le principe d’égalité de traitement, le principe de bonne administration ou son obligation de diligence et le droit d’exercer une activité professionnelle.

24      Il y a lieu de vérifier, à la lumière des critères mentionnés aux points 13 à 22 ci-dessus, si, ainsi que l’allèguent les requérantes, la Commission a commis des violations du droit de l’Union suffisamment caractérisées pour être susceptibles d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

 Sur la violation de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30

25      Les requérantes soutiennent que la Cour a définitivement jugé que la Commission, en adoptant une méthode normalisée de test fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide, avait enfreint l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30 (arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, points 60 et 68). Elles font valoir, en substance, qu’il s’agit d’une violation manifeste et grave d’une règle de droit destinée à conférer des droits aux particuliers, susceptible d’engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

26      Selon les requérantes, en adoptant une étiquette énergétique qui repose sur une méthode normalisée de test fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide, la Commission a manifestement dépassé les limites de son pouvoir d’appréciation. Le Tribunal et la Cour auraient rejeté l’idée selon laquelle l’utilisation d’un test à réservoir vide reflète les conditions normales d’utilisation d’un aspirateur (arrêts du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 52, et du 8 novembre 2018, Dyson/Commission, T‑544/13 RENV, EU:T:2018:761, points 72 et 73). Les requérantes exposent que les aspirateurs qui ne reposent pas sur la technologie cyclonique voient leurs performances baisser à mesure que se remplit le réservoir, en raison d’un effet d’obstruction dû à l’accumulation de poussière dans l’aspirateur. Un test de performance fondé sur l’utilisation d’un réservoir chargé serait plus représentatif des conditions normales d’usage et donnerait une base de comparaison plus fiable entre tous les types d’aspirateurs qu’un test fondé sur l’utilisation d’un réservoir vide, dans la mesure où ce dernier type de test occulterait l’impact de l’effet d’obstruction sur la performance de l’appareil.

27      À cet égard, il convient de rappeler que, parmi les moyens invoqués à l’appui du recours en annulation dirigé contre le règlement délégué no 665/2013, la première requérante avait invoqué, notamment, l’incompétence de la Commission au regard des critères d’habilitation définis à l’article 10 de la directive 2010/30 ainsi que la violation du principe d’égalité de traitement.

28      S’agissant du moyen pris de l’incompétence de la Commission, la Cour a jugé que l’exigence selon laquelle les informations fournies aux consommateurs doivent refléter la consommation énergétique pendant l’utilisation de l’appareil, telle qu’elle découle des articles 1er et 10, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2010/30, constituait un élément essentiel de celle-ci (arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 63).

29      Selon la Cour, la Commission avait donc l’obligation de retenir une méthode de calcul qui permette de mesurer la performance énergétique des aspirateurs dans des conditions aussi proches que possible des conditions réelles d’utilisation, exigeant que le réservoir de l’aspirateur soit rempli à un certain niveau (arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 68).

30      Or, la Cour a relevé que c’est en s’appuyant sur une dénaturation des faits et une violation de son obligation de motivation que le Tribunal avait constaté qu’aucune méthode de mesure fondée sur des tests au moyen de réservoirs chargés ne serait reproductible. Dans ces conditions, ne pouvant se fonder sur un tel constat pour statuer en procédant à une substitution de motifs ni statuer au fond sur les moyens de première instance pris du défaut de compétence de la Commission et d’une inégalité de traitement, la Cour a renvoyé l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue sur ces moyens (arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, points 70, 77, 83 et points 1 et 2 du dispositif).

31      Par arrêt du 8 novembre 2018, Dyson/Commission (T‑544/13 RENV, EU:T:2018:761), le Tribunal a annulé le règlement délégué no 665/2013 dans son intégralité, sans statuer sur le moyen pris d’une inégalité de traitement. Cet arrêt a acquis autorité de chose jugée.

32      L’argumentation des requérantes reposant sur la violation de l’exigence selon laquelle les informations fournies aux consommateurs doivent refléter la consommation énergétique pendant l’utilisation de l’appareil, qui constitue un élément essentiel de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30, porte, en substance, sur l’incompétence de la Commission pour adopter le règlement délégué no 665/2013.

33      Or, la Cour a considéré que l’ampleur du pouvoir d’appréciation concédé par l’acte d’habilitation était une question de droit distincte de celle relative au respect des limites du mandat confié par l’acte d’habilitation et que le contrôle du respect de ces deux exigences répondait à des standards différents (arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 52).

34      À cet égard, la Cour a rappelé que la possibilité de déléguer des pouvoirs prévue à l’article 290 TFUE visait à permettre au législateur de se concentrer sur les éléments essentiels d’une législation ainsi que sur les éléments non essentiels sur lesquels il estimait opportun de légiférer tout en confiant à la Commission la tâche de « compléter » certains éléments non essentiels de l’acte législatif adopté ou encore de « modifier » de tels éléments dans le cadre d’une délégation conférée à celle-ci (arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 58).

35      La Cour a néanmoins souligné que la question de savoir si le règlement délégué no 665/2013 ne visait qu’à compléter, et non à modifier, la directive 2010/30 n’était pas pertinente en l’espèce, car aucune de ces deux catégories de pouvoirs délégués n’autorise, en tout état de cause, la Commission à méconnaître un élément essentiel de l’acte d’habilitation (arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 65).

36      Il s’ensuit que la Commission ne disposait d’aucune marge d’appréciation lui permettant d’outrepasser le mandat qui lui a été confié par l’acte d’habilitation, un tel pouvoir délégué devant respecter, en toute hypothèse, les éléments essentiels de l’acte d’habilitation et s’insérer dans le cadre réglementaire tel qu’il est défini par l’acte législatif de base (arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 53).

37      Cependant, l’absence de marge d’appréciation n’est pas suffisante pour conclure à l’existence d’une violation suffisamment caractérisée du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 26 janvier 2006, Medici Grimm/Conseil, T‑364/03, EU:T:2006:28, point 87).

38      En effet, afin de déterminer si la Commission a commis une violation suffisamment caractérisée de l’obligation de respecter l’élément essentiel de l’acte d’habilitation que constitue l’exigence prévue à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30, il convient encore de prendre en considération la complexité des situations à régler, les difficultés d’application ou d’interprétation des textes, le degré de clarté et de précision de la règle violée et le caractère intentionnel ou inexcusable de l’erreur commise.

39      S’agissant des difficultés d’application ou d’interprétation des textes et du degré de clarté et de précision de la règle violée, les requérantes soutiennent que l’obligation, prévue à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30, imposant à la Commission d’adopter un étiquetage énergétique reposant sur une méthode de test qui « mesur[e] la performance énergétique des aspirateurs dans des conditions aussi proches que possible des conditions réelles d’utilisation » n’est ni obscure, ni imprécise, ni ambiguë, ce que la Commission conteste.

40      Le Tribunal estime que, afin de déterminer si le respect par la Commission des limites résultant des éléments essentiels de l’acte d’habilitation définis à l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30 soulevait des questions complexes et des difficultés d’application ou d’interprétation des textes au regard, notamment, du degré de clarté et de précision de la règle violée, il convient de se référer à l’arrêt du 8 novembre 2018, Dyson/Commission (T‑544/13 RENV, EU:T:2018:761), dont la portée doit être déterminée à la lumière de l’arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission (C‑44/16 P, EU:C:2017:357).

41      Il ressort du point 68 de l’arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission (C‑44/16 P, EU:C:2017:357), que si la Commission avait l’obligation de retenir une méthode de calcul qui permette de mesurer la performance énergétique des aspirateurs dans des conditions aussi proches que possible des conditions réelles d’utilisation, exigeant que le réservoir de l’aspirateur soit rempli à un certain niveau, la Cour a néanmoins précisé que cette obligation devait être comprise « compte tenu toutefois des exigences liées à la validité scientifique des résultats obtenus et à l’exactitude des informations fournies aux consommateurs telles qu’elles sont notamment visées au considérant 5 et à l’article 5, sous b), de [la directive 2010/30] ».

42      Le renvoi de l’affaire devant le Tribunal au motif que la Cour ne disposait pas des éléments factuels lui permettant de statuer sur le moyen pris du défaut de compétence de la Commission au regard de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30 ne saurait être considéré comme étant dépourvu de pertinence aux fins de l’appréciation des difficultés d’application ou d’interprétation des textes au regard, notamment, du degré de clarté et de précision de la règle violée. Nonobstant les motifs ayant conduit le Tribunal à accueillir le moyen pris du défaut de compétence de la Commission, il ressort du point 68 de l’arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission (C‑44/16 P, EU:C:2017:357), que la question du respect par la Commission de ladite disposition nécessitait au préalable de mettre en balance, d’une part, l’obligation de retenir une méthode de calcul qui permette de mesurer la performance énergétique des aspirateurs dans des conditions aussi proches que possible des conditions réelles d’utilisation, exigeant que le réservoir de l’aspirateur soit rempli à un certain niveau avec, d’autre part, les exigences liées à la validité scientifique des résultats obtenus et à l’exactitude des informations fournies aux consommateurs. En effet, si une telle mise en balance n’avait pas été nécessaire à la lumière des faits dûment établis, la Cour aurait été en mesure de statuer sur le recours sans renvoyer l’affaire devant le Tribunal.

43      En dépit des motifs de l’arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission (C‑44/16 P, EU:C:2017:357), par lesquels la Cour l’invitait à vérifier si la méthode normalisée de test fondée sur l’utilisation d’un réservoir chargé pouvait être considérée comme reproductible, ainsi que l’affirmait la première requérante, le Tribunal, après renvoi, n’a pas estimé nécessaire de statuer sur cette question de fait. Il a, en effet, interprété les motifs exposés au point 68 dudit arrêt en ce sens que, pour que la méthode retenue par la Commission soit conforme aux éléments essentiels de la directive 2010/30, deux conditions cumulatives doivent être remplies. D’une part, le réservoir de l’aspirateur doit être rempli à un certain niveau. D’autre part, la méthode retenue doit satisfaire à certaines exigences liées à la validité scientifique des résultats obtenus et à l’exactitude des informations fournies aux consommateurs (arrêt du 8 novembre 2018, Dyson/Commission, T‑544/13 RENV, EU:T:2018:761, points 69 à 71).

44      La Commission ayant retenu une méthode de calcul de la performance énergétique des aspirateurs fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide, le Tribunal a constaté que la première de ces conditions n’était pas remplie. Il a conclu que la Commission avait méconnu un élément essentiel de l’acte d’habilitation (arrêt du 8 novembre 2018, Dyson/Commission, T‑544/13 RENV, EU:T:2018:761, points 72 et 73) et a, en conséquence, annulé le règlement délégué no 665/2013.

45      Ces éléments tendent à démontrer que l’application de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30 au cas spécifique des aspirateurs était de nature à susciter certaines différences d’appréciation, indicatives de difficultés d’interprétation au regard du degré de clarté et de précision de cette disposition et, plus généralement, de la directive 2010/30 prise dans son ensemble.

46      S’agissant de la complexité de la situation à régler ainsi que du caractère intentionnel ou inexcusable de l’erreur commise, les requérantes soutiennent que l’obligation d’utiliser une méthode de test aussi proche que possible des conditions réelles d’utilisation, exigeant que le réservoir de l’aspirateur soit rempli à un certain niveau, ne soulevait aucune complexité particulière. La Commission aurait déjà bénéficié d’expérience en matière de tests de consommation électrique d’appareils ménagers conduits dans des conditions de charge reflétant leur utilisation normale, notamment s’agissant des fours et des lave-linges. À la date d’adoption du règlement délégué no 665/2013, plusieurs méthodes de test fondées sur l’utilisation d’un réservoir chargé existaient, notamment celle visée à la section 5.9 de la norme harmonisée EN 60312-1(2013) du Comité européen de normalisation électrotechnique (Cenelec) (ci-après la « norme Cenelec »). Ces méthodes de test, connues de longue date des fabricants, auraient été utilisées par les associations de consommateurs ainsi que par les organismes nationaux de tests indépendants. Les requérantes soulignent, à cet égard, que la méthode de mesure de performance de dépoussiérage est tout aussi valable pour un aspirateur à réservoir vide que chargé, ainsi qu’il résulte de l’objectif de la méthode de test visée au point 5.9.1 de ladite norme. La Commission ne saurait donc prétendre qu’il était trop complexe pour elle de s’appuyer sur une telle méthode de test.

47      Les requérantes affirment qu’il n’existait aucune preuve permettant de considérer que la méthode de test visée à la section 5.9 de la norme Cenelec ne répondait pas aux exigences de précision, de fiabilité et de reproductibilité. L’objectivité et la comparabilité des résultats des tests issus de cette norme seraient garantis par l’utilisation de trois points d’arrêts, reflétant les conditions d’utilisation par les consommateurs. La Commission disposait donc, de l’avis des requérantes, d’une méthode de test scientifiquement valable pour mesurer la consommation énergétique des aspirateurs à réservoir chargé.

48      Les requérantes font valoir que la Commission ne saurait échapper à sa responsabilité en se retranchant derrière le rôle du Cenelec et, plus particulièrement, du mandat confié à ce dernier en 2004 pour l’élaboration et l’adoption de méthodes normalisées pour mesurer la consommation et la performance énergétique des aspirateurs (ci-après le « mandat M353 »). Selon elles, ce mandat a été fondé sur la directive relative à l’étiquetage énergétique alors en vigueur, à savoir la directive 92/75/CEE du Conseil, du 22 septembre 1992, concernant l’indication de la consommation des appareils domestiques en énergie et en autres ressources par voie d’étiquetage et d’informations uniformes relatives aux produits (JO 1992, L 297, p. 16). Elles estiment toutefois que cette directive ne prévoyait pas de conditions de test « pendant l’utilisation », contrairement à la directive 2010/30. Elles soulignent d’ailleurs que les tests effectués par le Cenelec sur la base de ce mandat ont échoué et que le mandat M353 n’a jamais été « achevé ».

49      Les requérantes allèguent qu’il n’existe aucune preuve antérieure à l’adoption du règlement délégué no 665/2013 qui infirmerait le caractère reproductible de la méthode de test visée à la section 5.9 de la norme Cenelec. Le rapport de l’entreprise AEA Energy & Environment intitulé « Report to the Commission, Preparatory studies for Eco-Design Requirements of EUPs (II), Lot 17 Vacuum Cleaners », daté du mois de février 2009 (ci-après le « rapport AEA ») aurait été préparé dans le cadre de la directive 2005/32/CE du Parlement européen et du Conseil, du 6 juillet 2005, établissant un cadre pour la fixation d’exigences en matière d’écoconception applicables aux produits consommateurs d’énergie et modifiant la directive 92/42/CEE du Conseil et les directives 96/57/CE et 2000/55/CE du Parlement européen et du Conseil (JO 2005, L 191, p. 29), et non pour la directive 2010/30. L’AEA n’aurait émis des réserves que sur certaines parties de ladite norme sans rapport avec ladite section. Les requérantes soutiennent que si cette méthode de test n’exige pas nécessairement un réservoir plein, mais seulement un réservoir chargé, cela n’affecte pas son caractère reproductible. Elles ajoutent que la Cour a jugé que le Tribunal « ne pouvait tenir pour établi […] que “des doutes subsistent s’agissant de la reproductibilité” de la méthode [de test visée dans cette section] » (arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 42).

50      Les requérantes soulignent que la méthode de test visée à la section 5.9 de la norme Cenelec a été choisie par la Commission pour la mise en œuvre du règlement (UE) no 666/2013 de la Commission, du 8 juillet 2013, portant application de la directive 2009/125/CE du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les exigences d’écoconception applicables aux aspirateurs (JO 2013, L 192, p. 4). Mesurer la consommation énergétique d’un aspirateur ou la durabilité de son moteur supposerait dans les deux cas de tenir compte des effets d’obstruction dus à la poussière. Le fait que la Commission ait utilisé ladite méthode de test dans le cadre de ce règlement démontrerait qu’il n’existait aucun doute quant à la fiabilité ou à la reproductibilité de cette dernière.

51      Enfin, les requérantes soutiennent que l’illégalité commise par la Commission était inexcusable, car la Commission connaissait la perte de puissance liée à l’effet d’obstruction, et par voie de conséquence, l’importance des tests fondés sur l’utilisation d’un réservoir chargé et le caractère trompeur des tests fondés sur l’utilisation d’un réservoir vide. Elles estiment que l’utilisation de cette dernière méthode de test était donc injustifiée et trompeuse pour les consommateurs. Selon elles, si la Commission estimait qu’elle ne pouvait respecter l’exigence « pendant l’utilisation », elle aurait dû tenter de modifier les dispositions d’habilitation de la directive 2010/30 (arrêt du 8 novembre 2018, Dyson/Commission, T‑544/13 RENV, EU:T:2018:761, point 76).

52      Le Tribunal considère qu’il y a lieu de déterminer si la méconnaissance par la Commission de l’élément essentiel issu de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30 consistant à retenir une méthode de calcul qui permette de mesurer la performance énergétique des aspirateurs dans des conditions aussi proches que possible des conditions réelles d’utilisation, exigeant que le réservoir de l’aspirateur soit rempli à un certain niveau, peut être considérée comme suffisamment caractérisée pour pouvoir engager la responsabilité non contractuelle de l’Union. Afin de statuer sur l’argumentation des requérantes, il est nécessaire, pour les raisons exposées au point 68 de l’arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission (C‑44/16 P, EU:C:2017:357), de déterminer si la Commission a pu écarter l’utilisation de la méthode de test visée à la section 5.9 de la norme Cenelec compte tenu de doutes concernant la validité scientifique des résultats obtenus et de l’exactitude des informations fournies aux consommateurs. Seule une violation manifeste et grave des limites qui s’imposent au pouvoir d’appréciation dont la Commission dispose à cet égard est susceptible d’engager la responsabilité de l’Union.

53      Pour répondre à cette question, il importe de rappeler qu’il ressort de l’article premier de la directive 2010/30 que cette dernière établissait un cadre pour l’harmonisation des mesures nationales concernant l’information des utilisateurs finals, notamment par voie d’étiquetage sur la consommation d’énergie pendant l’utilisation de produits liés à l’énergie. L’objectif ainsi poursuivi était de permettre à ces utilisateurs de choisir des produits ayant un meilleur rendement, et ce afin d’orienter leur choix informé au profit des produits consommant moins d’énergie pendant l’utilisation, ainsi qu’il est également souligné au considérant 4 de cette directive. À cette fin, l’article 10 de ladite directive fait obligation à la Commission d’adopter des actes délégués en ce qui concerne l’étiquetage des produits liés à l’énergie présentant un potentiel notable d’économies d’énergie et des niveaux de performance très variés pour des fonctionnalités équivalentes, ainsi qu’il ressort du considérant 1 du règlement délégué no 665/2013. La Commission disposait à cette fin, d’une période de cinq années, à compter du 19 juin 2010, conformément à l’article 11, paragraphe 1, de la même directive.

54      La classe d’efficacité énergétique d’un aspirateur entrant dans le champ d’application du règlement délégué no 665/2013 dépendait de sa consommation annuelle d’électricité, celle-ci étant définie à partir de la performance de dépoussiérage ainsi que de la consommation d’énergie dans des conditions normales d’utilisation, selon une formule définie à l’annexe VI de ce règlement délégué.

55      La Commission était tenue d’utiliser des normes et des méthodes de mesures harmonisées afin de déterminer les modalités de calcul de ces indicateurs. Il ressort en effet de l’article 10, paragraphe 4, sous b), de la directive 2010/30 que la Commission avait l’obligation d’indiquer, dans les actes délégués, les normes et les méthodes de mesures à appliquer pour obtenir les informations relatives à l’énergie des produits régis pas ces actes délégués, le considérant 8 de cette directive indiquant à cet égard que « la consommation d’énergie et les autres données concernant les produits devraient être mesurées selon des normes et des méthodes harmonisées ».

56      En outre, le considérant 4 du règlement délégué no 665/2013 indiquait, à l’égard des aspirateurs entrant dans son champ d’application, que les informations relatives à l’efficacité énergétique destinées à être portées à la connaissance des utilisateurs finals par la voie de l’étiquetage, « devaient être obtenues à l’aide de mesures fiables, précises et reproductibles tenant compte des méthodes de mesure reconnues les plus récentes, y compris, lorsqu’elles existent, des normes harmonisées ». L’article 5 de ce règlement délégué, intitulé « Méthode de mesure », exigeait ainsi que les informations à fournir soient « obtenues en appliquant des méthodes de mesure et de calcul fiables, précises et reproductibles, qui tiennent compte des méthodes de mesure et de calcul reconnues les plus récentes, comme indiqué à l’annexe VI ». Tout en rappelant cette exigence, le point 1 de cette annexe se référait à cette fin aux « normes harmonisées dont les numéros de référence ont été publiés à cet effet au Journal officiel de l’Union européenne », étant précisé que ces normes « [devaient] être conformes aux définitions, conditions, équations et paramètres techniques énoncés dans la présente annexe ».

57      La Commission a publié les références de la norme Cenelec dans une communication au Journal officiel de l’Union européenne du 20 août 2014 (JO 2014, C 272, p. 5). Cette communication précise, d’une part, que cette norme doit être complétée afin de préciser les exigences juridiques qu’elle a pour objet de couvrir et, d’autre part, que la section 5.9 de ladite norme ne fait pas partie de la présente citation.

58      La conséquence pratique de cette exclusion est que, aux fins de l’application de l’annexe VI du règlement délégué no 665/2013, la norme harmonisée concernant le calcul de la performance de dépoussiérage et de la consommation d’énergie annuelle des aspirateurs était déterminée sur la base d’essais fondés sur l’utilisation d’un réservoir vide, conformément aux dispositions pertinentes de la norme Cenelec ainsi que des sections 4.5 et 5.3 de ladite norme.

59      À cet égard, il importe de relever que l’essentiel de la motivation du règlement délégué no 665/2013 figurait à l’article 7 de celui-ci, intitulé « Révision », en vertu duquel :

« La Commission réexamine le présent règlement sur la base du progrès technologique au plus tard cinq ans après son entrée en vigueur. Ce réexamen porte en particulier sur […] la faisabilité de l’utilisation, pour la consommation annuelle d’énergie, le taux de dépoussiérage et l’émission de poussière, de méthodes de mesure fondées sur un réservoir partiellement rempli plutôt que vide. »

60      Il découle de l’article 7 du règlement délégué no 665/2013 que la Commission a estimé, au vu de l’état des connaissances techniques, que la méthode de test visée à la section 5.9 de la norme Cenelec ne pouvait être retenue au titre de l’article 10, paragraphe 4, sous b), de la directive 2010/30. Une telle exclusion doit être interprétée en ce sens que la Commission, aux fins de l’évaluation de la performance énergétique des aspirateurs, a implicitement estimé que ladite méthode de test ne constituait pas une méthode de mesure et de calcul fiable, précise et reproductible, au sens de l’article 5 dudit règlement délégué. La Commission a ainsi préféré opter pour une méthode d’essai fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide qui, bien que reflétant une gamme d’utilisation plus étroite qu’une méthode fondée sur l’utilisation d’un réservoir chargé, répondait aux critères de fiabilité, de précision et de reproductibilité.

61      S’agissant de l’argumentation par laquelle les requérantes soutiennent qu’il n’existait, à la date d’adoption du règlement délégué no 665/2013, aucune preuve permettant de considérer que la méthode de test visée à la section 5.9 de la norme Cenelec ne répondait pas aux critères de précision, de fiabilité et de reproductibilité, il convient de constater que ladite méthode de test résulte d’un effort de normalisation de la Commission électrotechnique internationale (IEC), remontant à 1971, selon les indications fournies par les requérantes. Au gré de l’évolution des techniques et de la conception des aspirateurs, la mise en œuvre de cette méthode de test a donné lieu à des discussions en vue de son adaptation.

62      Le 25 juin 2004, dans le cadre de travaux liés à la directive 92/75, la Commission a confié le mandat M353 au Cenelec afin d’élaborer une norme devant porter, notamment, sur les mesures de consommation énergétique, la performance de dépoussiérage, l’émission de poussière ainsi que la taille utilisable du réservoir à poussière.

63      Conformément au mandat M353, les méthodes de mesure devaient, autant que possible, être indépendantes du type d’aspirateur testé, refléter la consommation énergétique pendant l’utilisation effective de l’appareil, couvrir l’ensemble des aspirateurs à usage domestique susceptibles d’être soumis aux exigences d’informations sur leur consommation et leur performance énergétique, tout en évitant de favoriser injustement un type de produit par rapport à un autre et que les aspirateurs ne puissent être programmés pour reconnaître et réagir aux cycles de tests.

64      Contrairement à ce que prétendent les requérantes, le mandat M353 est donc pertinent aux fins de la présente analyse, puisqu’il visait expressément à ce que les méthodes d’essai faisant l’objet de ce mandat permettent de refléter les conditions normales d’usage des aspirateurs.

65      Il ne ressort nullement des termes du mandat M353 que la Commission a entendu imposer au Cenelec d’adopter une méthode d’essai particulière aux fins de l’étiquetage énergétique, fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide, chargé ou plein. Ledit mandat est silencieux sur ce point. En revanche, il résulte des termes de ce mandat que la Commission a intégré parmi les critères d’élaboration de méthodes d’essai les exigences de précision, de fiabilité et de reproductibilité des informations liées à l’efficacité énergétique des aspirateurs. Outre le développement des méthodes de mesure pour les aspirateurs dits « secs », la deuxième priorité définie par la Commission était la définition de la marge d’erreur des essais. Dans la partie III du même mandat, la Commission a précisé à cet égard qu’il pourrait être nécessaire de recourir à des essais « circulaires ou autres ». Il y a lieu de relever que les tests « circulaires » ont pour objet de vérifier la reproductibilité de tests en répétant un même test dans plusieurs laboratoires, à partir d’un échantillon unique.

66      La convention de subvention conclue le 22 décembre 2008 entre la Commission au nom de la Communauté européenne et le Cenelec concernant l’exécution de ce mandat (annexe E.2 du mémoire en défense) indiquait que l’objectif principal de cette action était de confier au Cenelec la tâche de « réaliser des essais comparatifs nécessaires pour vérifier la reproductibilité des méthodes d’essai proposées par une série de tests interlaboratoires » afin d’achever la norme élaborée. L’annexe I.2 de cette convention prévoyait ainsi la réalisation d’essais circulaires après avoir souligné que, si ces tests n’étaient pas effectués, les experts du groupe de travail compétent « hésiteraient fortement à soumettre un projet de norme au vote ».

67      C’est sur la base de ces éléments qu’ont été engagés les travaux qui ont conduit à l’adoption, en mai 2013, de la norme Cenelec.

68      Il ressort des éléments mis à la disposition du Tribunal par les parties que, si une méthode d’essai de la performance de dépoussiérage fondée sur l’utilisation d’un réservoir chargé pouvait être considérée comme plus proche des conditions réelles d’utilisation d’un aspirateur que celle fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide, la mise au point d’une telle méthode aux fins du calcul de la performance énergétique, aurait donné lieu à des difficultés.

69      Les requérantes soutiennent cependant, sur la base d’une déclaration écrite de l’un de leurs employés qui a participé aux travaux du Cenelec dans le cadre du mandat M353, que les tests de performance de dépoussiérage réalisés n’étaient pas circulaires et que la Commission n’a pas adopté les recommandations finales du Cenelec.

70      Il est vrai que les rapports intermédiaires du Cenelec du 10 mai 2010 et du 1er juillet 2010 sur les tests circulaires faisaient état de certaines variations dans les résultats d’essais de performance de dépoussiérage sur sols durs. Toutefois, ces rapports intermédiaires précisaient que les doutes concernant le caractère reproductible de ces essais avaient pu être dissipés. Le rapport final du Cenelec daté du mois de mai 2013, indiquait ainsi que les travaux des experts avaient abouti à la révision des normes de mesures antérieures afin d’assurer qu’elles soient représentatives et reproductibles.

71      Le rapport final du Cenelec note que la Commission a décidé de ne pas adopter, aux fins de la mise en œuvre du règlement délégué no 665/2013, la procédure relative à la performance de dépoussiérage sur tapis et sol dur, tout en soulignant que cette « procédure fait partie de la norme EN 60312-1 (2013) ». Force est de constater que cette déclaration concerne les points 6.Z1.2.3, 6.Z1.2.4., 6.Z1.2.5 et 6.Z2.3 de la norme Cenelec, lesquels, conformément à la communication de la Commission publiée au Journal officiel du 20 août 2014 (JO 2014, C 272, p. 5), ne font pas partie des normes harmonisées visées par le point 1 de l’annexe VI dudit règlement délégué. Il s’ensuit que l’argumentation des requérantes se rapportant à ces points est sans pertinence afin de déterminer si la Commission a pu écarter l’utilisation de la méthode de test visée à la section 5.9 de ladite norme sans méconnaître, de manière manifeste et grave, les limites de son pouvoir d’appréciation.

72      S’agissant de la décision de la Commission de ne pas recourir à la méthode de test visée à la section 5.9 de la norme Cenelec, il y a lieu de constater que l’une des difficultés inhérentes à cette méthode de test tenait à la nécessité de définir au préalable ce que constitue un réservoir chargé. Ladite méthode de test consiste à mesurer la performance de dépoussiérage au fur et à mesure que l’appareil aspire des poussières d’essais, et ce jusqu’à ce que l’une des trois conditions suivantes soit remplie :

–        un indicateur de l’aspirateur signale que le réservoir de poussière doit être vidé ou remplacé ;

–        la pression observée à l’intérieur de l’appareil a chuté de 40 % par rapport à la pression enregistrée au début du test ;

–        la quantité de poussière d’essai injectée dans l’appareil atteint 100 grammes par litre du « volume maximal utilisable » du réservoir à poussière, dont la méthode de calcul est décrite à la section 5.7 de la norme Cenelec.

73      La section 5.9 de la norme Cenelec comporte ainsi trois définitions possibles de ce qui peut être entendu par « réservoir chargé ».

74      La Commission expose que cette approche n’est pas apte à garantir l’uniformité et la comparabilité des résultats, puisqu’elle peut impliquer des niveaux de remplissage différents selon les aspirateurs.

75      Il y a lieu de constater que cette affirmation de la Commission est étayée par les comptes rendus des travaux de l’IEC. Au sein de cet organisme, le groupe de travail chargé des normes relatives aux aspirateurs faisait état de préoccupations, de propositions et de discussions liées à la méthode de détermination du volume maximal utilisable ainsi qu’à la méthode d’essai fondée sur l’utilisation d’un réservoir chargé, en particulier lors des réunions des 22 et 23 septembre 2008, 21 et 22 mars ainsi que 1er et 2 octobre 2012, notamment s’agissant d’incertitudes quant aux résultats obtenus, de la reproductibilité des essais entre laboratoires et de la possibilité que les aspirateurs puissent, à l’avenir, manipuler la consommation d’électricité lors d’essais de détection de poussière, sans pour autant que ces travaux puissent être clos.

76      La difficulté à déterminer un niveau de remplissage du réservoir d’un aspirateur qui puisse servir de référence pour mesurer sa performance est également étayée par la note qui précède la description de la méthode de test visée à la section 5.9 de la norme Cenelec et qui, selon la déclaration de l’un des employés de la première requérante, aurait été adoptée par l’IEC en 2010. Cette note est rédigée dans les termes suivants :

« [l]a présente méthode est utilisée pour déterminer les effets, le cas échéant, de la charge de poussière lors d’un seul remplissage du réservoir. Ce n’est pas un essai de performance durable à long terme, qui est élaboré séparément en vue d’une publication future, et il n’est pas destiné à représenter un niveau spécifique de remplissage du réservoir. Il peut être considéré comme “chargé” si le point d’arrêt atteint est déterminé par l’activation de l’indicateur de réservoir plein, sinon le niveau atteint doit être considéré comme se situant quelque part entre “vide” et “plein”, et les essais de performance réalisés à ce stade donneront une indication des performances de l’aspirateur à mesure que le réservoir se remplit et/ou que les filtres se chargent de poussières ».

77      Il ressort clairement de la note en cause que celle-ci a pour fonction d’attirer l’attention sur les incertitudes pouvant résulter de l’absence d’un critère unique permettant de déterminer ce que constitue un « réservoir chargé », ainsi qu’en atteste l’expression selon laquelle les essais effectués selon cette méthode « donneront une indication » de la performance de l’aspirateur à mesure de son remplissage.

78      Lue à la lumière des éléments rappelés aux points 54 à 76 ci‑dessus, la note en cause permet de comprendre que la méthode de test visée à la section 5.9 de la norme Cenelec est apte à mesurer la performance d’un aspirateur donné pendant que son réservoir est chargé de poussière, à un niveau compris entre « vide » et « plein ». Cette méthode peut ainsi être utile, par exemple, afin d’estimer la baisse de performance de dépoussiérage de cet aspirateur, en comparant les résultats obtenus à partir d’un test effectué avec un réservoir vide avec ceux effectués avec un réservoir chargé. En revanche, cette note implique que, faute d’une définition unique de ce que constitue un réservoir « chargé », ladite méthode ne permet pas de comparer entre eux différents modèles d’aspirateurs, puisque ce que constitue un réservoir « chargé » n’est pas identique pour tous.

79      La note en cause met également en relief qu’une méthode d’essai de performance à long terme à partir d’un réservoir chargé était encore en cours d’élaboration lors de l’adoption par le Cenelec des modifications apportées à la norme Cenelec en mai 2013.

80      Les requérantes font cependant valoir que la section 5.9 de la norme Cenelec est scientifiquement valide et répond aux exigences de fiabilité, de précision et de reproductibilité. Elles invoquent à cet égard le témoignage d’un employé qui a participé aux travaux de l’IEC relatifs à cette méthode d’essai. Ce dernier déclare, en substance, qu’il est erroné de considérer que la note relative à ladite section démontre que ladite méthode manque de fiabilité ou ne serait pas reproductible. Les requérantes invoquent en outre le témoignage d’un expert indépendant ayant également participé aux travaux de l’IEC. Ce dernier affirme que la méthode en question est scientifiquement valide, répond aux critères de reproductibilité et permet de simuler les effets d’accumulation de poussière dans le réservoir.

81      Il est vrai qu’il découle de la nature du processus de normalisation que le fait qu’une méthode d’essai ait été incorporée dans une norme harmonisée, telle que la norme Cenelec, permet de présumer de la validité scientifique et technique de cette méthode. Pour autant, cela ne signifie pas que la Commission soit, de ce fait, privée de toute marge d’appréciation et soit tenue de recourir à cette norme si elle estime que celle-ci ne répond pas aux critères normatifs applicables ou qu’il existe une autre norme harmonisée plus à même d’y répondre.

82      Contrairement à ce que prétendent les requérantes, la question de savoir si la méthode de test visée à la section 5.9 de la norme Cenelec est scientifiquement et techniquement fondée n’est pas pertinente en l’espèce, la Commission n’ayant pas contesté ces éléments lors de l’adoption du règlement délégué no 665/2013, mais estimé, en substance, que ladite méthode de test était inadaptée aux fins de l’évaluation de la performance énergétique des aspirateurs au regard des critères de fiabilité, de précision et de reproductibilité. Ce qui importe est de savoir si la Commission, en préférant recourir à la méthode d’essai fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide plutôt que celle d’un réservoir chargé, a commis une violation manifeste et grave des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. Or, les éléments qui ont été précédemment relevés tendent à démontrer que si la méthode de test visée à ladite section permet d’évaluer la performance des aspirateurs dans des conditions d’utilisation plus proches des conditions normales d’usage que celles reflétées par l’utilisation d’un réservoir vide, elle génère des incertitudes quant à l’exactitude des informations destinées à être fournies aux consommateurs.

83      D’autres éléments étayent cette constatation.

84      Le rapport AEA expose les paramètres pertinents pour parvenir à de bonnes mesures de performance d’aspirateurs. Il ressort dudit rapport que les paramètres présentant la plus faible corrélation avec la performance de dépoussiérage sont la puissance d’alimentation et la puissance d’aspiration. Ceux présentant la plus forte corrélation sont le flux d’air et, surtout, le brossage. S’agissant des réservoirs et des systèmes de filtration, ce rapport indique que, généralement, plus le système de filtration est efficace à capturer la poussière, plus il absorbe de l’énergie, ce qui peut réduire la performance de dépoussiérage.

85      Le rapport AEA, à propos de la section 5.9 de la norme Cenelec, relève que, s’agissant du réservoir, le terme « chargé » ne reflète pas un « niveau spécifique de remplissage, mais donne simplement une indication sur l’efficacité au cours du remplissage » et qu’« [i]l n’existe aucune définition satisfaisante de “plein” ». Ce rapport confirme ainsi que la notion de réservoir plein ne pouvant être définie de manière satisfaisante, les auteurs de la méthode de test visée à ladite section se sont orientés vers la notion de réservoir chargé, sans pour autant être parvenu à en donner une définition unique.

86      Par ailleurs, s’il est vrai que l’existence d’une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit de l’Union doit nécessairement être appréciée en fonction des circonstances dans lesquelles l’institution a agi à cette date précise (arrêt du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, points 44, 46 et 53), il convient toutefois de relever que plusieurs éléments postérieurs à l’adoption du règlement délégué no 665/2013 reflètent la persistance des difficultés techniques auxquelles se heurte la mise au point d’une méthode d’essai de la performance énergétique des aspirateurs fondée sur l’utilisation d’un réservoir chargé. Bien que postérieurs à la violation de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30 commise par la Commission, ces éléments sont pertinents à titre de preuves permettant de confirmer les difficultés techniques inhérentes à l’utilisation d’une méthode d’essai fondée sur l’utilisation d’un réservoir chargé pour mesurer l’efficacité énergétique des aspirateurs.

87      Tout d’abord, le compte rendu de la réunion du groupe de travail de l’IEC des 17 et 18 octobre 2013 (annexe E.11 du mémoire en défense) démontre que les travaux relatifs à la section 5.7 de la norme Cenelec devaient se poursuivre et que la section 5.9 de ladite norme, bien que « discutée ad nauseam par le passé », devait rester en l’état, tout changement impliquant de nouvelles études.

88      Ensuite, il ressort d’une décision de la Commission C(2015) 8753 final du 11 décembre 2015 (annexe E.12 du mémoire en défense) que cette dernière a émis une nouvelle demande d’élaboration d’une norme standardisée visant à réviser les normes existantes afin d’inclure une mesure de consommation d’énergie et de performance de dépoussiérage fondée sur l’utilisation d’un réservoir partiellement chargé, cette méthode devant pouvoir être répétée et reproduite et avoir une précision adaptée aux fins de l’écoconception et de l’étiquetage énergétique. Cette décision a donné lieu à un nouveau mandat donné au Cenelec pour la mise au point de ces nouvelles normes (mandat M540).

89      Dans le cadre de l’exécution de ce mandat, le Cenelec a établi un rapport daté du 20 février 2019 (annexe G.2 de la duplique) sur les résultats de tests circulaires visant à étudier l’impact de tests réalisés à partir de réservoirs vides, de réservoirs remplis à moitié et de réservoirs chargés de 200 grammes de poussière, sur le résultat de tests portant sur les flux d’air, sachant qu’il s’agit du principal facteur dans la conception des aspirateurs affectant la performance de dépoussiérage. Il résulte de ce rapport que les méthodes visées aux sections 5.7 et 5.9 de la norme Cenelec donnent lieu à des problèmes de reproductibilité à mesure que les tests sont effectués avec une quantité croissante de poussière, permettant ainsi d’escompter que la précision des résultats d’autres tests de performance décline également avec l’accroissement de la quantité de poussière utilisée. Ledit rapport note également que la consommation d’énergie tend à diminuer plus la quantité de poussière utilisée aux fins du test augmente.

90      Enfin, le rapport commandité par la Commission et intitulé « Review study on Vacuum cleaners – Final report », daté du mois de juin 2019 (annexe G.4 de la duplique), note que, si la méthode normalisée de test fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide et complètement propre, ne correspond pas aux conditions normales d’utilisation, un test réalisé à partir d’un réservoir chargé est plus complexe, plus coûteux et introduit plusieurs facteurs de nature à affecter la fiabilité des résultats (difficile à reproduire ; absence de définition unique des concepts de réservoir plein ou de réservoir à moitié plein ; ajustements méthodologiques requis pour les aspirateurs sans sac qui subissent un effet d’obturation au niveau des filtres). Par ailleurs, ce rapport fait état de résultats contrastés quant à l’impact des essais à réservoir chargé, la baisse de performance de dépoussiérage étant partiellement compensée par une baisse de la consommation électrique. Selon ledit rapport, le choix entre une méthode d’essai fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide ou chargé dépend avant tout de la recherche d’un équilibre entre l’avantage consistant à adopter des nouvelles méthodes de test visant à s’approcher de la « réalité » et les coûts et incertitudes suscités par de telles méthodes. Ces incertitudes techniques sont, selon le même rapport, trop importantes pour pouvoir adopter une méthode d’essai fondée sur l’utilisation d’un réservoir partiellement chargé. Compte tenu de ces éléments, le rapport en question désigne l’étiquetage énergétique comme étant l’option la plus avantageuse pour les consommateurs, pour autant qu’une méthode d’essai permettant de mesurer ou de simuler les effets d’un réservoir partiellement chargé puisse être adoptée.

91      Ces trois éléments postérieurs à l’adoption du règlement délégué no 665/2013 permettent ainsi de confirmer les difficultés inhérentes à la mise au point d’une méthode de test qui, en utilisant un réservoir non vide, serait plus proche des conditions normales d’utilisation sans pour autant compromettre ou réduire la validité scientifique des résultats obtenus et l’exactitude des informations fournies aux consommateurs.

92      Ces difficultés propres à la technique et au mode d’utilisation des aspirateurs permettent également d’écarter l’argumentation par laquelle les requérantes soutiennent que la Commission n’était pas face à une situation complexe, car elle avait déjà eu l’occasion d’adopter, aux fins de l’étiquetage énergétique, des normes d’essai reflétant les conditions d’utilisation normales d’appareils électriques à usage domestique tels que les fours, les lave-linges, les sèche-linges et les chauffe-eaux.

93      Quant au fait que la Commission a accepté la méthode de test visée à la section 5.9 de la norme Cenelec dans le cadre du règlement délégué no 666/2013, il y a lieu de constater que cette méthode est utilisée afin de vérifier si les moteurs d’aspirateurs ont une durée de vie dépassant un seuil prédéfini. Or, contrairement aux mesures de performance énergétique, ce test de durabilité ne nécessite pas d’examiner le rapport entre la performance de dépoussiérage et la consommation énergétique. Par conséquent, l’analogie que les requérantes cherchent à établir entre le règlement délégué no 665/2013 et le règlement no 666/2013 n’est pas fondée.

94      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que, à la date d’adoption du règlement délégué no 665/2013, il existait des doutes légitimes quant à la validité scientifique et à l’exactitude des résultats auxquels la méthode de test visée à la section 5.9 de la norme Cenelec pouvait conduire aux fins de l’étiquetage énergétique. Bien que cette méthode de test soit plus représentative des conditions normales d’usage des aspirateurs que celle fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide, la Commission a pu considérer, sans excéder d’une manière manifeste et grave les limites de son pouvoir d’appréciation, que ladite méthode de test n’était pas apte à garantir la validité scientifique et l’exactitude des informations fournies aux consommateurs et opter, alternativement, pour une méthode de test apte à répondre aux critères de validité et d’exactitude des informations.

95      Il convient d’ajouter que l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2010/30 limitait la délégation du pouvoir réglementaire à la Commission à cinq ans, cette délégation étant renouvelable sous le contrôle du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne. Dans ces conditions, la Commission ne pouvait repousser l’adoption de règles d’étiquetage énergétique jusqu’à ce que le Cenelec parvienne à adopter une méthode normalisée de test fondée sur l’utilisation d’un réservoir chargé capable de garantir la validité scientifique et l’exactitude des informations fournies aux consommateurs.

96      Force est enfin de constater que l’exercice par la Commission de son pouvoir réglementaire délégué pouvait être révoqué par le Parlement ou le Conseil, conformément à l’article 12 de la directive 2010/30, et que ces deux institutions disposaient, en outre, de la faculté de formuler des objections à l’égard de tout acte délégué, dans les conditions prévues à l’article 13 de cette directive. Or, ni le Parlement, ni le Conseil n’ont utilisé ces mécanismes pour s’opposer à l’adoption du règlement délégué no 665/2013.

97      Ces circonstances tendent à confirmer le caractère excusable de la violation de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30 commise par la Commission. En raison de ces éléments ainsi que de la complexité technique des problèmes à régler, des difficultés d’application et d’interprétation des textes pertinents, une administration normalement prudente et diligente pouvait estimer qu’elle s’exposait à un risque en décidant d’utiliser la méthode d’essai fondée sur l’utilisation d’un réservoir chargé plutôt que celle fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide. La Commission a ainsi fait preuve d’un comportement pouvant être attendu d’une administration normalement prudente et diligente. Il s’ensuit que la Commission n’a pas méconnu, de manière manifeste et grave, les limites qui s’imposaient à son pouvoir d’appréciation.

98      Partant, il n’y a pas lieu d’examiner la question de savoir si, dans le cas d’espèce, la violation de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30 commise par la Commission pouvait ou non être invoquée à l’appui de la présente demande indemnitaire, sous l’angle de droits conférés aux particuliers ou de l’ajout ou de l’aggravation d’obligations affectant la situation juridique du requérant en sa qualité de fabricant, cette question n’étant, dans ces conditions, pas décisive pour la solution du présent litige.

99      Compte tenu de ces éléments, la première condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union visée au point 14 ci-dessus n’est pas remplie en ce qui concerne l’illégalité alléguée par les requérantes tirée d’une violation de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30.

 Sur la violation du principe d’égalité de traitement

100    Les requérantes soutiennent que le règlement délégué no 665/2013 a instauré une discrimination entre les aspirateurs à sac et les aspirateurs cycloniques, en traitant ces deux catégories d’aspirateurs d’une manière identique, alors que leurs caractéristiques ne sont pas comparables, et ce sans aucune justification objective.

101    La Cour aurait ainsi jugé que le Tribunal a méconnu le principe d’égalité de traitement et erronément considéré que la méthode de test visée à la section 5.9 de la norme Cenelec n’était pas suffisamment fiable, précise et reproductible (arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission, C‑44/16 P, EU:C:2017:357, point 77).

102    Les requérantes font valoir que la violation du principe d’égalité de traitement commise par la Commission est suffisamment caractérisée pour engager la responsabilité de l’Union. Selon elles, le règlement délégué no 665/2013 est intrinsèquement partial à l’encontre des aspirateurs cycloniques. Elles estiment que la méthode d’essai fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide a empêché de mesurer la performance réelle de leurs aspirateurs, les empêchant, dès lors, de promouvoir ou de mettre en valeur leurs innovations technologiques. En revanche, les aspirateurs moins performants pouvaient, d’après elles, dissimuler leurs faiblesses et exploiter le système. La Commission ne pourrait effectivement invoquer aucune justification tirée de la complexité de la situation à régler, des difficultés d’application ou d’interprétation de la législation, de l’absence de clarté ou de précision des règles violées ni le caractère excusable de l’erreur commise.

103    Les requérantes affirment avoir transmis à la Commission, dès 2012, des données qui prouvent une baisse significative de performance entre les tests selon qu’ils sont réalisés à partir d’un réservoir vide ou d’un réservoir chargé. Les aspirateurs cycloniques sans sac conserveraient le même niveau de performance, que leur réservoir soit vide ou chargé. Ces données prouveraient le caractère discriminatoire des tests effectués à partir d’un réservoir vide. Ces tests auraient induit les consommateurs en erreur, dissuadé les fabricants d’innover et tenu en échec l’objectif poursuivi par le législateur qui était de réduire la consommation d’énergie.

104    La Commission conteste cette argumentation.

105    D’emblée, il convient de constater que, contrairement à ce que prétendent les requérantes, la Cour n’a pas constaté l’existence d’une violation du principe d’égalité de traitement au point 77 de l’arrêt du 11 mai 2017, Dyson/Commission (C‑44/16 P, EU:C:2017:357). La Cour s’est limitée à conclure que la seule justification retenue par le Tribunal reposait sur une constatation factuelle qui n’avait pas été valablement établie. Il incombe donc aux requérantes de démontrer, en l’espèce, l’existence de la violation qu’elles allèguent.

106    Il y a lieu de rappeler que le principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA, C‑344/04, EU:C:2006:10, point 95, et du 15 avril 2010, Gualtieri/Commission, C‑485/08 P, EU:C:2010:188, point 70).

107    En l’occurrence, les dispositions législatives et réglementaires applicables à l’époque des faits relatifs à l’étiquetage énergétique reposent sur un traitement uniforme des aspirateurs, indépendamment de la question de savoir s’ils font appel à une technologie cyclonique ou s’ils disposent de sacs. En effet, pour permettre aux consommateurs de procéder à des comparaisons utiles s’agissant de la performance énergétique lors de leurs décisions d’achat et de bénéficier d’une information fiable et uniforme, la directive 2010/30 vise à harmoniser les mesures nationales destinées à les informer au moyen d’un étiquetage énergétique applicable à des catégories d’appareils définis selon leur fonction. Il ressort ainsi notamment de l’article 1er et de l’article 10, paragraphes 1 et 2, de ladite directive que celle-ci vise à soumettre à une obligation d’étiquetage énergétique, au moyen d’actes délégués, tous les produits présentant un potentiel élevé d’économie d’énergie, ces produits devant être définis en fonction de leurs fonctionnalités équivalentes et de leurs niveaux de performance pertinents très variés. En l’occurrence, l’article 2 du règlement délégué no 665/2013 définissait les aspirateurs selon leur fonction, comme « un appareil qui [retirait] les salissures d’une surface à nettoyer au moyen d’un flux d’air créé par une dépression développée dans l’unité. »

108    Il est donc clair que tant la directive 2010/30 que le règlement délégué no 665/2013 prévoyaient un traitement uniforme de l’ensemble des aspirateurs entrant dans leurs champs d’applications respectifs. Ce constat est également étayé par l’article 10, paragraphe 4, sous b), de ladite directive, lequel faisait obligation à la Commission d’indiquer dans les actes délégués les normes et les méthodes de mesure à appliquer, le considérant 8 de cette directive précisant à cet égard que ces normes et ces méthodes devraient être harmonisées. Il convient également de mentionner que cette neutralité à l’égard de la technologie sur laquelle repose les aspirateurs est reflétée dans le fait que la norme Cenelec n’opère aucune distinction entre aspirateurs cycloniques et aspirateurs à sac.

109    Les requérantes ne revendiquent toutefois pas l’application de deux types de méthodes d’essai, selon qu’un aspirateur est cyclonique ou non, mais l’application de la méthode qu’elle estime la plus avantageuse pour la présentation de la performance énergétique des appareils cycloniques. Leur argumentation consiste essentiellement à reprocher à la Commission de ne pas avoir adopté la méthode de test visée à la section 5.9 de la norme Cenelec fondée sur l’utilisation d’un réservoir chargé. Or, elles affirment, sans être contredite par la Commission, que la performance énergétique des aspirateurs cycloniques reste la même, que les tests soient conduits à partir d’un réservoir vide ou chargé. Il s’ensuit que les requérantes n’estiment pas avoir été pénalisées par la méthode de test retenue par la Commission en ce que celle-ci conduirait à sous-estimer la performance des aspirateurs cycloniques, mais en ce qu’elle surestimerait celle des aspirateurs non cycloniques fabriqués par ses concurrents.

110    Toutefois, il ressort de ce qui a été précédemment jugé dans le cadre de l’examen de la première illégalité alléguée que, nonobstant la violation de l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2010/30 commise par la Commission, il existait des doutes légitimes quant à la validité scientifique et à l’exactitude des résultats auxquels la méthode visée à la section 5.9 de la norme Cenelec pouvaient conduire aux fins de l’étiquetage énergétique.

111    Une telle circonstance d’ordre factuel suffit à considérer que, indépendamment de toute différence objective entre les aspirateurs cycloniques et les autres types d’aspirateurs, la Commission, en retenant la méthode d’essai fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide, n’a pas méconnu de manière manifeste et grave les limites de son pouvoir d’appréciation ni commis une violation suffisamment caractérisée du principe d’égalité de traitement.

112    Compte tenu de ces éléments, la première condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union visée au point 14 ci-dessus n’est pas remplie en ce qui concerne l’illégalité alléguée par les requérantes tirée d’une violation du principe d’égalité de traitement.

 Sur la violation du principe de bonne administration et du devoir de diligence

113    Les requérantes font valoir que la Commission a enfreint le principe de bonne administration en adoptant une méthode normalisée de test fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide, en méconnaissance d’un élément essentiel de la directive 2010/30, ce qu’aucune administration normalement prudente et diligente n’aurait fait. Elles considèrent en effet que le caractère trompeur de ladite méthode de test était de notoriété publique et que tous les autres règlements de l’Union concernant l’étiquetage énergétique des produits de consommation (fours, lave-linges, sèche-linges, chauffe-eaux) exigent une forme de test sous charge. La méthode retenue par la Commission n’aurait pas tenu compte de la conception particulière des aspirateurs cycloniques. La Commission n’aurait pas apprécié de manière impartiale et rationnelle les méthodes de test fondées sur l’utilisation d’un réservoir chargé qui existaient lors de la procédure d’adoption du règlement délégué no 665/2013, en particulier la section 5.9 de la norme Cenelec. Bien que ce processus ait duré six années, la Commission ne semble jamais avoir envisagé une méthode normalisée de test fondée sur l’utilisation d’un réservoir chargé, malgré les demandes répétées d’associations de consommateurs et d’organismes de normalisation. Or étant donné que la Cour a estimé que l’exigence « pendant l’utilisation » constitue un élément essentiel, la Commission était obligée d’examiner au moins la possibilité de concevoir une méthode fondée sur l’utilisation d’un réservoir chargé pour l’inclure dans le test. À titre subsidiaire, si elle ne pouvait réellement pas concevoir une telle méthode qui soit conforme à l’article 10, paragraphe 1, de ladite directive, elle aurait dû revenir au processus législatif pour demander une modification.

114    Les requérantes estiment que cette violation du principe de bonne administration était suffisamment caractérisée, car la Commission ne disposait d’aucun pouvoir d’appréciation l’autorisant à adopter une méthode normalisée fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide et il n’existait aucune circonstance justifiant cette violation.

115    La Commission conteste cette argumentation.

116    Il convient de constater que cette argumentation recoupe dans une large mesure celle développée par les requérantes dans le cadre des deux premières illégalités alléguées qui a été rejetée.

117    Par ailleurs, il ressort des travaux préparatoires à l’adoption du règlement délégué no 665/2013, en particulier de l’étude d’impact que la Commission a procédé à des consultations extensives auprès d’experts ainsi que des parties intéressées. Le point de vue des requérantes a été exprimé pendant les travaux préparatoires, ainsi qu’en attestent leurs déclarations lorsqu’elles déclarent, notamment, avoir fourni le 27 septembre 2012 une étude comparative des performances de 80 aspirateurs. Par conséquent, la Commission n’a pas manqué à son devoir de diligence. En outre, les requérantes, qui n’apportent aucune preuve ou indice ni de l’existence d’un manquement à l’obligation d’impartialité ni d’un détournement de procédure, restent en défaut de démontrer l’existence d’une violation par la Commission du principe de bonne administration.

118    Il convient donc, pour des motifs analogues à ceux exposés dans le cadre de l’analyse des deux premières illégalités alléguées, de réitérer que, indépendamment de toute différence objective entre les aspirateurs cycloniques et les autres types d’aspirateurs, la Commission, en retenant la méthode d’essai fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide, n’a pas méconnu de manière manifeste et grave les limites de son pouvoir d’appréciation ni commis une violation suffisamment caractérisée du principe de bonne administration.

119    Compte tenu de ces éléments, la première condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union visée au point 14 ci-dessus n’est pas remplie en ce qui concerne l’illégalité alléguée par les requérantes tirée d’une violation du principe de bonne administration.

 Sur la violation du droit d’exercer une activité professionnelle

120    Les requérantes soutiennent que la Commission a commis une violation suffisamment caractérisée de leur droit d’exercer une activité professionnelle. Elles réaffirment que le choix de la Commission de recourir à une méthode normalisée de test fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide a eu pour conséquence de la priver de la possibilité de promouvoir ou de mettre en valeur les innovations liées à la technologie cyclonique. Les fabricants concurrents d’aspirateurs à sac auraient profité de cette situation pour obtenir un classement de leurs produits dans des catégories de performance injustement flatteuses. Les requérantes ajoutent qu’elles ne pouvaient pas utiliser d’autres moyens de communication pour indiquer aux consommateurs que leurs produits étaient plus « écoénergétiques », les plaçant ainsi dans une situation de concurrence déloyale. La méthode normalisée de test fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide ne permettrait pas d’atteindre les objectifs environnementaux du règlement délégué no 665/2013, alors qu’il existait des méthodes alternatives éprouvées de tests réalisés à partir d’un réservoir chargé que la Commission aurait pu adopter.

121    Les requérantes estiment que la violation du droit d’exercer une activité professionnelle était suffisamment caractérisée, car la Commission ne disposait d’aucun pouvoir d’appréciation l’autorisant à adopter une méthode normalisée de test fondée sur l’utilisation d’un réservoir vide et il n’existait aucune circonstance justifiant cette violation.

122    La Commission conteste cette argumentation.

123    Il convient de rappeler que l’article 16 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») dispose que « la liberté d’entreprise est reconnue conformément au droit de l’Union et aux législations et pratiques nationales ». La protection conférée par cet article comporte la liberté d’exercer une activité économique ou commerciale, la liberté contractuelle et la concurrence libre, ainsi qu’il découle des explications afférentes à ce même article, lesquelles doivent, conformément à l’article 6, paragraphe 1, troisième alinéa, TUE et à l’article 52, paragraphe 7, de la Charte, être prises en considération pour l’interprétation de celle-ci (arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, point 42).

124    Cependant, la liberté d’entreprise ne constitue pas une prérogative absolue, mais doit être examinée au regard de sa fonction dans la société. La liberté d’entreprise peut ainsi être soumise à un large éventail d’interventions de la puissance publique susceptibles d’établir, dans l’intérêt général, des limitations à l’exercice de l’activité économique (arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, points 45 et 46).

125    Or, cette circonstance trouve notamment son reflet dans la manière dont il convient de mettre en œuvre le principe de proportionnalité en vertu de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte. Conformément à cette dernière disposition, toute limitation de l’exercice des droits et des libertés consacrées par la Charte doit être prévue par la loi, respecter leur contenu essentiel et, dans le respect du principe de proportionnalité, doit être nécessaire et répondre effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui (arrêt du 22 janvier 2013, Sky Österreich, C‑283/11, EU:C:2013:28, points 47 et 48).

126    Certes, en imposant un étiquetage énergétique pour les aspirateurs, le règlement délégué no 665/2013 a introduit une forme d’ingérence dans la liberté d’entreprise. Cependant, l’étiquetage énergétique, dans son principe, résulte des dispositions de la directive 2010/30, c’est-à-dire de la loi, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, et n’affecte pas le contenu essentiel de la liberté d’entreprise. En effet, ni cette directive ni ledit règlement délégué n’empêchent les opérateurs économiques de fabriquer et de commercialiser des aspirateurs dans le respect des conditions prévues.

127    Les requérantes n’invoquent aucun élément susceptible de démontrer que cette forme d’ingérence excède les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la directive 2010/30.

128    Pour autant que, par leur argumentation, les requérantes entendent démontrer l’existence d’une violation du droit de propriété, protégé au titre de l’article 17 de la Charte, il convient de relever que, conformément au second alinéa de cet article, ce droit porte également sur la propriété intellectuelle.

129    Les requérantes ayant mentionné à plusieurs reprises une atteinte à une de leurs marques, il suffit de constater, d’une part, que la directive 2010/30 et le règlement délégué no 665/2013 n’entravent aucunement la jouissance de leur propriété intellectuelle dans le cadre de la commercialisation de leurs produits, de sorte que le contenu essentiel de leur droit de propriété demeure, en substance, intact. D’autre part, elles n’ont produit ni invoqué aucun élément de nature à démontrer que l’ingérence résultant de l’étiquetage énergétique dépasse les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par ladite directive. L’ensemble de son argumentation repose en effet sur l’idée selon laquelle ce règlement délégué a retenu une méthode d’essai qui est neutre à l’égard des aspirateurs cycloniques, tout en reprochant à la Commission de ne pas avoir opté pour une méthode d’essai qui aurait conduit à une classification énergétique plus défavorable pour les aspirateurs non cycloniques fabriqués par ses concurrents.

130    Il convient dès lors de rejeter l’argumentation des requérantes en ce qu’elle est prise d’une violation des articles 16 et 17 de la Charte.

131    Pour le surplus, l’argumentation des requérantes prise de la violation du droit d’exercer une activité professionnelle étant, en substance, identique à celle développée dans le cadre des trois autres illégalités alléguées, s’agissant de la validité du choix de ne pas avoir retenu la méthode de test visée à la section 5.9 de la norme Cenelec, il y a lieu de la rejeter pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 25 à 119 ci-dessus.

132    Compte tenu de ces éléments, la première condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union visée au point 14 ci-dessus n’est pas remplie en ce qui concerne l’illégalité alléguée par les requérantes tirée d’une violation du droit d’exercer une activité professionnelle.

133    Il y a donc lieu de rejeter le présent recours dans son intégralité, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les autres conditions d’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union.

 Sur les dépens

134    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Dyson Ltd et les autres parties requérantes dont les noms figurent en annexe sont condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

da Silva Passos

Valančius

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 décembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      La liste des autres parties requérantes n’est annexée qu’à la version notifiée aux parties.