Language of document : ECLI:EU:T:1999:280

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

9 novembre 1999 (1)

«Fonctionnaires — Concours interne — Non-admission aux épreuves orales — Appréciation du jury — Principe de non-discrimination — Principe de bonne administration et devoir de sollicitude»

Dans l'affaire T-102/98,

Christina Papadeas, ancien agent temporaire du Comité des régions, demeurant à Bruxelles, représentée par Mes Georges Vandersanden et Laure Levi, avocats au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la Société de gestion fiduciaire SARL, 2-4, rue Beck,

partie requérante,

contre

Comité des régions de l'Union européenne, représenté par M. Jordi Garcia-Petit, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Me Denis Waelbroeck, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique de la Commission, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision du jury du concours interne C/01/97 de ne pas admettre la requérante à l'épreuve orale dudit concours,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme P. Lindh, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 29 juin 1999,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du recours

1.
    La requérante, Mme Papadeas, dont la langue maternelle est le grec, a travaillé au Comité des régions de l'Union européenne (CdR) depuis sa création, en tant que secrétaire de la catégorie C, d'abord comme agent auxiliaire du 1er avril 1994 au 31 août 1994, ensuite comme agent temporaire du 1er septembre 1994 au 31 août 1997 et enfin comme agent auxiliaire du 1er septembre 1997 au 28 février 1998.

2.
    Pendant la période du 25 avril 1996 au 28 février 1998, elle a exercé les fonctions de dactylographe à la direction du greffe, du service juridique et des études.

3.
    Le 8 octobre 1997, le CdR a publié l'avis de concours interne C/01/97 en vue de la constitution d'une liste de réserve de recrutement de dactylographes.

4.
    Les épreuves du concours s'organisaient de la façon suivante:

«A.     Épreuves obligatoires:

    1.    Prise en dictée d'un texte sur l'Union européenne, d'environ 30 lignes dactylographiées, dans la langue officielle de l'Union européenne dont le candidat a une connaissance approfondie et retranscription dactylographiée au net. La durée de l'épreuve sera déterminée par le jury.

    2.    Mise en page et frappe au net, sur ordinateur de bureau muni entre autres du logiciel Word 7 sous Windows, d'un texte dactylographié d'environ 40 lignes, rédigé dans la langue choisie pour la première épreuve obligatoire, et contenant des corrections et des renvois

manuscrits, ainsi que des fautes d'orthographe et de grammaire à corriger (durée 45 minutes).

    3.    Frappe au net d'un brouillon écrit dans une des langues officielles de l'Union européenne, à l'exception de la langue choisie pour les deux premières épreuves obligatoires, au choix du candidat (durée 30 minutes).

    4.    Épreuve orale: entretien avec le jury permettant d'apprécier les connaissances générales, notamment sur le Comité des régions/Comité économique et social et les autres institutions de l'Union européenne (notions), ainsi que les connaissances linguistiques du candidat (durée 15 minutes au maximum).

B.    Épreuve facultative:

    Prise en dictée d'un texte d'environ 15 lignes dactylographiées dans une des langues officielles de l'Union européenne, autre que celles choisies pour les épreuves obligatoires, au choix du candidat, et transcription dactylographique en 20 minutes du texte dicté.»

5.
    Le barème des épreuves était prévu dans les termes suivants:

«Chaque épreuve obligatoire est cotée de 0 à 20 points. Seront éliminés les candidats ayant obtenu une note inférieure à 12 dans les épreuves obligatoires 1 et 2 et inférieure à 10 dans les épreuves obligatoires 3 et 4 ou n'ayant pas obtenu 60 % des points sur l'ensemble des épreuves obligatoires.

L'épreuve facultative pourra donner lieu à l'octroi de 1 à 5 points supplémentaires.»

6.
    Le 27 octobre 1997, la requérante s'est portée candidate. Le 3 décembre 1997, elle a passé les épreuves écrites dont le déroulement a été marqué par une série de problèmes techniques.

7.
    Le 8 décembre 1997, elle a été informée par le président du jury qu'elle n'était pas admise à se présenter à l'épreuve orale, car elle n'avait pas obtenu la note minimale requise (ci-après «décision attaquée»).

8.
    Par courrier daté du même jour, la requérante a demandé au jury de reconsidérer sa décision au motif qu'elle avait passé les épreuves écrites dans des conditions beaucoup plus défavorables que les autres candidats. Elle exprimait également le souhait que la réponse soit rédigée dans sa langue maternelle.

9.
    Le président du jury, par lettre du 18 décembre 1997, a répondu à la requérante que le jury avait, dans sa notation, tenu compte des problèmes techniques survenus durant les épreuves écrites mais que, cependant, elle n'avait obtenu que 8 sur 20 à la deuxième épreuve obligatoire, et que cette note était éliminatoire.

10.
    Le 18 décembre 1997, la secrétaire du jury a présenté cette lettre, sous pli fermé, à la requérante. Cependant, après avoir été informée que ladite lettre n'était pas rédigée dans sa langue maternelle mais qu'elle pouvait en obtenir la traduction, la requérante n'en a pas pris connaissance.

11.
    Par courrier du 26 février 1998, les conseils de la requérante ont indiqué au CdR que la lettre de celle-ci du 8 décembre 1997 devait être considérée comme une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»), et qu'une réponse à cette dernière devait intervenir dans le délai statutaire de quatre mois.

12.
    Par lettre du 8 avril 1998, le secrétaire général du CdR, agissant en tant qu'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN»), a, en réponse à leur courrier, adressé aux conseils de la requérante la copie de la lettre du président du jury du 18 décembre 1997.

13.
    C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 juillet 1998, la requérante a introduit le présent recours. Elle demandait, notamment, que le CdR soit invité à produire les procès-verbaux des travaux et le rapport motivé du jury de concours.

14.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale. Conformément à l'article 64 du règlement de procédure, il a posé une question écrite à la requérante et demandé au CdR de produire les procès-verbaux des travaux ainsi que le rapport motivé du jury de concours. Les parties ont déféré à ces demandes dans le délai qui leur était imparti.

15.
    Par ordonnance du 21 mai 1999, le Tribunal a, en application de l'article 65, sous a), de son règlement de procédure, ordonné la comparution personnelle de la requérante.

16.
    En application de l'article 65, sous c), de ce même règlement et les parties entendues, il a également décidé l'audition, en tant que témoins, de M. Raivo, président du jury, ainsi que de MM. Uribe-Etxebarria, Goffin et Janssens, membres du jury, sur le déroulement des épreuves écrites obligatoires du concours interne C/01/97 du CdR du 3 décembre 1997 et, notamment, sur les problèmes techniques prétendument rencontrés par la requérante lors de ces épreuves.

17.
    Les témoins et les parties, y compris la requérante, ont été entendus lors de l'audience publique du 29 juin 1999.

18.
    Par décision du président de la cinquième chambre du 7 septembre 1999, la procédure orale a été clôturée à la suite de l'approbation par les témoins du procès-verbal de leurs dépositions.

Conclusions des parties

19.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    déclarer le présent recours recevable et fondé;

—    annuler la décision attaquée et, pour autant que de besoin, la décision du 8 avril 1998 portant rejet de sa réclamation;

—    condamner la partie défenderesse aux dépens.

20.
    Le CdR conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    déclarer le recours irrecevable ou, en tout état de cause, mal fondé;

—    statuer comme de droit sur les dépens.

Sur la recevabilité du recours

Arguments des parties

21.
    Le CdR s'interroge sur la recevabilité du recours en rappelant que celui-ci a été déposé le 6 juillet 1998, soit sept mois environ après l'adoption de la décision attaquée. De même, la requérante aurait dû introduire son recours dans les trois mois suivant le 18 décembre 1997, date à laquelle elle a reçu une réponse à sa lettre du 8 décembre 1997, qualifiée de réclamation.

22.
    Le CdR précise que la requérante n'était pas fondée, le 18 décembre 1997, à refuser de recevoir la lettre du président du jury datée du même jour dès lors qu'elle était évidemment en mesure de la comprendre (voir, mutatis mutandis, arrêt de la Cour du 26 novembre 1985, Cockerill-Sambre/Commission, 42/85, Rec. p. 3749).

23.
    De surcroît, le CdR soutient qu'il est difficile de considérer que la lettre de la requérante du 8 décembre 1997 constituait une réclamation compte tenu de ce qu'elle ne se présentait pas comme telle. En effet, cette lettre ne ferait pas référence à l'article 90 du statut et ne serait pas adressée à l'AIPN.

24.
    La requérante affirme que le délai du recours en annulation ne court qu'à compter de la date de la notification régulière de la décision prise en réponse à la réclamation. Or, en l'espèce, une telle notification ne serait intervenue que le 8 avril 1998.

25.
    En effet, elle n'aurait pas pris connaissance de la lettre du 18 décembre 1997 lorsque celle-ci lui a été présentée par la secrétaire du jury le même jour, compte tenu de ce que ce courrier, contrairement à sa demande, était rédigé en français et qu'il lui a été indiqué qu'il serait possible de le faire traduire en grec. Or, la requérante n'aurait jamais reçu cette traduction.

26.
    Enfin, elle précise que sa réclamation du 8 décembre 1997 a été adressée nonseulement au président du jury, mais également à l'AIPN, soit, en l'occurrence, au secrétaire général du CdR. De plus, ses conseils, dans une lettre adressée à l'AIPN en date du 26 février 1998, auraient repris les termes de cette réclamation.

Appréciation du Tribunal

27.
    Il convient de préciser que la qualification exacte d'une lettre relève de la seule appréciation du Tribunal (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 22 mars 1995, Kotzonis/CES, T-586/93, Rec. p. II-665, point 21).

28.
    Il ressort de l'examen des termes de sa lettre en date du 8 décembre 1997 que la requérante, alors qu'elle n'y était pas tenue, a choisi de former à l'encontre de la décision attaquée une réclamation préalable. Certes, cette lettre n'a pas été adressée directement à l'AIPN, mais il n'est pas contesté que celle-ci en a reçu une copie et son contenu, très explicite, lui permettait de connaître les griefs formulés par la requérante à l'encontre de la décision attaquée. De plus, le choix de la requérante d'introduire une telle réclamation était confirmé par ses conseils dans la lettre du 26 février 1998, adressée également au CdR dans le délai de trois mois prescrit par l'article 90, paragraphe 2, du statut.

29.
    La requérante a donc légitimement opté pour la voie de réclamation préalable en l'espèce.

30.
    Ensuite, il y a lieu de rappeler que, conformément à l'article 91, paragraphe 3, du statut, le délai de recours commence à courir à compter du jour de la notification de la décision prise en réponse à la réclamation.

31.
    A cet égard, il appartient à la partie qui se prévaut de la tardiveté d'un recours, au regard des délais fixés par l'article 91 du statut, de faire la preuve de la date à laquelle la décision attaquée a été notifiée (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 20 mars 1991, Pérez-Minguez Casariego/Commission, T-1/90, Rec. p. II-143, point 37). Il en est de même de la preuve de la notification de la décision prise en

réponse à une réclamation (voir ordonnance du Tribunal du 16 décembre 1998, Rentzos/Parlement, T-93/98, RecFP p. II-1923, point 33).

32.
    En l'espèce, il n'est pas contesté que la requérante, ainsi qu'elle en avait exprimé le souhait dans sa lettre du 8 décembre 1997, a demandé à la secrétaire du jury, lorsque celle-ci lui a apporté, sous pli fermé, le 18 décembre 1997, le courrier du président du jury, daté du même jour et rédigé en français, s'il était possible que la réponse à sa réclamation soit écrite en langue grecque. Il n'est pas non plus contredit par le CdR que la secrétaire du jury a alors conservé la lettre du 18 décembre 1997 et indiqué à la requérante qu'elle allait essayer d'en obtenir la traduction. La requérante soutient, enfin, que la secrétaire du jury l'a informée, quelques jours plus tard, qu'une traduction était en cours. A cet égard, il convient de relever que ce n'est que dans les déclarations finales de son conseil à l'audience que le CdR a affirmé que le président du jury n'avait jamais donné son accord à cette traduction.

33.
    Il ressort donc de ces éléments que la décision prise en réponse à sa réclamation n'a pas été communiquée à la requérante le 18 décembre 1997 et qu'elle n'en a pas pris connaissance à cette date. En conséquence, dès lors que le CdR n'a pas apporté la preuve que ladite décision a été régulièrement notifiée à la requérante avant qu'il en ait adressé une copie, le 8 avril 1998, aux conseils de celle-ci, il convient de considérer que le délai de recours n'avait pas commencé à courir avant cette date.

34.
    La requête ayant été déposée le 6 juillet 1998, il s'ensuit que le recours est recevable.

Sur le fond

35.
    La requérante invoque quatre moyens à l'appui de son recours, tirés, premièrement, d'une violation du principe de non-discrimination, deuxièmement, d'une violation de l'avis de concours, troisièmement, d'une violation du principe de bonne administration ainsi que du devoir de sollicitude et, quatrièmement, d'une violation de l'article 29, paragraphe 1, du statut.

36.
    Il convient d'examiner conjointement le premier et le troisième moyen.

Sur le premier et le troisième moyen, tirés d'une violation du principe de non-discrimination et du principe de bonne administration ainsi que du devoir de sollicitude

Arguments des parties

37.
    La requérante affirme avoir été victime d'une discrimination du fait qu'elle avait choisi de passer les épreuves du concours en grec.

38.
    Concernant la première épreuve (prise en dictée d'un texte), elle soutient que l'ordinateur mis à sa disposition, contrairement à ceux des autres candidats, n'avait pas été configuré correctement et qu'il avait fallu l'intervention d'un technicien pendant l'épreuve pour qu'elle puisse écrire en grec. De même, à l'inverse des autres participants, hormis une candidate suédoise, elle n'aurait pas passé cette épreuve dans une cabine, avec des écouteurs, mais en salle. La dictée lui aurait été lue par une personne placée derrière elle, sous la surveillance de plusieurs examinateurs, et sans relecture.

39.
    Ensuite, à l'issue de cette première épreuve, la requérante, contrairement aux autres candidats, n'aurait pas bénéficié d'une pause. En réponse à une question écrite du Tribunal, la requérante a précisé que des membres du jury lui avaient demandé de ne pas s'éloigner de son ordinateur afin qu'elle puisse vérifier que sa copie était correctement imprimée.

40.
    Concernant la deuxième épreuve (mise en page et frappe au net d'un texte), la requérante soutient que le problème lié à la configuration de son ordinateur a persisté et n'a pu être réparé par le technicien requis à cet effet, de telle sorte qu'elle n'a pas pu réaliser correctement l'exercice et, notamment, faire le tableau qui était demandé.

41.
    Le délai de six minutes supplémentaires qui lui a été accordé aurait été insuffisant pour compenser ces mauvaises conditions de travail, compte tenu du bruit fait par les autres candidats qui avaient terminé l'épreuve et de la pression psychologique importante que ces difficultés auraient fait peser sur elle.

42.
    Ce stress serait la cause de son échec dans la deuxième épreuve.

43.
    La requérante en déduit que le jury n'a pas correctement tenu compte des difficultés dont elle a été victime.

44.
    De même, elle fait valoir qu'il appartenait à l'AIPN, en vertu du principe de bonne administration et de son devoir de sollicitude à l'égard de son personnel, de s'assurer que les candidats, lors des épreuves, disposaient d'outils de travail opérationnels, et cela quelle que soit la langue choisie par eux. Or, il résulterait de ce qui précède que ces principes n'ont pas été respectés en l'espèce puisqu'un

matériel défectueux et inadéquat a été mis à la disposition de la requérante du fait qu'elle avait choisi de présenter les épreuves en grec.

45.
    Le CdR conteste, tout d'abord, l'argument de la requérante selon lequel la discrimination alléguée serait à l'origine de son échec.

46.
    Il fait observer que la requérante a obtenu une note éliminatoire à la deuxième épreuve et non à la première, alors que les difficultés techniques qu'elle invoque se rapportent essentiellement à celle-ci. Il serait donc sans pertinence d'y faire référence, d'autant plus qu'un meilleur résultat à la première épreuve n'aurait pas pu compenser l'échec à la deuxième (voir arrêt du Tribunal du 3 mars 1993, Delloye e.a./Commission, T-44/92, Rec. p. II-221, points 24 et 25).

47.
    Par ailleurs, tous les candidats auraient passé la première épreuve dans les mêmes conditions en ce qu'il leur aurait été proposé de prendre la dictée directement sur leur ordinateur ou de l'écrire sur le papier et de la retranscrire ensuite, de sorte qu'il n'y aurait pas eu de discrimination.

48.
    Il en serait de même en ce qui concerne la deuxième épreuve. Le CdR, faisant référence à un rapport technique établi par le service informatique, affirme que les problèmes se sont essentiellement manifestés au niveau des imprimantes et concernaient neuf autres candidats. En conséquence, tous les candidats auraient été dispensés de procéder eux-mêmes à l'impression de leurs documents, ce qui n'aurait eu pour effet que de retarder le déroulement de l'ensemble des épreuves, et cela de façon identique pour tous.

49.
    De plus, l'ordinateur de la requérante n'aurait pas présenté de déficience particulière. Le fait que la requérante n'ait pas pu réaliser le tableau demandé dans la deuxième épreuve résulterait de sa mauvaise gestion du temps et non d'un problème technique. Dans le cas contraire, la requérante aurait pu faire appel à un technicien. La requérante ne prouverait donc pas que ses difficultés aient été imputables à l'ordinateur.

50.
    En outre, en se référant au barème de notation de la deuxième épreuve, le CdR souligne le nombre important de fautes d'orthographe faites par la requérante qui a ainsi reçu la plus mauvaise note. Ce barème montrerait d'ailleurs que la requérante aurait, en tout état de cause, échoué, même si elle était parvenue à réaliser le tableau demandé.

51.
    Le CdR admet que, certes, au début de la deuxième épreuve, un problème particulier s'est présenté sur l'ordinateur de la requérante en ce que les caractères grecs n'apparaissaient pas sur l'écran. Cependant, ce problème aurait été immédiatement résolu grâce à l'intervention d'un technicien. En outre, la requérante se serait vu accorder un délai de six minutes supplémentaires qui, selon le CdR, a largement compensé le temps perdu à la suite de cet incident technique.

52.
    S'agissant de l'allégation de la requérante selon laquelle elle n'a pas bénéficié de la pause prévue entre la première et la deuxième épreuve, le CdR met premièrement en doute sa recevabilité, cette allégation étant présentée pour la première fois dans la réplique. Deuxièmement, il en conteste le bien-fondé en soutenant que tous les candidats ont été dispensés d'imprimer eux-mêmes leur copie. Par ailleurs, le président du jury aurait affirmé que tous les candidats ont bénéficié de quinze minutes de pause.

53.
    Enfin, le CdR s'étonne de l'allégation de la requérante selon laquelle elle aurait subi une pression psychologique considérable. Son expérience professionnelle antérieure aurait dû lui permettre de s'adapter à des situations plus exigeantes que celles du concours.

Appréciation du Tribunal

54.
    Il ressort d'une jurisprudence constante que les appréciations auxquelles se livre un jury de concours lorsqu'il évalue les aptitudes des candidats ainsi que les décisions par lesquelles le jury constate l'échec d'un candidat à une épreuve ne sauraient être soumises au contrôle du juge communautaire qu'en cas de violation évidente des règles qui président aux travaux du jury (voir arrêts du Tribunal du 15 juillet 1993, Camara Alloisio e.a./Commission, T-17/90, T-28/91 et T-17/92, Rec. p. II-841, point 90, du 1er décembre 1994, Michaël-Chiou/Commission, T-46/93, RecFP p. II-929,point 48, du 21 mai 1996, Kaps/Cour de justice, T-153/95, RecFP p. II-663, point 38, et du 11 juillet 1996, Carrer/Cour de justice, T-170/95, RecFP p. II-1071, point 49).

55.
    Le Tribunal a notamment le pouvoir de censurer une décision prise par un jury dans la mesure nécessaire afin d'assurer le traitement égal des candidats (voir, par exemple, arrêt du Tribunal du 14 juillet 1995, Pimley-Smith/Commission, T-291/94, RecFP p. II-637, point 48).

56.
    Par ailleurs, il ressort de la jurisprudence que, tout en n'étant pas mentionné dans le statut, le devoir de sollicitude de l'administration à l'égard de ses agents, qui s'impose également à un jury de concours, reflète l'équilibre des droits et obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l'autorité publique et les agents du service public. Ce devoir ainsi que le principe de bonne administration impliquent notamment que, lorsqu'elle se prononce sur la situation d'un fonctionnaire, l'autorité compétente prenne en considération l'ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l'intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 20 juin 1990, Burban/Parlement, T-133/89, Rec. p. II-245, point 27, ordonnance du Tribunal du 7 juin 1991, Weyrich/Commission, T-14/91, Rec. p. II-235, point 50, arrêt du Tribunal du 15 mars 1994, La Pietra/Commission, T-100/92, RecFP p. II-275, point 58, et arrêt de

la Cour, du 29 juin 1994, Klinke/Cour de justice, C-298/93 P, Rec. p. I-3009, point 38).

57.
    Dès lors, il y a lieu de vérifier si le traitement discriminatoire invoqué par la requérante est démontré.

58.
    Il convient, en premier lieu, d'examiner les allégations de la requérante relatives à la première épreuve.

59.
    A cet égard, il est démontré que l'ordinateur mis à la disposition de la requérante lors de cette épreuve n'avait pas été correctement configuré pour écrire en grec. En effet, il ressort de l'audition de M. Goffin, qui a assuré en partie la surveillance de cette épreuve, que des techniciens sont intervenus sur l'ordinateur de la requérante pendant la dictée.

60.
    De plus, il est constant que la requérante n'a pas passé cette épreuve dans une cabine, avec des écouteurs, mais dans une salle. A cet égard, le président du jury, M. Raivo, et les autres membres du jury, ont confirmé ce fait en précisant qu'ils avaient été contraints d'adopter cette solution pour les deux candidats ayant choisi de concourir en grec et en suédois, car ils n'avaient été informés qu'il n'y avait pas suffisamment de cabines que la veille du jour de l'épreuve.

61.
    Il s'ensuit que c'est à tort que le CdR affirme que les conditions dans lesquelles s'est déroulée la première épreuve étaient les mêmes pour tous les candidats et qu'il n'y avait pas eu de discrimination. En particulier, il convient de souligner que, en raison de l'intervention d'un technicien sur son ordinateur, la requérante a été contrainte d'écrire la dictée sur le papier et de la retranscrire ensuite.

62.
    En deuxième lieu, en ce qui concerne le grief tenant à l'impossibilité pour la requérante de bénéficier de la pause prévue entre la première et la deuxième épreuve, il convient, tout d'abord, de constater que, contrairement à ce que soutient le CdR, il ne saurait être déclaré irrecevable. En effet, d'une part, cet argument repose sur la même cause que les chefs de contestations invoqués par la requérante dans sa réclamation (voir arrêt du Tribunal du 29 mars 1990, Alexandrakis/Commission, T-57/89, Rec. p. II-143, point 9) et, d'autre part, il ne s'agit pas d'un moyen nouveau au sens de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure mais d'un argument avancé à l'appui du moyen tiré d'une violation du principe de non-discrimination énoncé dans la requête.

63.
    Ensuite, il y a lieu de constater que cet argument n'est contredit par aucun élément du dossier. En effet, aucun membre du jury n'a pu affirmer qu'il a vu Mme Papadeas bénéficier d'une pause entre les deux premières épreuves. En outre, l'explication avancée par la requérante à l'appui de ce grief est crédible. En effet, tous les membres du jury ont affirmé lors de leur audition qu'aucun candidat

n'avait été autorisé à quitter la salle d'examen avant d'avoir vérifié que sa copie avait été correctement imprimée.

64.
    En troisième lieu, s'agissant du traitement discriminatoire que la requérante a allégué avoir subi lors de la deuxième épreuve, il n'est pas contesté que le problème de la configuration de son ordinateur a persisté et qu'il a nécessité l'intervention d'un technicien. Certes, il a été accordé à la requérante six minutes supplémentaires en compensation du temps perdu lors de cet incident et elle n'a pas démontré que ce délai était insuffisant.

65.
    Toutefois, la requérante prétend également qu'il ne lui a pas été possible de réaliser le tableau demandé dans cette épreuve et elle expose, sans être contredite sur ce point, que le technicien dont elle a demandé l'assistance lui a déclaré que ce problème était lié à l'absence de configuration de son ordinateur pour écrire en grec. A cet égard, le CdR n'a pas apporté la preuve contraire.

66.
    Il ressort de tout ce qui précède que la requérante a démontré qu'elle a subi un certain nombre de mesures discriminatoires. Il est nécessaire ensuite d'en déterminer l'origine.

67.
    Pour ce qui est de l'absence de cabine, il ressort du dossier que ce problème est lié à une mauvaise organisation du concours. Le jury a effectivement exposé dans un rapport daté du 18 décembre 1997, intitulé «Observations et commentaires du jury des concours C/01/97 et C/02/97», ce qui suit:

«Nous aimerions attirer l'attention sur certains problèmes que nous avons rencontrés, de coordination avec l'administration, qui elle-même a dû subir des contraintes de temps:

[...]

— information très tardive du jury quant au fait que la salle Ravenstein, lieu des épreuves écrites, ne contenait que 7 cabines pour la dictée, ce qui l'a contraint de décider que la dictée de l'épreuve A.1. des dactylographes, en grec et en suédois, se ferait, pour les 2 seules candidates concernées, par l'intermédiaire d'une personne qui se placerait derrière les candidats et chuchoterait la dictée.»

68.
    De même, les problèmes rencontrés par la requérante avec son ordinateur résultant du fait qu'il n'avait pas été configuré pour écrire en grec sont également dus à une mauvaise organisation du concours. Il n'est pas acceptable que les épreuves d'un concours commencent avant que le bon fonctionnement du matériel informatique ait été vérifié. Or, il ressort du rapport du 18 décembre 1997, précité, que la mise en place du matériel informatique devant être mis à la disposition des candidats avait été prévue par l'administration le jour même des épreuves écrites et que le jury a dû insister pour que cette préparation se fasse au moins la veille. Toutefois, cette préparation n'a pas suffi à garantir le bon déroulement des épreuves,

lesquelles ont commencé avec une heure et demie de retard et ont connu de nombreux problèmes techniques, notamment d'impression des copies.

69.
    Enfin, le fait que la requérante n'ait pas eu de pause entre les deux premières épreuves procède également d'un défaut d'organisation. En effet, il aurait dû être fait en sorte que tous les candidats bénéficient d'un temps de repos.

70.
    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que le jury n'a pas assuré un traitement égal des candidats et, partant, a commis une violation évidente des règles qui président à ses travaux. Il ressort également de ce qui précède que le principe de bonne administration ainsi que le devoir de sollicitude à l'égard de la requérante ont été violés lors de l'organisation et du déroulement du concours litigieux.

71.
    A cet égard, le CdR n'est pas fondé à prétendre que le fait que la requérante a obtenu une note éliminatoire à la deuxième épreuve et non à la première impliquerait qu'il n'y a pas lieu de prendre en compte les difficultés techniques se rapportant à celle-ci. En effet, d'une part, il a été relevé ci-dessus que les mesures discriminatoires dont la requérante a fait l'objet n'ont pas concerné que le déroulement de la première épreuve mais, s'agissant de l'absence de pause et des difficultés de fonctionnement de son ordinateur, ont affecté le déroulement de la deuxième. Or, à celle-ci, la requérante a obtenu une note éliminatoire. D'autre part, les deux épreuves ayant eu lieu successivement, les difficultés rencontrées par la requérante lors de la première ont incontestablement influé sur ses performances dans la deuxième, compte tenu de leurs répercussions inévitables sur sa concentration, d'autant plus qu'elle n'a pas bénéficié de temps de repos.

72.
    Le CdR n'est pas non plus fondé à considérer que l'expérience professionnelle antérieure de la requérante aurait dû lui permettre de s'adapter à des situations plus exigeantes que celles du concours. En effet, cet argument n'est pas de nature à infirmer la constatation selon laquelle la requérante a fait l'objet de mesures discriminatoires par rapport aux autres candidats lors du déroulement des épreuves écrites du concours.

73.
    Il ressort de tout ce qui précède que le premier et le troisième moyen sont fondés et, par suite, que le recours doit être accueilli sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par la requérante.

Sur les dépens

74.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Le Comité des régions ayant succombé en ses moyens et la requérante ayant conclu à la

condamnation de celui-ci aux dépens, il y a lieu de le condamner à supporter l'ensemble des dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)    La décision du jury du concours interne C/01/97 de ne pas admettre la requérante à l'épreuve orale est annulée.

2)    Le Comité des régions est condamné à l'ensemble des dépens.

Cooke                García-Valdecasas                    Lindh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 novembre 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. García-Valdecasas


1: Langue de procédure: le français.