Language of document : ECLI:EU:T:2022:695

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

9 novembre 2022 (*) (1)

« Fonction publique – Agents temporaires – Non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée pour une durée indéterminée – Intérêt du service – Erreur de droit – Erreur manifeste d’appréciation – Droit d’être entendu – Principe de bonne administration – Devoir de sollicitude »

Dans l’affaire T‑164/21,

QM, représenté par Me N. de Montigny, avocate,

partie requérante,

contre

Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol), représentée par M. A. Nunzi, Mmes O. Sajin et C. Falmagne, en qualité d’agents, assistés de Mes A. Duron et D. Waelbroeck, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

Composé, lors des délibérations, de MM. R. da Silva Passos, président, V. Valančius (rapporteur) et M. Sampol Pucurull, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 22 juin 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, QM, demande l’annulation de la décision de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol) du 27 mai 2020 de ne pas renouveler son contrat de travail pour une durée indéterminée (ci-après la « décision attaquée ») ainsi que, pour autant que de besoin, l’annulation de la décision du 18 décembre 2020 rejetant sa réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Antécédents du litige

2        Le requérant, ancien agent temporaire d’Europol, est entré au service de cette agence le 1er septembre 2009 pour occuper le poste de chef de l’unité [confidentiel] du département [confidentiel], pour une durée déterminée de cinq ans renouvelable.

3        À la suite d’une réorganisation liée à l’entrée en vigueur de la décision 2009/371/JAI du Conseil, du 6 avril 2009, portant création de l’Office européen de police (Europol) (JO 2009, L 121, p. 37), le requérant a occupé, à compter du 1er janvier 2010 et jusqu’au 31 octobre 2010, le poste de chef de l’unité [confidentiel] au sein du département [confidentiel].

4        Après avoir participé avec succès à une procédure de sélection interne d’Europol, le requérant a été engagé à partir du 1er novembre 2010 et jusqu’au 31 août 2016, en qualité d’agent temporaire, au grade [confidentiel], en application de l’article 2, sous a), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») pour occuper le poste de chef de l’unité [confidentiel] au sein du même département, lequel constituait un poste non restreint, à savoir un poste non pourvu par du personnel engagé auprès des services nationaux.

5        À la suite d’un examen comparatif des mérites des agents occupant un poste d’encadrement intermédiaire, le requérant a été réassigné, le 1er novembre 2012, au poste de chef de « Business Area – [confidentiel]» au sein du département [confidentiel].

6        Après l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2014, du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le RAA (JO 2013, L 287, p. 15), le contrat du requérant a été transformé en contrat d’agent temporaire au sens de l’article 2, sous f), du RAA.

7        En 2014, le requérant a été reclassé au grade [confidentiel] au titre de l’exercice de reclassement 2014.

8        Le 1er septembre 2016, le contrat du requérant a été renouvelé pour une période de quatre ans prenant fin le 31 août 2020.

9        Europol ayant décidé, en 2017, d’appliquer une nouvelle terminologie aux différents niveaux organisationnels, les postes de « Head of Business Area » ont été renommés « Head of Department ». Ainsi, à compter du 5 avril 2018, le requérant est devenu chef du département [confidentiel] (ci-après le « département [confidentiel] ») au sein de la direction [confidentiel], sans que ce changement entraîne une modification de ses fonctions.

10      Le 7 janvier 2020, la procédure de renouvellement du contrat du requérant par un contrat à durée indéterminée a débuté, conformément aux règles applicables au sein d’Europol.

11      [confidentiel]

12      [confidentiel]

13      [confidentiel]

14      [confidentiel]

15      Le 20 mars 2020, le supérieur hiérarchique du requérant a complété la section 2 du formulaire de renouvellement de son contrat, dédiée à l’évaluation des performances de l’agent concerné, en recommandant que son contrat ne soit pas renouvelé.

16      Le 26 mars 2020, le chef de l’unité des ressources humaines a renseigné la section 3 du formulaire de renouvellement du contrat en y précisant que « certains des éléments fournis dans la section 2 se réfèrent à l’année 2019, pour laquelle le rapport d’évaluation n’a pas encore été finalisé ».

17      Le 2 avril 2020, le requérant a formulé des commentaires en réponse aux observations et aux recommandations de son supérieur hiérarchique mentionnées au point 15 ci-dessus.

18      Le 5 mai 2020, la directrice exécutive, en sa qualité d’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »), a informé le requérant de son intention de ne pas renouveler son contrat par un contrat à durée indéterminée, en précisant que, pour refléter la stratégie d’Europol intitulée « Europol Strategy 2020+ » (ci-après la « stratégie d’Europol 2020+ ») et les responsabilités assignées à Europol dans le contexte du programme « EU Interoperability Agenda », le futur chef du département [confidentiel] devrait être doté d’aptitudes et de compétences supplémentaires dont il ne disposait pas (ci-après la « lettre d’information du 5 mai 2020 »).

19      Le 12 mai 2020, le requérant a inséré, dans la section 6 du formulaire de renouvellement du contrat, ses commentaires quant à l’intention de la directrice exécutive de ne pas renouveler son contrat.

20      Le 27 mai 2020, l’AHCC a adopté la décision attaquée. Par courriel du 2 juin 2020, cette décision a été notifiée au requérant.

21      Dans la décision attaquée, l’AHCC a précisé que, « [a]près analyse de la stratégie d’Europol 2020+ et de la “documentation de programmation” d’Europol, y compris les responsabilités attribuées à Europol dans le cadre du programme d’interopérabilité de l’Union, qui sont mises en œuvre par étapes progressives, le besoin opérationnel d’un chef du département [confidentiel] doté d’une expertise supplémentaire, par rapport au profil [du] poste actuel [de requérant], a toutefois été identifié ».

22      Par courriel du 26 août 2020, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, à l’encontre de la décision attaquée.

23      [confidentiel]

24      Le 18 décembre 2020, le comité des réclamations du conseil d’administration d’Europol a adopté la décision de rejet de la réclamation.

 Conclusions des parties

25      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée et, pour autant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner Europol aux dépens.

26      Europol conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité de l’offre de preuve

27      Par lettre du 3 février 2022, le requérant a présenté une offre de preuve, conformément à l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal.

28      En l’espèce, le requérant a produit un certain nombre d’éléments dans les annexes E.1 à E.9 de la lettre du 3 février 2022. Au soutien de sa demande de verser au dossier de la procédure ces neuf documents, il invoque le principe du contradictoire. Le requérant fait valoir que la duplique ferait état de nouveaux éléments, arguments et pièces au sujet desquels il souhaiterait pouvoir répondre.

29      Europol fait valoir que la nouvelle offre de preuve est irrecevable et doit être rejetée.

30      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure précise que les preuves et offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires. Le paragraphe 3 de cet article ajoute que les parties principales peuvent, à titre exceptionnel, encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié. Dans ce dernier cas, conformément au paragraphe 4 dudit article, le Tribunal statue sur la recevabilité des preuves produites ou des offres de preuve qui ont été faites après que les autres parties ont été mises en mesure de prendre position sur celles-ci.

31      Si, conformément à la règle de forclusion prévue à l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, les parties doivent motiver le retard apporté à la présentation de leurs preuves ou offres de preuve nouvelles, le juge de l’Union a le pouvoir de contrôler le bien-fondé du motif du retard apporté à la production de ces preuves ou de ces offres de preuve et, selon le cas, le contenu de ces dernières, ainsi que, si cette production tardive n’est pas justifiée à suffisance de droit ou fondée, le pouvoir de les écarter. La présentation tardive, par une partie, de preuves ou d’offres de preuve peut, notamment, être justifiée par le fait que cette partie ne pouvait pas disposer antérieurement des preuves en question ou si les productions tardives de la partie adverse justifient que le dossier soit complété, de façon à ce que soit assuré le respect du principe du contradictoire (voir arrêt du 16 septembre 2020, BP/FRA, C‑669/19 P, non publié, EU:C:2020:713, point 41 et jurisprudence citée).

32      Or, en l’espèce, il convient de noter que le requérant ne fait pas valoir qu’il ne disposait pas des documents contenus dans les annexes E.1 à E.9 au cours de la procédure écrite.

33      Plus précisément, concernant la pièce E.1 intitulée « Strategy 2016-2020 » qui est évoquée par le requérant pour contester les allégations d’Europol relatives aux changements de la stratégie d’Europol 2020+ par rapport aux stratégies précédentes, il convient de constater que déjà, dans la réplique, le requérant a souligné la continuité des stratégies d’Europol depuis longtemps, sans toutefois soumettre, à l’appui de cette thèse, de documents relatifs aux stratégies précédentes alors qu’il avait déjà en sa possession le document intitulé « Europol Strategy 2016-2020 ».

34      Concernant les pièces E.2 à E.7 afférentes à la question du [confidentiel] qui, selon le requérant, n’a jamais été discutée entre les parties à un stade antérieur, il convient de constater que ce sujet relatif au [confidentiel] a été déjà évoqué dans le mémoire en défense et que le requérant avait la possibilité d’y répondre dans la réplique.

35      La pièce E.8, à savoir un résumé analytique du rapport d’audit final effectué en matière de sécurité, est produite par le requérant en faisant valoir que la pièce fournie par Europol n’est qu’un projet dudit rapport. À cet égard, il convient de souligner que le projet dudit rapport est cité dans la décision attaquée et ne constitue donc pas un élément nouveau. En outre, le projet final n’existait pas au moment de l’adoption de ladite décision et l’AHCC ne pouvait donc en tenir compte. Toutefois, le rapport final d’audit a été confirmé le 26 juin 2020 et le requérant aurait pu faire état de ce document au cours de la procédure écrite.

36      Enfin, au motif que, dans le cadre de la procédure de renouvellement du contrat mise en place par Europol, l’échange oral n’est pas prévu et que le droit d’être entendu est exercé exclusivement par écrit, le requérant produit une pièce E.9 qui lui a été transférée par la directrice exécutive et qui concerne le cas d’un collègue. Or, cette pièce était en possession du requérant depuis le 24 juin 2019 et, bien que depuis l’adoption de la décision de rejet de la réclamation Europol ait toujours soutenu que la procédure de renouvellement est une procédure écrite, le requérant n’a pas fait usage de cette pièce ni dans la requête ni dans la réplique.

37      Dans ces circonstances, en l’absence d’un début d’explications de la part du requérant quant aux raisons qui l’auraient empêché d’annexer à la requête ou à la réplique les documents contenus dans les annexes E.1 à E.9, il y a lieu de rejeter la nouvelle offre de preuve comme tardive et irrecevable.

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision de rejet de la réclamation

38      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cas où une décision de rejet d’une réclamation est dépourvue de contenu autonome, des conclusions formellement dirigées contre cette décision ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée [voir arrêt du 23 mars 2022, NV/eu-LISA, T‑661/20, EU:T:2022:154, point 31 (non publié) et jurisprudence citée].

39      En l’espèce, il convient de constater que la décision de rejet de la réclamation est dépourvue de contenu autonome. En effet, elle ne fait que confirmer la décision attaquée.

40      Dès lors, le recours doit être regardé comme étant dirigé contre la décision attaquée, dont la légalité doit être examinée en prenant également en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation [voir, en ce sens, arrêt du 23 mars 2022, NV/eu-LISA, T‑661/20, EU:T:2022:154, point 33 (non publié) et jurisprudence citée].

 Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision attaquée

41      À l’appui de son recours en annulation, le requérant invoque cinq moyens, tirés, le premier, d’erreurs commises par l’AHCC dans l’application des critères d’évaluation du candidat au renouvellement du contrat pour une durée indéterminée, d’une absence de décision de réorganisation et de définition des nouveaux besoins de la fonction, le deuxième, d’une violation du droit d’être entendu, le troisième, d’un préjugé quant à ses aptitudes à répondre aux besoins futurs de la fonction, d’une absence d’examen de ses aptitudes, d’une violation du devoir de bonne administration et de ses droits légitimes de se voir évaluer, le quatrième, d’une erreur manifeste d’appréciation quant à son profil et à ses aptitudes et, le cinquième, d’un abus de droit et de la violation du devoir de sollicitude.

42      À cet égard, le Tribunal doit, selon la jurisprudence, interpréter les moyens d’un requérant par leur substance plutôt que par leur qualification (voir arrêt du 10 février 2009, Deutsche Post et DHL International/Commission, T‑388/03, EU:T:2009:30, point 54 et jurisprudence citée).

43      En l’espèce, force est de constater que le deuxième moyen, tiré de la violation du droit d’être entendu, se rapporte à un vice de procédure.

44      Or, dans la mesure où, par le premier grief de son troisième moyen, le requérant soutient, en substance, qu’il n’a pas eu l’occasion de démontrer qu’il possédait les compétences et les aptitudes requises au motif qu’il n’aurait pas été mis en situation de se confronter aux attentes concrètes concernant l’évolution de son poste, il convient d’analyser, en premier lieu, ce grief avec le deuxième moyen, tiré d’une violation du droit d’être entendu, avant d’examiner, en second lieu, les autres moyens qu’il a soulevés.

45      Concernant les deux autres griefs du troisième moyen, il y a lieu de constater que ces griefs ne sont aucunement étayés par une quelconque argumentation.

46      Selon la jurisprudence, conformément à l’article 76, sous d), du règlement de procédure, toute requête doit contenir l’indication de l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels se fonde celui-ci ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir arrêt du 19 décembre 2019, Grèce/Commission, T‑295/18, non publié, EU:T:2019:880, point 68 et jurisprudence citée).

47      Partant, dans la mesure où le requérant n’a fourni aucune argumentation au soutien des griefs tirés d’une violation du devoir de bonne administration et de ses droits légitimes de se voir évaluer, il y a lieu de rejeter comme irrecevables lesdits griefs.

 Sur le deuxième moyen et le premier grief du troisième moyen, tirés d’une violation du droit d’être entendu

48      Le requérant soutient qu’il n’a pas eu l’opportunité de faire valoir son point de vue sur les compétences et sur les aptitudes que la directrice exécutive considérait comme essentielles pour le futur poste de chef du département [confidentiel], puisque ces compétences et ces aptitudes n’ont jamais été définies. Les précisions apportées par la directrice exécutive dans la lettre d’information du 5 mai 2020, selon lesquelles le futur chef du département [confidentiel] devait être doté des aptitudes et des compétences supplémentaires dont le requérant ne disposait pas, seraient insuffisantes pour lui permettre de comprendre la portée des aptitudes nouvellement requises et d’être en mesure de démontrer qu’il possédait lesdites aptitudes.

49      Le requérant conteste les allégations d’Europol selon lesquelles il était pleinement informé des modifications à apporter à son poste en raison de sa participation à l’établissement de documents stratégiques. Il précise qu’il n’avait pas connaissance des futures exigences pour son poste et qu’il est évident qu’il n’aurait pas participé aux procédures ou à l’élaboration d’une stratégie aux termes desquelles son avenir au sein d’Europol aurait été compromis.

50      Il affirme n’avoir pas eu, en conséquence, la possibilité de s’exprimer utilement sur le projet de non-renouvellement de son contrat et de faire valoir ses commentaires sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances sur la base desquels la décision attaquée a été finalement adoptée.

51      Le requérant ajoute qu’un entretien avec la directrice exécutive aurait permis de mieux comprendre les nouveaux critères qui étaient considérés comme étant essentiels pour le renouvellement de son contrat et les besoins du service, mais que cet entretien lui a été refusé.

52      En outre, il souligne que, dans l’hypothèse où il aurait été entendu, tout d’abord, il aurait pu faire valoir que le rapport d’évaluation pour 2019 n’avait pas été établi et que, dès lors, la directrice exécutive ne disposait pas de tous les éléments objectifs pour procéder à l’évaluation de ses capacités. Les précédents rapports d’évaluation étant la principale source d’information du processus de renouvellement, le rapport d’évaluation pour 2019, s’il avait été établi, aurait pu lever les doutes de la directrice exécutive quant à la possession par le requérant des aptitudes requises pour le futur poste de chef du département [confidentiel].

53      Ensuite, il aurait pu souligner que, bien qu’il ait fait preuve de ses compétences dans le domaine des « services répressifs » et des « changements législatifs et de politiques », ces compétences n’avaient toutefois jamais été incluses dans son dossier personnel, cela s’expliquant par le fait qu’il n’avait jamais fait l’objet d’une évaluation objective à cet égard et par la relation conflictuelle entretenue avec son supérieur hiérarchique.

54      Enfin, il aurait pu rappeler que l’appréciation concrète de ses aptitudes et de ses compétences était d’autant plus importante que, selon l’article 5 de la décision du 28 mars 2019 de la directrice exécutive relative à la durée des contrats de travail des agents temporaires engagés au titre de l’article 2, sous f), du RAA (ci-après la « décision du 28 mars 2019 »), il était soumis à une période de latence de trois ans.

55      Europol conteste les arguments du requérant.

56      À cet égard, il convient de rappeler que le droit d’être entendu, consacré à l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, garantit à toute personne la possibilité de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours de la procédure administrative et avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts (voir arrêt du 4 avril 2019, OZ/BEI, C‑558/17 P, EU:C:2019:289, point 53 et jurisprudence citée).

57      Une décision telle que celle du non-renouvellement d’un contrat d’engagement, laquelle affecte incontestablement la situation administrative du requérant, ne peut être prise qu’après que l’intéressé a été mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet du projet de décision, dans le cadre d’un échange écrit ou oral engagé par l’autorité compétente et dont la preuve incombe à celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2015, BP/FRA, T‑658/13 P, EU:T:2015:356, point 54 et jurisprudence citée).

58      Par ailleurs, il a été jugé que les droits de la défense sont respectés de la façon la plus efficace lorsque l’intéressé est en mesure de s’exprimer en pleine connaissance de tous les éléments qui sont à la disposition de l’AHCC, en particulier sur le contenu d’un avis (voir, en ce sens, arrêt du 3 juin 2015, BP/FRA, T‑658/13 P, EU:T:2015:356, point 57 et jurisprudence citée).

59      En l’espèce, premièrement, s’agissant du grief du requérant relatif à l’absence d’opportunité qui lui aurait été donnée de faire valoir son point de vue sur les compétences et sur les aptitudes que la directrice exécutive considérait comme essentielles pour le futur poste de chef du département [confidentiel], il y a lieu de rappeler que, dans la lettre d’information du 5 mai 2020, la directrice exécutive a listé les quatre nouvelles tâches requises de la part du chef de département [confidentiel].

60      Lesdites tâches consistaient à [confidentiel].

61      Il y a lieu de considérer que ces précisions ainsi que les documents auxquels le requérant a contribué en tant que chef du département [confidentiel] –à savoir la stratégie d’Europol 2020+, la feuille de route d’Europol pour l’interopérabilité, le document de programmation d’Europol 2020-2022, le projet de document de programmation 2021-2023, le rapport d’Europol aux intervenants externes, le plan d’Europol d’interopérabilité de l’Union et les rapports d’Europol sur la mise en œuvre de la stratégie d’Europol 2020+ – ont permis à celui-ci de comprendre qu’il était exigé du département [confidentiel] qu’il passe d’une fonction de simple support aux activités opérationnelles à une fonction opérationnelle en elle-même et, partant, d’identifier les compétences et les aptitudes requises pour faire face aux nouvelles exigences en matière de [confidentiel] liées aux besoins futurs et prévisibles d’Europol.

62      Or, informé de ces changements, il y a lieu de constater que le requérant a été mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet du projet de décision attaquée. En effet, il a eu la possibilité de faire valoir ses observations, par écrit, à deux reprises. D’abord, le 2 avril 2020, le requérant a soumis ses observations sur les commentaires fournis par son supérieur hiérarchique. Ensuite, le 12 mai 2020, le requérant a produit ses commentaires sur l’intention de la directrice exécutive de ne pas renouveler son contrat.

63      Il ressort des commentaires du requérant en date du 12 mai 2020, dans lesquels il a présenté ses aptitudes de façon très positive, qu’il était conscient des éléments sur la base desquels la décision attaquée a été finalement adoptée.

64      Deuxièmement, quant au grief du requérant tiré de ce que la directrice exécutive n’a pas accédé à sa demande d’entretien, il convient de rappeler que, selon la décision du 28 mars 2019, la procédure de renouvellement de contrat est une procédure écrite et qu’aucun entretien oral n’est prévu.

65      En outre, selon la jurisprudence, le droit d’être entendu ne signifie pas que la personne intéressée doit être mise en mesure de s’exprimer oralement (voir arrêt du 25 février 2016, Musso/Parlement, T‑589/14 et T‑772/14, non publié, EU:T:2016:101, point 59 et jurisprudence citée).

66      Ainsi, la mise en œuvre du droit d’être entendu n’implique pas nécessairement une audition de la personne concernée, la possibilité de présenter des observations par écrit permettant également de satisfaire audit droit.

67      En l’espèce, certes, le requérant n’a pas été entendu oralement par la directrice exécutive. Toutefois, dès lors que le requérant a été mis en mesure de présenter ses observations au sujet du projet de décision mettant fin à son engagement au sein d’Europol par écrit, son droit d’être entendu a été respecté.

68      S’agissant, troisièmement, de l’argument selon lequel la directrice exécutive n’aurait pas disposé de toutes les informations nécessaires à l’adoption de la décision attaquée au motif que le rapport d’évaluation pour 2019 n’avait pas été établi, il doit être relevé que le requérant ne démontre pas que l’établissement de son rapport d’évaluation pour l’années 2019 aurait pu avoir une influence sur la procédure de renouvellement de son contrat.

69      Par ailleurs, le requérant n’a, avant le présent recours, jamais contesté l’absence de finalisation du rapport d’évaluation pour l’année 2019, ni soutenu que cette absence lui était préjudiciable.

70      Quant à l’allégation du requérant selon laquelle il n’a jamais fait l’objet d’une évaluation objective compte tenu de la relation conflictuelle avec son supérieur hiérarchique, de sorte que les compétences dans le domaine des « services répressifs » et des « changements législatifs et de politiques » n’ont jamais été incluses dans son dossier personnel, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, les commentaires et les observations négatifs du supérieur hiérarchique du requérant n’ont pas été pris en considération par l’AHCC lors de l’adoption de la décision attaquée. En outre, le département [confidentiel] était soumis à une obligation de rendre régulièrement des rapports sur ses activités qui devaient être visés et approuvés par la directrice exécutive. Ainsi, la directrice exécutive avait accès à toutes les informations pertinentes concernant le requérant, y compris le dossier personnel et les commentaires soumis dans le cadre de la procédure de renouvellement de contrat, de sorte qu’elle était en mesure d’effectuer sa propre évaluation des capacités du requérant.

71      Il résulte de ce qui précède que le moyen pris de la violation du droit d’être entendu doit être écarté.

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs commises par l’AHCC dans l’application des critères d’évaluation du candidat au renouvellement du contrat pour une durée indéterminée, d’une absence de décision de réorganisation et de définition des nouveaux besoins de la fonction

72      Selon le requérant, conformément à l’article 4, paragraphe 3, de la décision du 28 mars 2019, les termes de « développements futurs prévisibles » mentionnés à cet article se rapportent au besoin continu du poste ou de la fonction et, donc, exclusivement au premier critère. Or, il résulterait de la motivation de la décision attaquée que celle-ci est fondée uniquement sur le deuxième critère prévu dans ladite disposition, à savoir les aptitudes et les compétences de l’agent, lesquelles ne se réfèrent pas aux développements futurs prévisibles.

73      Ainsi, le requérant soutient que, en exigeant de lui la démonstration d’aptitudes nouvelles compte tenu de développements futurs prévisibles, la décision attaquée serait en réalité fondée sur un remaniement de la fonction qu’il occupait, qui n’avait fait l’objet d’aucune décision de réorganisation, tandis que les nouveaux besoins de cette fonction n’étaient pas définis au moment de la décision relative au non-renouvellement de son contrat.

74      À cet égard, premièrement, en invoquant l’arrêt du 16 décembre 2020, VP/Cedefop (T‑187/18, non publié, EU:T:2020:613), le requérant fait valoir qu’Europol pouvait se référer à des réorganisations futures pour apprécier son intérêt de renouveler ou non le contrat d’un de ses agents uniquement dans l’hypothèse où lesdites réorganisations étaient prévisibles. Ainsi, la directrice exécutive, en décidant de ne pas renouveler le contrat du requérant pour une durée indéterminée au motif que d’autres aptitudes étaient requises pour accomplir les tâches dévolues au futur chef du département [confidentiel], alors que le descriptif des fonctions afférentes à cet emploi n’avait pas encore été modifié, aurait commis une erreur.

75      Deuxièmement, le requérant fait valoir que la décision attaquée ne précise pas les aptitudes qui seront nécessaires pour occuper l’emploi de chef du département [confidentiel] dans le futur. En outre, selon lui, aucun document évoqué par Europol ne définit les nouvelles compétences que le prochain chef du département [confidentiel] devrait détenir.

76      Ainsi, il estime que ses aptitudes et ses compétences auraient dû être examinées pour vérifier s’il correspondait au profil du poste tel qu’il était désormais envisagé. En effet, Europol aurait dû évaluer les compétences et les aptitudes du requérant sur la base d’un processus ou d’un test et non sur la base des performances du profil du poste actuel.

77      Le requérant soutient, par ailleurs, qu’il avait démontré avoir les aptitudes et les compétences à présent recherchées ou, à tout le moins, qu’il avait su démontrer pendant toute sa carrière qu’il était parfaitement capable d’adapter son profil en fonction de ses compétences et vice versa.

78      Le requérant fait également valoir que l’avis de vacance publié le [confidentiel] comportait la description d’un poste analogue à celui qu’il occupait. À cet égard, il soutient que, lorsqu’il était en poste, la description de son poste n’avait jamais évolué malgré l’adaptation de ses fonctions.

79      Troisièmement, le requérant désapprouve le fait que le poste de chef du département [confidentiel] a été classé parmi les postes dits « restreints ». Il soutient que ce changement ne saurait valablement lui être opposé, puisque la modification du type de poste durant l’exercice des fonctions ne peut porter préjudice à l’agent qui occupe le poste en question. Or, ce changement, qui engendrerait une obligation de rotation des agents temporaires, aurait eu pour conséquence d’empêcher le requérant de postuler du fait de la période de latence de trois ans.

80      Quatrièmement, le requérant invoque une inégalité de traitement et une violation de l’article 27 du statut. Il soutient que la personne engagée en [confidentiel] sur le poste de chef du département [confidentiel] ne disposait pas de compétences supplémentaires par rapport aux siennes et que son profil est analogue au sien. La seule différence entre cette personne et le requérant serait la nationalité. Le requérant ajoute que la sélection d’un agent [confidentiel] pour le poste de chef de département [confidentiel] dans lequel deux chefs d’unité sont aussi [confidentiel] porterait atteinte à l’équilibre entre nationalités parmi les fonctionnaires et les agents et au principe posé par l’article 27 du statut.

81      Europol conteste les arguments du requérant.

82      À cet égard, il y a lieu, à titre liminaire, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la possibilité de renouveler un contrat d’agent temporaire constitue une simple possibilité laissée à l’appréciation de l’autorité compétente, les institutions disposant d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services, en fonction des missions qui leur sont dévolues, et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service (voir arrêt du 10 octobre 2014, EMA/BU, T‑444/13 P, EU:T:2014:865, point 28 et jurisprudence citée).

83      Cette jurisprudence apparaît d’autant plus pertinente lorsqu’il s’agit de remplacer un contrat à durée déterminée par un contrat à durée indéterminée, qui crée un lien plus stable et sans limite de temps entre l’institution et l’agent concerné (arrêt du 26 janvier 2022, MN/Europol, T‑586/20, non publié, EU:T:2022:24, point 34).

84      L’organisation et le fonctionnement du service sont de la seule compétence de l’institution et c’est l’autorité hiérarchique qui est seule responsable de l’organisation des services. Il incombe à elle seule d’apprécier les besoins du service en affectant, en conséquence, le personnel qui se trouve à sa disposition (voir arrêt du 16 décembre 2020, VP/Cedefop, T‑187/18, non publié, EU:T:2020:613, point 104 et jurisprudence citée).

85      Ainsi, les institutions et les agences de l’Union ont la liberté de structurer leurs unités administratives en tenant compte d’un ensemble de facteurs, tels que la nature et l’ampleur des tâches qui leur sont dévolues et les possibilités budgétaires. Cette liberté implique celle de supprimer des emplois et de modifier l’attribution des tâches, dans l’intérêt d’une plus grande efficacité de l’organisation des travaux ou en vue de répondre à des exigences budgétaires de suppression de postes imposées par les instances politiques de l’Union, de même que le pouvoir de réassigner des tâches précédemment exercées par le titulaire de l’emploi supprimé, sans que cette suppression de l’emploi soit nécessairement soumise à la condition que l’ensemble des tâches imposées soient effectuées par un nombre moins important de personnes qu’avant la réorganisation (voir arrêt du 16 décembre 2020, VP/Cedefop, T‑187/18, non publié, EU:T:2020:613, point 105 et jurisprudence citée).

86      Par ailleurs, à la différence des fonctionnaires, dont la stabilité d’emploi est garantie par le statut, les agents temporaires relèvent d’un autre régime à la base duquel se trouve le contrat d’emploi conclu avec l’institution concernée. Il ressort de l’article 47, paragraphe 1, sous b), du RAA que la durée de la relation de travail entre une institution et un agent temporaire engagé à durée déterminée est, précisément, régie par les conditions établies dans le contrat conclu entre les parties (arrêt du 13 décembre 2018, Wahlström/Frontex, T‑591/16, non publié, EU:T:2018:938, point 46).

87      Toutefois, il convient de relever que, lorsqu’une administration a, par directive interne, adopté un régime spécifique, destiné en particulier à garantir la transparence du processus de renouvellement des contrats ainsi que l’application correcte de certaines conditions de procédure, ce régime s’analyse comme une autolimitation du pouvoir d’appréciation de l’institution, dont l’administration ne peut s’écarter, sous peine d’enfreindre le principe d’égalité de traitement, qu’en précisant clairement les raisons pouvant justifier ce changement (arrêt du 26 septembre 2017, Hanschmann/Europol, T‑562/16, non publié, EU:T:2017:664, point 67).

88      Dans la présente affaire, en premier lieu, il convient de relever que la décision du 28 mars 2019, qui définit la politique générale d’Europol en matière de renouvellement des contrats, constitue une directive interne au sens de la jurisprudence citée au point 87 ci-dessus. En effet, cette décision a pour effet de mettre en place un régime spécifique qui subordonne le renouvellement des contrats pour une durée indéterminée à trois conditions cumulatives.

89      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 4, paragraphe 3, de la décision du 28 mars 2019, le renouvellement du contrat pour une durée indéterminée est soumis à trois critères, à savoir, premièrement, le besoin continu du poste ou de la fonction, y compris à la lumière des développements futurs prévisibles, deuxièmement, les aptitudes et les compétences de l’agent et leur pertinence pour le poste ou la fonction occupé et, troisièmement, la performance constamment élevée de l’agent concerné.

90      En l’espèce, il ressort, en substance, de la décision attaquée que, si le besoin continu du poste ainsi que la performance constamment élevée du requérant ne sont pas contestés, toutefois, ses aptitudes et ses compétences ainsi que leur pertinence pour le poste occupé sont en jeu à la lumière des développements futurs prévisibles.

91      Ainsi, Europol a fait, en l’espèce, une application des deux premiers critères, à savoir, d’une part, la nécessité continue du poste et de la fonction, à la lumière des développements futurs prévisibles, et, d’autre part, les aptitudes et les compétences de l’agent et leur pertinence pour la fonction occupée, et a constaté une inadéquation entre les aptitudes et les compétences du requérant et les développements futurs prévisibles en matière de [confidentiel].

92      Il convient d’examiner si une telle application contestée par le requérant est, comme il l’affirme en substance, injustifiée et incohérente.

93      Premièrement, il y a lieu de considérer que, dans l’intérêt du service, Europol, avant de prendre la décision sur le renouvellement du contrat, devait, de façon responsable, évaluer les futurs changements et les évolutions prévisibles.

94      En l’espèce, d’une part, Europol, en tenant compte des nombreux documents stratégiques de programmation relatifs à son activité, a considéré que le département [confidentiel] devait exercer des activités opérationnelles et non plus seulement des activités de support aux activités opérationnelles des autres départements, de sorte que le chef du département [confidentiel] devait posséder des compétences supplémentaires.

95      D’autre part, Europol, après avoir évalué les aptitudes et les compétences du requérant, en tenant compte du dossier personnel et des commentaires de celui-ci, soumis dans le cadre de la procédure de renouvellement du contrat, a considéré qu’elles ne correspondaient pas aux développements futurs en matière de [confidentiel].

96      Deuxièmement, si, ainsi que le soutient le requérant, les critères fixés à l’article 4, paragraphe 3, de la décision du 28 mars 2019 devaient être appliqués de manière totalement autonome, une telle application pourrait conduire à une situation dans laquelle Europol devrait renouveler le contrat d’un agent, alors même que ses compétences ne correspondraient pas aux exigences, raisonnablement prévisibles dans le futur, du poste occupé, ce qui serait manifestement contraire à l’intérêt du service et à l’objectif de la procédure prévue par ledit article.

97      Ainsi, à la lumière de ces remarques, et compte tenu du large pouvoir d’appréciation de l’AHCC en matière de renouvellement des contrats à durée déterminée par des contrats à durée indéterminée, il n’apparaît pas qu’il puisse être reproché à Europol d’avoir commis une erreur de droit dans l’application des critères d’évaluation du candidat au renouvellement du contrat.

98      En deuxième lieu, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, celle-ci n’est pas fondée sur une réorganisation future de l’agence, mais sur le fait que les aptitudes et les compétences du requérant ne correspondaient pas au profil du poste à la lumière des développements futurs et prévisibles de celui-ci.

99      Le poste de chef du département [confidentiel] a été maintenu dans l’organigramme d’Europol, mais les besoins du poste correspondant à de nouvelles compétences ont été redéfinis, de sorte que ledit poste exige des compétences additionnelles, sans toutefois faire l’objet d’une suppression ou d’une réorganisation.

100    Ainsi, l’arrêt du 16 décembre 2020, VP/Cedefop (T‑187/18, non publié, EU:T:2020:613), par lequel la décision de non-renouvellement du contrat d’un agent a été annulée au motif que ladite décision était fondée sur une réorganisation future, alors qu’aucune décision concrète n’avait été adoptée à cet égard, ne saurait trouver à s’appliquer en l’espèce.

101    En troisième lieu, s’agissant de l’argument pris de ce que la décision attaquée ne précise pas les aptitudes nécessaires pour occuper l’emploi de chef du département [confidentiel] dans le futur, il doit être rappelé que, dans la décision attaquée, l’AHCC a précisé que [confidentiel] sont des compétences cruciales et que la « capacité de conduire [confidentiel] sera primordiale pour le chef du département [confidentiel] ».

102    En outre, il ressort de différentes pièces du dossier, tant de nature stratégique, telles que la stratégie d’Europol 2020+, que de nature programmatique, notamment la documentation de programmation d’Europol et en particulier celle de la période 2020-2022, y compris les responsabilités attribuées à Europol dans le cadre du programme d’interopérabilité de l’Union, auxquels le requérant, en sa qualité de chef de département [confidentiel], a contribué et qu’il ne pouvait ignorer, que les discussions sur ces besoins futurs en matière de [confidentiel] ont été entamées en 2019.

103    Dans ce contexte, la décision attaquée ainsi que les précisions apportées dans la lettre d’information du 5 mai 2020 et les documents accessibles au requérant, tels que la stratégie d’Europol 2020+, la feuille de route d’Europol pour l’interopérabilité, le document de programmation d’Europol 2020-2022, le projet de document de programmation 2021-2023, le rapport d’Europol aux intervenants externes, le plan d’Europol d’interopérabilité de l’Union et les rapports d’Europol sur la mise en œuvre de la stratégie d’Europol 2020+, ont nécessairement permis à celui-ci de comprendre les aptitudes et les compétences recherchées pour le poste de chef du département [confidentiel].

104    Quant à l’allégation selon laquelle Europol aurait dû évaluer les compétences et les aptitudes du requérant sur la base d’un processus ou d’un test, il y a lieu de relever qu’un tel test n’est pas prévu dans la décision du 28 mars 2018 qui définit la procédure de renouvellement des contrats. Les compétences et les aptitudes de l’agent sont examinées par le directeur exécutif en tenant compte des résultats obtenus par l’agent, de son dossier personnel, y compris son curriculum vitae et les commentaires soumis dans le cadre de la procédure de renouvellement, procédure à laquelle l’AHCC s’est conformée en l’espèce. La mise en œuvre d’une procédure supplémentaire, sous la forme d’un test ou d’un entretien demandé par le requérant, aurait méconnu les termes de la décision du 28 mars 2018 et aurait été susceptible d’emporter une violation du principe d’égalité de traitement.

105    En quatrième lieu, concernant le classement du poste de chef du département [confidentiel] parmi les postes dits « restreints », il suffit de constater que ce changement, en l’espèce, a eu lieu après l’adoption de la décision attaquée et ne saurait, partant, avoir une quelconque incidence sur sa légalité. Dès lors, la question de savoir si ledit changement était opposable ou non au requérant est dénuée de pertinence.

106    En cinquième lieu, en ce qui concerne le grief selon lequel la personne nouvellement engagée en qualité de chef du département [confidentiel] ne disposerait pas de compétences supplémentaires par rapport à celles du requérant, il y a lieu de relever que ces allégations se fondent sur sa perception personnelle d’informations accessibles publiquement. Or, ainsi que le soutient Europol, ces informations ne peuvent pas remplacer un dossier de candidature dans le cadre d’une procédure de sélection.

107    Quant à l’allégation du requérant selon laquelle la nomination d’un agent [confidentiel] au poste de chef du département [confidentiel] dans lequel deux autres chefs d’unité sont aussi [confidentiel] porterait atteinte à l’article 27 du statut, force est de constater que le candidat retenu pour le poste de chef du département [confidentiel] est de nationalité [confidentiel] tandis que deux autres chefs d’unité sont de nationalité [confidentiel].

108    Ainsi, fautes d’autres preuves, il n’apparaît pas que, en nommant comme chef du département [confidentiel] un agent [confidentiel], de nationalité [confidentiel], alors que deux chefs d’unité de ce département détiennent la nationalité [confidentiel], Europol ait méconnu l’article 27 du statut qui impose, notamment, aux agences de l’Union de recruter leur personnel sur une base géographique la plus large possible parmi les ressortissants des États membres de l’Union et qui leur interdit de réserver des emplois aux ressortissants d’un État membre déterminé.

109    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation

110    Dans le cadre du quatrième moyen, le requérant soutient que ses expériences professionnelles, ses aptitudes et sa capacité de s’adapter en fonction des besoins démontrent qu’il possède les qualités requises pour occuper le poste de chef du département [confidentiel] et que la directrice exécutive a donc commis une erreur manifeste d’appréciation quant à ses capacités d’exécuter ses tâches à la lumière des développements futurs et prévisibles du poste de chef du département [confidentiel].

111    En outre, le requérant rappelle qu’il n’avait pas connaissance des nouveaux besoins de l’organisation, dans la mesure où les compétences requises ne faisaient pas partie des exigences ou des descriptions du poste disponible.

112    En tout état de cause, le requérant n’aurait pas fait l’objet d’un traitement égal à l’égard des autres candidats au poste de chef du département [confidentiel] concernant les modalités d’évaluation de ses aptitudes.

113    Europol conteste l’argumentation du requérant.

114    À titre liminaire, il convient de relever que, même si l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation lors du renouvellement d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, ainsi qu’il ressort des points 82 et 83 ci-dessus, le Tribunal, saisi d’un recours en annulation dirigé contre un acte adopté dans l’exercice d’un tel pouvoir, n’en exerce pas moins un contrôle de légalité, lequel se manifeste à plusieurs égards. S’agissant d’une demande d’annulation d’une décision de non-renouvellement d’un contrat d’agent temporaire, laquelle constitue un acte faisant grief, le contrôle du juge de l’Union doit se limiter à la vérification de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste d’appréciation dans l’évaluation de l’intérêt du service ayant pu justifier cette décision, de détournement de pouvoir ainsi qu’à l’absence d’atteinte au devoir de sollicitude qui pèse sur une administration lorsqu’elle est appelée à se prononcer sur la reconduction d’un contrat qui la lie à l’un de ses agents. En outre, le Tribunal contrôle si l’administration a commis des irrégularités procédurales ou des inexactitudes matérielles (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2018, Wahlström/Frontex, T‑591/16, non publié, EU:T:2018:938, point 47).

115    Par ailleurs, une erreur peut seulement être qualifiée de manifeste lorsqu’elle est aisément perceptible et peut être détectée à l’évidence, à l’aune des critères auxquels l’exercice du pouvoir décisionnel en question est subordonné. En conséquence, afin d’établir que l’administration a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des faits qui soit de nature à justifier l’annulation d’une décision, les éléments de preuve, qu’il incombe à la partie requérante d’apporter, doivent être suffisants pour priver de plausibilité les appréciations retenues par l’administration. En d’autres termes, le moyen tiré de l’erreur manifeste doit être rejeté si, en dépit des éléments avancés par la partie requérante, l’appréciation mise en cause peut être admise comme étant toujours vraie ou valable (voir arrêt du 15 décembre 2021, HB/BEI, T‑689/20, non publié, EU:T:2021:891, point 37 et jurisprudence citée).

116    C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’examiner les arguments avancés par le requérant à l’appui du quatrième moyen.

117    En l’espèce, la décision attaquée est fondée sur le motif que les aptitudes et les compétences du requérant ne répondaient pas aux besoins d’Europol pour le poste de chef du département [confidentiel] à la lumière des développements futurs prévisibles.

118    En premier lieu, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel ses résultats, son expérience et sa capacité d’adaptation démontrent qu’il possédait les aptitudes et les compétences requises pour occuper le poste de chef du département [confidentiel], il y a lieu de relever qu’Europol ne conteste ni les performances élevées du requérant ni sa capacité d’adaptation. Le motif ayant justifié le non-renouvellement du contrat du requérant réside dans l’inadéquation du profil du requérant aux besoins futurs d’Europol, à savoir au regard d’une capacité désormais exigée [confidentiel]. Il en ressort que de nouveaux besoins et domaines d’expertises supplémentaires ont été identifiés et que, selon Europol, les compétences du requérant ne sont pas suffisantes pour y répondre.

119    Si le requérant déclare détenir les compétences et les aptitudes nouvellement identifiées, il reste en défaut de préciser ces compétences et, de ce fait, de démontrer que son expérience au sein d’Europol ou son expérience antérieure pourrait répondre au besoin d’Europol de disposer d’une personne bénéficiant d’une capacité de [confidentiel] et encore [confidentiel].

120    En outre, si le requérant soutient que la description de poste dans l’avis de vacance publié le 7 janvier 2021 ne comprenait aucune compétence complémentaire par rapport à ses tâches, le Tribunal constate néanmoins que, à la suite du non-renouvellement du contrat du requérant, Europol a publié un avis de vacance pour pourvoir le poste de chef du département [confidentiel], dans lequel plusieurs tâches ne faisaient pas partie des fonctions du requérant, notamment celles de [confidentiel].

121    Il en résulte que les tâches confiées au requérant au sein d’Europol ne correspondaient pas aux exigences futures et prévisibles requises par le poste de chef du département [confidentiel], et que le requérant demeure en défaut d’établir une erreur manifeste d’appréciation de la part d’Europol quant au fait qu’il ne détenait pas les compétences nécessaires pour occuper ce poste dans le futur, dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée.

122    En second lieu, quant aux arguments du requérant selon lesquels les nouveaux besoins de l’organisation ne lui étaient pas connus, il y a lieu de renvoyer à l’appréciation des premier et deuxième moyens, en soulignant que les développements futurs en matière de technologies de l’information et de la communication ont été clairement identifiés dans de nombreux documents stratégiques à l’élaboration desquels le requérant a été associé et sur lesquels il a eu la possibilité de présenter ses observations à deux reprises dans le cadre de la procédure de renouvellement et de décrire celles de ses aptitudes qui n’auraient pas été reprises dans son dossier personnel.

123    Au vu de ce qui précède, le requérant ne soumet pas d’éléments suffisants de nature à priver de plausibilité les appréciations retenues par Europol quant à l’inadéquation de son profil aux nouveaux besoins du service, conformément à la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus.

124    Par conséquent, il ne ressort pas du dossier qu’Europol aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que le requérant ne disposait pas des aptitudes et des compétences en adéquation avec ses nouveaux besoins. Dès lors, le quatrième moyen du requérant doit être écarté.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’un abus de droit et d’une violation du devoir de sollicitude

125    Le requérant soutient que l’adoption de la décision attaquée sur la base des besoins futurs et prévisibles liés au poste de chef du département [confidentiel], alors que la description du poste n’a pas été modifiée, est une illustration d’un abus de droit manifeste et que les craintes émises par la directrice exécutive quant aux capacités requises à l’avenir auraient pu être levées par la faculté offerte à l’article 47 du RAA de mettre un terme au contrat d’agent temporaire à durée indéterminée pour des raisons liées à l’intérêt du service.

126    En outre, le requérant fait valoir que, en le privant du droit de démontrer ses capacités par l’intermédiaire d’une procédure de sélection, en raison d’une période de latence de trois ans, l’AHCC a commis un abus de droit.

127    Au soutien du grief tiré d’une violation du devoir de sollicitude, le requérant souligne qu’Europol se devait de trouver une solution moins préjudiciable pour lui, consistant, par exemple, à évaluer ses aptitudes qui demeuraient non encore évaluées ou utilisées, à le mettre en compétition avec les candidats à ce poste ou bien à le désigner comme conseiller pour faciliter la transition et assurer les besoins du service.

128    Europol conteste les arguments du requérant.

129    Premièrement, s’agissant de l’argument du requérant visant le fait que la décision attaquée a été adoptée sur la base des développements futurs liés au poste de chef du département [confidentiel] alors que la description du poste dans l’avis de vacance n’avait pas changé, il y a lieu de rappeler que plusieurs tâches, mentionnées au point 120 ci-dessus et décrites dans l’avis de vacance du 7 janvier 2021, ne faisaient pas partie des fonctions du requérant, ce qui est de nature à corroborer l’évolution des besoins d’Europol.

130    Deuxièmement, l’argument du requérant tiré d’une possibilité de lever, par l’application de l’article 47 du RAA, les craintes de la directrice exécutive quant à la détention des aptitudes et des compétences nécessaires pour répondre aux besoins futurs ne peut davantage être accueilli. En effet, comme le relève à juste titre Europol, dans un premier temps, la décision sur le renouvellement du contrat doit être prise conformément à l’intérêt du service. Ce n’est que dans un second temps que le mécanisme prévu à l’article 47 du RAA peut éventuellement être envisagé comme décision indépendante de la décision de renouvellement d’un contrat et postérieure à celle-ci.

131    Troisièmement, s’agissant de la possibilité pour le requérant de participer à une procédure de sélection, il convient de relever que le requérant a eu l’opportunité de démontrer qu’il possédait les compétences supplémentaires requises pour le poste de chef du département [confidentiel] en soumettant ses observations dans le cadre de la procédure de renouvellement. La décision attaquée a été prise sur la base de ces observations et après l’évaluation de la performance et de l’expérience antérieure du requérant. Toute autre forme d’examen des aptitudes et des compétences aurait été contraire à la décision du 28 mars 2019 et aurait enfreint le principe d’égalité de traitement.

132    Quatrièmement, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, la directrice exécutive a dûment pris en considération la situation personnelle du requérant, notamment au regard du contexte économique au jour de la décision attaquée, mais avoir, au terme d’une mise en balance des intérêts du requérant et du service, estimé qu’il y avait lieu de faire primer l’intérêt du service sur celui du requérant. Cette précision démontre que la situation personnelle et l’intérêt du requérant ont bien été considérés avant l’adoption de la décision attaquée, dans le respect du devoir de sollicitude.

133    Enfin, cinquièmement, concernant l’argument du requérant selon lequel Europol pouvait le désigner comme conseiller pour faciliter la transition et assurer les besoins du service, il y a lieu de rappeler que le devoir de sollicitude n’impose pas à l’administration, dans des circonstances comparables à celle du cas d’espèce, de vérifier la possibilité de réaffecter un agent dans un autre service (voir, en ce sens, arrêt du 19 juillet 2017, Parlement/Meyrl, T‑699/16 P, non publié, EU:T:2017:524, point 62).

134    Partant, le cinquième moyen, tiré d’un abus de droit et d’une violation du devoir de sollicitude, doit être rejeté.

135    Il découle de tout ce qui précède qu’aucun des moyens avancés au soutien du recours ne saurait être accueilli et que, par voie de conséquence, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

136    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions d’Europol.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      QM est condamné aux dépens.

da Silva Passos

Valančius

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 novembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.