Language of document : ECLI:EU:T:2011:181

Affaire T-461/07

Visa Europe Ltd et
Visa International Service

contre

Commission européenne

« Concurrence — Ententes — Marché des services d’acquisition des transactions effectuées par cartes de crédit ou de débit différé — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE — Restriction de la concurrence — Concurrent potentiel — Amendes — Circonstances atténuantes — Délai raisonnable — Sécurité juridique — Droits de la défense »

Sommaire de l'arrêt

1.      Procédure — Requête introductive d'instance — Exigences de forme

(Statut de la Cour de justice, art. 21; règlement de procédure du Tribunal, art. 44, § 1, c))

2.      Concurrence — Procédure administrative — Communication des griefs — Contenu nécessaire — Respect des droits de la défense — Entreprises mises en mesure de faire connaître leur point de vue sur les faits, griefs et circonstances allégués par la Commission

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 27, § 1)

3.      Concurrence — Ententes — Atteinte à la concurrence — Critères d'appréciation — Examen des conditions de concurrence sur le marché — Prise en compte de la concurrence actuelle et potentielle

(Art. 81, § 1 et 3, CE)

4.      Concurrence — Procédure administrative — Décision de la Commission constatant une infraction — Décision nécessitant une appréciation économique ou technique complexe — Contrôle juridictionnel — Portée

(Art. 81, § 1, CE )

5.      Concurrence — Ententes — Atteinte à la concurrence — Notion

(Art. 81 § 1 CE)

6.      Concurrence — Ententes — Atteinte à la concurrence — Qualification d'une entreprise de concurrent potentiel — Critères — Élément essentiel — Capacité de l'entreprise à intégrer le marché pertinent

(Art. 81, § 1, CE)

7.      Concurrence — Ententes — Preuve — Appréciation de la valeur probante d'un document — Critère — Crédibilité des preuves produites

(Art. 81, § 1, CE)

8.      Concurrence — Ententes — Atteinte à la concurrence — Qualification d'une entreprise de concurrent potentiel — Capacité d'intégration rapide du marché en cause — Notion d'intégration rapide

(Art. 81 § 1 CE; communication de la Commission 2001/C 3/02)

9.      Concurrence — Amendes — Accord notifié dans le cadre du règlement nº 17 et bénéficiant de l'immunité d'amende — Caducité de la notification et disparition de l'immunité d'amende à compter de l'entrée en vigueur du règlement nº 1/2003

(Règlements du Conseil nº 17, art. 15, § 5, et nº 1/2003, art. 34, § 1)

10.    Concurrence — Amendes — Montant — Marge d'appréciation réservée à la Commission — Adaptation du niveau des amendes

(Art. 81, § 1, CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23)

11.    Concurrence — Amendes — Pouvoir d'appréciation de la Commission — Appréciation en fonction du comportement individuel de l'entreprise

(Art. 81, § 1, CE)

12.    Concurrence — Amendes — Décision infligeant des amendes — Obligation de motivation — Portée — Indication des éléments d'appréciation ayant permis à la Commission de mesurer la gravité et la durée de l'infraction

(Art. 253 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C)

13.    Droit communautaire — Principes — Protection de la confiance légitime — Notion — Déclarations de la Commission « laissant entendre » — Exclusion

14.    Concurrence — Procédure administrative — Obligations de la Commission — Respect d'un délai raisonnable — Annulation de la décision constatant une infraction en raison d'une durée excessive de la procédure — Condition — Atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées

(Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, art. 41, § 1; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 25)

15.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Lignes directrices arrêtées par la Commission — Circonstances atténuantes

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03)

16.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Critères d'appréciation — Impact sur le marché — Étendue du marché géographique

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23 § 2; communication de la Commission 98/C 9/03)

17.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Circonstances atténuantes — Marge d'appréciation de la Commission pour effectuer une appréciation globale

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 3)

1.      En vertu de l’article 21 du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si le corps de celle-ci peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui, en vertu des dispositions ci-dessus rappelées, doivent figurer dans la requête.

En outre, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier, dans les annexes, les moyens et arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours, les annexes ayant une fonction purement probatoire et instrumentale.

Un rapport d’expertise collectif figurant en annexe à la requête, auquel les parties requérantes font référence dans le cadre de leur critique de la décision de la Commission, ne peut être pris en compte par le Tribunal que dans la mesure où il étaye ou complète les moyens ou arguments expressément invoqués par les requérantes dans le corps de leurs écritures et où il est possible de déterminer avec précision quels sont les éléments qu’il contient qui étayent ou complètent lesdits moyens ou arguments.

(cf. points 50-51, 53)

2.      Dans le cadre d'une procédure administrative en matière de concurrence, la communication des griefs doit contenir un exposé des griefs libellés dans des termes suffisamment clairs, seraient-ils sommaires, pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission. Le respect des droits de la défense dans une procédure susceptible d’aboutir à des sanctions exige, en effet, que les entreprises et les associations d’entreprises concernées soient mises en mesure, dès le stade de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits, griefs et circonstances allégués par la Commission. Cette exigence est respectée lorsque la décision constatant une infraction à l'article 81 CE ne met pas à la charge des intéressés des infractions différentes de celles visées dans l’exposé des griefs et ne retient que des faits sur lesquels les intéressés ont eu l’occasion de s’expliquer.

En outre, pour faire valoir une violation des droits de la défense concernant les griefs repris dans la décision attaquée, les entreprises en cause ne sauraient se contenter d’invoquer la simple existence de différences entre la communication des griefs et la décision attaquée, sans exposer de manière précise et concrète en quoi chacune de ces différences constitue, dans le cas d’espèce, un grief nouveau au sujet duquel elles n’ont pas eu l’occasion d’être entendues. Dès lors que, dans la communication des griefs, la Commission s'est fondée sur certaines caractéristiques du marché, et, notamment, son importante concentration, pour conclure que la concurrence y était limitée et que, en réponse aux observations des parties requérantes, elle a indiqué, dans sa décision, que la concurrence sur le marché n'était pas inefficace et qu'elle pouvait encore être intensifiée, elle n'a pas énoncé un grief nouveau ni ne s'est fondée sur un élément de fait nouveau, mais s'est bornée à compléter son analyse en prenant en compte les observations des requérantes. Ainsi, cette évolution dans la motivation de la décision attaquée par rapport à celle figurant initialement dans la communication des griefs, loin d'être la manifestation d'une violation des droits de la défense des parties requérantes, démontre, au contraire, que celles-ci ont été en mesure de faire valoir leur point de vue sur le grief retenu par la Commission.

(cf. points 56, 58-62)

3.      L’appréciation d’un accord, d’une décision d’association d’entreprises ou d’une pratique concertée au titre de l’article 81, paragraphe 1, CE doit tenir compte du cadre concret dans lequel ils déploient leurs effets, et notamment du contexte économique et juridique dans lequel opèrent les entreprises concernées, de la nature des produits ou des services visés ainsi que des conditions réelles du fonctionnement et de la structure du marché concerné, à moins qu’il ne s’agisse d’un accord comportant des restrictions patentes de la concurrence comme la fixation des prix, la répartition du marché ou le contrôle des débouchés. En effet, dans ce dernier cas, ce n’est que dans le cadre de l’article 81, paragraphe 3, CE que de telles restrictions peuvent être mises en balance avec leurs effets prétendument favorables à la concurrence, en vue de l’octroi d’une exemption de l’interdiction contenue au paragraphe 1 du même article.

L’examen des conditions de concurrence sur un marché donné repose non seulement sur la concurrence actuelle que se font les entreprises déjà présentes sur le marché en cause, mais aussi sur la concurrence potentielle, afin de savoir si, compte tenu de la structure du marché et du contexte économique et juridique régissant son fonctionnement, il existe des possibilités réelles et concrètes que les entreprises concernées se fassent concurrence entre elles, ou qu’un nouveau concurrent puisse entrer sur le marché en cause et concurrencer les entreprises établies.

Par ailleurs, si un accord, une décision d’association d’entreprises ou une pratique concertée doit être considéré comme interdit en raison des altérations du jeu de la concurrence qui en sont l’effet, il convient d’examiner le jeu de la concurrence dans le cadre réel où il se produirait à défaut de l’accord, de la décision d’association d’entreprises ou de la pratique concertée en cause.

(cf. points 67-69, 81, 125, 130)

4.      Si le juge de l’Union exerce de manière générale un entier contrôle sur le point de savoir si les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE se trouvent ou non réunies, le contrôle qu’il exerce sur les appréciations économiques complexes faites par la Commission se limite nécessairement à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir. Toutefois, la reconnaissance à la Commission d’une marge d’appréciation n’implique pas que le juge de l’Union doive s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. En effet, le juge de l’Union doit notamment non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées.

Dès lors que la structure du marché des services d’acquisition des transactions effectuées par cartes de crédit ou de débit différé à des commerçants, en dépit des facteurs que la Commission a retenus comme étant favorables à l’accès d’un nouvel entrant, rend peu plausible son intégration par un établissement financier par le biais d’un accord de façade qui le désavantagerait d’emblée par rapport à ses principaux concurrents établis sur ledit marché, la conclusion de la Commission écartant l’hypothèse d’une telle entrée est suffisamment justifiée par les considérations tenant à la difficulté de trouver un partenaire de façade et par celles tenant à la complexité et aux coûts supplémentaires engendrés par de tels accords, et ne fait pas application d’un critère juridique erroné.

(cf. points 70, 110-111)

5.      La circonstance que la Commission ait reconnu que la concurrence sur le marché en cause n'est pas « inefficace » ne l'empêche pas de sanctionner un comportement ayant pour effet d'exclure un concurrent potentiel de ce marché. D'une part, dans la mesure où l'article 81 CE vise, à l'instar des autres règles de concurrence énoncées dans le traité, à protéger non pas uniquement les intérêts des concurrents ou des consommateurs, mais également la structure du marché et, ce faisant, la concurrence en tant que telle, la Commission a pu valablement se fonder sur le degré élevé de concentration du marché en cause. D'autre part, l'analyse des effets d'un comportement sur la concurrence potentielle ne saurait être conditionnée à l'examen du degré de concurrence existant actuellement sur le marché en cause. Une telle approche serait en contradiction avec la jurisprudence constante imposant que l'examen des conditions de concurrence sur un marché donné repose non seulement sur la concurrence actuelle que se font les entreprises déjà présentes sur le marché en cause, mais aussi sur la concurrence potentielle.

(cf. points 121-131)

6.      En ce qui concerne les critères juridiques devant être appliqués aux fins de vérifier si une entreprise constitue un concurrent potentiel sur le marché en cause, la Commission se doit de vérifier si, en l'absence d'application à cette entreprise d'une règle contestée sur la base de l'article 81, paragraphe 1, CE, auraient existé des possibilités réelles et concrètes que celle-ci intègre ledit marché et concurrence les entreprises qui y sont établies. Une telle démonstration ne doit pas reposer sur une simple hypothèse, mais doit être étayée par des éléments de fait ou une analyse des structures du marché pertinent. Ainsi, une entreprise ne saurait être qualifiée de concurrent potentiel si son entrée sur le marché ne correspond pas à une stratégie économique viable. Il en découle nécessairement que, si l’intention d’une entreprise d’intégrer un marché est éventuellement pertinente aux fins de vérifier si elle peut être considérée comme un concurrent potentiel sur ledit marché, l’élément essentiel sur lequel doit reposer une telle qualification est cependant constitué par sa capacité à intégrer ledit marché.

(cf. points 166-168)

7.      S’agissant de la force probante qu’il convient de reconnaître à des documents, dans le cadre de la constatation d'une infraction aux règles de concurrence, il y a lieu de rappeler que le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre administration des preuves et le seul critère pertinent pour apprécier les preuves produites réside dans leur crédibilité. Ainsi, pour apprécier la force probante d’un élément de preuve, il convient en premier lieu de vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable.

(cf. point 182)

8.      La Commission ne commet pas d'erreur de droit en qualifiant un opérateur économique de concurrent potentiel dans la mesure où, d’une part, ses appréciations relatives à la capacité de cet opérateur à intégrer le marché en cause ne sont pas contestées et où, d’autre part, l’hypothèse d’une entrée dudit opérateur sur le marché en cause ne revêt pas un caractère purement théorique. Cette conclusion n’est pas infirmée par la circonstance que la Commission n’a pas fourni d’estimation du délai qu’il aurait fallu à cet opérateur pour intégrer le marché en cause, et cela en apparente contradiction avec la définition figurant dans les lignes directrices sur l'applicabilité de l'article 81 CE aux accords de coopération horizontale, qui se réfèrent à un délai d’un an. Il ressort en effet de la lecture de la définition, figurant à la note en bas de page nº 9 de ces lignes directrices, que l’élément essentiel est la nécessité que l’entrée potentielle puisse se faire suffisamment rapidement aux fins de peser sur les participants au marché, le délai d’un an n’étant présenté qu’à titre indicatif.

(cf. points 187-189)

9.      La possibilité pour la Commission d’imposer une amende à l’égard d’un accord ayant fait l’objet d’une notification dans le cadre du règlement nº 17 découle de l’article 34, paragraphe 1, du règlement nº 1/2003, relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, qui précise que les notifications deviennent caduques à compter de sa date d’application. Il en résulte nécessairement que l’immunité d’amende pour les accords notifiés en vertu de l’article 15, paragraphe 5, du règlement nº 17 cesse avec l’entrée en vigueur du règlement nº 1/2003. Dès lors, la Commission est, en toute hypothèse, en droit d’infliger une amende aux requérantes pour la poursuite du comportement litigieux, postérieurement à l’entrée en vigueur du règlement nº 1/2003.

(cf. point 211)

10.    La Commission dispose d’une marge d’appréciation dans la fixation du montant des amendes, dès lors que celles-ci constituent un instrument de la politique de concurrence. S’agissant de la circonstance que la Commission n’aurait, dans le passé, pas imposé d’amendes en ce qui concerne des restrictions de concurrence par effet, celle-ci ne saurait la priver de la possibilité d’imposer une amende, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique de la concurrence. Au contraire, l’application efficace des règles de la concurrence exige que la Commission puisse, à tout moment, adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique.

(cf. points 212-213)

11.    C’est dans le cadre particulier de chaque affaire que la Commission, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, décide de l’opportunité d’infliger une amende afin de sanctionner l’infraction constatée et de préserver l’efficacité du droit de la concurrence. En tout état de cause, à supposer que la Commission, dans le passé, ait eu tort de ne pas imposer d’amendes à des entreprises dans des affaires similaires, l’argumentation revenant à invoquer au profit d'entreprises sanctionnées pour violation des règles de concurrence une illégalité commise en faveur d’autrui serait contraire au principe de légalité.

(cf. points 218-219)

12.    En ce qui concerne la fixation d’amendes au titre de violations du droit de la concurrence, la Commission remplit son obligation de motivation lorsqu’elle indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction commise, sans être tenue d’y faire figurer un exposé plus détaillé ou les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul de l’amende. De tels éléments portant sur la gravité et la durée du comportement reproché aux parties requérantes, s’ils concernent au premier chef la détermination du montant de l’amende, sont également de nature à permettre de comprendre les raisons pour lesquelles la Commission a estimé qu’il était opportun d’infliger une amende.

(cf. points 221, 288)

13.    Dans une procédure relative à la constatation d'une infraction en application de l'article 81 CE, le principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration a fait naître chez lui des espérances fondées, étant précisé que nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, que lui aurait fournies l’administration. Ne sauraient être qualifées de telles assurances des « déclarations laissant entendre » que la Commission ne considérait pas un cas déterminé comme une affaire dans laquelle elle infligerait une amende.

(cf. points 223-224)

14.    L’observation d’un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général du droit de l’Union dont le juge assure le respect. Ce principe est repris dans l’article 41, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La violation de ce principe peut conduire à l’annulation de la décision constatant une infraction à l'article 81 CE, à la condition qu’elle ait affecté la capacité des entreprises en cause à défendre leur position et, partant, ait porté atteinte à leurs droits de la défense. Toutefois, tel n'est pas le cas lorsque, d'une part, les parties requérantes ne soutiennent pas que la durée de la procédure administrative ait porté atteinte à leurs droits de la défense et que, d'autre part, la période s’écoulant entre la cessation de l’infraction et la décision attaquée infligeant l’amende est d’une durée inférieure aux délais de prescription prévus à l’article 25 du règlement nº 1/2003. En effet, en présence d’une réglementation complète régissant en détail les délais dans lesquels la Commission est en droit, sans porter atteinte à l’exigence fondamentale de sécurité juridique, d’infliger des amendes aux entreprises faisant l’objet de procédures d’application des règles de la concurrence, toute considération liée à l’obligation pour la Commission d’exercer son pouvoir d’infliger des amendes dans un délai raisonnable doit être écartée.

(cf. points 231-234, 238, 298 )

15.    En matière de détermination du montant d'une amende infligée pour infraction aux règles de concurrence, la Commission ne peut se départir des règles qu’elle s’est imposées. En particulier, lorsque la Commission adopte des lignes directrices destinées à préciser, dans le respect du traité, les critères qu’elle compte appliquer dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation dans ce domaine, il en résulte une autolimitation de ce pouvoir en ce qu’il lui appartient de se conformer aux règles indicatives qu’elle s’est elle-même imposées.

Aux fins de vérifier si la Commission était tenue d’accorder aux parties requérantes le bénéfice de la circonstance atténuante tirée de l’existence d’un doute raisonnable quant au caractère infractionnel du comportement sanctionné, dans le cas où l’amende n’a pas été infligée sur la base de l’ensemble de la période infractionnelle, mais seulement à compter de la date de la communication des griefs, il importe de tenir compte du fait que c'est à compter de cette date que la Commission a formulé des objections à l’égard du comportement litigieux en expliquant les raisons pour lesquelles elle estimait qu’il contrevenait à l’article 81 CE. Partant, à compter de cette date, les parties requérantes ne peuvent plus soutenir ne pas avoir eu conscience d’enfreindre l’article 81 CE.

(cf. points 246, 250-252, 297)

16.    En matière de concurrence, la gravité d’une infraction est déterminée en tenant compte de nombreux éléments, tels que les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et au regard desquels la Commission dispose d’une marge d’appréciation. L’évaluation de la gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné.

(cf. points 266, 268)

17.    En matière de concurrence, le caractère adéquat d’une éventuelle réduction de l’amende au titre des circonstances atténuantes relevant du point 3 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA doit être apprécié d’un point de vue global en tenant compte de l’ensemble des circonstances pertinentes. En l’absence d’une indication de nature impérative dans lesdites lignes directrices en ce qui concerne les circonstances atténuantes qui peuvent être prises en compte, il convient de considérer que la Commission a conservé une certaine marge d’appréciation pour apprécier d’une manière globale l’importance d’une éventuelle réduction du montant des amendes au titre des circonstances atténuantes.

(cf. point 303)