Language of document : ECLI:EU:T:2006:117

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

2 mai 2006(*)

« Fonds social européen – Recouvrement par compensation des créances des Communautés – Prescription – Intérêts de retard – Recours en annulation – Exception d’irrecevabilité – Acte attaquable – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑134/05,

Royaume de Belgique, représenté par M. J. Devadder, en qualité d’agent, assisté de Mes J.-P. Buyle et C. Steyaert, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. V. Joris, G. Wilms et A. Weimar, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission qui serait contenue dans sa lettre du 19 janvier 2005, par laquelle la Commission a répondu aux courriers du Royaume de Belgique relatifs à des fonds versés à différents organismes belges dans le cadre du Fonds social européen ,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. H. Legal, président, P. Mengozzi et Mme I. Wiszniewska-Białecka, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1       Le Fonds social européen (FSE) a, sur la base du règlement (CEE) n° 2950/83 du Conseil, du 17 octobre 1983, portant application de la décision 83/516/CEE concernant les missions du FSE (JO L 289, p. 1) et de la décision 83/673/CEE de la Commission, du 22 décembre 1983, concernant la gestion du FSE (JO L 377, p. 1), accordé pendant les années 80 des aides à différents organismes belges. Le transfert des fonds s’est fait directement de la Commission à ces organismes.

2       Certains d’entre eux n’ayant pas remboursé les sommes non utilisées, la Commission a, à partir de 1987, interrogé le Royaume de Belgique sur la question de leur remboursement et lui a demandé d’effectuer les paiements réclamés par les notes de débit. Toutefois, entre le 18 août 1988 et le 12 mars 1998, aucune demande de paiement n’a été présentée par la Commission au Royaume de Belgique. Ce n’est qu’à partir du 13 mars 1998 que la communication entre la Commission et les autorités belges a été rétablie.

3       Les démarches de la Commission, et notamment ses lettres au Royaume de Belgique des 13 mars 1998, 26 janvier 2000, 31 août 2000 et 12 mars 2001 ainsi que les réunions tenues avec les autorités belges, n’ont pas permis l’apurement des créances en cause.

4       Par lettre du 25 mars 2004, la Commission a informé le Royaume de Belgique que, en application des conditions de paiement, telles qu’arrêtées par le règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1), et notamment son article 73, paragraphe 1, deuxième alinéa, elle procéderait à la compensation des sommes dues au titre des créances du FSE, majorées des intérêts de retard, avec des créances du Royaume de Belgique envers la Commission dans le cadre de la gestion des fonds du FSE, s’élevant au total à 4 057 949,86 euros. À cette lettre était joint un tableau spécifiant les créances faisant l’objet de la compensation, par leurs numéros, le secteur d’activité concerné, leur date d’échéance, leur montant principal, le montant des intérêts de retard à appliquer et leur montant total.

5       En réponse à cette lettre, le Royaume de Belgique a, dans son courrier du 29 avril 2004, demandé à la Commission d’expliquer le fondement de la compensation effectuée ainsi que sa base juridique. Il s’est étonné de l’application par la Commission du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement n° 1605/2002 (JO L 357, p. 1), en matière d’intérêts de retard, qu’il a qualifiée d’inopinée. Il a souligné que l’imputation soudaine de ces intérêts constituait un revirement de l’attitude de la Commission, jusqu’alors dirigée plutôt vers la compensation au sens strict. Il a également demandé à la Commission de clarifier la méthode de calcul des intérêts de retard et sa base juridique.

6       Dans une lettre du 17 mai 2004, la Commission a répondu aux questions soulevées par le Royaume de Belgique, en précisant que, depuis l’entrée en vigueur du règlement n° 1605/2002, le 1er janvier 2003, « le [c]omptable de la Commission a[vait] l’obligation de procéder à une compensation entre les dettes et les créances » et que « [c]ette obligation découl[ait] de l’article 73, paragraphe 1, deuxième alinéa, [de ce règlement] ». Elle a également spécifié que « l’application des intérêts de retard [était] régie par l’article 71 […], [paragraphe] 4, [du règlement n° 1605/2002] et par l’article 86 [du règlement n° 2342/2002] ». De plus, elle a annexé à cette lettre des fiches de calcul des intérêts de retard pour chaque créance ayant fait l’objet d’une compensation.

7       Par lettres des 5 mai et 4 novembre 2004, la Commission a informé le Royaume de Belgique qu’elle procéderait à deux nouvelles compensations pour un montant, respectivement, de 120 112,71 euros et de 15 891,29 euros.

8       Le 18 novembre 2004, le Royaume de Belgique a adressé une lettre à la Commission dans laquelle il s’interrogeait sur la prescription des créances du FSE dont le délai, en vertu de l’article 3 du règlement (CE, Euratom) n° 2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO L 312, p. 1), ne pouvait être, selon le Royaume de Belgique, supérieur à huit ans.

9       Cette lettre a été suivie par deux courriers du 21 décembre 2004. Dans le premier, le Royaume de Belgique s’interroge quant à la possibilité qu’il soit responsable subsidiairement, en vertu de l’article 6 du règlement n° 2950/83, d’une créance de la Commission à l’égard d’organismes belges ayant bénéficié des aides, sans que cette dernière les ait jamais mis en demeure de payer des sommes indûment versées. Le Royaume de Belgique fait également observer que les intérêts de retard ajoutés aux montants des créances en cause ont été appliqués par la Commission en vertu de règlements communautaires qui n’existaient pas à l’époque où les sommes, dont le remboursement est demandé, ont été accordées. Il souligne que l’article 86 du règlement n° 2342/2002 prévoit expressément que toute créance non remboursée à sa date d’échéance porte intérêt selon les paragraphes 2 et 3 du même règlement, sans préjudice de l’application de la réglementation sectorielle. Or, selon le Royaume de Belgique, les créances en cause ont été octroyées dans le cadre de la réglementation sur le FSE à une époque où aucun règlement ne prévoyait l’application d’un intérêt de retard. De plus, l’application par la Commission d’un taux d’intérêt de base fixe (correspondant aux taux appliqués à l’époque où les notes de débits ont été émises) pour toute la période en cause, sans adaptation en fonction de l’évolution des taux dans le temps, paraîtrait incompréhensible.

10     Dans la seconde lettre du 21 décembre 2004, le Royaume de Belgique indique à la Commission que, afin d’arrêter l’éventuel cours des intérêts, il procède au paiement de la somme de 631 177,60 euros, représentant le solde des sommes dues au titre des créances non compensées du FSE, tout en précisant ne pas renoncer aux arguments invoqués dans ses précédents courriers. Il souligne également qu’il se réserve le droit de réclamer le remboursement de cette somme en fonction du bien-fondé de ces arguments.

11     La Commission a répondu aux courriers du Royaume de Belgique des 18 novembre et 21 décembre 2004, par lettre du 19 janvier 2005 (ci-après la « lettre attaquée »), dans laquelle elle s’est prononcée sur la prescription des créances du FSE, la nature du débiteur et l’application des intérêts de retard, comme suit :

« a)      La prescription de la dette

Vous faites référence à l’article 3 du [règlement n° 2988/95] selon lequel, à votre avis, les créances de la Commission européenne se prescrivent dans un délai de quatre ans, qui peut être interrompu, mais sans que ce délai puisse être supérieur à huit ans. J’observe que cette disposition établit un délai de prescription des poursuites et non pas un délai de prescription du droit de créance matériel. En outre, le délai de prescription que vous citez ne peut être invoqué […] que si le fait générateur de la créance communautaire était constitué par une irrégularité au sens de l’article 1er du [règlement n° 2988/95], ce qui reste à prouver dans le cas d’espèce. L’article 3 du [règlement n° 2988/95] n’est donc pas applicable dans le dossier qui nous préoccupe.

Les dettes en question n’étaient pas éteintes et pouvaient sans obstacle juridique faire l’objet d’une compensation.

b)      La nature du débiteur

[…]

c)      Les intérêts de retard

L’application des intérêts de retard est régie par l’article 71 du [r]èglement [n° 1605/2002], [en son paragraphe] 4[,] et par l’article 86 [du règlement n° 2342/2002] :

‘1. Sans préjudice des dispositions spécifiques découlant de l’application de la réglementation sectorielle, toute créance non remboursée à sa date d’échéance porte intérêt selon les paragraphes 2 et 3.

2. Le taux d’intérêt pour les créances non remboursées à la date d’échéance est le taux appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement tel que publié au Journal officiel des Communautés européennes, série C, en vigueur le premier jour [de] calendrier du mois de l’échéance, majoré de :

a)      sept points de pourcentage lorsque la créance a pour fait générateur un marché public de fournitures et de services [...] ;

b)      trois points et demi de pourcentage dans tous les autres cas.

3. Le montant des intérêts est calculé à partir du jour [de] calendrier suivant la date d’échéance, figurant dans la note de débit, jusqu’au jour [de] calendrier du remboursement intégral de la dette.’

Ces dispositions s’appliquent à toute créance ouverte dans les comptes de la Commission. Elles ont été appliquées dans le dossier qui nous préoccupe et le détail du calcul avait été transmis à votre client.

Les observations qui précèdent sont exprimées sans préjudice d’autres arguments qui pourraient être invoqués par la Commission européenne. Mes services restent à votre disposition pour vous apporter toute information complémentaire dont votre client souhaiterait disposer.

[…] »

 Procédure et conclusions des parties

12     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 mars 2005, le Royaume de Belgique a introduit le présent recours.

13     Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 22 juillet 2005, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité en vertu de l’article 114 du règlement de procédure du Tribunal.

14     Le Royaume de Belgique a déposé ses observations sur l’exception d’irrecevabilité le 5 octobre 2005.

15     Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité la Commission à produire certains documents et cette dernière a déféré à cette demande dans le délai imparti.

16     Le Royaume de Belgique conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       déclarer le recours recevable ;

–       annuler la décision de la Commission du 19 janvier 2005, en ce qu’elle considère que les créances du FSE ne sont pas prescrites et, pour autant que de besoin, en ce qu’elle considère que ces créances produisent un intérêt de retard calculé sur la base de l’article 86 du règlement n° 2342/2002 ;

–       condamner la Commission aux dépens.

17     La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours comme irrecevable ;

–       condamner le Royaume de Belgique aux dépens.

 Sur la recevabilité

18     En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité du recours sans engager le débat au fond. Conformément à l’article 114, paragraphe 3, du règlement de procédure, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

19     En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et considère qu’il y a lieu, en conséquence, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Arguments des parties

20     La Commission considère que le recours est irrecevable, étant donné que la lettre attaquée ne remplit pas les critères auxquels doit répondre une décision au sens de l’article 230 CE. Il ne s’agirait pas d’une mesure définitive, mais d’une simple lettre d’information, dans laquelle la Commission a expliqué l’approche suivie lors des compensations effectuées en 2004 en ce qui concerne la prescription, la nature du débiteur et les intérêts de retard appliqués. N’ayant aucun contenu décisionnel, la lettre attaquée ne produirait pas d’effets juridiques obligatoires et n’entraînerait en rien une modification de la situation juridique du Royaume de Belgique.

21     La Commission souligne que son intention de procéder par voie de compensation avait déjà été communiquée au Royaume de Belgique à plusieurs reprises dans les courriers précédant la lettre attaquée. Par conséquent, cette dernière n’aurait aucun effet juridique et ne saurait être interprétée comme un rejet, sur la base d’éléments nouveaux, de la demande du Royaume de Belgique visant les compensations en cause. De plus, au vu du texte de la lettre attaquée, elle ne pourrait être assimilée à un examen d’office par la Commission de la légalité de son approche en cette matière.

22     En outre, la lettre attaquée serait purement confirmative par rapport à la compensation déjà effectuée en mai 2004, cette dernière étant devenue définitive avant même que la lettre ait été envoyée. Il s’ensuit que la requête dirigée contre cette lettre serait manifestement irrecevable.

23     À titre subsidiaire, la Commission prétend que, si le présent recours devait être interprété comme étant dirigé en réalité contre les compensations effectuées par la Commission au cours de l’année 2004, il devrait être considéré comme introduit en dehors du délai de deux mois fixé à l’article 230, cinquième alinéa, CE. Si le Royaume de Belgique avait voulu attaquer les actes de compensation eux-mêmes ou les lettres de la Commission des 25 mars et 5 mai 2004 annonçant la compensation, il aurait dû spécifier sa demande et respecter ce délai. En effet, si une simple demande de renseignements devait entraîner une réouverture de ce délai, celui-ci serait dépourvu de tout effet. À défaut d’avoir été attaquées dans le délai prévu à l’article 230 CE, les compensations en question seraient devenues définitives à l’égard du Royaume de Belgique.

24     Le Royaume de Belgique soutient tout d’abord que la lettre attaquée produit des effets juridiques obligatoires de nature à affecter ses intérêts, en modifiant sa situation juridique. En particulier, cette lettre lui refuserait, en premier lieu, la possibilité de répéter la somme versée le 21 décembre 2004 dans le seul but d’arrêter le cours des intérêts de retard, en deuxième lieu, la possibilité de répéter les autres créances du FSE, majorées des intérêts de retard et, en troisième lieu, la possibilité d’exiger le paiement des créances du Royaume de Belgique ayant fait l’objet des compensations d’office opérées par la Commission.

25     Ensuite, le refus par la Commission, dans la lettre attaquée, de reconnaître la prescription des créances du FSE ainsi que le caractère erroné des intérêts appliqués ne concernerait pas la modification d’une réglementation d’ordre général, mais reposerait sur une interprétation in casu erronée de la réglementation applicable.

26     De plus, la formulation de la lettre attaquée dans des termes indiquant son caractère purement confirmatif serait indifférente, car il résulterait de sa substance qu’elle produit des effets juridiques à l’égard du Royaume de Belgique.

27     S’agissant de la question de la prescription des créances du FSE, le Royaume de Belgique soutient que, préalablement aux opérations de compensation, la Commission n’avait certainement pas envisagé l’hypothèse de la prescription. Les compensations effectuées ne pourraient, en conséquence, être assimilées à un refus implicite de reconnaître la prescription des créances compensées. Considérant que, selon la jurisprudence constante, l’existence de faits nouveaux et substantiels peut justifier la présentation d’une demande tendant au réexamen d’une décision antérieure devenue définitive, la prescription des créances en cause constituerait donc un tel fait. Dès lors que la Commission aurait dû procéder au réexamen de ses décisions antérieures, la réponse donnée dans la lettre attaquée, en ce qu’elle concerne la prescription, ne saurait être considérée comme un acte purement confirmatif d’une décision antérieure.

28     S’agissant ensuite des intérêts appliqués aux créances du FSE, le Royaume de Belgique fait observer que seules les notes de débit relatives aux créances du FSE, postérieures à 1990, contiennent la mention relative aux intérêts de retard. Il allègue que, lors du calcul du taux d’intérêt, la Commission n’a pas pris en considération l’ancienneté des créances faisant l’objet d’une compensation, dont il résulterait que le régime juridique applicable aurait dû être différent. Par conséquent, lorsque le Royaume de Belgique a invoqué cette circonstance dans ses lettres des 18 novembre et 21 décembre 2004, celle-ci aurait dû constituer un élément nouveau et substantiel pour la Commission, qui devait nécessairement conduire à modifier l’appréciation portée par la Commission lors des décisions antérieures. Par conséquent, la lettre attaquée ne serait pas confirmative s’agissant des intérêts et constituerait, dès lors, un acte attaquable au sens de l’article 230 CE.

29     En toute hypothèse, cette lettre ne saurait être confirmative en ce qu’elle vise le paiement effectué par le Royaume de Belgique en décembre 2004, de sa propre initiative, du solde des créances du FSE impayées, sous réserve de la décision prise par la Commission au sujet de la prescription desdites créances et des intérêts de retard. En effet, si cela devait être le cas, le Royaume de Belgique ne pourrait soulever, pour les créances qui n’ont pas encore fait l’objet d’une compensation, une exception de prescription ou un argument fondé sur une erreur dans le calcul du montant de ces intérêts.

30     S’agissant enfin de l’argument de la Commission soulevé à titre subsidiaire, le Royaume de Belgique souligne que son recours n’est pas dirigé contre les décisions de la Commission de procéder aux compensations d’office des créances du FSE, mais contre la décision de celle-ci contenue dans la lettre attaquée.

 Appréciation du Tribunal

31     Selon une jurisprudence constante, constituent des actes ou des décisions susceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation, au sens de l’article 230 CE, les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celui-ci (arrêt de la Cour du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, Rec. p. 2639, point 9). Pour déterminer si un acte produit de tels effets, il y a lieu de s’attacher à sa substance. En outre, il ne suffit pas qu’une lettre ait été envoyée par une institution communautaire à son destinataire, en réponse à une demande formulée par ce dernier, pour qu’elle puisse être qualifiée de décision au sens de l’article 230 CE, ouvrant ainsi la voie du recours en annulation (voir ordonnance du Tribunal du 29 avril 2004, SGL Carbon/Commission, T‑308/02, Rec. p. II‑1363, points 39 et 40, et la jurisprudence citée). Ainsi, une manifestation d’opinion écrite émanant d’une institution communautaire ne saurait constituer une décision de nature à faire l’objet d’un recours en annulation, dès lors qu’elle n’est pas susceptible de produire des effets de droit et ne vise pas non plus à produire de tels effets (ordonnance du Tribunal du 9 janvier 2006, Finlande/Commission, T‑177/05, non publiée au Recueil, point 30).

32     Afin de déterminer la nature exacte de la lettre attaquée, il convient, tout d’abord, de replacer celle-ci dans son contexte et, ensuite, d’examiner son contenu.

33     S’agissant du contexte de l’envoi de la lettre attaquée, il convient d’observer qu’elle a été précédée de trois décisions de la Commission de procéder aux compensations, annoncées dans ses lettres des 25 mars, 5 mai et 4 novembre 2004, et intervenues peu après, et que la Commission a déjà répondu aux questions du Royaume de Belgique, relatives à la première opération de compensation, par lettre du 17 mai 2004. Il convient de constater également, que, à défaut d’avoir été attaquées dans le délai prévu à l’article 230, cinquième alinéa, CE, les trois décisions de compensation en cause sont devenues définitives à l’égard du Royaume de Belgique.

34     S’agissant du contenu de la lettre attaquée, il convient de préciser, en premier lieu, que, dans la partie de cette lettre relative à l’application de la prescription, la Commission explique, premièrement, que l’article 3 du règlement n° 2988/95 n’est pas applicable en l’espèce, car « cette disposition établit un délai de prescription des poursuites et non pas un délai de prescription du droit de créance matériel ». Elle ajoute, deuxièmement, que le délai de prescription en cause « ne peut être invoqué […] que si le fait générateur de la créance communautaire était constitué par une irrégularité au sens de l’article 1er du [règlement n° 2988/95], ce qui reste à prouver dans le cas d’espèce ». Elle constate, troisièmement, que « [l]es dettes en question n’étaient pas éteintes et pouvaient sans obstacle juridique faire l’objet d’une compensation ».

35     Il y a lieu de rappeler que, conformément aux dispositions de l’article 71, paragraphe 2, du règlement n° 1605/2002 et de l’article 83 du règlement n° 2342/2002, une institution peut compenser une créance des Communautés avec celle de son débiteur, seulement si cette première créance est « constatée ». Selon l’article 71, paragraphe 1, du règlement n° 1605/2002, pour constater une créance des Communautés, l’ordonnateur compétent doit, notamment, vérifier l’existence des dettes du débiteur et les conditions de leur exigibilité. De même, en vertu de l’article 79, sous a), b) et c), du règlement n° 2342/2002, il s’assure, notamment, du caractère certain, liquide et exigible de la créance. Ainsi, la Commission est tenue d’envisager une prescription éventuelle de la créance lors des vérifications précédant chaque compensation et de ne pas compenser des créances qu’elle estime prescrites. Lorsqu’elle décide de procéder à une compensation, la Commission considère donc nécessairement que sa créance n’est pas prescrite.

36     La lettre attaquée, dans sa partie relative à la prescription des créances du FSE, ne saurait donc modifier la situation juridique du Royaume de Belgique par rapport à celle résultant de l’adoption des décisions de compensation en cause. Par cette lettre, la Commission a certes répondu à la demande de la requérante, mais elle s’est limitée à expliquer des décisions antérieures, devenues définitives. N’étant donc pas susceptible de produire des effets de droit et ne visant pas non plus à produire de tels effets, la lettre attaquée ne saurait être qualifiée d’acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du Royaume de Belgique, en modifiant de façon caractérisée sa situation juridique.

37     L’examen du contenu de la lettre attaquée dans sa partie relative à la prescription démontre donc que la Commission s’est limitée à y expliquer les motifs qui l’ont amenée à adopter les décisions de compensation des créances du FSE en cause, et que la lettre attaquée revêt dès lors un caractère purement informatif, de sorte qu’elle ne saurait faire l’objet d’un recours en annulation.

38     S’agissant, en second lieu, du contenu de la lettre attaquée dans sa partie relative aux intérêts de retard, la Commission se borne à y invoquer l’article 71, paragraphe 4, du règlement n° 1605/2002 et à citer les trois premiers paragraphes de l’article 86 du règlement n° 2342/2002 à titre de base juridique pour l’application de ces intérêts. Elle explique donc, comme dans sa précédente lettre du 17 mai 2004, la base juridique et les modalités d’application des intérêts de retard lors des trois opérations de compensation.

39     À cet égard, le Royaume de Belgique invoque à tort l’existence d’un élément nouveau et substantiel consistant dans l’apparition d’une erreur découlant du fait que, lors du calcul du taux des intérêts de retard, la Commission n’aurait pas pris en considération l’ancienneté des créances faisant l’objet d’une compensation, dont il résulterait que le régime juridique applicable aurait dû être différent. En effet, la lettre attaquée se borne à réitérer la base juridique de l’application des intérêts en cause, telle que déjà énoncée dans la lettre du 17 mai 2004.

40     Il s’ensuit que, en tant qu’acte à caractère purement informatif, se limitant à expliquer une nouvelle fois l’approche suivie par la Commission lors de la compensation, la lettre attaquée, dans sa partie relative aux intérêts de retard, ne saurait ni affecter les intérêts du Royaume de Belgique ni modifier la situation juridique de celui-ci par rapport à la situation antérieure à la réception de la lettre attaquée. Elle ne saurait donc constituer un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

41     Par ailleurs, considérant que la lettre attaquée, en tant qu’acte à caractère purement informatif, ne peut faire l’objet d’un recours en annulation, les arguments du Royaume de Belgique, tendant à démontrer que la lettre attaquée comporte une décision relative à l’application de la prescription et des intérêts de retard dépourvue de caractère confirmatif, sont inopérants.

42     Quant au paiement par le Royaume de Belgique, de sa propre initiative, du solde des créances impayées du FSE, il ressort du dossier que la somme de 631 177,60 euros n’a pas fait l’objet d’une quelconque compensation. Or, il résulte du contenu de la lettre attaquée que, hormis une expression de satisfaction quant au fait que le Royaume de Belgique a décidé de payer le solde desdites créances, cette lettre vise uniquement les compensations déjà effectuées par la Commission. Elle ne saurait donc comporter aucune décision quant à ce paiement.

43     De plus, contrairement à ce qu’il prétend, le Royaume de Belgique ne serait pas privé d’un recours contre la décision éventuelle de la Commission relative au paiement dudit solde. En effet, dans l’hypothèse où le Royaume de Belgique déciderait de réclamer le remboursement du montant du solde à la Commission, et où cette demande se heurterait à un refus, il disposerait alors de la faculté d’introduire, dans le délai prévu à l’article 230 CE, un recours contre cette dernière décision et de faire valoir ses arguments à cet égard.

44     Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la lettre attaquée ne constitue pas un acte attaquable au sens de l’article 230 CE. Par conséquent, le recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

45     Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Royaume de Belgique ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter les dépens de l’instance, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 2 mai 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       H. Legal


* Langue de procédure : le français.