Language of document : ECLI:EU:T:2020:605

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

16 décembre 2020 (*)

« Dumping – Importations d’acide tartrique originaire de Chine – Prolongation d’un droit antidumping définitif – Détermination de la valeur normale – Protocole d’accession de la Chine à l’OMC – Méthode du pays analogue – Article 2, paragraphe 7, et article 11, paragraphe 2, du règlement (UE) 2016/1036 – Vulnérabilité de l’industrie de l’Union – Probabilité de réapparition du préjudice – Droits de la défense – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑541/18,

Changmao Biochemical Engineering Co. Ltd, établie à Changzhou (Chine), représentée par Mes K. Adamantopoulos et P. Billiet, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme A. Demeneix et M. M. França, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Distillerie Bonollo SpA, établie à Formigine (Italie),

Industria Chimica Valenzana (ICV) SpA, établie à Borgoricco (Italie),

et

Caviro Distillerie Srl, établie à Faenza (Italie),

représentées par M. R. MacLean, solicitor,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2018/921 de la Commission, du 28 juin 2018, instituant un droit antidumping définitif sur les importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures effectué en vertu de l’article 11, paragraphe 2, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil (JO 2018, L 164, p. 14),

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. A. M. Collins (rapporteur), président, Z. Csehi et G. De Baere, juges,

greffier : Mme E. Artemiou, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 2 juillet 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

 Procédures antérieures

1        L’acide tartrique est utilisé dans la production de vin et d’autres boissons, comme additif alimentaire et comme ignifugeant dans le plâtre et dans de nombreux autres produits. Il peut être obtenu soit à partir de sous-produits de la fabrication du vin, comme c’est le cas pour tous les producteurs de l’Union européenne (ci-après l’« acide tartrique naturel »), soit à partir de composés pétrochimiques par synthèse chimique, comme c’est le cas des producteurs-exportateurs chinois (ci‑après l’« acide tartrique synthétique »). Seul l’acide tartrique L+ peut être fabriqué à partir de sous-produits du vin, alors que la synthèse chimique permet la fabrication de l’acide tartrique L+ et DL. L’acide tartrique synthétique et l’acide tartrique naturel ont les mêmes caractéristiques physiques et chimiques et sont, pour la plupart, destinés aux mêmes utilisations de base qui se recoupent. Les deux types de produits constituent le produit faisant l’objet du réexamen des mesures antidumping.

2        Le 24 septembre 2004, la Commission européenne a été saisie d’une plainte relative à des pratiques de dumping dans le secteur de l’acide tartrique déposée par plusieurs producteurs de l’Union.

3        Le 23 janvier 2006, le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement (CE) no 130/2006 instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine (JO 2006, L 23, p. 1, ci-après le « règlement définitif de 2006 »). Ce règlement a instauré des droits individuels de 0 à 10,1 % pour les produits de trois producteurs-exportateurs chinois ayant obtenu le statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché, à savoir la requérante, Changmao Biochemical Engineering Co. Ltd, ainsi que Hangzhou Bioking Biochemical Engineering Co. Ltd (ci-après « Hangzhou Bioking »), et Ninghai Organic Chemical Factory (ci-après « Ninghai Organic »). En particulier, le règlement définitif de 2006 a imposé des droits de 0 % pour les produits de Hangzhou Bioking, de 4,7 % pour ceux de Ninghai Organic et de 10,1 % pour ceux de la requérante. Au surplus, le règlement définitif de 2006 a imposé des droits de 34,9 % sur l’acide tartrique produit par tous les autres producteurs-exportateurs chinois.

4        Le 13 avril 2012, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) no 332/2012, du Conseil, modifiant le règlement no 130/2006 et excluant la société Hangzhou Bioking Biochemical Engineering Co. Ltd du champ d’application des mesures définitives (JO 2012, L 108, p. 1, ci-après le « règlement excluant Hangzhou Bioking »). En vertu de ce règlement, adopté à la suite du rapport de l’organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), du 29 novembre 2005, dans l’affaire « Mexique – mesures antidumping définitives visant la viande de bœuf et le riz » (WT/DS 295/AB/R, ci-après le « rapport de l’organe d’appel de l’OMC sur la viande de bœuf et le riz »), le Conseil a exclu les exportations de Hangzhou Bioking du champ d’application du règlement définitif de 2006. À cet égard, le considérant 4 du règlement excluant Hangzhou Bioking relève que, selon le rapport de l’organe d’appel de l’OMC sur la viande de bœuf et le riz, un producteur-exportateur dont il a été constaté qu’il n’a pas pratiqué le dumping lors d’une enquête initiale doit être exclu du champ d’application des mesures définitives et ne peut faire l’objet du réexamen de ces mesures.

5        Le 16 avril 2012, le Conseil a adopté le règlement d’exécution (UE) no 349/2012 instituant un droit antidumping définitif sur les importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures effectué en vertu de l’article 11, paragraphe 2, du règlement (CE) no 1225/2009 (JO 2012, L 110, p. 3), qui prolongeait les mesures initiales pour cinq années supplémentaires, à l’exception des produits de Hangzhou Bioking.

6        À l’issue de la procédure de réexamen intermédiaire partiel visant la requérante et Ninghai Organic, le Conseil a adopté, le 26 juin 2012, le règlement d’exécution (UE) no 626/2012 modifiant le règlement d’exécution no 349/2012 (JO 2012, L 182, p. 1, ci-après le « règlement de réexamen intermédiaire partiel de 2012 »). En substance, ce règlement a refusé le statut de société opérant dans les conditions d’une économie de marché à la requérante et à Ninghai Organic et, après construction de la valeur normale sur la base des informations communiquées par un producteur ayant coopéré dans le pays analogue, a augmenté le droit antidumping applicable aux produits fabriqués par la requérante de 10,1 % à 13,1 % et celui applicable aux produits fabriqués par Ninghai Organic de 4,7 % à 8,3 %.

7        Le 9 février 2016, la Commission a adopté la décision d’exécution (UE) 2016/176 mettant fin à la procédure antidumping concernant les importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine et fabriqué par Hangzhou Bioking Biochemical Engineering (JO 2016, L 33, p. 14, ci-après la « décision Hangzhou Bioking »). Par cette décision, la Commission a clos l’enquête concernant les importations de produits fabriqués par Hangzhou Bioking au titre de l’article 5 du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51), [remplacé par le règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base »)], sans imposer de droits antidumping.

8        Par l’arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil (T‑442/12, EU:T:2017:372), le Tribunal a annulé le règlement de réexamen intermédiaire partiel de 2012 dans la mesure où il s’appliquait à la requérante en raison d’une violation des droits de la défense. Cet arrêt n’a pas fait l’objet d’un pourvoi.

9        Le 7 septembre 2017, la Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis relatif aux conséquences de l’arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil (T‑442/12, EU:T:2017:372), concernant le règlement de réexamen intermédiaire partiel de 2012 (JO 2017, C 296, p. 16). Il ressort de cet avis que la Commission a décidé de rouvrir l’enquête antidumping concernant les importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine ayant mené à l’adoption du règlement de réexamen intermédiaire partiel de 2012 et de la reprendre au moment du constat de l’irrégularité. La portée de cette réouverture était limitée à l’application de l’arrêt du Tribunal à l’égard de la requérante. Cette réouverture était sans incidence sur toute autre enquête. Dès lors, le règlement d’exécution no 349/2012, qui prolongeait les mesures initiales pour cinq années supplémentaires, demeurait applicable aux produits de la requérante.

10      Par l’arrêt du 3 mai 2018, Distillerie Bonollo e.a./Conseil (T‑431/12, EU:T:2018:251), le Tribunal a annulé le règlement de réexamen intermédiaire partiel de 2012 en raison du changement de la méthode utilisée pour calculer la valeur normale lors de l’enquête de réexamen, sans avoir démontré un changement des circonstances par rapport à l’enquête initiale. Compte tenu du fait que le recours introduit par certains producteurs de l’Union ne visait pas la suppression du droit antidumping résultant du règlement attaqué, mais son remplacement par une mesure à la portée plus sévère comportant un droit antidumping plus élevé en application d’une méthodologie de calcul éventuellement différente, le Tribunal a décidé de maintenir les effets du règlement de réexamen intermédiaire partiel de 2012 à l’égard des produits de Ninghai Organic jusqu’à ce que la Commission et le Conseil aient pris les mesures que comportait l’exécution dudit arrêt.

11      Par l’arrêt du 3 décembre 2020, Changmao Biochemical Engineering/Distillerie Bonollo e.a. (C-461/18 P, EU:C:2020:979), en substance, la Cour a rejeté les pourvois formés contre l’arrêt du Tribunal mentionné au point précédent, sauf en ce que le Tribunal imposait au Conseil, avec la Commission, l’obligation de prendre les mesures que comportait l’exécution de cet arrêt.

 Procédure menant à l’adoption du règlement attaqué

12      Le 7 septembre 2016, la Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne un avis d’expiration imminente des mesures antidumping instaurées par le règlement d’exécution no 349/2012 (JO 2016, C 329, p. 5).

13      Le 24 janvier 2017, la Commission a été saisie d’une demande de réexamen au titre de l’expiration des mesures, en vertu de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base visant au maintien des mesures antidumping. Cette demande a été déposée par cinq producteurs représentant plus de 52 % de la production totale de l’Union, à savoir Distillerie Bonollo SpA, Caviro Distillerie Srl, Industria Chimica Valenzana (ICV) SpA, Alvinesa Alcoholera Vinícola, et Comercial Química Sarasa.

14      Le 19 avril 2017, la Commission a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis d’ouverture d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping applicables aux importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine (JO 2017, C 122, p. 8), en vertu de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base.

15      Par lettre du 20 avril 2017, la Commission a demandé aux parties intéressées de formuler des observations sur l’échantillon provisoire de producteurs de l’Union qu’elle avait sélectionné en application de l’article 17 du règlement de base. L’échantillon provisoire était composé de six producteurs représentant 86 % de la production totale d’acide tartrique de l’Union, soit quatre des producteurs qui avaient demandé le réexamen au titre de l’expiration des mesures (Caviro Distillerie, Industria Chimica Valenzana, Alvinesa Alcoholera Vinícola et Comercial Química Sarasa) et deux autres (dont Distillerie Mazzari).

16      Par lettre du 4 mai 2017, l’association des producteurs italiens d’acide tartrique, Assodistil, a formulé des observations concernant l’échantillon provisoire de producteurs de l’Union. Assodistil a indiqué que, selon ses informations, Distillerie Mazzari ne souhaitait pas coopérer à l’enquête de réexamen, déçue que la décision Hangzhou Bioking ait clos l’enquête sans imposer de droits antidumping.

17      Par lettre du 5 mai 2017, Distillerie Bonollo a demandé à faire partie de l’échantillon de producteurs de l’Union.

18      Le 13 juin 2017, après avoir noté qu’un producteur de l’Union inclus dans l’échantillon provisoire ne souhaitait pas coopérer à l’enquête de réexamen (Distillerie Mazzari) et qu’un autre, qui n’y figurait pas, avait demandé à être inclus (Distillerie Bonollo), la Commission a décidé qu’il n’était plus approprié de procéder à un échantillonnage des producteurs d’acide tartrique de l’Union et a décidé d’envoyer des questionnaires à l’ensemble des producteurs de l’Union.

19      La Commission a envoyé des questionnaires à neuf producteurs de l’Union, six utilisateurs dans l’Union et dix producteurs établis dans des pays tiers potentiellement analogues (dont l’Argentine et l’Australie). Elle a reçu des réponses de sept producteurs de l’Union (sans toutefois en recevoir de Distillerie Mazzari), de quatre utilisateurs dans l’Union et d’un producteur établi en Australie.

20      Aucun des producteurs-exportateurs chinois contactés par la Commission, dont la requérante, n’a coopéré à l’enquête de réexamen.

21      La Commission a effectué des visites de vérification dans les locaux de six producteurs de l’Union et de deux utilisateurs dans l’Union.

22      Par lettre du 30 avril 2018, la Commission a envoyé à la requérante le document d’information générale présentant son analyse des faits et considérations essentiels au soutien de la prolongation des mesures antidumping pour une période additionnelle de cinq ans.

23      Le 14 mai 2018, la requérante a transmis à la Commission ses observations sur le document d’information générale.

24      Le 12 juin 2018, la requérante a adressé un courriel à la Commission lui demandant si, à la suite de ses observations, celle-ci envisageait l’adoption d’un document d’information générale révisé.

25      Par courriel du 15 juin 2018, la Commission a confirmé à la requérante que ses observations avaient été analysées et qu’elle y répondrait dans le règlement à intervenir.

26      Le 28 juin 2018, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2018/921 instituant un droit antidumping définitif sur les importations d’acide tartrique originaire de la République populaire de Chine à l’issue d’un réexamen au titre de l’expiration des mesures effectué en vertu de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base (JO 2018, L 164, p. 14, ci-après le « règlement attaqué »).

27      Premièrement, s’agissant de l’existence d’un dumping, la Commission a calculé la valeur normale en vertu de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, applicable aux importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché. Après avoir envisagé de considérer l’Argentine comme pays analogue et avoir invité les deux producteurs argentins à coopérer, il est apparu que l’un de ces producteurs avait cessé de fabriquer le produit faisant l’objet du réexamen et que l’autre avait refusé de coopérer. En l’absence de coopération satisfaisante de la part de tout producteur d’un autre pays analogue potentiel, la Commission a déterminé la valeur normale sur « toute autre base raisonnable », comme il est prévu par l’article 2, paragraphe 7, sous a), premier alinéa, dernier membre de phrase, du règlement de base. Plus spécifiquement, la Commission a calculé la valeur normale sur la base d’informations fournies dans la demande de réexamen relatives aux prix facturés par un producteur argentin dans le cadre de ventes nationales du produit en cause. Compte tenu du fait que le produit en cause était fabriqué en Argentine en ayant recours au procédé naturel, alors que le procédé utilisé en République populaire de Chine était le synthétique, moins onéreux, la Commission a procédé à certains ajustements afin de prendre en compte les différences de coût des méthodes de production.

28      En raison de l’absence de coopération des producteurs-exportateurs chinois, y compris la requérante, en vertu de l’article 18 du règlement de base, la Commission a tiré ses conclusions « sur la base des données disponibles » et a dès lors établi les prix à l’exportation à partir de la base de données mentionnée à l’article 14, paragraphe 6, du règlement de base. Au vu de ce qui précède, la Commission a conclu que la marge de dumping moyenne pondérée de la requérante et de Ninghai Organic dépassait 70 %. Compte tenu des importations négligeables des producteurs-exportateurs chinois soumis au droit antidumping résiduel, la Commission n’a pas calculé de marge de dumping pour ceux-ci.

29      Partant, la Commission a conclu que le dumping s’était poursuivi pendant la période de l’enquête de réexamen. De surcroît, en l’absence de coopération et donc sur la base des données disponibles, elle a conclu à l’existence d’une forte probabilité de continuation du dumping par les producteurs-exportateurs soumis aux mesures (à l’exclusion de Hangzhou Bioking) en cas d’expiration des mesures. En particulier, l’expiration des mesures conduirait probablement à une augmentation significative des exportations vers l’Union à des prix largement sous-cotés.

30      Deuxièmement, s’agissant du préjudice, d’une part, le règlement attaqué a considéré que sept des neuf producteurs de l’Union représentaient une proportion majeure de la production totale de l’Union du produit similaire, à savoir plus de 60 % de celle-ci. Dès lors, les sept producteurs en question ont été considérés comme étant l’« industrie de l’Union », au sens de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base. À la suite de l’examen des indicateurs de préjudice de l’industrie de l’Union au sens de l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base, effectué sur la base d’informations vérifiées recueillies auprès des producteurs ayant coopéré, le règlement attaqué a conclu que les mesures antidumping adoptées n’avaient pas atteint pleinement les effets souhaités et que l’industrie de l’Union demeurait vulnérable aux effets préjudiciables des importations faisant l’objet d’un dumping dans le marché de l’Union.

31      D’autre part, le règlement attaqué a examiné la probabilité de réapparition du préjudice en cas d’expiration des mesures, aux termes de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base. Compte tenu de l’absence de coopération des producteurs-exportateurs, la Commission s’est fondée sur les informations disponibles, conformément à l’article 18 du règlement de base. À la suite de cette analyse, le règlement attaqué a conclu que l’expiration des mesures conduirait très probablement à une hausse des importations faisant l’objet d’un dumping, ce qui se traduirait par une pression à la baisse sur les prix de l’industrie de l’Union et par une détérioration de la situation économique déjà précaire de cette industrie. Le règlement attaqué a dès lors conclu que l’expiration des mesures entraînerait, selon toute probabilité, une réapparition du préjudice causé à l’industrie de l’Union.

32      Troisièmement, la Commission a examiné si le maintien des mesures antidumping existantes irait à l’encontre de l’intérêt de l’Union dans son ensemble et a conclu que tel n’était pas le cas.

33      Au vu de ce qui précède, le règlement attaqué a maintenu les droits antidumping définitifs de 8,3 % sur les importations de produits fabriqués par Ninghai Organic, de 10,1 % sur les importations de produits fabriqués par la requérante et de 34,9 % sur les importations de produits de tout autre producteur-exportateur chinois à l’exception de Hangzhou Bioking.

 Procédure et conclusions des parties

34      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 septembre 2018, la requérante a introduit le présent recours.

35      Par actes déposés au greffe du Tribunal le 20 décembre 2018, Distillerie Bonollo, Industria Chimica Valenzana et Caviro Distillerie ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

36      Par ordonnance du 8 mai 2019, Changmao Biochemical Engineering/Commission (T‑541/18, non publiée, EU:T:2019:317), le président de la huitième chambre a admis l’intervention de Distillerie Bonnollo, Industria Chimica Valenzana et Caviro Distillerie.

37      Les intervenantes ont déposé leur mémoire en intervention le 23 juin 2019.

38      La requérante a déposé ses observations sur ce mémoire dans les délais impartis.

39      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

40      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 2 juillet 2020.

41      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué pour autant qu’il la concerne ;

–        à titre subsidiaire, annuler le règlement attaqué dans son intégralité ;

–        condamner la Commission et les intervenantes aux dépens.

42      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

43      Les intervenantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

44      À l’appui du recours, la requérante soulève en substance cinq moyens, tirés, le premier, de ce que la Commission aurait commis des erreurs de droit en ayant recours à la méthode du pays analogue afin de calculer la valeur normale, le deuxième, d’erreurs de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation commises dans la détermination de la vulnérabilité de l’industrie de l’Union, le troisième, d’erreurs manifestes d’appréciation concernant la probabilité de réapparition du préjudice, le quatrième, de la violation des droits de la défense et, le cinquième, d’un défaut de motivation.

 Sur les erreurs de droit relatives au recours à la méthode du pays analogue afin de calculer la valeur normale

45      Dans le cadre du premier moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis des erreurs de droit en appliquant la méthode du pays analogue afin de calculer la valeur normale. La requérante soutient que l’article 22, sous a), du règlement de base accorde une position hiérarchique supérieure aux règles spéciales contenues dans les accords internationaux conclus entre l’Union et les États tiers par rapport au règlement de base. En particulier, elle ajoute que, selon l’article 15, sous d), lu conjointement avec l’article 15, sous a), ii), du protocole d’accession de la République populaire de Chine à l’OMC (ci-après le « protocole d’accession »), la méthode du pays analogue ne pouvait plus être appliquée aux importations en provenance de ce pays quinze ans après la date d’accession, à savoir à partir du 11 décembre 2016. La requérante soutient que l’article 15, sous d), du protocole d’accession était une disposition inconditionnelle et obligatoire. Malgré cette prohibition, la procédure de réexamen au titre de l’expiration des mesures aurait été engagée après cette date et la Commission aurait appliqué la méthode du pays analogue, au lieu d’utiliser les prix et les coûts de production internes en République populaire de Chine pour calculer la valeur normale.

46      Par conséquent, la requérante fait valoir que l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, appliqué par la Commission pour déterminer la valeur normale sur la base de la méthode du pays analogue, ne pouvait pas trouver à s’appliquer en l’espèce. La Commission aurait dû suivre la procédure instaurée par l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base, en ayant recours notamment aux prix et aux coûts de production internes en République populaire de Chine, ce qui aurait eu un impact sur les conclusions du règlement attaqué. En effet, la Commission ne pourrait plus appliquer la méthode du pays analogue afin de gonfler artificiellement les marges de dumping des producteurs-exportateurs chinois.

47      La requérante souligne que, en cas de contradiction entre le protocole d’accession et le règlement de base, l’Union doit respecter ses obligations découlant des accords de l’OMC. Par ailleurs, elle avance que, selon la jurisprudence, lorsqu’elle mène ses enquêtes antidumping, la Commission doit respecter les dispositions de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 11), et de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI du GATT (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping »), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 3) (ci-après, pris ensemble, les « accords OMC »).

48      La requérante ajoute qu’il n’est pas nécessaire d’examiner l’effet direct des dispositions de l’OMC en cause étant donné que le règlement de base a été adopté pour mettre en œuvre dans le droit de l’Union l’accord antidumping et le GATT, auxquels il se réfère explicitement.

49      En outre, la requérante relève que l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base a été modifié par le règlement (UE) 2017/2321 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2017, modifiant le règlement 2016/1036 et le règlement (UE) 2016/1037 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2017, L 338, p. 1), sans que celui-ci lui ait été appliqué pour autant. Le fait que l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base a été modifié par le règlement 2017/2321 suggère, selon la requérante, qu’il n’avait plus de base juridique après l’expiration du protocole d’accession et ne pouvait plus être appliqué aux produits en provenance de la République populaire de Chine.

50      Par ailleurs, la requérante relève que la conformité de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, dans sa version en vigueur à l’époque, avec le protocole d’accession a été contestée devant l’organe de règlement des différends de l’OMC (affaire DS 516 « Union européenne – Mesures relatives aux méthodes de comparaison des prix »). Elle soutient également que l’organe de règlement des différends de l’OMC a déjà établi, dans l’affaire DS 397 « Communautés européennes – Mesures antidumping définitives visant certains éléments de fixation en fer ou en acier en provenance de Chine », que les règles prévues à l’article 15, sous a), ii), du protocole d’accession expiraient quinze ans après la date d’accession.

51      Dans ses observations sur le mémoire en intervention, la requérante relève que l’expiration de la période prévue dans le protocole d’accession n’exigeait aucune action législative de la part de l’Union, car la Commission pouvait simplement appliquer les règles prévues à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base aux importations en provenance de la République populaire de Chine.

52      En réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience, la requérante a précisé qu’elle ne soutenait pas que les accords OMC ou le protocole d’accession avaient en général un effet direct en droit de l’Union. Néanmoins, selon elle, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, il serait possible d’invoquer exceptionnellement lesdites règles en faisant valoir que les dispositions pertinentes du protocole d’accession avaient expiré.

53      De surcroît, la requérante considère que la Commission a violé l’article 2, paragraphes 1 et 2, de l’accord antidumping et l’article VI, paragraphe 1, du GATT.

54      La Commission, soutenue par les intervenantes, conclut au rejet des arguments de la requérante.

55      Dans le cadre du premier moyen, la requérante soutient, en substance, que l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, dans sa version en vigueur à l’époque, ne pouvait pas être appliqué à la procédure de réexamen au titre de l’expiration des mesures, puisque la période transitoire pour l’application de la méthode du pays analogue aux importations en provenance de la République populaire de Chine avait expiré, aux termes de l’article 15, sous a), ii), lu conjointement avec l’article 15, sous d), du protocole d’accession.

56      Il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’il résulte de l’article 216, paragraphe 2, TFUE que les accords internationaux conclus par l’Union lient les institutions de celle-ci et prévalent, par conséquent, sur les actes qu’elles édictent (arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 82). En l’occurrence, l’Union étant partie à l’accord antidumping et au GATT, ces accords lient effectivement les institutions de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 83).

57      Il résulte d’une jurisprudence constante que les dispositions d’un accord international auquel l’Union est partie ne peuvent être invoquées à l’appui d’un recours en annulation d’un acte de droit dérivé de l’Union qu’aux conditions que, d’une part, la nature et l’économie de l’accord en cause ne s’y opposent pas et, d’autre part, les dispositions invoquées apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises. Ce n’est ainsi que lorsque ces deux conditions sont cumulativement remplies que de telles dispositions pourront être invoquées devant le juge de l’Union afin de servir de critère pour apprécier la légalité d’un acte de l’Union (arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P, EU:C:2015:494, point 37 ; voir également, en ce sens, arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 84).

58      Il a été itérativement jugé que, compte tenu de leur nature et de leur économie, les accords OMC ne figurent pas, en principe, parmi les normes au regard desquelles la légalité des actes des institutions de l’Union peut être contrôlée (arrêts du 16 juillet 2015, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P, EU:C:2015:494, point 38, et du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 85).

59      Le fait d’admettre que la tâche d’assurer la conformité du droit de l’Union avec les règles de l’OMC incombe directement au juge de l’Union reviendrait à priver les organes législatifs ou exécutifs de l’Union de la marge de manœuvre dont jouissent les organes similaires des partenaires commerciaux de l’Union. Il est en effet constant que certaines des parties contractantes, dont les partenaires les plus importants de l’Union du point de vue commercial, ont précisément tiré, à la lumière de l’objet et du but des accords OMC, la conséquence que ceux-ci ne figurent pas parmi les normes au regard desquelles leurs organes juridictionnels contrôlent la légalité de leurs règles de droit interne. Une telle absence de réciprocité, si elle était admise, risquerait d’aboutir à un déséquilibre dans l’application des règles de l’OMC (arrêts du 16 juillet 2015, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P, EU:C:2015:494, point 39, et du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 86).

60      Toutefois, dans deux situations exceptionnelles, qui découlent de la volonté du législateur de l’Union de limiter lui-même sa marge de manœuvre dans l’application des règles de l’OMC, il a été admis qu’il appartient au juge de l’Union, le cas échéant, de contrôler la légalité d’un acte de l’Union et des actes pris pour son application au regard des accords OMC. Il s’agit, en premier lieu, de l’hypothèse où l’Union aurait entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de ces accords et, en second lieu, du cas dans lequel l’acte du droit de l’Union en cause renverrait expressément à des dispositions précises des mêmes accords (arrêts du 16 juillet 2015, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P, EU:C:2015:494, points 40 et 41, et du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 87).

61      Néanmoins, il ressort d’une jurisprudence constante que la primauté des accords internationaux conclus par l’Union sur les actes de droit dérivé de l’Union commande d’interpréter ces derniers, dans la mesure du possible, en conformité avec ces accords (voir, en ce sens, arrêts du 7 juin 2007, Řízení Letového Provozu, C‑335/05, EU:C:2007:321, point 16, et du 10 novembre 2011, X et X BV, C‑319/10 et C‑320/10, non publié, EU:C:2011:720, point 44). Il a été ainsi jugé que les dispositions du règlement de base doivent être interprétées, dans la mesure du possible, à la lumière des dispositions correspondantes de l’accord antidumping (arrêt du 19 décembre 2013, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, C‑10/12 P, non publié, EU:C:2013:865, point 54).

62      C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner le cas présent.

63      En l’espèce, la requérante tente de se prévaloir du protocole d’accession afin de faire obstacle à l’application de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, dans sa version en vigueur à l’époque. Or, ainsi qu’il ressort du point 58 ci-dessus, les accords OMC, y compris le protocole d’accession, ne figurent pas, en principe, parmi les normes au regard desquelles la légalité des actes des institutions de l’Union peut être contrôlée. De plus, en réponse aux questions du Tribunal, la requérante a confirmé lors de l’audience qu’elle ne soutenait pas que les accords OMC ou le protocole d’accession avaient un effet direct en général.

64      En outre, rien n’indique que l’une des deux hypothèses exceptionnelles mentionnées au point 60 ci-dessus s’applique.

65      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base introduit un régime spécial établissant des règles détaillées en ce qui concerne le calcul de la valeur normale à l’égard des importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché, dont la République populaire de Chine. En effet, en ce qui concerne ces importations, l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base prévoit que la valeur normale est déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris l’Union, ou, lorsque cela n’est pas possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans l’Union pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d’y inclure une marge bénéficiaire raisonnable. L’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement de base énonce que, dans le cas d’enquêtes antidumping concernant les importations en provenance de la République populaire de Chine, la valeur normale est déterminée conformément aux paragraphes 1 à 6, s’il est établi que les conditions d’une économie de marché, énoncées à l’article 2, paragraphe 7, sous c), du règlement de base, prévalent pour ce ou ces producteurs, en ce qui concerne la fabrication et la vente du produit similaire concerné. Partant, la jurisprudence a établi que l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base constitue l’expression de la volonté du législateur de l’Union d’adopter, dans ce domaine, une approche propre à l’ordre juridique de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P, EU:C:2015:494, points 47 et 48).

66      Cette constatation n’est pas remise en cause par le fait que le considérant 3 du règlement de base énonce qu’il convient de transposer « dans toute la mesure du possible » les règles de l’accord antidumping dans le droit de l’Union. En effet, cette expression doit être comprise dans le sens que même si le législateur de l’Union entendait tenir compte des règles de l’accord antidumping lors de l’adoption du règlement de base, il n’a, cependant, pas manifesté la volonté de procéder à une transposition de chacune de ces règles dans ledit règlement (arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P, EU:C:2015:494, point 52).

67      Dès lors, la requérante ne saurait se prévaloir du protocole d’accession, en l’absence d’effet direct de celui-ci, pour s’opposer à l’application de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base.

68      Enfin, force est de constater que la requérante ne saurait se prévaloir de l’obligation d’interprétation conforme, mentionnée au point 61 ci-dessus, compte tenu du libellé de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, dans sa version en vigueur à l’époque. En effet, cette disposition établissait une méthode de calcul spécifique pour les importations de la République populaire de Chine, désignée explicitement. Dans ces circonstances, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission ne pouvait pas se limiter à appliquer en l’espèce les règles prévues à l’article 2, paragraphes 1 à 6, du règlement de base, dans la mesure où cela aurait été contraire au libellé non équivoque de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, dans sa version en vigueur à l’époque.

69      À la lumière des considérations qui précèdent, la requérante n’est pas fondée à contester le recours à la méthode du pays analogue afin de calculer la valeur normale.

70      Aucun des arguments avancés par la requérante ne saurait infirmer cette conclusion.

71      Premièrement, il convient de rejeter l’argument selon lequel, en cas de contradiction, le protocole d’accession doit prévaloir sur le règlement de base afin d’assurer que l’Union respecte ses engagements internationaux pour les raisons indiquées aux points 63 à 68 ci-dessus.

72      Par ailleurs, l’article 22, sous a), du règlement de base, selon lequel le règlement n’exclut pas l’application de règles spéciales prévues dans les accords conclus entre l’Union et des pays tiers, n’établit aucune hiérarchie des normes entre lui-même et les accords internationaux au profit de ces derniers, mais se limite à réserver la possibilité que des accords internationaux prévoient des règles spéciales, ce qui est sans préjudice du fait que la primauté des accords internationaux conclus par l’Union sur les actes de droit dérivé de l’Union commande d’interpréter ces derniers, dans la mesure du possible, en conformité avec ces accords, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 61 ci-dessus.

73      Deuxièmement, contrairement à ce que fait valoir la requérante, compte tenu du fait que le principe d’interprétation conforme ne saurait conduire à une interprétation du droit de l’Union contraire à son libellé non équivoque, il est nécessaire d’examiner l’effet direct du protocole d’accession. Ainsi qu’il ressort des points 63 à 67 ci-dessus, le protocole d’accession n’a pas d’effet direct susceptible d’être invoqué à l’égard de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base. Par ailleurs, il convient de préciser que ce qui doit être analysé est l’effet direct du protocole d’accession au regard de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, et non l’effet direct de l’accord antidumping ou du GATT en général.

74      En réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience concernant la jurisprudence citée au point 60 ci-dessus, la requérante a fait valoir que la jurisprudence devait prévoir une troisième exception lui permettant de se prévaloir directement des dispositions d’un accord international, à savoir lorsque l’accord international en question permet une dérogation à la règle générale et le droit de l’Union fait usage de cette faculté, comme en l’espèce. Au-delà du fait qu’il semble s’agir d’une simple reformulation de la première exception prévue par la jurisprudence citée au point 60 ci-dessus, qui ne s’applique pas en l’espèce pour les raisons indiquées ci-dessus, il suffit de relever que, à la lumière de la jurisprudence constante de la Cour, le Tribunal n’estime pas approprié de reconnaître l’existence d’une nouvelle exception, comme cela est demandé par la requérante.

75      Troisièmement, le fait que l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base a été modifié par le règlement 2017/2321 est sans pertinence pour le présent litige dans la mesure où il n’était pas applicable ratione temporis au cas d’espèce et, contrairement à ce que suggère la requérante, il ne saurait impliquer que l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base dans sa version antérieure n’avait plus de base juridique. À cet égard, il est utile de préciser que, ainsi qu’il ressort du règlement de base lui-même, son fondement juridique est l’article 207, paragraphe 2, TFUE, et non le protocole d’accession, l’accord antidumping ou le GATT.

76      Quatrièmement, s’agissant du fait que la compatibilité de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base avec le protocole d’accession a été contestée par la République populaire de Chine devant l’organe de règlement des différends de l’OMC, il suffit de constater que cet argument est inopérant dans la mesure où la procédure dans l’affaire DS 516 « Union européenne – Mesures relatives aux méthodes de comparaison des prix » est devenue caduque sans aboutir à des conclusions, ainsi que la Commission et les intervenantes l’ont fait valoir lors de l’audience.

77      Enfin, en ce qui concerne l’argument selon lequel l’organe de règlement des différends de l’OMC aurait déjà établi, dans l’affaire DS 397 « Communautés européennes – Mesures antidumping définitives visant certains éléments de fixation en fer ou en acier en provenance de Chine », que les règles prévues à l’article 15, sous a), ii), du protocole d’accession expiraient quinze ans après la date d’accession, il convient de rappeler que la possibilité pour un opérateur économique d’invoquer devant le juge de l’Union le fait qu’une réglementation de celle-ci est incompatible avec un rapport de l’organe de règlement des différends de l’OMC ne saurait être admise en dehors des hypothèses visées au point 60 ci-dessus concernant les règles matérielles de l’OMC (voir, en ce sens, arrêts du 10 novembre 2011, X et X BV, C‑319/10 et C‑320/10, non publié, EU:C:2011:720, point 37 et du 18 octobre 2018, Rotho Blaas, C‑207/17, EU:C:2018:840, point 46). Or, en l’espèce, la requérante n’avance aucun argument permettant de constater que, en adoptant l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, l’Union a entendu donner exécution à une obligation particulière résultant du rapport de l’organe de règlement des différends de l’OMC ou qu’elle a renvoyé expressément à ce rapport dans le règlement de base. Dès lors, l’argument de la requérante doit être rejeté.

78      Cinquièmement, s’agissant de la prétendue violation de l’article 2, paragraphes 1 et 2, de l’accord antidumping et de l’article VI, paragraphe 1, du GATT, il convient de rappeler que, selon l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, de ce même statut, et selon l’article 76, sous d), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Selon la jurisprudence, cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui (arrêt du 28 janvier 2009, Centro Studi Manieri/Conseil, T‑125/06, EU:T:2009:19, point 71). Par ailleurs, la simple invocation du principe du droit de l’Union dont la violation est alléguée, sans indiquer les éléments de fait et de droit sur lesquels cette allégation se fonde, ne satisfait pas aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure (arrêt du 3 mai 2007, Espagne/Commission, T‑219/04, EU:T:2007:121, point 89). Or, en l’espèce, la requérante se limite à faire référence à la violation desdites dispositions sans développer la moindre argumentation au soutien de sa thèse. Par conséquent, au vu des principes susvisés, cet argument doit être écarté comme étant irrecevable.

79      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant en partie non fondé et en partie irrecevable.

 Sur les erreurs de droit et les erreurs manifestes d’appréciation concernant la vulnérabilité de l’industrie de l’Union

80      Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis plusieurs erreurs de droit et erreurs manifestes d’appréciation en concluant que l’industrie de l’Union demeurait vulnérable aux effets préjudiciables des importations faisant l’objet d’un dumping dans le marché de l’Union. En particulier, elle avance, d’une part, que c’est à tort que la Commission n’a pas pris en compte les informations concernant Distillerie Mazzari pour établir la vulnérabilité de l’industrie de l’Union et, d’autre part, que la vulnérabilité de l’industrie de l’Union était « auto-infligée ».

81      S’agissant du grief relatif à l’absence de prise en considération des informations concernant Distillerie Mazzari, premièrement, la requérante soutient qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 1, du règlement de base que la vulnérabilité de l’industrie de l’Union doit être établie sur la base des informations fournies par les producteurs de l’Union ayant coopéré à l’enquête s’ils représentent une proportion majeure de la production de l’Union ainsi que des informations disponibles pour la Commission à propos des producteurs n’ayant pas coopéré à l’enquête. À cet égard, la requérante relève que la jurisprudence a exclu que la Commission devait limiter son examen aux informations fournies par les producteurs de l’Union ayant coopéré (arrêt du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, EU:T:2004:317, point 257). Or, en l’espèce, la Commission aurait limité son examen aux informations concernant les sept producteurs de l’Union ayant coopéré, qui représentaient 60 % de la production de l’Union, mais aurait ignoré les informations dont elle disposait concernant Distillerie Mazzari, qui était le principal producteur de l’Union avec environ 30 % du total. La requérante ajoute que la Commission disposait pourtant des informations fournies par Distillerie Mazzari dans le cadre de l’enquête ayant mené à l’adoption de la décision Hangzhou Bioking. De surcroît, les périodes couvertes par le règlement attaqué et par la décision Hangzhou Bioking se chevauchaient significativement, à savoir sur près de 50 % de la période totale.

82      La requérante fait valoir que si la Commission avait pris en compte les informations concernant Distillerie Mazzari, elle serait parvenue à une conclusion différente concernant la vulnérabilité de l’industrie de l’Union, car les autres opérateurs de l’Union étaient plus petits et moins performants. Selon la requérante, l’arrêt du 15 mars 2018, Caviro Distillerie e.a./Commission (T‑211/16, EU:T:2018:148), confirmerait cette thèse.

83      La requérante relève par ailleurs que la Commission elle-même avait initialement considéré qu’il était approprié d’inclure Distillerie Mazzari dans l’échantillon de producteurs de l’Union.

84      Dans ses observations sur le mémoire en intervention, la requérante précise qu’elle ne conteste pas que les sept producteurs de l’Union ayant coopéré représentent une proportion majeure de l’industrie de l’Union. Elle se limiterait à contester que, dans les circonstances de l’espèce, ces sept producteurs soient suffisamment représentatifs de l’industrie de l’Union dans la mesure où le producteur le plus important et le plus performant n’a pas été pris en compte.

85      La requérante considère en outre que l’absence de prise en compte de Distillerie Mazzari dans le règlement attaqué constitue un changement de méthodologie injustifié pour apprécier l’état de l’industrie de l’Union par rapport à la décision Hangzhou Bioking.

86      Deuxièmement, la requérante fait valoir que la Commission a également violé l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, qui exigerait que les conclusions de la Commission reposent sur des éléments de preuve concernant l’industrie de l’Union dans son ensemble ou une bonne partie de celle-ci.

87      Troisièmement, la requérante avance que la Commission a violé l’article 11, paragraphe 3, de l’accord antidumping, tel qu’il est interprété par l’organe de règlement des différends de l’OMC, qui oblige les autorités responsables de l’enquête à examiner tous les éléments pertinents.

88      Quatrièmement, la requérante considère que la Commission a violé le principe de bonne administration en examinant la vulnérabilité de l’industrie de l’Union sans prendre en compte les informations relatives à Distillerie Mazzari alors qu’elle ne pouvait pas ignorer que ses conclusions auraient été différentes si elle l’avait fait.

89      Par son second grief, la requérante soutient que, à supposer que la vulnérabilité de l’industrie de l’Union soit établie, quod non, la Commission aurait dû conclure que celle-ci était « auto-infligée », en raison des investissements réalisés pour augmenter la capacité de production de l’Union alors que la consommation était en baisse. Dès lors, les investissements visant à augmenter la capacité de production de l’industrie de l’Union auraient exercé une pression sur les prix et auraient réduit la rentabilité de l’industrie, le rendement des investissements ainsi que les flux de liquidités. Par ailleurs, la requérante fait valoir qu’il existe une divergence injustifiée concernant les estimations de la consommation de l’Union en 2013 entre la décision Hangzhou Bioking et le règlement attaqué.

90      La requérante ajoute qu’il ressort de la décision Hangzhou Bioking que, lorsque Distillerie Mazzari a été prise en compte, la capacité de production de l’industrie de l’Union est demeurée stable pendant une période qui chevauchait substantiellement celle couverte par le règlement attaqué. Il en découlerait que l’industrie de l’Union, dans la décision Hangzhou Bioking, affichait des résultats sains en matière de rentabilité, de rendement des investissements et de flux de liquidités.

91      Enfin, la requérante soutient que la Commission a également violé l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base ainsi que l’article 3, paragraphe 1, de l’accord antidumping.

92      La Commission, soutenue par les intervenantes, conclut au rejet des arguments de la requérante.

93      À titre liminaire, il convient de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elles doivent examiner (arrêts du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C‑351/04, EU:C:2007:547, point 40 ; du 11 février 2010, Hoesch Metals and Alloys, C‑373/08, EU:C:2010:68, point 61, et du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission, C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 14).

94      Ce large pouvoir d’appréciation porte notamment sur la détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une procédure antidumping. Le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. Tel est, notamment, le cas en ce qui concerne la détermination des facteurs qui causent un préjudice à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une enquête antidumping (arrêts du 10 septembre 2015, Bricmate, C‑569/13, EU:C:2015:572, point 46, et du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission, C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 15).

95      Le contrôle par le Tribunal des éléments de preuve sur lesquels les institutions de l’Union fondent leurs constatations ne constitue pas une nouvelle appréciation des faits remplaçant celle de ces institutions. Ce contrôle n’empiète pas sur le large pouvoir d’appréciation desdites institutions dans le domaine de la politique commerciale, mais se limite à relever si ces éléments sont de nature à étayer les conclusions tirées par celles-ci. Il appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées (arrêts du 18 octobre 2018, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, C‑100/17 P, EU:C:2018:842, point 64, et du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission, C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 16).

96      En outre, dans le cadre du contrôle de la légalité, visé à l’article 263 TFUE, le juge de l’Union ne peut, en toute hypothèse, substituer sa propre motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué (arrêts du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 56, et du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission, C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 17).

97      En vertu de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, une mesure antidumping ne peut être maintenue au-delà du délai de cinq ans mentionné par cette disposition que si son expiration favoriserait la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice.

98      L’article 4, paragraphe 1, du règlement de base définit l’industrie de l’Union, par rapport à laquelle il y a lieu d’examiner le préjudice, comme l’ensemble des producteurs de l’Union de produits similaires ou ceux d’entre eux dont les productions additionnées constituent une proportion majeure, au sens de l’article 5, paragraphe 4, du même règlement, de la production totale de l’Union de ces produits. Cette disposition précise qu’une plainte est réputée avoir été déposée par l’industrie de l’Union ou en son nom si elle est soutenue par des producteurs de l’Union dont les productions additionnées constituent plus de 50 % de la production totale du produit similaire par la partie de l’industrie de l’Union exprimant son soutien ou son opposition à la plainte. Toutefois, il est précisé qu’il ne sera pas ouvert d’enquête lorsque les producteurs de l’Union soutenant expressément la plainte représentent moins de 25 % de la production totale du produit similaire produit par l’industrie de l’Union.

99      Il ressort de la jurisprudence que les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne le choix entre les deux branches de cette alternative (arrêt du 11 juillet 2013, Philips Lighting Poland et Philips Lighting/Conseil, T‑469/07, EU:T:2013:370, point 92). En effet, il ne saurait être exigé des institutions de l’Union qu’elles définissent exclusivement l’industrie de l’Union par le biais de la première branche de l’alternative prévue par l’article 4, paragraphe 1, du règlement de base, c’est-à-dire en y incluant l’ensemble des producteurs de l’Union. En particulier, elles pourraient préférer la seconde branche au motif qu’elles n’ont pas pu obtenir la coopération de certains producteurs de l’Union (arrêt du 11 juillet 2013, Philips Lighting Poland et Philips Lighting/Conseil, T‑469/07, EU:T:2013:370, point 95).

100    Il convient de constater que les seuils de 50 % et 25 % figurant à l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base se réfèrent à des groupes différents de producteurs de l’Union. Le seuil de 50 % concerne uniquement le poids relatif des producteurs de l’Union soutenant la plainte dans le groupe composé des producteurs de l’Union soutenant et s’opposant à la plainte. En revanche, le seuil de 25 % se réfère à « la production totale du produit similaire produit par l’industrie de l’Union » et se rapporte au pourcentage que représentent les producteurs de l’Union soutenant la plainte dans cette production totale. Seul ce seuil de 25 % est dès lors pertinent pour déterminer si ces producteurs représentent « une proportion majeure » de la production totale du produit similaire produit par l’industrie de l’Union au sens de l’article 4, paragraphe 1, du règlement de base. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que l’article 4, paragraphe 1, et l’article 5, paragraphe 4, du règlement de base ne peuvent se comprendre que comme renvoyant au seuil minimal de 25 % (arrêt du 8 septembre 2015, Philips Lighting Poland et Philips Lighting/Conseil, C‑511/13 P, EU:C:2015:553, points 66 à 69).

101    C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner le cas d’espèce.

102    Par le premier grief du deuxième moyen, la requérante soutient que c’est à tort que la Commission n’a pas pris en compte les informations concernant Distillerie Mazzari pour établir la vulnérabilité de l’industrie de l’Union.

103    Le présent grief ne saurait être accueilli.

104    À cet égard, il convient de constater qu’il ressort du considérant 94 du règlement attaqué qu’il y avait neuf producteurs du produit similaire dans l’Union. Parmi ceux-ci, sept producteurs représentant plus de 60 % de la production totale de l’Union ont coopéré à l’enquête. Dès lors, la Commission a considéré que ces sept producteurs représentaient une proportion majeure de la production totale de l’Union et constituaient dès lors l’« industrie de l’Union » aux fins du règlement attaqué, au sens de l’article 4, paragraphe 1, du règlement de base, lu conjointement avec l’article 5, paragraphe 4, du même règlement. De surcroît, il ressort des considérants 96 et 98 du règlement attaqué que la Commission a examiné les indicateurs de préjudice au niveau de l’industrie de l’Union, à savoir les sept producteurs ayant coopéré à l’enquête, sur la base d’informations vérifiées recueillies auprès de ceux-ci. En outre, au considérant 98 du règlement attaqué, la Commission relève que les valeurs de certains indicateurs diffèrent dans le règlement attaqué et dans la décision Hangzhou Bioking étant donné que les périodes en cause se chevauchaient seulement en partie et que les indicateurs de préjudice, dans la décision Hangzhou Bioking, avaient été analysés sur la base des données de l’ensemble des producteurs de l’Union.

105    Eu égard aux principes énoncés aux points 93 à 100 ci-dessus, et compte tenu notamment du large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union pour définir l’industrie de l’Union comme étant soit l’ensemble des producteurs de l’Union soit ceux parmi eux représentant une proportion majeure de la production de l’Union, le règlement attaqué ne saurait être critiqué en ce qu’il a choisi de définir l’industrie de l’Union par référence à sept producteurs représentant plus de 60 % de la production totale de l’Union et ayant coopéré à l’enquête. À cet égard, il est utile de rappeler qu’il a été jugé qu’une part de la production de l’Union très proche de 50 % de la production totale de l’Union constituait manifestement une proportion majeure de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2015, Philips Lighting Poland et Philips Lighting/Conseil, C‑511/13 P, EU:C:2015:553, point 72).

106    Dès lors, la Commission ne saurait être obligée de définir l’industrie de l’Union par référence à l’ensemble des producteurs de l’Union. En outre, elle ne saurait être obligée d’inclure dans la définition de l’industrie de l’Union un producteur qui a décidé de ne pas coopérer à l’enquête, comme c’est le cas de Distillerie Mazzari. En effet, en l’absence de données vérifiées fournies par le producteur lui-même, il n’apparaît pas clairement comment la Commission serait supposée connaître les données relatives au producteur en cause concernant des indicateurs de préjudice tels que, par exemple, la capacité de production, le taux d’utilisation, le niveau d’emploi, la productivité, le coût de la main-d’œuvre, le volume des stocks, la rentabilité, les flux de liquidités, les investissements ou le rendement des investissements.

107    Il est néanmoins utile de préciser que la Commission a parfois utilisé dans le règlement attaqué certaines données relatives à l’ensemble des producteurs de l’Union, qu’elle a pu tirer des réponses au questionnaire, de la demande de réexamen au titre de l’expiration des mesures ou de certaines bases de données. Ainsi, par exemple, elle a pris en compte le volume des ventes totales et les parts de marché de l’ensemble des producteurs de l’Union.

108    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que la Commission n’a pas commis d’erreur de droit en ne prenant pas en compte les informations concernant Distillerie Mazzari. Aucun des arguments avancés par la requérante ne saurait infirmer cette conclusion.

109    Premièrement, en ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission disposait d’informations fournies par Distillerie Mazzari dans le cadre de l’enquête ayant mené à l’adoption de la décision Hangzhou Bioking, il suffit de constater que les périodes couvertes par cette enquête et par la présente enquête diffèrent. En effet, le chevauchement couvrait moins de 50 % de la période pertinente pour le règlement attaqué. Dès lors, force est de constater que la Commission ne disposait pas d’informations concernant Distillerie Mazzari qu’elle pouvait utiliser pour l’ensemble de la période pertinente aux fins du règlement attaqué.

110    Deuxièmement, il convient de constater que l’argument tiré de l’arrêt du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil (T‑35/01, EU:T:2004:317, point 257), repose sur une lecture erronée de la jurisprudence. D’une part, le point de l’arrêt cité par la requérante se limite à établir que la Commission pouvait prendre en compte certains éléments structurels comme les fusions de sociétés ne faisant pas partie de l’industrie de l’Union ainsi définie dans le règlement en cause. Cependant, cet arrêt n’établit pas une obligation de prendre de tels éléments en compte. De plus, ainsi que cela a été indiqué au point 107 ci-dessus, le règlement attaqué a pris en compte certaines données relatives à l’ensemble des producteurs de l’Union, concernant notamment le volume des ventes totales et les parts de marché.

111    D’autre part, la jurisprudence établit qu’il n’est pas nécessaire, voire approprié, d’inclure dans la définition de l’industrie de l’Union des producteurs n’ayant pas coopéré à l’enquête (voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2018, Baby Dan, C‑592/17, EU:C:2018:913, point 81, et du 11 juillet 1996, Sinochem Heilongjiang/Conseil, T‑161/94, EU:T:1996:101, point 89).

112    Troisièmement, il y a lieu de rejeter comme étant purement spéculatif l’argument selon lequel la Commission serait parvenue à une conclusion différente concernant le préjudice si elle avait pris en compte des informations concernant Distillerie Mazzari. En effet, ainsi que cela a été indiqué au point 109 ci-dessus, la Commission ne disposait pas d’informations concernant Distillerie Mazzari relatives à l’ensemble de la période pertinente. Dès lors, il n’est pas possible de savoir avec certitude quelles auraient été ses conclusions si elle avait disposé de ces informations. En tout état de cause, ainsi que le fait valoir à juste titre la Commission, compte tenu du fait que le règlement attaqué a examiné le préjudice relatif à une proportion majeure de la production de l’Union représentant plus de 60 % de cette production, il semblerait que les conclusions globales ne devraient pas être significativement différentes si les informations concernant Distillerie Mazzari avaient été prises en compte.

113    Quatrièmement, le fait que la Commission ait initialement envisagé d’inclure Distillerie Mazzari dans l’échantillon des producteurs de l’Union est sans pertinence. En effet, Distillerie Mazzari a décidé de ne pas coopérer et la Commission ne disposait pas du pouvoir de l’y contraindre.

114    Cinquièmement, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’absence de prise en compte de Distillerie Mazzari ne saurait être considérée comme un changement injustifié de méthodologie pour apprécier l’état de l’industrie de l’Union au regard de la décision Hangzhou Bioking. Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 11, paragraphe 9, du règlement de base, dans toutes les enquêtes de réexamen, la Commission applique, dans la mesure où les circonstances n’ont pas changé, la même méthode que lors de l’enquête ayant abouti à l’imposition du droit, compte tenu des dispositions des articles 2 et 17 du règlement de base. À cet égard, il suffit de constater que, d’une part, l’enquête ayant conduit à l’adoption de la décision Hangzhou Bioking n’était pas l’enquête ayant abouti à l’imposition du droit en l’espèce et, d’autre part, les circonstances ont changé entre l’enquête ayant mené à l’adoption de la décision Hangzhou Bioking et celle ayant mené à l’adoption du règlement attaqué en ce que Distillerie Mazzari a décidé de ne plus coopérer.

115    Sixièmement, il y a lieu de rejeter l’argument tiré de la prétendue violation de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base selon lequel les conclusions de la Commission devraient reposer sur des éléments de preuve concernant l’industrie de l’Union dans son ensemble ou une bonne partie de celle-ci. En effet, ainsi que cela a été indiqué aux points 105 et 106 ci-dessus, la Commission n’est pas obligée de définir l’industrie de l’Union par référence à l’ensemble des producteurs de l’Union. De surcroît, la Commission a défini à bon droit l’industrie de l’Union par référence à sept producteurs représentant une proportion majeure de la production de l’Union.

116    Septièmement, à supposer même que l’article 11, paragraphe 3, de l’accord antidumping puisse être invoqué en tant que tel devant le juge de l’Union, il suffit de constater que rien n’indique que la Commission a omis d’examiner tous les éléments pertinents en l’espèce, compte tenu des considérations exposées aux points 104 à 107 ci-dessus.

117    Huitièmement, il convient de rejeter au fond la prétendue violation du principe de bonne administration, indépendamment des objections soulevées par la Commission quant à sa recevabilité. En effet, à la lumière des considérations exposées aux points 104 à 107 ci-dessus, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir violé en l’espèce son obligation de mener la procédure de manière diligente et impartiale et, partant, le principe de bonne administration.

118    Par le second grief du deuxième moyen, la requérante fait valoir que la vulnérabilité de l’industrie de l’Union était « auto-infligée », en raison notamment des investissements en capacité de production effectués par celle-ci pendant la période pertinente. En substance, la requérante soutient que le comportement propre de l’industrie de l’Union a rompu le lien de causalité entre le prétendu dumping et le prétendu préjudice.

119    À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, dans le cadre d’une procédure de réexamen au titre de l’expiration des mesures antidumping en vertu de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, pour pouvoir proroger les mesures, les institutions de l’Union doivent non seulement établir un lien entre l’expiration de la mesure antidumping, d’une part, et la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice, d’autre part, mais elles doivent également apprécier si d’autres facteurs connus ont contribué directement au préjudice subi par l’industrie de l’Union de manière à ce que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas attribué aux importations faisant l’objet d’un dumping. Il appartient aux institutions de l’Union de vérifier si ces autres facteurs n’ont pas été de nature à rompre le lien de causalité entre les importations en cause et le préjudice subi par l’industrie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, points 96, 106 et 107]. Il a été ainsi établi qu’il convenait d’écarter tout préjudice découlant notamment du comportement propre de l’industrie de l’Union (arrêts du 11 juin 1992, Extramet Industrie/Conseil, C‑358/89, EU:C:1992:257, point 16, et du 11 juillet 1996, Sinochem Heilongjiang/Conseil, T‑161/94, EU:T:1996:101, point 86).

120    En l’espèce, il ressort du considérant 115 du règlement attaqué que la Commission a pris en compte le fait que l’industrie de l’Union, en particulier un producteur, avait réalisé des investissements qui avaient augmenté sa capacité de production de 6 % pendant la période pertinente. Dès lors, force est de constater que la Commission n’a pas omis de prendre en considération cet élément. Quant aux conséquences à tirer de cette augmentation de la capacité de production, il convient d’abord de rappeler le large pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission en la matière, ainsi qu’il ressort du point 93 ci-dessus. En outre, il convient de relever que la Commission s’est fondée sur un ensemble de facteurs, dont l’augmentation des capacités de production, pour conclure à la vulnérabilité de l’Union, ainsi qu’il ressort en particulier des considérants 112 à 139 du règlement attaqué. Dès lors, la requérante ne peut se limiter à proposer son interprétation des facteurs économiques que la Commission a pris en compte, mais doit préciser les raisons pour lesquelles elle aurait dû parvenir à une conclusion différente sur leur base. De plus, selon la requérante, il s’agit là du seul facteur qui serait imputable à l’industrie de l’Union. Par ailleurs, une augmentation de 6 % semble relativement modeste. En outre, ainsi que la Commission l’a fait valoir lors de l’audience, il ressort du considérant 135 du règlement attaqué qu’une partie importante des investissements était liée à une relocalisation des activités, rendue nécessaire pour des raisons réglementaires. Enfin, il y a lieu de noter que, selon les considérants 100 et 127 du règlement attaqué, la demande du produit faisant l’objet du réexamen est tributaire d’éléments externes, tels que les conditions climatiques et de récolte influençant la consommation du produit dans le secteur vitivinicole ou le volume de l’activité de construction dans ce secteur. Dès lors, il ne saurait être reproché à l’industrie de l’Union d’avoir réalisé des investissements liés principalement à des raisons réglementaires qui ont, de manière incidente, augmenté très légèrement la capacité de production et de ne pas avoir anticipé une baisse de la demande ayant fluctué entre 7 % et 11 % pendant la période pertinente.

121    Enfin, quant à la divergence identifiée par la requérante à propos de la consommation de l’Union en 2013 selon qu’il s’agisse de la décision Hangzhou Bioking ou du règlement attaqué, d’une part, il est douteux qu’elle puisse affecter d’une manière décisive les conclusions de la Commission, compte tenu de son large pouvoir d’appréciation, alors qu’elle concerne les valeurs d’un seul facteur au cours d’une seule année. D’autre part, et en tout état de cause, il convient de constater que tant le règlement attaqué que la décision Hangzhou Bioking se fondent sur des estimations dont les sources diffèrent, ainsi qu’il ressort du considérant 99 et du tableau 1 du règlement attaqué et du considérant 95 et du tableau 1 de la décision Hangzhou Bioking.

122    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second grief du deuxième moyen comme non fondé et, partant, le deuxième moyen dans son ensemble.

 Sur les erreurs manifestes d’appréciation concernant la probabilité de réapparition du préjudice

123    Dans le cadre du troisième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation en concluant à une probabilité de réapparition du préjudice si les mesures antidumping expiraient, en violation de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base. Ce moyen est divisé en deux griefs.

124    Par le premier grief du troisième moyen, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir examiné, ou à tout le moins de ne pas avoir examiné correctement, tous les facteurs pertinents pour l’analyse de la probabilité de réapparition du préjudice.

125    Premièrement, la requérante considère que la Commission a ignoré l’effet des importations de Hangzhou Bioking, le seul producteur-exportateur chinois non soumis aux mesures antidumping et responsable de la plus grande partie des importations en provenance de la République populaire de Chine dans l’Union.

126    Deuxièmement, la requérante fait valoir que la Commission a omis de prendre en considération les effets des conditions climatiques favorables ou défavorables sur l’offre de tartrate de calcium, qui constitue l’une des principales matières premières pour la fabrication de l’acide tartrique naturel et a par conséquent un impact sur le prix de ce dernier. Selon la requérante, les vendanges et le prix de l’acide tartrique naturel sont inversement liés : le prix de l’acide tartrique naturel augmente lorsque la production de moût de raisin diminue et inversement. Dès lors, alors que l’offre, le coût de production et le prix de l’acide tartrique naturel dépendent constamment des conditions climatiques cycliques, la production d’acide tartrique synthétique ne subirait aucune influence. À cet égard, la requérante relève que les prix de l’acide tartrique naturel ont été 17 % plus élevés en 2017 et 58 % plus élevés au cours du premier semestre de 2018 que le prix de l’industrie de l’Union pendant la période de réexamen, en raison notamment des conditions climatiques dans l’Union, ce qui a également entraîné une hausse du prix de l’acide tartrique synthétique. Même si ces développements sont postérieurs à la période de réexamen, ils démontreraient le caractère arbitraire des conclusions de la Commission relatives à la probabilité de réapparition du préjudice.

127    Dans ses observations sur le mémoire en intervention, la requérante ajoute qu’il s’agit de données d’Eurostat qui auraient dû être connues de la Commission d’office. Par ailleurs, elle précise qu’elle ne reproche pas à l’industrie de l’Union de ne pas avoir anticipé les évolutions climatiques, mais qu’elle reproche à la Commission de ne pas avoir reconnu l’impact des changements climatiques sur la production d’acide tartrique naturel et donc sur la performance de l’industrie de l’Union.

128    Troisièmement, la Commission aurait ignoré que l’utilisation d’acide tartrique synthétique était interdite dans l’Union pour l’industrie vitivinicole et pharmaceutique, ce qui rendrait impossible la réapparition du préjudice en ce qui concerne l’approvisionnement de ces industries, qui représentent une partie substantielle des ventes d’acide tartrique dans l’Union. Par ailleurs, la requérante fait valoir que la production de l’industrie de l’Union n’est ni suffisante ni fiable pour d’autres utilisateurs d’acide tartrique dans l’Union tels que l’industrie alimentaire et l’industrie de la construction, susceptibles d’utiliser tant l’acide tartrique naturel que le synthétique. Pour ces opérateurs, les importations en provenance de la République populaire de Chine permettent de combler les déficits de production de l’industrie de l’Union et d’assurer la sécurité de l’approvisionnement.

129    Par le second grief du troisième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir conclu à la probabilité de réapparition du préjudice dans le règlement attaqué, alors que, dans la décision Hangzhou Bioking, elle a considéré que les importations de ce producteur-exportateur, qui n’étaient pas soumises à des droits antidumping, ne causaient pas de préjudice important. Selon la requérante, eu égard à la comparabilité des situations et du comportement des producteurs-exportateurs chinois faisant l’objet des mesures antidumping et de Hangzhou Bioking, les conclusions tirées dans le cadre de la décision Hangzhou Bioking démontreraient que l’expiration des droits antidumping ne pouvait pas mener à une réapparition du préjudice. Une telle conclusion serait d’autant plus logique que les importations de produits de Hangzhou Bioking dans l’Union représentaient la plus grande partie des importations en provenance de la République populaire de Chine, que sa capacité de production était plus élevée que celle des autres producteurs-exportateurs chinois et que Hangzhou Bioking prévoyait même l’augmentation de sa capacité de production, à la différence de la requérante. Celle-ci ajoute que la capacité de production inutilisée de Hangzhou Bioking représente à elle seule entre 40 % et 50 % de celle des producteurs-exportateurs soumis aux mesures antidumping. Elle relève par ailleurs que le prix de l’acide tartrique de Hangzhou Bioking importé dans l’Union était presque identique à celui des producteurs-exportateurs soumis aux droits antidumping.s

130    La requérante soutient que la Commission aurait dû démontrer les raisons pour lesquelles les producteurs-exportateurs visés par le règlement attaqué devraient être traités différemment de Hangzhou Bioking, ne serait-ce que parce qu’ils opèrent dans des conditions différentes, quod non.

131    Au vu de ce qui précède, la requérante soutient que la Commission a violé l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base ainsi que l’article 11, paragraphe 3, de l’accord antidumping, en ce qu’elle n’a pas procédé à un examen objectif de tous les éléments pertinents. De surcroît, elle considère que la Commission a violé l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base ainsi que l’article 3, paragraphe 1, de l’accord antidumping, en ce que l’évaluation de la situation de l’industrie de l’Union doit se fonder sur tous les facteurs visés par ces dispositions se rapportant à l’existence d’un préjudice important. La requérante suggère par ailleurs une violation de l’obligation de mener l’enquête de réexamen de manière impartiale et objective.

132    La Commission, soutenue par les intervenantes, conclut au rejet des arguments de la requérante.

133    Dans le cadre du premier grief du troisième moyen, la requérante avance que la Commission n’a pas examiné, ou à tout le moins n’a pas examiné correctement, tous les facteurs pertinents aux fins de son appréciation de la probabilité de réapparition du préjudice, en violation de l’article 3, paragraphe 2, et de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base.

134    Au-delà des principes rappelés aux points 93 à 96 ci-dessus, qui sont également pertinents pour l’examen du troisième moyen, il est utile de relever que l’article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de base prévoit qu’une mesure antidumping expire cinq ans après son institution ou cinq ans après la date de la conclusion du réexamen le plus récent ayant couvert à la fois le dumping et le préjudice, à moins qu’il n’ait été établi lors d’un réexamen que l’expiration de la mesure favoriserait probablement la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice.

135    Il ressort de l’article 11, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de base, d’une part, que le maintien d’une mesure dépend du résultat d’une appréciation des conséquences de son expiration, donc d’un pronostic fondé sur des hypothèses quant à des développements futurs de la situation du marché concerné. Il en ressort, d’autre part, qu’une simple possibilité de continuation ou de réapparition du dumping et du préjudice ne suffit pas pour justifier le maintien d’une mesure, celui-ci étant subordonné à ce que la probabilité d’une continuation ou d’une réapparition du dumping et du préjudice ait été établie [arrêts du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, points 96 et 97, et du 30 avril 2015, VTZ e.a./Conseil, T‑432/12, non publié, EU:T:2015:248, point 21].

136    En ce qui concerne la question du préjudice, l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, invoqué par la requérante, prévoit que la détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif, d’une part, du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et, d’autre part, de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

137    S’agissant de ce dernier élément, il convient de rappeler que, selon l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base, auquel se réfère le règlement attaqué, l’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie de l’Union concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie, y compris le fait pour une industrie de ne pas encore avoir surmonté entièrement les effets de pratiques passées de dumping ou de subventionnement ; l’importance de la marge de dumping effective ; la diminution effective et potentielle des ventes, des bénéfices, de la production, de la part de marché, de la productivité, du rendement des investissements ou de l’utilisation des capacités ; les facteurs qui influent sur les prix dans l’Union ; et les effets négatifs, effectifs et potentiels, sur les flux de liquidités, les stocks, l’emploi, les salaires, la croissance, l’aptitude à mobiliser les capitaux ou l’investissement. Cette liste n’est pas exhaustive et un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante.

138    À cet égard, il a été jugé que, dans le cadre de l’évaluation globale de tous les indices et facteurs pertinents qu’impose l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base, un seul ou plusieurs des facteurs mentionnés ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante (arrêt du 10 juillet 2019, Caviro Distillerie e.a./Commission, C‑345/18 P, non publié, EU:C:2019:589, point 50). Dès lors, l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base donne aux institutions de l’Union une large marge d’appréciation dans l’examen et l’évaluation des différents indices (arrêt du 15 mars 2018, Caviro Distillerie e.a./Commission, T‑211/16, EU:T:2018:148, point 86 ; voir également, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C‑351/04, EU:C:2007:547, point 61).

139    Il ressort également de la jurisprudence que la conclusion de l’existence d’un préjudice important n’est pas forcément incompatible avec le fait que certains, voire plusieurs, facteurs prévus à l’article 3, paragraphe 5, du règlement de base témoignent d’une tendance positive. Toutefois, dans un tel cas de figure, l’institution de l’Union en question doit effectuer une analyse convaincante qui démontre que le développement positif de certains facteurs est contrebalancé par un développement négatif d’autres facteurs. Elle ne peut pas simplement ignorer un facteur indiquant une tendance positive, mais doit expliquer l’absence de pertinence ou d’importance d’un tel facteur (voir, en ce sens, arrêt du 15 décembre 2016, Gul Ahmed Textile Mills/Conseil, T‑199/04 RENV, non publié, EU:T:2016:740, point 139).

140    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments avancés par la requérante.

141    Dans le cadre du présent moyen, la requérante conteste les appréciations du règlement attaqué concernant le préjudice. À cet égard, il convient de constater que le règlement attaqué n’a pas fondé le maintien des mesures en cause sur la continuation d’un préjudice important à l’industrie de l’Union, mais sur la probabilité d’une réapparition du préjudice.

142    En l’espèce, il ressort en particulier des considérants 112 à 139 du règlement attaqué que la Commission a examiné la situation de l’industrie de l’Union sur la base d’une série de facteurs, tels que la production, la capacité de production et la capacité d’utilisation, le volume des ventes, les parts de marché, la croissance, l’emploi, la productivité, l’ampleur des marges de dumping et le rétablissement de l’industrie de l’Union à la suite des pratiques de dumping, les prix, les coûts de la main-d’œuvre, les stocks, la rentabilité, les flux de liquidités, les investissements et le rendement des investissements ainsi que l’aptitude à obtenir des capitaux. Eu égard à cet ensemble de considérations, la Commission a constaté que, même si certains indicateurs de préjudice tels que la production, le volume des ventes et les parts de marché avaient montré des tendances positives pendant la période en cause, ils n’avaient pas eu un impact positif sur la situation financière générale de l’industrie de l’Union. En effet, selon le règlement attaqué, la rentabilité de l’industrie de l’Union a accusé une tendance négative nette pendant la période pertinente, subissant même des pertes en 2014 et 2015. En 2016, la rentabilité de l’industrie de l’Union était de seulement 0,8 %. De surcroît, d’autres indicateurs financiers tels que les flux de liquidités et le rendement des investissements se sont également détériorés pendant la période en cause. La Commission a par ailleurs constaté que les importations faisant l’objet d’un dumping avaient exercé une pression importante sur les prix de l’industrie de l’Union, compte tenu de la sous-cotation moyenne de 19 % des importations par rapport aux prix de l’industrie de l’Union malgré les droits antidumping en vigueur. En raison de cette pression sur les prix, l’industrie de l’Union n’a pas été en mesure de maintenir ses prix au-dessus du coût de production. Dès lors, malgré l’augmentation des ventes et des parts de marché de l’industrie de l’Union, sa rentabilité, les flux de liquidités et le rendement des investissements se sont détériorés pendant la période pertinente. Au vu de ce qui précède, la Commission a conclu que l’industrie de l’Union demeurait vulnérable aux effets préjudiciables des importations faisant l’objet d’un dumping dans le marché de l’Union.

143    À la lumière de ces considérations, et eu égard aux principes énoncés aux points 93 à 96 et 134 à 139 ci-dessus, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir méconnu les limites de son large pouvoir d’appréciation et d’avoir commis une erreur manifeste dans son évaluation globale et sa mise en balance de tous les facteurs et indices économiques pertinents influant sur la situation économique de l’industrie de l’Union.

144    Aucun des arguments avancés par la requérante n’est susceptible d’infirmer cette conclusion.

145    Premièrement, en ce qui concerne l’argument selon lequel la Commission aurait ignoré à tort les effets des importations de Hangzhou Bioking, il suffit d’observer que ce producteur-exportateur n’était pas couvert par l’enquête de réexamen ayant mené à l’adoption du règlement attaqué. En effet, il convient de rappeler que, dans le règlement définitif de 2006, les importations de Hangzhou Bioking ont été soumises à un droit antidumping de 0 %. Par la suite, en 2012, les institutions de l’Union ont adopté le règlement excluant Hangzhou Bioking. Il ressort de son considérant 4 que, ce faisant, les institutions de l’Union ont entendu donner exécution au rapport de l’organe d’appel de l’OMC sur la viande de bœuf et le riz, selon lequel un producteur-exportateur dont il a été constaté qu’il n’a pas pratiqué le dumping lors d’une enquête initiale doit être exclu du champ d’application des mesures définitives et ne peut faire l’objet du réexamen de ces mesures. Il s’ensuit que, en 2016, dans la décision Hangzhou Bioking, la Commission a mis fin à la procédure antidumping concernant les importations d’acide tartrique fabriqué par Hangzhou Bioking sans imposer de droits antidumping au motif que, même si Hangzhou Bioking avait pratiqué du dumping, l’industrie de l’Union n’avait pas subi de préjudice important pendant la période d’enquête (en particulier, la rentabilité de l’industrie de l’Union a affiché une tendance positive, alors que les flux de liquidités, la rentabilité sur les investissements et l’emploi ont augmenté durant cette période). Dès lors, eu égard au fait que Hangzhou Bioking ne tombait pas dans le champ d’application du règlement attaqué et que la Commission a décidé de l’exclure afin de se conformer explicitement aux points 215 à 221 du rapport de l’organe d’appel de l’OMC sur la viande de bœuf et le riz, décision qu’il lui était, loisible d’adopter en vertu de la jurisprudence citée aux points 60 et 77 ci-dessus, il convient de rejeter l’argument de la requérante.

146    Deuxièmement, en ce qui concerne les effets des conditions climatiques favorables ou défavorables sur l’offre de tartrate de calcium, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, aux fins du contrôle de la légalité d’un acte des institutions de l’Union, il ne peut être tenu compte de ce qui s’est effectivement passé après l’adoption de l’acte attaqué, mais seulement des éléments dont elles disposaient lors de l’adoption de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 15 octobre 1998, Industrie des poudres sphériques/Conseil, T‑2/95, EU:T:1998:242, point 306). Partant, l’argumentation relative à l’évolution des prix de l’acide tartrique naturel en 2017 et 2018, à savoir après l’adoption du règlement attaqué, doit être rejetée comme étant sans pertinence. Par ailleurs, il ressort des considérants 100 et 127 du règlement attaqué que la Commission a pris en compte l’impact des conditions climatiques sur la demande et la production d’acide tartrique naturel. En outre, indépendamment de l’impact des conditions climatiques sur le coût des matières premières, les importations en provenance de la République populaire de Chine faisant l’objet d’un dumping exercent toujours une pression sur le prix de l’acide tartrique qui rend plus difficile la rentabilité de l’industrie de l’Union, même lors des années plus favorables. Partant, l’argument de la requérante doit être rejeté.

147    Troisièmement, en qui concerne l’argument selon lequel l’utilisation de l’acide tartrique synthétique est interdite dans l’Union pour l’industrie vitivinicole et pharmaceutique, il suffit de rappeler que, aux termes des considérants 30 et 31 du règlement attaqué, les deux types de produits sont considérés comme étant similaires aux fins du réexamen dès lors qu’ils présentent les mêmes caractéristiques physiques et chimiques de base et ont des utilisations qui se chevauchent.

148    Au vu de ce qui précède, le premier grief du troisième moyen doit être rejeté comme non fondé.

149    Par le second grief du troisième moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir conclu, dans le règlement attaqué, à une probabilité de réapparition du préjudice, alors que, dans la décision Hangzhou Bioking, elle a considéré que les importations de ce producteur-exportateur, qui n’étaient pas soumises à des droits antidumping, ne causaient pas de préjudice important.

150    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, une procédure de réexamen au titre de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base est, en principe, objectivement différente de celle de l’enquête initiale, qui est régie par d’autres dispositions du même règlement. La différence objective existant entre ces deux procédures réside dans le fait que les importations soumises à une procédure de réexamen sont celles ayant déjà fait l’objet de l’institution de mesures antidumping définitives et à l’égard desquelles il a, en principe, été apporté suffisamment d’éléments de preuve pour établir que la suppression de ces mesures favoriserait probablement la continuation ou la réapparition du dumping et du préjudice. En revanche, lorsque des importations sont soumises à une enquête initiale, l’objet de celle-ci est précisément de déterminer l’existence, le degré et l’effet de tout dumping allégué, même si l’ouverture d’une telle enquête suppose l’existence d’éléments de preuve suffisants pour justifier l’engagement d’une telle procédure. Dès lors, les importations qui ont donné lieu à l’institution d’un droit antidumping définitif, en raison de leur provenance, ne se trouvent pas dans une situation identique à celle des importations similaires provenant d’autres sources et qui ont seulement fait l’objet d’une enquête initiale [arrêt du 18 septembre 2014, Valimar, C‑374/12, EU:C:2014:2231, points 56 et 57 ; voir également, en ce sens, arrêt du 27 janvier 2005, Europe Chemi-Con (Deutschland)/Conseil, C‑422/02 P, EU:C:2005:56, points 49 et 50].

151    En l’espèce, force est de constater que, alors que le règlement attaqué a été adopté à l’issue d’une enquête de réexamen au titre de l’article 11, paragraphe 2, du règlement de base, la décision Hangzhou Bioking a été adoptée à l’issue d’une enquête visant l’instauration de droits antidumping sur les produits de ce producteur-exportateur et engagée en vertu de l’article 5 du règlement de base. Étant donné la différence de régime juridique applicable, il ne saurait être reproché à la Commission de ne pas être parvenue aux mêmes conclusions concernant le préjudice.

152    De surcroît, il importe de souligner que la période couverte par le règlement attaqué et celle couverte par la décision Hangzhou Bioking différaient et que les producteurs faisant partie de l’industrie de l’Union n’étaient pas les mêmes. Dès lors, il ne saurait être reproché à la Commission le fait que les conclusions auxquelles elle est parvenue dans ces deux enquêtes ne soient pas identiques. En tout état de cause, il convient de constater, ainsi que le prétend la Commission, que tant le règlement attaqué que la décision Hangzhou Bioking concluent à l’absence de préjudice important à l’industrie de l’Union pendant les périodes respectives. La seule différence réside dans le fait que le règlement attaqué a considéré qu’il existait un risque de réapparition du préjudice, critère qui ne trouve pas à s’appliquer dans le cadre d’une enquête visant à instaurer des droits antidumping pour la première fois.

153    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le second grief du troisième moyen de la requérante.

154    Enfin, s’agissant de la prétendue violation de l’article 3, paragraphe 1, et de l’article 11, paragraphe 3, de l’accord antidumping, que la requérante se limite à invoquer sans plus de développement, il suffit de constater que, à supposer qu’elle puisse se prévaloir de ces dispositions devant le juge de l’Union et indépendamment de la question de savoir si cette argumentation est recevable en l’absence de tout développement spécifique, il y a lieu de la rejeter pour les raisons exposées aux points 133 à 153 ci-dessus. En outre, pour les mêmes raisons que celles exposées ci-dessus, rien n’indique que la Commission a violé son obligation de mener l’enquête de réexamen de manière impartiale et objective.

155    Dès lors, le troisième moyen doit être rejeté comme non fondé dans son intégralité.

 Sur la violation des droits de la défense

156    Dans le cadre du quatrième moyen, la requérante allègue une série de violations des droits de la défense. Elle soutient que, nonobstant les demandes contenues dans ses observations sur le document d’information générale, la Commission a refusé de lui communiquer certaines informations essentielles à l’exercice de ses droits de la défense.

157    Premièrement, la Commission aurait omis de lui communiquer les facteurs pris en considération aux fins d’apprécier la situation de l’industrie de l’Union et de conclure à sa vulnérabilité. La requérante fait valoir que, en réponse à ses commentaires selon lesquels il existait plusieurs indicateurs positifs du préjudice, la Commission s’est concentrée à tort sur la faible rentabilité et les flux de liquidités insatisfaisants de l’industrie de l’Union dans le règlement attaqué. Par ailleurs, elle aurait évité de lui communiquer les considérations et les faits essentiels concernant l’impact négatif de certains facteurs importants sur la situation de l’industrie de l’Union, indépendants du prétendu dumping, tels que la réduction de la consommation d’acide tartrique dans l’Union, l’impact des conditions climatiques sur la production d’acide tartrique naturel dans l’Union et les décisions erronées d’investir en capacité de production de l’industrie de l’Union. Si la Commission avait pris en compte ces commentaires, elle aurait pu parvenir à la conclusion que l’industrie de l’Union n’était pas vulnérable et que, dès lors, il n’y avait pas de risque de réapparition du préjudice.

158    Deuxièmement, la Commission aurait omis de lui communiquer les considérations et les faits essentiels concernant l’absence de prise en compte de Distillerie Mazzari. Si la Commission avait pris en compte les informations concernant cette dernière, elle aurait pu parvenir à la conclusion que l’industrie de l’Union n’était pas vulnérable et que, dès lors, il n’y avait pas de risque de réapparition du préjudice.

159    Troisièmement, la Commission aurait omis de lui communiquer les considérations sous-tendant l’absence de prise en compte de Hangzhou Bioking aux fins de l’analyse de la probabilité de réapparition du préjudice.

160    Quatrièmement, la Commission aurait omis de lui communiquer les considérations essentielles sous-tendant les divergences importantes entre la décision Hangzhou Bioking et le règlement attaqué concernant la consommation d’acide tartrique dans l’Union en 2013.

161    En raison de l’ensemble des considérations qui précèdent, la requérante estime ne pas avoir été en mesure de défendre sa position efficacement. Dès lors, elle considère que la Commission a violé les droits de la défense, garantis par une série de dispositions du règlement de base et de l’accord antidumping, ainsi que le principe de bonne administration.

162    La Commission, soutenue par les intervenantes, conclut au rejet des arguments de la requérante.

163    Aux termes de l’article 20, paragraphe 2, du règlement de base, les parties peuvent demander une information finale sur les faits et les considérations essentiels sur la base desquels il est recommandé l’institution de mesures définitives ou la clôture d’une enquête ou d’une procédure sans institution de mesures.

164    Il ressort d’une jurisprudence constante que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure (arrêt du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, EU:C:2009:598, point 83 et jurisprudence citée). Ce principe revêt une importance capitale dans les procédures d’enquêtes antidumping (arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 77 et jurisprudence citée).

165    En vertu du principe du respect des droits de la défense, les entreprises intéressées doivent avoir été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de dumping et de la probabilité de réapparition du préjudice qui en résulterait (arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, point 76).

166    De plus, selon la jurisprudence, dans l’accomplissement de leur devoir d’information, les institutions de l’Union doivent agir avec toute la diligence requise en cherchant à donner aux entreprises concernées, dans la mesure où le respect du secret des affaires demeure assuré, des indications utiles à la défense de leurs intérêts et en choisissant, le cas échéant d’office, les modalités appropriées d’une telle communication (arrêts du 27 juin 1991, Al-Jubail Fertilizer/Conseil, C‑49/88, EU:C:1991:276, point 17, et du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil, C‑458/98 P, EU:C:2000:531, point 99 ; voir également, en ce sens, arrêt du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission, 264/82, EU:C:1985:119, point 30).

167    L’obligation d’information qui incombe aux institutions de l’Union en matière d’antidumping doit se concilier avec l’obligation de respecter les informations confidentielles (voir, en ce sens, arrêts du 25 septembre 1997, Shanghai Bicycle/Conseil, T‑170/94, EU:T:1997:134, point 121, et du 18 décembre 1997, Ajinomoto et NutraSweet/Conseil, T‑159/94 et T‑160/94, EU:T:1997:209, point 83). Cependant, l’obligation de respect des informations confidentielles ne saurait vider de leur contenu essentiel les droits de la défense (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 1985, Timex/Conseil et Commission, 264/82, EU:C:1985:119, point 29).

168    Il ressort également de la jurisprudence que c’est en fonction du degré de spécificité des informations demandées qu’il convient d’apprécier le caractère suffisant des renseignements fournis par les institutions de l’Union (arrêts du 18 décembre 1997, Ajinomoto et NutraSweet/Conseil, T‑159/94 et T‑160/94, EU:T:1997:209, point 93, et du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 143).

169    Il convient de rappeler qu’il ne saurait être imposé à la partie requérante de démontrer que la décision des institutions aurait été différente, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue dès lors qu’elle aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de l’irrégularité procédurale affectant ainsi concrètement les droits de la défense (arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 144 ; voir également, en ce sens, arrêt du 16 février 2012, Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2012:78, points 78 et 79).

170    En revanche, il incombe à la partie requérante d’établir concrètement comment elle aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence d’une telle irrégularité, sans se limiter à invoquer l’impossibilité de fournir des observations sur des situations hypothétiques (arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 145).

171    C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les arguments avancés par la requérante en l’espèce.

172    Premièrement, la requérante reproche à la Commission de ne pas lui avoir communiqué les facteurs pris en considération afin d’apprécier la situation de l’industrie de l’Union durant la période pertinente. Cet argument ne saurait être accueilli. Force est de constater que, aux considérants 109 à 136 du document d’information générale, la Commission a exposé en détail les faits et les considérations essentiels sur lesquels s’est appuyé le règlement attaqué, aux considérants 112 à 145, pour conclure à la vulnérabilité de l’industrie de l’Union. Par ailleurs, il y a lieu de constater que la requérante ne relève aucun facteur figurant dans le règlement attaqué dont il n’était pas fait mention dans le document d’information générale. En outre, il convient de souligner que ce document, tout comme le règlement attaqué, faisait déjà référence à la réduction de la consommation de l’Union, à l’impact des conditions climatiques et aux investissements en capacité de production de l’industrie de l’Union. Indépendamment du fait que la Commission ait accordé un poids prépondérant à certains facteurs dans sa mise en balance de tous les facteurs et indices économiques pertinents influant sur la situation économique de l’industrie de l’Union – appréciation pour laquelle elle dispose d’une large marge d’appréciation, ainsi que cela a été relevé dans le cadre du deuxième moyen – la circonstance que la requérante ne partage pas l’appréciation de la Commission ne saurait constituer une violation des droits de la défense.

173    Deuxièmement, la requérante reproche à la Commission de ne pas lui avoir communiqué les faits et les considérations essentiels concernant l’absence de prise en compte de Distillerie Mazzari. Cet argument ne saurait davantage être accueilli. Ainsi qu’il ressort des considérants 22 à 23 du document d’information générale, la Commission a initialement sélectionné un échantillon provisoire de six producteurs représentant 86 % de la production d’acide tartrique de l’Union. Cependant, compte tenu du fait qu’un de ces producteurs n’a pas souhaité coopérer à l’enquête, la Commission a conclu que l’échantillonnage n’était plus adapté. De plus, il découle du considérant 29 du document d’information générale que Distillerie Mazzari ne comptait pas parmi les producteurs de l’Union soumis à des visites de vérification par la Commission. En outre, il ressort de la lettre du 4 mai 2017 envoyée par Assodistil à la Commission, fournie par la requérante elle-même, que Distillerie Mazzari avait décidé de ne pas coopérer à l’enquête. De surcroît, la Commission fait valoir, sans être contredite par la requérante sur ce point, que celle-ci aurait pu exercer son droit de consulter le dossier administratif au plus tard le 21 juillet 2017 afin de répondre au questionnaire envoyé, mais qu’elle a décidé de ne pas faire usage de ce droit à ce stade. Au vu de ce qui précède, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir violé les droits de la défense de la requérante en ne portant pas à sa connaissance le fait que les informations concernant Distillerie Mazzari n’étaient pas prises en compte aux fins de l’enquête en cause.

174    Troisièmement, la requérante reproche à la Commission de ne pas lui avoir communiqué les considérations sous-tendant l’absence de prise en compte de Hangzhou Bioking aux fins de l’enquête en cause. Cet argument doit être rejeté. La requérante ne saurait ignorer que, en vertu de la décision Hangzhou Bioking, les institutions de l’Union avaient clos toute procédure antidumping à l’encontre de ce producteur. Ce constat était par ailleurs rappelé aux considérants 2 et 5 du document d’information générale. Dès lors, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir violé les droits de la défense de la requérante en ne portant pas à sa connaissance le fait que les informations concernant Hangzhou Bioking n’étaient pas prises en compte aux fins de l’enquête en cause.

175    Quatrièmement, la requérante reproche à la Commission de ne pas lui avoir communiqué les considérations essentielles sous-tendant les divergences d’environ 5 000 tonnes entre la décision Hangzhou Bioking et le règlement attaqué concernant la consommation d’acide tartrique dans l’Union en 2013. Cet argument ne saurait être accueilli. En effet, force est de constater que le document d’information générale indiquait les données retenues par la Commission aux fins de l’enquête en cause, ainsi que leur source, au considérant 97 et dans le tableau s’y rapportant. Par ailleurs, il y a lieu d’observer que la requérante a été en mesure de constater cette divergence et de faire connaître son point de vue dans ses observations sur le document d’information générale. Dès lors, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir violé les droits de la défense à cet égard, et ce sans préjudice des éventuelles conséquences de cette divergence quant à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, examinée dans le cadre du deuxième moyen ci-dessus.

176    Enfin, s’agissant de la prétendue violation du principe de bonne administration, de l’article 3, paragraphe 2, de l’article 11, paragraphe 2, de l’article 16, paragraphe 1, de l’article 19, paragraphes 2 et 4, de l’article 20, paragraphe 4, de l’article 21, paragraphes 5 et 7, du règlement de base ainsi que d’une série de dispositions de l’accord antidumping, compte tenu de la jurisprudence citée au point 78 ci-dessus, il convient de constater en l’espèce que la requérante se limite à faire référence à la violation desdites dispositions sans développer la moindre argumentation au soutien de sa thèse. Par conséquent, ces prétentions doivent être écartées comme étant irrecevables, à défaut de satisfaire les exigences minimales de l’article 76, sous d), du règlement de procédure.

177    Au vu de ce qui précède, le quatrième moyen doit être rejeté comme étant en partie non fondé et en partie irrecevable.

 Sur le défaut de motivation

178    Il ressort de la requête que, en substance, la requérante soulève un cinquième moyen tiré d’un défaut de motivation.

179    Premièrement, la requérante affirme que la Commission n’a pas motivé à suffisance de droit le calcul de la valeur normale en application de l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, alors que les règles prévues à l’article 15, sous a), ii), du protocole d’accession expiraient quinze ans après la date d’accession.

180    Deuxièmement, la Commission n’aurait pas motivé à suffisance de droit l’absence de prise en considération de Distillerie Mazzari aux fins de l’appréciation de la situation de l’industrie de l’Union, alors qu’elle avait pris en compte cette société dans le cadre de la décision Hangzhou Bioking.

181    Troisièmement, la Commission n’aurait pas motivé à suffisance de droit les raisons pour lesquelles elle avait conclu à l’absence de préjudice dans le cadre de la décision Hangzhou Bioking tandis que, dans le règlement attaqué, elle a conclu à une probabilité de réapparition du préjudice.

182    La Commission, soutenue par les intervenantes, conclut au rejet de ces arguments.

183    Il doit être rappelé que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution qui en est l’auteur, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, point 75).

184    Cette exigence doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, point 76).

185    Il convient en outre de souligner que les institutions ne sont pas tenues de prendre position sur tous les arguments invoqués devant elles par les intéressés, mais qu’il suffit d’exposer les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision (arrêt du 15 mars 2018, Caviro Distillerie e.a./Commission, T‑211/16, EU:T:2018:148, point 104). Partant, il ne saurait leur être reproché de ne pas avoir apporté une réponse précise à chaque argument invoqué par les parties requérantes ou de ne pas avoir pris position sur des éléments qu’elles n’estimaient pas pertinents dans le cas d’espèce (arrêt du 16 décembre 2015, VTZ e.a./Conseil, T‑108/13, non publié, EU:T:2015:980, point 157 ; voir également, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 64).

186    C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner les arguments avancés par la requérante.

187    Premièrement, s’agissant du prétendu défaut de motivation concernant la méthode de calcul de la valeur normale, il convient d’observer que, au considérant 36, le règlement attaqué indique que la Commission a informé les parties intéressées dans l’avis d’ouverture qu’elle envisageait d’appliquer la méthode du pays analogue, au sens de l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, et qu’aucune remarque n’a été formulée à cet égard. De surcroît, il ressort du considérant 44 du règlement attaqué que la Commission a pris note du fait que, dans ses observations sur le document d’information générale, la requérante avait fait valoir que cette méthode ne pouvait plus être appliquée aux importations en provenance de la République populaire de Chine en raison de l’expiration des règles prévues à l’article 15, sous a), ii), du protocole d’accession. Malgré cela, il résulte du considérant 45 du règlement attaqué que la Commission a décidé que la base juridique applicable prévue par le règlement de base en vigueur à l’époque était bien l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base. Force est de constater que, indépendamment du bien-fondé de cette position, examiné dans le cadre du premier moyen ci-dessus, cette motivation, bien que succincte, satisfait aux exigences énoncées aux points 183 à 185 ci-dessus.

188    Deuxièmement, l’argument relatif au prétendu défaut de motivation concernant l’absence de prise en considération de Distillerie Mazzari aux fins de l’appréciation de la situation de l’industrie de l’Union ne saurait prospérer. En effet, indépendamment du bien-fondé de cette position, examiné dans le cadre du deuxième moyen ci-dessus, il ressort de la lecture combinée des considérants 21, 22 et 28 du règlement attaqué que le motif était l’absence de coopération à l’enquête de ce producteur-exportateur de l’Union.

189    Troisièmement, il y a lieu de rejeter l’argument tiré d’un prétendu défaut de motivation concernant les raisons pour lesquelles la Commission avait conclu à l’absence de préjudice dans la décision Hangzhou Bioking alors qu’elle a conclu à une probabilité de réapparition du préjudice dans le règlement attaqué. À cet égard, il convient de constater que ce résultat découle des considérations suivantes : les périodes en cause se chevauchaient seulement en partie (considérants 98 et 142 du règlement attaqué) ; les importations des producteurs-exportateurs faisant l’objet de l’enquête n’étaient pas les mêmes (considérants 2 et 5 du règlement attaqué) ; et le test juridique retenu était différent, tenant compte du risque de réapparition du préjudice plutôt que de l’existence d’un préjudice important (considérants 148 et 162 du règlement attaqué). Indépendamment du bien-fondé de cette position, qui a été examiné dans le cadre des premier et deuxième moyens ci-dessus, le Tribunal considère que cette motivation satisfait aux exigences énoncées aux points 183 à 185 ci-dessus.

190    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le présent moyen comme non fondé et, partant, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

191    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission et des intervenantes.

192    Dès lors, la requérante supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission et les intervenantes.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Changmao Biochemical Engineering Co. Ltd est condamnée aux dépens.

Collins

Csehi

De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.