Language of document : ECLI:EU:T:2021:52

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

3 février 2021 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Gel des fonds – Liste des personnes, entités et organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Maintien du nom du requérant sur la liste – Obligation du Conseil de vérifier que la décision d’une autorité d’un État tiers a été prise dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective »

Dans l’affaire T‑258/20,

Oleksandr Viktorovych Klymenko, demeurant à Moscou (Russie), représenté par Me M. Phelippeau, avocate,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. A. Vitro et Mme P. Mahnič, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (PESC) 2020/373 du Conseil, du 5 mars 2020, modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2020, L 71, p. 10), et du règlement d’exécution (UE) 2020/370 du Conseil, du 5 mars 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 208/2014 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2020, L 71, p. 1), dans la mesure où ces actes maintiennent le nom du requérant sur la liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’appliquent ces mesures restrictives,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de M. D. Spielmann, président, Mme O. Spineanu‑Matei et M. R. Mastroianni (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La présente affaire s’inscrit dans le cadre du contentieux lié aux mesures restrictives adoptées à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine, à la suite de la répression des manifestations de la place de l’Indépendance à Kiev (Ukraine) en février 2014.

2        Le requérant, M. Oleksandr Viktorovych Klymenko, a occupé les fonctions de ministre des Revenus et des Taxes de l’Ukraine.

3        Le 5 mars 2014, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2014/119/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 26). À la même date, le Conseil a adopté le règlement (UE) no 208/2014, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 1).

4        Les considérants 1 et 2 de la décision 2014/119 précisent ce qui suit :

« (1) Le 20 février 2014, le Conseil a condamné dans les termes les plus fermes tout recours à la violence en Ukraine. Il a demandé l’arrêt immédiat de la violence en Ukraine et le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Il a demandé au gouvernement ukrainien de faire preuve d’une extrême retenue et aux responsables de l’opposition de se désolidariser de ceux qui mènent des actions extrêmes, et notamment recourent à la violence. 

(2)      Le 3 mars 2014, le Conseil [est] convenu d’axer les mesures restrictives sur le gel et la récupération des avoirs des personnes identifiées comme étant responsables du détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien, et des personnes responsables de violations des droits de l’homme, en vue de renforcer et de soutenir l’[É]tat de droit et le respect des droits de l’homme en Ukraine. » 

5        L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/119 dispose ce qui suit :

« 1.      Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes qui ont été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien et à des personnes responsables de violations des droits de l’homme en Ukraine, ainsi qu’à des personnes physiques ou morales, à des entités ou à des organismes qui leur sont liés, dont la liste figure à l’annexe, de même que tous les fonds et ressources que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent.

2.      Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »

6        Les modalités de ce gel des fonds sont définies à l’article 1er, paragraphes 3 à 6, de la décision 2014/119.

7        Conformément à la décision 2014/119, le règlement no 208/2014 impose l’adoption des mesures restrictives en cause et définit les modalités de celles-ci en des termes identiques, en substance, à ceux de ladite décision.

8        Les noms des personnes visées par la décision 2014/119 et par le règlement no 208/2014 apparaissent sur la liste figurant à l’annexe de ladite décision et à l’annexe I dudit règlement (ci-après la « liste ») avec, notamment, la motivation de leur inscription. À l’origine, le nom du requérant n’apparaissait pas sur la liste.

9        La décision 2014/119 et le règlement no 208/2014 ont été modifiés par la décision d’exécution 2014/216/PESC du Conseil, du 14 avril 2014, mettant en œuvre la décision 2014/119 (JO 2014, L 111, p. 91), et par le règlement d’exécution (UE) no 381/2014 du Conseil, du 14 avril 2014, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2014, L 111, p. 33) (ci-après, pris ensemble, les « actes d’avril 2014 »).

10      Par les actes d’avril 2014, le nom du requérant a été ajouté sur la liste, avec les informations d’identification « ancien ministre des [R]evenus et des [T]axes » et avec la motivation qui suit :

« Personne faisant l’objet d’une enquête en Ukraine pour participation à des infractions liées au détournement de fonds publics ukrainiens et à leur transfert illégal hors d’Ukraine. »

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 juin 2014, le requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑494/14, ayant pour objet, notamment, l’annulation des actes d’avril 2014, en ce qu’ils le visaient.

12      Le 29 janvier 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/143, modifiant la décision 2014/119 (JO 2015, L 24, p. 16), et le règlement (UE) 2015/138, modifiant le règlement no 208/2014 (JO 2015, L 24, p. 1).

13      La décision 2015/143 a précisé, à partir du 31 janvier 2015, les critères d’inscription des personnes visées par le gel des fonds. En particulier, l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/119 a été remplacé par le texte suivant :

« 1.      Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes ayant été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien et aux personnes responsables de violations des droits de l’homme en Ukraine, ainsi qu’aux personnes physiques ou morales, aux entités ou aux organismes qui leur sont liés, dont la liste figure à l’annexe, de même que tous les fonds et ressources que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent.

Aux fins de la présente décision, les personnes identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien incluent des personnes faisant l’objet d’une enquête des autorités ukrainiennes :

a)      pour détournement de fonds ou d’avoirs publics ukrainiens, ou pour complicité dans un tel détournement ; ou

b)      pour abus de pouvoir en qualité de titulaire de charge publique dans le but de se procurer à lui-même ou de procurer à un tiers un avantage injustifié, causant ainsi une perte pour les fonds ou avoirs publics ukrainiens, ou pour complicité dans un tel abus. »

14      Le règlement 2015/138 a modifié le règlement no 208/2014 conformément à la décision 2015/143.

15      Le 5 mars 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/364, modifiant la décision 2014/119 (JO 2015, L 62, p. 25), et le règlement d’exécution (UE) 2015/357, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2015, L 62, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2015 »). La décision 2015/364 a, d’une part, remplacé l’article 5 de la décision 2014/119, en étendant l’application des mesures restrictives, en ce qui concernait le requérant, jusqu’au 6 mars 2016, et, d’autre part, modifié l’annexe de cette dernière décision. Le règlement d’exécution 2015/357 a modifié en conséquence l’annexe I du règlement no 208/2014.

16      Par les actes de mars 2015, le nom du requérant a été maintenu sur la liste, avec les informations d’identification « ancien ministre des [R]evenus et des [T]axes » et la nouvelle motivation qui suit :

« Personne faisant l’objet d’une procédure pénale de la part des autorités ukrainiennes pour détournement de fonds ou d’avoirs publics et pour abus de pouvoir par le titulaire d’une charge publique dans le but de se procurer à lui-même ou de procurer à un tiers un avantage injustifié, causant ainsi une perte pour les fonds ou les avoirs publics ukrainiens. »

17      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 mai 2015, le requérant a introduit un recours enregistré sous le numéro d’affaire T‑245/15, tendant, notamment, à l’annulation des actes de mars 2015, en ce qu’ils le visaient.

18      Le 4 mars 2016, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2016/318, modifiant la décision 2014/119 (JO 2016, L 60, p. 76), et le règlement d’exécution (UE) 2016/311, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2016, L 60, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2016 »).

19      Par les actes de mars 2016, l’application des mesures restrictives a été prorogée, en ce qui concerne, notamment, le requérant, jusqu’au 6 mars 2017, et ce sans que la motivation de sa désignation ait été modifiée par rapport à celle des actes de mars 2015.

20      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 28 avril 2016, le requérant a adapté la requête relative à l’affaire T‑245/15, conformément à l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, afin de demander également l’annulation des actes de mars 2016, en ce qu’ils le visaient.

21      Par ordonnance du 10 juin 2016, Klymenko/Conseil (T‑494/14, EU:T:2016:360), prise sur le fondement de l’article 132 du règlement de procédure, le Tribunal a fait droit au recours mentionné au point 11 ci-dessus, en le déclarant manifestement fondé et en annulant donc les actes d’avril 2014, en ce qu’ils visaient le requérant.

22      Le 3 mars 2017, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2017/381, modifiant la décision 2014/119 (JO 2017, L 58, p. 34), et le règlement d’exécution (UE) 2017/374, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2017, L 58, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2017 »).

23      Par les actes de mars 2017, l’application des mesures restrictives a été prorogée jusqu’au 6 mars 2018, et ce sans que la motivation de la désignation du requérant ait été modifiée par rapport à celle des actes de mars 2015.

24      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 27 mars 2017, le requérant a de nouveau adapté la requête relative à l’affaire T‑245/15, afin de demander également l’annulation des actes de mars 2017, en ce qu’ils le visaient.

25      Par arrêt du 8 novembre 2017, Klymenko/Conseil (T‑245/15, non publié, EU:T:2017:792), le Tribunal a rejeté l’intégralité des demandes du requérant visées aux points 17, 20 et 24 ci-dessus.

26      Le 5 janvier 2018, le requérant a formé un pourvoi devant la Cour, enregistré sous le numéro d’affaire C‑11/18 P, contre l’arrêt du 8 novembre 2017, Klymenko/Conseil (T‑245/15, non publié, EU:T:2017:792).

27      Le 5 mars 2018, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2018/333, modifiant la décision 2014/119 (JO 2018, L 63, p. 48), et le règlement d’exécution (UE) 2018/326, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2018, L 63, p. 5) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2018 »).

28      Par les actes de mars 2018, l’application des mesures restrictives en cause a été prorogée jusqu’au 6 mars 2019, et ce sans que la motivation de la désignation du requérant ait été modifiée par rapport à celle des actes de mars 2015.

29      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 avril 2018, le requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑274/18, tendant à l’annulation des actes de mars 2018, en ce qu’ils le visaient.

30      Le 4 mars 2019, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2019/354, modifiant la décision 2014/119 (JO 2019, L 64, p. 7), et le règlement d’exécution (UE) 2019/352, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2019, L 64, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes de mars 2019 »).

31      Par les actes de mars 2019, l’application des mesures restrictives a été prorogée jusqu’au 6 mars 2020 et le nom du requérant a été maintenu sur la liste, avec la même motivation que celle rappelée au point 16 ci-dessus, assortie d’une précision concernant le respect de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective au cours de la procédure pénale sur laquelle le Conseil s’était fondé.

32      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 mai 2019, le requérant a introduit un recours, enregistré sous le numéro d’affaire T‑295/19, tendant à l’annulation des actes de mars 2019, en ce qu’ils le visaient.

33      Par arrêt du 11 juillet 2019, Klymenko/Conseil (T‑274/18, EU:T:2019:509), le Tribunal a annulé les actes de mars 2018, en ce qu’ils visaient le requérant.

34      Par arrêt du 26 septembre 2019, Klymenko/Conseil (C‑11/18 P, non publié, EU:C:2019:786), la Cour a annulé, d’une part, l’arrêt du 8 novembre 2017, Klymenko/Conseil (T‑245/15, non publié, EU:T:2017:792) (voir point 25 ci-dessus), et, d’autre part, les actes de mars 2015, de mars 2016 et de mars 2017, en ce qu’ils visaient le requérant.

35      Entre novembre 2019 et janvier 2020, le Conseil et le requérant ont échangé plusieurs courriers au sujet de la possible prorogation des mesures restrictives en cause à l’égard de ce dernier. En particulier, le Conseil a transmis plusieurs lettres du bureau du procureur général d’Ukraine (ci-après le « BPG ») au requérant concernant les procédures pénales dont ce dernier faisait l’objet et sur lesquelles il se fondait pour envisager ladite prorogation.

36      Le 5 mars 2020, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2020/373, modifiant la décision 2014/119 (JO 2020, L 71, p. 10), et le règlement d’exécution (UE) 2020/370, mettant en œuvre le règlement no 208/2014 (JO 2020, L 71, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués »).

37      Par les actes attaqués, l’application des mesures restrictives en cause a été prorogée jusqu’au 6 mars 2021 et le nom du requérant a été maintenu sur la liste, avec la même motivation que celle rappelée au point 16 ci-dessus, assortie d’une précision libellée dans les termes suivants :

« La procédure pénale relative au détournement de fonds ou d’avoirs publics est toujours en cours. Il ressort des informations figurant dans le dossier du Conseil que les droits de la défense de M. Klymenko et son droit à une protection juridictionnelle effective ont été respectés au cours de la procédure pénale sur laquelle le Conseil s’est fondé. En témoignent notamment les décisions du juge d’instruction du 1er mars 2017 et du 5 octobre 2018 autorisant l’ouverture d’une enquête spéciale par défaut, les décisions du juge d’instruction du 8 février 2017 et du 19 août 2019 approuvant une mesure préventive de détention et le fait que le processus de familiarisation de la défense avec le contenu du dossier pénal est en cours. »

38      Par courrier du 6 mars 2020, le Conseil a informé le requérant du maintien des mesures restrictives à son égard. Il a répondu aux observations du requérant formulées dans la correspondance du 23 janvier 2020 et lui a transmis les actes attaqués. En outre, il lui a indiqué le délai pour présenter des observations avant la prise de la décision concernant l’éventuel maintien de son nom sur la liste.

 Faits postérieurs à l’introduction du présent recours

39      Par arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil (T‑295/19, EU:T:2020:287), le Tribunal a annulé les actes de mars 2019, en ce qu’ils visaient le requérant.

 Procédure et conclusions des parties

40      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mai 2020, le requérant a introduit le présent recours.

41      Le 17 juillet 2020, le Conseil a présenté son mémoire en défense.

42      Par lettre du 29 juillet 2020, le requérant a été invité, au titre de l’article 83, paragraphe 3, du règlement de procédure, à produire une réplique portant sur les arguments du Conseil ayant trait au deuxième moyen, tiré notamment d’une erreur d’appréciation, tout en tenant compte de l’appréciation faite par le Tribunal dans le cadre de l’arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil (T‑295/19, EU:T:2020:287).

43      La réplique a été déposée au greffe du Tribunal le 3 septembre 2020.

44      La duplique a été déposée au greffe du Tribunal le 9 octobre 2020. À cette même date, la phase écrite de la procédure a été close.

45      En vertu de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, en l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure, le Tribunal peut décider de statuer sur le recours sans phase orale de la procédure. En l’espèce, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, a décidé, en l’absence d’une telle demande, de statuer sans phase orale de la procédure.

46      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués, en ce qu’ils le concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

47      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        à titre subsidiaire, si les actes attaqués devaient être annulés en ce qu’ils concernent le requérant, ordonner le maintien des effets de la décision 2020/373 jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2020/370 prenne effet ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

48      À l’appui du recours, le requérant invoque cinq moyens, tirés, le premier, de la violation de l’obligation de motivation, le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un détournement de pouvoir, le troisième, en substance, de la violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, le quatrième, d’un manque de base légale et, le cinquième, de la violation du droit de propriété.

49      Tout d’abord, il convient d’examiner les deuxième et troisième moyens, pris ensemble, en ce qu’ils visent, notamment, à reprocher au Conseil de ne pas avoir bien vérifié le respect, par les autorités ukrainiennes, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant, ce dont il résulterait une erreur d’appréciation commise lors de l’adoption des actes attaqués.

50      Dans le cadre de ces moyens, le requérant fait, notamment, valoir que le Conseil a omis de vérifier si les procédures pénales le concernant et portant, respectivement, la référence 42017000000000113 (ci-après la « procédure 113 ») et la référence 42014000000000521 (ci-après la « procédure 521 »), sur lesquelles il s’est appuyé lorsqu’il a décidé de maintenir les mesures restrictives à son égard, avaient été prises dans le respect de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective.

51      Selon le requérant, les réponses du BPG aux questions posées par le Conseil, concernant le respect de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective, l’état des procédures pénales le concernant ainsi que la compétence des différentes autorités enquêtrices concernées, les relations entre celles-ci et le transfert des enquêtes de l’une à l’autre, n’étaient pas satisfaisantes. Dès lors, il reproche, en substance, au Conseil d’avoir effectué des vérifications insuffisantes et d’avoir méconnu les éléments de preuve, qu’il lui aurait fournis, concernant les illégalités procédurales commises par les autorités ukrainiennes et l’absence d’indépendance de celles-ci.

52      Premièrement, il fait valoir que, à la date du 20 juin 2019, son nom ne figurait pas sur la liste des personnes recherchées au niveau international établie par l’Organisation internationale de police criminelle (Interpol) (ci-après la « liste des personnes recherchées par Interpol »), ainsi qu’il ressort des attestations délivrées par le secrétariat de la commission de contrôle des fichiers de celle-ci.

53      Deuxièmement, le requérant fait grief au Conseil de n’avoir effectué aucune vérification quant au respect de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective au regard du transfert des enquêtes préliminaires, qui avaient déjà été closes, au bureau national de lutte contre la corruption d’Ukraine, qui plus est six ans après l’ouverture de celles-ci.

54      Troisièmement, il fait valoir que la décision du juge d’instruction du tribunal de district de Petchersk à Kiev  (ci-après le « tribunal de Petchersck ») du 5 octobre 2018 (ci-après la « décision du juge d’instruction du 5 octobre 2018 »), autorisant l’ouverture d’une enquête spéciale par défaut à son égard, n’a pas été adoptée dans le respect de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective.

55      Quatrièmement, le requérant considère que la durée des poursuites engagées contre lui en Ukraine n’est pas raisonnable, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), et qu’il est évident que le seul but poursuivi par les autorités ukrainiennes est de justifier le maintien des mesures restrictives en cause, dès lors que, quasiment chaque année, le BPG fait référence à une procédure différente, numérotée différemment, mais visant systématiquement les mêmes infractions. Par ailleurs, la durée excessive des enquêtes préliminaires ne serait imputable qu’aux autorités chargées de celles-ci, lesquelles n’auraient pris aucune décision de renvoyer l’affaire devant un tribunal.

56      En définitive, le Conseil aurait méconnu ses obligations de vérification du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant, malgré le fait que celui-ci ait, à maintes reprises, dénoncé leur violation.

57      Dans la réplique, le requérant fait, en outre, valoir que la chambre des appels de la haute cour anticorruption ukrainienne a, par son arrêt du 13 mai 2020 (ci-après l’« arrêt du 13 mai 2020 »), annulé la décision du juge d’instruction du 19 août 2019 approuvant une mesure préventive de détention à son égard (ci-après la « décision du juge d’instruction du 19 août 2019 »), motif pris du défaut de l’une des conditions devant être réunies, selon le code de procédure pénale ukrainien (ci-après le « code de procédure pénale »), pour l’adoption d’une telle décision, à savoir que le nom de la personne concernée soit inscrit sur une liste internationale des personnes recherchées.

58      Le Conseil fait valoir qu’il ressort de la correspondance avec le requérant qu’il a pris en considération les observations de celui-ci, qu’il en a vérifié le bien-fondé, en posant aussi des questions précises et en obtenant des clarifications auprès des autorités ukrainiennes, et que, eu égard aux informations reçues par ces dernières, il a considéré que les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective du requérant n’avaient pas été violés et qu’il y avait suffisamment de motifs pour maintenir le nom du requérant sur la liste.

59      Du reste, d’une part, le requérant aurait exercé son droit à être représenté par un avocat en Ukraine dans les procédures le concernant, en faisant utilement usage de ses droits, si bien que ses recours ont parfois abouti. D’autre part, il ne ressortirait pas de la correspondance que le requérant a envoyée au Conseil qu’il se soit prévalu des voies d’opposition ou de contestation qui lui étaient ouvertes par le code de procédure pénale au regard de certaines situations procédurales, telles que la suspension des investigations ou le fait que celles-ci ne se sont pas terminées dans le délai prévu.

60      Le Conseil rappelle, en outre, que diverses décisions de justice sont intervenues à l’égard du requérant. Il s’agirait des décisions du juge d’instruction du 1er mars 2017 et du 5 octobre 2018, autorisant l’ouverture d’une enquête spéciale par défaut, dans le cadre, respectivement, de la procédure 113 et de la procédure 521, ainsi que de la décision du juge d’instruction du 19 août 2019, approuvant une mesure préventive de détention dans le cadre de la procédure 113. Au regard de cette dernière, le juge d’instruction aurait constaté que la suspicion avait été valablement notifiée en 2014 et que le nom du requérant avait été inclus dans la liste internationale des personnes recherchées le 10 juin 2019. À cet égard, le Conseil estime que les attestations de non-inscription sur la liste des personnes recherchées par Interpol produites par le requérant ne sont pas conclusives, car postérieures à la date à laquelle il était indiqué que le nom du requérant ne figurait pas sur ladite liste, à savoir le 10 octobre 2018.

61      En définitive, le Conseil estime qu’il a pu vérifier qu’un certain nombre de décisions prises pendant la conduite des procédures pénales concernant le requérant avaient été adoptées dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de celui-ci.

62      S’agissant des arguments du requérant tirés de la durée prétendument excessive des enquêtes et du manque d’incrimination à son égard, le Conseil fait observer qu’il a demandé et obtenu des clarifications à ce sujet de la part des autorités ukrainiennes, que les enquêtes concernant la procédure 113 et la procédure 521 ont été closes, respectivement, en 2017 et en octobre 2018, et que la défense est en train de se familiariser avec le dossier, ce qui témoignerait d’une évolution de la procédure.

63      S’agissant, enfin, de l’arrêt du 13 mai 2020, le Conseil fait valoir qu’il ne saurait être pris en considération pour apprécier la légalité des actes attaqués, celui-ci étant postérieur à leur adoption. En outre et en tout état de cause, d’une part, cet arrêt ne porterait que sur la procédure 113 et, d’autre part, il confirmerait, de son côté, que le requérant a pu exercer ses droits.

64      Il ressort d’une jurisprudence bien établie que, lors du contrôle de mesures restrictives, les juridictions de l’Union européenne doivent assurer un contrôle, en principe complet, de la légalité de l’ensemble des actes de l’Union au regard des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union, au rang desquels figurent, notamment, le droit à une protection juridictionnelle effective et les droits de la défense, tels que consacrés par les articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») (voir arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil, T‑295/19, EU:T:2020:287, point 59 et jurisprudence citée).

65      L’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives, le juge de l’Union s’assure que cette décision, qui revêt une portée individuelle pour cette personne, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir lesdits actes, sont étayés (voir arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil, T‑295/19, EU:T:2020:287, point 60 et jurisprudence citée).

66      L’adoption et le maintien de mesures restrictives, telles que celles prévues par la décision 2014/119 et le règlement no 208/2014, tels que modifiés, prises à l’encontre d’une personne ayant été identifiée comme étant responsable d’un détournement de fonds appartenant à un État tiers, reposent, en substance, sur la décision d’une autorité de celui-ci, compétente à cet égard, d’engager et de mener une procédure d’enquête pénale concernant cette personne et portant sur des infractions de détournement de fonds publics (voir arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil, T‑295/19, EU:T:2020:287, point 61 et jurisprudence citée).

67      Aussi, si, en vertu du critère d’inscription, tel que celui rappelé au point 13 ci-dessus, le Conseil peut fonder des mesures restrictives sur la décision d’un État tiers, l’obligation, pesant sur cette institution, de respecter les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective implique qu’il doive s’assurer du respect desdits droits par les autorités de l’État tiers ayant adopté ladite décision (voir arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil, T‑295/19, EU:T:2020:287, point 62 et jurisprudence citée).

68      L’exigence de vérification, par le Conseil, du fait que les décisions des États tiers sur lesquelles il entend se fonder ont été prises dans le respect desdits droits vise à assurer que l’adoption ou le maintien des mesures de gel des fonds n’ait lieu que sur une base factuelle suffisamment solide et, de telle sorte, à protéger les personnes ou les entités concernées. Ainsi, le Conseil ne saurait considérer que l’adoption ou le maintien de telles mesures repose sur une base factuelle suffisamment solide qu’après avoir vérifié lui-même si les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective ont été respectés lors de l’adoption de la décision de l’État tiers concerné sur laquelle il entend se fonder (voir arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil, T‑295/19, EU:T:2020:287, point 63 et jurisprudence citée).

69      Par ailleurs, s’il est vrai que la circonstance que l’État tiers compte au nombre des États ayant adhéré à la CEDH implique un contrôle, par la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH »), des droits fondamentaux garantis par la CEDH, lesquels, conformément à l’article 6, paragraphe 3, TUE, font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux, une telle circonstance ne saurait toutefois rendre superflue l’exigence de vérification rappelée au point 68 ci-dessus (voir arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil, T‑295/19, EU:T:2020:287, point 64 et jurisprudence citée).

70      Selon la jurisprudence, le Conseil est tenu de faire état, dans l’exposé des motifs relatifs à l’adoption ou au maintien des mesures restrictives à l’égard d’une personne ou d’une entité, ne serait-ce que de manière succincte, des raisons pour lesquelles il considère que la décision de l’État tiers sur laquelle il entend se fonder a été adoptée dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective. Ainsi, il incombe au Conseil, afin de satisfaire à son obligation de motivation, de faire apparaître, dans la décision imposant des mesures restrictives, qu’il a vérifié si la décision de l’État tiers sur laquelle il fonde ces mesures a été adoptée dans le respect de ces droits (voir arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil, T‑295/19, EU:T:2020:287, point 65 et jurisprudence citée).

71      En définitive, lorsqu’il fonde l’adoption ou le maintien de mesures restrictives, telles que celles en l’espèce, sur la décision d’un État tiers d’engager et de mener une procédure pénale pour détournement de fonds ou d’avoirs publics de la part de la personne concernée, le Conseil doit, d’une part, s’assurer que, au moment de l’adoption de ladite décision, les autorités de cet État tiers ont respecté les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective de la personne faisant l’objet de la procédure pénale en cause et, d’autre part, mentionner, dans la décision imposant des mesures restrictives, les raisons pour lesquelles il considère que ladite décision de l’État tiers a été adoptée dans le respect de ces droits (voir arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil, T‑295/19, EU:T:2020:287, point 66).

72      C’est à l’aune de ces principes jurisprudentiels qu’il convient d’établir si le Conseil a respecté ces obligations.

73      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, s’il est vrai que le Conseil a mentionné, dans les actes attaqués (voir point 37 ci-dessus), les raisons pour lesquelles il avait considéré que la décision des autorités ukrainiennes d’engager et de mener une procédure pénale pour détournement de fonds ou d’avoirs publics à l’égard du requérant avait été adoptée dans le respect de ses droits de la défense et de son droit à une protection juridictionnelle effective, il convient néanmoins de vérifier si c’est à juste titre que le Conseil a considéré que lesdites autorités avaient respecté, dans le cadre des procédures sur lesquelles les actes attaqués sont fondés, lesdits droits du requérant.

74      En effet, l’examen du bien-fondé de la motivation, qui relève de la légalité au fond des actes attaqués et consiste, en l’occurrence, à vérifier si les éléments invoqués par le Conseil sont établis et s’ils sont de nature à démontrer la vérification du respect de ces droits par les autorités ukrainiennes, doit être distingué de la question de la motivation, qui concerne une formalité substantielle et ne constitue que le corollaire de l’obligation du Conseil de s’assurer, au préalable, du respect desdits droits (voir arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil, T‑295/19, EU:T:2020:287, point 69 et jurisprudence citée).

75      Or, le requérant a fait l’objet de nouvelles mesures restrictives adoptées par les actes attaqués sur le fondement du critère d’inscription énoncé à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2014/119, tel qu’il a été précisé dans la décision 2015/143, et à l’article 3 du règlement no 208/2014, tel qu’il a été précisé dans le règlement 2015/138 (voir points 13 et 14 ci-dessus). Ce critère prévoit le gel des fonds des personnes qui ont été identifiées comme étant responsables de faits de détournement de fonds publics appartenant à l’État ukrainien, y compris les personnes faisant l’objet d’une enquête des autorités ukrainiennes.

76      Il convient de constater que le Conseil s’est fondé, pour décider du maintien du nom du requérant sur la liste, sur la circonstance que celui-ci faisait l’objet de procédures pénales de la part des autorités ukrainiennes pour des infractions constitutives d’un détournement de fonds ou d’avoirs publics et liées à un abus de qualité, qui était établie par les lettres du BPG dont le requérant avait reçu copie (voir point 35 ci-dessus).

77      Le maintien des mesures restrictives prises à l’encontre du requérant reposait donc, tout comme dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 26 septembre 2019, Klymenko/Conseil (C‑11/18 P, non publié, EU:C:2019:786), et du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil (T‑295/19, EU:T:2020:287), sur la décision des autorités ukrainiennes d’engager et de mener des procédures d’enquêtes pénales portant sur une infraction de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien.

78      Il y a également lieu de relever que, en modifiant, par les actes attaqués, l’annexe de la décision 2014/119 et l’annexe I du règlement no 208/2014, le Conseil a ajouté, ainsi qu’il l’avait fait pour la première fois dans les actes de mars 2019, une section, entièrement consacrée aux droits de la défense et au droit à une protection juridictionnelle effective, qui se subdivise en deux parties.

79      Dans la première partie figure un simple rappel, d’ordre général, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective en vertu du code de procédure pénale. En particulier, tout d’abord, sont rappelés les différents droits procéduraux dont jouit toute personne soupçonnée ou poursuivie dans le cadre d’une procédure pénale en vertu de l’article 42 du code de procédure pénale. Ensuite, d’une part, il est rappelé que, en vertu de l’article 306 de ce même code, toute plainte contre des décisions, des actes ou des omissions de l’enquêteur ou du procureur doit être examinée par le juge d’instruction ou le tribunal local, en présence du plaignant, de son avocat ou de son représentant légal. D’autre part, il est indiqué, notamment, que l’article 309 dudit code précise les décisions du juge d’instruction qui peuvent être contestées par la voie d’un recours. Enfin, il est précisé qu’un certain nombre de mesures d’enquêtes, telles que la saisie de biens et les mesures de détention, ne sont possibles que sous réserve d’une décision du juge d’instruction ou d’un tribunal.

80      La seconde partie de la section concerne l’application des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective à chacune des personnes inscrites sur la liste. S’agissant plus particulièrement du requérant, il est précisé que, selon les informations figurant dans le dossier du Conseil, ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective ont été respectés au cours de la procédure pénale sur laquelle le Conseil s’est fondé, ainsi qu’en témoignaient, notamment, les décisions du juge d’instruction des 1er mars 2017 et 5 octobre 2018, d’une part, et les décisions du juge d’instruction des 8 février 2017 et 19 août 2019, d’autre part, ainsi que le fait que le processus de familiarisation de la défense avec le contenu du dossier pénal était en cours (voir point 37 ci‑dessus).

81      Dans la lettre du 6 mars 2020 (voir point 38 ci-dessus), d’une part, le Conseil s’est borné à indiquer que les attestations émanant du BPG établissaient que le requérant continuait à faire l’objet de la procédure 113 et de la procédure 521 pour détournement de fonds ou d’avoirs publics et que celles-ci avaient été attribuées, respectivement, le 19 novembre et le 21 novembre 2019, au bureau national de lutte contre la corruption d’Ukraine. D’autre part, s’agissant du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant, le Conseil a précisé que le respect de ces droits était attesté par les décisions de justice mentionnées au point 80 ci-dessus. S’agissant, plus particulièrement, de la décision du juge d’instruction du 19 août 2019, prise dans le cadre de la procédure 113, il aurait été considéré que des avis de suspicion avaient été notifiés au requérant les 22 décembre 2014 et 19 août 2016, que l’accusation avait prouvé l’existence de soupçons raisonnables, que, le 10 juin 2019, son nom avait été inscrit sur une liste internationale des personnes recherchées, qu’il avait été prouvé que celui-ci se cachait des autorités chargées de l’enquête préliminaire et qu’il y avait suffisamment de raisons de croire qu’il continuerait à le faire.

82      Ainsi, il ressort d’une lecture combinée des motifs exposés dans les actes attaqués et dans ladite lettre du 6 mars 2020 que le Conseil atteste explicitement avoir vérifié le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant dans les deux procédures citées au point 81 ci-dessus, bien qu’il se limite à fournir davantage de détails seulement pour ce qui concerne la procédure 113, dans le cadre de laquelle a été adoptée la décision du juge d’instruction du 19 août 2019.

83      À cet égard, il doit être observé, à titre liminaire, que le Conseil reste en défaut de démontrer dans quelle mesure toutes les décisions du juge d’instruction du tribunal de Petchersk rappelées au point 80 ci-dessus, qui sont des actes de nature purement procédurale, témoigneraient du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant au cours des procédures 113 et 521. En effet, ainsi qu’il a été rappelé aux points 65 à 67 ci-dessus, en l’espèce, le Conseil était tenu de vérifier, avant de décider le maintien des mesures restrictives en cause, si la décision de l’administration judiciaire ukrainienne d’engager et de mener, à l’égard du requérant, des procédures d’enquête pénales portant sur les infractions inhérentes au détournement de fonds ou d’avoirs publics et à l’abus de pouvoir commis par le titulaire d’une charge publique avait été adoptée dans le respect desdits droits de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil, T‑295/19, EU:T:2020:287, points 78).

84      Dans cette perspective, lesdites décisions de justice ne sauraient être identifiées, à tout le moins sur un plan formel, comme étant des décisions d’engager et de mener la procédure d’enquête justifiant le maintien des mesures restrictives. Cela étant dit, il est loisible d’admettre que, d’un point de vue substantiel, dès lors qu’elles ont été adoptées par une juridiction, à tout le moins la décision du juge d’instruction du 19 août 2019, qui est pertinente sous l’angle temporel, ces décisions ont réellement été prises en compte par le Conseil comme étant la base factuelle justifiant le maintien des mesures en  cause (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil, T‑295/19, EU:T:2020:287, point 79).

85      Il y a donc lieu de vérifier si c’est à juste titre que le Conseil a pu considérer que ces décisions, ainsi que la circonstance que le processus de familiarisation de la défense du requérant avec le contenu du dossier pénal était en cours au moment de l’adoption des actes attaqués, témoignaient du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de celui-ci.

86      S’agissant, tout d’abord, de la décision du juge d’instruction du 19 août 2019, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que prétend le Conseil, il ne ressort pas clairement de celle-ci que les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective ont été garantis au requérant en l’espèce. S’il est vrai, ainsi que le souligne le Conseil dans sa lettre du 6 mars 2020 (voir point 81 ci-dessus), que le juge d’instruction du tribunal de Petchersk a pu conclure que, dans le cadre de la procédure 113, à laquelle se rattache cette décision, le requérant était une personne soupçonnée, qu’il était inscrit sur une liste internationale des personnes recherchées, que le procureur avait prouvé qu’il se cachait des autorités chargées de l’enquête préliminaire et qu’il y avait suffisamment de raisons de croire qu’il continuerait à le faire, il n’en reste pas moins qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le Conseil ait réellement pris en considération les informations que le requérant lui avait communiquées dans sa lettre du 23 janvier 2020, ainsi que, précédemment,  dans ses lettres du 19 décembre 2018 et du 4 février 2019.

87      En effet, le requérant avait fait valoir, notamment, documents à l’appui, que son nom n’était pas inscrit sur la liste des personnes recherchées par Interpol et que, de ce fait, le juge d’instruction n’aurait pas été à même de prendre certaines décisions que le Conseil a considérées comme témoignant du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant.

88      À cet égard, il convient de relever qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le Conseil ait vérifié les informations sur lesquelles le juge d’instruction s’est fondé pour considérer que le nom du requérant était inscrit sur une « liste internationale des personnes recherchées ». Par ailleurs, le Conseil n’a pas donné les raisons pour lesquelles il s’était contenté de simples affirmations du BPG et dudit juge d’instruction à cet égard, en dépit des documents démontrant que, à la date du 20 juin 2019, le nom du requérant ne figurait pas sur la liste des personnes recherchées par Interpol.

89      Cet aspect n’est pas sans importance dans le cadre de l’appréciation du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant, au regard de l’article 193-6 du code de procédure pénale, aux termes duquel, ainsi qu’il ressort de la décision du juge d’instruction du 19 août 2019, le fait d’être inscrit sur une liste internationale des personnes recherchées est l’une des conditions qui doivent être établies par le procureur lorsqu’il demande l’approbation d’une mesure préventive de détention (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil, T‑295/19, EU:T:2020:287, point 87).

90      Dans cette décision, le juge d’instruction s’est fondé sur la résolution du procureur du 10 juin 2019 pour considérer que le nom du requérant était inscrit sur une telle liste, sans toutefois indiquer quelle était la preuve apportée par le procureur. Quant au BPG, force est de constater qu’il s’est limité à indiquer, dans les deux tableaux, annexés à la lettre du 1er novembre 2019, synthétisant les informations sur l’état des procédures 113 et 521 et censés expliquer, notamment, en quoi les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective du requérant avaient été respectés, que le « suspect [était] inscrit sur la liste des personnes recherchées ».

91      L’argument avancé par le Conseil selon lequel les attestations délivrées par le secrétariat de la commission de contrôle des fichiers d’Interpol n’étaient pas conclusives ne saurait remettre en cause ces considérations. En effet, les informations du BPG concernant l’inscription du nom du requérant sur une « liste des personnes recherchées » ne permettaient pas, en tout état de cause, au Conseil de vérifier le respect de la condition relative à une telle inscription par le procureur et, de ce fait, le respect par le juge d’instruction, lors de l’adoption de sa décision, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant (voir point 89 ci-dessus). Dans ces circonstances, le Conseil ne pouvait pas se contenter des informations, soit laconiques soit imprécises, dont il disposait et aurait dû, à tout le moins, solliciter des éclaircissements auprès des autorités ukrainiennes.

92      Au demeurant, sans que cela n’ait d’incidence sur la présente affaire, dans la mesure où, ainsi que le relève à juste titre le Conseil, l’arrêt du 13 mai 2020 est postérieur à l’adoption des actes attaqués, il y a néanmoins lieu de relever qu’il ressort de cet arrêt, d’une part, que le simple fait pour le procureur de prendre une décision procédurale sous la forme d’une résolution d’inscrire une personne sur la liste des personnes recherchées par Interpol ne suffit pas, étant également requis que toutes les mesures nécessaires soient prises pour mettre en œuvre une telle résolution, ce qui n’avait aucunement été prouvé par le procureur, et, d’autre part, qu’une telle interprétation de l’article 193-6 du code de procédure pénale avait déjà été donnée par la chambre des appels de la haute cour anticorruption dans le cadre de plusieurs décisions de justice prises entre septembre 2019 et février 2020.

93      S’agissant, ensuite, des décisions du juge d’instruction du 1er mars 2017 et du 5 octobre 2018 ainsi que de la décision du juge d’instruction du 8 février 2017, les deux premières concernant l’ouverture d’une enquête spéciale par défaut et cette dernière concernant l’approbation d’une mesure préventive de détention, il convient de relever que celles-ci ont été prises bien avant l’adoption des actes attaqués. Il s’ensuit qu’elles ne sauraient suffire à établir que la décision de l’administration judiciaire ukrainienne, sur laquelle le Conseil entend se fonder pour maintenir, pour la période allant de mars 2020 à mars 2021, les mesures restrictives en cause à l’égard du requérant, a été adoptée dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de celui-ci. Au demeurant, le Tribunal a déjà eu l’occasion de se prononcer, tant à l’égard de la décision du juge d’instruction du 1er mars 2017 qu’à l’égard de celle du 5 octobre 2018, dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil (T‑295/19, EU:T:2020:287, points 78 à 88 et 91), qui n’a pas été contesté par le Conseil, et a jugé qu’elles n’étaient pas susceptibles de démontrer que lesdits droits du requérant avaient été respectés dans le cadre des procédures en cause.

94      En tout état de cause, il doit être également relevé que toutes les décisions de justice susmentionnées s’insèrent dans le cadre des procédures pénales ayant justifié l’inscription et le maintien du nom du requérant sur la liste et ne sont qu’incidentes au regard de celles-ci, dans la mesure où elles sont de nature procédurale. De telles décisions, qui peuvent servir tout au plus à établir l’existence d’une base factuelle suffisamment solide, à savoir que, conformément au critère d’inscription, le requérant faisait l’objet de procédures pénales portant, notamment, sur une infraction de détournement de fonds ou d’avoirs appartenant à l’État ukrainien, ne sont pas ontologiquement susceptibles, à elles seules, de démontrer que la décision de l’administration judiciaire ukrainienne d’engager et de mener lesdites procédures pénales, sur laquelle repose, en substance, le maintien des mesures restrictives à l’encontre du requérant, a été prise dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil, T‑295/19, EU:T:2020:287, point 92).

95      Au demeurant, le Conseil n’invoque aucune pièce du dossier de la procédure ayant abouti à l’adoption des actes attaqués dont il résulterait qu’il a examiné les décisions de justice invoquées et qu’il a pu en conclure que les droits procéduraux du requérant avaient été respectés dans leur substance.

96      S’agissant, enfin, du processus de familiarisation de la défense avec le contenu du dossier pénal étant encore en cours au moment de l’adoption des actes attaqués, il convient d’observer, d’une part, que le BPG ne fournit aucune information concernant la nature et la durée de ce processus et, d’autre part, qu’il ressort des seules informations fournies par celui-ci qu’un tel processus est en cours depuis le 21 avril 2017, qui est la date de clôture de l’enquête préliminaire dans le cadre de la procédure 113, et depuis le 3 décembre 2018, qui est la date de clôture de l’enquête préliminaire dans le cadre de la procédure 521.

97      Or, contrairement à ce qu’il prétend, le Conseil reste en défaut de démontrer dans quelle mesure les informations dont il disposait s’agissant dudit processus de familiarisation de la défense dans les procédures 113 et 521 et les décisions de justice y afférentes lui ont permis de considérer que les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective du requérant avaient été respectés, alors que, comme celui-ci l’a fait valoir, lesdites procédures, qui concernaient des faits prétendument commis entre 2011 et 2014, se trouvaient encore au stade de l’enquête préliminaire et, de plus, avaient été transférées, déjà closes, à d’autres autorités investigatrices en novembre 2019, de sorte que les affaires en cause n’avaient pas encore été soumises à un tribunal ukrainien sur le fond.

98      Or, l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, qui constitue le paramètre à l’aune duquel le Conseil apprécie le respect du droit à une protection juridictionnelle effective, prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil, T‑295/19, EU:T:2020:287, point 96 et jurisprudence citée).

99      Dans la mesure où la Charte contient des droits correspondant à des droits garantis par la CEDH, tels que ceux prévus par l’article 6, leur sens et leur portée sont, aux termes de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, les mêmes que ceux que leur confère la CEDH.

100    À cet égard, il convient de rappeler que, en interprétant l’article 6 de la CEDH, la Cour EDH a relevé que l’objectif du principe du délai raisonnable était, notamment, de protéger la personne inculpée contre les lenteurs excessives de la procédure et d’éviter qu’elle ne demeure trop longtemps dans l’incertitude de son sort ainsi que les retards propres à compromettre l’efficacité et la crédibilité de l’administration de la justice (voir Cour EDH, 7 juillet 2015, Rutkowski et autres c. Pologne, CE:ECHR:2015:0707JUD007228710, point 126 et jurisprudence citée). De plus, la Cour EDH a considéré que la violation de ce principe pouvait être constatée notamment lorsque la phase d’instruction d’une procédure pénale se caractérisait par un certain nombre de phases d’inactivité imputables aux autorités compétentes pour cette instruction (voir, en ce sens, Cour EDH, 6 janvier 2004, Rouille c. France, CE:ECHR:2004:0106JUD005026899, points 29 à 31 ; 27 septembre 2007, Reiner et autres c. Roumanie, CE:ECHR:2007:0927JUD000150502, points 57 à 59, et 12 janvier 2012, Borisenko c. Ukraine, CE:ECHR:2012:0112JUD002572502, points 58 à 62).

101    Par ailleurs, il résulte de la jurisprudence que, lorsqu’une personne fait l’objet de mesures restrictives depuis plusieurs années, et ce en raison de l’existence, en substance, de la même enquête préliminaire menée par le BPG ou par une autre autorité investigatrice, le Conseil est tenu d’approfondir la question de la violation éventuelle des droits fondamentaux de cette personne par les autorités ukrainiennes (voir, en ce sens, arrêt du 30 janvier 2019, Stavytskyi/Conseil, T‑290/17, EU:T:2019:37, point 132).

102    Dès lors, en l’espèce, le Conseil aurait dû à tout le moins indiquer les raisons pour lesquelles, en dépit des arguments du requérant repris au point 97 ci-dessus, il pouvait considérer que le droit de celui-ci à une protection juridictionnelle effective devant l’administration judiciaire ukrainienne, qui est, à l’évidence, un droit fondamental, avait été respecté en ce qui concernait la question de savoir si sa cause avait été entendue dans un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil, T‑295/19, EU:T:2020:287, point 100).

103    Il ne saurait donc être conclu, au vu des pièces du dossier, que les éléments dont le Conseil disposait lors de l’adoption des actes attaqués lui ont permis de vérifier si la décision de l’administration judiciaire ukrainienne avait été prise en respectant les droits du requérant à une protection juridictionnelle effective et à voir sa cause entendue dans un délai raisonnable.

104    Par ailleurs, à cet égard, il convient également de relever que la jurisprudence bien établie selon laquelle, en cas d’adoption d’une décision de gel des fonds telle que celle concernant le requérant, il appartient au Conseil ou au juge de l’Union de vérifier le bien-fondé non des enquêtes dont la personne visée par ces mesures faisait l’objet en Ukraine, mais uniquement de la décision de gel des fonds au regard du ou des documents sur lesquels cette décision a été fondée, ne saurait être interprétée en ce sens que le Conseil n’est pas tenu de vérifier si la décision de l’État tiers sur laquelle il entend fonder l’adoption de mesures restrictives a été prise dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (voir, en ce sens, arrêt du 25 juin 2020, Klymenko/Conseil, T‑295/19, EU:T:2020:287, point 102 et jurisprudence citée).

105    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il n’est pas établi que le Conseil, avant l’adoption des actes attaqués, se soit assuré du respect, par l’administration judiciaire ukrainienne, des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective du requérant dans le cadre des procédures pénales sur lesquelles il s’est fondé. Il s’ensuit que, en décidant de maintenir le nom du requérant sur la liste, le Conseil a commis une erreur d’appréciation.

106    Dans ces circonstances, il y a lieu d’annuler les actes attaqués en tant qu’ils visent le requérant, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens et arguments soulevés par ce dernier.

 Sur le maintien des effets de la décision 2020/373

107    À titre subsidiaire, le Conseil demande que, en cas d’annulation partielle du règlement d’exécution 2020/370, pour des raisons de sécurité juridique, le Tribunal déclare que les effets de la décision 2020/373 soient maintenus jusqu’à la prise d’effet de l’annulation partielle du règlement d’exécution 2020/370.

108    Il résulte de l’article 60, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi n’a pas d’effet suspensif. L’article 60, second alinéa, de ce statut prévoit, cependant, que, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai pendant lequel un pourvoi peut être introduit ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci.

109    En l’espèce, le règlement d’exécution 2020/370 a la nature d’un règlement, dès lors qu’il prévoit qu’il est obligatoire dans tous ses éléments et directement applicable dans tout État membre, ce qui correspond aux effets d’un règlement tels que prévus à l’article 288 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2016, Conseil/Bank Saderat Iran, C‑200/13 P, EU:C:2016:284, point 121).

110    L’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne est donc bien applicable en l’espèce (arrêt du 21 avril 2016, Conseil/Bank Saderat Iran, C‑200/13 P, EU:C:2016:284, point 122).

111    Enfin, en ce qui concerne les effets dans le temps de l’annulation de la décision 2020/373, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 264, second alinéa, TFUE, le Tribunal peut, s’il l’estime nécessaire, indiquer ceux des effets de l’acte annulé qui doivent être considérés comme définitifs.

112    En l’espèce, l’existence d’une différence entre la date d’effet de l’annulation du règlement d’exécution 2020/370 et celle de la décision 2020/373 serait susceptible d’entraîner une atteinte sérieuse à la sécurité juridique, ces deux actes infligeant au requérant des mesures identiques (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, point 263). Les effets de la décision 2020/373 doivent donc être maintenus, en ce qui concerne le requérant, jusqu’à la prise d’effet de l’annulation du règlement d’exécution 2020/370.

 Sur les dépens

113    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision (PESC) 2020/373 du Conseil, du 5 mars 2020, modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine, et le règlement d’exécution (UE) 2020/370 du Conseil, du 5 mars 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 208/2014 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine, sont annulés dans la mesure où le nom de M. Oleksandr Viktorovych Klymenko a été maintenu sur la liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’appliquent ces mesures restrictives.


2)      Les effets de l’article 1er de la décision 2020/373 sont maintenus à l’égard de M. Klymenko jusqu’à la date d’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ou, si un pourvoi est introduit dans ce délai, jusqu’au rejet du pourvoi.

3)      Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.

Spielmann

Spineanu-Matei

Mastroianni

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 février 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

      S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.