Language of document : ECLI:EU:T:2014:167

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

20 mars 2014 (*)

« Recours en indemnité – Membres du Parlement européen – Vérification des pouvoirs – Décision du Parlement déclarant non valide un mandat de député européen – Annulation de la décision du Parlement par un arrêt de la Cour – Recours en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement dépourvu de tout fondement en droit »

Dans l’affaire T‑43/13,

Beniamino Donnici, demeurant à Castrolibero (Italie), représenté par Mes V. Vallefuoco et J.‑M. Van Gyseghem, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. N. Lorenz et Mme S. Seyr, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours en indemnité visant à obtenir réparation du préjudice que le requérant aurait subi en raison de l’adoption de la décision du Parlement du 24 mai 2007 relative à la vérification de ses pouvoirs et qui a été annulée par l’arrêt de la Cour du 30 avril 2009, Italie et Donnici/Parlement (C‑393/07 et C‑9/08, Rec. p. I-3679),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur), président, F. Dehousse et A. Collins, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        Lors de l’élection des membres du Parlement européen qui a eu lieu les 12 et 13 juin 2004, le requérant, M. Beniamino Donnici s’est porté candidat sur la liste commune Società Civile – Di Pietro Occhetto. Cette liste a obtenu deux sièges, le premier dans la circonscription de l’Italie méridionale et le second dans la circonscription de l’Italie nord-occidentale. M. Antonio Di Pietro, arrivé en tête dans les deux circonscriptions, a opté pour la circonscription de l’Italie méridionale.

2        M. Achille Occhetto figurait en deuxième position sur les listes électorales, compte tenu du nombre de votes obtenus dans les deux circonscriptions, devançant le requérant dans la circonscription de l’Italie méridionale et M. Giulietto Chiesa dans celle de l’Italie nord-occidentale. M. Di Pietro ayant opté pour le siège de la circonscription de l’Italie méridionale, l’élection de M. Occhetto aurait dû être proclamée dans la circonscription de l’Italie nord-occidentale. Toutefois, par déclaration écrite du 6 juillet 2004, parvenue le lendemain à l’Ufficio elettorale nazionale per il Parlamento europeo presso la Corte di cassazione (Bureau électoral national pour le Parlement européen auprès de la Cour de cassation italienne, ci-après le « bureau électoral italien »), M. Occhetto, qui avait à l’époque un mandat au Sénat de la République italien, a renoncé à son siège au Parlement européen dans les deux circonscriptions.

3        À la suite de cette renonciation, le bureau électoral italien a, le 18 juillet 2004, proclamé l’élection de M. Chiesa dans la circonscription de l’Italie nord-occidentale ainsi que celle de M. Di Pietro dans la circonscription de l’Italie méridionale et a, le 12 novembre 2004, communiqué le nom du requérant en tant que premier sur la liste des suppléants de M. Di Pietro pour la circonscription de l’Italie méridionale, tandis que M. Occhetto, qui s’était désisté, ne figurait pas sur cette liste.

4        Lors des élections législatives des 9 et 10 avril 2006 en Italie, M. Di Pietro a été élu député au Parlement de la République italienne et a opté en faveur de son mandat national, avec effet à compter du 28 avril 2006. Conformément à l’article 7, paragraphe 2, de l’acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct annexé à la décision 76/787/CECA, CEE, Euratom du Conseil, du 20 septembre 1976 (JO L 278, p. 1), tel que modifié et renuméroté par la décision 2002/772/CE, Euratom du Conseil, du 25 juin 2002 et du 23 septembre 2002 (JO L 283, p. 1), cette fonction étant incompatible avec la qualité de membre du Parlement européen, ce dernier a constaté la vacance du siège en cause.

5        Par déclaration du 27 avril 2006, adressée au bureau électoral italien, M. Occhetto, qui s’était porté candidat aux mêmes élections nationales, mais n’avait pas été réélu, a révoqué sa renonciation du 6 juillet 2004 et a demandé à occuper le siège devenu vacant à la suite du choix de M. Di Pietro de siéger au Parlement de la République italienne.

6        À la suite de cette déclaration, le bureau électoral italien a proclamé, le 8 mai 2006, l’élection de M. Occhetto au Parlement européen et a communiqué à cette même date son nom audit Parlement comme suppléant de M. Di Pietro.

7        Par son jugement du 21 juillet 2006, le Tribunale amministrativo regionale del Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie) a rejeté comme étant non fondé le recours en annulation introduit par le requérant contre cette proclamation.

8        Le requérant a également contesté devant le Parlement européen la proclamation de l’élection de M. Occhetto en tant que député européen à la place de M. Di Pietro. Cette contestation a été examinée par la commission des affaires juridiques du Parlement, lors de sa réunion du 21 juin 2006. Après avoir constaté que, conformément à l’article 12 de l’acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct annexé à la décision 76/787, tel que modifié et renuméroté, cette contestation n’était pas recevable du fait qu’elle était fondée sur la legge n. 18, Elezione dei membri del Parlamento europeo spettanti all’Italia (loi no 18, relative aux élections des représentants italiens au Parlement européen), du 24 janvier 1979 (GURI no 29, du 30 janvier 1979, p. 947), ladite commission des affaires juridiques a proposé, à l’unanimité, la validation du mandat de M. Occhetto. Le 3 juillet 2006, le Parlement européen a ratifié le mandat de M. Occhetto.

9        Par arrêt du 6 décembre 2006, le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) a accueilli l’appel du requérant contre le jugement du Tribunale amministrativo regionale del Lazio en annulant la proclamation de l’élection de M. Occhetto comme membre du Parlement européen, à laquelle avait procédé le bureau électoral italien le 8 mai 2006.

10      L’arrêt du Consiglio di Stato a acquis force de chose jugée à la suite de l’arrêt du 26 mars 2007 de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), qui a déclaré le recours de M. Occhetto irrecevable en raison d’un vice de forme.

11      Le 29 mars 2007, le bureau électoral italien a pris acte de l’arrêt du Consiglio di Stato et a proclamé l’élection du requérant comme membre du Parlement pour la circonscription de l’Italie méridionale, révoquant ainsi le mandat de M. Occhetto. Cette proclamation ayant été communiquée au Parlement européen, ce dernier en a pris acte dans le procès-verbal de la session plénière du 23 avril 2007, en vertu duquel le requérant siégeait au Parlement, mais seulement provisoirement et sous réserve de la décision ultérieure du Parlement sur la vérification de ses pouvoirs.

12      Entre-temps, par lettre du 5 avril 2007, M. Occhetto a élevé une contestation et a demandé au Parlement européen de confirmer son mandat ainsi que de ne pas valider celui du requérant. À la suite de cette contestation, le Parlement a soumis le mandat du requérant à l’examen de sa commission des affaires juridiques.

13      Par décision du Parlement européen du 24 mai 2007, sur la vérification des pouvoirs du requérant (ci-après la « décision litigieuse »), le mandat du requérant a été déclaré non valide et celui de M. Occhetto a été confirmé.

14      La décision litigieuse a été notifiée au requérant le 29 mai 2007.

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 juin 2007, le requérant a introduit un recours en annulation contre la décision litigieuse.

16      Le requérant a en outre introduit une demande de sursis à l’exécution de la décision litigieuse. Le juge des référés a fait droit à cette demande par ordonnance du 15 novembre 2007, Donnici/Parlement (T‑215/07 R, Rec. p. II‑4673), et a sursis à l’exécution de la décision litigieuse. Le requérant a ainsi pu, à nouveau, siéger au Parlement européen.

17      Par requête déposée au greffe de la Cour le 9 août 2007, enregistrée sous la référence C‑393/07, la République italienne a introduit un recours en annulation de la décision litigieuse.

18      Par ordonnance du 13 décembre 2007, Donnici/Parlement (T‑215/07, Rec. p. II‑5239), le Tribunal s’est dessaisi de l’affaire au profit de la Cour afin que celle-ci puisse statuer sur le recours en annulation. Celui-ci a été inscrit au registre de la Cour sous la référence C‑9/08.

19      Par arrêt du 30 avril 2009, Italie et Donnici/Parlement (C‑393/07 et C‑9/08, Rec. p. I‑3679), la Cour a annulé la décision litigieuse.

20      Par lettre du 6 juillet 2010, le requérant s’est adressé au Parlement européen pour demander la réparation des dommages subis à la suite de l’adoption de la décision litigieuse.

21      Le secrétaire général du Parlement européen a répondu par lettre du 1er octobre 2010 et a rejeté la demande de dédommagement du requérant.

22      Par lettre du 22 juin 2011, le requérant a répondu à la lettre du secrétaire général du Parlement européen du 1er octobre 2010 en réitérant sa demande de dédommagement et en mettant formellement en demeure le Parlement. Il n’a reçu aucune réponse de la part du Parlement.

 Procédure et conclusions des parties

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 janvier 2013, le requérant a introduit le présent recours.

24      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 25 avril 2013, le Parlement européen a soulevé une exception d’irrecevabilité, sur le fondement de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Le requérant a présenté ses observations sur cette exception le 10 juin 2013.

25      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner le Parlement européen à payer la somme de 1 720 470 euros ou à une somme inférieure à fixer par le Tribunal ;

–        condamner le Parlement européen aux dépens.

26      Dans son exception d’irrecevabilité, le Parlement européen conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens.

27      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, le requérant conclut au rejet de l’exception d’irrecevabilité et à ce qu’il soit fait droit aux conclusions énoncées dans la requête.

 En droit

 Arguments des parties

28      Le Parlement européen soutient que le recours a été introduit après l’écoulement du délai de cinq ans prévu par l’article 46 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.

29      Le requérant conteste, en substance, avoir introduit le recours en indemnité après l’écoulement du délai de prescription de cinq ans et demande au Tribunal de statuer par défaut et de faire droit à ses conclusions, le Parlement européen ayant, selon lui, déposé son exception d’irrecevabilité en dehors du délai de deux mois qui est imparti à la partie défenderesse pour déposer le mémoire en défense, délai qu’il convient d’appliquer pour le dépôt de l’exception d’irrecevabilité.

30      Le requérant demande une indemnisation pour quatre chefs de préjudice : premièrement, le non-versement de l’indemnité de fonction qu’il aurait dû percevoir entre le 29 mars et le 15 novembre 2007 ainsi que, pour la même période, de diverses indemnités et divers remboursements forfaitaires de frais qui s’attachent à la fonction de député ; deuxièmement, la perte de la chance d’être réélu pour un nouveau mandat ; troisièmement, le fait qu’il a été privé, par la décision litigieuse, d’exercer son droit politique en tant que membre du Parlement européen pendant près d’un cinquième de la durée de son mandat et, quatrièmement, les conséquences préjudiciables de son empêchement de siéger sur les droits à pension qu’il aurait pu acquérir en sa qualité de membre du Parlement.

 Appréciation du Tribunal

31      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

32      Aux termes de l’article 111 du règlement de procédure, lorsque le Tribunal est manifestement incompétent pour connaître d’un recours ou lorsque celui-ci est manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

33      En l’espèce, le Tribunal estime qu’il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

 Sur le caractère tardif du dépôt de l’exception d’irrecevabilité

34      Le requérant fait valoir, en substance, qu’il y a lieu de prononcer un arrêt par défaut et de lui octroyer le bénéfice de ses conclusions, dès lors que le Parlement européen a, selon lui, déposé l’exception d’irrecevabilité après l’écoulement du délai de deux mois, prévu par l’article 46, paragraphe 1, du règlement de procédure pour le dépôt du mémoire en défense, qui est également applicable au dépôt de l’exception d’irrecevabilité.

35      En l’espèce, la requête a été déposée au greffe du Tribunal le 29 janvier 2013, elle a été signifiée au Parlement européen le 18 février 2013 et reçue par celui-ci le 19 février 2013 (voir annexe B1 de l’exception d’irrecevabilité).

36      Le Parlement européen a déposé l’exception d’irrecevabilité le 25 avril 2013.

37      Certes, le délai pour le dépôt du mémoire en défense est de deux mois.

38      Ce délai est celui accordé à l’institution défenderesse pour répondre à la requête en faisant le choix soit de répondre au fond, en déposant un mémoire en défense, soit de soulever l’irrecevabilité du recours, en déposant une exception à cet effet, conformément à l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure.

39      Il y a par conséquent lieu de considérer que le délai pour le dépôt de l’exception d’irrecevabilité est également de deux mois.

40      Toutefois, aux termes de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, « les délais de procédure sont augmentés d’un délai de distance forfaitaire de dix jours ».

41      En outre, il a été jugé que le délai prévu à l’article 46, paragraphe 1, du règlement de procédure pour le dépôt du mémoire en défense ne commence à courir qu’à la date de la réception de la requête par la partie défenderesse (ordonnance du Tribunal du 14 décembre 1992, Lenz/Commission, T‑47/92, Rec. p. II‑2523, point 34).

42      Il y a lieu de considérer que cette jurisprudence est également applicable au délai pour le dépôt de l’exception d’irrecevabilité.

43      En l’espèce, le délai prenait donc fin le 29 avril 2013.

44      L’exception d’irrecevabilité ayant été déposée par le Parlement européen le 25 avril 2013, celle-ci n’a donc pas été déposée hors délai.

45      Il convient par conséquent de rejeter la demande du requérant visant à ce que le Tribunal statue par défaut.

 Sur la prescription

46      Aux termes de l’article 46 du statut de la Cour, les actions contre l’Union européenne en matière de responsabilité non contractuelle se prescrivent par cinq ans à partir de la survenance du fait qui y donne lieu.

47      Le délai de prescription ainsi prévu a été déterminé en tenant compte, notamment, du temps nécessaire à la partie prétendument lésée pour rassembler des informations appropriées en vue d’un recours éventuel ainsi que pour vérifier les faits susceptibles d’être invoqués au soutien de ce recours (voir arrêt de la Cour du 8 novembre 2012, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑469/11 P, point 33, et la jurisprudence citée).

48      Selon une jurisprudence constante, ce délai commence à courir dès lors que les conditions auxquelles se trouve subordonnée l’obligation de réparation sont réunies, et notamment lorsque le dommage à réparer s’est concrétisé (voir arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 47 supra, point 34, et la jurisprudence citée).

49      Certes, il convient d’interpréter l’article 46 du statut de la Cour en ce sens que la prescription ne saurait être opposée à la victime d’un dommage qui n’aurait pu prendre connaissance du fait générateur de ce dommage qu’à une date tardive et n’aurait pu disposer ainsi d’un délai raisonnable pour présenter sa requête ou sa demande avant l’expiration du délai de prescription (voir arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 47 supra, point 35, et la jurisprudence citée).

50      Toutefois, les conditions auxquelles se trouve subordonnée l’obligation de réparation des dommages visés à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, et, ainsi, les règles de prescription régissant les actions tendant à la réparation desdits dommages, ne sauraient être fondées sur des critères autres que strictement objectifs (voir arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 47 supra, point 36, et la jurisprudence citée).

51      Ainsi, une connaissance précise et circonstanciée des faits de la cause ne figure pas au nombre des éléments qui doivent être réunis pour faire courir le délai de prescription. De même, l’appréciation subjective de la réalité du dommage par la victime de ce dommage ne saurait être prise en considération dans la détermination du point de départ du délai de prescription de l’action en responsabilité non contractuelle de l’Union (voir arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 47 supra, point 37, et la jurisprudence citée).

52      Dans le cas des contentieux nés d’actes individuels, le délai de prescription commence à courir lorsque la décision a produit ses effets à l’égard des personnes qu’elle vise (voir arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 47 supra, point 38, et la jurisprudence citée).

53      En l’espèce, la demande en indemnité du requérant est fondée sur la décision litigieuse, par laquelle le Parlement européen a déclaré non valide le mandat du requérant et a confirmé le mandat de M. Occhetto.

54      La décision du Parlement européen constitue ainsi le fait générateur du dommage susceptible de donner lieu à la responsabilité non contractuelle de l’Union, ce que le requérant soutient d’ailleurs lui-même au point 40 de la requête.

55      Les effets dommageables de la décision litigieuse se sont par conséquent produits à l’égard du requérant à compter du moment où le Parlement européen lui a notifié la décision litigieuse.

56      Dans ce contexte, n’est pas pertinent le fait que la décision litigieuse a été annulée par l’arrêt Italie et Donnici/Parlement, point 19 supra. Il résulte en effet d’une jurisprudence constante qu’est indifférent, pour le déclenchement du délai de prescription, que le comportement illégal de l’Union ait été constaté par une décision de justice (voir arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, point 47 supra, point 42, et la jurisprudence citée). L’argumentation, tirée par le requérant des arrêts de la Cour du 27 janvier 1982, Birra Wührer e.a./Conseil et Commission (256/80, 257/80, 265/80, 267/80 et 5/81, Rec. p. 85), et De Franceschi/Conseil et Commission (51/81, Rec. p. 117), et du Tribunal du 27 septembre 2007, Pelle et Konrad/Conseil et Commission (T‑8/95 et T‑9/95, Rec. p. II‑4117), selon laquelle la prescription commencerait à courir au moment où la Cour déclare un acte illégal, procède d’une lecture erronée de ceux-ci et doit par conséquent être écartée.

57      Certes, conformément à l’article 46 du statut de la Cour, le délai de prescription peut être interrompu par la présentation d’une demande préalable adressée à l’institution compétente. Toutefois, dans ce cas, l’interruption de la prescription n’est acquise que si la demande est suivie d’une requête dans le délai déterminé par référence à l’article 263 TFUE ou à l’article 265 TFUE.

58      Or, en l’espèce, les lettres datées du 6 juillet 2010 et du 22 juin 2011, adressées par le requérant au Parlement européen n’ont pas été suivies d’un recours dans le délai déterminé par référence à l’article 263 TFUE ou à l’article 265 TFUE. Lesdites lettres sont donc sans effet sur le délai de prescription de cinq ans prévu par l’article 46 du statut de la Cour.

59      Toutefois, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un préjudice est considéré comme ayant un caractère continu en raison du fait que son montant augmente en proportion du nombre de jours écoulés (arrêt de la Cour du 28 février 2013, Inalca et Cremonini/Commission, C‑460/09 P, point 80).

60      Or, dans le cas d’un préjudice continu, la prescription visée à l’article 46 du statut de la Cour s’applique, en fonction de la date de l’acte interruptif, à la période antérieure de plus de cinq ans à cette date, sans affecter d’éventuels droits nés au cours des périodes postérieures (ordonnances du Tribunal du 14 décembre 2005, Arizona Chemical e.a./Commission, T‑369/03, Rec. p. II‑5839, point 116, et du 10 avril 2008, 2K-Teint e.a./Commission et BEI, T‑336/06, non publiée au Recueil, point 106).

61      Il convient par conséquent d’examiner les différents chefs de préjudice dont le requérant demande réparation.

62      Premièrement, le requérant demande que lui soit payé la somme de 90 000 euros (12 000 euros x 7,5 mois) au titre de l’indemnité de fonction non perçue entre le 29 mars et le 15 novembre 2007.

63      Le requérant demande également que donnent lieu à indemnisation en sa faveur, pour la même période allant du 29 mars au 15 novembre 2007, les différents chefs de préjudice suivants, en raison de la perte de chance, selon un coefficient qu’il estime à 90 % : 45 000 euros à titre de remboursement forfaitaire pour voyages aériens (1 500 euros x 4 semaines x 7,5 mois), 2 000 euros à titre de remboursement forfaitaire pour congrès et tables rondes (3 800 euros par an), 43 500 euros à titre d’indemnités de séjour (290 euros x 5 jours ouvrables x 4 semaines x 7,5 mois), 112 500 euros à titre de remboursement pour absence d’assistants parlementaires (15 000 euros x 7,5 mois) et 30 000 euros à titre de remboursement forfaitaire de frais généraux, soit un total de 234 300 euros, qui, multiplié par 90 %, conduit à un montant final de 210 870 euros.

64      Or, le préjudice allégué était définitivement constitué le 15 novembre 2007, selon le requérant lui-même.

65      Par conséquent, le délai de prescription était écoulé le 15 novembre 2012, sans qu’aucun acte ait interrompu ce délai, la requête ayant en effet seulement été déposée le 29 janvier 2013.

66      La demande est donc prescrite en ce qui concerne ce premier chef de préjudice.

67      Est à cet égard dénué de fondement l’argument du requérant selon lequel le préjudice n’aurait été, le 15 novembre 2007, que prévisible et non certain et qu’il ne serait devenu certain qu’après l’arrêt Italie et Donnici/Parlement, qui a annulé la décision litigieuse.

68      En effet, le préjudice, constitué par la perte de l’indemnité de fonction et des indemnités et remboursements forfaitaires de frais qui s’attachent à ladite fonction entre le 29 mars et le 15 novembre 2007, était entièrement concrétisé et, par conséquent, certain à la date du 15 novembre 2007.

69      En outre, en tout état de cause, la constatation de l’illégalité de la décision litigieuse est sans incidence sur le déclenchement du délai de prescription (voir point 56 supra).

70      Enfin, à titre surabondant, il convient de relever que le requérant a siégé – ou a à tout le moins été en mesure de siéger – du 23 avril (date à laquelle le Parlement européen a pris acte, en plénière, de la désignation du requérant comme député) au 24 mai 2007 (date à laquelle le Parlement a déclaré le mandat du requérant non valide).

71      Deuxièmement, le requérant demande que lui soit allouée la somme de 200 000 euros en raison du fait qu’il a été privé, par la décision litigieuse, d’exercer son droit politique en tant que membre du Parlement européen pendant près d’un cinquième de la durée de son mandat.

72      Il convient de constater une nouvelle fois que le préjudice éventuel subi par le requérant était en tout état de cause entièrement concrétisé le 15 novembre 2007, selon ses propres écritures.

73      La demande est donc également prescrite en ce qui concerne ce deuxième chef de préjudice.

74      Enfin, troisièmement, le requérant soutient que, n’ayant pu exercer ses fonctions pendant sept mois et demi, il n’a pu acquérir de droits à pension pour l’ensemble de son mandat.

75      Il demande en conséquence que lui soit payée la somme de 831 600 euros, correspondant à la totalité de la rente qu’il aurait perçue s’il avait acquis des droits durant ses cinq ans de mandat, évaluée ex aequo et bono sur une base de quinze années.

76      Il convient de constater que le préjudice éventuel subi par le requérant – à savoir l’absence d’acquisition de droits à pension entre mars et novembre 2007 – était en tout état de cause entièrement concrétisé le 15 novembre 2007, selon ses propres écritures.

77      La demande est donc également prescrite en ce qui concerne ce troisième et dernier chef de préjudice.

78      Pour le surplus, il convient de relever, d’une part, que, n’étant que suppléant et n’ayant pas siégé entre les 12 et 13 juin 2004 et le 29 mars 2007, il ne saurait prétendre avoir été empêché d’acquérir des droits à pension pendant cette période, au cours de laquelle il n’était pas membre du Parlement européen. D’autre part, ayant siégé entre le 15 novembre 2007 et le 6 juin 2009, date de la fin de la législature, le requérant a été en mesure d’acquérir des droits à pension pendant cette période.

79      Il convient par conséquent de considérer que l’action en responsabilité dirigée par le requérant contre le Parlement européen était prescrite au moment de l’introduction du recours en ce qui concerne les trois chefs de préjudice examinés ci-dessus.

 Sur la perte d’une chance d’être réélu pour un quinquennat supplémentaire

80      Le requérant demande que lui soient alloués 388 000 euros en raison de la perte de chance d’être réélu pour un quinquennat supplémentaire, dans la mesure où, en substance, il a été empêché de siéger pendant sept mois et demi, puis a été impliqué dans l’affaire judiciaire qui a suivi et qui a duré plus de deux ans. Il estime avoir ainsi été écarté de la vie politique pendant presque un cinquième de la durée de son mandat, ce qui l’aurait empêché de développer son réseau grâce à une activité politique complète. Il considère que son préjudice résulte de la perte à la fois de l’indemnité de fonction à laquelle il aurait eu droit s’il avait été élu et des nouveaux développements que ce mandat aurait pu apporter à sa carrière politique, d’une valeur économique particulière avec l’attribution d’autres fonctions institutionnelles prestigieuses.

81      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union et la mise en œuvre du droit à la réparation du préjudice subi, en vertu de l’article 288, deuxième alinéa, CE, dépendent de la réunion d’un ensemble de conditions en ce qui concerne l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre ce comportement et le préjudice invoqué (voir arrêt de la Cour du 18 mars 2010, Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, C‑419/08 P, Rec. p. I‑2259, point 40, et la jurisprudence citée).

82      Dans la mesure où les trois conditions de la responsabilité prévue à l’article 288, deuxième alinéa, CE doivent être cumulativement remplies, le fait que l’une d’entre elles fasse défaut suffit pour rejeter un recours en indemnité (arrêt de la Cour du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, Rec. p. I‑5251, point 14).

83      En outre, il n’existe aucune obligation d’examiner les conditions de la responsabilité d’une institution dans un ordre déterminé (voir, en ce sens, arrêt Lucaccioni/Commission, point 82 supra, point 13).

84      Les principes communs aux droits des États membres auxquels renvoie l’article 288, deuxième alinéa, CE ne sauraient être invoqués au soutien de l’existence d’une obligation incombant à l’Union de réparer toute conséquence préjudiciable, même éloignée, de comportements de ses organes. En effet, la condition relative au lien de causalité porte sur l’existence d’un lien suffisamment direct de cause à effet entre le comportement des institutions et le dommage (voir, en ce sens, arrêt Trubowest Handel et Makarov/Conseil et Commission, point 81 supra, point 53 et la jurisprudence citée).

85      Or, en l’espèce, le requérant se borne à alléguer qu’il n’a pas été réélu parce qu’il a été empêché de siéger entre le 29 mars et le 15 novembre 2007 et que ce dommage s’est concrétisé le jour où il n’a pas été réélu ; il n’établit toutefois en aucune manière l’existence d’un lien suffisamment direct de cause à effet entre ces deux évènements.

86      En outre, il y a lieu de relever que le requérant n’établit même pas avoir été candidat aux élections européennes et avoir figuré sur une liste électorale à cette occasion.

87      Il convient donc de considérer que sa demande est, à cet égard, manifestement dépourvue de tout fondement en droit.

88      En conclusion, il convient de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

89      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens afférents à la présente procédure, conformément aux conclusions du Parlement européen.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Beniamino Donnici est condamné aux dépens afférents à la présente procédure.

Fait à Luxembourg, le 20 mars 2014.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      S. Frimodt Nielsen


* Langue de procédure : l’italien.