Language of document : ECLI:EU:T:2018:957

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

13 décembre 2018 (*)

« Fonction publique – Rémunération – Adaptation annuelle des rémunérations et pensions des fonctionnaires et autres agents – Règlements (UE) nos 422/2014 et 423/2014 – Adaptations des salaires et pensions pour les années 2011 et 2012 – Obligation de motivation – Proportionnalité – Confiance légitime – Règles relatives au dialogue social »

Dans l’affaire T‑632/16,

Thomas Haeberlen, ancien agent temporaire de l’Agence de l’Union européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information, demeurant à Swisttal (Allemagne), représenté initialement par Mes L. Levi et A. Tymen, puis par Me Levi et enfin par Mes Levi et C. Bernard-Glanz, avocats,

partie requérante,

contre

Agence de l’Union européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA), représentée par M. A. Ryan, en qualité d’agent, assisté de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,

partie défenderesse,

soutenue par

Parlement européen, représenté par Mmes E. Taneva et M. Ecker, en qualité d’agents,

et par

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et R. Meyer, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de l’ENISA du 21 octobre 2015, ordonnant au requérant de payer la somme de 3 133,19 euros, à la suite de l’application à sa rémunération de l’adaptation de 0 % pour l’année 2011 prévue par le règlement (UE) no 422/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, adaptant, avec effet au 1er juillet 2011, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO 2014, L 129, p. 5), et l’adaptation de 0,8 % pour l’année 2012, prévue par le règlement (UE) no 423/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 16 avril 2014, adaptant, avec effet au 1er juillet 2012, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO 2014, L 129, p. 12), et, d’autre part, à la réparation du préjudice moral que le requérant aurait prétendument subi du fait de cette décision,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, D. Spielmann (rapporteur) et Z. Csehi, juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 22 février 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Cadre juridique

1        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), annexé au règlement no 31 (CEE)/11 (CEEA), fixant le statut des fonctionnaires et le régime applicable aux autres agents de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 1962, 45, p. 1385), modifié par le règlement (UE, Euratom) no 1080/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010 (JO 2010, L 311, p. 1), dans sa rédaction résultant d’un rectificatif publié le 5 juin 2012 (JO 2012, L 144, p. 48), dispose en son article 65 :

« 1. Le Conseil procède annuellement à un examen du niveau des rémunérations des fonctionnaires et des autres agents de l’Union. Cet examen aura lieu en septembre sur base d’un rapport commun présenté par la Commission et fondé sur la situation, au 1er juillet et dans chaque pays de l’Union, d’un indice commun établi par l’Office statistique de l’Union européenne en accord avec les services nationaux de statistiques des États membres.

Au cours de cet examen, le Conseil étudie s’il est approprié, dans le cadre de la politique économique et sociale de l’Union, de procéder à une adaptation des rémunérations. Sont notamment prises en considération l’augmentation éventuelle des traitements publics et les nécessités du recrutement.

2. En cas de variation sensible du coût de la vie, le Conseil décide, dans un délai maximum de deux mois, des mesures d’adaptation des coefficients correcteurs et, le cas échéant, de leur effet rétroactif.

3. Pour l’application du présent article, le Conseil statue, sur proposition de la Commission, à la majorité qualifiée prévue à l’article 16, paragraphes 4 et 5, [TUE]. »

2        Aux termes de l’article 82, paragraphe 2, du statut, lorsque le Conseil de l’Union européenne décide une adaptation des rémunérations en application de l’article 65, paragraphe 1, du statut, la même adaptation s’applique aux pensions acquises.

3        En vertu de l’article 65 bis du statut, les modalités d’application des articles 64 et 65 de celui-ci sont définies à l’annexe XI de ce statut.

4        Cette annexe XI, intitulée « Modalités d’application des articles 64 et 65 du statut », comprend plusieurs chapitres, dont le premier, composé des articles 1er à 3, intitulé « Examen annuel du niveau des rémunérations prévu à l’article 65, paragraphe 1, du statut », et le chapitre 4, intitulé « Création et retrait de coefficients correcteurs (article 64 du statut) ».

5        L’article 1er de l’annexe XI du statut, faisant partie de la section 1 du chapitre premier de cette annexe, prévoit que, aux fins de l’examen prévu à l’article 65, paragraphe 1, du statut, l’office statistique de l’Union européenne, Eurostat, établit chaque année avant la fin du mois d’octobre un rapport portant sur l’évolution du coût de la vie à Bruxelles (Belgique) (indice international de Bruxelles), sur l’évolution du coût de la vie en dehors de Bruxelles (parités économiques et indices implicites) ainsi que sur l’évolution du pouvoir d’achat des rémunérations des fonctionnaires nationaux des administrations centrales de huit États membres (indicateurs spécifiques). Cet article 1er contient également des précisions concernant le procédé à suivre par Eurostat, en collaboration avec les États membres, afin de calculer ces évolutions.

6        Aux termes de l’article 3 de l’annexe XI du statut, composant la section 2 du chapitre premier de cette annexe, intitulée « Modalités de l’adaptation annuelle des rémunérations et pensions » :

« 1. Conformément à l’article 65, paragraphe 3, du statut, le Conseil décide avant la fin de chaque année de l’adaptation des rémunérations et pensions proposée par la Commission et fondée sur les éléments prévus à la section 1 de la présente annexe, avec effet au 1er juillet.

2. La valeur de l’adaptation est égale au produit de l’indicateur spécifique par l’indice international de Bruxelles. L’adaptation est fixée en termes nets en pourcentage égal pour tous.

3. La valeur de l’adaptation ainsi fixée est incorporée, selon la méthode indiquée ci-après, dans la grille des traitements de base figurant à l’article 66 du statut […]

[…]

5. Aucun coefficient correcteur n’est applicable pour la Belgique et pour le Luxembourg. Les coefficients correcteurs applicables :

a)       aux rémunérations payées aux fonctionnaires de l’Union européenne en service dans les autres États membres et dans certains autres lieux d’affectation, 

b)       […] aux pensions des fonctionnaires versées dans les autres États membres sur la part correspondant aux droits acquis avant le 1er mai 2004,

sont déterminés par les rapports entre les parités économiques visées à l’article 1er et les taux de change prévus à l’article 63 du statut pour les pays correspondants.

Sont applicables les modalités prévues à l’article 8 de la présente annexe qui concernent la rétroactivité de l’effet des coefficients correcteurs applicables dans les lieux d’affectation qui subissent une forte inflation.

[…] »

7        Le chapitre 5 de l’annexe XI du statut est intitulé « Clause d’exception ». Il est composé du seul article 10, qui dispose :

« En cas de détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale constatée à l’intérieur de l’Union, évaluée à la lumière des données objectives fournies à cet égard par la Commission, celle-ci présente des propositions appropriées au Parlement européen et au Conseil, qui statuent selon la procédure prévue à l’article 336 [TFUE]. »

8        Selon l’article 15, paragraphe 1, de l’annexe XI du statut, les dispositions prévues à celle-ci sont applicables pour la période allant du 1er juillet 2004 au 31 décembre 2012.

II.    Antécédents du litige

9        Au mois de décembre 2010, le Conseil a déclaré que « la récente crise économique et financière qui [était] survenue dans [l’Union européenne] et qui [entraînait] d’importants ajustements budgétaires ainsi qu’une insécurité accrue en termes d’emploi dans plusieurs États membres [provoquait] une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale à l’intérieur de l’Union ». Il a demandé à la Commission européenne de présenter, sur le fondement de l’article 10 de l’annexe XI du statut ainsi qu’à la lumière des données objectives fournies à cet égard par la Commission, des propositions appropriées en temps voulu pour que le Parlement européen et le Conseil puissent les examiner et les adopter avant la fin de l’année 2011.

10      La Commission a, le 13 juillet 2011, présenté un rapport au Conseil sur la clause d’exception (article 10 de l’annexe XI du statut) [COM(2011) 440 final]. Selon ce rapport, les indicateurs montraient que la reprise économique se poursuivait progressivement dans l’Union européenne. Ce rapport concluait qu’il n’y avait pas de détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale au sein de l’Union au cours de la période de référence allant du 1er juillet 2010, date de la prise d’effet de la dernière adaptation annuelle des rémunérations, à la mi-mai 2011, date à laquelle les données les plus récentes avaient été mises à disposition, et qu’il n’y avait pas lieu de présenter une proposition en vertu de l’article 10 de l’annexe XI du statut. L’examen du rapport du 13 juillet 2011 a donné lieu à des discussions subséquentes au sein du Conseil, qui ont débouché sur une nouvelle demande de celui-ci adressée à la Commission afin que soit mis en œuvre cet article et que soit présentée une proposition appropriée d’adaptation des rémunérations en temps utile pour permettre au Parlement et au Conseil de l’examiner et de l’adopter avant la fin de l’année 2011.

11      En réponse à cette demande, la Commission a présenté la communication COM(2011) 829 final, du 24 novembre 2011, fournissant un complément d’information au rapport du 13 juillet 2011, qui était notamment fondée sur les prévisions économiques européennes communiquées par sa direction générale (DG) « Affaires économiques et financières » le 10 novembre 2011. Dans ce complément d’information, elle a exposé que ces prévisions « laiss[ai]ent apparaître une dégradation des tendances pour 2011 par rapport aux prévisions publiées au printemps, tant pour les indicateurs économiques que pour les indicateurs sociaux, et montr[ai]ent que l’économie européenne [étai]t en proie à la tourmente ». La Commission a considéré que, compte tenu de plusieurs éléments, l’Union ne faisait pas face à une situation extraordinaire au sens de l’article 10 de l’annexe XI du statut justifiant de prendre des mesures allant au-delà de la perte de pouvoir d’achat résultant de la méthode « normale » prévue à l’article 3 de cette annexe. Elle a indiqué que, par conséquent, elle n’était pas en mesure de déclencher la clause d’exception sans enfreindre l’article 10 de cette annexe.

12      Le même jour, la Commission a présenté une proposition de règlement du Conseil adaptant, avec effet au 1er juillet 2011, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions [COM(2011) 820 final], assortie d’un exposé des motifs (ci-après la « proposition d’adaptation des rémunérations de novembre 2011 »). L’adaptation des rémunérations proposée sur la base de la méthode « normale » prévue à l’article 3 de l’annexe en question était de 1,7 %. Par ailleurs, le 13 décembre 2011, la Commission a transmis au Parlement et au Conseil une proposition relative à un règlement du Parlement et du Conseil modifiant le statut.

13      Par la décision 2011/866/UE du Conseil, du 19 décembre 2011, concernant la proposition de la Commission relative à un règlement du Conseil adaptant, avec effet au 1er juillet 2011, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO 2011, L 341, p. 54), le Conseil a décidé de ne pas adopter la proposition d’adaptation des rémunérations de novembre 2011. Il a, notamment, considéré ce qui suit :

« (8) […] Le Conseil est convaincu que la crise financière et économique que connaît actuellement l’Union et qui a conduit dans un grand nombre d’États membres à des ajustements budgétaires importants, entre autres des adaptations des traitements des fonctionnaires nationaux, constitue une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale à l’intérieur de l’Union.

(9)       Par ailleurs, selon le Conseil, cette détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale ne pourrait pas être répercutée avec une rapidité suffisante dans les rémunérations des fonctionnaires par l’application de la “méthode”.

(10)       S’agissant de la situation économique, les prévisions de croissance dans l’Union ont été nettement revues à la baisse pour l’année 2012, passant de + 1,9 % à + 0,6 %. La croissance trimestrielle de l’Union est passée de + 0,7 % au premier trimestre de 2011 à + 0,2 % aux deuxième et troisième trimestres de cette année. En ce qui concerne le quatrième trimestre de 2011 et le premier trimestre de 2012, aucune croissance du PIB n’est prévue.

(11)       Dans l’évaluation de la situation économique et sociale actuelle, il aurait fallu accorder une plus grande attention à la situation des marchés financiers, en particulier aux distorsions dans l’offre de crédit et à la baisse du prix des actifs qui sont des facteurs majeurs du développement économique.

(12)       En ce qui concerne la situation sociale, la création d’emplois n’a pas été suffisante pour induire une baisse importante du taux de chômage. Le taux de chômage dans l’Union européenne a fluctué en 2010 et 2011 pour s’établir à 9,8 % en octobre 2011 et devrait rester constamment élevé.

(13)       Compte tenu de ce qui précède, le Conseil estime que la position de la Commission concernant l’existence d’une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale et son refus de soumettre une proposition au titre de l’article 10 de l’annexe XI du statut sont fondés sur des motifs manifestement insuffisants et erronés. »

14      Le 3 février 2012, la Commission a introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision 2011/866 (affaire C‑63/12). Elle a, en outre, notifié à la présidence du Conseil une lettre datée du 25 janvier 2012, enregistrée au secrétariat du Conseil le 20 février 2012, invitant celui-ci, aux termes de l’article 265 TFUE, à adopter la proposition d’adaptation des rémunérations de novembre 2011 dans les deux mois à compter de la réception de cette lettre. Le Conseil a « pris note » de cette lettre.

15      Le 26 avril 2012, la Commission a introduit un recours sur le fondement de l’article 265 TFUE, par lequel elle demandait à la Cour de constater que, en n’adoptant pas la proposition d’adaptation des rémunérations de novembre 2011, le Conseil avait manqué aux obligations qui lui incombaient au titre du statut (affaire C‑196/12).

16      Le 9 février 2013, le Conseil a introduit, pour sa part, un recours ayant pour objet, à titre principal, une demande en annulation de la communication de la Commission COM(2011) 829 final, du 24 novembre 2011, dans la mesure où la Commission y refusait définitivement de présenter des propositions appropriées au Parlement et au Conseil sur le fondement de l’article 10 de l’annexe XI du statut, ainsi que de la proposition d’adaptation des rémunérations de novembre 2011 et, à titre subsidiaire, la constatation, au titre de l’article 265 TFUE, d’une violation des traités du fait que la Commission s’est abstenue de présenter des propositions appropriées au Parlement et au Conseil sur le fondement de cet article (affaire C‑66/12).

17      Le 23 octobre 2013, le Parlement et le Conseil ont, à l’issue d’une négociation en trilogue, adopté la proposition de modification du statut qui leur avait été transmise par la Commission le 13 décembre 2011, sous la forme du règlement (UE, Euratom) no 1023/2013, modifiant le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (JO 2013, L 287, p. 15). Ce règlement a, notamment, introduit à l’annexe XI du statut une nouvelle méthode relative à l’adaptation annuelle des rémunérations visée à l’article 65, paragraphe 1, du statut.

18      L’article 19 de l’annexe XIII du statut, tel que modifié par le règlement no 1023/2013, prévoyait que les articles 63 à 65, 82 et 83 bis du statut, ses annexes XI et XII ainsi que l’article 20, paragraphe 1, et les articles 64, 92 et 132 du régime applicable aux autres agents en vigueur avant le 1er novembre 2013, c’est-à-dire les dispositions relatives à l’adaptation des rémunérations et des pensions des fonctionnaires et des autres agents de l’Union, restaient en vigueur exclusivement aux fins de toute adaptation nécessaire pour se conformer à un arrêt de la Cour, au titre de l’article 266 TFUE, relatif à l’application de ces articles.

19      Le 19 novembre 2013, la Cour a rejeté les recours introduits par la Commission dans les affaires C‑63/12 et C‑196/12, et prononcé, en conséquence, un non-lieu à statuer concernant le recours introduit par le Conseil dans l’affaire C‑66/12 (arrêts du 19 novembre 2013, Conseil/Commission, C‑66/12, EU:C:2013:751 ; du 19 novembre 2013, Commission/Conseil, C‑63/12, EU:C:2013:752, et du 19 novembre 2013, Commission/Conseil, C‑196/12, EU:C:2013:753).

20      Dans l’exposé des motifs de sa proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, du 10 décembre 2013, adaptant avec effet au 1er juillet 2011, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions, la Commission a considéré ce qui suit :

« Les rapports de la Commission susmentionnés font systématiquement référence à une stagnation et à une crise en cours, ainsi qu’à un taux de chômage élevé et à une dette et un déficit publics importants dans l’Union européenne, sans conclure toutefois que les critères fixés à l’article 10 de l’annexe XI du statut sont remplis. »

21      Le 4 mars 2014, une négociation en trilogue a eu lieu entre le Parlement, le Conseil et la Commission. Cette négociation a abouti à un accord sur l’adaptation annuelle des rémunérations et des pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union pour les années 2011 et 2012.

22      Par un courriel du 7 mars 2014, la Commission a informé les organisations syndicales ou professionnelles (ci-après les « OSP ») que, conformément à l’accord issu de la négociation en trilogue du 4 mars 2014 entre le Parlement, le Conseil et la Commission, les adaptations annuelles seraient de 0 % pour 2011, avec effet au 1er juillet 2011, et de 0,8 % pour 2012, avec effet au 1er juillet 2012. Elle a précisé que cet accord était le résultat de négociations intenses avec le Parlement et le Conseil à la suite de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), et correspondait, en outre, à sa volonté d’aboutir à un accord rapide et raisonnable sur toutes les questions relatives à l’adaptation annuelle des rémunérations, ainsi que de la marge d’appréciation reconnue au Parlement et au Conseil par l’arrêt de la Cour en question.

23      Le 11 mars 2014, le Parlement a adopté en séance plénière sa position sur un texte de compromis résultant du trilogue du 4 mars 2014, selon lequel s’appliqueraient un taux d’adaptation des rémunérations et des pensions de 0 % pour 2011 et de 0,8 % pour 2012 et un gel des rémunérations et des pensions pour les années 2013 et 2014. Le 16 avril 2014, le Conseil a approuvé la position du Parlement et, conformément à l’article 294, paragraphe 4, TFUE, les règlements (UE) nos 422/2014 et 423/2014 du Parlement européen et du Conseil, adaptant, avec effet respectivement au 1er juillet 2011 et au 1er juillet 2012, les rémunérations et les pensions des fonctionnaires et autres agents de l’Union européenne ainsi que les coefficients correcteurs dont sont affectées ces rémunérations et pensions (JO 2014, L 129, respectivement p. 5 et p. 12, ci-après les « règlements contestés ») ont été adoptés.

24      Les considérants du règlement no 422/2014 se lisent comme suit :

« (1)       Dans son arrêt dans l’affaire C‑63/12, Commission/Conseil, la [Cour] a précisé que les institutions [étaient] obligées de statuer chaque année sur l’adaptation des rémunérations, soit en procédant à l’adaptation “mathématique” selon la méthode prévue à l’article 3 de l’annexe XI du statut, soit en s’écartant de ce calcul “mathématique” conformément à l’article 10 de ladite annexe.

(2)       L’article 19 de l’annexe XIII du statut, tel que modifié par le règlement [no 1023/2013], vise à permettre aux institutions de prendre les mesures nécessaires pour régler leurs différends portant sur les adaptations des rémunérations et pensions pour les années 2011 et 2012 en se conformant à un arrêt de la [Cour], en tenant compte des attentes légitimes des membres du personnel de voir les institutions statuer chaque année sur l’adaptation de leurs rémunérations et pensions.

(3)       Afin de se conformer à l’arrêt rendu par la [Cour] dans l’affaire C‑63/12, lorsque le Conseil constate qu’il existe une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale à l’intérieur de l’Union, la Commission doit présenter une proposition selon la procédure prévue à [l’article 336 TFUE] pour associer le [Parlement] au processus législatif. Le 4 novembre 2011, le Conseil a déclaré que la crise financière et économique que connaissait l’Union et qui [avait] conduit à des ajustements budgétaires importants dans la plupart des États membres constituait une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale à l’intérieur de l’Union. Le Conseil a dès lors demandé à la Commission, conformément à [l’article 241 TFUE], de mettre en œuvre l’article 10 de l’annexe XI du statut et de présenter une proposition appropriée d’adaptation des rémunérations.

(4)       La [Cour] a confirmé que le [Parlement] et le Conseil disposaient, au titre de la clause d’exception, d’une large marge d’appréciation en matière d’adaptation des rémunérations et des pensions. Sur la base des données économiques et sociales pour la période allant du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2011, telles que la crise financière et économique qui touchait de nombreux États membres à l’automne 2011, provoquant une détérioration immédiate de la situation économique et sociale dans l’Union et entraînant d’importants ajustements macroéconomiques, le niveau élevé du chômage et l’ampleur du déficit public et de la dette publique dans l’Union, il est approprié de fixer l’adaptation des rémunérations et des pensions en Belgique et au Luxembourg à 0 % pour l’année 2011. Cette adaptation s’inscrit dans le cadre d’une approche globale visant à régler les différends concernant les adaptations des rémunérations et des pensions pour les années 2011 et 2012, laquelle comporte également une adaptation de 0,8 % pour l’année 2012.

(5)       Par conséquent, sur une période de cinq ans (2010-2014), les adaptations des rémunérations et des pensions des fonctionnaires et autres agents de l’[Union] sont les suivantes : en 2010, l’application de la méthode prévue à l’article 3 de l’annexe XI du statut a conduit à une adaptation de 0,1 %. En 2011 et 2012, dans le cadre d’une approche globale visant à régler les différends concernant les adaptations des rémunérations et des pensions pour les années 2011 et 2012, les adaptations sont de 0 % et de 0,8 %, respectivement. En outre, dans le cadre du compromis politique sur la réforme du statut et du régime applicable aux autres agents, un gel des rémunérations et des pensions a été décidé pour les années 2013 et 2014. »

25      Les considérants du règlement no 423/2014 se lisent comme suit :

« (1)       Dans son arrêt dans l’affaire C‑63/12, Commission/Conseil, la [Cour] a précisé que les institutions [étaient] obligées de statuer chaque année sur l’adaptation des rémunérations, soit en procédant à l’adaptation “mathématique” selon la méthode prévue à l’article 3 de l’annexe XI du statut, soit en s’écartant de ce calcul “mathématique” conformément à l’article 10 de ladite annexe.

(2)       L’article 19 de l’annexe XIII du statut, tel que modifié par le règlement [no 1023/2013], vise à permettre aux institutions de prendre les mesures nécessaires pour régler leurs différends portant sur les adaptations des rémunérations et pensions pour les années 2011 et 2012 en se conformant à un arrêt de la [Cour], en tenant compte des attentes légitimes des membres du personnel de voir les institutions statuer chaque année sur l’adaptation de leurs rémunérations et pensions.

(3)       Afin de se conformer à l’arrêt rendu par la [Cour] dans l’affaire C‑63/12, lorsque le Conseil constate qu’il existe une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale à l’intérieur de l’Union, la Commission doit présenter une proposition selon la procédure prévue à [l’article 336 TFUE] pour associer le [Parlement] au processus législatif. Le 25 octobre 2012, le Conseil a considéré que l’évaluation de la Commission contenue dans son rapport sur la clause d’exception ne [reflétait] pas la détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale dans l’Union en 2012, telle qu’elle [ressortait] des données économiques objectives publiquement disponibles. Le Conseil a dès lors demandé à la Commission de présenter, conformément à l’article 10 de l’annexe XI du statut, une proposition appropriée d’adaptation des rémunérations pour l’année 2012.

(4)       La [Cour] a confirmé que le [Parlement] et le Conseil disposaient, au titre de la clause d’exception, d’une large marge d’appréciation en matière d’adaptation des rémunérations et des pensions. Sur la base des données économiques et sociales pour la période allant du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2012, telles que les retombées de la crise économique de l’automne 2011, qui a provoqué une récession économique dans l’Union et une détérioration de la situation sociale, ainsi que les niveaux toujours élevés du chômage, du déficit public et de la dette publique dans l’Union, il est approprié de fixer l’adaptation des rémunérations et des pensions en Belgique et au Luxembourg à 0,8 % pour l’année 2012. Cette adaptation s’inscrit dans le cadre d’une approche globale visant à régler les différends concernant les adaptations des rémunérations et des pensions pour les années 2011 et 2012, laquelle comporte également une adaptation de 0 % pour l’année 2011.

(5)       Par conséquent, sur une période de cinq ans (2010-2014), les adaptations des rémunérations et des pensions des fonctionnaires et autres agents de l’[Union] sont les suivantes : en 2010, l’application de la méthode prévue à l’article 3 de l’annexe XI du statut a conduit à une adaptation de 0,1 %. En 2011 et 2012, dans le cadre d’une approche globale visant à régler les différends concernant les adaptations des rémunérations et des pensions pour les années 2011 et 2012, les adaptations sont de 0 % et de 0,8 % respectivement. En outre, dans le cadre du compromis politique sur la réforme du statut et du régime applicable aux autres agents, un gel des rémunérations et des pensions a été décidé pour les années 2013 et 2014. »

26      Le requérant, M. Thomas Haeberlen, avait été recruté par l’Agence de l’Union européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA) en tant qu’agent sous contrat à durée déterminée pour une période allant du 1er avril 2012 au 31 octobre 2013. Le 21 octobre 2015, l’ENISA l’a informé par courriel qu’il était redevable d’une somme de 3 133,19 euros « en raison de l’ajustement rétroactif du salaire sur le taux de coefficient et de l’ajustement rétroactif du taux de pension » (ci-après la « décision attaquée »).

27      Le 4 novembre 2015, par courriel adressé à l’ENISA, le requérant s’est étonné de l’ajustement rétroactif de ses salaires et a sollicité qu’il lui soit précisé les bases légales de la décision attaquée.

28      Par courriel du 13 novembre 2015, l’ENISA a transmis au requérant les commentaires du directeur des ressources humaines. Plus précisément, celui-ci affirmait ce qui suit :

« Veuillez noter que la législation de l’Union européenne (décisions du Conseil et du Parlement) prévoit l’ajustement rétroactif des salaires pour tous ses employés. Ces dispositions sont également applicables aux anciens employés. Malheureusement, la loi a un effet rétroactif. En conséquence, les dettes nées à la suite de la mise en œuvre de cette législation rétroactive s’appliquent tant au personnel actuel qu’ancien. En fait, ces dispositions sont valables pour une période d’environ deux ans. »

29      Par ailleurs, l’ENISA a joint à ce courriel les bulletins de rémunérations du requérant sur lesquels figuraient les adaptations de ses rémunérations et pensions pour la période allant d’avril 2012 à octobre 2013.

30      S’agissant des fiches de salaires, il était mentionné ce qui suit :

« Les effets rétroactifs sur ce bulletin sont dus à l’application des décisions adoptées en avril 2014 concernant :

– à partir de juillet 2011, le cas échéant, l’adaptation des parités économiques intra UE.

– à partir de juillet 2012, l’adaptation des rémunérations et pensions + 0,8 % et, le cas échéant, l’adaptation des parités économiques intra UE. »

31      S’agissant des fiches de pension, il était mentionné ce qui suit :

« Les effets rétroactifs sur ce bulletin sont dus à l’application des décisions adoptées en novembre 2014 concernant :

– à partir de juillet 2011, 2012, 2013 et 2014, adaptations du taux de contribution pension.

– de février à juin 2014, le cas échéant, l’adaptation intermédiaire des parités économiques extra UE.

– à partir de juillet 2014, l’adaptation des parités économiques intra UE et extra UE. »

32      Par courriel du 20 novembre 2015, le requérant a souhaité recevoir davantage d’informations notamment quant au fondement juridique de la décision attaquée.

33      Par courriel du 25 novembre 2015, l’ENISA a communiqué au requérant la liste des règlements ayant servi de base légale à la décision attaquée.

34      Le 21 janvier 2016, le requérant a introduit une réclamation contre la décision du 21 octobre 2015, lui ordonnant de payer la somme de 3 133,19 euros. Il contestait tant la légalité des règlements contestés que de la décision attaquée. Le 20 mai 2016, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté sa réclamation. S’agissant de la légalité des règlements contestés, l’AIPN a considéré que, dans la mesure où l’ENISA n’avait pas compétence pour déroger à leur application, elle ne pouvait que conclure à l’irrecevabilité des griefs du requérant s’y rattachant. Quant à la décision attaquée, l’AIPN a considéré que l’ENISA n’avait pas manqué à son obligation de motivation et qu’elle n’avait porté atteinte ni au principe de bonne administration ni au devoir de sollicitude.

35      Le 16 juin 2014, l’association des fonctionnaires indépendants pour la défense de la fonction publique européenne (TAO-AFI) et le syndicat des fonctionnaires internationaux et européens – Section du Parlement européen (SFIE-PE) avaient saisi le Tribunal d’un recours en annulation contre les règlements contestés en soulevant un moyen unique, faisant valoir en substance qu’ils n’avaient pas été consultés lors de la procédure ayant conduit à l’adoption des règlements attaqués. Le 15 septembre 2016, le Tribunal a rejeté le recours (arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil, T‑456/14, EU:T:2016:493).

III. Procédure et conclusions des parties

36      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 2 septembre 2016, le requérant a introduit le présent recours.

37      Par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 8 et le 15 novembre 2016, le Parlement et le Conseil ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de l’ENISA.

38      Par décision du 7 décembre 2016, le président de la sixième chambre du Tribunal a admis les interventions du Parlement et du Conseil.

39      L’ENISA a déposé son mémoire en défense le 29 décembre 2016.

40      Le Parlement et le Conseil ont déposé leurs mémoires en intervention le 22 et le 24 février 2017 respectivement.

41      Le 24 février 2017, le requérant a présenté une réplique.

42      Le 20 avril 2017, le requérant et l’ENISA ont déposé leurs observations respectives sur les mémoires en intervention du Parlement et du Conseil. Le requérant a joint en annexe à ses observations sept documents au soutien du recours.

43      À la même date, l’ENISA a déposé une duplique.

44      Par lettres du 12 juin 2017, le requérant et l’ENISA ont, respectivement, demandé la tenue d’une audience.

45      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le même jour, l’ENISA a introduit, au titre de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, une demande visant à ce que des preuves supplémentaires, notamment quinze documents, soient admises au soutien de ses observations. Dans la même lettre, l’ENISA a demandé au Tribunal de ne pas accepter certaines des preuves supplémentaires produites par le requérant.

46      Ayant été invités à réagir aux nouveaux éléments de preuve, le Conseil, le Parlement et le requérant ont déposé des observations écrites, respectivement, le 3, le 6 et le 10 juillet 2017. Le Conseil et le Parlement ont demandé, en substance, au Tribunal d’accepter les preuves supplémentaires produites par l’ENISA à ce stade. Le requérant a demandé, en substance, au Tribunal de rejeter comme étant tardives les preuves supplémentaires produites par l’ENISA.

47      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler la décision attaquée et, en tant que besoin, la décision du 20 mai 2016, rejetant la réclamation ;

–        ordonner la réparation du préjudice moral évalué à 3 000 euros ;

–        condamner l’ENISA aux dépens.

48      L’ENISA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

49      Le Conseil et le Parlement concluent à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

IV.    En droit

50      Dans la réplique, le requérant a indiqué que sa demande de réparation du préjudice moral prétendument subi, formulée dans la requête, était due à une erreur de plume et qu’il s’en désistait. Il convient de prendre acte de ce désistement. 

51      À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant excipe, au titre de l’article 277 TFUE, de l’illégalité des règlements contestés sur lesquels la décision attaquée trouve son fondement. Le requérant se prévaut, à ce titre, premièrement, de la violation des formes substantielles, deuxièmement, de la violation de l’obligation de motivation, troisièmement, de la violation de l’article 10 de l’annexe XI du statut ainsi que des articles 10 et 11 de l’annexe XI du statut modifié par le règlement no 1023/2013, quatrièmement, de la violation de l’article 65 du statut et du principe de respect des droits acquis relatifs à la règle du parallélisme, cinquièmement, de la violation du principe de proportionnalité, sixièmement, de la violation du principe de protection de la confiance légitime, et, septièmement, de la violation des règles relatives au dialogue social. En outre, le requérant soulève un moyen dirigé contre la décision attaquée, et tiré de la violation de l’obligation de motivation, du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude.

A.      Sur la recevabilité de l’exception d’illégalité soulevée par le requérant

52      L’ENISA soutient que les arguments dirigés contre les règlements contestés sont irrecevables, dès lors qu’elle ne dispose pas de la faculté de déroger à l’application des règlements contestés.

53      Le requérant rétorque que les conditions de recevabilité requises par la jurisprudence à l’égard des arguments avancés à l’appui de l’exception d’illégalité sont remplies en l’espèce. À son avis, la considération de l’ENISA selon laquelle elle n’est pas compétente pour trancher la question de la légalité d’un acte du Conseil n’est pas suffisante pour rendre inopérante l’exception d’illégalité soulevée. En effet, le requérant relève qu’il ne sollicite pas la déclaration de l’illégalité des règlements contestés, mais l’annulation de la décision attaquée prise en application de ces derniers, dont l’illégalité aura été constatée par le Tribunal.

54      Il ressort d’une jurisprudence constante que l’article 277 TFUE est l’expression d’un principe général assurant à toute partie le droit de contester par voie incidente, en vue d’obtenir l’annulation d’un acte contre lequel elle peut former un recours, la validité d’un acte de portée générale adopté par une institution de l’Union constituant la base juridique de l’acte attaqué, si cette partie ne disposait pas du droit d’introduire un recours direct contre un tel acte, dont elle subit ainsi les conséquences sans avoir été en mesure d’en demander l’annulation (arrêts du 27 octobre 2016, BCE/Cerafogli, T‑787/14 P, EU:T:2016:633, point 42, et du 15 mars 2017, Fernández González/Commission, T‑455/16 P, non publié, EU:T:2017:169, point 33).

55      Par ailleurs, la portée d’une exception d’illégalité doit être limitée à ce qui est indispensable à la solution du litige. Il en résulte que l’acte général dont l’illégalité est soulevée doit être applicable, directement ou indirectement, à l’espèce qui fait l’objet du recours et qu’il doit exister un lien juridique direct entre l’acte individuel attaqué et l’acte général en question. À cet égard, l’existence d’un tel lien de connexité peut se déduire, notamment, du constat que l’acte attaqué au principal repose essentiellement sur une disposition de l’acte général dont la légalité est contestée (Fernández González/Commission, T‑455/16 P, non publié, EU:T:2017:169, point 34).

56      Il ne fait pas de doute que ces conditions sont remplies dans le cas d’espèce. La décision attaquée constate l’existence d’une dette de 3 133,19 euros, dont le requérant serait redevable envers l’ENISA. Cette dette résulte des adaptations des salaires et pensions effectuées en application des règlements contestés. Il y a donc un lien direct entre la décision attaquée et les règlements contestés. En effet, la décision attaquée est juridiquement fondée sur les règlements contestés.

57      Au vu de ce qui précède, il convient de rejeter l’argument de l’ENISA tiré de l’irrecevabilité de l’exception d’illégalité soulevée par le requérant.

B.      Sur les conclusions en annulation

1.      Sur le premier argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation des formes substantielles

58      Le requérant fait valoir que les règlements contestés ont été adoptés en violation des formes substantielles. En particulier, il relève que, ainsi qu’il ressort de leurs visas, les règlements concernés se fondent sur une base juridique issue d’un acte dérivé, à savoir le statut, et non sur le traité FUE lui-même. Le requérant estime que, en aucune circonstance, un acte législatif ne peut fournir la base juridique d’un autre acte législatif. À cet égard, ni la référence trop générale au traité FUE dans le premier visa des règlements contestés ni celle à l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), ne sauraient constituer une base juridique au sens de la jurisprudence pertinente.

59      L’ENISA renvoie aux arguments avancés par le Parlement et le Conseil.

60      Le Parlement et le Conseil soulignent que les visas des règlements contestés indiquent clairement que ces derniers ont été adoptés conformément à la procédure législative ordinaire. En particulier,le Conseil fait valoir que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour citée par le requérant, l’établissement d’une base dérivée par une institution est inadmissible uniquement dans la mesure où celle-ci prévoit un renforcement ou un allégement des modalités d’adoption d’un acte, puisque cela porterait atteinte au principe de l’équilibre institutionnel établi par les traités. Or, tel n’aurait pas été le cas en l’espèce, dès lors que l’article 10 de l’annexe XI du statut prévoyait exactement la même procédure que celle énoncée pour les modifications du statut à l’article 336 TFUE.

61      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans la mesure où les règles relatives à la formation de la volonté des institutions de l’Union sont établies par les traités et ne sont à la disposition ni des États membres ni des institutions elles-mêmes, seuls les traités peuvent, dans des cas particuliers, habiliter une institution à modifier une procédure décisionnelle qu’ils établissent (arrêt du 6 septembre 2017, Slovaquie et Hongrie/Conseil, C‑643/15 et C‑647/15, EU:C:2017:631, point 149). Reconnaître à une institution la possibilité d’établir des bases juridiques dérivées, que ce soit dans le sens d’un renforcement ou dans celui d’un allégement des modalités d’adoption d’un acte, reviendrait à lui attribuer un pouvoir législatif qui excède ce qui est prévu par le traité. Cela conduirait également à lui permettre de porter atteinte au principe de l’équilibre institutionnel, qui implique que chacune des institutions exerce ses compétences dans le respect de celles des autres (arrêt du 6 mai 2008, Parlement/Conseil, C‑133/06, EU:C:2008:257, points 56 et 57).

62      En l’espèce, le requérant soutient que les règlements contestés ont été adoptés sur une base juridique issue d’un acte dérivé, à savoir le statut, alors qu’ils auraient dû se fonder sur le traité lui-même. Il allègue qu’il y aurait donc eu une violation des formes substantielles. À cet égard, force est de constater, tout d’abord, que l’article 10 de l’annexe XI, qui prévoit la clause d’exception appliquée en l’espèce, dispose que, s’agissant de l’adaptation annuelle des salaires et pensions, la Commission « présente des propositions appropriées au Parlement européen et au Conseil, qui statuent selon la procédure prévue à l’article 336 [du TFUE] ». Partant, la procédure à suivre en cas d’application de la clause d’exception est explicitement mentionnée par l’article 10 de l’annexe XI du statut qui fait référence à l’article 336 TFUE.

63      L’article 336 TFUE dispose ce qui suit :

« Le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à la procédure législative ordinaire, arrêtent, après consultation des autres institutions intéressées, le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et le régime applicable aux autres agents de l’Union. »

64      Quant à la procédure législative ordinaire à laquelle fait référence l’article 336 TFUE, elle est décrite à l’article 294 TFUE qui relate en détail le rôle attribué à la Commission, au Conseil et au Parlement lors du déroulement de cette procédure.

65      S’agissant des règlements contestés, leur premier visa énonce « [v]u le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ». Par ailleurs, leur septième visa contient la phrase « statuant conformément à la procédure législative ordinaire » en renvoyant directement et sans ambiguïté aux articles 294 et 336 TFUE.

66      Il convient aussi de relever à cet égard que les considérants des règlements contestés se réfèrent à l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), en faisant explicitement ressortir que ces règlements ont été adoptés aux fins d’exécution de cet arrêt. Or, au point 58 de cet arrêt, la Cour a relevé que « la clause d’exception figurant à l’article 10 de l’annexe XI du statut […] dispos[ait] que le Parlement et le Conseil ensemble statu[ai]ent selon la procédure prévue à l’article 336 TFUE, c’est-à-dire selon la procédure législative ordinaire visée à l’article 294 TFUE ». En se référant explicitement à l’article 294 TFUE et à la procédure législative ordinaire, la Cour a ainsi confirmé le fait que la procédure décrite par l’article 10 de l’annexe XI du statut était régie par les dispositions pertinentes du TFUE.

67      Il ressort de ce qui précède que les règlements contestés n’ont pas été adoptés sur une base juridique dérivée modifiant la procédure décisionnelle prévue par les traités. En revanche, s’agissant de la procédure à suivre, ils trouvaient leur fondement dans les dispositions pertinentes du traité FUE, à savoir les articles 294 et 336 TFUE.

68      Par conséquent, le requérant allègue à tort qu’il y a eu, en l’espèce, une violation des formes substantielles.

69      Les arguments du requérant visant à remettre en cause cette conclusion ne sauraient prospérer.

70      En premier lieu, afin d’étayer son argument faisant valoir que les règlements contestés ont été adoptés sur le fondement d’un acte dérivé, le requérant cite le passage suivant de l’arrêt du 6 mai 2008, Parlement/Conseil (C‑133/06, EU:C:2008:257, points 55 à 57) :

« 55. Seul le traité peut, dans des cas particuliers […] habiliter une institution à modifier une procédure décisionnelle qu’il établit.

56. Reconnaître à une institution la possibilité d’établir des bases juridiques dérivées, que ce soit dans le sens d’un renforcement ou dans celui d’un allégement des modalités d’adoption d’un acte, reviendrait à lui attribuer un pouvoir législatif qui excède ce qui est prévu par le traité.

57. Cela conduirait également à lui permettre de porter atteinte au principe de l’équilibre institutionnel, qui implique que chacune des institutions exerce ses compétences dans le respect de celles des autres. »

71      Toutefois, à la différence du cas de figure examiné dans l’arrêt du 6 mai 2008, Parlement/Conseil (C‑133/06, EU:C:2008:257), en l’espèce il n’y a pas eu établissement d’une base juridique dérivée entraînant une modification de la procédure décisionnelle prévue par les traités. Ainsi qu’il a déjà été relevé au point 67 ci-dessus, les règlements contestés ont été adoptés conformément à la procédure législative ordinaire prescrite par les articles 294 et 336 TFUE.

72      Par ailleurs, il convient de noter que, au point 69 de son arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), la Cour a admis que, en cas de détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale, seul le déclenchement de la procédure prévue par l’article 10 de l’annexe XI du statut permettait d’associer le Parlement au processus décisionnel. Partant, à la différence de l’arrêt du 6 mai 2008, Parlement/Conseil (C‑133/06, EU:C:2008:257), cité par le requérant, en l’espèce, il n’y pas a eu de renforcement ou d’allégement des modalités d’adoption d’un acte. En revanche, c’est précisément l’association du Parlement au processus décisionnel, à travers l’application de la procédure législative ordinaire, qui a, en l’espèce, permis d’assurer l’équilibre institutionnel établi par les traités.

73      En second lieu, l’argument du requérant, selon lequel la référence à l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), dans les considérants des règlements contestés, ne pouvait pas servir de base juridique pour l’adoption de ces derniers, est également non fondé.

74      En effet, l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), figure non dans les visas, mais dans les considérants des règlements contestés. Il n’a donc pas constitué la base juridique de ces règlements, mais la raison de leur adoption. Cet élément ressort clairement des considérants 3 et 4 des règlements contestés. En particulier, le considérant 3 commence par la phrase « [a]fin de se conformer à l’arrêt rendu par la Cour de justice dans l’affaire C‑63/12 » et relate par la suite la procédure décisionnelle appliquée en l’espèce selon l’article 10 de l’annexe XI du statut et la manière dont ce dernier a été interprété par la Cour dans son arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752).

75      Au vu de ce qui précède, il est proposé d’écarter le premier argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité comme non fondé.

2.      Sur le deuxième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation de l’obligation de motivation

76      Le requérant estime que, même si le Conseil disposait en l’espèce d’une large marge d’appréciation, les règlements contestés n’expliquent pas suffisamment en quoi les pourcentages retenus en 2011 et en 2012 étaient les mieux à même de répondre au contexte de la crise économique. Il ajoute qu’aucune explication n’est fournie quant à la méthode utilisée pour aboutir aux chiffres de 0 % pour 2011 et de 0,8 % pour 2012. Par ailleurs, le requérant allègue que, à la différence des articles 10 et 11 du statut modifié par le règlement no 1023/2013, la clause d’exception appliquée en l’espèce ne prévoyait pas de paramètres précis pour sa mise en application. Il reviendrait donc aux règlements contestés d’expliquer davantage en détail la pertinence des pourcentages retenus. Cela serait d’autant plus nécessaire, que d’autres institutions similaires à celles de l’Union, comme l’Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne (Eurocontrol), auraient procédé à une adaptation salariale plus importante que celle faite par les institutions concernées. Enfin, le requérant considère que le Conseil et le Parlement étaient en défaut d’expliquer l’identité de la situation économique en 2011 et en 2012, alors qu’il s’agit de deux années pour lesquelles les données économiques et sociales étaient différentes.

77      L’ENISA renvoie aux arguments avancés par le Parlement et le Conseil.

78      Le Parlement et le Conseil relèvent que les règlements contestés étaient suffisamment motivés. En particulier, le Parlement allègue que ces règlements ont suffisamment présenté tant la situation d’ensemble ayant conduit à leur adoption que les objectifs généraux qu’ils se proposaient d’atteindre. En faisant référence au large pouvoir d’appréciation des données économiques dont dispose le législateur, il soutient que les fonctionnaires étaient suffisamment informés des raisons du choix du législateur de procéder aux adaptations en cause.

79      Pour sa part, le Conseil, tout en relevant que les règlements contestés sont des actes législatifs de portée générale et non des actes administratifs individuels, considère que le législateur s’est livré à un exposé assez détaillé des éléments dont il a tenu compte. En outre, de l’avis du Conseil, le législateur n’était aucunement tenu de motiver de manière spécifique les raisons pour lesquelles il a choisi de s’écarter de la proposition de la Commission en ce qui concerne le taux finalement retenu. Enfin, le Conseilaffirme que le fait que d’autres organisations internationales aient pu avoir une autre appréciation de la situation ne peut avoir aucune pertinence dans le cadre du contrôle juridictionnel de la motivation.

80      En ce qui concerne la question de la motivation d’actes de portée générale, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation d’actes d’une telle portée peut se borner à indiquer la situation d’ensemble qui a conduit à leur adoption et les objectifs généraux que le législateur se propose d’atteindre, sans qu’il soit besoin d’une motivation spécifique à l’appui de tous les détails que peuvent comporter de tels actes. Ainsi, il n’est pas nécessaire de motiver chaque modification apportée au statut, mais il suffit que le législateur explique l’essentiel des mesures, même succinctement, pourvu que l’explication soit claire et pertinente (arrêts du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, EU:T:2006:366, point 159, et du 23 avril 2008, Pickering/Commission, F‑103/05, EU:F:2008:45, point 121).

81      Selon la jurisprudence, les mêmes règles sont applicables à la motivation des règlements d’application des articles 64 et 65 du statut (voir, en ce sens, arrêt du 7 décembre 1995, Abello e.a./Commission, T‑544/93 et T‑566/93, EU:T:1995:202, point 89). Dans ce cas, la motivation ne doit pas porter sur les aspects techniques des modalités de calcul (arrêts du 5 février 2016, Barnett et Mogensen/Commission, F‑56/15, EU:F:2016:11, point 109, et du 5 février 2016, Barnett e.a./CESE, F‑66/15, EU:F:2016:13, point 92).

82      Ces principes seraient d’autant plus transposables en l’espèce, dans le cadre de l’application de la clause d’exception, que celle-ci ne prévoit aucune méthode ou orientation sur la manière dont le Conseil doit traiter la proposition soumise par la Commission à cet égard. Il s’ensuit que le législateur ne se trouvait pas dans l’obligation d’apporter une motivation spécifique relatant tous les détails que les règlements contestés pouvaient comporter.

83      Par ailleurs, le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié au regard non seulement du libellé de l’acte, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. En particulier, un acte est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de la personne concernée, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise (voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil, C‑63/12, EU:C:2013:752, point 99). Au regard des principes énoncés ci-dessus, il convient donc d’examiner la question de savoir si le législateur s’est référé à la situation d’ensemble qui a conduit à l’adoption des règlements contestés ainsi qu’aux objectifs généraux qu’il s’est proposé d’atteindre.

84      En premier lieu, il ressort des considérants des règlements contestés que le législateur s’est largement référé à l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), qui a constitué la raison d’adoption de ces règlements. De surcroît, il a relevé la réunion des conditions d’application de la clause d’exception, conformément audit arrêt de la Cour, à savoir la demande du 4 novembre 2011, adressée à la Commission par le Conseil, sollicitant une proposition dans le cadre de l’article 10 de l’annexe XI du statut. En outre, dans les considérants 4 et 5 des règlements contestés, le législateur s’est fondé sur le large pouvoir d’appréciation que l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), lui avait reconnu en matière d’adaptation des rémunérations et des pensions pour évaluer les données économiques et sociales allant du 1er juillet 2010 au 31 décembre 2011 quant au règlement no 422/2014, et du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2012 en ce qui concerne le règlement no 423/2014.

85      En effet, le législateur ne s’est pas référé de manière abstraite à la crise économique et financière qui touchait de nombreux États membres en 2011. Il a au contraire fait référence à la détérioration immédiate de la situation économique et sociale dans l’Union entraînant d’importants ajustements macroéconomiques, au niveau élevé du chômage et à l’ampleur du déficit public et de la dette publique dans l’Union. De plus, dans le considérant 5 des règlements contestés, il a relevé le contexte général des négociations au sein des institutions qui ont mené à l’adoption de ces règlements dans les termes suivants :

« En 2011 et 2012, dans le cadre d’une approche globale visant à régler les différends concernant les adaptations des rémunérations et des pensions pour les années 2011 et 2012, les adaptations sont de 0 % et de 0,8 %, respectivement. En outre, dans le cadre du compromis politique sur la réforme du statut et du régime applicable aux autres agents, un gel des rémunérations et des pensions a été décidé pour les années 2013 et 2014. »

86      En deuxième lieu, ainsi qu’il est à juste titre relevé par le Conseil, le législateur n’a pas eu recours à une motivation répétitive dans les deux règlements, mais a différencié les deux exercices. Ainsi, le considérant 4 du règlement no 422/2014 se réfère pour l’année 2011 à « la détérioration immédiate de la situation économique et sociale dans l’Union », alors que, s’agissant de l’exercice 2012, le considérant 4 du règlement no 423/2014 souligne les « retombées de la crise économique de l’automne 2011 ». À cet égard, le requérant soutient à tort que le Conseil et le Parlement sont en défaut d’avoir expliqué en quoi la situation économique constatée pour l’année 2011 devait être considérée comme étant identique à celle constatée pour l’année 2012. En effet, en l’espèce, la question de savoir si, tant en 2011 qu’en 2012, la Commission ou le Conseil avaient la compétence pour activer la clause d’exception était identique. Cette question a été résolue par l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752). Quant à la situation économique au sein de l’Union en 2011 et 2012, il ressort de ce qui précède que le législateur n’a pas traité les deux exercices de manière identique.

87      En troisième lieu, il convient de noter que, à la différence de la méthode normale prescrite par l’article 3 de l’annexe XI du statut, la clause d’exception ne prévoit pas de paramètres pour sa mise en œuvre. Cet élément est confirmé au point 60 de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), où la Cour considère que l’application de l’article 10 de l’annexe XI du statut se fait « en s’écartant [du] calcul mathématique ». Partant, et vu notamment la marge d’appréciation que cet arrêt avait explicitement accordée au Conseil lors du déclenchement de cette clause, il ne saurait être exigé du législateur qu’il explique en détail les raisons pour lesquelles il a revu à la baisse le pourcentage de 0,9 % d’adaptation des rémunérations et des pensions proposé par la Commission.

88      À cet égard, il convient de relever que le pourcentage de 0 %, pour l’année 2011, et de 0,8 %, pour l’année 2012, retenu par le Conseil, ne constituait pas, en tant que tel, un écart assez important par rapport à la proposition susmentionnée de la Commission, dans le cadre spécifique de l’application de la clause d’exception, pour exiger une motivation plus détaillée que celle contenue dans les considérants des règlements contestés.

89      Au final, la motivation fournie dans les considérants des règlements contestés répond aux exigences jurisprudentielles quant aux actes de portée générale et informe suffisamment les fonctionnaires du choix du législateur de procéder aux adaptations susmentionnées des rémunérations et des pensions.

90      Les arguments mis en avant par le requérant visant à remettre en cause cette conclusion ne sauraient prospérer.

91      En premier lieu, l’argument selon lequel la nouvelle annexe XI du statut, introduite par le règlement no 1023/2013, a prévu des paramètres précis pour mettre en œuvre la clause d’exception actuelle n’est pas pertinent. En effet, les règlements contestés ont été adoptés conformément à l’article 10 de l’annexe du statut avant sa modification par le règlement no 1023/2013. Cet article était la seule disposition applicable en l’espèce. Le règlement no 1023/2013 prévoit explicitement dans son article 3 qu’il est applicable à partir du 1er janvier 2014. De surcroît, l’article 19 de l’annexe XIII du statut modifié par le règlement no 1023/2013 a maintenu en vigueur, entre autres, l’annexe XI du statut « exclusivement aux fins de toute adaptation nécessaire pour se conformer à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne ».

92      Il s’ensuit que le législateur avait anticipé l’adoption par la Cour de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), et avait maintenu à cet égard, en vigueur les dispositions concernées du statut pour pouvoir les modifier en fonction de cet arrêt. Par conséquent, la seule disposition applicable en l’espèce était l’article 10 de l’annexe XI du statut, avant sa modification par le règlement no 1023/2013. La référence du requérant aux modalités d’application de la clause d’exception dans l’annexe XI du statut modifié par le règlement no 1023/2013 n’est donc pas pertinente.

93      En deuxième lieu, l’argument du requérant faisant valoir que d’autres institutions internationales ayant vocation européenne, comme l’Eurocontrol, ont procédé à une autre appréciation de la situation économique à l’intérieur de l’Union aux fins d’adaptation des rémunérations et pensions est inopérant. En effet, ainsi qu’il a déjà été considéré, et à supposer même que cet argument relève de l’obligation de motivation des règlements contestés, la seule disposition pertinente en l’espèce est l’article 10 de l’annexe XI du statut. Par suite, la motivation des règlements contestés ne peut être examinée qu’à l’aune du statut, avant sa modification par le règlement no 1023/2013.

94      En troisième lieu, l’argument du requérant tiré du manque de transparence de la base de calcul prévue par l’article 10 de l’annexe XI est également non fondé. En effet, dans le cadre du présent argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, c’est la motivation des règlements contestés et non le contenu de l’article 10 de l’annexe susvisé qui est en cause. Partant, la transparence de la base de calcul prévue par la clause d’exception ne peut pas avoir d’incidence sur le caractère suffisant ou non de la motivation des règlements contestés.

95      Au vu de ce qui précède, la motivation des règlements contestés, bien que relativement succincte, semble suffisante au regard des exigences quant à la motivation d’actes de portée générale. Il convient donc d’écarter le deuxième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité.

3.      Sur le troisième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation de l’article 10 de l’annexe XI du statut ainsi que des articles 10 et 11 de l’annexe XI du statut modifié par le règlement no 1023/2013

96      Le requérant allègue que le Conseil a violé l’article 10 de l’annexe XI du statut du fait qu’il n’a pas respecté les conditions d’application de la clause d’exception pour les années 2011 et 2012. Il note que, dans son arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), la Cour a admis que la notion de « détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale » était une notion objective. Il ajoute que, même si, en l’espèce, il appartenait au Conseil de décider s’il y avait une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale justifiant le recours à la clause d’exception, cette compétence ne dispensait pas ce dernier de procéder à une évaluation en bonne et due forme des conditions d’application de cette clause. Le requérant estime que, dans son arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), la Cour n’a ni confirmé que la détérioration grave et soudaine était avérée, ni considéré que la décision du Conseil de faire appel à la clause d’exception était exclue de tout contrôle juridictionnel.

97      Le requérant se réfère au rapport de la Commission au Conseil sur la clause d’exception, daté du 31 août 2012. Données chiffrées à l’appui, il constate, en ce qui concerne la « gravité » de la crise, la réduction progressive du déficit public, l’assainissement graduelle des finances publiques, et le fait que l’application de la « méthode normale » depuis 2010 avait bien reflété « les séquelles de la récession de 2009 ». En se basant sur ces éléments, il considère que les règlements contestés n’ont respecté ni la condition afférente à la gravité ni celle relative à la soudaineté de la situation économique en cause. Quant à la condition de « soudaineté » de la crise, il soutient notamment que la crise supposée de 2011 avait déjà commencé avec la crise financière de 2008 et s’est poursuivie avec la récession de 2009.

98      En outre, le requérant fait valoir que le règlement no 423/2014 n’a pas porté exécution d’un arrêt de la Cour et, donc, qu’il était aussi entaché d’illégalité en ce qu’il était contraire aux articles 10 et 11 de l’annexe XI du statut modifié par le règlement no 1023/2013. Il soutient que l’article 19 de l’annexe XIII du statut modifié par le règlement no 1023/2013 n’était pas applicable au règlement no 423/2014 et que les articles 10 et 11 de l’annexe XI de ce statut devaient servir de fondement pour le règlement susvisé.

99      L’ENISA renvoie aux arguments avancés par le Parlement et le Conseil.

100    Le Parlement et le Conseil estiment que les règlements contestés étaient en conformité avec l’article 10 de l’annexe XI du statut. En particulier, le Parlement allègue que c’est en exécution de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), que la Commission était tenue de présenter une proposition en tenant compte de la raison d’être de la clause d’exception et de revoir donc à la baisse le pourcentage d’adaptation des rémunérations et pensions pour les exercices 2011 et 2012.

101    Pour sa part, le Conseil soutient, à l’égard des conditions visées à l’article 10 de l’annexe XI du statut, qu’il n’a commis aucune erreur manifeste d’appréciation en estimant qu’il y avait eu une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale dans l’Union pour la période litigieuse. De l’avis du Conseil, la « méthode normale » pour l’adaptation des rémunérations fonctionne avec un décalage d’un an et ne prend en compte que des paramètres limités, à savoir le pouvoir d’achat des rémunérations des fonctionnaires nationaux et l’inflation à Bruxelles. En faisant référence notamment à des rapports de la Commission et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Conseil soutient que des données objectives témoignaient de l’ampleur et de la soudaineté de la détérioration de la situation économique en 2011 et 2012.

102    En outre, s’agissant de l’applicabilité de l’article 19 de l’annexe XIII du statut modifié par le règlement no 1023/2013 dans le cas du règlement no 423/2014, le Conseil allègue que, au moment de l’adoption du règlement no 1023/2013, le 22 octobre 2013, des litiges étaient pendants devant la Cour concernant les adaptations annuelles pour 2011 et 2012. L’article 19 de l’annexe XIII du statut modifié par le règlement no 1023/2013 avait été inséré afin de permettre aux institutions de fixer les adaptations annuelles pour 2011 et 2012 tout en tenant compte de l’arrêt subséquent de la Cour.

103    À titre liminaire, il convient de noter que le présent argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité se divise en deux branches. D’une part, le requérant allègue que, par l’adoption des règlements contestés, le législateur a violé la clause d’exception, puisque les conditions de son application, à savoir la « détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale » n’étaient pas réunies. D’autre part, il avance que le règlement no 423/2014 aurait dû être adopté selon les procédures prévues par les articles 10 et 11 de l’annexe XI du statut modifié par le règlement no 1023/2013.

104    S’agissant de la première branche de cet argument, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence sur les coefficients correcteurs visant à moduler les rémunérations du personnel en tenant compte du coût de la vie dans les divers lieux d’affectation, l’appréciation du juge de l’Union, quant à la définition et au choix des données de base et des méthodes statistiques utilisées par Eurostat pour l’établissement des propositions d’actualisation des coefficients correcteurs, doit se limiter au contrôle du respect des principes énoncés par les dispositions statutaires, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits à la base de la fixation des coefficients correcteurs et de l’absence de détournement de pouvoir (arrêts du 7 décembre 1995, Abello e.a./Commission, T‑544/93 et T‑566/93, EU:T:1995:202, point 56 ; du 25 septembre 2002, Ajour e.a./Commission, T‑201/00 et T‑384/00, EU:T:2002:224, point 48, et du 21 mars 2013, van der Aat e.a./Commission, F‑111/11, EU:F:2013:42, point 45).

105    Cette jurisprudence sur l’étendue du contrôle appliqué par le juge de l’Union est également applicable dans le contexte de la présente affaire afférente à la mise en œuvre de la clause d’exception de l’article 10 de l’annexe XI du statut. Plus précisément, ainsi qu’il a déjà été relevé au point  87 ci-dessus, la clause d’exception ne prévoyait aucune méthode de calcul. Partant, le législateur n’était pas tenu d’appliquer des indices et des facteurs spécifiques et prédéterminés pour la mettre en œuvre. De plus, à défaut de critères spécifiques à prendre en compte, le contrôle judiciaire porte, pour l’essentiel, sur le déclenchement par le législateur de la clause d’exception et l’interprétation de la notion de « détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale » énoncée dans celle-ci.

106    À cet égard, la Cour a admis dans son arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), que, lors du déclenchement de la clause d’exception prévue à l’article 10 de l’annexe XI du statut, en cas de conclusions contraires, l’initiative revenait exclusivement au Conseil et non à la Commission. En particulier, elle a considéré ce qui suit :

« 76. […] L’appréciation opérée respectivement par les deux institutions a abouti à des conclusions contraires, sans que la Commission ait présenté des propositions sur le fondement de l’appréciation du Conseil permettant au Parlement et au Conseil de statuer, en vertu de l’article 10 de l’annexe XI du statut selon la procédure prévue à l’article 294 TFUE, sur les mesures appropriées eu égard à la situation économique et sociale existante à l’intérieur de l’Union.

77. Dans cette situation, le Conseil n’était pas obligé d’adopter la proposition de règlement présentée sur le fondement de l’article 3 de l’annexe XI du statut, c’est-à-dire de la méthode “normale” d’adaptation des rémunérations, étant donné qu’il lui appartient, à ce stade de la procédure, de constater l’existence d’une détérioration grave et soudaine au sens de l’article 10 de cette annexe, permettant de déclencher la procédure prévue à cet article.

78. Par conséquent, en adoptant la décision attaquée, le Conseil n’a pas commis de détournement de pouvoir et n’a violé ni l’article 65 du statut ni les articles 3 et 10 de l’annexe XI de celui-ci.

79. En ce qui concerne l’argument invoqué à titre subsidiaire par la Commission, selon lequel le Conseil a violé les conditions d’application de la clause d’exception prévue à l’article 10 de l’annexe XI du statut, celles-ci n’ayant pas été réunies en 2011, il convient de rappeler que, par cet argument, la Commission fait valoir qu’elle jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans les domaines où une évaluation d’une situation économique et/ou sociale complexe est nécessaire et que les motifs figurant dans la décision attaquée ne sauraient remettre en cause la conclusion tirée par la Commission dans le rapport du 13 juillet 2011 et le complément d’information.

80. Or, compte tenu de la conclusion figurant au point 77 du présent arrêt, selon lequel il appartient à ce stade de la procédure, au Conseil de constater l’existence d’une détérioration au sens de l’article 10 de l’annexe XI du statut, permettant de déclencher la procédure prévue à cet article, la Commission ne saurait se prévaloir d’un pouvoir d’appréciation relatif à cette constatation qui incombe au Conseil. »

107    En l’espèce, le requérant conteste, données chiffrées à l’appui, la réunion des conditions de la gravité et de la soudaineté pour l’activation de la clause d’exception par le Conseil.

108    Toutefois, il ressort du point 78 de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), que la question de la compétence pour l’activation de la clause d’exception est étroitement liée à celle du fond, à savoir l’existence ou non d’une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au point susvisé de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), la Cour a considéré que « le Conseil n’a[vait] pas commis de détournement de pouvoir et n’a[vait] violé ni l’article 65 du statut ni les articles 3 et 10 de l’annexe XI de celui-ci ». De surcroît, il ressort des considérants 1 et 3 des règlements contestés que la raison de son adoption était la mise en conformité avec l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), lequel y est explicitement mentionné. Au vu de ce qui précède, le Conseil a, à bon droit, appliqué la clause d’exception en l’espèce, de sorte que l’article 10 de l’annexe XI du statut n’ait pas été violé.

109    Au demeurant, en tenant compte de la large marge d’appréciation reconnue au point 58 de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), aux institutions concernées quant au contenu des mesures à prendre lors de l’application de l’article 10 de l’annexe XI du statut, il ne ressort pas du dossier que le législateur a commis une erreur manifeste d’appréciation dans la mise en œuvre de la clause d’exception.

110    Plus précisément, dans l’exposé des motifs de sa proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, daté du 10 décembre 2013, la Commission a considéré ce qui suit :

« Les rapports de la Commission susmentionnés font systématiquement référence à une stagnation et à une crise en cours, ainsi qu’à un taux de chômage élevé et à une dette et un déficit publics importants dans l’Union européenne, sans conclure toutefois que les critères fixés à l’article 10 de l’annexe XI du statut sont remplis. »

111    En outre, dans le document de travail de la Commission, daté du 5 décembre 2012 et annexé à la proposition de règlement sur la clause d’exception, prévue par l’article 10 de l’annexe XI du statut, il est considéré ce qui suit :

« Les perspectives de l’économie européenne sont mitigées en raison de certaines données décevantes et des signes encourageants d’une adaptation économique progressive dans les États membres et d’importantes avancées politiques. La correction due à la crise post-financière en cours continue de peser lourdement sur l’activité économique et l’emploi dans l’Union. Pourtant, si l’on fait la comparaison avec la situation avant l’été, au cours des derniers mois les tensions financières ont quelque peu diminué. Un retour à une croissance modérée est prévu au premier semestre 2013. »

112    Enfin, dans le même rapport, il est aussi relevé que, « en raison de la correction en cours après la crise financière, le PIB de l’Union pour 2012 devrait être négatif, à -0,3 %, avec des taux trimestriels fluctuant autour de zéro ».

113    Il s’ensuit que la décision du Conseil de déclencher la clause d’exception trouvait son fondement dans une analyse de la situation économique incluse dans les rapports susvisés, produits par la Commission. Certes, cette dernière n’en n’a pas déduit, comme le Conseil, l’existence d’une détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale. Toutefois, conformément à l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), cette différence d’appréciation de la situation économique à l’intérieur de l’Union n’était pas de nature à restreindre le pouvoir du Conseil de constater que les conditions requises par l’article 10 de l’annexe XI du statut se trouvaient réunies aux fins du déclenchement de la clause d’exception. Ainsi qu’il est admis par la Commission dans le rapport daté du 10 décembre 2013 :

« La Cour ayant déclaré que la Commission ne dispose d’aucune marge pour décider de déclencher ou non la clause d’exception sur la base de ces critères, la procédure prévue à l’article 10 de l’annexe XI du statut constitue la seule possibilité de tenir compte d’une crise économique dans le cadre de l’adaptation des rémunérations et d’écarter ainsi l’application des critères fixés à l’article 3, paragraphe 2, de cette annexe. »

114    Au vu de ce qui précède, il ne saurait être soutenu que le Conseil a commis une erreur manifeste d’appréciation lors de l’évaluation des éléments soumis par la Commission dans le cadre de l’application de la clause d’exception. En effet, ses estimations afférentes à la détérioration immédiate de la situation économique et sociale dans l’Union entraînant d’importants ajustements macroéconomiques, au niveau élevé du chômage et à l’ampleur du déficit public et de la dette publique dans l’Union, inclues dans les considérants pertinents des règlements contestés, n’étaient ni dépourvues de fondement ni entachées d’arbitraire. Les données chiffrées soumises par le requérant et tirées notamment du rapport de la Commission au Conseil daté du 31 août 2012 ne parviennent pas donc à infirmer cette conclusion.

115    Les autres arguments avancés par le requérant à cet égard ne sauraient être retenus.

116    En particulier, le requérant se réfère au point 64 de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), dans lequel la Cour a considéré que « la notion de “détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale constatée à l’intérieur de l’Union” au sens de l’article 10 de l’annexe XI du statut constitu[ait] une notion objective ». Il allègue que le Conseil devait constater « de façon objective » la détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale afin d’appliquer la clause d’exception.

117    Or, force est de constater que, dans l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), après la constatation du caractère objectif de la notion de « détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale », la Cour se réfère à trois reprises, à savoir aux points 65, 72, 74, aux « données objectives » qui devaient être soumises par la Commission au Conseil aux fins d’application de la clause d’exception. Replacé ainsi dans son contexte, le caractère objectif de la gravité et de la soudaineté de la détérioration impliquait d’évaluer les données objectives fournies par la Commission et d’opter, sur la base de ces éléments, soit pour l’application de la « méthode normale », soit pour le déclenchement de la clause d’exception.

118    Par ailleurs, l’objectivité de la notion de « détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale » ne saurait empêcher le Conseil de procéder, dans le cadre de la large marge d’appréciation qui lui a été reconnue par la Cour, à sa propre évaluation des données économiques soumises par la Commission. Dans la mesure où, par cet argument, le requérant entend faire valoir que le caractère objectif de la notion susmentionnée entraînait l’obligation pour le Conseil de faire siennes les conclusions de la Commission prônant l’application de la « méthode normale », cela aboutirait à une situation qui serait contraire à l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752). Plus précisément, dans une telle situation, le Conseil serait dépourvu de la possibilité d’avoir « le dernier mot » sur l’application de la clause d’exception, comme il a clairement été jugé par la Cour dans cet arrêt.

119    Au vu de ce qui précède, il convient donc de rejeter la première branche du troisième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité.

120    Quant à la seconde branche du présent argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, visant précisément la légalité du règlement no 423/2014, le requérant allègue que ce dernier n’a pas été pris en exécution de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), et que, partant, il aurait dû être adopté sur la base des conditions prévues par les articles 10 et 11 de l’annexe XI du statut modifié par le règlement no 1023/2013.

121    Il y a lieu de constater que l’article 15, paragraphe 1, de l’annexe XI du statut prévoit ce qui suit :

« Les dispositions prévues à la présente annexe sont applicables pour la période du 1er juillet 2004 au 31 décembre 2012. »

122    Par ailleurs, l’article 15, paragraphe 1, de l’annexe XI du statut modifié par le règlement no 1023/2013 dispose ce qui suit :

« Les dispositions prévues à la présente annexe sont applicables pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2023. »

123    De surcroît, il convient aussi de rappeler que l’article 19 de l’annexe XIII du statut modifié par le règlement no 1023/2013 dispose que notamment les articles 64 et 65, et son annexe XI, en vigueur avant le 1er novembre 2013, « restent en vigueur exclusivement aux fins de toute adaptation nécessaire pour se conformer à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne ». Le règlement no 1023/2013 ayant prévu la nouvelle méthode d’adaptation des rémunérations pour la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2023, est entré en vigueur en octobre 2013, à savoir avant la publication de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752). La ratio legisde l’article 19 de l’annexe XIII du statut modifié par le règlement no 1023/2013 ne pouvait donc être autre que de préserver la base juridique nécessaire pour donner effet à de futurs arrêts de la Cour concernant l’adaptation des rémunérations et des pensions pour les années 2011 et 2012.

124    Par conséquent, il ressort de la combinaison de l’article 15, paragraphe 1, de l’annexe XI du statut et de l’article 19 de l’annexe XIII du statut modifié par le règlement no 1023/2013 que, dans la mesure où le règlement no 423/2014 concernait l’année 2012, à savoir la dernière année de l’ancienne méthode de calcul de l’adaptation des rémunérations, c’était le statut avant sa modification par le règlement no 1023/2013 qui était applicable et non la méthode prévue par le statut modifié.

125    Certes, le requérant allègue que l’article 19 de l’annexe XIII du statut n’était pas applicable dans le cas des adaptations salariales de 2012, dès lors que le règlement no 423/2014 ne porte pas exécution d’un arrêt de la Cour.

126    Cet argument doit être écarté. S’il est vrai que l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), ne concernait que l’année 2011, l’analogie des questions juridiques posées quant à cet exercice par rapport à l’année 2012, entraînait la transposition des appréciations de la Cour dans cet arrêt à la situation en 2012. Il convient de noter à cet égard que, selon une jurisprudence constante, pour se conformer à l’arrêt et lui donner pleine exécution, l’institution est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui–ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif (arrêts du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, point 27, et du 29 novembre 2007, Italie/Commission, C‑417/06 P, non publié, EU:C:2007:733, point 50). Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition exacte considérée comme étant illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons exactes de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (arrêt du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, point 27).

127    Il y a lieu de constater que le principe énoncé dans la jurisprudence citée ci-dessus est transposable dans le cas d’espèce, c’est-à-dire que l’institution concernée est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui–ci et qui en constituent le soutien nécessaire. Ainsi, étant donné que l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), a tranché une question de principe, c’est-à-dire la question de savoir s’il revenait en dernier lieu à la Commission ou au Conseil de déclencher la clause d’exception prévue par l’article 10 de l’annexe XI du statut, les conclusions de la Cour s’étendaient aussi à l’année 2012 pour laquelle le législateur avait aussi opté en faveur de l’application de la clause d’exception.

128    Il découle de ce qui précède que l’article 19 de l’annexe XIII du statut modifié par le règlement no 1023/2013 s’appliquait aux exercices 2011 et 2012. Par conséquent, c’est sans violer les articles 10 et 11 de l’annexe XI du statut modifié par le règlement no 1023/2013 que le règlement no 423/2014 s’est fondé sur la clause d’exception incluse à l’article 10 de l’annexe XI du statut.

129    Il convient donc de rejeter la seconde branche du troisième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité. Partant, il y a lieu de rejeter cet argument dans son ensemble.

4.      Sur le quatrième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation de l’article 65 du statut et du principe des droits acquis relatifs à la règle du parallélisme

130    Le requérant fait valoir que le principe des droits acquis est un principe général du droit de l’Union, lié étroitement au droit de propriété. Par ailleurs, la règle du parallélisme, c’est-à-dire le droit des fonctionnaires de l’Union de bénéficier d’une évolution de leur pouvoir d’achat parallèle à celle des fonctionnaires nationaux, serait un droit acquis et un élément essentiel de leur rémunération de même qu’une condition essentielle de leur relation avec leur employeur. Cette règle inspirerait non seulement l’application de la « méthode normale » prévue par l’article 3 de l’annexe XI du statut, mais également la mise en œuvre de la clause d’exception dont le législateur a fait usage en l’espèce. Le requérant fait valoir que les règlements contestés violent l’article 65 du statut dès lors qu’ils ne respectent pas ce principe du parallélisme.

131    L’ENISA renvoie aux arguments avancés par le Parlement et le Conseil.

132    Le Parlement et le Conseil soutiennent que le principe des droits acquis n’a pas été atteint. Plus précisément, le Parlement estime que l’adaptation annuelle des rémunérations et des pensions n’a aucunement été entièrement réalisée, par le passé, pour créer selon la jurisprudence pertinente des droits acquis. Il ajoute que la méthode d’adaptation des rémunérations est adoptée depuis 1980 pour un terme déterminé et que la méthode d’adaptation en cause, entre 2004 et 2012, est le troisième exercice de ce type. De l’avis du Parlement, le législateur possède un pouvoir discrétionnaire pour choisir l’approche qu’il estime la plus adaptée, de sorte qu’il n’est aucunement tenu de donner un caractère absolu au principe du parallélisme du pouvoir d’achat entre les fonctionnaires nationaux et les fonctionnaires de l’Union.

133     Pour sa part, le Conseil allègue, en s’appuyant sur la jurisprudence, qu’il ne saurait être question d’un droit acquis à l’application systématique de la méthode normale, et du parallélisme que celle-ci prévoit. En outre, le Conseil estime qu’accepter l’application du principe de parallélisme en l’espèce, reviendrait à nier l’existence de la clause d’exception.

134    Il ressort d’une jurisprudence constante qu’une règle nouvelle s’applique immédiatement, sauf dérogation, aux effets futurs d’une situation née sous l’empire de la règle ancienne. Il n’en va autrement que pour les situations nées et définitivement réalisées sous l’empire de la règle précédente, qui créent des droits acquis. Un droit est considéré comme acquis lorsque le fait générateur de celui-ci s’est produit avant la modification législative. Toutefois, tel n’est pas le cas d’un droit dont le fait constitutif ne s’est pas réalisé sous l’empire de la législation qui a été modifiée (arrêt du 6 juillet 2017, Bodson e.a./BEI, T‑508/16, non publié, EU:T:2017:469, point 91 ; voir également, en ce sens, arrêt du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission, C‑443/07 P, EU:C:2008:767, points 61 à 63).

135    En outre, l’autorité est libre d’apporter à tout moment au régime de travail du personnel les modifications, pour l’avenir, qu’elle estime être conformes à l’intérêt du service, même dans un sens défavorable aux agents (arrêts du 24 avril 2008, Dalmasso/Commission, F‑61/05, EU:F:2008:47, point 78 ; du 25 novembre 2008, Bosman/Conseil, F‑145/07, EU:F:2008:149, point 41, et du 12 février 2014, Bodson e.a./BEI, F‑83/12, EU:F:2014:15, point 120).

136    Il s’ensuit qu’un agent ne saurait se prévaloir d’un droit acquis que si le fait générateur de ce droit s’est produit sous l’empire d’un statut déterminé, antérieur à la modification décidée par l’autorité (arrêts du 19 mars 1975, Gillet/Commission, 28/74, EU:C:1975:46, point 5, et du 29 novembre 2006, Campoli/Commission, T‑135/05, EU:T:2006:366, point 78).

137    En l’espèce, le statut prévoyait déjà à son annexe XI, fixant les modalités d’application de l’article 65, une clause d’exception permettant la dérogation à la « méthode normale » qui incarnait le parallélisme. Cela est confirmé par la Cour, aux points 59 et 60 de son arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), où elle considère ce qui suit :

« 59. À cet égard, il convient d’ajouter que, pendant la durée de l’application de l’annexe XI du statut, la procédure prévue à l’article 10 de cette annexe constitue la seule possibilité de tenir compte d’une crise économique dans le cadre de l’adaptation des rémunérations et d’écarter l’application des critères fixés à l’article 3, paragraphe 2, de cette annexe (arrêt du 24 novembre 2010, Commission/Conseil, précité, point 77).

60. Il en résulte que les institutions sont obligées de statuer chaque année sur l’adaptation des rémunérations soit en procédant à l’adaptation “mathématique” selon la méthode prévue audit article 3, soit en s’écartant de ce calcul mathématique conformément à l’article 10 de l’annexe XI du statut. »

138    Il ressort clairement de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), que, dans le cadre de l’adaptation des rémunérations et des pensions, les institutions avaient chaque année le choix entre la « méthode normale » et la clause d’exception. Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé par le Parlement dans son intervention, la méthode prévue pour l’adaptation des rémunérations et des pensions pour la période allant de 2004 à 2012 était la troisième méthode pluriannuelle depuis le début des années 1980 et toutes les méthodes antérieures ont aussi comporté une clause d’exception. Par conséquent, et contrairement à ce que soutient le requérant, l’application systématique de la « méthode normale » et du parallélisme qu’elle prévoyait ne pouvaient pas à ce titre faire naître un droit acquis dont le requérant serait bénéficiaire. En effet, la clause d’exception n’a pas été appliquée en l’espèce à la suite d’une modification législative de la « méthode normale », mais elle était incluse avec cette dernière à l’annexe XI du statut et constituait l’une des deux options disponibles pour le Conseil en vue de l’examen de l’adaptation annuelle des rémunérations, en vertu de l’article 65, paragraphe 1, du statut.

139    À cet égard, l’argument du requérant faisant valoir que le parallélisme devait être respecté non seulement dans le cadre de la méthode normale, mais aussi lors de l’application de la clause d’exception constitue une contradictio in terminis. En effet, ainsi qu’il est relevé par le Conseil, cet argument revient à nier l’existence et la fonction de la clause d’exception. Si l’article 3 de l’annexe XI du statut, prévoyant la « méthode normale » incarne le parallélisme, dans la mesure où il permet aux fonctionnaires et autres agents de l’Union de bénéficier d’une évolution d’un pouvoir d’achat parallèle à celle des fonctionnaires nationaux, la clause d’exception en constitue la dérogation.

140    Par conséquent, appliquer le parallélisme lors de la mise en œuvre de la clause d’exception reviendrait à transposer les modalités d’application de l’article 3 de l’annexe XI du statut dans le cadre de l’article 10 de la même annexe. Or, il convient de rappeler que ce dernier ne prévoit qu’une condition pour son déclenchement, à savoir la « détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale ». Cela est d’autant plus vrai que la Cour dans son arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), n’a pas posé des limites au Conseil quant à sa capacité d’opter pour le déclenchement de la clause d’exception. En revanche, elle lui a reconnu une large marge d’appréciation à cet égard. En somme, ni le contenu de l’article 10 de l’annexe XI du statut ni l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), n’impliquent l’application du parallélisme à son égard.

141    À la lumière de ce qui précède, le quatrième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité doit être rejeté.

5.      Sur le cinquième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation du principe de proportionnalité

142    Le requérant allègue que les adaptations des salaires et des pensions en 2011 et 2012 étaient contraires au principe de proportionnalité dans la mesure où le législateur avait le choix entre plusieurs autres mesures moins contraignantes afin de prendre en compte la détérioration économique et sociale à l’intérieur de l’Union. En particulier, il relève queles règlements contestés tiennent uniquement comptedes retombées de la crise économique de l’automne 2011 tout en méconnaissant l’objectif de préserver la capacité des institutions européennes à assurer et à maintenir un niveau élevé de professionnalisme et un équilibre géographique. Par ailleurs, le requérant estime que les adaptations en cause ne doivent pas être prises en compte de façon individuelle, mais rajoutées à d’autres mesures résultant du statut modifié par le règlement no 1023/2013 et ayant une incidence négative sur ses conditions de travail et l’évolution de sa carrière. Il estime que d’autres mesures, comme l’étalement dans le temps des adaptations prévues, auraient été des mesures plus appropriées pour faire face à la détérioration de la situation économique et sociale.

143    L’ENISA renvoie aux arguments avancés par le Parlement et le Conseil.

144    Le Parlement et le Conseil soutiennent que le principe de proportionnalité a été respecté en l’espèce. À ce titre, le Parlement allègue que l’adaptation des rémunérations ne tend en aucun cas à garantir, en elle-même, un haut niveau de professionnalisme du personnel. Pour sa part, le Conseil relève notamment que, en ce qui concerne la proportionnalité des mesures en cause, il est inapproprié de comparer les objectifs des règlements contestés, qui ont une portée très spécifique, avec ceux du règlement no 1023/2013 qui a introduit une réforme importante du statut et qui a ainsi une portée beaucoup plus large et étendue dans le temps.

145    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le principe de proportionnalité exige, selon la jurisprudence de la Cour, que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés (voir arrêt du 17 octobre 2013, Schaible, C‑101/12, EU:C:2013:661, point 29 et jurisprudence citée).

146    En ce qui concerne le contrôle juridictionnel du respect de ces conditions, la Cour a reconnu au législateur de l’Union, dans le cadre de l’exercice des compétences qui lui sont conférées, un large pouvoir d’appréciation dans les domaines où son action impliquait des choix de nature tant politique qu’économique ou sociale et où il était appelé à effectuer des appréciations et des évaluations complexes. Ainsi, il ne s’agit pas de savoir si une mesure arrêtée dans un tel domaine était la seule ou la meilleure possible, seul le caractère manifestement inapproprié de celle-ci par rapport à l’objectif que les institutions compétentes entendent poursuivre pouvant affecter la légalité de cette mesure (voir arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 117 et jurisprudence citée).

147    Ces considérations s’appliquent également, par voie d’analogie, au contrôle de la proportionnalité des décisions prises par le législateur dans le cadre de l’application de la clause d’exception prévue par l’article 10 de l’annexe XI du statut. Cette démarche impliquait pour le législateur des choix de nature politique, économique et sociale, dans le cadre desquels il était appelé à effectuer des appréciations complexes, de sorte qu’il disposait d’une large marge d’appréciation dont il convient de tenir compte lors de l’appréciation de la proportionnalité des mesures en cause (voir, par analogie, arrêt du 26 février 2016, Bodson e.a./BEI, T‑240/14 P, EU:T:2016:104, point 118).

148    Il revient au Tribunal d’examiner les griefs du requérant au vu des éléments qui précèdent.

149    En premier lieu, en ce qui concerne le but légitime poursuivi par les règlements contestés, il y a lieu de rappeler que, comme il ressort de leur considérant 4, et comme cela est également confirmé par le requérant, ceux-ci ont été adoptés pour faire face « à la détérioration immédiate de la situation économique et sociale dans l’Union » (règlement no 422/2014) et aux « retombées de la crise économique de l’automne 2011, qui a provoqué une récession économique dans l’Union et une détérioration de la situation sociale, ainsi [qu’aux] niveaux toujours élevés du chômage, du déficit public et de la dette publique dans l’Union » (règlement no 423/2014). Dans la mesure où la seule condition pour le déclenchement de la clause d’exception résidait dans la détérioration grave et soudaine de la situation économique et sociale à l’intérieur de l’Union, il y a lieu de considérer que les règlements contestés poursuivaient un but légitime conforme au contenu de la clause d’exception.

150    En deuxième lieu, quant à la proportionnalité des mesures en cause par rapport au but légitime poursuivi, les conclusions de la Cour dans l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), sont également pertinentes dans le cadre du présent argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité. Plus précisément, dès lors que la Cour a admis que le Conseil pouvait unilatéralement déclencher la clause d’exception et qu’il jouissait d’une large marge d’appréciation à cet égard, cette affirmation ne peut que conditionner le contrôle sur la proportionnalité de la mesure prise au but visé. À l’instar du contrôle appliqué à l’égard du troisième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation de l’article 10 de l’annexe XI du statut, le large pouvoir d’appréciation quant au déclenchement de la clause d’exception entraîne un contrôle judiciaire restreint dans le cadre du présent argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité. À cet égard, il y a lieu de rappeler que les mesures prises était exceptionnelles, dérogatoires à la « méthode normale » et limitées par définition dans le temps. Le Conseil n’était donc pas soumis aux mêmes exigences quant à sa proportionnalité que lors de l’application de la « méthode normale » prévue par l’article 3 de l’annexe XI du statut.

151    En troisième lieu, l’adaptation des rémunérations et des pensions de 0 % pour 2011 et de 0,8 % pour 2012, décidée par le législateur dans les règlements contestés, ne présentait pas un écart assez important par rapport au taux de 0,9 %, proposé pour chacun des deux exercices de 2011 et 2012 par la Commission, pour entraîner une atteinte au principe de proportionnalité. Cela est d’autant plus vrai que, ainsi qu’il ressort du considérant 4 des règlements contestés, le législateur a suivi une « approche globale » visant à régler les différends quant à l’adaptation des rémunérations et des pensions pour 2011 et 2012. En optant donc pour l’absence d’adaptation pour l’année 2011, le législateur avait pris en compte que, pour l’année 2012, il avait entériné, à 0,1 % d’écart, la proposition de la Commission dans le cadre de l’application de la clause d’exception. Ce souci d’évaluer l’ensemble de la période concernée pour fixer le taux d’adaptation pour chaque année respective ne peut s’inscrire que dans une démarche visant à faire respecter la proportionnalité des mesures prises.

152    Les arguments mis en avant par le requérant visant à remettre en cause cette conclusion ne sauraient prospérer.

153    En premier lieu, l’argument du requérant selon lequel un choix existait entre plusieurs autres mesures afin de prendre en compte la détérioration économique et sociale et, notamment, le maintien à terme des pourcentages résultant de la « méthode normale » tout en déplaçant les dates de prise d’effet des adaptations est non fondé. À supposer même que le législateur eût pu reporter, lors de l’application de la clause d’exception, la mise en vigueur de l’adaptation décidée, cet argument a trait à des adaptations proposées sur le fondement de la « méthode normale ». Or, ainsi qu’il a déjà été relevé, l’invocation de la « méthode normale » et des adaptations qui avaient été proposées sur cette base est dépourvue de pertinence dès lors que, en l’espèce, le Conseil a légalement décidé d’activer la clause d’exception au lieu de la « méthode normale ».

154    Il convient à cet égard de rappeler (voir le point 137 ci-dessus) que, conformément au point 60 de l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), les institutions étaient obligées de statuer chaque année sur l’adaptation des rémunérations sur la base soit de la « méthode normale » soit de la clause d’exception. Partant, il aurait été incohérent et contraire à cet arrêt que le Conseil applique en l’espèce la clause d’exception tout en se basant sur des adaptations résultant de la « méthode normale ».

155    En deuxième lieu, l’argument tiré du besoin de garantir un niveau élevé de professionnalisme de la fonction publique de l’Union doit aussi être écarté compte tenu du but légitime poursuivi par la clause d’exception, rappelé également au considérant 4 des règlements contestés, à savoir le besoin de faire face à la crise économique qui sévissait à l’intérieur de l’Union. À cet égard, il y a lieu de constater que ni la clause d’exception ni le règlement contesté ne font référence au besoin de maintenir l’attractivité de la fonction publique. La référence par le requérant aux conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février sur le cadre financier pluriannuel, au règlement no 1023/2013 et à l’article 27 du statut est dépourvue de pertinence, puisque ces textes ne trouvaient pas application au cas d’espèce.

156    En troisième lieu, l’argument du requérant faisant valoir que les règlements contestés violent le principe de proportionnalité, en raison de l’omission de prendre en compte d’autres limitations des avantages des fonctionnaires introduites par le règlement no 1023/2013, est lui aussi non fondé. Ainsi qu’il a déjà été relevé, les règlements contestés n’ont pas été adoptés sur la base du statut modifié par le règlement no 1023/2013, mais sur le fondement de l’article 10 de l’annexe XI du statut. Le législateur ne pouvait donc pas faire appel à une base juridique applicable à une période postérieure à celle faisant l’objet du règlement en cause.

157    Dans ces conditions, il n’a pas été établi que les règlements contestés aient méconnu le principe de proportionnalité. Le cinquième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité doit donc être écarté.

6.      Sur le sixième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

158    Le requérant allègue que le principe de protection de la confiance légitime impose au législateur d’éviter de modifier brutalement la situation juridique et économique des fonctionnaires en service et de prévoir des mesures transitoires adéquates pour leur permettre de s’adapter à la situation nouvelle. Il note que les adaptations arrêtées par le Conseil aboutissent à des pourcentages allant bien en deçà de ceux initialement proposés par la Commission. Il soutient, en faisant référence à la jurisprudence, qu’il aurait été nécessaire de prévoir des mesures transitoires, ce qui n’a pas été le cas en l’espèce.

159    L’ENISA renvoie aux arguments avancés par le Parlement et le Conseil.

160    Le Parlement et le Conseil estiment que le principe de protection de la confiance légitime a été respecté en l’espèce. Plus précisément, le Parlement relève que ce principe ne saurait empêcher l’application d’une réglementation nouvelle aux effets futurs de situations nées sous l’empire d’une réglementation antérieure. Cela serait d’autant plus vrai en l’espèce dès lors que le requérant ne produit pas d’éléments probants selon lesquels l’administration lui aurait assuré pouvoir conserver ses droits et ses avantages tout au long de son engagement à l’ENISA.

161    Par ailleurs, le Conseil relève, en se référant à la jurisprudence, que, même lorsqu’un fonctionnaire reçoit des assurances précises aptes à faire naître chez lui une confiance légitime, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, il ne peut pas se prévaloir de celle-ci pour contester la légalité d’une disposition réglementaire nouvelle, surtout dans un domaine dans lequel le législateur dispose d’un large pouvoir discrétionnaire.

162    Il est de jurisprudence constante qu’un fonctionnaire ne peut se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime pour mettre en cause la légalité d’une disposition réglementaire nouvelle, surtout dans un domaine dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique (arrêts du 7 juillet 1998, Mongelli e.a./Commission, T‑238/95 à T‑242/95, EU:T:1998:151, point 52, et du 7 juillet 1998, Telchini e.a./Commission, T‑116/96, T‑212/96 et T‑215/96, EU:T:1998:152, point 83).

163    De surcroît, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime ne s’étend qu’au particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées. Des renseignements précis, inconditionnels et concordants, émanant de sources autorisées et fiables constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (arrêts du 17 mars 2011, AJD Tuna, C‑221/09, EU:C:2011:153, points 71 et 72, et du 6 juillet 2017, Bodson e.a./BEI, T‑506/16, non publié, EU:T:2017:468, point 99).

164    C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’apprécier si le principe de protection de la confiance légitime a été violé.

165    En premier lieu, il convient de constater que le législateur n’a pas appliqué une disposition réglementaire nouvelle, mais une règle déjà existante, à savoir l’article 10 de l’annexe XI du statut. Il y a lieu de noter que cette disposition ne prévoyait aucune mesure transitoire, ce qui semble conforme à son contenu et au but visé, dès lors qu’elle a introduit une clause d’exception, c’est-à-dire dérogatoire à la « méthode normale » de calcul des adaptations des rémunérations et dont les effets étaient par définition limités dans le temps.

166    En deuxième lieu, force est de constater que le dossier ne contient aucun élément permettant au requérant de conclure que les institutions concernées lui auraient fourni de quelconques assurances susceptibles de faire naître des espérances légitimes dans l’application de la méthode normale au lieu de la clause d’exception pour l’exercice 2011. En tout état de cause, il n’aurait pas été loisible aux institutions concernées de donner des assurances que la clause d’exception ne serait pas appliquée ou du moins pas sans mesures transitoires. Une telle démarche de l’administration aurait été dépourvue de fondement légal, dès lors que la clause d’exception constituait, dans le cadre du statut, l’une des deux modalités d’application de son article 65 et, dès lors que, selon l’arrêt du 19 novembre 2013, Commission/Conseil (C‑63/12, EU:C:2013:752), il revenait au Conseil de décider dans un premier temps du recours à la clause d’exception.

167    En troisième lieu, la référence du requérant au cumul des mesures contestées avec d’autres mesures résultant de l’application du règlement no 1023/2013 est dépourvue de pertinence. Ainsi qu’il a déjà été relevé au point 91 ci-dessus, les règlements contestés concernaient les années 2011 et 2012, tandis que le règlement no 1023/2013 avait modifié le statut avec effet à partir du 1er janvier 2014.

168    Il résulte de ce qui précède que le sixième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime doit être écarté.

7.      Sur le septième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation des règles relatives au dialogue social

169    Le requérant soutient que les règlements contestés ont été adoptés en violation des droits à la consultation et à la négociation collective, consacrés par les articles 27 et 28 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, tels que mis en œuvre par l’article 10, deuxième alinéa, du statut, par l’article 10 ter, deuxième alinéa, du statut, par l’accord-cadre conclu par la Commission avec les OSP et par la décision du Conseil du 23 juin 1981 instituant une procédure de concertation tripartite en matière de relations avec le personnel, modifiée par la décision du Conseil du 22 janvier 2001.

170    Selon le requérant, les procédures de consultation et de concertation des OSP n’ont pas été respectées. Le requérant confirme que, lors de la transmission, le 10 décembre 2013, au Parlement et au Conseil de ses propositions d’adaptation salariale, la Commission a invité les OSP à deux réunions d’information. Or, le requérant considère que ces réunions ne pouvaient pas être assimilées à une consultation tant au sens de la décision du Conseil du 23 juin 1981 qu’au sens de l’article 14(2) de l’accord-cadre concernant les relations entre la Commission et les OSP.

171    Par ailleurs, en ce qui concerne les conséquences à tirer de l’arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil (T‑456/14, EU:T:2016:493), le requérant relève que les griefs tirés de la violation de la procédure de concertation prévue par la décision du Conseil du 23 juin 1981 ainsi que de l’article 24 ter du statut ont été rejetés comme étant irrecevables, ce qui ne peut en rien préjuger de leur bien-fondé.

172    Enfin, dans ses observations sur les mémoires en intervention du Parlement et du Conseil, datées du 20 avril 2017, le requérant affirme, en soumettant de nouveaux éléments de preuve, que le 17 février 2014, trois OSP ont demandé la tenue d’une réunion en vue de l’adaptation des salaires pour 2011 et 2012. Le 13 mars 2014, le Conseil aurait réagi « en justifiant son inertie par les actions collectives menées par ailleurs par les fonctionnaires ». De l’avis du requérant, l’existence d’actions collectives pendantes n’était en rien incompatible avec la tenue d’une réunion de la commission de concertation. Il ajoute qu’une fois la décision d’accepter l’issue du trilogue avait été prise, tel qu’il a été annoncé au personnel du Conseil par note du 7 mars 2014, une réunion de la commission de concertation n’avait plus de sens. Il considère que le fait que cette réunion ne se soit jamais tenue a entraîné une violation de la décision du Conseil du 23 juin 1981.

173    L’ENISA renvoie aux arguments avancés par le Parlement et le Conseil. Par ailleurs, elle renvoie aux conclusions de l’arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil (T‑456/14, EU:T:2016:493), dans la mesure où elles concernent l’article 10 du statut et l’accord-cadre conclu par la Commission avec les OSP.

174    En outre, dans son mémoire de production de preuves daté du 12 juin 2017, l’ENISA confirme que le 17 février 2014, les OSP du Conseil ont demandé la tenue d’une réunion de la commission de concertation. Elle ajoute que, pendant la période durant laquelle une réunion de la commission de concertation aurait pu avoir un effet utile, les travaux normaux du Conseil étaient désorganisés en raison de grèves organisées par les OSP. En raison de cette évolution, la procédure de concertation serait restée suspendue en vertu d’une déclaration inscrite au procès-verbal du Conseil lors de l’adoption de la décision du 23 juin 1981. Le Conseil y avait déclaré ce qui suit :

« […] dans le cas où les travaux normaux du Conseil seraient désorganisés, la procédure de concertation sera automatiquement suspendue ».

175    Le Parlement fait valoir que, en matière d’adaptation des rémunérations et des pensions, le statut ne prévoit aucune obligation de procéder à une information ou à une consultation au sens de l’article 27 de la charte des droits fondamentaux. Il soutient que les accords invoqués par le requérant prévoyant des consultations entre les organisations syndicales et le Conseil ne pouvaient pas constituer des exigences procédurales ajoutées au traité et encore moins des éléments d’appréciation de la validité des actes législatifs.

176    Le Conseil relève que l’article 27 de la charte des droits fondamentaux ne crée pas un droit inconditionnel, mais consacre l’obligation de consulter le Comité du statut pour la modification du statut. Il allègue que, en l’espèce, il ne s’agit pas d’un cas de révision du statut et que l’article 10 du statut ne serait donc pas applicable. En outre, l’article 28 de la charte des droits fondamentaux ne serait pas pertinent en l’espèce, puisqu’il ne s’agirait pas de la conclusion d’une convention collective.

177    S’agissant de la décision du Conseil du23 juin 1981, le Conseil a, initialement dans son intervention, allégué qu’aucune demande concrète et formelle d’ouvrir cette procédure de concertation n’avait été introduite par les OSP. Ensuite, par sa lettre datée du 3 juillet 2017, il a confirmé l’exactitude de l’affirmation du requérant contenue dans ses observations sur le mémoire en intervention du Conseil, à savoir que, le 17 février 2014, les OSP du Conseil ont effectivement demandé la tenue d’une réunion de la commission de concertation et que cette demande a reçu une réponse négative de la part du secrétaire général du Conseil le 13 mars 2014. Par ailleurs, le Conseil soutient que, dès le début de la procédure législative et tout au long de celle-ci, les OSP et les représentants du personnel étaient parfaitement au courant des négociations entre les institutions et ont fait valoir leur point de vue à plusieurs reprises à l’égard des institutions.

a)      Sur la recevabilité des preuves nouvelles produites par les parties

178    Ainsi qu’il a été relevé au point 172 ci-dessus, dans ses observations sur les mémoires en intervention du Parlement et du Conseil, datées du 20 avril 2017, le requérant soumet de nouveaux éléments de preuve dans le but de démontrer que trois OSP ont, le 17 février 2014, demandé la tenue d’une réunion avec l’administration en vue de l’adaptation des salaires pour 2011 et 2012. Il s’agit notamment d’échange de correspondance entre les OSP et le Conseil à l’égard de la possibilité d’une concertation tripartite. Ces documents sont produits par le requérant afin de réfuter l’affirmation du Conseil selon laquelle aucune demande de réunion de la commission de concertation de la part des OSP n’est parvenue au Conseil.

179    Pour sa part, dans son mémoire de production de preuves, daté du 12 juin 2017, l’ENISA soutient que les pièces produites par le requérant ne sont pas recevables au titre de l’article 85 du règlement de procédure, dès lors que le retard dans leur présentation n’est pas justifié.

180    En outre, l’ENISA soumet, en vertu de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure,de nouveaux éléments de preuve afin de permettre au Tribunal d’apprécier la portée des affirmations du requérant quant à la demande des OSP de tenir une réunion de concertation avec l’administration et, également, d’apprécier la portée des nouveaux éléments de preuve annexés à ses observations sur les mémoires en intervention du Parlement et du Conseil.

181    Pour justifier la soumission tardive de ces pièces, l’ENISA allègue que la procédure de concertation tripartite en matière de relations avec le personnel est de caractère purement interne au Conseil. De plus, elle ne pourrait pas disposer d’informations sur le déroulement de celle-ci. Or, l’ENISA s’en serait remise à l’intervention du Conseil sur ce point qui, initialement avait affirmé qu’aucune demande de concertation n’avait été déposée par les OSP. L’ENISA conclut que les arguments avancés par le requérant dans ses observations sur les mémoires en intervention du Parlement et du Conseil constituent des faits nouveaux sur lesquels elle ne pouvait pas se défendre dans son mémoire en défense ni dans la duplique.

182    Dans ses observations sur les nouvelles preuves produites par l’ENISA, le requérant sollicite leur rejet, en considérant que leur production tardive n’est pas justifiée.

183    Le Parlement et le Conseil estiment que les nouveaux éléments de preuve soumis par l’ENISA doivent être acceptés en vertu de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure.

184    Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, ce n’est qu’« [à] titre exceptionnel [que] les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié ».

185    S’agissant des documents produits par le requérant, celui-ci a affirmé dans la requête que, en l’espèce « il n’y a eu aucune réunion de la commission de concertation, malgré la demande des OSP » et qu’« [i]l n’y a donc pas eu de concertation ». Or, malgré la référence explicite dans la requête à la « demande des OSP », le requérant n’explique pas la raison pour laquelle il n’aurait pas pu soumettre les pièces afférentes à l’échange de correspondance entre les OSP et l’administration et à la possibilité d’entamer une procédure de concertation tripartite dès le stade d’introduction de la requête et non dans ses observations sur les mémoires en intervention du Parlement et du Conseil. Le fait que le Conseil, dans sa lettre du 3 juillet 2017 portant sur le mémoire en production de preuves par l’ENISA, admet l’inexactitude de son affirmation initiale dans son intervention, à savoir qu’aucune demande d’ouvrir une procédure de concertation n’avait été faite par les OSP, ne saurait être déterminant pour la recevabilité des nouvelles pièces produites par le requérant. En effet, la question cruciale qui se pose à ce titre est celle de savoir si ces preuves étaient ou non disponibles au stade d’introduction de la requête, ce qui n’est pas expliqué par le requérant.

186    Quant aux pièces nouvelles produites par l’ENISA, cette dernière avait la possibilité de contester tant au stade du mémoire en défense que de la duplique l’affirmation faite par le requérant dans la requête sur la demande des OSP d’une réunion de la commission de concertation (voir point 185 ci-dessus). Or, tel n’a pas été le cas. À cet égard, il convient de relever que le Conseil a confirmé le fait que les OSP avaient sollicité la réunion de la commission de concertation dans sa lettre du 3 juillet 2017, à savoir postérieurement au dépôt de la duplique de l’ENISA. Par conséquent, celle-ci ne pouvait pas être influencée par cette position du Conseil lors du dépôt du mémoire en défense et de la duplique.

187    L’argument selon lequel la procédure de concertation tripartite est purement interne au Conseil, ce qui aurait empêché l’ENISA de disposer de ses propres informations sur son déroulement, ne saurait mener à la recevabilité des preuves produites tardivement par celle-ci. Tout d’abord, si l’ENISA n’était pas en mesure d’avoir accès aux informations relevant d’une procédure interne du Conseil, elle aurait pu l’affirmer dans le mémoire en défense et dans la duplique, et non pour la première fois lors de la production des nouveaux éléments de preuve. Par ailleurs, ainsi qu’il est soutenu par le requérant, l’ENISA ne relate pas les raisons pour lesquelles les preuves nouvelles soumises le 12 juin 2017 ne lui étaient pas accessibles au stade du mémoire en défense, de la duplique ou même lors du dépôt de ses observations sur les mémoires en intervention du Parlement et du Conseil.

188    Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que ni le requérant ni l’ENISA n’ont justifié, au sens de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, la soumission tardive des preuves supplémentaires. Partant, ces éléments sont irrecevables et ne seront pas pris en compte par le Tribunal dans l’examen du présent argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité.

b)      Sur le fond

189    Il convient de relever que, si le droit à l’information et à la consultation des travailleurs et le droit de négociation collective, consacrés respectivement par l’article 27 et par l’article 28 de la charte des droits fondamentaux, sont susceptibles de s’appliquer dans les rapports entre les institutions de l’Union et leur personnel, il échet au droit de l’Union d’en régler l’exercice, conformément aux termes mêmes de ces dispositions (arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 112 ; voir également, à propos de l’article 27 de la charte des droits fondamentaux, arrêt du 15 janvier 2014, Association de médiation sociale, C‑176/12, EU:C:2014:2, points 44 et 45).

190    En l’espèce, le requérant allègue que les articles 27 et 28 de la charte des droits fondamentaux étaient mis en œuvre, premièrement, par l’article 10, deuxième alinéa, du statut, deuxièmement, par l’article 10 ter, deuxième alinéa, du statut, troisièmement, par l’accord-cadre conclu le 18 décembre 2008 par la Commission avec les OSP et, quatrièmement, par la décision du Conseil du 23 juin 1981 instituant une procédure de concertation tripartite en matière de relations avec le personnel, modifiée par la décision du Conseil du 22 janvier 2001.

191    En premier lieu, s’agissant de l’article 10, deuxième alinéa, du statut, il prévoit que le comité du statut composé en nombre égal des représentants des institutions de l’Union et des représentants de leurs comités du personnel, « est consulté par la Commission sur toute proposition de révision du statut ». De surcroît, la même disposition prévoit que « le comité peut formuler toute suggestion en vue de la révision du statut ». Or, les règlements contestés n’avaient comme objectif que l’adaptation des rémunérations et des pensions des fonctionnaires et des autres agents de l’Union, tandis que l’article 10 du statut ne vise que le cas de révision du statut. Par conséquent, cette disposition n’avait pas vocation à s’appliquer dans la procédure ayant mené à l’adoption des règlements contestés.

192    Il y a lieu de rappeler à cet égard que l’arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil (T‑456/14, EU:T:2016:493) a considéré, au point 150, que l’article 10 du statut, « ne trouv[ait] pas à s’appliquer dans le cadre de la procédure qui a conduit à l’adoption des règlements attaqués », à savoir les règlements contestés.

193    En deuxième lieu, en ce qui concerne l’article 10 ter du statut, force est de constater que, dans son deuxième alinéa, il dispose que « les propositions de la Commission visées à l’article 10 peuvent faire l’objet de consultations des organisations syndicales ou professionnelles représentatives ». En renvoyant à l’article 10 du statut, l’article 10 terne trouve donc application que dans le cas de la révision du statut. Il s’ensuit que, à l’instar de l’article 10 du statut, il ne peut pas trouver application au cas d’espèce qui, ainsi qu’il a déjà été relevé, ne concerne que l’adaptation des rémunérations et des pensions.

194    En tout état de cause, l’article 10 terdu statutprévoit que les propositions de la Commission « peuvent » faire l’objet de consultation. Par conséquent, cette disposition n’introduit pas une obligation procédurale à la charge de la Commission, mais prévoit une simple faculté.

195    En troisième lieu, s’agissant de l’accord-cadre conclu le 18 décembre 2008 par la Commission avec les OSP ainsi que de la décision du Conseil du 23 juin 1981 instituant une procédure de concertation tripartite en matière de relations avec le personnel, force est de rappeler que, selon la jurisprudence, les fonctionnaires et les agents ne peuvent pas tirer de droits de la supposée violation des dispositions régissant les relations des institutions avec les OSP.

196    Plus précisément, dans l’arrêt du 15 juillet 1994, Browet e.a./Commission (T‑576/93 à T‑582/93, EU:T:1994:93), concernant, entre autres, l’application de l’accord du 20 septembre 1974 relatif aux relations entre la Commission et les OSP, le Tribunal a jugé qu’il était clair, à la lecture de l’ensemble des stipulations de l’accord-cadre susvisé, que celui-ci n’était destiné qu’à régir les relations collectives de travail entre la Commission et les OSP et que, par suite, il ne créait, à l’égard de chaque fonctionnaire pris individuellement, aucune obligation, ni aucun droit. Cet arrêt a également précisé que l’accord du 20 septembre 1974 ne se situait pas dans la sphère des relations individuelles de travail entre l’institution et le fonctionnaire, mais dans le cadre plus large des relations entre cette institution et les OSP (arrêts du 15 juillet 1994, Browet e.a./Commission, T‑576/93 à T‑582/93, EU:T:1994:93 point 44, et du 6 mai 2009, Sergio e.a./Commission, F‑137/07, EU:F:2009:46, point 64).

197    En l’espèce, il ressort de l’article I.1 de la décision du Conseil du 23 juin 1981, telle que modifiée par sa décision du 22 janvier 2001, que « les relations entre le Conseil et le personnel, représenté par les organisations syndicales et professionnelles, sont fondées sur une procédure de concertation à laquelle participent les autorités administratives des institutions et organes assimilés et au cours de laquelle toutes les informations disponibles et les positions des parties sont examinées dans le but de faciliter, dans toute la mesure du possible, la convergence des positions et d’assurer que les points de vue du personnel et des autorités administratives sont connus des représentants des Etats-membres avant qu’ils ne prennent une position ferme ». Par ailleurs, dans son article I. 2 a), la décision susmentionnée prévoit que « la concertation a lieu au sein d’une commission de concertation se composant […] d’un représentant de chaque État membre […] d’un nombre égal de représentants du personnel désignés par les organisations syndicales et professionnelles […] du chef de l’administration de chaque institution (c’est-à-dire le greffier de la Cour de justice et le secrétaire de chacune des autres institutions) ou d’une personne désignée par lui afin de le représenter ».

198    Quant à l’accord-cadre du 18 décembre 2008, son article 1er prévoit que « le présent accord-cadre a pour objet de régir les relations entre la Commission européenne et les organisations syndicales et professionnelles (OSP) ».

199    Il s’ensuit que tant la décision du Conseil du 23 juin 1981 que l’accord-cadre du 18 décembre 2008 prévoient des procédures de concertation et de consultation entre les institutions et les OSP. Ainsi qu’il est relevé par le Parlement dans son intervention, ces consultations ne peuvent pas constituer des exigences procédurales ajoutées au traité ou des éléments d’appréciation de la validité des actes législatifs. Par conséquent, étant donné que le requérant n’est pas une OSP et que, dans le cadre de la présente affaire, il n’invoque pas de droits qu’il détiendrait directement de la décision et de l’accord-cadre en question, ces textes ne peuvent pas être considérés comme lui attribuant des droits individuels spécifiques invocables.

200    Au demeurant, s’agissant en particulier de l’accord-cadre du 18 décembre 2008, force est de relever que, au point 152 de l’arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil (T‑456/14, EU:T:2016:493), le Tribunal a admis « qu’il ne ressort[ait] pas du dossier qu’il a été porté atteinte aux facultés procédurales d’une OSP représentative signataire au sens de l’article 8 de cet accord [du 18 décembre 2008] ». Le Tribunal a ainsi exclu qu’une violation de cet accord-cadre ait été commise dans la procédure d’adoption des règlements contestés. Partant, à supposer même que cet accord-cadre soit applicable à l’égard du requérant, le grief soulevé à ce titre par lui ne serait pas fondé.

201    Au vu de ce qui précède, le septième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité doit être rejeté.

8.      Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation, du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude quant à la décision attaquée

202    Le requérant soutient que la décision attaquée lui a été, dans un premier temps, communiquée sans aucune explication. De plus, il relève que les explications ultérieures offertes par l’ENISA ne permettent pas de comprendre le calcul effectué pour arriver à la somme due de 3 133,19 euros. Par ailleurs, le requérant estime que son éloignement géographique ainsi que le temps écoulé depuis son départ de l’ENISA étaient des facteurs à prendre en compte par l’administration en l’espèce. Enfin, il considère que la communication abrupte et sans aucune explication de la décision attaquée par l’administration a aussi entraîné la violation du principe de bonne administration ainsi que du devoir de sollicitude.

203    L’ENISA rétorque que les informations contenues dans la décision attaquée ainsi que celles qui ont été communiquées au requérant tout au long de leur échange de correspondance étaient de nature à permettre à l’intéressé de s’assurer du bien-fondé de cette décision. Par ailleurs, s’agissant du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude, l’ENISA relève ne pas disposer de marge d’appréciation quant à la décision à prendre, dès lors qu’elle était tenue d’appliquer les règlements contestés.

204    Tout en renvoyant aux principes énoncés au point 80 ci-dessus sur l’obligation de motivation des actes de portée générale, il convient d’ajouter que l’obligation de motivation prescrite par l’article 25, deuxième alinéa, du statut, qui ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée par l’article 296 TFUE, a pour objet, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte (voir arrêt du 13 septembre 2016, Pohjanmäki/Conseil, T‑410/15 P, non publié, EU:T:2016:465, point 77 et jurisprudence citée). Par ailleurs, une insuffisance initiale de la motivation peut être palliée par des précisions complémentaires apportées, même en cours d’instance par l’administration, lorsque, avant l’introduction de son recours, l’intéressé disposait déjà d’éléments constituant un début de motivation (arrêt du 1er décembre 2010, Gagalis/Conseil, F‑89/09, EU:F:2010:155, point 67).

205    En l’espèce, en premier lieu, il convient de rappeler le contexte dans lequel la décision du 21 octobre 2015 a été adoptée. En effet, une fois les règlements contestés adoptés, l’ENISA, sans disposer de marge de manœuvre, se trouvait dans l’obligation de transposer leur contenu aux cas individuels de ses agents, y compris celui du requérant.

206    En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, la décision attaquée n’était pas dépourvue de motivation. En effet, il y était expressément indiqué que le montant dont il était redevable résultait de l’ajustement rétroactif du salaire et du taux de pension. Par conséquent les motifs ayant amené l’ENISA à lui réclamer la somme de 3 133,19 euros étaient connus du requérant dès la réception de la décision attaquée.

207    En troisième lieu, l’administration a, par la suite, apporté à deux reprises et dans le mois qui a suivi la communication de la décision attaquée, des éléments supplémentaires permettant au requérant d’apprécier son bien-fondé. Plus précisément, le requérant a été informé le 13 novembre 2015 des commentaires du directeur des ressources humaines de l’ENISA. Celui-ci a confirmé l’ajustement rétroactif des salaires, selon la législation de l’Union, pour tous ses employés, tant actuels qu’anciens (voir point 28 ci-dessus). Par ailleurs, les bulletins de rémunérations du requérant sur lesquels figuraient les adaptations de ses rémunérations et pensions pour la période allant d’avril 2012 à octobre 2013 étaient joints au courriel de l’ENISA du 13 novembre 2015 (voir points 29 à 31 ci-dessus).

208    À cet égard, il convient de rejeter l’argument du requérant faisant valoir que le calcul opéré pour aboutir à la somme de 3 133,19 euros ne ressort pas de sa correspondance avec l’ENISA. En effet, le courriel du 21 octobre 2015 permettait de comprendre que la somme de 3 133,19 euros résultait d’une compensation. En particulier, il ressortait du tableau compris dans ce courriel que le requérant était redevable de la somme de 3 406 euros à titre d’ajustement rétroactif de son salaire d’avril 2012 à octobre 2013 et que, à l’inverse, la somme de 272,81 euros lui était due à titre d’ajustement rétroactif sur « taux de salaire-pension (salary-pension rate). De surcroît, les fiches de salaire et de pension, jointes au courriel du 13 novembre 2015, livraient le détail du calcul ayant permis d’aboutir aux sommes de 3 406 euros à titre d’ajustement rétroactif sur son salaire et de 272,81 euros à titre d’ajustement rétroactif sur « taux de salaire-pension ».

209    En quatrième lieu, à la suite de la demande du requérant, l’ENISA lui a communiqué par courriel, le 25 novembre 2015, la liste des règlements ayant servi de base légale à la décision attaquée.

210    En cinquième lieu, le requérant était un agent en fonction de l’ENISA du 1er avril 2012 au 31 octobre 2013, à savoir pendant une période où la négociation entre la Commission, le Parlement et le Conseil sur l’adaptation des salaires pour les années 2001 et 2012 était en cours et où l’affaire C‑63/12 était toujours pendante devant la Cour. Le requérant ne saurait donc valablement soutenir que, en raison de son éloignement géographique à la suite de son départ de l’ENISA, la décision attaquée n’a « certainement pas été prise dans un contexte connu » par lui.

211    Au vu de ce qui précède, les informations fournies par l’ENISA ont permis au requérant d’apprécier le bien-fondé de la décision contestée et d’exercer les voies de recours nécessaires à la défense de ses droits et intérêts.

212    Quant au grief du requérant tiré du principe de bonne administration, il ressort de la requête que, à travers celui-ci, il soutient que son éloignement géographique ainsi que le temps écoulé depuis son départ de l’ENISA « auraient dû pousser cette dernière à agir différemment ». Or, au vu de la conclusion sur le grief tiré de l’obligation de motivation de la décision attaquée, il ne saurait être admis en l’espèce que l’administration aurait nécessairement dû agir d’une manière différente.

213    Enfin, il ressort de la requête que la violation du devoir de sollicitude serait le résultat direct de la violation alléguée du principe de bonne administration. Par conséquent, compte tenu de la conclusion au point précédent sur ledit principe, il convient de rejeter le grief tiré du devoir de sollicitude comme non fondé.

214    Il résulte de ce qui précède que le présent moyen doit être écarté dans son ensemble.

215    Partant, il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité. 

V.      Sur les dépens

216    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens de l’ENISA, conformément aux conclusions de ce dernier.

217    En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. Il s’ensuit que le Conseil et le Parlement supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Thomas Haeberlen supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Agence de l’Union européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA).


3)      Le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen supporteront leurs propres dépens.

Berardis

Spielmann

Csehi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 décembre 2018.

Signatures


Table des matières


I. Cadre juridique

II. Antécédents du litige

III. Procédure et conclusions des parties

IV. En droit

A. Sur la recevabilité de l’exception d’illégalité soulevée par le requérant

B. Sur les conclusions en annulation

1. Sur le premier argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation des formes substantielles

2. Sur le deuxième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation de l’obligation de motivation

3. Sur le troisième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation de l’article 10 de l’annexe XI du statut ainsi que des articles 10 et 11 de l’annexe XI du statut modifié par le règlement no 1023/2013

4. Sur le quatrième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation de l’article 65 du statut et du principe des droits acquis relatifs à la règle du parallélisme

5. Sur le cinquième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation du principe de proportionnalité

6. Sur le sixième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation du principe de protection de la confiance légitime

7. Sur le septième argument soulevé dans le cadre de l’exception d’illégalité, tiré de la violation des règles relatives au dialogue social

a) Sur la recevabilité des preuves nouvelles produites par les parties

b) Sur le fond

8. Sur le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation, du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude quant à la décision attaquée

V. Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.