Language of document : ECLI:EU:T:2019:780

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

7 novembre 2019 (*)

« Droit institutionnel – Parlement européen – Décision déclarant inéligibles certaines dépenses d’un parti politique aux fins d’une subvention au titre de l’année 2015 – Décision accordant une subvention au titre de l’année 2017 et prévoyant le préfinancement à raison de 33 % du montant maximal de la subvention et l’obligation de fourniture d’une garantie bancaire – Obligation d’impartialité – Droits de la défense – Règlement financier – Règles d’application du règlement financier – Règlement (CE) no 2004/2003 – Proportionnalité – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑48/17,

Alliance for Direct Democracy in Europe ASBL (ADDE), établie à Bruxelles (Belgique), représentée initialement par Mes L. Defalque et L. Ruessmann, puis par Me M. Modrikanen et enfin par Me Y. Rimokh, avocats,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes C. Burgos et S. Alves, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision du Parlement du 21 novembre 2016 déclarant certaines dépenses inéligibles aux fins d’une subvention au titre de l’année 2015 et, d’autre part, de la décision FINS-2017-13 du Parlement, du 12 décembre 2016, relative à l’octroi d’une subvention à la requérante au titre de l’année 2017, en ce que cette décision limite le préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie),

composé de M. A. M. Collins (rapporteur), président, Mme M. Kancheva, MM. R. Barents, J. Passer et G. De Baere, juges,

greffier : M. F. Oller, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 8 mai 2019,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Alliance for Direct Democracy in Europe ASBL (ADDE), est un parti politique au niveau européen au sens de l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2004/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 4 novembre 2003, relatif au statut et au financement des partis politiques au niveau européen (JO 2003, L 297, p. 1).

2        Le 30 septembre 2014, la requérante a présenté, en vertu de l’article 4 du règlement no 2004/2003, une demande de financement par le budget général de l’Union européenne au titre de l’exercice financier 2015.

3        Lors de sa réunion du 15 décembre 2014, le bureau du Parlement européen a adopté sa décision FINS-2015-14, accordant une subvention maximale de 1 241 725 euros à la requérante pour l’exercice financier 2015.

4        Le 18 avril 2016, l’auditeur externe a adopté son rapport d’audit qui considérait comme étant inéligibles, au titre de l’exercice financier 2015, des dépenses d’un montant de 157 935,05 euros.

5        À partir de mai 2016, les services du Parlement ont effectué des contrôles additionnels. À la suite de ces contrôles, le 23 mai 2016, le Parlement a envoyé une lettre à la requérante l’informant d’une décision de son bureau du 9 mai 2016 qui précisait les critères d’interprétation de l’interdiction du financement de campagnes référendaires.

6        Les 26 et 27 septembre 2016, les services du Parlement ont effectué une visite d’inspection dans les locaux de la requérante.

7        Le 30 septembre 2016, la requérante a présenté une demande de financement par le budget général de l’Union européenne au titre de l’exercice financier 2017.

8        Par lettre du 14 octobre 2016, le directeur général des finances du Parlement a informé la requérante que, à la suite du rapport d’audit externe et des contrôles additionnels effectués par les services du Parlement, une série de dépenses étaient considérées comme étant inéligibles au titre de l’exercice financier 2015. La requérante a été invitée à présenter ses observations au plus tard le 4 novembre 2016.

9        Le 2 novembre 2016, la requérante a présenté ses observations sur la lettre du directeur général des finances du Parlement du 14 octobre 2016. Par ailleurs, elle a demandé à être entendue lors de la réunion du bureau du Parlement prévue afin d’adopter la décision relative au rapport final qu’elle avait présenté pour l’exercice financier 2015.

10      Le 10 novembre 2016, le secrétaire général du Parlement a invité le bureau du Parlement à adopter la décision sur le rapport final que la requérante avait présenté pour l’exercice financier 2015, en déclarant certaines dépenses inéligibles.

11      Lors de sa réunion du 21 novembre 2016, le bureau du Parlement a examiné le rapport final que la requérante avait présenté pour l’exercice financier 2015 après la clôture de ses comptes pour ledit exercice financier. Il a déclaré inéligible la somme de 500 615,55 euros et a fixé le montant de la subvention finale allouée à la requérante à 820 725,08 euros. Dès lors, il a demandé à la requérante le remboursement de la somme de 172 654,92 euros (ci-après la « décision attaquée relative à l’exercice financier 2015 »).

12      Le 5 décembre 2016, le secrétaire général du Parlement a invité le bureau à adopter sa décision sur les demandes de financement par le budget général de l’Union européenne, au titre de l’exercice financier 2017, introduites par une série de partis politiques et de fondations politiques au niveau européen, dont la requérante.

13      Lors de sa réunion du 12 décembre 2016, le bureau du Parlement européen a adopté sa décision FINS-2017-13, accordant une subvention maximale de 1 102 642,71 euros à la requérante pour l’exercice financier 2017 et prévoyant que le préfinancement serait limité à 33 % du montant maximal de la subvention, et ce sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire à première demande (ci-après la « décision attaquée relative à l’exercice financier 2017 »). Cette décision a été signée et communiquée à la requérante le 15 décembre 2016.

 Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 janvier 2017, la requérante a introduit le présent recours.

15      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé. Cette demande a été rejetée par ordonnance du 14 mars 2017, ADDE/Parlement européen (T‑48/17 R, non publiée, EU:T:2017:170). Les dépens de cette instance ont été réservés.

16      À la suite de la clôture de la phase écrite de la procédure, la requérante a été convoquée à une audience prévue initialement le 6 juin 2018, qui a été reportée en raison de l’indisponibilité du représentant de la requérante.

17      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 30 juillet 2018, la requérante a introduit une demande d’admission au bénéfice de l’aide juridictionnelle sur le fondement de l’article 147 du règlement de procédure du Tribunal. À la lumière des observations du Parlement, et après avoir posé à la requérante certaines questions et l’avoir invitée à déposer certains documents à titre de mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a rejeté la demande d’aide juridictionnelle par ordonnance du 5 février 2019, ADDE/Parlement européen (T‑48/17 AJ, non publiée).

18      À la suite de la désignation d’un nouveau représentant par la requérante, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 8 mai 2019.

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015 ;

–        annuler la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017 en ce qu’elle limite le préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

20      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

 En droit

 Sur la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015

21      Au soutien de la demande d’annulation de la décision déclarant inéligibles certaines dépenses au titre l’exercice financier 2015, la requérante avance trois moyens, tirés, le premier, de la violation du principe de bonne administration et des droits de la défense, le deuxième, de la violation des articles 7 à 9 du règlement no 2004/2003 et, le troisième, de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.

22      Dans la mesure où la requête ne contient aucune argumentation développant le troisième moyen, qui est donc énoncé de manière abstraite, ledit moyen est irrecevable car la simple invocation du principe du droit de l’Union dont la violation est alléguée, sans indiquer les éléments de fait et de droit sur lesquels cette allégation se fonde, ne satisfait pas aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure (arrêt du 3 mai 2007, Espagne/Commission, T‑219/04, EU:T:2007:121, point 89).

 Sur la prétendue violation du principe de bonne administration et des droits de la défense

23      Le premier moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015 est divisé en deux branches. Par la première branche dudit moyen, la requérante fait valoir que le Parlement a violé le principe de bonne administration ainsi que l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), en ce que la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015 ne serait pas équitable ni impartiale en raison de la composition du bureau du Parlement. En particulier, elle relève que ce bureau, composé du président et des quatorze vice-présidents du Parlement, ne compte pas un seul représentant des partis dits « eurosceptiques ». Dès lors, compte tenu de sa composition, ledit bureau ne serait pas en mesure d’assurer le contrôle impartial et objectif des fonds alloués aux partis politiques européens et aux fondations politiques liées à ceux-ci. Cela serait par ailleurs confirmé par la création d’une autorité indépendante à ces fins, en vertu de l’article 6 du règlement (UE, Euratom) no 1141/2014 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2014, relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes (JO 2014, L 317, p. 1).

24      En outre, la requérante soutient que Mme Ulrike Lunacek, vice-présidente du Parlement appartenant au Groupe des Verts/Alliance libre européenne et membre du bureau du Parlement, a tenu publiquement des propos, avant la réunion menant à l’adoption de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015, qui montraient son hostilité et son manque d’impartialité envers elle.

25      Par la seconde branche du premier moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015, la requérante invoque la violation des droits de la défense, notamment du droit d’être entendu, garantis par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte et l’article 224 du règlement intérieur du Parlement en vigueur à l’époque. Elle fait valoir que ses observations écrites du 2 novembre 2016 n’ont pas été communiquées au bureau du Parlement. Selon elle, la note adressée par le secrétaire général du Parlement audit bureau se limitait à indiquer que lesdites observations étaient disponibles sur demande. Elle soutient également que, malgré une demande en ce sens, elle n’a pas été invitée à être entendue par ce bureau lors de la réunion pendant laquelle la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015 a été adoptée. Enfin, elle relève que la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015 avait déjà été adoptée et signée avant la réunion du bureau du Parlement du 21 novembre 2016 étant donné qu’elle lui a été envoyée par courriel avant la fin prévue de ladite réunion.

26      Dans la réplique, la requérante ajoute que ses observations écrites du 2 novembre 2016 n’ont pas été prises en considération, commentées ou réfutées par le directeur général des finances du Parlement ou par le secrétaire général du Parlement dans sa note au bureau du Parlement. Selon elle, la lettre dudit directeur général des finances du 14 octobre 2016 qui lui a été adressée et la note dudit secrétaire général du 10 novembre 2016 qui a été adressée audit bureau seraient identiques. Au regard de ces considérations, elle soutient que son droit d’être entendue par l’autorité compétente, à savoir ce bureau, a été violé.

27      Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

28      En ce qui concerne la violation du principe de bonne administration, le Parlement soutient que la requérante n’avance aucun élément de preuve quant à la prétendue partialité de son bureau. Par ailleurs, la compétence dudit bureau pour prendre les décisions relatives au financement des partis politiques au niveau européen résulterait de l’article 224 du règlement intérieur du Parlement en vigueur à l’époque et de l’article 4 de la décision du bureau du Parlement, du 29 mars 2004, fixant les modalités d’application du règlement no 2004/2003, telle que modifiée (JO 2014, C 63, p. 1, ci-après la « décision du bureau du 29 mars 2004 »), sans que la requérante ait soulevé aucune exception d’illégalité à l’encontre de ces dispositions. Par ailleurs, le Parlement fait remarquer que le règlement no 1141/2014 n’est pas applicable en l’espèce et que, en tout état de cause, la compétence pour prendre les décisions sur les demandes de financement appartient toujours au Parlement et non à l’autorité indépendante créée par ce règlement.

29      Le Parlement fait valoir dans la duplique que les allégations avancées par la requérante, relatives à l’absence d’impartialité d’un membre de son bureau, ne concernaient qu’un membre de cet organe. Par ailleurs, selon lui, les déclarations en cause ne démontrent pas une absence d’impartialité, mais indiquent seulement que ce membre avait déjà examiné la question et avait décidé quel serait le sens de son vote lors de la réunion dudit bureau.

30      S’agissant de la prétendue violation des droits de la défense et du droit d’être entendu, le Parlement fait valoir que la requérante a été invitée à présenter ses observations sur le fait qu’une série de dépenses risquaient d’être considérées comme étant inéligibles au titre de l’exercice financier 2015, ce qu’elle a fait le 2 novembre 2016. Selon lui, ces observations ont été examinées par son directeur général des finances, qui a considéré qu’elles n’étaient pas susceptibles d’infirmer l’inéligibilité des dépenses en cause. De plus, il relève que la note de son secrétaire général du 10 novembre 2016 invitant son bureau à adopter la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015 faisait référence explicitement auxdites observations. Par ailleurs, il indique que cette note ajoutait que les mêmes observations étaient à disposition auprès de son secrétariat sur demande. Enfin, s’agissant de l’allégation selon laquelle ladite décision a été adoptée et signée avant la réunion dudit bureau, il soutient que si cette décision a été préparée avant ladite réunion, elle a été envoyée à la requérante seulement après que le bureau l’a examinée et adoptée.

31      Le Tribunal estime qu’il convient d’examiner d’abord la seconde branche du premier moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015.

32      Aux termes de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, le droit à une bonne administration comporte notamment le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son endroit.

33      Selon l’article 224, paragraphe 3, du règlement intérieur du Parlement en vigueur à l’époque, le bureau du Parlement, après la fin de l’exercice budgétaire, approuve le rapport d’activité final et le décompte financier du parti politique bénéficiaire. Aux termes du paragraphe 5 du même article, le bureau agit sur la base d’une proposition du secrétaire général. Sauf dans les cas visés aux paragraphes 1 et 4 de cet article, le bureau, avant de prendre une décision, entend les représentants du parti politique concerné.

34      De plus, le respect des droits de la défense constitue un principe général du droit de l’Union qui trouve à s’appliquer dès lors que l’administration se propose de prendre à l’encontre d’une personne un acte qui lui fait grief. En vertu de ce principe, les destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue quant aux éléments sur lesquels l’administration entend fonder sa décision. À cette fin, ils doivent bénéficier d’un délai suffisant (arrêt du 18 décembre 2008, Sopropé, C‑349/07, EU:C:2008:746, points 36 et 37).

35      Premièrement, en ce qui concerne le grief de la requérante selon lequel elle n’a pas été entendue spécifiquement dans le cadre d’une audition lors de la réunion du bureau du Parlement ayant mené à l’adoption de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015, il suffit de constater que ni la réglementation en cause ni le principe général du respect des droits de la défense ne lui confèrent le droit à une audition formelle, la possibilité de présenter ses observations par écrit étant suffisante pour assurer le respect du droit d’être entendu (voir, par analogie, arrêts du 27 septembre 2005, Common Market Fertilizers/Commission, T‑134/03 et T‑135/03, EU:T:2005:339, point 108, et du 6 septembre 2013, Bank Melli Iran/Conseil, T‑35/10 et T‑7/11, EU:T:2013:397, point 105). Il est également constant que la requérante a pu faire valoir ses observations écrites le 2 novembre 2016.

36      Deuxièmement, en ce qui concerne le grief de la requérante selon lequel ses observations écrites du 2 novembre 2016 n’ont pas été communiquées au bureau du Parlement, il y a lieu de relever que les points 5 et 6 de la note du secrétaire général du Parlement du 10 novembre 2016 invitant le bureau du Parlement à adopter la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015 font référence à ces observations, indiquant qu’elles ont été prises en compte et ajoutant que les documents originaux sont disponibles sur demande auprès du secrétariat du Parlement. Dès lors, ce grief ne saurait être accueilli.

37      Troisièmement, il y a lieu de rejeter l’allégation de la requérante selon laquelle la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015 avait été adoptée et signée avant la réunion du bureau du Parlement étant donné que ladite décision avait été envoyée à la requérante par courriel le 21 novembre 2016 à 19 h 16, à savoir avant la fin de ladite réunion. Comme le Parlement le fait valoir à juste titre, rien ne s’oppose à ce qu’un projet de décision ait été préparé avant cette réunion, comme en l’espèce. En outre, le Parlement précise que cette décision a été envoyée à la requérante seulement après que le bureau a examiné la question et adopté la décision en question. Il y a lieu de constater que la requérante n’a fourni aucune preuve permettant de considérer que cette dernière affirmation est incorrecte. Dès lors, ce grief doit être rejeté.

38      Quatrièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel ses observations écrites du 2 novembre 2016 n’ont pas été prises en considération, commentées ou réfutées par le directeur général des finances du Parlement ou par le secrétaire général du Parlement dans la note de ce dernier du 10 novembre 2016, force est de constater que ladite note fait référence explicitement à ces observations et indique qu’elles ont été prises en considération aux fins de la proposition en cause. Dès lors, le Parlement ne saurait être tenu pour responsable d’une violation des droits de la défense de la requérante à ce titre. Dans la mesure où la requérante considère que la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015 ne répond pas de manière adéquate aux arguments exposés dans ses observations, il lui appartient de contester le fond de cette décision, comme elle l’a fait par ailleurs dans le cadre du deuxième moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015.

39      Dès lors, la seconde branche du premier moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015 doit être rejetée comme non fondée.

40      En ce qui concerne la première branche du premier moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015, il y a lieu de relever que, aux termes de l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, intitulé « Droit à une bonne administration », toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et les organes de l’Union.

41      À cet égard, il convient de rappeler que le droit de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions de l’Union, garanti par l’article 41, paragraphe 1, de la Charte, reflète un principe général du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 20 décembre 2017, Espagne/Conseil, C‑521/15, EU:C:2017:982, points 88 et 89).

42      Selon la jurisprudence, le principe de bonne administration implique notamment l’obligation pour l’institution compétente d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 8 juin 2017, Schniga/OCVV, C‑625/15 P, EU:C:2017:435, point 47).

43      De plus, l’exigence d’impartialité recouvre, d’une part, l’impartialité subjective, en ce sens qu’aucun membre de l’institution concernée chargé de l’affaire ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, en ce sens que l’institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (arrêts du 11 juillet 2013, Ziegler/Commission, C‑439/11 P, EU:C:2013:513, point 155 ; du 20 décembre 2017, Espagne/Conseil, C‑521/15, EU:C:2017:982, point 91, et du 27 mars 2019, August Wolff et Remedia/Commission, C‑680/16 P, EU:C:2019:257, point 27).

44      Plus particulièrement, s’agissant de déclarations susceptibles de remettre en cause les exigences d’impartialité, il y a lieu de rappeler que ce qui importe est leur sens réel, et non leur forme littérale. En outre, la question de savoir si les déclarations sont susceptibles de constituer une violation du droit à une bonne administration, et notamment du droit à voir ses affaires traitées impartialement, doit être tranché dans le contexte des circonstances particulières dans lesquelles la déclaration litigieuse a été formulée. En particulier, il y a lieu d’examiner si les déclarations se bornent à souligner l’existence d’un risque de violation des règles applicables ou préjugent une décision définitive à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2003, Atlantic Container Line e.a./Commission, T‑191/98 et T‑212/98 à T‑214/98, EU:T:2003:245, points 445 et 448).

45      En outre, lorsque le Parlement dispose d’un large pouvoir d’appréciation, le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir se limite à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l’exactitude matérielle des faits, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêts du 20 mai 2009, VIP Car Solutions/Parlement, T‑89/07, EU:T:2009:163, point 56, et du 10 novembre 2015, GSA et SGI/Parlement, T‑321/15, non publié, EU:T:2015:834, point 33). Or, dans les cas où les institutions de l’Union disposent d’un tel pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives, dont les principes de bonne administration et notamment l’obligation d’impartialité, revêt une importance d’autant plus fondamentale (voir, en ce sens, arrêt du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14). En l’occurrence, s’agissant d’une procédure administrative qui porte sur des évaluations juridiques et comptables complexes, il convient de constater que le Parlement dispose d’une certaine marge d’appréciation afin de prendre une décision sur l’éligibilité des dépenses engagées par la requérante au titre de l’exercice financier 2015, en vertu notamment des articles 7 et 8 du règlement no 2004/2003.

46      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le cas présent.

47      En premier lieu, la requérante considère que, par sa nature, la composition du bureau du Parlement est suffisante en elle-même pour mettre en cause l’impartialité de cet organe. Cet argument ne saurait être accueilli pour trois raisons.

48      Il convient de relever, d’abord, que le bureau du Parlement est un organe collégial, composé du président et des quatorze vice-présidents du Parlement, qui sont tous élus au suffrage par les membres du Parlement, aux termes des articles 16 et 17 du règlement intérieur du Parlement en vigueur à l’époque. Dès lors, la composition de cet organe vise à refléter la pluralité existant au sein du Parlement lui-même.

49      Ensuite, il est sans pertinence que le règlement no 1141/2014 a créé une autorité indépendante pour exercer certaines fonctions au regard des fondations politiques au niveau européen, étant donné que ledit règlement n’est pas applicable aux faits à l’origine du présent litige. En effet, selon son article 41, ce règlement n’est devenu applicable qu’à partir du 1er janvier 2017. En tout état de cause, selon l’article 18, paragraphe 4, du même règlement, lu conjointement avec l’article 5, paragraphe 1, de la décision du bureau du Parlement, du 12 juin 2017, fixant les modalités d’application du règlement no 1141/2014 (JO 2017, C 205, p. 2), la compétence pour prendre les décisions sur les demandes de financement appartient toujours à ce bureau.

50      Enfin, ainsi que le relève à juste titre le Parlement, force est de constater que la requérante n’a pas soulevé d’exception d’illégalité en vertu de l’article 277 TFUE à l’encontre des dispositions régissant la composition du bureau du Parlement et sa compétence pour prendre les décisions relatives au financement des partis et fondations politiques au niveau européen, notamment les articles 24 et 25 du règlement intérieur du Parlement en vigueur à l’époque et l’article 4 de la décision du bureau du 29 mars 2004.

51      En second lieu, s’agissant de la conduite d’un des membres du bureau du Parlement, la requérante fait valoir que ledit membre a formulé publiquement des déclarations démontrant son manque d’impartialité envers elle avant la réunion dudit bureau du 21 novembre 2016.

52      Afin d’apprécier le bien-fondé du grief de la requérante relatif à des déclarations faites par un membre du bureau du Parlement, il y a lieu de prendre en compte une série d’éléments, tels que la teneur des déclarations litigieuses, les fonctions de la personne ayant formulé les déclarations et le rôle effectivement joué par cette personne dans la procédure de décision.

53      En ce qui concerne les déclarations litigieuses, il y a lieu de relever en l’espèce que, le 17 novembre 2016, le groupe politique auquel appartenait le membre en question du bureau du Parlement a diffusé un communiqué de presse contenant la déclaration, formulée par ledit membre, selon laquelle « [n]ous attendons que le rapport d’audit soit confirmé lors de la réunion du bureau du Parlement européen ce lundi et que les autorités du Parlement donnent une réponse ferme et non équivoque » et que « [l]es fonds doivent être remboursés et l’UKIP doit répondre de sa manipulation frauduleuse de l’électorat britannique ». Ce communiqué ajoutait que la requérante était un parti politique au niveau européen dominé par l’UKIP, à savoir le UK Independence Party.

54      Par ailleurs, le 18 novembre 2016, le membre en question du bureau du Parlement a publié sur les réseaux sociaux le commentaire selon lequel « [i]l faut un culot énorme pour dénigrer l’[Union] à chaque occasion, alors qu’en même temps on encaisse illégalement des fonds de l’[Union] ». En réponse à un commentaire d’une personne tierce sur les réseaux sociaux, le membre du bureau a ajouté ce qui suit : « [j]e parle ici de l’usage frauduleux de fonds ! ».

55      Le procès-verbal de la réunion du bureau du Parlement du 21 novembre 2016, disponible en ligne sur le site Internet du Parlement et sur lequel le Tribunal a interrogé le Parlement lors de l’audience, fait mention du fait que le membre du bureau a assisté à la réunion et a participé aux débats menant à l’adoption de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015. Par ailleurs, selon ce procès-verbal, la seule intervention d’un membre du bureau lors de la discussion de ce point de l’ordre du jour a été celle du membre en cause, ce qui permet de constater que cette personne a joué un rôle actif lors des débats, bien que la décision ait été prise sur une proposition du secrétaire général du Parlement.

56      Dès lors, il y a lieu de relever que le membre du bureau du Parlement a tenu des propos qui, du point de vue d’un observateur externe, permettaient de considérer que ledit membre avait préjugé la question avant l’adoption de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015. En effet, les propos en cause ne se bornaient pas à constater la simple existence d’un risque de violation des règles applicables mais indiquaient que la perception des fonds était « illégale » et « frauduleuse ». De plus, même si ce membre n’avait pas la fonction de rapporteur ou de président, le Parlement a admis, lors de l’audience, que le membre en cause était, avec un autre membre, responsable au sein du bureau du suivi des dossiers relatifs au financement des partis politiques au niveau européen.

57      En outre, les arguments avancés par le Parlement dans la duplique, selon lesquels ces commentaires émanaient d’un seul membre de son bureau et démontraient simplement que le membre en question avait examiné la question et avait déjà décidé le sens de son vote, n’emportent pas la conviction.

58      Premièrement, le fait que les doutes quant aux apparences d’impartialité n’affectent qu’une seule personne au sein d’un organe collégial composé de quinze membres n’est pas nécessairement déterminant, compte tenu du fait que cette personne aurait pu exercer une influence décisive lors des délibérations (voir, en ce sens et par analogie, Cour EDH, 23 avril 2015, Morice c. France, CE :ECHR :2015 :0423JUD 002936910, point 89). À cet égard, il y a lieu de rappeler le rôle actif joué par le membre en cause lors de la réunion du bureau, comme cela ressort du procès-verbal (voir point 55 ci-dessus).

59      Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument du Parlement selon lequel les déclarations litigieuses se bornaient à indiquer le sens du vote du membre en question de son bureau, il y a lieu de relever qu’il importe non seulement que ledit bureau adopte ses décisions de manière impartiale, mais aussi qu’il offre des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime, conformément à la jurisprudence citée au point 43 ci-dessus. Étant donné le contenu catégorique et non équivoque desdites déclarations, formulées avant l’adoption de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015, force est de constater que les apparences d’impartialité ont été sérieusement compromises en l’espèce.

60      Dans ce contexte, le Parlement ne saurait valablement opposer le fait que le membre de son bureau qui est l’auteur des déclarations litigieuses pouvait exprimer son point de vue personnel, car, en principe, les membres d’un organe collégial de décision ne peuvent exprimer publiquement leur point de vue personnel sur une affaire en cours au risque de vider de sa substance l’exigence d’impartialité.

61      En effet, le Parlement doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute concernant l’impartialité de ses membres lors de la prise de décisions de nature administrative, ce qui implique que les membres s’abstiennent de tenir des propos publics se rapportant à la bonne ou mauvaise gestion par les partis politiques au niveau européen des fonds octroyés lorsque les dossiers sont en cours d’étude.

62      Au vu de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir la première branche du premier moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015.

 Sur la prétendue violation des articles 7 à 9 du règlement (CE) no 2004/2003

63      Par le deuxième moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015, la requérante soutient que le Parlement a violé les articles 7 à 9 du règlement no 2004/2003 en considérant que certaines dépenses étaient inéligibles dans la mesure où elles avaient été utilisées pour le financement de partis politiques nationaux et d’une campagne référendaire. En particulier, elle conteste les conclusions d’inéligibilité relatives, premièrement, au financement de certains sondages au Royaume-Uni, deuxièmement, aux paiements effectués à trois consultants au Royaume-Uni et, troisièmement, à certains paiements liés au Parti populaire de Belgique. Quatrièmement, elle conteste le bien-fondé de ladite décision en ce que celle-ci considère comme étant inéligibles les paiements à un fournisseur en raison d’un prétendu conflit d’intérêts.

64      Compte tenu de la conclusion résultant de l’examen du premier moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015, en l’espèce, le Tribunal estime que, dans le cadre du deuxième moyen, il est opportun de se prononcer uniquement sur le grief relatif à la déclaration d’inéligibilité des dépenses liées à un sondage effectué dans sept États membres en décembre 2015.

65      La requérante conteste l’interprétation du Parlement selon laquelle le financement du sondage effectué dans sept États membres est contraire à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2004/2003 relatif à l’interdiction du financement indirect d’un parti politique national. En outre, elle conteste le fait que les dépenses relatives à ce sondage puissent être déclarées inéligibles en raison de l’interdiction du financement des campagnes référendaires prévue à l’article 8, quatrième alinéa, dudit règlement.

66      Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

67      Le Parlement souligne que les sondages effectués après les élections législatives au Royaume-Uni entre juin et décembre 2015 portaient partiellement sur des questions de politique nationale, mais surtout sur le référendum sur le Brexit. Dans la duplique, il suggère que le sondage effectué dans sept États membres contenait des questions relatives à l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union et à la position des sondés eu égard au référendum sur le Brexit.

68      En réponse aux questions du Tribunal lors de l’audience, le Parlement a fait valoir que le sondage effectué dans sept États membres était orienté vers le Royaume-Uni et portait essentiellement sur le référendum sur le Brexit, au profit de l’UKIP.

69      En ce qui concerne les sondages effectués après les élections législatives au Royaume-Uni entre juin et décembre 2015, il résulte de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015 que les dépenses qui y sont afférentes ont été considérées comme étant inéligibles pour deux raisons, à savoir l’interdiction du financement indirect d’un parti politique national, prévue à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2004/2003 et l’interdiction du financement des campagnes référendaires, établie à l’article 8, quatrième alinéa du même règlement. En effet, selon ladite décision, ces sondages portaient surtout sur le référendum sur le Brexit et certains portaient aussi en partie sur des questions de politique nationale.

70      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2004/2003, les fonds des partis politiques au niveau européen provenant du budget général de l’Union ou de toute autre source ne peuvent être utilisés pour le financement direct ou indirect d’autres partis politiques, et notamment de partis nationaux ou de candidats nationaux.

71      Il y a lieu de rappeler qu’il existe un financement indirect d’un parti national lorsque celui-ci obtient un avantage financier malgré l’inexistence de tout transfert direct de fonds, par exemple en évitant certaines dépenses autrement dues (arrêt du 27 novembre 2018, Mouvement pour une Europe des nations et des libertés/Parlement, T‑829/16, sous pourvoi, EU:T:2018:840, point 72). Aux fins de cette appréciation, il convient de se référer à un faisceau d’indices notamment temporels, géographiques et relatifs au contenu de l’acte financé (voir, en ce sens, arrêt du 27 novembre 2018, Mouvement pour une Europe des nations et des libertés/Parlement, T‑829/16, sous pourvoi, EU:T:2018:840, point 83).

72      En ce qui concerne l’interdiction du financement des campagnes référendaires, il y a lieu de relever que l’article 8, quatrième alinéa, du règlement no 2004/2003 établit que les dépenses éligibles ne servent pas à financer des campagnes référendaires.

73      Par ailleurs, dans sa décision du 9 mai 2016, le bureau du Parlement a précisé que la question de savoir si une activité d’un parti politique au niveau européen constituait une campagne référendaire dépendait en particulier de certaines conditions, à savoir, premièrement, si l’éventuelle tenue d’un tel référendum avait déjà été portée à la connaissance du public, même si elle n’avait pas encore fait l’objet d’une annonce officielle ; deuxièmement, s’il existait un lien direct et manifeste entre l’activité en cause du parti politique et la question visée par le référendum ; troisièmement, s’il existait une proximité temporelle entre l’activité en cause du parti politique et la date prévue pour le référendum, même à titre officieux. À cet égard, il y a lieu de relever que le Parlement ne conteste pas que la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015 applique les critères précisés par la décision dudit bureau du 9 mai 2016.

74      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le bien-fondé de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015 en ce qu’elle considère comme étant inéligibles des dépenses liées au sondage effectué dans sept États membres.

75      Il ressort de l’examen du document contenant les résultats du sondage effectué dans sept États membres que celui-ci a été effectué en Belgique, en France, en Hongrie, aux Pays-Bas, en Pologne, en Suède et au Royaume-Uni, sur un échantillon d’environ 1 000 personnes dans chaque État. Les questions, qui étaient les mêmes dans les sept États membres, portaient sur l’appartenance de ces États membres à l’Union, le vote des participants lors d’un éventuel référendum d’appartenance à l’Union, la réforme des conditions d’appartenance à l’Union, la gestion de la crise des réfugiés par la République fédérale d’Allemagne, l’admission de réfugiés par chacun des sept États membres, les menaces à la sécurité des sept États membres, la participation des sept États membres dans une force armée européenne, et l’espace Schengen.

76      Premièrement, il y a lieu de constater que la partie du sondage effectué dans sept États membres relative au Royaume-Uni tombe dans le champ d’application de l’interdiction du financement des campagnes référendaires prévue à l’article 8, quatrième alinéa, du règlement no 2004/2003, étant donné que la législation relative à la tenue du référendum au Royaume-Uni a été définitivement approuvée en décembre 2015, à savoir au moment dudit sondage, et que le contenu de cette partie était étroitement lié, dans une large mesure, à ce référendum.

77      En revanche, force est de constater que ces considérations ne sont pas applicables en ce qui concerne la partie du sondage effectué dans les six autres États membres, où aucun référendum n’était envisagé à l’époque. De surcroît, le Parlement n’a pas argumenté, et encore moins démontré, que ladite partie pouvait être d’une utilité quelconque pour la campagne du référendum sur le Brexit au Royaume-Uni. Dès lors, de ce point de vue, cette partie du sondage ne saurait être considérée comme visant à financer une campagne référendaire.

78      Deuxièmement, en ce qui concerne l’interdiction du financement indirect d’un parti politique national, il y a lieu de rejeter l’argument avancé par le Parlement selon lequel la partie du sondage relative aux autres six États membres serait d’une quelconque utilité pour l’UKIP. En effet, il n’a pas été démontré que le contenu de ladite partie pourrait être d’une quelconque utilité pour l’UKIP. En outre, il convient de souligner que cette partie a été effectuée dans six États membres, autres que le Royaume-Uni, dans lesquels l’UKIP n’est pas implanté.

79      À la lumière de ce qui précède, il y a lieu d’accueillir le présent grief.

80      Eu égard aux conclusions figurant aux points 62 et 79 ci-dessus, il y a lieu d’annuler la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015.

 Sur la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017

81      Au soutien de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017, la requérante avance trois moyens, tirés, le premier, de la violation du principe de bonne administration et des droits de la défense, le deuxième, de la violation de l’article 134 du règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier ») et de l’article 206 du règlement délégué (UE) no 1268/2012 de la Commission, du 29 octobre 2012, relatif aux règles d’application du règlement no 966/2012 (JO 2012, L 362, p. 1, ci-après les « règles d’application du règlement financier »), et, le troisième, de la violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement.

 Sur la prétendue violation du principe de bonne administration et des droits de la défense

82      Le premier moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017 est divisé en deux branches. Par la première branche, la requérante fait valoir que le Parlement a violé le principe de bonne administration ainsi que l’article 41 de la Charte. À cet égard, elle se réfère aux arguments développés dans le cadre de la première branche du premier moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision relative à l’exercice financier 2015, mentionnés au point 23 ci-dessus.

83      Par la seconde branche du premier moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017, la requérante invoque la violation des droits de la défense, notamment du droit d’être entendu, garantis par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte et l’article 224 du règlement intérieur du Parlement en vigueur à l’époque. Au soutien de cette branche, la requérante se réfère premièrement aux arguments développés dans le cadre de la seconde branche du premier moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision relative à l’exercice financier 2015, mentionnés au point 25 ci-dessus. Deuxièmement, elle ajoute que la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017 se fonde sur un « avis complémentaire » des auditeurs externes sur sa viabilité financière, qui ne lui a pas été communiqué et qu’elle n’a pas pu commenter. Troisièmement, elle fait valoir que cette dernière décision attaquée l’a affectée négativement, puisqu’elle a été incapable d’obtenir la garantie bancaire demandée et que cela a finalement conduit à sa liquidation le 26 avril 2017.

84      Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

85      Il convient de relever que, en ce qui concerne la première branche du premier moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision relative à l’exercice financier 2017, la requérante se réfère aux arguments développés dans le cadre de la demande d’annulation de la décision relative à l’exercice financier 2015, sans toutefois invoquer un défaut d’impartialité résultant de propos tenus par un membre du bureau du Parlement avant l’adoption de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017.

86      Dans la mesure où la requérante invoque un défaut d’impartialité du bureau du Parlement en raison de sa composition, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision relative à l’exercice financier 2017 comme non fondée pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 40 à 50 ci-dessus.

87      S’agissant de la seconde branche du premier moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017 relative à la violation du droit d’être entendu, il convient de relever d’abord que, aux termes de l’article 224, paragraphe 1, du règlement intérieur du Parlement en vigueur à l’époque, le bureau du Parlement décide de la demande de financement introduite par un parti politique au niveau européen. De plus, selon le paragraphe 5 du même article, sauf dans les cas visés aux paragraphes 1 et 4, ledit bureau, avant de prendre une décision, entend les représentants du parti politique concerné.

88      Dès lors, force est de constater que l’article 224 du règlement intérieur du Parlement en vigueur à l’époque n’accorde pas aux partis politiques un droit spécifique d’être entendus avant que le bureau du Parlement adopte sa décision sur leurs demandes de financement.

89      Or, malgré cette constatation relative à l’article 224 du règlement intérieur du Parlement en vigueur à l’époque, il y a lieu d’examiner si, dans les circonstances de l’espèce, la requérante peut valablement se prévaloir d’un droit d’être entendue tiré directement de l’article 41, paragraphe 2, de la Charte. En effet, il ressort de la jurisprudence que le respect des droits de la défense constitue un principe fondamental de droit de l’Union, qui doit être assuré même en l’absence de toute réglementation ou lorsque la réglementation applicable ne prévoit pas expressément une telle formalité (voir, en ce sens, arrêts du 22 novembre 2012, M., C‑277/11, EU:C:2012:744, point 86, et du 9 juillet 1999, New Europe Consulting et Brown/Commission, T‑231/97, EU:T:1999:146, point 42).

90      En principe, lorsqu’une personne introduit une demande auprès d’une institution de l’Union, notamment une demande de financement, le droit d’être entendu doit être considéré comme ayant été respecté lorsque l’institution adopte sa décision à l’issue de la procédure sur la base des éléments présentés par le demandeur, sans lui accorder une opportunité supplémentaire d’être entendu au-delà des arguments qu’il a pu avancer au moment de l’introduction de sa demande (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 1995, Windpark Groothusen/Commission, T‑109/94, EU:T:1995:211, point 48, et du 15 septembre 2016, AEDEC/Commission, T‑91/15, non publié, EU:T:2016:477, point 24 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 avril 2014, Euris Consult/Parlement, T‑637/11, EU:T:2014:237, point 119).

91      Cependant, à titre exceptionnel, il est possible d’invoquer la violation du droit d’être entendu lorsque l’institution de l’Union se fonde sur des considérations de fait ou de droit dont le demandeur n’avait pas connaissance ou sur des éléments de preuve autres que ceux fournis par celui-ci (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 1995, Windpark Groothusen/Commission, T‑109/94, EU:T:1995:211, point 48 ; du 30 avril 2014, Euris Consult/Parlement, T‑637/11, EU:T:2014:237, point 119, et du 15 septembre 2016, AEDEC/Commission, T‑91/15, non publié, EU:T:2016:477, point 24) ou lorsqu’elle reproche un certain comportement au demandeur sans lui donner l’opportunité de faire connaître utilement son point de vue (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 1999, New Europe Consulting et Brown/Commission, T‑231/97, EU:T:1999:146, points 5 et 42 à 44). Par ailleurs, il y a lieu de relever que, dans le cadre de procédures relatives au paiement de droits de douane, il a été jugé qu’il y avait eu une violation des droits de la défense lorsque le requérant n’avait pas été en mesure de faire connaître son point de vue sur la pertinence des faits ou des documents retenus dans l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 25 ; du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T‑42/96, EU:T:1998:40, points 86 à 88, et du 17 septembre 1998, Primex Produkte Import-Export e.a./Commission, T‑50/96, EU:T:1998:223, points 63 à 71).

92      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le grief avancé par la requérante.

93      En l’espèce, premièrement, la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017 constitue indéniablement une mesure individuelle envers la requérante, au sens de l’article 41, paragraphe 2, de la Charte.

94      Deuxièmement, contrairement à ce que fait valoir le Parlement, il s’agit d’une mesure l’affectant défavorablement, car la décision d’accorder le financement est assujettie à des conditions qui imposent des charges non négligeables, à savoir l’obligation de fournir une garantie bancaire et la limitation du préfinancement à 33 % du montant maximal de la subvention (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint Association/Commission, 17/74, EU:C:1974:106, points 15 à 17, concernant la violation du droit d’être entendu dans le cadre de l’octroi d’une exemption assortie de conditions en vertu de la disposition qui est devenue l’article 101, paragraphe 3, TFUE).

95      Troisièmement, la requérante fait valoir que la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017 se fonde sur un « avis complémentaire » des auditeurs externes sur sa viabilité financière, qui ne lui a pas été communiqué et qu’elle n’a pas pu commenter.

96      À cet égard, même si le Parlement admet qu’il n’a pas communiqué l’« avis complémentaire » en cause en tant que tel à la requérante avant l’adoption de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017, il y a lieu de relever que les notes du secrétaire général du Parlement des 10 novembre et 5 décembre 2016 invitant le bureau à adopter les décisions attaquées, fournies par la requérante elle-même, faisaient état des doutes des auditeurs externes quant à la viabilité financière de la requérante. Interrogée lors de l’audience, la requérante affirme avoir reçu une copie de la note dudit secrétaire général du 10 novembre 2016 pendant ce même mois. En outre, ces doutes sur la viabilité financière de la requérante figuraient également dans le rapport d’audit des auditeurs externes du 18 avril 2016, dont la requérante reconnaît avoir pris connaissance dans une lettre du 10 mai 2016 aux auditeurs externes.

97      Dès lors, compte tenu du fait que la requérante avait déjà connaissance des doutes quant à sa viabilité financière qui ont déterminé la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017, la requérante ne saurait invoquer une violation du droit d’être entendue sur des circonstances de fait dont elle avait déjà connaissance avant l’adoption de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017.

98      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017 comme non fondé.

 Sur la prétendue violation de l’article 134 du règlement financier et de l’article 206 des règles d’application du règlement financier

99      Par le deuxième moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017, la requérante fait valoir que la limitation du préfinancement à 33 % du montant de la subvention maximale sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire est contraire à l’article 134 du règlement financier et l’article 206 des règles d’application du règlement financier.

100    À cet égard, la requérante soutient que l’article 134 du règlement financier et l’article 206 des règles d’application du règlement financier doivent être interprétées à la lumière de l’article 204 undecies du règlement financier, introduit par le règlement (UE, Euratom) no 1142/2014 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 modifiant le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 en ce qui concerne le financement des partis politiques européens (JO 2014, L 317, p. 28). Elle estime n’avoir été dans aucune des situations identifiées par cette disposition comme permettant d’exiger la fourniture d’une garantie bancaire.

101    La requérante ajoute que la limitation du préfinancement à 33 % du montant de la subvention maximale sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire est manifestement erronée, puisque la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017 a été prise eu égard à sa situation financière à la fin de l’année 2015 et non au moment de l’adoption desdites mesures, à savoir en décembre 2016. Cela aurait été confirmé par l’auditeur externe. Selon elle, sa situation financière était saine en décembre 2016. En particulier, elle soutient qu’elle a obtenu des engagements de donateurs potentiels et que plusieurs délégations nationales ont accepté d’augmenter leur cotisation pour un montant pouvant aller de 30 000 à 100 000 euros.

102    Enfin, la requérante réitère que la prise en compte par le Parlement d’un audit externe sur sa viabilité financière, qui ne lui a pas été communiqué, constituerait une violation des droits de la défense.

103    Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

104    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement financier, intitulé « Garantie de préfinancement », l’ordonnateur compétent peut, s’il le juge approprié et proportionné, au cas par cas et sous réserve d’une analyse du risque, exiger du bénéficiaire une garantie préalable afin de limiter les risques financiers liés au versement des préfinancements.

105    Selon l’article 206, paragraphe 1, des règles d’application du règlement financier, afin de limiter les risques financiers liés au versement de préfinancements, l’ordonnateur compétent peut, sur la base d’une analyse du risque, exiger du bénéficiaire une garantie préalable, dont le montant peut atteindre celui du préfinancement, sauf dans le cas des subventions de faible valeur, soit fractionner le versement en plusieurs tranches.

106    De plus, il ressort de l’article 6 de la décision du bureau du 29 mars 2004 que, sauf décision contraire du bureau du Parlement, la subvention sera versée en tant que préfinancement aux bénéficiaires en une tranche unique équivalant à 80 % du montant maximal de la subvention, et ce dans les quinze jours suivant la date de la décision d’octroi de la subvention. Un préfinancement à 100 % du montant maximal de la subvention est possible, si le bénéficiaire fournit une garantie de préfinancement conformément à l’article 206 des règles d’application du règlement financier, couvrant 40 % de la subvention accordée.

107    Il ressort de la lecture combinée des dispositions mentionnées aux points 104 à 106 ci-dessus que le Parlement dispose du pouvoir, d’une part, d’exiger la constitution d’une garantie bancaire et, d’autre part, de limiter le montant du préfinancement afin de limiter le risque financier pour l’Union lié au versement des préfinancements.

108    Il résulte de l’examen des dispositions mentionnées aux points 104 à 106 ci-dessus que le Parlement dispose d’une marge d’appréciation pour déterminer, d’une part, l’existence d’un risque financier pour l’Union et, d’autre part, les mesures appropriées et nécessaires pour protéger l’Union de ce risque. En particulier, le Parlement dispose d’une marge d’appréciation pour décider s’il y a lieu de combiner les deux types de mesures mentionnées au point 107 ci-dessus et pour déterminer, le cas échéant, le montant du préfinancement.

109    C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les arguments avancés par la requérante dans le cadre du deuxième moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017.

110    Premièrement, comme le fait valoir le Parlement à juste titre, force est de constater que l’article 204 undecies du règlement financier, introduit par le règlement no 1142/2014, n’est pas applicable aux faits à l’origine du présent litige. En effet, selon son article 2, ce règlement n’est devenu applicable qu’à partir du 1er janvier 2017. En tout état de cause, l’interprétation de ladite disposition avancée par la requérante est erronée, car il ressort de son libellé que le Parlement peut exiger la constitution d’une garantie préalable lorsque le parti politique en cause court le risque immédiat de se trouver notamment en faillite ou en liquidation et non seulement lorsqu’il se trouve déjà dans une telle situation.

111    Deuxièmement, c’est sans commettre d’erreur que, le 12 décembre 2016, au moment de l’adoption de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017, le Parlement a pris en compte la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015, adoptée seulement quelques jours auparavant, à savoir le 21 novembre 2016, déclarant inéligibles la somme de 500 615,55 euros et demandant le remboursement de 172 654,92 euros. De plus, c’est sans commettre d’erreur que le Parlement a pris en compte l’« avis complémentaire » de l’auditeur externe, sur la base des informations disponibles, remettant en cause la viabilité financière de la requérante en l’absence de ressources propres supplémentaires.

112    Par ailleurs, même si, lors de la réunion du conseil d’administration de la requérante du 6 décembre 2016 et de l’assemblée générale du même jour, des discussions ont eu lieu sur la nécessité d’obtenir des ressources additionnelles d’un montant de 100 000 euros, le procès-verbal de ces réunions ne fournit pas d’éléments permettant d’anticiper raisonnablement l’obtention de ce montant.

113    À la lumière de ces éléments, il y a lieu de conclure que le Parlement a pu considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, qu’il existait un risque financier pour l’Union résultant de l’éventuelle mise à disposition de la requérante d’une subvention pour l’exercice financier 2017.

114    En ce qui concerne l’argument de la requérante relatif à la violation des droits de la défense en ce qui concerne l’« avis complémentaire », qui constitue une répétition de la seconde branche du premier moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017, il convient de le rejeter pour les mêmes raisons que celles exposées aux points 87 à 95 ci-dessus.

115    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017 comme non fondé.

 Sur la prétendue violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement

116    Dans le cadre du troisième moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017, la requérante invoque, d’une part, la violation du principe de proportionnalité et, d’autre part, la violation du principe d’égalité de traitement.

117    Premièrement, la requérante fait valoir que la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017 est contraire au principe de proportionnalité, car le Parlement aurait pu envisager des mesures alternatives, par exemple la résiliation de la subvention lorsque le bénéficiaire est déclaré en faillite ou fait l’objet d’une procédure de liquidation ou, alternativement, la simple limitation du préfinancement à 33 % du montant de la subvention sans exigence d’une garantie bancaire.

118    Deuxièmement, la requérante invoque la violation du principe d’égalité de traitement en ce que le Parlement a demandé à d’autres bénéficiaires, dont la viabilité financière était également en question, de proposer des mesures d’amélioration de leur situation financière. Or, bien que cela ait été envisagé, le Parlement ne lui aurait pas offert cette opportunité et aurait directement décidé de limiter le montant de son préfinancement sous réserve de la fourniture d’une garantie bancaire.

119    Le Parlement conteste les arguments de la requérante.

120    D’une part, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante (arrêt du 11 juin 2009, Agrana Zucker, C‑33/08, EU:C:2009:367, point 31).

121    Ainsi que cela a été indiqué aux points 107 et 108 ci-dessus, il résulte des dispositions applicables en l’espèce que le Parlement dispose d’une marge d’appréciation pour déterminer d’abord l’existence d’un risque financier pour l’Union et, ensuite, les mesures appropriées et nécessaires pour protéger l’Union de ce risque.

122    Dans le cadre du présent moyen, la requérante conteste le caractère nécessaire des mesures adoptées par le Parlement, à savoir la limitation du préfinancement à 33 % du montant de la subvention totale conjointement avec l’exigence d’une garantie bancaire.

123    Or, force est de constater que les mesures alternatives mentionnées par la requérante n’auraient pas permis de sauvegarder de la même manière les intérêts financiers de l’Union que les mesures adoptées par le Parlement. En effet, la résiliation de la subvention lorsque le bénéficiaire est déclaré en faillite ou fait l’objet d’une procédure de liquidation ne permet pas d’assurer que le Parlement puisse éventuellement récupérer les fonds déboursés. Il en va de même d’une simple limitation du préfinancement à 33 % du montant de la subvention sans exigence d’une garantie bancaire, qui ne saurait garantir l’éventuelle récupération des fonds déboursés par le Parlement.

124    Dès lors, eu égard à la marge de discrétion du Parlement pour déterminer les mesures appropriées et nécessaires pour protéger l’Union d’un risque financier, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante tiré de la violation du principe de proportionnalité.

125    D’autre part, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement constitue un principe général du droit de l’Union dont le principe de non-discrimination est une expression particulière. Ledit principe exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 5 juillet 2017, Fries, C‑190/16, EU:C:2017:513, points 29 et 30).

126    À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, qu’il ressort du procès-verbal de la réunion du bureau du Parlement du 12 décembre 2016, pendant laquelle la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017 a été adoptée, que ledit bureau a adopté des mesures similaires de réduction du risque financier concernant sept bénéficiaires, dont la requérante.

127    Par ailleurs, même s’il est correct que, selon les notes du secrétaire général au bureau du Parlement du 5 septembre 2016 concernant d’autres bénéficiaires et du 10 novembre 2016 concernant la requérante, le Parlement a envisagé de demander des mesures d’amélioration de leur situation financière à certains bénéficiaires, cette possibilité a été envisagée pour tous dans le cadre des demandes de subvention pour l’exercice financier 2017. Par ailleurs, il n’y a pas d’indication selon laquelle le Parlement aurait offert effectivement cette possibilité à certains bénéficiaires, mais non à la requérante.

128    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le grief de la requérante tiré de la violation du principe d’égalité de traitement et, dès lors, le troisième moyen avancé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017 dans sa totalité comme non fondé.

129    Partant, il y a lieu de rejeter la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017 comme non fondée.

 Sur les dépens

130    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. En l’espèce, dans la mesure où seule la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2015 a été accueillie, alors que la demande d’annulation de la décision attaquée relative à l’exercice financier 2017 a été rejetée, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      La décision du Parlement du 21 novembre 2016 déclarant certaines dépenses inéligibles aux fins d’une subvention au titre de l’exercice financier 2015 est annulée.

2)      La demande en annulation de la décision FINS-2017-13 du Parlement, du 12 décembre 2016, relative à l’octroi d’une subvention à la requérante au titre de l’exercice financier 2017, est rejetée.

3)      Alliance for Direct Democracy in Europe ASBL et le Parlement européen supporteront leurs propres dépens, y compris ceux afférents à la procédure de référé.

Collins

Kancheva

Barents

Passer

 

      De Baere

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 novembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.