Language of document : ECLI:EU:C:2021:424

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

2 juin 2021 (*)

« Pourvoi – Marque de l’Union européenne – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande ne démontrant pas l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Non-admission du pourvoi »

Dans l’affaire C‑109/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 22 février 2021,

H. R. Participations SA, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Mes P. Wilhelm et J. Rossi, avocats,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO),

partie défenderesse en première instance,

Hottinger Investment Management Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par MM. W. Sander, solicitor et M. Beebe, barrister,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice‑présidente de la Cour, MM. M. Ilešič et C. Lycourgos (rapporteur), juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition du juge rapporteur et l’avocat général, M. H. Saugmandsgaard Øe, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, H.R. Participations SA demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal du 16 décembre 2020, H.R. Participations/EUIPO – Hottinger Investment Management (JCE HOTTINGUER) (T‑535/19, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2020:614), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 3 mai 2019 (affaire R 2078/2018‑2), relative à une procédure de nullité entre Hottinger Investment Management et H. R. Participations.

 Sur l’admission du pourvoi

2        En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3        Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4        Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5        Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, dudit règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

6        À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, la requérante présente trois arguments.

7        Par son premier argument, qui se rapporte au premier moyen de son pourvoi, la requérante soutient que la marque non enregistrée antérieure « HOTTINGER » protégée en vertu du droit du Royaume-Uni, invoquée à l’appui de la demande visant la nullité de la marque de l’Union européenne « JCE HOTTINGUER » dont elle était titulaire, ne constitue plus un droit antérieur protégé dans l’Union depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2021, de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 7 ; ci-après l’« accord sur le retrait »).

8        L’annulation d’une marque de l’Union européenne en raison de l’existence d’un droit antérieur protégé au Royaume-Uni constituerait, dès lors, une violation du droit de l’Union et soulèverait une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement de ce droit puisqu’une telle annulation reviendrait à vider l’accord sur le retrait de sa substance et affecterait profondément le droit de l’Union.

9        À cet égard, la requérante invoque la communication no 2/20 du directeur exécutif de l’EUIPO, du 10 septembre 2020, sur l’impact du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne sur certains aspects de la pratique de l’Office (ci-après la « communication du 10 septembre 2020 »), aux termes de laquelle « les actions dans les procédures inter partes fondées uniquement sur des droits britanniques et toujours pendantes le 1er janvier 2021 seront rejetées par absence de base valable ». Elle se réfère également à la décision de la quatrième chambre de recours de l’EUIPO du 11 janvier 2021 (affaire R 204/2020-4) relative à une procédure d’opposition fondée, notamment, sur une marque du Royaume-Uni antérieure. Aux termes du point 43 de cette décision, « un droit antérieur doit être protégé dans l’Union au moment du prononcé de la décision ».

10      Par son deuxième argument, qui se rapporte au deuxième moyen de son pourvoi, la requérante reproche au Tribunal d’avoir erronément appliqué le Trade Marks Act, 1994 (loi du Royaume-Uni sur les marques). Elle observe que cette loi n’était pas applicable au cas d’espèce, celui-ci étant fondé sur le droit du Royaume-Uni relatif à l’usurpation d’appellation (law of passing off). L’application de ladite loi serait donc contraire à l’article 60, paragraphe 1, sous c), lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 4, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1), ce qui constituerait une question intéressant la cohérence du droit de l’Union.

11      En tout état de cause, il ne serait plus possible, depuis l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2021, de l’accord de retrait, de se fonder sur le droit du Royaume-Uni relatif à l’usurpation d’appellation (law of passing off) pour interdire l’utilisation d’une marque de l’Union européenne.

12      Par son troisième argument, qui se rapporte au troisième moyen de son pourvoi, la requérante fait valoir que, en faisant une application erronée des trois critères du droit du Royaume-Uni relatif à l’usurpation d’appellation (law of passing off), le Tribunal a méconnu l’article 60, paragraphe 1, sous c), lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 4, du règlement 2017/1001. Il ne serait, en tout état de cause, plus possible, depuis le 1er janvier 2021, de se fonder sur ces règles du droit du Royaume-Uni.

13      Il convient d’emblée de rappeler que c’est à la requérante qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 3 septembre 2020, Gamma-A/EUIPO, C‑199/20 P, non publiée, EU:C:2020:662, point 9 et jurisprudence citée).

14      En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (ordonnance du 3 septembre 2020, Gamma-A/EUIPO, C‑199/20 P, non publiée, EU:C:2020:662, point 10 et jurisprudence citée).

15      Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été violée par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

16      En effet, une demande d’admission du pourvoi ne contenant pas les éléments énoncés au point précédent de la présente ordonnance ne saurait, d’emblée, être susceptible de démontrer que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union justifiant son admission (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C‑613/19 P, EU:C:2019:905, point 16 et jurisprudence citée).

17      En l’occurrence, en ce qui concerne le premier argument présenté à l’appui de la demande d’admission, force est de constater que celui-ci se fonde sur l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2021, de l’accord de retrait ainsi que sur la pratique annoncée par l’EUIPO à ce sujet, consistant à rejeter les actions dans les procédures inter partes, telles que les demandes en nullité, qui sont toujours pendantes le 1er janvier 2021 et fondées uniquement sur des droits antérieurs protégés en vertu du droit du Royaume-Uni. La requérante déduit de ces éléments que, dès le 1er janvier 2021, toute annulation d’une marque de l’Union européenne en raison de l’existence d’un droit antérieur protégé au Royaume-Uni viderait l’accord sur le retrait de sa substance et affecterait profondément le droit de l’Union.

18      Or, s’il ne saurait être exclu que la question de l’effet de l’accord de retrait sur lesdites actions inter partes puisse être importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, il n’en demeure pas moins que la requérante omet d’indiquer en quoi consisterait l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal à cet égard. Elle n’indique pas non plus de quelle manière l’éventuelle application de l’approche adoptée par l’EUIPO aurait pu avoir une quelconque influence sur le résultat de l’arrêt sous pourvoi.

19      En particulier, la requérante omet de préciser comment cette approche de l’EUIPO concernant les procédures toujours pendantes devant cette agence le 1er janvier 2021, aurait pu être prise en compte dans le cas d’espèce, qui concerne une procédure ayant abouti à l’annulation de la marque de l’Union de la requérante par décision de la deuxième chambre de recours de l’EUIPO du 3 mai 2019, confirmée par l’arrêt attaqué, rendu le 16 décembre 2020.

20      En ce qui concerne les deuxième et troisième arguments présentés à l’appui de la demande d’admission, il y a lieu de constater que ceux-ci se fondent, à l’instar du premier argument rejeté ci-dessus, sur l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2021, de l’accord de retrait. Ici encore, la requérante omet d’indiquer de quelle manière le Tribunal aurait pu tenir compte de cette entrée en vigueur et parvenir à un autre résultat que celui auquel il est parvenu dans l’arrêt attaqué.

21      Dans la mesure où la requérante invoque également, dans le cadre de ses deuxième et troisième arguments, une application erronée, par le Tribunal, de la loi du Royaume-Uni sur les marques ainsi que des critères contenus au droit du Royaume-Uni relatif à l’usurpation d’appellation (passing off), il y a lieu de constater qu’elle ne précise pas, à suffisance de droit, en quoi auraient consisté les erreurs de droit prétendument commises par le Tribunal à cet égard.

22      Partant, la demande d’admission ne respectant pas les exigences énoncées, notamment, au point 15 de la présente ordonnance, elle n’est pas de nature à établir que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

23      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de ne pas admettre le pourvoi.

 Sur les dépens

24      Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’ordonnance qui met fin à l’instance.

25      La présente ordonnance étant adoptée avant que le pourvoi n’ait été signifié aux autres parties à la procédure et, par conséquent, avant que celles-ci n’aient pu exposer des dépens, il convient de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois), ordonne :

1)      Le pourvoi n’est pas admis.

2)      H. R. Participations SA supporte ses propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.