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ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

10 juillet 2014 (*)

«Article 102 TFUE – Abus de position dominante – Marchés espagnols de l’accès à l’internet à large bande – Compression des marges – Article 263 TFUE – Contrôle de légalité – Article 261 TFUE – Compétence de pleine juridiction – Article 47 de la Charte – Principe de protection juridictionnelle effective – Contrôle de pleine juridiction – Montant de l’amende – Principe de proportionnalité – Principe de non-discrimination»

Dans l’affaire C‑295/12 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 13 juin 2012,

Telefónica SA, établie à Madrid (Espagne),

Telefónica de España SAU, établie à Madrid,

représentées par Mes F. González Díaz et B. Holles, abogados,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par MM. F. Castillo de la Torre, É. Gippini Fournier et C. Urraca Caviedes, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

France Telecom España SA, établie à Pozuelo de Alarcón (Espagne), représentée par Mes H. Brokelmann et M. Ganino, abogados,

Asociación de Usuarios de Servicios Bancarios (Ausbanc Consumo), établie à Madrid, représentée par Mes L. Pineda Salido et I. Cámara Rubio, abogados,

European Competitive Telecommunications Association, établie à Wokingham (Royaume-Uni), représentée par Mes A. Salerno et B. Cortese, avvocati,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. E. Juhász, A. Rosas, D. Šváby et C. Vajda (rapporteur), juges,

avocat général: M. M. Wathelet,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 mai 2013,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 26 septembre 2013,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, Telefónica SA et Telefónica de España SAU (ci-après, ensemble, les «requérantes») demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Telefónica et Telefónica de España/Commission (T‑336/07, EU:T:2012:172, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté leur recours tendant à l’annulation de la décision C(2007) 3196 final de la Commission, du 4 juillet 2007, relative à une procédure d’application de l’article 82 [CE] (affaire COMP/38.784 – Wanadoo España contre Telefónica) (ci-après la «décision litigieuse») ainsi que leur demande subsidiaire d’annulation ou de réduction du montant de l’amende qui leur a été infligée par cette décision.

 Le cadre juridique

 Le règlement no 17

2        La période infractionnelle s’étend des mois de septembre 2001 à décembre 2006. Or, à la date du 1er mai 2004, le règlement no 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81 CE] et [82 CE] (JO 1962, 13, p. 204), a été abrogé et remplacé par le règlement (CE) no 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [101 TFUE] et [102 TFUE] (JO 2003, L 1, p. 1).

3        Par conséquent, le règlement no 17 était applicable aux faits de l’espèce jusqu’au 1er mai 2004, date à laquelle le règlement no 1/2003 est devenu applicable. Il convient toutefois de relever que les dispositions pertinentes du règlement no 1/2003 sont, en substance, identiques à celles du règlement no 17.

4        L’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 disposait:

«La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes de mille unités de compte au moins et d’un million d’unités de compte au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a)      elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [81], paragraphe 1, [CE] ou de l’article [82 CE], ou

[...]

Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.»

5        L’article 17 du règlement no 17 prévoyait:

«La Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction au sens de l’article [229 CE] sur les recours intentés contre les décisions par lesquelles la Commission fixe une amende ou une astreinte; elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée.»

 Le règlement no 1/2003

6        L’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, qui a remplacé l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17, prévoit:

«La Commission peut, par voie de décision, infliger des amendes aux entreprises et associations d’entreprises lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a)      elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [101 TFUE] ou [102 TFUE],

[...]

Pour chaque entreprise et association d’entreprises participant à l’infraction, l’amende n’excède pas 10 % de son chiffre d’affaires total réalisé au cours de l’exercice social précédent.

[...]»

7        L’article 31 du règlement no 1/2003, qui a remplacé l’article 17 du règlement no 17, dispose:

«La Cour de justice statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte. Elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée.»

 Les lignes directrices de 1998

8        Les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement no 17 et de l’article 65 paragraphe 5 [CECA] (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les «lignes directrices de 1998») disposent, à leur point 1, A, consacré à l’évaluation du caractère de gravité de l’infraction:

«A. Gravité

L’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné.

Les infractions seront ainsi classées en trois catégories permettant de distinguer les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves.

–        Infractions peu graves:

[...]

Montants envisageables: de 1 000 à 1 million d’[euros].

–        Infractions graves:

[...]

Montants envisageables: de 1 million à 20 millions d’[euros].

–        Infractions très graves:

il s’agira pour l’essentiel de restrictions horizontales de type ‘cartels de prix’ et de quotas de répartition des marchés, ou autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux ou d’abus caractérisés de position dominante d’entreprises en situation de quasi-monopole [...]

Montants envisageables: au-delà de 20 millions d’[euros].»

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

9        Le Tribunal a résumé les antécédents du litige comme suit aux points 3 à 29 de l’arrêt attaqué:

«3      Le 11 juillet 2003, Wanadoo España SL (devenue France Telecom España SA) (ci-après ‘France Telecom’) a adressé une plainte à la Commission des Communautés européennes, alléguant que la marge entre les prix de gros que les filiales de Telefónica appliquaient à leurs concurrents pour la fourniture en gros d’accès à haut débit en Espagne et les prix de détail qu’elles appliquaient aux utilisateurs finals n’était pas suffisante pour que les concurrents de Telefónica puissent lui faire concurrence (considérant 26 de la décision [litigieuse]).

[...]

6      Le 4 juillet 2007, la Commission a adopté la décision [litigieuse], qui fait l’objet du présent recours.

7      En premier lieu, dans la décision [litigieuse], la Commission a identifié trois marchés de produits en cause, soit un marché de détail de haut débit et deux marchés de gros de haut débit (considérants 145 à 208 de la décision [litigieuse]).

8      Le marché de détail en cause comprend, selon la décision [litigieuse], tous les produits à haut débit non différenciés, qu’ils soient fournis par ADSL (Asymetric Digital Subscriber Line, ligne numérique à paire asymétrique) ou par toute autre technologie, commercialisés sur le ‘marché grand public’ à l’attention des utilisateurs résidentiels et non résidentiels. En revanche, il ne comprend pas les services d’accès à haut débit sur mesure ciblant principalement les ‘grands comptes’ (considérant 153 de la décision [litigieuse]).

9      S’agissant des marchés de gros, la Commission a indiqué que trois principales offres de gros étaient disponibles, à savoir une offre de référence pour le dégroupage de la boucle locale, commercialisée uniquement par Telefónica, une offre de gros régionale (GigADSL, ci-après le ‘produit de gros régional’), également commercialisée uniquement par Telefónica, et plusieurs offres de gros nationales commercialisées tant par Telefónica (ADSL-IP et ADSL-IP Total, ci-après le ‘produit de gros national’) que par les autres opérateurs sur la base du dégroupage de la boucle locale et/ou du produit de gros régional (considérant 75 de la décision [litigieuse]).

[...]

14      La Commission a conclu que les marchés de gros en cause aux fins de la décision [litigieuse] comprenaient le produit de gros régional et le produit de gros national, à l’exclusion des services de gros par câble et des technologies différentes de l’ADSL (considérants 6 et 208 de la décision [litigieuse]).

15      Les marchés géographiques pertinents de gros et de détail sont, selon la décision [litigieuse], de dimension nationale (territoire espagnol) (considérant 209 de la décision [litigieuse]).

16      En deuxième lieu, la Commission a constaté que Telefónica occupait une position dominante sur les deux marchés de gros en cause (considérants 223 à 242 de la décision [litigieuse]). Ainsi, pendant la période considérée, Telefónica aurait détenu le monopole de la fourniture du produit de gros régional et plus de 84 % du marché du produit de gros national (considérants 223 et 235 de la décision [litigieuse]). Selon la décision [litigieuse] (considérants 243 à 277), Telefónica serait également en position dominante sur le marché de détail.

17      En troisième lieu, la Commission a examiné si Telefónica avait abusé de sa position dominante sur les marchés en cause (considérants 278 à 694 de la décision [litigieuse]). À cet égard, la Commission a considéré que Telefónica avait enfreint l’article [102 TFUE] en imposant des prix inéquitables à ses concurrents sous la forme d’un ciseau tarifaire entre les prix de l’accès à haut débit de détail sur le marché ‘grand public’ espagnol et les prix de l’accès à haut débit de gros aux niveaux régional et national, durant la période comprise entre septembre 2001 et décembre 2006 (considérant 694 de la décision [litigieuse]).

[...]

24      En quatrième lieu, la Commission a constaté que, en l’espèce, les échanges entre États membres étaient affectés, puisque la politique tarifaire de Telefónica concernait les services d’accès d’un opérateur en position dominante qui couvraient l’ensemble du territoire espagnol, lequel constitue une partie substantielle du marché intérieur (considérants 695 à 697 de la décision [litigieuse]).

25      Aux fins du calcul du montant de l’amende, la Commission a fait application, dans la décision [litigieuse], de la méthodologie exposée dans [les lignes directrices de 1998].

26      Premièrement, la Commission a évalué la gravité et l’impact de l’infraction ainsi que la taille du marché géographique en cause. Tout d’abord, s’agissant de la gravité de l’infraction, elle a considéré qu’il s’agissait d’un abus caractérisé de la part d’une entreprise détenant une position virtuellement monopolistique, devant être qualifié de ‘très grave’ au regard des lignes directrices de 1998 (considérants 739 à 743 de la décision [litigieuse]). Aux considérants 744 à 750 de la décision [litigieuse], la Commission distingue notamment la présente affaire de la décision 2003/707/CE de la Commission, du 21 mai 2003, relative à une procédure d’application de l’article [102 TFUE] (Affaire COMP/C 1/37.451, 37.578, 37.579 – Deutsche Telekom AG) (JO L 263, p. 9, ci-après la ‘décision Deutsche Telekom’), dans laquelle l’abus de Deutsche Telekom consistant également en une compression des marges n’avait pas été qualifié de ‘très grave’ au sens des lignes directrices de 1998. Ensuite, pour ce qui concerne l’impact de l’infraction constatée, la Commission a tenu compte du fait que les marchés en cause étaient d’une valeur économique considérable, qu’ils jouaient un rôle crucial dans la mise en place de la société de l’information et que l’impact de l’abus de Telefónica sur le marché de détail avait été significatif (considérants 751 et 753 de la décision [litigieuse]). Enfin, s’agissant de la taille du marché géographique en cause, la Commission a notamment relevé que le marché espagnol du haut débit était le cinquième plus grand marché national du haut débit dans l’Union européenne et que, si les cas de ciseau tarifaire étaient nécessairement circonscrits à un seul État membre, il empêchait les opérateurs issus d’autres États membres d’entrer sur un marché en forte croissance (considérants 754 et 755 de la décision [litigieuse]).

27      Selon la décision [litigieuse], le montant de départ de l’amende, de 90 000 000 euros, tient compte du fait que la gravité de la pratique abusive s’est précisée au fil de la période considérée et, plus particulièrement, après l’adoption de la décision Deutsche Telekom (considérants 756 et 757 de la décision [litigieuse]). Un facteur multiplicateur de 1,25 a été appliqué audit montant pour tenir compte de la capacité économique significative de Telefónica et pour assurer à l’amende un caractère suffisamment dissuasif, en sorte que le montant de départ de l’amende a été porté à 112 500 000 euros (considérant 758 de la décision [litigieuse]).

28      Deuxièmement, l’infraction ayant duré de septembre 2001 à décembre 2006, soit cinq ans et quatre mois, la Commission a majoré le montant de départ de l’amende de 50 %. Le montant de base de l’amende a ainsi été porté à 168 750 000 euros (considérants 759 à 761 de la décision [litigieuse]).

29      Troisièmement, au vu des éléments de preuve disponibles, la Commission a considéré que l’existence de certaines circonstances atténuantes pouvait être retenue en l’espèce dès lors que l’infraction avait à tout le moins été commise par négligence. Une réduction du montant de l’amende de 10 % a ainsi été accordée à Telefónica, ce qui a porté le montant de l’amende à 151 875 000 euros (considérants 765 et 766 de la décision [litigieuse]).»

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er octobre 2007, les requérantes ont introduit un recours tendant, à titre principal, à l’annulation de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, à l’annulation ou la réduction du montant de l’amende infligée par la Commission.

11      Au soutien de leurs conclusions principales les requérantes ont invoqué six moyens, tirés respectivement d’une violation des droits de la défense, d’erreurs de fait et de droit dans la définition des marchés de gros en cause, d’erreurs de fait et de droit dans l’établissement de leur position dominante sur les marchés en cause, d’erreurs de droit dans l’application de l’article [102 TFUE] en ce qui concerne leur comportement abusif, d’erreurs de fait et/ou d’erreurs d’appréciation des faits et d’erreurs de droit en ce qui concerne leur comportement abusif ainsi que son impact anticoncurrentiel et, enfin, d’une application ultra vires de l’article [102 TFUE] et d’une violation des principes de subsidiarité, de proportionnalité, de sécurité juridique, de coopération loyale et de bonne administration.

12      Au soutien de leurs conclusions présentées à titre subsidiaire, les requérantes ont invoqué deux moyens. Le premier moyen était tiré d’erreurs de fait et de droit ainsi que d’une violation de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, et des principes de sécurité juridique et de confiance légitime. Le deuxième moyen, formulé à titre plus subsidiaire, était tiré d’erreurs de fait et de droit ainsi que d’une violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement, d’individualisation des peines et de l’obligation de motivation, lors de la détermination du montant de l’amende.

13      Par ordonnances, respectivement, des 31 juillet 2008 et 28 février 2011, l’Asociación de usuarios de servicios bancarios (Ausbanc Consumo) (ci-après «Ausbanc Consumo») et France Telecom, d’une part, ainsi que l’European Competitive Telecommunications Association (ci-après l’«ECTA»), d’autre part, ont été admises à intervenir à l’appui des conclusions de la Commission.

14      Le Tribunal a rejeté chacun de ces moyens et le recours dans son ensemble.

 Les conclusions des parties devant la Cour

15      Les requérantes demandent à la Cour:

–        À titre principal:

–        d’annuler totalement ou partiellement l’arrêt attaqué;

–        sur la base des éléments dont elle dispose, d’annuler totalement ou partiellement la décision litigieuse;

–        d’annuler ou de réduire l’amende en vertu de l’article 261 TFUE;

–        d’annuler ou de réduire l’amende au titre de la durée injustifiée de la procédure devant le Tribunal, et

–        de condamner la Commission ainsi que les parties intervenantes tant à la présente procédure qu’à la procédure devant le Tribunal aux dépens.

–        À titre subsidiaire, si l’état de la procédure ne le permet pas:

–        d’annuler l’arrêt attaqué et renvoyer l’affaire devant ce dernier afin qu’il statue à la lumière des points de droit arrêtés par la Cour;

–        d’annuler ou de réduire l’amende en vertu de l’article 261 TFUE, et

–        de condamner la Commission ainsi que les parties intervenantes tant à la présente procédure qu’à la procédure devant le Tribunal aux dépens.

–        En tout état de cause, d’autoriser, en vertu de l’article 15 TFUE, l’accès à la transcription littérale ou à l’enregistrement de l’audience qui s’est tenue devant le Tribunal le 23 mai 2011, ainsi que la tenue d’une audience.

16      La Commission demande à la Cour:

–        de déclarer le pourvoi irrecevable en tout ou en partie ou le rejeter comme non fondé;

–        à titre subsidiaire, si le pourvoi devait être accueilli, de rejeter en tout état de cause le recours en annulation contre la décision litigieuse, et

–        de condamner les requérantes aux dépens de l’instance.

17      Ausbanc Consumo demande à la Cour:

–        de rejeter le pourvoi et de confirmer dans sa totalité l’arrêt attaqué;

–        de condamner les requérantes aux dépens, et

–        d’accorder en toute hypothèse, en vertu de l’article 15 TFUE, l’accès à la transcription littérale ou à l’enregistrement de l’audience qui s’est tenue devant le Tribunal le 23 mai 2011.

18      France Telecom demande à la Cour:

–        de rejeter, dans son intégralité, le pourvoi;

–        de condamner les requérantes aux dépens tant de la présente instance que de celle introduite devant le Tribunal, et

–        de tenir une audience.

19      L’ECTA demande à la Cour:

–        de rejeter le pourvoi;

–        de rejeter également les conclusions présentées par les requérantes à titre subsidiaire visant à obtenir l’annulation de l’amende ou la réduction de son montant, et

–        de condamner les requérantes aux dépens.

 Sur le pourvoi

20      À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent dix moyens d’annulation à l’encontre de l’arrêt attaqué.

21      À titre liminaire, il convient d’examiner l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission à l’encontre de l’ensemble du pourvoi ainsi que les demandes d’accès à la transcription littérale ou à l’enregistrement sonore de l’audience du Tribunal formées par les requérantes et Ausbanc Consumo.

 Sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission à l’encontre de l’ensemble du pourvoi

22      La Commission excipe de l’irrecevabilité du pourvoi, en invoquant les arguments suivants.

23      Premièrement, la Commission souligne que le pourvoi est extrêmement long et répétitif et énonce fréquemment plusieurs moyens à chaque page, de sorte que le pourvoi semble contenir plusieurs centaines de moyens, ce qui constituerait «un record» dans l’histoire contentieuse de l’Union.

24      Deuxièmement, le pourvoi viserait presque systématiquement à obtenir un nouvel examen des faits, sous le couvert d’allégations selon lesquelles le Tribunal a appliqué un «critère juridique erroné».

25      Troisièmement, les moyens seraient trop souvent présentés comme de simples affirmations dénuées de toute motivation.

26      Quatrièmement, la Commission considère que les requérantes, d’une part, critiquent souvent la décision litigieuse et non l’arrêt attaqué et, d’autre part, lorsque ces critiques concernent l’arrêt attaqué, n’identifient pratiquement jamais les passages ou les points précis de celui-ci qui contiennent prétendument des erreurs de droit.

27      Cinquièmement, la Commission fait valoir qu’il lui a été extrêmement difficile, voire impossible, d’exercer ses droits de la défense dans le cadre d’un pourvoi formulé de façon aussi confuse et inintelligible, et invite dès lors la Cour à déclarer irrecevable le pourvoi dans son intégralité.

28      À titre subsidiaire, la Commission estime que, même dans les rares occasions où, par leur pourvoi, les requérantes soulèvent une question de droit, leurs arguments vont manifestement à l’encontre de la jurisprudence de la Cour. Elle invite dès lors la Cour à constater le caractère manifestement non fondé du pourvoi par voie d’ordonnance motivée.

29      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il résulte de l’article 256 TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, ainsi que de l’article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de celle-ci en vigueur à la date d’introduction du présent pourvoi, qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (voir, notamment, arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, EU:C:2005:408, point 426, ainsi que Deutsche Telekom/Commission, C‑280/08 P, EU:C:2010:603, point 24).

30      Ainsi, ne répond pas à ces exigences et doit être déclaré irrecevable un moyen dont l’argumentation n’est pas suffisamment claire et précise pour permettre à la Cour d’exercer son contrôle de la légalité, notamment parce que les éléments essentiels sur lesquels le moyen est fondé ne ressortent pas de façon suffisamment cohérente et compréhensible du texte de ce pourvoi, qui est formulé de manière obscure et ambiguë à cet égard (voir, en ce sens, arrêt Thyssen Stahl/Commission, C‑194/99 P, EU:C:2003:527, points 105 et 106, ainsi que Arkema/Commission, C‑520/09 P, EU:C:2011:619, point 61 et jurisprudence citée). La Cour a également jugé que devait être rejeté comme étant manifestement irrecevable un pourvoi dépourvu de structure cohérente, se limitant à des affirmations générales et ne comportant pas d’indications précises relatives aux points de l’ordonnance attaquée qui seraient éventuellement entachés d’une erreur de droit (voir ordonnance Weber/Commission, C‑107/07 P, EU:C:2007:741, points 26 à 28).

31      Quant au pourvoi introduit par les requérantes, il y a lieu de constater, comme le souligne la Commission, qu’il comporte un grand nombre de moyens et d’arguments devant être considérés comme irrecevables. Toutefois, il ne peut être considéré que le présent pourvoi est irrecevable dans son ensemble. En effet, un certain nombre de moyens soulevés dans le pourvoi identifient avec la précision requise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué et exposent avec une clarté suffisante les arguments juridiques invoqués. Par conséquent, il y a lieu, nonobstant les défaillances constatées ci-après, de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission à l’encontre de l’ensemble du pourvoi.

 Sur les demandes d’accès à la transcription littérale ou à l’enregistrement sonore de l’audience devant le Tribunal

32      Les requérantes et Ausbanc Consumo ont demandé l’accès, en vertu de l’article 15 TFUE, à la transcription littérale ou à l’enregistrement sonore de l’audience qui s’est tenue devant le Tribunal le 23 mai 2011.

33      À cet égard, l’article 169, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour dispose que les conclusions du pourvoi tendent à l’annulation, totale ou partielle, de la décision du Tribunal telle qu’elle figure au dispositif de cette décision.

34      Or, les demandes d’accès des requérantes et d’Ausbanc Consumo ne tendent pas à l’annulation, totale ou partielle, de l’arrêt attaqué. En outre, ces parties n’expliquent pas à quelles fins elles souhaitent avoir accès à la transcription littérale ou à l’enregistrement sonore de l’audience qui s’est tenue devant le Tribunal le 23 mai 2011 ni dans quelle mesure un éventuel accès à ces documents pourrait leur être utile aux fins de leurs conclusions visant respectivement l’annulation de l’arrêt attaqué et le rejet du pourvoi.

35      Dès lors, il y a lieu de rejeter les demandes d’accès formulées par les requérantes et Ausbanc Consumo comme étant irrecevables.

 Sur l’argument tiré de la violation par le Tribunal de son obligation d’exercer un contrôle de pleine juridiction

36      Par la cinquième branche de leur cinquième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a violé son obligation d’exercer un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH») en ce qui concerne l’appréciation de l’abus de position dominante et de ses effets sur la concurrence.

37      En outre, les requérantes réitèrent à de nombreuses reprises cet argument selon lequel le Tribunal aurait méconnu son obligation d’exercer un contrôle de pleine juridiction en ce qui concerne l’établissement de l’infraction, notamment dans le cadre de leurs deuxième et troisième moyens.

38      Dans la mesure où ces arguments sont identiques ou se recoupent largement, il y a lieu de les examiner conjointement et préalablement aux autres moyens.

39      À titre liminaire, il convient de rappeler les caractéristiques essentielles des voies de recours prévues par le droit de l’Union en vue de garantir une protection juridictionnelle effective aux entreprises qui font l’objet d’une décision de la Commission leur infligeant une amende en raison d’une infraction aux règles de la concurrence.

40      Le principe de protection juridictionnelle effective constitue un principe général du droit de l’Union qui est maintenant exprimé à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»), lequel correspond dans le droit de l’Union à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH (voir arrêts Chalkor/Commission, C‑386/10 P, EU:C:2011:815, point 51; Otis e.a., C‑199/11, EU:C:2012:684, point 47, ainsi que Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 36).

41      Il y a lieu de rappeler que, si, comme le confirme l’article 6, paragraphe 3, TUE, les droits fondamentaux reconnus par la CEDH font partie du droit de l’Union en tant que principes généraux et si l’article 52, paragraphe 3, de la Charte impose de donner aux droits contenus dans celle-ci correspondant à des droits garantis par la CEDH le même sens et la même portée que ceux que leur confère ladite convention, cette dernière ne constitue pas, tant que l’Union n’y a pas adhéré, un instrument juridique formellement intégré à l’ordre juridique de l’Union (voir arrêt Schindler Holding e.a./Commission, EU:C:2013:522, point 32).

42      Selon une jurisprudence constante, le droit de l’Union prévoit un système de contrôle juridictionnel des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application de l’article 102 TFUE qui offre toutes les garanties requises par l’article 47 de la Charte (voir, en ce sens, arrêts Chalkor/Commission, EU:C:2011:815, point 67, ainsi que Otis e.a., EU:C:2012:684, points 56 et 63). Ce système de contrôle juridictionnel consiste en un contrôle de légalité des actes des institutions établi à l’article 263 TFUE, lequel peut être complété, en application de l’article 261 TFUE, par une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les sanctions prévues dans des règlements.

43      En ce qui concerne le contrôle de légalité des décisions de la Commission en matière de droit de la concurrence, l’article 263 TFUE dispose, en ses premier et deuxième alinéas, que la Cour contrôle la légalité des actes de la Commission destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers et est compétente, à cet effet, pour se prononcer sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application, ou détournement de pouvoir. En vertu de l’article 256 TFUE, le Tribunal exerce en première instance le contrôle de légalité des décisions de la Commission en matière de droit de la concurrence tel que prévu à l’article 263 TFUE.

44      Ce contrôle de légalité est complété par une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les amendes et les astreintes infligées par la Commission pour infraction aux règles de la concurrence, conformément à l’article 261 TFUE. L’article 17 du règlement no 17, remplacé par l’article 31 du règlement no 1/2003, dispose que la Cour statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte, ce qui implique qu’elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée.

45      Il résulte de ce qui précède que la portée du contrôle de légalité s’étend à l’ensemble des décisions de la Commission relatives aux procédures d’application de l’article 102 TFUE, alors que la portée de la compétence de pleine juridiction prévue à l’article 31 du règlement no 1/2003 est limitée aux éléments de telles décisions fixant une amende ou une astreinte.

46      Dans la mesure où la cinquième branche du cinquième moyen vise des éléments de la décision litigieuse qui portent sur l’établissement de l’infraction, il convient de comprendre l’argument des requérantes, tiré d’une violation de l’obligation d’exercer un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la Charte, en ce sens qu’il vise l’exercice en l’espèce, par le Tribunal, du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE.

47      En substance, les requérantes affirment que le Tribunal a violé son obligation d’exercer un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la Charte dans le cadre de l’appréciation de l’abus et de ses effets sur la concurrence. En particulier, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir rejeté leurs arguments après avoir constaté l’absence d’erreur manifeste de la part de la Commission, aux points 211, 220, 223, 244, 251 et 263 de l’arrêt attaqué. Les requérantes émettent trois griefs à cet égard.

48      Par un premier grief, les requérantes font valoir que le Tribunal a exercé un contrôle limité à l’erreur manifeste d’appréciation sur des éléments qui ne donnaient pas lieu à des appréciations économiques complexes.

49      Par un deuxième grief, les requérantes allèguent que le Tribunal s’est, à tort, limité au contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation pour éviter d’examiner si les preuves apportées par la Commission étayaient les conclusions qu’elle a tirées de son appréciation de la situation économique complexe conformément à l’arrêt Commission/Tetra Laval (C‑12/03 P, EU:C:2005:87, point 39).

50      Par un troisième grief, les requérantes allèguent que le Tribunal est tenu, même en présence de questions économiques complexes, d’opérer un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 6 de la CEDH tel qu’interprété par l’arrêt de la Cour EDH A. Menarini Diagnostics S.r.l. c. Italie (no 43509/08, 27 septembre 2011), dans lequel le critère de l’erreur manifeste d’appréciation n’a aucune place.

51      Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, le respect de l’article 6 de la CEDH n’exclut pas que, dans une procédure de nature administrative, une «peine» soit imposée d’abord par une autorité administrative. Il suppose cependant que la décision d’une autorité administrative ne remplissant pas elle-même les conditions prévues à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH subisse le contrôle ultérieur d’un organe judiciaire de pleine juridiction (arrêts de la Cour EDH, Segame SA c. France, no 4837/06, § 55, CEDH 2012, et A. Menarini Diagnostics c. Italie, précité, § 59).

52      Il ressort également de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que, parmi les caractéristiques d’un organe judiciaire de pleine juridiction, figure le pouvoir de réformer en tous points, en fait comme en droit, la décision entreprise. Un tel organe doit notamment avoir compétence pour se pencher sur toutes les questions de fait et de droit pertinentes pour le litige dont il se trouve saisi (voir, notamment, arrêt de la Cour EDH, A. Menarini Diagnostics c. Italie, précité, § 59, ainsi que arrêt Schindler Holding e.a./Commission, EU:C:2013:522, point 35).

53      Or, il ressort d’une jurisprudence constante que le contrôle de légalité instauré à l’article 263 TFUE implique que le juge de l’Union exerce un contrôle, tant de droit que de fait, des arguments invoqués par les requérantes à l’encontre de la décision litigieuse et qu’il ait le pouvoir d’apprécier les preuves, d’annuler ladite décision et de modifier le montant des amendes (voir, en ce sens, arrêt Schindler Holding e.a./Commission, EU:C:2013:522, point 38 ainsi que jurisprudence citée).

54      Ainsi, la Cour a déjà eu l’occasion de souligner que, si, dans les domaines donnant lieu à des appréciations économiques complexes, la Commission dispose d’une marge d’appréciation en matière économique, cela n’implique pas que le juge de l’Union doive s’abstenir de contrôler l’interprétation, par la Commission, de données de nature économique. En effet, le juge de l’Union doit, notamment, non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêts Commission/Tetra Laval, EU:C:2005:87, point 39; Chalkor/Commission, EU:C:2011:815, point 54, ainsi que Otis e.a., EU:C:2012:684, point 59).

55      Par ailleurs, l’absence de contrôle d’office de l’ensemble de la décision litigieuse ne viole pas le principe de protection juridictionnelle effective. Il n’est pas indispensable au respect de ce principe que le Tribunal, certes tenu de répondre aux moyens soulevés et d’exercer un contrôle tant de droit que de fait, soit tenu de procéder d’office à une nouvelle instruction complète du dossier (arrêts Chalkor/Commission, EU:C:2011:815, point 66, ainsi que Kone e.a./Commission, EU:C:2013:696, point 32).

56      Ainsi, le juge de l’Union doit effectuer le contrôle de légalité sur la base des éléments apportés par le requérant au soutien des moyens invoqués, et ne saurait s’appuyer sur la marge d’appréciation dont dispose la Commission en ce qui concerne l’évaluation de ces éléments pour renoncer à exercer un contrôle approfondi tant de droit que de fait (voir, en ce sens, arrêts Chalkor/Commission, EU:C:2011:815, point 62, ainsi que Schindler Holding e.a./Commission, EU:C:2013:522, point 37).

57      Eu égard à ces caractéristiques, le contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE satisfait aux exigences du principe de protection juridictionnelle effective qui figure à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, lequel correspond dans le droit de l’Union à l’article 47 de la Charte (voir, en ce sens, arrêts Chalkor/Commission, EU:C:2011:815, point 67; Otis e.a., EU:C:2012:684, point 56, ainsi que Schindler Holding e.a./Commission, EU:C:2013:522, point 38).

58      En l’espèce, les requérantes se limitent à soutenir, par une affirmation générale, que le Tribunal a commis une erreur de droit dans son examen des preuves apportées par la Commission sans préciser la nature de cette éventuelle erreur, notamment par rapport aux conditions posées au point 54 du présent arrêt. Ainsi, elles ne font pas valoir que le Tribunal aurait omis de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité ou leur cohérence ni que les éléments contrôlés par le Tribunal ne constituaient pas l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation économique complexe. En outre, elles n’expliquent pas de quelle manière le Tribunal aurait commis une erreur de droit dans les conclusions tirées aux points 211, 220, 223, 244, 251 et 263 de l’arrêt attaqué et dans le raisonnement y afférent.

59      En tout état de cause, il y a lieu de relever que, dans l’exercice du contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE, le Tribunal ne s’est pas limité à vérifier l’existence d’erreurs manifestes d’appréciations, mais a effectivement procédé à un contrôle approfondi, en droit et en fait, de la décision litigieuse à la lumière des moyens soulevés par les requérantes, satisfaisant ainsi aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la Charte (voir, en ce sens, arrêts Chalkor/Commission, EU:C:2011:815, point 82, ainsi que KME e.a./Commission, C‑272/09 P, EU:C:2011:810, point 109).

60      Partant, il y a lieu de rejeter l’argument selon lequel le Tribunal aurait méconnu son obligation d’exercer un contrôle de pleine juridiction en ce qui concerne l’établissement de l’infraction ainsi que la cinquième branche du cinquième moyen comme étant non fondés.

 Sur les premier et neuvième moyens, tirés de la violation des droits de la défense

61      Par leur premier moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a violé les droits de la défense. Ce moyen comporte quatre branches.

62      Le neuvième moyen soulevé par les requérantes est tiré de la durée excessive de la procédure devant le Tribunal. Compte tenu du fait qu’il reproduit presque à l’identique une partie des développements exposés dans la première branche du premier moyen, il convient de les examiner conjointement.

 Sur la première branche du premier moyen et sur le neuvième moyen, tirés de la durée disproportionnée de la procédure

63      Par la première branche de leur premier moyen et leur neuvième moyen, les requérantes affirment que la durée de la procédure devant le Tribunal est disproportionnée, ce qui violerait leur droit fondamental à une protection juridictionnelle effective dans un délai raisonnable garanti par les articles 47 de la Charte et 6 de la CEDH.

64      Si les requérantes demandent l’annulation de l’arrêt attaqué et, subsidiairement, une annulation de cet arrêt en ce qu’il a confirmé l’amende qui leur a été infligée ou une réduction du montant de celle-ci, il y a lieu de relever que, en l’absence de tout indice selon lequel la durée excessive de la procédure devant le Tribunal aurait eu une incidence sur la solution du litige, le non-respect d’un délai de jugement raisonnable ne saurait conduire à l’annulation de l’arrêt attaqué. En effet, en l’absence d’incidence sur la solution du litige du non-respect d’un délai de jugement raisonnable, l’annulation de l’arrêt attaqué ne remédierait pas à la violation, par le Tribunal, du principe de protection juridictionnelle effective (arrêts Gascogne Sack Deutschland/Commission, C‑40/12 P, EU:C:2013:768, points 81 et 82; Kendrion/Commission, C‑50/12 P, EU:C:2013:771, points 82 et 83, ainsi que Groupe Gascogne/Commission, C‑58/12 P, EU:C:2013:770, points 81 et 82).

65      En l’espèce, les requérantes n’ont fourni à la Cour aucun indice de nature à laisser apparaître que le non-respect, par le Tribunal, d’un délai de jugement raisonnable a pu avoir une incidence sur la solution du litige dont ce dernier était saisi. Notamment, leur argumentation selon laquelle la durée de la procédure les a empêchées de former un pourvoi avant le prononcé de l’arrêt TeliaSonera Sverige (C‑52/09, EU:C:2011:83) ne permet pas de conclure que la solution du litige dont le Tribunal était saisi dans la présente affaire aurait pu être différente.

66      Dans la mesure où les requérantes demandent, à titre subsidiaire, à la Cour de réduire le montant de l’amende qui leur a été infligée, il convient de rappeler qu’une violation, par une juridiction de l’Union, de son obligation résultant de l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte de juger les affaires qui lui sont soumises dans un délai raisonnable doit trouver sa sanction dans un recours en indemnité porté devant le Tribunal, un tel recours constituant un remède effectif. Ainsi, une demande visant à obtenir réparation du préjudice causé par le non-respect, par le Tribunal, d’un délai de jugement raisonnable ne peut être soumise directement à la Cour dans le cadre d’un pourvoi, mais doit être introduite devant le Tribunal lui-même (arrêts Gascogne Sack Deutschland/Commission, EU:C:2013:768, points 86 à 90; Kendrion/Commission, EU:C:2013:771, points 91 à 95, ainsi que Groupe Gascogne/Commission, EU:C:2013:770, points 80 à 84).

67      Le Tribunal, compétent en vertu de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, et saisi d’une demande d’indemnité, est tenu de statuer sur une telle demande dans une formation différente de celle ayant eu à connaître du litige qui a donné lieu à la procédure dont la durée est critiquée (arrêt Groupe Gascogne/Commission, EU:C:2013:770, point 90).

68      Dans le cas d’espèce, la requête ne contient pas les informations nécessaires sur le déroulement de la procédure en première instance pour permettre à la Cour de se prononcer sur le caractère déraisonnable de la durée de ladite procédure.

69      Il résulte des considérations qui précèdent que la première branche du premier moyen et le neuvième moyen doivent être rejetés.

 Sur la deuxième branche du premier moyen, tirée d’erreurs de droit dans le constat de l’irrecevabilité de certains arguments contenus dans des annexes

70      Par la deuxième branche de leur premier moyen, les requérantes estiment que le Tribunal a commis une erreur de droit en ayant, d’une part, aux points 62 et 63 de l’arrêt attaqué, jugé que les annexes de la requête introductive d’instance et du mémoire en réplique ne sont prises en considération que dans la mesure où elles étayent ou complètent des moyens ou des arguments expressément invoqués dans le corps de leurs écritures et, d’autre part, aux points 231, 250 et 262 de cet arrêt, déclarés irrecevables, en application du principe préalablement énoncé, certains arguments contenus dans ces annexes et relatifs au calcul de la valeur terminale, à la longévité moyenne de la clientèle et à la double comptabilisation de plusieurs postes de coûts.

71      Il convient de relever que, auxdits points, le Tribunal a appliqué la règle de procédure, rappelée au point 58 de l’arrêt attaqué et inscrite à l’article 21 du statut de la Cour de justice et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, selon laquelle les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels se fonde un recours doivent ressortir, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte même de la requête, comme le souligne M. l’avocat général au point 26 de ses conclusions.

72      En ce qui concerne l’argument des requérantes selon lequel le Tribunal ne pouvait exiger d’elles qu’elles intègrent dans leur requête tous les calculs économiques servant de fondement à leurs arguments, force est de constater qu’elles n’identifient pas avec la précision requise quelle erreur de droit aurait été commise par le Tribunal. Dès lors, ledit argument doit être rejeté comme étant irrecevable en application de la jurisprudence rappelée aux points 29 et 30 du présent arrêt.

73      Par conséquent, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du premier moyen comme étant, pour partie, non fondée et, pour partie, irrecevable.

 Sur la troisième branche du premier moyen, tirée d’erreurs de droit dans le constat d’irrecevabilité des arguments relatifs au caractère non indispensable des infrastructures d’accès national et régional

74      Par la troisième branche de leur premier moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal, au point 182 de l’arrêt attaqué, a dénaturé les faits et violé les droits de la défense en jugeant qu’elles n’avaient pas invoqué le caractère non indispensable des produits de gros dans le cadre de l’appréciation des effets de leur comportement.

75      Il y a lieu de constater que cet argument est inopérant, comme le souligne également M. l’avocat général au point 27 de ses conclusions, dès lors que l’invocation du caractère non indispensable des produits de gros par les requérantes s’inscrivait dans une argumentation plus large invitant le Tribunal à appliquer les critères établis par la Cour dans l’arrêt Bronner (C‑7/97, EU:C:1998:569), dans le cadre d’un refus abusif de fourniture. Or, ainsi que cela ressort des points 180 et 181 de l’arrêt attaqué, le comportement abusif reproché aux requérantes, qui consiste en un ciseau tarifaire, constitue une forme autonome d’abus différent du refus de fourniture, de sorte que les critères établis dans l’arrêt Bronner (EU:C:1998:569) n’étaient pas applicables en l’espèce (arrêt TeliaSonera Sverige, C‑52/09, EU:C:2011:83, points 55 à 58).

76      Par conséquent, il convient de rejeter la troisième branche du premier moyen comme étant inopérante.

 Sur la quatrième branche du premier moyen, tirée d’une violation des droits de la défense et de la présomption d’innocence

77      Par la quatrième branche de leur premier moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a violé les droits de la défense et la présomption d’innocence en jugeant, en ce qui concerne certains arguments figurant dans la décision litigieuse et qui n’auraient pas été invoqués par la Commission dans la communication des griefs, qu’il incombait aux requérantes de démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait été différent si ces arguments avaient été écartés.

78      Force est de constater que les arguments des requérantes à cet égard ne contiennent pas d’indications précises quant aux points de l’arrêt attaqué qui seraient éventuellement entachés d’une erreur de droit.

79      Par conséquent, et à la lumière de la jurisprudence constante rappelée aux points 29 et 30 du présent arrêt, il convient de rejeter la quatrième branche du premier moyen comme étant irrecevable.

80      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant pour partie irrecevable, pour partie inopérant et pour partie non fondé ainsi que le neuvième moyen comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’erreurs de droit dans la définition des marchés de gros en cause

81      Par leur deuxième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans la définition des marchés de gros en cause. La Commission, l’ECTA, France Telecom et Ausbanc Consumo excipent de l’irrecevabilité de ce moyen.

82      En premier lieu, force est de constater que les arguments introductifs dudit moyen n’identifient pas avec la précision requise une erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal, mais se composent d’affirmations générales et non étayées portant essentiellement sur la violation de la présomption d’innocence et des règles régissant la charge de la preuve, de sorte qu’ils doivent être rejetés comme étant irrecevables à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 29 et 30 du présent arrêt.

83      En deuxième lieu, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur, au point 117 de l’arrêt attaqué, qui porte sur une série d’appréciations factuelles au sujet des investissements considérables qu’implique l’utilisation du dégroupage de la boucle locale.

84      Or, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 256 TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour, le pourvoi contre les décisions du Tribunal est limité aux questions de droit. Il est de jurisprudence constante que le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits et, en principe, pour examiner les preuves qu’il retient à l’appui de ces faits. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêts Moser Baer India/Conseil, C‑535/06 P, EU:C:2009:498, point 32 et jurisprudence citée, ainsi que E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 64).

85      À la lumière de cette jurisprudence, il convient de rejeter comme étant irrecevable l’argumentation des requérantes portant sur les investissements nécessaires à l’utilisation du dégroupage de la boucle locale.

86      En troisième lieu, les requérantes contestent des appréciations factuelles effectuées aux points 115 et suivants de l’arrêt attaqué, au terme desquelles le Tribunal a conclu, au point 134 dudit arrêt, que c’est à bon droit que la Commission a exclu le dégroupage de la boucle locale du marché en cause en l’espèce. En particulier, les requérantes estiment erronée l’appréciation selon laquelle un opérateur doit disposer d’une masse critique pour réaliser les lourds investissements nécessaires à l’utilisation du dégroupage de la boucle locale.

87      En quatrième lieu, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis une erreur d’appréciation, en approuvant, au point 123 de l’arrêt attaqué, le raisonnement de la Commission selon lequel la substituabilité nécessaire aux fins de la définition du marché en cause doit se matérialiser à court terme. Selon les requérantes, le Tribunal a méconnu le fait que le test SSNIP («small but significant and non transitory increase in price», test de l’augmentation faible mais significative et non transitoire des prix) doit être appliqué dans un cadre temporel concret.

88      En cinquième lieu, les requérantes critiquent l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal aurait exclu l’existence d’une substituabilité asymétrique entre les produits de gros.

89      Dès lors que ces arguments visent à contester des appréciations factuelles réalisées par le Tribunal, il convient, à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 84 du présent arrêt, de les rejeter comme étant irrecevables.

90      Eu égard à ce qui précède, et comme le souligne M. l’avocat général au point 12 de ses conclusions, il y a lieu d’accueillir l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, l’ECTA, France Telecom et Ausbanc Consumo, et de rejeter le deuxième moyen dans son intégralité comme étant irrecevable.

 Sur le troisième moyen, tiré d’erreurs de droit dans l’appréciation de la position dominante

91      Par leur troisième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans l’établissement, aux points 146 et suivants de l’arrêt attaqué, de la prétendue position dominante de Telefónica et de ses filiales sur les marchés en cause. En particulier, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir fondé l’existence d’une position dominante sur la base de leurs parts de marché élevées sur les marchés en cause, à savoir 100 % sur le marché de gros régional et 84 % sur le marché de gros national, sans tenir compte des pressions concurrentielles effectives auxquelles elles auraient été soumises.

92      À cet égard, il suffit de constater que le Tribunal a examiné les allégations des requérantes visant à démontrer l’existence de pressions concurrentielles sur les marchés en cause aux points 156, 157 et 160 à 167 de l’arrêt attaqué, et a constaté qu’aucune d’entre elles n’était susceptible de remettre en cause l’existence de la position dominante qu’elles détenaient sur ces marchés.

93      Dans la mesure où, par leurs arguments, les requérantes cherchent à remettre en cause des appréciations factuelles du Tribunal, il convient, à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 84 du présent arrêt, de les rejeter comme étant irrecevables.

94      Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du droit de propriété et des principes de proportionnalité, de sécurité juridique et de légalité ainsi que de la méconnaissance de la jurisprudence issue de l’arrêt Bronner (EU:C:1998:569)

95      Par leur quatrième moyen, les requérantes allèguent que le Tribunal a erronément constaté qu’elles avaient enfreint l’article 102 TFUE alors que n’étaient pas réunis les éléments constitutifs d’un refus abusif de livrer définis par la Cour dans l’arrêt Bronner (EU:C:1998:569) et, en particulier, le caractère indispensable de l’intrant. Ce faisant, le Tribunal aurait violé le droit de propriété des requérantes ainsi que les principes de proportionnalité, de sécurité juridique et de légalité.

96      Ainsi que cela ressort du point 75 du présent arrêt, le Tribunal a relevé, aux points 180 et 181 de l’arrêt attaqué, que les critères établis par la Cour dans l’arrêt Bronner (EU:C:1998:569) concernaient un refus abusif de fourniture. Or, le comportement abusif reproché aux requérantes, qui consiste en un ciseau tarifaire, constitue une forme autonome d’abus différent du refus de fourniture (arrêt TeliaSonera Sverige, EU:C:2011:83, point 56), auquel ne sont pas applicables les critères établis dans l’arrêt Bronner (EU:C:1998:569) et, en particulier, le caractère indispensable de l’intrant.

97      Les requérantes font également valoir que la décision du Tribunal de ne pas appliquer les critères établis dans l’arrêt Bronner (EU:C:1998:569) entraînerait une violation de leur droit de propriété ainsi que des principes de proportionnalité, de sécurité juridique et de légalité.

98      Indépendamment du bien-fondé de telles allégations, force est de constater, comme le souligne la Commission, que celles-ci n’ont pas été présentées par les requérantes devant le Tribunal.

99      Or, selon une jurisprudence constante, un moyen présenté pour la première fois dans le cadre du pourvoi devant la Cour doit être rejeté comme étant irrecevable. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens qui ont été débattus devant lui. Or, permettre à une partie de soulever dans ce cadre un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, EU:C:2005:408, point 165 ainsi que jurisprudence citée).

100    Par conséquent, comme le constate M. l’avocat général au point 16 de ses conclusions, il convient de rejeter ces allégations comme étant irrecevables.

101    Eu égard à ce qui précède, le quatrième moyen doit être rejeté comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’erreurs de droit dans l’appréciation de l’abus et de ses effets sur la concurrence

102    Par leur cinquième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans son appréciation de l’abus et de ses effets sur la concurrence. Ce moyen comporte six branches.

103    La cinquième branche de ce cinquième moyen a déjà été examinée et a été rejetée comme étant non fondée au point 60 du présent arrêt.

 Sur la première branche du cinquième moyen, tirée d’erreurs de droit dans l’application du test de ciseau tarifaire

104    Au soutien de la première branche de leur cinquième moyen, tirée d’erreurs de droit dans l’application du test de ciseau tarifaire, les requérantes se bornent à résumer les deux tests de ciseau tarifaire appliqués par la Commission, les critiques exposées à cet égard dans leur requête introductive d’instance ainsi que les réponses apportées par le Tribunal.

105    Les requérantes n’identifiant à cet égard aucune erreur de droit commise par le Tribunal ni les points de l’arrêt attaqué qui seraient éventuellement entachés d’une telle erreur de droit, il y a lieu, à la lumière de la jurisprudence constante rappelée aux points 29 et 30 du présent arrêt, de rejeter la première branche du cinquième moyen comme étant irrecevable.

 Sur la deuxième branche du cinquième moyen, tirée d’erreurs dans le choix des intrants de gros

106    Par la deuxième branche de leur cinquième moyen, tirée d’erreurs dans le choix des intrants de gros, les requérantes font valoir que le Tribunal, aux points 200 à 211 de l’arrêt attaqué, a erronément examiné l’existence d’un ciseau tarifaire pour chaque produit de gros pris séparément, sans tenir compte du fait que les opérateurs alternatifs utilisaient une combinaison optimale de produits de gros, en ce compris le dégroupage de la boucle locale, ce qui leur permettrait de réduire leurs coûts.

107    Ainsi que le souligne la Commission, par ces arguments, les requérantes cherchent à remettre en cause des appréciations factuelles portées par le Tribunal en ce qui concerne la définition des marchés en cause et l’absence d’utilisation d’une telle combinaison optimale par les opérateurs alternatifs, en particulier aux points 202 et 210 de l’arrêt attaqué. Les requérantes allèguent également une dénaturation des faits, sans toutefois identifier les éléments du dossier qui auraient été dénaturés par le Tribunal. Par conséquent, il y a lieu, à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 84 du présent arrêt et comme le constate M. l’avocat général au point 18 de ses conclusions, de rejeter cet argument comme étant irrecevable.

108    En outre, contrairement à ce que font valoir les requérantes, le Tribunal n’a pas erronément renversé la charge de la preuve au point 210 de l’arrêt attaqué, mais s’est contenté de relever que les éléments sur lesquels la Commission a fondé sa décision, et qui n’ont pas été contestés par les requérantes, tendent à démontrer que les opérateurs alternatifs n’utilisaient pas une telle combinaison optimale pendant la période infractionnelle.

109    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du cinquième moyen comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondée.

 Sur les troisième et quatrième branches du cinquième moyen, tirées d’erreurs de droit dans l’examen de la méthode des FTA et de la méthode «période par période» utilisées par la Commission

110    Par la troisième branche de leur cinquième moyen, les requérantes allèguent que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit dans l’examen, aux points 212 à 232 de l’arrêt attaqué, de la méthode des FTA appliquée par la Commission dans la décision litigieuse.

111    Par la quatrième branche de leur cinquième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit dans l’examen, aux points 233 à 264 de l’arrêt attaqué, de la méthode «période par période» mise en œuvre par la Commission dans cette décision.

112    À cet égard, il ressort du point 213 de l’arrêt attaqué que, dans le cadre du calcul du ciseau tarifaire, la Commission a calculé la rentabilité des requérantes en utilisant ces deux méthodes, à savoir la méthode «période par période» ainsi que la méthode des FTA proposée par les requérantes, dans le but, notamment, «de s’assurer que la méthode proposée par les requérantes ne remettait pas en cause la conclusion relative à l’existence d’un ciseau tarifaire résultant de l’analyse ‘période par période’».

113    Il convient de constater que, sous couvert d’affirmations générales et non étayées de violation de la présomption d’innocence et de l’obligation de protection juridictionnelle effective, les requérantes cherchent en réalité à obtenir un nouvel examen des deux méthodes appliquées par la Commission pour calculer leur rentabilité.

114    Or, il découle de la jurisprudence rappelée au point 84 du présent arrêt que le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits et, en principe, pour examiner les preuves qu’il retient à l’appui de ces faits.

115    Par conséquent, et comme le propose M. l’avocat général au point 18 de ses conclusions, les troisième et quatrième branches du cinquième moyen doivent être rejetées comme étant irrecevables.

 Sur la sixième branche du cinquième moyen, tirée d’erreurs de droit dans l’examen des effets du comportement des requérantes sur le marché de détail

116    Par la sixième branche de leur cinquième moyen, les requérantes allèguent que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit dans le cadre de l’examen des effets de leur comportement sur le marché de détail.

117    Les requérantes soutiennent, dans le cadre d’un premier grief, que le Tribunal a erronément omis de prendre en considération le caractère non indispensable des intrants dans son examen des effets du comportement sur le marché de détail, méconnaissant ainsi les principes établis par la Cour dans l’arrêt TeliaSonera Sverige (EU:C:2011:83).

118    Ce grief doit être rejeté comme étant non fondé dès lors qu’il procède d’une lecture erronée du point 69 de l’arrêt TeliaSonera Sverige (EU:C:2011:83), dans lequel la Cour s’est limitée à indiquer que, dans le cadre de l’appréciation des effets de la compression des marges, le caractère indispensable du produit de gros peut être pertinent, de sorte que le Tribunal n’était pas tenu d’en tenir compte.

119    Ainsi, le Tribunal a fait usage de son pouvoir d’appréciation des faits, aux points 275 et 276 de l’arrêt attaqué, en constatant que la Commission avait établi, dans la décision litigieuse, l’existence d’effets probables du comportement des requérantes sur les marchés en cause, indépendamment du caractère indispensable ou non des intrants.

120    Par leur deuxième grief, les requérantes affirment que le Tribunal aurait dû examiner si la marge entre le prix de gros des intrants et le prix de détail était positive ou négative.

121    Ainsi que le fait valoir la Commission, ce deuxième grief doit être rejeté comme étant irrecevable à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 99 du présent arrêt, dans la mesure où les requérantes ne l’ont pas soulevé devant le Tribunal.

122    Par ailleurs, ledit grief n’identifie pas les points de l’arrêt attaqué qui seraient éventuellement entachés d’une erreur de droit, de sorte qu’il doit également être rejeté comme étant irrecevable à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 29 et 30 du présent arrêt.

123    Par leur troisième grief, les requérantes font valoir que, au point 283 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a erronément rejeté comme inopérantes leurs allégations concernant l’absence de preuve des effets concrets du ciseau tarifaire sur le marché.

124    Il convient de rejeter ce troisième grief comme étant non fondé dès lors que, d’une part, afin d’établir le caractère abusif d’une pratique telle que celle de la compression des marges, l’effet anticoncurrentiel de celle-ci sur le marché doit exister, sans être nécessairement concret, la démonstration d’un effet anticoncurrentiel potentiel de nature à évincer les concurrents au moins aussi efficaces que l’entreprise en position dominante étant suffisante (voir arrêt TeliaSonera Sverige, EU:C:2011:83, point 64) et, d’autre part, le Tribunal a constaté au point 282 de l’arrêt attaqué, dans le cadre de son appréciation des faits, que la Commission a démontré l’existence de tels effets potentiels.

125    Eu égard à ce qui précède, la sixième branche du cinquième moyen doit être rejetée et, partant, ce moyen doit être également rejeté comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation par la Commission de l’interdiction d’agir ultra vires ainsi que des principes de subsidiarité, de proportionnalité, de sécurité juridique, de coopération loyale et de bonne administration

126    Par leur sixième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a méconnu l’interdiction pour la Commission d’agir ultra vires ainsi que les principes de subsidiarité, de proportionnalité, de sécurité juridique, de coopération loyale et de bonne administration.

127    La première branche de ce moyen est tirée des erreurs de droit que le Tribunal aurait commises, aux points 289 à 294 de l’arrêt attaqué, dans l’examen de la violation par la Commission de l’interdiction d’agir ultra vires.

128    En premier lieu, les requérantes affirment que le Tribunal a validé une interprétation erronée de la jurisprudence issue de l’arrêt Bronner (EU:C:1998:569) en considérant que la Commission était compétente pour réglementer ex post les conditions de prix auxquelles est sujette l’utilisation d’infrastructures non indispensables. Or, cette argumentation est non fondée, dès lors qu’elle revient à soutenir que l’article 102 TFUE aurait uniquement vocation à s’appliquer dans le présent contexte lorsque les conditions fixées dans l’arrêt Bronner (EU:C:1998:569) sont réunies. À cet égard, il convient de rappeler que le champ d’application de l’article 102 TFUE est de portée générale et ne saurait être limité, notamment et ainsi que le Tribunal l’a relevé à juste titre au point 293 de l’arrêt attaqué, par l’existence d’un cadre réglementaire adopté par le législateur de l’Union en vue de réguler ex ante les marchés de télécommunication.

129    En second lieu, les requérantes émettent diverses affirmations non étayées portant sur une dénaturation des faits par le Tribunal, sur l’utilisation de concepts «de type réglementaire» par la Commission ou encore sur l’absence de compétence de la Commission pour réglementer ex post les prix de l’utilisation d’infrastructures non indispensables. Dès lors que ces affirmations n’identifient pas avec la précision requise une erreur de droit éventuellement commise par le Tribunal, elles doivent être rejetées comme étant irrecevables à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 29 et 30 du présent arrêt.

130    Par la deuxième branche de leur sixième moyen, les requérantes allèguent que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit dans l’examen, aux points 296 à 308 de l’arrêt attaqué, de la violation des principes de subsidiarité, de proportionnalité et de sécurité juridique par la Commission.

131    Force est de constater que le premier grief des requérantes, qui porte sur la violation du principe de proportionnalité, doit être rejeté comme étant irrecevable à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 29 et 30 du présent arrêt, étant donné que les requérantes n’identifient pas les points de l’arrêt attaqué qui seraient éventuellement entachés d’une erreur de droit.

132    Le deuxième grief porte sur le fait que le Tribunal aurait, au point 306 de l’arrêt attaqué, violé le principe de sécurité juridique en acceptant qu’un comportement conforme au cadre réglementaire puisse constituer une infraction à l’article 102 TFUE.

133    Il convient de rejeter ce grief comme étant non fondé, dès lors que, comme le font valoir à juste titre la Commission, l’ECTA et France Telecom, le fait que le comportement d’une entreprise soit conforme à un cadre réglementaire n’implique pas que ce comportement soit conforme à l’article 102 TFUE.

134    Par leur troisième grief, tiré d’une violation du principe de subsidiarité, les requérantes estiment que le Tribunal, aux points 299 à 304 de l’arrêt attaqué, a manifestement dénaturé leurs allégations et ignoré l’identité des objectifs poursuivis par le droit de la concurrence et par le cadre réglementaire. Eu égard à cette identité d’objectifs, le Tribunal aurait dû vérifier la compatibilité de l’intervention de la Commission au titre du droit de la concurrence avec les objectifs poursuivis par la commission du marché des télécommunications espagnole (Comisión del Mercado de las Telecomunicaciones, ci-après la «CMT») au titre dudit cadre réglementaire.

135    Il y a lieu de rejeter ce troisième grief comme étant, pour partie, irrecevable, dans la mesure où il vise une dénaturation des arguments des requérantes, dès lors que les requérantes n’identifient pas les arguments que le Tribunal aurait dénaturés, et, pour partie, non fondé, dans la mesure où il vise une violation du principe de subsidiarité, dès lors que la mise en œuvre de l’article 102 TFUE par la Commission n’est pas subordonnée à un examen préalable des actions entreprises par les autorités nationales.

136    Par la troisième branche de leur sixième moyen, les requérantes allèguent que le Tribunal a commis des erreurs de droit en jugeant, aux points 309 à 315 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’avait pas violé les principes de coopération loyale et de bonne administration.

137    Les requérantes font également valoir que le Tribunal, aux points 313 et 314 de l’arrêt attaqué, a dénaturé leurs allégations, dans la mesure où elles auraient reproché à la Commission non pas de ne pas avoir consulté la CMT sur la communication des griefs, mais de ne pas avoir agi au regard de l’ensemble des éléments de fait nécessaires et en coopération avec la CMT.

138    Il convient de rejeter cette troisième branche comme étant irrecevable, dès lors que, ainsi que le souligne M. l’avocat général au point 41 de ses conclusions, les requérantes n’identifient pas les éléments qui auraient été dénaturés ou les erreurs d’analyse qui auraient été commises par le Tribunal.

139    Eu égard à tout ce qui précède, le sixième moyen doit être rejeté comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

 Sur le septième moyen, tiré d’erreurs de droit dans l’application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003

140    Par leur septième moyen, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans l’application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement no 17 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003. Ce moyen est articulé en deux branches.

 Sur la première branche du septième moyen, tirée de la violation des principes de sécurité juridique et de légalité des peines

141    Par la première branche de leur septième moyen, les requérantes allèguent, en substance, que le Tribunal a violé les principes de sécurité juridique et de légalité des peines garantis à l’article 7 de la CEDH et à l’article 49 de la Charte, en jugeant que la Commission leur avait, à bon droit, infligé une amende en raison de la pratique de ciseau tarifaire litigieuse. Les requérantes invoquent quatre griefs à cet égard.

142    Dans le cadre du premier grief, intitulé «existence de précédents clairs et prévisibles», les requérantes se bornent à résumer la teneur des points 357 à 368 de l’arrêt attaqué, sans identifier une éventuelle erreur de droit commise par le Tribunal. Par conséquent, il y a lieu, à la lumière de la jurisprudence constante rappelée aux points 29 et 30 du présent arrêt, de rejeter ce premier grief comme étant irrecevable.

143    Dans le cadre du deuxième grief, les requérantes se contentent d’affirmer que le Tribunal a violé les principes de légalité des peines et de sécurité juridique en jugeant, au point 357 de l’arrêt attaqué, que la Commission, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, décide de l’opportunité d’infliger une amende dans le cadre particulier de chaque affaire.

144    En tant qu’il porte sur la méconnaissance des articles 6 et 7 de la CEDH, ce deuxième grief doit être rejeté comme étant irrecevable en application de la jurisprudence rappelée au point 99 du présent arrêt, dès lors que les requérantes n’ont pas invoqué cet argument devant le Tribunal.

145    En tant que les requérantes se prévalent des principes de légalité des peines et de sécurité juridique, ledit grief doit également être rejeté comme étant irrecevable, dès lors que les requérantes n’étayent pas leur argumentation en expliquant en quoi ces principes priveraient la Commission d’une marge d’appréciation lorsqu’elle décide d’infliger une amende pour infraction aux règles de la concurrence.

146    Dans le cadre du troisième grief, les requérantes estiment que le Tribunal, aux points 360 et 361 de l’arrêt attaqué, a commis une erreur de droit en constatant que les décisions 88/518/CEE de la Commission, du 18 juillet 1988, relative à une procédure d’application de l’article [102 TFUE] (IV/30.178 – Napier Brown – British Sugar) (JO L 284, p. 41) et Deutsche Telekom constituent des précédents clarifiant les conditions d’application de l’article 102 TFUE aux pratiques de compression des marges. En substance, les requérantes font valoir que lesdites décisions ne constituaient pas des précédents clairs et prévisibles, de sorte qu’elles ne pouvaient raisonnablement pas prévoir l’interprétation de l’article 102 TFUE adoptée par la Commission dans la décision litigieuse.

147    Il convient de rappeler que les principes de légalité des peines et de sécurité juridique ne sauraient être interprétés comme proscrivant la clarification graduelle des règles de la responsabilité pénale, mais peuvent s’opposer à l’application rétroactive d’une nouvelle interprétation d’une norme établissant une infraction (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, EU:C:2005:408, point 217).

148    Tel est en particulier le cas s’il s’agit d’une interprétation jurisprudentielle dont le résultat n’était pas raisonnablement prévisible au moment où l’infraction a été commise, au vu notamment de l’interprétation retenue à cette époque dans la jurisprudence relative à la disposition légale en cause (voir arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, EU:C:2005:408, point 218 et jurisprudence citée).

149    En l’espèce, force est de constater que l’interprétation retenue par la Commission dans la décision litigieuse, selon laquelle une pratique de compression des marges est contraire à l’article 102 TFUE, était raisonnablement prévisible au moment où l’infraction a été commise. Cette prévisibilité découlait des décisions 88/518 (Napier Brown) et Deutsche Telekom ainsi que des effets négatifs prévisibles d’une pratique de compression des marges sur la concurrence, comme le souligne à bon droit le Tribunal aux points 358 à 362 de l’arrêt attaqué.

150    Par ailleurs, dans la mesure où ce troisième grief se fonde sur l’arrêt Bronner (EU:C:1998:569), il convient de rappeler que le comportement abusif reproché aux requérantes, qui consiste en un ciseau tarifaire, constitue une forme autonome d’abus différent du refus de fourniture auquel ne sont pas applicables les critères établis dans l’arrêt Bronner, (EU:C:1998:569), ainsi que cela a déjà été précisé au point 75 du présent arrêt.

151    Il convient, dès lors, de rejeter ce troisième grief comme étant non fondé.

152    Par leur quatrième grief, les requérantes soutiennent que le Tribunal a erronément conclu que la méthodologie utilisée par la Commission pour déterminer l’existence d’un ciseau tarifaire était raisonnablement fondée sur des précédents clairs et prévisibles. En particulier, les requérantes critiquent le raisonnement développé aux points 363 à 369 de l’arrêt attaqué, au terme duquel le Tribunal conclut que la méthodologie utilisée par la Commission pour déterminer l’existence d’un ciseau tarifaire était prévisible.

153    Force est de constater que les requérantes cherchent, en substance, à remettre en cause l’appréciation des faits relative à la prévisibilité de la méthodologie utilisée par la Commission pour déterminer l’existence d’un ciseau tarifaire, de sorte que ce quatrième grief doit être rejeté comme étant irrecevable, en application de la jurisprudence rappelée au point 84 du présent arrêt.

154    Eu égard à ce qui précède, la première branche du septième moyen doit être rejetée comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondée.

 Sur la seconde branche du septième moyen, tirée d’erreurs de droit dans la qualification de leur comportement en tant qu’infraction commise de propos délibéré ou par négligence grave

155    Par la seconde branche de leur septième moyen, les requérantes allèguent que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit dans la qualification de leur comportement en tant qu’infraction commise de propos délibéré ou par négligence grave, au sens de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003.

156    S’agissant de la question de savoir si les infractions ont été commises de propos délibéré ou par négligence et sont, de ce fait, susceptibles d’être sanctionnées par une amende en vertu de l’article 15, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 17 ou de l’article 23, paragraphe 2, du règlement no 1/2003, il résulte de la jurisprudence de la Cour que cette condition est remplie dès lors que l’entreprise en cause ne peut ignorer le caractère anticoncurrentiel de son comportement, qu’elle ait eu ou non conscience d’enfreindre les règles de concurrence du traité (voir arrêt Deutsche Telekom/Commission, EU:C:2010:603, point 124 et jurisprudence citée).

157    Les requérantes invoquent deux griefs au soutien de cette seconde branche de leur septième moyen.

158    Par un premier grief, les requérantes estiment qu’elles n’étaient pas en mesure de prévoir le caractère anticoncurrentiel de leur comportement, en raison du manque de prévisibilité, d’une part, de la définition du marché en cause retenue par la Commission ainsi que, d’autre part, de la nature anticoncurrentielle de leur politique de prix.

159    À cet égard, il y a lieu de constater que les requérantes cherchent, en substance, à remettre en cause l’appréciation des faits relative à la prévisibilité de la définition du marché en cause, de sorte que ce premier grief doit être rejeté comme étant irrecevable en application de la jurisprudence rappelée au point 84 du présent arrêt.

160    En ce qui concerne la nature anticoncurrentielle de leur politique de prix, les requérantes allèguent qu’elles ne pouvaient prévoir l’action de la Commission sur le fondement de l’article 102 TFUE eu égard au contrôle et à l’intervention effectués par l’autorité réglementaire nationale sur leurs activités.

161    Force est de constater que l’action de la Commission sur le fondement de l’article 102 TFUE n’est pas subordonnée, ainsi que cela a été constaté au point 135 du présent arrêt, à un examen des interventions effectuées par les autorités nationales réglementaires et est ainsi, en principe, indépendante de ces interventions. Dans ces conditions, les requérantes ne sauraient valablement se prévaloir d’une absence de prévisibilité de l’action de la Commission en raison des interventions effectuées par les autorités nationales réglementaires, de sorte que cet argument du premier grief doit être rejeté comme non fondé.

162    Les requérantes critiquent également le point 341 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal constate que le contrôle de l’autorité réglementaire nationale reposait sur des estimations ex ante et non sur les coûts historiques réels des requérantes, de sorte que ledit contrôle ne pouvait empêcher les requérantes de prévoir que leur politique de prix avait une nature anticoncurrentielle.

163    Dès lors que les requérantes n’établissent pas en quoi ce constat d’ordre factuel réalisé par le Tribunal a dénaturé les faits, leurs arguments à cet égard doivent être rejetés comme étant irrecevables en application de la jurisprudence rappelée au point 84 du présent arrêt.

164    Par un second grief, les requérantes critiquent le rejet, par le Tribunal, de leur argument selon lequel les actions de la CMT ont pu fonder une confiance légitime quant à la conformité de leurs pratiques tarifaires à l’article 102 TFUE.

165    Comme le souligne France Telecom, dès lors que les allégations émises par les requérantes dans le cadre de ce second grief visent à contester des appréciations factuelles effectuées par le Tribunal aux points 349 à 351 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de les rejeter comme étant irrecevables à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 84 du présent arrêt.

166    Par conséquent, la seconde branche du septième moyen doit être rejetée comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondée.

167    Eu égard à ce qui précède, le septième moyen doit être rejeté comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

 Sur le huitième moyen, tiré d’erreurs de droit dans le calcul du montant de l’amende

168    Par leur huitième moyen, qui comporte trois branches, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans le calcul du montant de l’amende.

 Sur la première branche du huitième moyen, tirée d’erreurs de droit dans la qualification du comportement des requérantes

169    Par la première branche de leur huitième moyen, les requérantes allèguent que le Tribunal a commis des erreurs de droit en qualifiant leur comportement d’«infraction très grave» et elles invoquent quatre griefs à cet égard.

170    Par leur premier grief, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans la qualification de la nature de l’infraction au regard des lignes directrices de 1998.

171    Dans le cadre de ce premier grief, les requérantes n’identifient spécifiquement que le point 386 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a rejeté l’argument selon lequel la qualification d’infraction «grave», retenue par la Commission dans la décision Deutsche Telekom, aurait dû être appliquée au comportement des requérantes, à tout le moins jusqu’à la publication, le 14 octobre 2003, de cette décision au Journal officiel de l’Union européenne, en rappelant que la pratique décisionnelle de la Commission ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence.

172    À cet égard, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit audit point 386, dès lors qu’un abus ne pourrait être qualifié de «caractérisé» et, par conséquent, d’«infraction très grave» que par référence aux décisions antérieures, ce qui ressortirait tant des lignes directrices de 1998 que de la décision litigieuse.

173    Il convient de rejeter cet argument comme étant non fondé, dès lors que le point 386 de l’arrêt attaqué, ainsi que le souligne à juste titre la Commission, doit être lu conjointement avec le point 383 dudit arrêt, lequel renvoie aux points 353 à 368 du même arrêt, dans lesquels le Tribunal constate qu’il existait des précédents justifiant la qualification d’abus caractérisé.

174    Par conséquent, il y a lieu de rejeter ce premier grief comme étant non fondé, en tant qu’il porte sur le point 386 de l’arrêt attaqué, et comme étant irrecevable pour le surplus, en application de la jurisprudence rappelée aux points 29 et 30 du présent arrêt, dans la mesure où les requérantes n’identifient pas les points de l’arrêt attaqué qui seraient éventuellement entachés d’une erreur de droit.

175    Par leur deuxième grief, les requérantes critiquent des appréciations factuelles réalisées par le Tribunal concernant les effets concrets d’exclusion sur le marché de détail et le dommage subi par les consommateurs.

176    Comme le soutiennent France Telecom et la Commission, dès lors que ce deuxième grief vise à contester des appréciations factuelles réalisées par le Tribunal, il convient, à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 84 du présent arrêt, de le rejeter comme étant irrecevable.

177    Par leur troisième grief, les requérantes allèguent que le Tribunal a commis une erreur de droit, au point 413 de l’arrêt attaqué, en jugeant que leur comportement pouvait être qualifié de «très grave», alors que le marché géographique en cause était limité au territoire espagnol. Les requérantes invoquent, à cet égard, une violation du principe de non-discrimination, dès lors que la qualification retenue dans les décisions de la Commission, du 16 juillet 2003, relative à une procédure d’application de l’article [102 TFUE] (affaire COMP/38.233 – Wanadoo Interactive, ci-après la «décision Wanadoo») ainsi que Deutsche Telekom était celle d’infraction «grave» pour des marchés géographiques d’une étendue supérieure à celui en cause, à savoir, respectivement, ceux des territoires allemand et français.

178    Comme le souligne à bon droit la Commission, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé, au point 413 de l’arrêt attaqué, que la circonstance que le marché géographique en cause soit limité au territoire espagnol n’exclut pas la qualification d’infraction «très grave». Le seul fait que la Commission ait qualifié, dans les décisions Deutsche Telekom et Wanadoo, les infractions en cause comme étant «graves», alors même que les marchés géographiques en cause étaient plus étendus que celui en cause dans la présente affaire, est sans incidence sur cette appréciation, la qualification d’une infraction comme étant «grave» ou «très grave» ne dépendant pas seulement de l’étendue du marché géographique en cause, mais également, comme l’a constaté à juste titre le Tribunal au point 413 de l’arrêt attaqué, d’autres critères caractérisant l’infraction.

179    Par conséquent, il y a lieu de rejeter ce troisième grief comme étant non fondé.

180    Par leur quatrième grief, les requérantes font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la Commission n’était pas tenue de moduler la qualification de l’infraction avant et après la publication de la décision Deutsche Telekom ou, à tout le moins, d’expliquer comment elle avait tenu compte de la gravité variable de l’infraction pendant la période considérée dans la détermination du montant de départ de l’amende.

181    C’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal, au point 416 de l’arrêt attaqué, a rappelé que, dans la détermination du montant de l’amende en cas d’infraction aux règles de concurrence, la Commission satisfait à son obligation de motivation lorsqu’elle indique dans sa décision les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction, sans que celle-ci soit tenue d’indiquer les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul de l’amende (voir arrêts Weig/Commission, C‑280/98 P, EU:C:2000:627, points 43 à 46; Sarrió/Commission, C‑291/98 P, EU:C:2000:631, points 73 à 76, ainsi que Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, points 463 à 464).

182    En outre, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a, au point 420 de l’arrêt attaqué, rejeté le grief des requérantes tiré d’une méconnaissance de l’obligation de motivation de la Commission en ne prenant pas en considération le degré variable de gravité de l’infraction et en ne distinguant pas deux périodes infractionnelles. En effet, la Commission a satisfait à son obligation de motivation en ce qu’elle a précisé, aux points 739 à 750 de la décision litigieuse, les raisons pour lesquelles elle a qualifié l’infraction commise par les requérantes comme étant «très grave» pendant toute la période d’infraction, même si leur comportement ne présentait pas le même degré de gravité pendant toute cette période, tout en explicitant les différences entre l’affaire Deutsche Telekom dans laquelle l’infraction a été qualifiée de grave et la présente affaire.

183    Certes, il aurait été souhaitable que la Commission assortisse la décision litigieuse d’une motivation allant au-delà de ces exigences, notamment en indiquant les éléments chiffrés qui ont guidé la prise en compte de la gravité variable de l’infraction dans la détermination du montant de départ de l’amende. Cependant, cette faculté n’est pas de nature à modifier l’étendue des exigences découlant de l’obligation de motivation en ce qui concerne la décision litigieuse (voir, en ce sens, arrêts Weig/Commission, EU:C:2000:627, point 47; Sarrió/Commission, EU:C:2000:631, point 77, ainsi que Corus UK/Commission, C‑199/99 P, EU:C:2003:531, point 149).

184    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter la première branche du huitième moyen comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondée.

 Sur la deuxième branche du huitième moyen, tirée de la violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et d’individualisation des peines ainsi que de l’obligation de contrôler la motivation de la décision litigieuse

185    La deuxième branche du huitième moyen, qui comporte quatre griefs, est tirée de la violation des principes de proportionnalité, d’égalité de traitement et d’individualisation des peines ainsi que de l’obligation de contrôler la motivation de la décision litigieuse.

186    Par leur troisième grief, qu’il convient d’examiner en premier lieu, les requérantes allèguent que le Tribunal a violé le principe d’individualisation des peines en ne vérifiant pas si l’amende avait été calculée en tenant compte de la situation propre des requérantes.

187    Force est de constater que ce troisième grief n’identifie pas avec la précision requise une éventuelle erreur de droit commise par le Tribunal ni les points de l’arrêt attaqué qui seraient éventuellement entachés d’une telle erreur de droit, de sorte qu’il doit être rejeté comme étant irrecevable à la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 29 et 30 du présent arrêt.

188    Par leur premier grief, les requérantes soutiennent que le Tribunal a violé le principe de non-discrimination en méconnaissant le fait que les circonstances des décisions Deutsche Telekom et Wanadoo étaient analogues à celles qui sont à l’origine de la décision litigieuse et ont donné lieu à des amendes d’un montant dix fois inférieur.

189    Or, comme le rappelle le Tribunal au point 425 de l’arrêt attaqué, la Cour a itérativement jugé que la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires n’ont qu’un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence de discriminations (arrêt Tomra Systems e.a./Commission, C‑549/10 P, EU:C:2012:221, point 104 ainsi que jurisprudence citée).

190    Ainsi, le fait que la Commission, dans le passé, a imposé des amendes se situant à un niveau déterminé pour certaines catégories d’infractions ne saurait l’empêcher d’en fixer de nouvelles à un niveau plus élevé, si un relèvement des sanctions est jugé nécessaire afin d’assurer la mise en œuvre de la politique de concurrence de l’Union, celle-ci restant uniquement définie par le règlement no 1/2003 (arrêt Tomra Systems e.a./Commission, EU:C:2012:221, point 105 ainsi que jurisprudence citée).

191    C’est dès lors à bon droit que le Tribunal, au point 427 de l’arrêt attaqué, a rejeté l’argumentation tirée de la comparaison entre l’amende infligée aux requérantes et les amendes imposées par la Commission dans d’autres décisions en matière de concurrence, et conclu qu’aucune violation du principe d’égalité de traitement ne saurait être constatée en l’espèce.

192    Par leur deuxième grief, les requérantes font valoir que le Tribunal a violé le principe de proportionnalité en ne constatant pas que le montant de départ de l’amende, fixé à 90 millions d’euros, était disproportionné. À cet égard, les requérantes soulignent, d’une part, que ce montant de départ est le deuxième montant plus élevé fixé en matière d’abus de position dominante et, d’autre part, que le montant final de l’amende était respectivement 12,5 fois et 11,25 fois supérieur à celui infligé à Deutsche Telekom et à Wanadoo pour des comportements abusifs similaires.

193    En outre, par leur quatrième grief, les requérantes affirment que le Tribunal a violé son obligation de contrôler la motivation de la décision litigieuse, en jugeant que la Commission n’était pas tenue de motiver avec un soin particulier sa décision d’imposer dans la présente affaire une amende d’un montant sensiblement plus élevé que ceux infligés dans les décisions Wanadoo et Deutsche Telekom, eu égard à la similitude de ces trois affaires.

194    En ce qui concerne le contrôle de l’obligation de motivation, il convient de constater que, si la Commission a, certes, explicité aux points 739 à 750 de la décision litigieuse les différences entre l’affaire Deutsche Telekom et la présente affaire, elle n’a donné que peu de précisions quant aux motifs justifiant la décision d’infliger en l’espèce une amende d’un montant sensiblement plus élevé que ceux fixés dans les décisions Wanadoo et Deutsche Telekom. La Commission aurait pu, notamment, préciser la méthodologie utilisée pour déterminer le montant de départ, à l’image de ce que prévoient les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 (JO 2006, C 210, p. 2), qui n’étaient pas applicables au moment des faits pertinents.

195    Cependant, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal, au point 434 de l’arrêt attaqué, a rappelé que la Commission a satisfait à son obligation de motivation, dès lors qu’elle a indiqué dans la décision litigieuse les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction. Dans ces conditions, c’est toujours à bon droit que le Tribunal a considéré qu’elle n’était pas tenue d’indiquer les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul de l’amende, en application de la jurisprudence rappelée aux points 181 et 183 du présent arrêt.

196    En ce qui concerne la proportionnalité de l’amende infligée aux requérantes, le Tribunal a considéré à bon droit, au point 429 de l’arrêt attaqué, «que le principe de proportionnalité implique que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction».

197    Dans le cadre de ce quatrième grief, les requérantes affirment également que le Tribunal a enfreint l’article 6 de la CEDH en n’exerçant pas le contrôle de pleine juridiction auquel il est tenu en ce qui concerne la proportionnalité du montant de départ de l’amende.

198    Ainsi que cela a été précisé au point 44 du présent arrêt, le contrôle de légalité prévu à l’article 263 TFUE est complété par une compétence de pleine juridiction en ce qui concerne les amendes et les astreintes infligées par la Commission pour infraction aux règles de la concurrence, conformément à l’article 261 TFUE. L’article 17 du règlement no 17, remplacé par l’article 31 du règlement no 1/2003, dispose que la Cour statue avec compétence de pleine juridiction sur les recours formés contre les décisions par lesquelles la Commission a fixé une amende ou une astreinte, ce qui implique qu’elle peut supprimer, réduire ou majorer l’amende ou l’astreinte infligée.

199    L’article 23, paragraphe 3, du règlement no 1/2003, qui a remplacé l’article 15, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 17, dispose que le montant de l’amende doit être déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction.

200    Il résulte des considérations qui précèdent que, afin de satisfaire aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la Charte en ce qui concerne l’amende, le juge de l’Union est tenu, dans l’exercice des compétences prévues aux articles 261 TFUE et 263 TFUE, d’examiner tout grief, de droit ou de fait, visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction.

201    À cet égard, il convient de relever que, au point 431 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé que la méthodologie exposée au point 1, A, des lignes directrices de 1998 répond à une logique forfaitaire, selon laquelle le montant de départ de l’amende, déterminé en fonction de la gravité de l’infraction, est calculé en fonction de la nature de l’infraction, de son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et de l’étendue du marché géographique concerné.

202    Faisant application de ces critères et en renvoyant aux points 371 à 421 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé, au point 432 de l’arrêt attaqué, que le montant de départ de l’amende de 90 millions d’euros n’était pas disproportionné, eu égard au fait, d’une part, que le comportement des requérantes constitue un abus caractérisé pour lequel il existe des précédents et qui compromet l’objectif de l’achèvement d’un marché intérieur pour les réseaux et les services de télécommunications et, d’autre part, que ledit abus a eu un impact significatif sur le marché de détail espagnol.

203    Si le Tribunal a certes omis de constater que la Commission n’a pas exposé, dans la décision litigieuse, la méthodologie qu’elle a utilisée pour déterminer le montant de départ de l’amende, à l’image de ce que prévoient les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement no 1/2003, qui n’étaient pas applicables au moment des faits pertinents, une telle omission ne suffit toutefois pas pour considérer que le Tribunal a commis une erreur dans le contrôle de proportionnalité de ce montant, qu’il a effectué sur la base des critères énumérés au point 432 de l’arrêt attaqué.

204    Il ressort de ce qui précède que, dans l’examen des arguments des requérantes visant à démontrer que le montant de départ de l’amende était disproportionné, le Tribunal a effectivement exercé les compétences prévues aux articles 261 TFUE et 263 TFUE d’une manière conforme aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 47 de la Charte, en examinant tous les griefs, de droit ou de fait, invoqués par les requérantes et visant à démontrer que le montant de l’amende n’est pas en adéquation avec la gravité et la durée de l’infraction. Au cours de l’examen desdits griefs, le Tribunal a néanmoins jugé qu’aucun des arguments invoqués par les requérantes ne justifiait une réduction de ce montant de départ.

205    Dans la mesure où, par ce quatrième grief, les requérantes critiquent l’appréciation du caractère proportionné du montant de départ de l’amende au regard des circonstances de fait pertinentes, effectuée par le Tribunal au point 432 de l’arrêt attaqué, il y a lieu de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour, lorsqu’elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d’un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit de l’Union. Ainsi, ce n’est que dans la mesure où la Cour estimerait que le niveau de la sanction est non seulement inapproprié, mais également excessif, au point d’être disproportionné, qu’il y aurait lieu de constater une erreur de droit commise par le Tribunal, en raison du caractère inapproprié du montant d’une amende (voir, en ce sens, arrêts E.ON Energie/Commission, EU:C:2012:738, points 125 et 126; Quinn Barlo e.a./Commission, C‑70/12 P, EU:C:2013:351, point 57, et Koninklijke Wegenbouw Stevin/Commission, C‑586/12 P, EU:C:2013:863, point 33 ainsi que jurisprudence citée).

206    En l’occurrence, force est de constater que les requérantes n’ont pas démontré en quoi le montant de départ de 90 millions d’euros retenu par la Commission dans la décision litigieuse serait excessif, au point d’être disproportionné au sens de la jurisprudence visée au point précédent du présent arrêt.

207    Il ressort des considérations qui précèdent que la deuxième branche du huitième moyen doit être rejetée comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondée.

 Sur la troisième branche du huitième moyen, tirée d’erreurs de droit dans l’examen de la majoration du montant de départ à des fins de dissuasion, de la qualification du comportement des requérantes en tant qu’«infraction de longue durée» ainsi que de la réduction de l’amende au titre de circonstances atténuantes

208    Par la troisième branche de leur huitième moyen, les requérantes soutiennent que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans l’examen de la majoration du montant de départ de l’amende à des fins de dissuasion, de la qualification de leur comportement en tant qu’«infraction de longue durée» ainsi que de la réduction de l’amende au titre de circonstances atténuantes.

209    En ce qui concerne le premier grief, tiré d’erreurs de droit dans l’examen de la majoration du montant de départ de l’amende à des fins de dissuasion, les requérantes invoquent les arguments suivants.

210    D’une part, les requérantes allèguent que le Tribunal a violé les principes de non-discrimination et de proportionnalité, en validant la majoration du montant de départ à des fins de dissuasion, alors que leur puissance économique était comparable à celle des entreprises concernées dans les décisions Wanadoo et Deutsche Telekom, dans lesquelles la Commission n’avait pas imposé une telle majoration.

211    À la lumière de la jurisprudence rappelée aux points 189 et 190 du présent arrêt, c’est à bon droit que le Tribunal a rejeté, au point 441 de l’arrêt attaqué, cet argument fondé sur la pratique décisionnelle de la Commission, étant donné que celle-ci ne saurait servir de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence.

212    D’autre part, les requérantes affirment que le Tribunal a validé le raisonnement de la Commission par de simples renvois généraux à des considérants de la décision litigieuse, sans examiner le caractère approprié du facteur multiplicateur de 25 %, et ce au mépris de l’obligation qui lui incombe d’exercer un contrôle de pleine juridiction.

213    À cet égard, il importe de rappeler que l’exercice de la compétence de pleine juridiction prévue aux articles 261 TFUE et 31 du règlement no 1/2003 n’équivaut pas à un contrôle d’office et de souligner que la procédure devant les juridictions de l’Union est contradictoire. À l’exception des moyens d’ordre public que le juge est tenu de soulever d’office, telle que l’absence de motivation de la décision litigieuse, c’est à la partie requérante qu’il appartient de soulever les moyens à l’encontre de cette dernière et d’apporter des éléments de preuve à l’appui de ces moyens (arrêts Chalkor/Commission, EU:C:2011:815, point 64, ainsi que KME Germany e.a./Commission, C‑389/10 P, EU:C:2011:816, point 131).

214    Or, force est de constater que le Tribunal a examiné, aux points 438 à 441 de l’arrêt attaqué, la manière dont la Commission a motivé la majoration du montant de départ de l’amende et constaté que celle-ci reposait, à suffisance de droit, sur les données contenues dans la décision litigieuse au sujet de la puissance économique des requérantes. Ce faisant, le Tribunal a exercé les compétences prévues aux articles 261 TFUE et 263 TFUE d’une manière conforme aux exigences d’un contrôle de pleine juridiction, en examinant tous les griefs, de droit ou de fait, invoqués par les requérantes dans ce contexte.

215    Il résulte de ce qui précède que le premier grief doit être rejeté comme étant non fondé.

216    Le deuxième grief des requérantes est tiré d’erreurs de droit dans l’examen de la qualification du comportement des requérantes en tant qu’«infraction de longue durée».

217    En ce qui concerne la date de début de l’infraction, les requérantes font valoir que le Tribunal a, à tort, omis de distinguer la période précédant la décision Deutsche Telekom de celle qui est postérieure à cette décision et d’apprécier la gravité de l’infraction au regard de chaque période, violant ainsi le principe de non-discrimination et son obligation d’exercer un contrôle de pleine juridiction.

218    Force est de constater que cet argument doit être rejeté comme étant inopérant, dans la mesure où les requérantes se contentent d’alléguer que le Tribunal aurait dû distinguer deux périodes infractionnelles en fonction de la prétendue intensité variable de l’infraction, sans expliquer en quoi la durée l’infraction s’en trouverait réduite.

219    Les requérantes font également valoir que le Tribunal a dénaturé leurs allégations, sans toutefois identifier avec la précision requise les éléments qui auraient été dénaturés ou les erreurs d’analyse qui auraient été commises par le Tribunal. Par conséquent, il y a lieu, à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 84 du présent arrêt, de rejeter cet argument comme étant irrecevable.

220    En ce qui concerne la date de fin de l’infraction, le Tribunal a constaté, selon les requérantes, que la Commission n’avait prouvé l’existence de l’infraction que jusqu’au terme du premier semestre de l’année 2006. Par conséquent, les requérantes soutiennent que le Tribunal a renversé la charge de la preuve en jugeant qu’elles n’avaient pas apporté la preuve de l’absence de ciseau tarifaire au cours du second semestre 2006, alors qu’il appartenait à la Commission d’établir l’existence de l’infraction.

221    Il ressort du point 451 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a constaté, sur la base d’éléments du dossier non contestés par les requérantes, que tant les prix de gros que les prix de détail de Telefónica de España SAU sont restés inchangés entre le mois de septembre 2001 et le 21 décembre 2006, date de la fin de l’infraction, et cela sans que les requérantes aient fait valoir une quelconque modification des coûts pris en considération par la Commission. Ce faisant, le Tribunal n’a pas renversé la charge de la preuve, mais a correctement procédé à l’appréciation des éléments de preuve qui lui ont été soumis, comme le souligne M. l’avocat général au point 171 de ses conclusions.

222    Par conséquent, le deuxième grief doit être rejeté comme étant, en partie, irrecevable, en partie, inopérant et, en partie, non fondé.

223    Le troisième grief est tiré d’erreurs de droit dans l’examen de la réduction de l’amende au titre de circonstances atténuantes.

224    En premier lieu, les requérantes affirment que le Tribunal a appliqué un «critère juridique erroné» en estimant que leur négligence était extrêmement grave, aux fins d’apprécier le caractère approprié de la réduction de 10 % qui leur a été accordée par la Commission au titre de la confiance légitime.

225    Force est de constater que le Tribunal a procédé, au point 459 de l’arrêt attaqué, à des appréciations factuelles portant sur le degré de négligence des requérantes. Partant, cet argument doit être rejeté comme étant irrecevable à la lumière de la jurisprudence rappelée au point 84 du présent arrêt.

226    En second lieu, les requérantes critiquent le point 461 de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal s’est référé, dans son examen du prétendu caractère nouveau de l’affaire, à son raisonnement relatif à l’existence de précédents clairs et prévisibles. À cet égard, le Tribunal aurait appliqué un critère manifestement erroné, à savoir celui de la sécurité juridique, et aurait ignoré que l’une des circonstances atténuantes définies par les lignes directrices de 1998 est l’existence d’un doute raisonnable de l’entreprise sur le caractère infractionnel de son comportement. Or, selon les requérantes, un tel doute raisonnable a existé au moins jusqu’au mois d’octobre 2003, date de la publication de la décision Deutsche Telekom, et a persisté jusqu’au prononcé de l’arrêt TeliaSonera Sverige (EU:C:2011:83).

227    À cet égard, il y a lieu de constater que l’existence d’un doute raisonnable dans le chef des requérantes constitue une question de fait qui relève du seul pouvoir d’appréciation du Tribunal, de sorte que ce quatrième grief doit être rejeté comme étant irrecevable en application de la jurisprudence rappelée au point 84 du présent arrêt.

228    Il s’ensuit que la troisième branche du huitième moyen doit être rejetée comme étant, pour partie, irrecevable, pour partie, inopérant et, pour partie, non fondée.

229    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le huitième moyen comme étant, pour partie, irrecevable, pour partie, inopérante et, pour partie, non fondé.

 Sur le dixième moyen, tiré de la violation de l’obligation d’exercer un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 6 de la CEDH en ce qui concerne la fixation de l’amende

230    Par leur dixième moyen, les requérantes allèguent que le Tribunal a violé son obligation d’opérer un contrôle de pleine juridiction au sens de l’article 6 de la CEDH en ce qui concerne la fixation de l’amende, dès lors qu’il aurait omis d’exercer la compétence de pleine juridiction prévue aux articles 261 TFUE et 31 du règlement no 1/2003.

231    Force est de constater que, dans le cadre de ce dixième moyen, les requérantes n’identifient pas avec la précision requise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué, mais se contentent d’affirmer de manière générale et non étayée que le Tribunal aurait dû procéder à un examen de tous les éléments de preuve et de toutes les circonstances de fait pertinentes en vue d’apprécier le caractère adéquat de l’amende. Il y a lieu toutefois de souligner que l’argumentation développée au soutien de ce moyen, relative à la violation de l’obligation d’opérer un contrôle de pleine juridiction, a déjà été examinée dans le cadre des autres moyens, dans la mesure où les requérantes identifiaient avec la précision requise les éléments critiqués de l’arrêt attaqué.

232    Par conséquent, ce dixième moyen doit être rejeté comme étant irrecevable, en application de la jurisprudence rappelée aux points 29 et 30 du présent arrêt.

233    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le pourvoi doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

234    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui‑ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

235    En vertu de l’article 140, paragraphe 3, du règlement de procédure, la Cour peut décider qu’une partie intervenante supportera ses propres dépens.

236    Les requérantes, ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu, conformément aux conclusions de la Commission, de les condamner aux dépens.

237    France Telecom, Ausbanc Consumo et l’ECTA, parties intervenantes, supportent leurs propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Telefónica SA et Telefónica de España SAU sont condamnées aux dépens.

3)      France Telecom España SA, Asociación de Usuarios de Servicios Bancarios (Ausbanc Consumo) et European Competitive Telecommunications Association supportent leurs propres dépens.

Signatures


** Langue de procédure: l’espagnol.