Language of document : ECLI:EU:T:2011:151

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (sixième chambre)

11 avril 2011 (*)

« Recours en annulation – Environnement et protection de la santé humaine – Denrées alimentaires et aliments pour animaux génétiquement modifiés – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑478/10,

Département du Gers, représenté par Mes S. Mabile et J.-P. Mignard, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. D. Bianchi et Mme L. Pignataro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision 2010/419/UE de la Commission, du 28 juillet 2010, renouvelant l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant le maïs génétiquement modifié Bt 11 (SYN‑BTØ11‑1), consistant en ce maïs ou produits à partir de celui-ci, autorisant les denrées et ingrédients alimentaires contenant le maïs Bt 11 (SYN‑BTØ11‑1) ou consistant en ce maïs, en application du règlement (CE) nº 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la décision 2004/657/CE (JO L 197, p. 11),

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. E. Moavero Milanesi (rapporteur), président, N. Wahl et S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige

1        Le 17 avril 2007, Syngenta Seeds SAS a soumis à la Commission des Communautés européennes, conformément aux articles 5, 11, 17 et 23 du règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil, du 22 septembre 2003, concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés (JO L 268, p. 1), une demande de renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché de denrées alimentaires, d’ingrédients alimentaires et d’aliments pour animaux contenant le maïs génétiquement modifié Bt 11 (SYN‑BTØ11‑1), consistant en ce maïs ou produits à partir de celui-ci. Cette demande concernait aussi le renouvellement de l’autorisation de mise sur le marché de denrées et d’ingrédients alimentaires de maïs doux issu de la lignée de maïs génétiquement modifié Bt 11. La demande ne concernait pas la culture de ce maïs Bt 11.

2        Le 17 février 2009, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a émis un avis favorable, conformément aux articles 6 et 18 du règlement n° 1829/2003, en soulignant que le maïs en question était aussi sûr que son homologue non génétiquement modifié quant à ses effets potentiels sur la santé humaine et animale ou sur l’environnement. L’EFSA a dès lors conclu que sa mise sur le marché n’était pas susceptible d’avoir des effets néfastes sur la santé humaine ou animale ou sur l’environnement dans le cadre des utilisations prévues.

3        Le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, visé à l’article 35 du règlement n° 1829/2003, n’a pas émis d’avis dans le délai fixé par son président.

4        Aux termes de l’article 19, paragraphe 3, du règlement n° 1829/2003, la décision finale devait être adoptée conformément à la procédure visée à l’article 35, paragraphe 2, de ce même règlement, qui renvoie aux articles 5 et 7 de la décision 1999/468/CE du Conseil, du 28 juin 1999, fixant les modalités de l’exercice des compétences d’exécution conférées à la Commission (JO L 184, p. 23). Ledit article 5 prévoit, notamment en ses paragraphes 4 et 6, que, en l’absence d’avis du comité, qui est en l’espèce le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, la Commission soumet sans tarder au Conseil de l’Union européenne une proposition relative aux mesures à prendre. Si, à l’expiration du délai fixé, le Conseil n’a pas adopté les mesures d’application proposées par la Commission ou s’il n’a pas indiqué qu’il s’opposait à la proposition desdites mesures, ces dernières sont arrêtées par la Commission.

5        Lors de sa réunion du 29 juin 2010, le Conseil n’a pas pu parvenir à une décision à la majorité qualifiée favorable ou défavorable à la proposition de la Commission.

6        Le 28 juillet 2010, la Commission a adopté la décision 2010/419/UE (ci‑après la « décision attaquée »), renouvelant l’autorisation de mise sur le marché de produits contenant le maïs génétiquement modifié Bt 11 (SYN‑BTØ11‑1), consistant en ce maïs ou produits à partir de celui-ci, autorisant les denrées et ingrédients alimentaires contenant le maïs Bt 11 (SYN‑BTØ11‑1) ou consistant en ce maïs, en application du règlement nº 1829/2003 et abrogeant la décision 2004/657/CE (JO L 197, p. 11).

 Procédure et conclusions des parties

7        Par requête déposée le 4 octobre 2010 au greffe du Tribunal, le requérant, le Département du Gers, a introduit le présent recours.

8        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 21 janvier 2011, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Le requérant a présenté ses observations sur cette exception le 10 mars 2011.

9        Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

10      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner le requérant aux dépens.

11      Par actes déposés au greffe du Tribunal respectivement les 6 janvier et 2 février 2011, le Parlement européen et le Conseil ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions de la Commission.

12      Par actes déposés au greffe du Tribunal entre les 28 janvier et 13 mars 2011, quatorze régions et départements français ont demandé à intervenir dans la présente procédure au soutien des conclusions du requérant.

 En droit

13      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

14      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et considère qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

15      Par son exception d’irrecevabilité, la Commission soutient que le requérant n’est pas directement et individuellement concerné par la décision attaquée.

16      Selon l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre une décision adressée à une autre personne que si cette décision la concerne directement et individuellement.

17      Il importe de souligner que, sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une entité régionale ou locale peut, dans la mesure où elle jouit de la personnalité juridique en vertu du droit national, former un recours contre les décisions dont elle est destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement (arrêts de la Cour du 10 avril 2003, Commission/Nederlandse Antillen, C‑142/00 P, Rec. p. I‑3483, point 59, et du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville vesuviane et Ente per le Ville vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, Rec. p. I‑7993, point 42).

18      En l’espèce, il est constant que la décision attaquée a été notifiée par la Commission à Syngenta Seeds, qui en est le destinataire. Par ailleurs, cette décision abroge la décision 2004/657/CE de la Commission, du 19 mai 2004, relative à l’autorisation de mise sur le marché de maïs doux issu de la lignée de maïs génétiquement modifiée Bt 11 en tant que nouvel aliment ou nouvel ingrédient alimentaire, en application du règlement (CE) n° 258/97 du Parlement européen et du Conseil (JO L 300, p. 48), dont le destinataire était également Syngenta Seeds.

19      Il y a donc lieu de vérifier si le requérant est recevable à former un recours en annulation contre ladite décision et, plus particulièrement, s’il est directement et individuellement concerné par celle-ci.

20      Le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord si le requérant est individuellement concerné par la décision attaquée.

21      À cet égard, il convient de rappeler qu’un sujet autre que le destinataire d’un acte ne saurait prétendre être concerné individuellement, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, que si cet acte l’atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui le caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire le serait (arrêt de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, point 223, et ordonnance de la Cour du 26 novembre 2009, Região autónoma dos Açores/Conseil, C‑444/08 P, non publiée au Recueil, point 36).

22      C’est au regard de ces principes qu’il y a lieu d’examiner la recevabilité du présent recours.

23      En premier lieu, le requérant estime être individuellement concerné par la décision attaquée, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en raison des compétences et de l’action menée par lui en matière agricole, puisque la décision attaquée, par son autorisation de mise sur le marché de produits contenant du maïs génétiquement modifié Bt 11, produirait des conséquences sur l’environnement, les animaux, l’agriculture et les personnes relevant de lui. Le requérant souligne qu’il assure le soutien à la promotion des produits agricoles et à l’agriculture biologique et de qualité. Plusieurs aides relèveraient de sa compétence, à savoir les aides à l’installation des jeunes agriculteurs, celles en faveur du foncier agricole et de l’élevage, celles en faveur des investissements individuels ou collectifs pour les exploitations agricoles, ainsi que celles aux agriculteurs en difficulté. Ces aides seraient menacées par la dissémination involontaire du maïs génétiquement modifié Bt 11. En outre, au niveau social et économique, la mise sur le marché du maïs génétiquement modifié Bt 11 concurrencerait directement les exploitants de produits traditionnels et, en particulier, les producteurs de maïs. En conséquence, le requérant devrait débloquer des aides supplémentaires aux agriculteurs concurrencés ou promouvoir à perte des produits biologiques qui risqueraient d’être contaminés par les produits contenant des organismes génétiquement modifiés (ci‑après les « OGM »).

24      Les arguments avancés par le requérant à l’appui de la recevabilité du recours reposent, en substance, sur la prémisse que la décision attaquée aura des effets préjudiciables, de nature économique et sociale, sur le secteur agricole du département en cause.

25      À cet égard, il convient d’observer que l’intérêt général qu’une région, en tant qu’entité compétente pour les questions d’ordre économique, social ou environnemental sur son territoire, peut avoir à obtenir un résultat favorable pour la prospérité de celui-ci ne saurait, à lui seul, suffire pour la considérer comme étant concernée, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. En effet, il ressort de la jurisprudence que le système établi par les traités réserve aux États membres et non aux autorités régionales ou à des associations, qu’elles soient publiques ou privées, le droit de défendre l’intérêt général sur leurs territoires et que, partant, les personnes physiques ou morales agissant en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE ne sauraient uniquement se prévaloir, afin de démontrer qu’elles sont individuellement concernées par un acte de l’Union européenne, des conséquences de l’acte en cause sur la collectivité ou sur l’ensemble de leurs membres. Ainsi, il a été jugé qu’une association constituée pour promouvoir les intérêts collectifs, qu’ils soient de nature économique ou environnementale, d’une catégorie de justiciables ne saurait être considérée comme étant individuellement concernée par un acte affectant les intérêts généraux de cette catégorie et, par conséquent, n’était pas recevable à introduire un recours en annulation lorsque ses membres ne sauraient le faire à titre individuel (voir arrêt du Tribunal du 1er juillet 2008, Região autónoma dos Açores/Conseil, T‑37/04, non publié au Recueil, point 53, et la jurisprudence citée). Dès lors que, aux fins de l’application de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, les conditions de recevabilité des recours introduits par des entités régionales ou locales ne se distinguent pas de celles des recours des organisations chargées de la défense collective des intérêts de leurs membres, cette jurisprudence est également applicable aux recours introduits par des entités régionales ou locales.

26      En l’espèce, par ses arguments socio-économiques, par ailleurs purement hypothétiques et nullement étayés par des preuves, le requérant n’a démontré ni que la décision attaquée saurait, à elle seule, entraîner les répercussions socio-économiques qu’il allègue ni, ainsi que le fait valoir la Commission, que son intérêt pour les questions d’ordre économique, social ou environnemental sur son territoire se distingue de l’intérêt général de l’État français pour ces mêmes questions. Par conséquent, les arguments du requérant ne suffisent pas à établir qu’il est individuellement concerné par la décision attaquée.

27      En deuxième lieu, le requérant avance des arguments tenant aux risques sanitaires que le maïs génétiquement modifié Bt 11 ferait courir aux personnes vivant sur son territoire, risques qui toucheraient également les animaux élevés sur son territoire. Le requérant considère que ces risques sont particulièrement importants sur son territoire en raison de sa forte densité agricole.

28      À titre liminaire, il convient de rappeler que le règlement n° 1829/2003 a institué un régime communautaire unique d’autorisation, d’étiquetage et de surveillance des denrées alimentaires génétiquement modifiées. Ainsi, conformément à son article 4, personne ne peut mettre sur le marché un OGM destiné à l’alimentation humaine ou une denrée alimentaire génétiquement modifiée, à moins qu’il ne soit couvert par une autorisation, subordonnée à la démonstration, en particulier, que l’OGM ou la denrée alimentaire génétiquement modifiée n’ont pas d’effets négatifs sur la santé humaine ou animale ou sur l’environnement.

29      À cet égard, il convient de constater que le requérant soulève un problème général tenant à la santé humaine et animale sans toutefois démontrer en quoi les intérêts qu’il estime lui être propres se distinguent de l’intérêt que l’État français porte à la santé humaine et animale. Partant, le requérant n’a pas démontré à suffisance de droit que la situation de son territoire, se caractérisant par une forte densité agricole, était susceptible de l’individualiser. À défaut d’une telle démonstration, ce n’est que l’État membre, en l’espèce l’État français, qui, en vertu de l’article 263, deuxième alinéa, TFUE, a le droit de défendre l’intérêt général sur son territoire, ainsi qu’il a été rappelé au point 25 ci-dessus.

30      De plus, s’agissant des risques sanitaires, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, consultée par l’EFSA conformément à l’article 6, paragraphe 4, du règlement n° 1829/2003, après consultation du Comité d’experts spécialisé « Biotechnologie », a conclu à l’inexistence de ces risques.

31      De même, conformément aux articles 6 et 18 du règlement n° 1829/2003, l’EFSA a rendu un avis favorable à la mise sur le marché des denrées et des ingrédients alimentaires existants, produits à partir du maïs Bt 11, en indiquant avoir tenu compte de l’ensemble des questions et des préoccupations spécifiques exprimées par les États membres lors de la consultation des autorités nationales compétentes.

32      Dans ces conditions, il y a lieu de noter que le requérant n’a pas établi l’existence des prétendus risques sanitaires invoqués afin d’établir qu’il serait individuellement concerné par la décision attaquée, risques que l’EFSA et l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments ont exclus.

33      En troisième lieu, le requérant estime être individuellement concerné par la décision attaquée en raison du fait que la filière de l’agriculture biologique serait directement menacée par la mise sur le marché du maïs génétiquement modifié Bt 11 à cause de l’inévitable dissémination involontaire qui pourrait entraîner une contamination des produits bio. Le requérant soutient qu’il n’est pas possible d’établir une frontière étanche entre les filières « non OGM » et les filières « OGM », car, à tous les stades de la production, du transport, de la transformation et de l’utilisation des produits contenant des OGM, il existerait un risque qu’une partie de ces produits se répande, se diffuse et, partant, affecte des produits et des cultures réputés sans OGM.

34      Ainsi que la Commission le rappelle, l’autorisation contenue à l’article 2 de la décision attaquée vise la mise sur le marché des denrées alimentaires, des aliments pour animaux et des produits autres que les denrées alimentaires et les aliments pour animaux, contenant du maïs génétiquement modifié Bt 11, consistant en ce maïs ou produits à partir de celui-ci. Toutefois, la décision attaquée ne vise pas la culture du maïs, ce qui exclut les problèmes liés à la dissémination involontaire. En tout état de cause, l’EFSA, examinant la demande d’autorisation, avait exclu une augmentation de la probabilité de l’établissement ou de la survie des plants de maïs sauvage en cas de dissémination accidentelle dans l’environnement de semences Bt 11 pendant le transport et la transformation pour une utilisation en alimentation humaine et animale. Elle ajoutait que, compte tenu de l’objet de la demande, aussi bien la rareté des plants de maïs sauvage sporadiques que les faibles niveaux d’exposition par d’autres voies indiquaient que le risque pour les organismes non-cibles était négligeable.

35      Partant, si le requérant allègue, sans d’ailleurs l’établir, que la méthode d’analyse de l’EFSA est incomplète, il ne démontre pas que le risque de dissémination involontaire dont il se prévaut serait plus important sur son territoire. Par conséquent, le requérant n’a pas établi être individuellement concerné par la décision attaquée.

36      En quatrième lieu, le requérant estime être individuellement concerné en raison de sa participation à la procédure ayant abouti à l’adoption de la décision attaquée, même s’il n’a pas été formellement associé aux travaux préparatoires de la Commission. Il souligne qu’il est le département français le plus impliqué dans le débat sur les OGM, qu’il a tenté d’organiser sur son territoire un référendum quant aux expérimentations des OGM et qu’il est partie prenante au débat national et de l’Union sur les OGM. Le requérant fait en outre valoir que le Conseil d’État français lui aurait reconnu un intérêt spécifique en matière d’OGM en raison de son rôle en faveur de la protection de l’environnement.

37      À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’abord, que le fait pour une personne d’intervenir dans le processus d’adoption d’un acte de l’Union n’est de nature à l’individualiser par rapport à l’acte en cause que dans le cas où des garanties de procédure ont été prévues au profit de cette personne par la réglementation de l’Union. Ainsi, dès lors qu’une disposition de droit de l’Union impose, pour adopter une décision, de suivre une procédure dans le cadre de laquelle une personne physique ou morale peut revendiquer d’éventuels droits, dont celui d’être entendue, la position juridique particulière dont bénéficie cette personne a pour effet de l’individualiser au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE. Il y a lieu de préciser, ensuite, qu’une telle individualisation n’est toutefois reconnue que dans la mesure où les garanties procédurales invoquées sont celles prévues par la réglementation applicable (voir ordonnance du Tribunal du 7 septembre 2010, Etimine et Etiproducts/Commission, T‑539/08, non encore publiée au Recueil, points 109 et 110, et la jurisprudence citée).

38      Il convient de noter que le requérant admet lui-même ne pas avoir participé à l’élaboration de la décision attaquée, et n’invoque aucune disposition du droit de l’Union qui lui attribue des garanties procédurales dans le cadre de l’adoption de la décision attaquée. Par conséquent, en l’absence de garantie procédurale liée à l’adoption de la décision attaquée, l’argument du requérant selon lequel il serait individualisé en raison de l’intérêt manifesté au niveau national en ce qui concerne le débat sur les OGM ne peut être accueilli.

39      Dès lors, force est de constater qu’aucun des arguments avancés par le requérant ne permet de conclure qu’il est individuellement concerné par la décision attaquée.

40      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument du requérant selon lequel l’irrecevabilité du présent recours serait constitutive d’une violation de son droit fondamental à une protection juridictionnelle effective. De l’avis du requérant, les recours nationaux seraient inadaptés, incertains et tardifs au regard de la nature et de l’objet de la décision attaquée. En effet, pour agir en justice, il devrait d’abord demander aux autorités administratives le retrait de la mise sur le marché du maïs génétiquement modifié Bt 11. Il devrait ensuite introduire contre la décision de refus de ces autorités un recours, à l’occasion duquel il pourrait demander au juge national de poser une question préjudicielle à la Cour de justice. Une telle lenteur rendrait la protection juridictionnelle tout à fait hypothétique.

41      À cet égard, après avoir rappelé que le droit à une protection juridictionnelle effective fait partie des principes généraux de droit qui découlent des traditions constitutionnelles communes aux États membres et qu’il a également été consacré par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, la Cour a indiqué que le traité TFUE, par ses articles 263 et 277 TFUE, d’une part, et par son article 267 TFUE, d’autre part, a établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes des institutions, en le confiant au juge de l’Union. Dans ce système, des personnes physiques ou morales ne pouvant pas, en raison des conditions de recevabilité visées à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, attaquer directement des actes de l’Union de portée générale ont la possibilité, selon les cas, de faire valoir l’invalidité de tels actes soit, de manière incidente en vertu de l’article 277 TFUE, devant le juge de l’Union, soit devant les juridictions nationales, et d’amener celles-ci, qui ne sont pas compétentes pour constater elles-mêmes l’invalidité desdits actes, à interroger à cet égard la Cour par la voie de questions préjudicielles (arrêts de la Cour du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, points 39 et 40, et du 1er avril 2004, Commission/Jégo-Quéré, C‑263/02 P, Rec. p. I‑3425, points 29 et 30 ; ordonnance du Tribunal du 29 juin 2006, Nürburgring/Parlement et Conseil, T‑311/03, non publiée au Recueil, point 69).

42      Ainsi, il ressort de la jurisprudence susmentionnée que la recevabilité d’un recours en annulation devant le juge de l’Union ne saurait dépendre de la question de savoir s’il existe une voie de recours devant une juridiction nationale permettant l’examen de la validité de l’acte dont l’annulation est demandée. En aucun cas, une telle circonstance ne permet de déclarer recevable un recours en annulation formé par une personne physique ou morale qui ne satisfait pas aux conditions posées par l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (ordonnance de la Cour du 1er février 2001, Area Cova e.a./Conseil et Commission, C‑301/99 P, Rec. p. I‑1005, point 47).

43      Il s’ensuit que l’argument du requérant doit être rejeté. En tout état de cause, il convient de constater que le requérant a admis l’existence de voies de recours nationales, par le biais desquelles une question préjudicielle pourrait être posée à la Cour.

44      Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n’est pas individuellement concerné par la décision attaquée, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, et, partant, que le recours doit être rejeté comme irrecevable, sans qu’il soit nécessaire d’aborder la question de savoir si le requérant est directement concerné par la décision en cause.

45      Dans ces conditions, le recours étant rejeté comme irrecevable, il n’y a lieu de statuer ni sur les demandes d’intervention du Parlement et du Conseil au soutien des conclusions de la Commission ni sur les demandes d’intervention de la Région Centre, de la Région Picardie, du Département de la Haute-Garonne, de la Région Bretagne, de la Région Poitou-Charentes, de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, de la Région Bourgogne, de la Région Midi-Pyrénées, de la Région Auvergne, de la Région Pays de la Loire, de la Région Rhône-Alpes, du Département des Côtes d’Armor, de la Région Île de France et de la Région Nord-Pas-de-Calais au soutien des conclusions du requérant (ordonnance de la Cour du 5 juillet 2001, Conseil national des professions de l’automobile e.a./Commission, C‑341/00 P, Rec. p. I‑5263, points 33 à 37).

 Sur les dépens

46      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens exposés par la Commission conformément aux conclusions de celle-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Le Département du Gers supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes d’intervention du Parlement européen, du Conseil de l’Union européenne, de la Région Centre, de la Région Picardie, du Département de la Haute-Garonne, de la Région Bretagne, de la Région Poitou-Charentes, de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, de la Région Bourgogne, de la Région Midi-Pyrénées, de la Région Auvergne, de la Région Pays de la Loire, de la Région Rhône-Alpes, du Département des Côtes d’Armor, de la Région Île de France et de la Région Nord-Pas-de-Calais.

Fait à Luxembourg, le 11 avril 2011.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      E. Moavero Milanesi


* Langue de procédure : le français.