Language of document : ECLI:EU:T:2011:696

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT
DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

24 novembre 2011 (1)

« Intervention »

Dans l’affaire T-200/11,

Fahed Mohamed Sakher Al Matri, demeurant à Doha (Qatar), représenté par Mme M. Lester, barrister, et M. G. F. N. Martin, solicitor,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M Bishop et I. Gurov, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande en annulation, d’une part, de la décision d’exécution 2011/79/PESC du Conseil, du 4 février 2011, mettant en œuvre la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO L 31, p. 40) et, d’autre part, du règlement (UE) n° 101/2011 du Conseil, du 4 février 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités ou organismes au regard de la situation en Tunisie (JO L 31, p. 1), pour autant qu’ils s’appliquent au requérant,

LE PRESIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents

1        Le 31 janvier 2011, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision 2011/72/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes et entités au regard de la situation en Tunisie (JO L 28, p. 62), par laquelle il a, notamment, réaffirmé à la République tunisienne et au peuple tunisien toute sa solidarité et son soutien en faveur des efforts déployés pour établir une démocratie stable, l’État de droit, le pluralisme démocratique et le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

2        En outre, le Conseil a adopté des « mesures restrictives à l’encontre de personnes responsables du détournement de fonds publics tunisiens, qui privent ainsi le peuple tunisien des avantages du développement durable de son économie et de sa société et compromettent l’évolution démocratique du pays ».

3        Dans son article 1er, paragraphe 1, la décision 2011/72/PESC dispose :

« Sont gelés tous les capitaux et ressources économiques qui appartiennent à des personnes responsables du détournement de fonds publics tunisiens et aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés, de même que tous les capitaux et ressources économiques qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par ces personnes, entités ou organismes, dont la liste figure à l’annexe. »

4        En vertu de l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2011/72/PESC :

« Le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, établit la liste qui figure à l’annexe et la modifie. »

5        La liste figurant à l’annexe de la décision 2011/72/PESC, dans sa version initiale, contenait uniquement le nom de deux personnes physiques, à savoir M. Zine el-Abidine Ben Hamda Ben Ali, ancien président de la République tunisienne, et Mme Leïla Bent Mohammed Trabelsi, son épouse.

6        Le 4 février 2011, le Conseil a adopté la décision d’exécution 2011/79/PESC, mettant en œuvre la décision 2011/72/PESC (JO L 31, p. 40), qui est entrée en vigueur, en vertu de son article 2, le jour même de son adoption.

7        La décision 2011/79/PESC a modifié la liste des personnes faisant l’objet des mesures restrictives énoncées à l’annexe de la décision 2011/72/PESC en substituant sa propre annexe à cette dernière. En substance, la décision attaquée a étendu l’application des mesures restrictives à 48 personnes physiques, dont le requérant, M. Fahed Mohamed Sakher Al Matri.

8        L’annexe de la décision attaquée contient les informations nécessaires à l’identification de chaque personne inscrite et indique les motifs de cette inscription. Concernant le requérant, l’annexe de la décision attaquée contient les informations suivantes :

« Nom : Fahd Mohamed Sakher Ben Moncef Ben Mohamed Hfaiez MATERI ;

Informations d’identification : Tunisien, né à Tunis le 2 décembre 1981, fils de Naïma BOUTIBA, marié à Nesrine BEN ALI, titulaire de la CNI n° 04682068 ;

Motifs : Personne faisant l’objet d’une enquête judiciaire des autorités tunisiennes pour acquisition de biens immobiliers et mobiliers, ouverture de comptes bancaires et détention d’avoirs financiers dans plusieurs pays dans le cadre d’opérations de blanchiment d’argent. »

9        Le règlement (UE) n° 101/2011 du Conseil du 4 février 2011 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, entités ou organismes au regard de la situation en Tunisie (JO L 31, p. 1), a été adopté sur la base de l’article 215, paragraphe 2, TFUE et de la décision 2011/72/PESC. Il prévoit, à l’article 2, paragraphe 1, le gel de « tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2011/72/PESC, ont été reconnus par le Conseil comme étant responsables de détournements de fonds revenant à l’État tunisien, ainsi qu’aux personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui leur sont associés, tels qu’énumérés à l’annexe I, de même que tous les fonds et ressources économiques qu’ils possèdent, détiennent ou contrôlent » et en définit les modalités. L’annexe I de ce règlement comporte, notamment, le nom du requérant. Les motifs indiqués pour son inclusion dans ladite annexe sont identiques à ceux indiqués dans l’annexe à la décision d’exécution 2011/79/PESC (voir le point précèdent).

 Procédure

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er avril 2011, le requérant a introduit un recours visant à l’annulation de la décision 2011/79/PESC et du règlement n° 101/2011, pour autant qu’ils s’appliquent à lui.

11      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 24 juin 2011, la République tunisienne a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la partie défenderesse.

12      Le requérant et le Conseil ont présenté leurs observations écrites relatives à cette demande d’intervention par actes déposés au greffe du Tribunal, respectivement, les 21 et 12 septembre 2011.

En droit

 Arguments des parties

13      À l’appui de sa demande, la République tunisienne fait valoir qu’elle a créé, par le décret‑loi n° 2011‑15 du 26 mars 2011, le « comité national du recouvrement des biens mal acquis existants à l’étranger » (ci‑après, le « comité national ») lequel « coordonne et, le cas échéant, conduit les procédures de recouvrement des biens transférés, acquis, détenus ou contrôlés, directement ou indirectement, à l’étranger et dans des conditions illégales ou ayant porté ou pouvant porter atteinte au patrimoine ou aux intérêts financiers de l’État, ou des collectivités locales ou des établissements et entreprises publics, par Zine El Abidine Ben Haj Hamda Ben Haj Hassen Ben Ali, l’ancien président de la République, son épouse, ses enfants, toute personne ayant des liens familiaux ou d’alliance avec eux et toute personne leur ayant apporté son concours ou ayant bénéficié sans droit de leurs actions ».

14      La République tunisienne relève que, d’une part, il existe une profonde convergence entre les objectifs assignés au comité national et les objectifs poursuivis par les actes de l’Union mis en cause dans la présente affaire, dans la mesure où le recouvrement des « biens mal acquis », fruit du « détournement de fonds publics tunisiens » doit nécessairement passer par le gel de ces biens. D’autre part, la République tunisienne considère qu’elle a un intérêt évident à ce que les proches de l’ancien président M. Ben Ali et de son épouse ne puissent pas profiter des biens prétendument acquis au détriment du peuple tunisien lesquels doivent être restitués au patrimoine de l’État tunisien.

15      Le requérant a émis des objections s’agissant de la demande d’intervention de la République tunisienne. Il fait remarquer que son recours tend à l’annulation de mesures imposées par l’Union européenne, qui ont pour effet de geler, à l’intérieur de l’Union, les fonds et ressources à sa disponibilité. Lesdites mesures ne conduiraient pas à un transfert de fonds à la République tunisienne ou au comité national et ne produiraient aucun effet juridique à leur égard. Par conséquent, il ne saurait être soutenu que la République tunisienne serait directement affectée par le dispositif de l’arrêt du Tribunal à intervenir dans la présente affaire, ou que ses intérêts seraient protégés par un tel arrêt faisant droit aux conclusions du Conseil.

16      Dans ses observations sur la demande d’intervention de la République tunisienne, le Conseil n’a pas émis d’objections contre une telle intervention.

 Appréciation du président

17      Il résulte d’une jurisprudence constante que la notion d’intérêt à la solution du litige, au sens de l’article 40, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice, doit se définir au regard de l’objet même du litige et s’entendre comme un intérêt direct et actuel au sort réservé aux conclusions elles-mêmes, et non comme un intérêt par rapport aux moyens soulevés. En effet, par « solution » du litige, il faut entendre la décision finale demandée au juge saisi, telle qu’elle serait consacrée dans le dispositif de l’arrêt. Il convient, notamment, de vérifier que l’intervenant est touché directement par l’acte attaqué et que son intérêt à la solution du litige est certain (ordonnances du Tribunal du 25 février 2003, BASF/Commission, T‑15/02, Rec. p. II‑213, point 26 et du 13 avril 2010, Vtesse Networks/Commission, T‑54/07, non publiée au Recueil, point 30).

18      En l’espèce, il ressort de la lecture combinée des dispositions citées aux points 1 à 9 ci‑dessus que le requérant a fait l’objet des mesures restrictives litigieuses au motif qu’il fait l’objet d’une enquête judiciaire des autorités tunisiennes pour avoir participé à des opérations liées au détournement de fonds publics tunisiens.

19      Dans ces conditions, force est de constater que la République tunisienne justifie d’un intérêt direct et actuel, au sens de la jurisprudence citée au point 17 ci‑dessus, au maintien des mesures litigieuses lesquelles, ainsi qu’elle le fait valoir à juste titre, constituent un préalable nécessaire au recouvrement de ses biens et fonds publics prétendument détournés par le requérant et ce nonobstant le fait, invoqué par ce dernier, que ces mesures ne conduisent pas directement à un transfert de fonds.

20      Il s’ensuit qu’il convient d’accueillir la demande de la République tunisienne et de l’admettre à intervenir dans l’affaire.

21      La communication au Journal officiel de l’Union européenne visée à l’article 24, paragraphe 6, du règlement de procédure ayant été publiée le 28 mai 2011, la demande d’intervention a été présentée dans le délai prévu à l’article 115, paragraphe 1, du même règlement, augmenté du délai de distance prévu à l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure, et les droits de la partie intervenante seront ceux prévus à l’article 116, paragraphes 2 à 4, dudit règlement.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DE LA TROISIÈME CHAMBRE DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La République tunisienne est admise à intervenir dans l’affaire T‑200/11, au soutien des conclusions de la partie défenderesse.

2)      Le greffier communiquera à la partie intervenante une copie de chaque acte de procédure signifié aux parties.

3)      Un délai sera fixé à la partie intervenante pour présenter un mémoire en intervention.

4)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 24 novembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       O. Czúcz


1 Langue de procédure : l’anglais.