Language of document : ECLI:EU:T:2023:517

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

6 septembre 2023 (*)

  « Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale SMART ! – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b) du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑658/22,

Allegro sp. z o.o., établie à Poznań (Pologne), représentée par Me M. Podbielska, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme M. Chylińska et M. J. Ivanauskas, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, M. I. Dimitrakopoulos (rapporteur) et Mme B. Ricziová, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, la société Allegro s.p. z.o.o., demande l’annulation de la décision de la première chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 24 août 2022 (affaire R 712/2022-1) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 2 août 2021, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal SMART !, en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

3        La marque demandée désignait les produits et services relevant des classes 9, 35 et 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciels informatiques pour l’exploitation de boutiques en ligne ; applications mobiles pour l’exploitation de boutiques en ligne » ;

–        classe 35 : « Exploitation de places de marché en ligne pour faciliter la négociation de transactions commerciales entre des tiers lors de la vente et de l’achat de marchandises ; offre d’espace publicitaire en ligne pour des tiers ; services de petites annonces ; offre d’espace publicitaire en ligne pour petites annonces ; services de publicité et de promotion ; services de comparaison de prix ; services de marketing ; services de programmes de fidélisation, incitatifs et de promotion ; aide à l’exploitation d’entreprises commerciales consistant à : rendre disponible un site Web sur un réseau informatique mondial par lequel des tiers peuvent offrir et obtenir des produits et des services, passer, déterminer le statut et exécuter des ordres et commandes commerciales, conclure des contrats et effectuer des transactions ; services de commerce en ligne liés aux enchères électroniques et évaluation en ligne se rapportant à celles-ci ; services de promotion, consistant à fournir un ensemble d’avantages dans le cadre d’une plateforme de vente de produits en ligne ; services de promotion consistant à fournir un ensemble d’avantages dans le cadre d’une plateforme de vente de biens en ligne, notamment concernant la livraison de produits, le suivi des expéditions, les acomptes, les remises ou l’amélioration de la qualité de service ; services d’information concernant les services précités » ;

–        classe 42 : « Services informatiques, à savoir la fourniture d’un moteur de recherche de produits dans le cadre d’un service Internet ; création et maintenance, pour le compte de tiers, de systèmes informatiques de marketing, accessibles via Internet ; logiciel en tant que service (SaaS) pour l’exploitation de boutiques en ligne ».

4        Par décision du 22 mars 2022, l’examinatrice a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

5        Le 28 avril 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre cette décision de refus d’enregistrement.

6        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que la marque demandée ne disposait pas d’un caractère distinctif, au regard des produits et des services en cause, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001. En effet, la chambre de recours a estimé, en substance, que la marque demandée ne transmettrait qu’un message positif selon lequel les produits et services en cause seraient de haute qualité ou les plus appropriés, car ils constitueraient une option ou solution intelligente.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens dans l’éventualité où une audience serait tenue.

 En droit

9        La requérante invoque, en substance, trois moyens tirés, premièrement, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, en ce que la marque demandée possédait un caractère distinctif au regard des produits et des services en cause, deuxièmement, de l’application incohérente de la pratique décisionnelle de l’EUIPO ainsi que, troisièmement, de l’insuffisance d’examen du caractère distinctif de la marque demandée.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001

10      La requérante considère que l’EUIPO a commis plusieurs erreurs d’appréciation concernant le caractère distinctif de la marque demandée. Premièrement, elle aurait considéré, à tort, que le terme « smart » signifiait uniquement « intelligent », car il serait, en réalité, multidimensionnel et insaisissable. Deuxièmement, elle n’aurait pas démontré le caractère élogieux du terme « smart » concernant les produits et services en cause et la marque serait, tout au plus, « allusive » au regard de ces derniers. Troisièmement, la chambre de recours n’aurait pas pris en compte les services que la requérante aurait indiqués comme étant déterminants au soutien de l’analyse du caractère distinctif de la marque demandée. Quatrièmement, elle aurait erronément apprécié l’importance de l’élément « ! » de la marque demandée.

11      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

12      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne.

13      Le caractère distinctif d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement est demandé comme provenant d’une entreprise déterminée et donc de distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises [voir arrêts du 20 octobre 2011, Freixenet/OHMI, C‑344/10 P et C‑345/10 P, EU:C:2011:680, point 42 et jurisprudence citée ; du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 33 et jurisprudence citée, et du 22 mars 2017, Hoffmann/EUIPO (Genius), T‑425/16, non publié, EU:T:2017:199, point 23 et jurisprudence citée]. Un minimum de caractère distinctif est suffisant pour qu’un signe puisse être enregistré en tant que marque [voir, en ce sens, arrêts du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T‑34/00, EU:T:2002:41, point 39, et du 30 avril 2015, Steinbeck/OHMI – Alfred Sternjakob (BE HAPPY), T‑707/13 et T‑709/13, non publié, EU:T:2015:252, point 21].

14      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (voir arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35 et jurisprudence citée ; du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 34 et jurisprudence citée, et du 12 juillet 2012, Smart Technologies/OHMI, C‑311/11 P, EU:C:2012:460, point 24 et jurisprudence citée).

15      S’agissant de marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par ces marques, leur enregistrement n’est pas exclu en raison d’une telle utilisation (arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 35, et du 22 mars 2017, Genius, T‑425/16, non publié, EU:T:2017:199, point 66).

16      Quant à l’appréciation du caractère distinctif de telles marques, la Cour a déjà eu l’occasion de juger qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer à celles-ci des critères plus stricts que ceux applicables à d’autres signes (arrêts du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C‑64/02 P, EU:C:2004:645, point 32 ; du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, point 36, et du 22 mars 2017, Genius, T‑425/16, non publié, EU:T:2017:199, point 27).

17      Il résulte également de la jurisprudence que, si toutes les marques composées de signes ou d’indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services désignés par ces marques véhiculent par définition, dans une mesure plus ou moins grande, un message objectif même simple, elles peuvent néanmoins être aptes à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits ou des services en cause. Tel peut notamment être le cas lorsque ces marques ne se réduisent pas à un message publicitaire ordinaire, mais possèdent une certaine originalité ou prégnance, nécessitent un minimum d’effort d’interprétation ou déclenchent un processus cognitif auprès du public concerné (arrêts du 21 janvier 2010, Audi/OHMI, C‑398/08 P, EU:C:2010:29, points 56 et 57, et du 22 mars 2017, Genius, T‑425/16, non publié, EU:T:2017:199, point 28).

18      Il s’ensuit qu’une marque constituée d’un slogan publicitaire doit être considérée comme étant dépourvue de caractère distinctif si elle n’est susceptible d’être perçue par le public pertinent que comme une simple formule promotionnelle. En revanche, une telle marque doit se voir reconnaître un caractère distinctif si, au-delà de sa fonction promotionnelle, elle peut être perçue d’emblée par le public pertinent comme étant une indication de l’origine commerciale des produits et des services visés [arrêts du 11 décembre 2012, Fomanu/OHMI (Qualität hat Zukunft), T‑22/12, non publié, EU:T:2012:663, point 22, et du 6 juin 2013, Interroll/OHMI (Inspired by efficiency), T‑126/12, non publié, EU:T:2013:303, point 24 ; voir également, en ce sens, ordonnance du 12 juin 2014, Delphi Technologies/OHMI, C‑448/13 P, non publiée, EU:C:2014:1746, point 37].

19      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, comme le prétend la requérante, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, de ce même règlement en concluant que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif.

–       Sur la définition du public et du territoire pertinents

20      En premier lieu, s’agissant du public pertinent, la chambre de recours a considéré que les produits compris dans la classe 9 s’adressaient à des clients professionnels, alors que les services compris dans les classes 35 et 42 s’adressaient aussi bien à des professionnels qu’à un public moyen. La chambre de recours en a déduit que les produits et services en cause étaient destinés aux consommateurs moyens relativement bien informés et raisonnablement attentifs ou ayant un niveau d’attention plus élevé.

21      En second lieu, la chambre de recours a précisé que, étant donné le terme anglais composant la marque demandée, à savoir « smart », le public pertinent concernait le public anglophone de l’Union européenne et, dès lors, au moins les consommateurs d’Irlande et de Malte.

22      Ces appréciations de la chambre de recours ne sont pas contestées par la requérante.

–       Sur la perception de la marque demandée par le public pertinent

23      La chambre de recours a considéré, à l’instar de l’examinatrice, que le terme « smart », un des deux éléments composant la marque demandée, avait une signification claire, similaire à celle des termes « intelligent » et « astucieux », rendant ce dernier purement positif et élogieux. Ainsi, ce terme renverrait à des qualités comme l’intelligence, la capacité à réagir intelligemment à une situation, l’habileté, l’acuité, la perspicacité ainsi que l’exécution rapide ou habile d’une action, pouvant s’appliquer aux produits et aux services en cause, y compris les services relevant des classes 35 et 42. Elle a également considéré que l’ajout du point d’exclamation, l’autre composant de la marque demandée, n’était qu’une mise en relief du mot « smart ». La chambre de recours a conclu que la marque demandée, dans son ensemble, serait comprise par le public pertinent comme étant un message élogieux.

24      À titre liminaire, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit. Cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y ait pas lieu de procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée (voir arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C‑238/06 P, EU:C:2007:635, point 82 et jurisprudence citée).

25      En l’espèce, premièrement, il y a lieu de remarquer que le terme « smart » du signe en cause, terme commun en anglais et correct d’un point de vue grammatical, serait, à l’instar de la constatation faite par la chambre de recours au point 22 de la décision attaquée, immédiatement compris par le public pertinent comme signifiant « intelligent » [voir, en ce sens, ordonnance du 8 mai 2019, Getsmarter Online/EUIPO (getsmarter), T‑473/18, non publiée, EU:T:2019:315, point 34]. En tant que tel, il connote des qualités diverses positives possédées par des produits et des services.

26      Deuxièmement, à l’instar de l’analyse de la chambre de recours au point 24 de la décision attaquée, il y a lieu de considérer que le point d’exclamation serait considéré par le public pertinent comme étant un simple éloge ou une accroche [voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2009, JOOP!/OHMI (!), T‑75/08, non publié, EU:T:2009:374, point 27], lequel renforce le message véhiculé par le terme « smart ». En effet, l’élément que constitue le point d’exclamation n’est pas intrinsèquement distinctif [voir, en ce sens, arrêts du 30 septembre 2009, !, T‑75/08, non publié, EU:T:2009:374, point 27, et du 10 janvier 2019, achtung !/EUIPO (achtung !), T‑832/17, non publié, EU:T:2019:2, point 49].

27      Troisièmement, l’association du terme « smart » et du point d’exclamation est conforme aux règles lexicales et grammaticales de l’anglais et ne contient aucun élément inhabituel dans sa syntaxe qui lui permettrait de dépasser la simple combinaison desdits éléments. Cette association n’est pas inhabituelle et ne comporte aucun élément qui pourrait particulièrement être reconnu comme étant distinctif par le public pertinent, contrairement à ce que prétend la requérante au point 21 de sa requête. La marque demandée véhicule donc un message clair et non équivoque, immédiatement perceptible et qui ne nécessite aucune interprétation par le public pertinent. Celui-ci percevra effectivement la marque demandée comme étant porteuse d’un message élogieux et promotionnel visant à féliciter les caractéristiques positives des produits et des services.

28      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel le terme « smart » serait multidimensionnel et insaisissable, désignant un ensemble de plusieurs caractéristiques et ne signifiant pas uniquement « intelligent ». En effet, il doit être rappelé, à cet égard que, selon la jurisprudence, nonobstant le fait qu’une autre signification du signe en cause pourrait être envisageable, il suffit de constater, aux fins de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, qu’au moins une partie non négligeable du public pertinent percevra le signe en cause comme un message promotionnel, et non comme une indication de l’origine commerciale des produits ou des services en cause [voir, par analogie, arrêt du 15 mars 2023, FA World Entertainment/EUIPO (FUCKING AWESOME), T‑178/22, non publié, EU:T:2023:131, point 41]. Or, en l’espèce, le public pertinent est composé des consommateurs anglophones moyens relativement bien informés et raisonnablement attentifs ou ayant un niveau d’attention plus élevé. De ce fait, ces derniers considéreraient la marque demandée comme un message promotionnel visant à mettre en exergue la perspicacité des produits et des services en cause sans la nécessité d’un effort d’interprétation. Il convient de noter que, par ailleurs, cette constatation est renforcée par l’argument de la requérante selon lequel le terme « smart » impliquerait un choix intelligent de la part des consommateurs, c’est-à-dire un choix perspicace de produits pertinents. Dès lors, la chambre de recours a, à juste titre, procédé à l’analyse du caractère distinctif de la marque demandée en prenant en compte le concept laudatif susmentionné véhiculé par le signe SMART !.

29      Enfin, il y a lieu d’observer que les autres significations ou connotations possibles du mot « smart » proposées par la requérante, au point 8 de la requête, telles que la rapidité d’apprentissage et de compréhension, la capacité de pensée logique, la grandeur des connaissances, la possibilité d’accomplir une tâche efficacement ou l’habileté dans l’exécution de tâches difficiles, sont, en substance, couvertes par celles indiquées dans la décision attaquée (voir le point 23 ci-dessus) et, en tout état de cause, elles ne diffèrent pas sensiblement de celles-ci dans la mesure où elles s’inscrivent dans le même contexte conceptuel d’un message élogieux ordinaire. Dès lors, elles ne sauraient infirmer la conclusion dans la décision attaquée selon laquelle la marque véhicule un message élogieux ordinaire.

30      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’appréciation de la chambre de recours sur la perception du signe en cause par le public pertinent n’est pas entachée d’erreur.

–       Sur le caractère distinctif de la marque demandée par rapport aux produits et aux services en cause

31      La chambre de recours a considéré que la marque demandée transmettrait un message positif selon lequel les produits et services en cause seraient de haute qualité ou les plus appropriés, car ils constitueraient une option ou solution intelligente. À cet égard, elle a relevé, s’agissant des produits en cause, que le mot « smart » était couramment utilisé pour qualifier les logiciels informatiques et, s’agissant des services en cause, que la marque demandée revêtait un caractère purement promotionnel ou élogieux, en évoquant que ces services seraient proposés de manière intelligente, offriraient des solutions intelligentes ou utiliseraient des technologies intelligentes. En outre, elle a relevé que la marque demandée ne comportait aucune typographie, police ou graphisme particulier qui pourrait être reconnu ou distingué par le public pertinent.

32      En l’espèce, il ressort de ce qui précède sur la perception de la marque demandée par le public pertinent qu’elle véhicule un message clair pour celui-ci, visant à féliciter les caractéristiques positives des produits ou des services. Force est de constater que la chambre de recours a, à bon droit, conclu que ce message pouvait se rattacher aux produits et aux services en cause.

33      En effet, premièrement, concernant les produits en cause, à savoir ceux mentionnés dans la demande d’enregistrement, il y a lieu de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré, au point 26 de la décision attaquée, que le terme « smart » était couramment utilisé pour qualifier un logiciel informatique capable d’effectuer des opérations d’interprétation et de traitement des données pour appliquer des fonctions ou des actions appropriées.

34      Or, l’argument de la requérante selon lequel c’est l’expression « intelligent software », et non « smart software », qui serait utilisé sur le marché, ne saurait nuancer ce constat dans la mesure où le public pertinent percevrait, sans effort d’interprétation, le terme « smart » comme signifiant « intelligent ». La requérante admet, par ailleurs, que la marque demandée serait allusive pour les produits en cause. La marque demandée aurait donc un caractère élogieux pour ces produits.

35      En outre, concernant l’argument selon lequel l’icône du logiciel ou de l’application sur ordinateur ou téléphone permettrait de distinguer le signe comme étant une marque au regard des produits relevant de la classe 9, ce dernier n’est pas pertinent, étant donné que cet icône ne fait pas partie du contenu de la demande d’enregistrement. Cet argument est donc inopérant.

36      Deuxièmement, concernant les services en cause, la chambre de recours a constaté, au point 27 de la décision attaquée, que cette marque serait perçue comme une simple publicité ou qu’elle évoquerait des informations à caractère purement élogieux.

37      Or, la requérante ne critique pas réellement ce constat, puisqu’elle admet dans sa requête que la marque demandée serait allusive pour les services en cause. Son argument, selon lequel les services en cause ne sont généralement pas offerts en ligne et ne peuvent pas être fournis par des systèmes ou des applications qualifiés de « smart », n’altère en rien le fait que la marque demandée peut être aisément perçue par le public pertinent comme exprimant l’idée de services proposés de manière intelligente, offrant des solutions intelligentes ou utilisant des technologies intelligentes, ainsi que l’a relevé la chambre de recours.

38      Cette constatation est également valable quant aux services désignés par la requérante, au point 18 de la requête, comme étant déterminants, à savoir les services de promotion qui consistent à fournir un ensemble d’avantages dans le cadre d’une plateforme de vente de biens en ligne, concernant notamment la livraison de produits, le suivi des expéditions, les paiements échelonnés, les remises ou l’amélioration de la qualité du service. Si la requérante indique que ces derniers services ne sont pas liés aux technologies de l’information et donc ne peuvent pas être livrés avec des solutions ou des technologies intelligentes ou de manière rapide, il n’en demeure pas moins que le public pertinent percevrait la marque demandée comme décrivant un service intelligent, ainsi que le reconnaît la requérante elle-même en faisant valoir, au point 20 de la requête, que la marque demandée serait allusive pour ces services.

39      Ainsi, la marque demandée serait naturellement perçue par le public pertinent comme une simple formule promotionnelle ou un slogan visant à mettre en avant les caractéristiques positives des produits et des services en cause. Ce faisant, contrairement aux arguments de la requérante, le signe en cause ne présente pas d’originalité ou de prégnance, nécessitant un minimum d’effort d’interprétation ou induisant le déclenchant d’un processus cognitif auprès du public pertinent au sens de la jurisprudence citée au point 17 ci-dessus. Elle n’est pas, dès lors, apte à indiquer au consommateur l’origine commerciale des produits et des services en cause.

40      Par conséquent, c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu dans la décision attaquée que, concernant les produits et services en cause, la marque demandée ne transmettrait qu’un message positif selon lequel ces derniers seraient de haute qualité ou seraient les plus appropriés en constituant une option ou une solution intelligente.

41      La requérante ne saurait donc reprocher à la chambre de recours d’avoir effectué une mauvaise application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001, en considérant que le signe SMART ! serait dépourvu de caractère distinctif au regard des produits et des services en cause.

42      Partant, il convient de rejeter le premier moyen dans son ensemble comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen tiré, de l’application incohérente de la pratique décisionnelle de l’EUIPO

43      Par son deuxième moyen, la requérante considère que la chambre de recours s’est référée à sa pratique décisionnelle relative aux demandes d’enregistrement de marques contenant le terme « smart » de manière incohérente dans la décision attaquée. En effet, si la chambre de recours a rejeté la pertinence des exemples d’enregistrements de marques, cités par la requérante, incluant l’élément « smart », elle se serait appuyée sur d’autres décisions antérieures ainsi que sur des arrêts du Tribunal pour soutenir ses propres conclusions.

44      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

45      En effet, dans la décision attaquée, la chambre de recours a rappelé au considérant 36 de sa décision qu’il découlait de son examen relatif à la distinctivité de la marque demandée que cette dernière ne pouvait pas être enregistrée, indépendamment de l’existence d’enregistrements antérieurs. De plus, elle a rappelé au considérant 37 de sa décision qu’elle n’était pas liée par des décisions antérieures de l’EUIPO, car elle doit examiner le caractère enregistrable d’une marque sur la base du règlement 2017/1001 tel qu’il est interprété par le juge de l’Union, étant donné sa compétence liée.

46      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’EUIPO est tenu d’exercer ses compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de bonne administration (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 73).

47      Eu égard à ces deux derniers principes, l’EUIPO doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union européenne, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens. Cela étant, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus [voir arrêt du 7 novembre 2019, A9.com/EUIPO (Représentation d’une cloche), T‑240/19, non publié, EU:T:2019:779, point 77 et jurisprudence citée].

48      Ces considérations sont valables même si le signe dont l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne est demandé est composé de manière identique à une marque dont l’EUIPO a déjà accepté l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne et qui se réfère à des produits ou à des services identiques ou semblables à ceux pour lesquels l’enregistrement du signe en cause est demandé. Par conséquent, les mêmes principes doivent s’appliquer en présence de signes antérieurs qui ne sont pas identiques, mais au mieux similaires (voir arrêt du 7 novembre 2019, Représentation d’une cloche, T‑240/19, non publié, EU:T:2019:779, point 78 et jurisprudence citée).

49      En l’espèce, indépendamment de ce qui a pu être le cas pour certaines demandes antérieures d’enregistrement de signes comportant le terme « smart », la chambre de recours a conclu, à bon droit, que l’enregistrement de la marque demandée se heurtait au motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Cette conclusion provenait d’une analyse des circonstances spécifiques de la demande d’enregistrement de la marque demandée, tenant compte du public pertinent, de la perception par celui-ci de la marque demandée ainsi que de son caractère distinctif par rapport aux produits et aux services en cause. Partant, la requérante ne saurait utilement invoquer, aux fins d’infirmer cette conclusion, des décisions antérieures de l’EUIPO.

50      Dès lors, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’insuffisance de l’examen du caractère distinctif de la marque demandée

51      Par son troisième moyen, la requérante considère que la chambre de recours n’a pas suffisamment examiné le cas d’espèce en ce qu’elle s’est bornée à reprendre la décision de l’examinatrice qui, elle-même, s’était bornée à reprendre des extraits d’anciennes décisions. Ainsi, la chambre de recours et l’examinatrice n’auraient pas suffisamment examiné l’affaire, car elles n’auraient pas expliqué les raisons pour lesquelles la marque SMART ! n’aurait pas de caractère distinctif en l’espèce.

52      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

53      À cet égard, il y a lieu de renvoyer à l’examen des premier et deuxième moyens concernant, respectivement, l’absence de distinctivité de la marque demandée ainsi que l’application de la pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO par la chambre de recours. En effet, il ressort de ces analyses que la chambre de recours a, à juste titre, considéré que la marque demandée n’était pas distinctive au regard des produits et des services en cause. Il convient de rappeler, également, la conclusion faite par le Tribunal au point 49 ci-dessus, selon laquelle la chambre des recours a suffisamment examiné le caractère distinctif de la marque demandée en l’espèce. Par conséquent, il ne saurait être reproché à la chambre de recours de ne pas avoir suffisamment expliqué les raisons pour lesquelles la marque demandé n’aurait pas de caractère distinctif et, a fortiori, il ne saurait lui être reproché une insuffisance d’examen.

54      Dès lors, il y a lieu d’écarter le troisième moyen comme étant non fondé et, par conséquent, de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens 

55      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

56      En l’espèce, bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas de convocation à l’audience. En l’absence d’organisation d’une audience, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Kowalik-Bańczyk

Dimitrakopoulos

Ricziová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 septembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.