Language of document : ECLI:EU:T:2022:260

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

27 avril 2022 (*)

« Subventions – Importations de cycles, à pédalage assisté, équipés d’un moteur auxiliaire électrique originaires de Chine – Droit compensateur définitif – Règlement d’exécution (UE) 2019/72 – Détermination de l’existence d’un préjudice – Article 8, paragraphes 1, 2 et 5, du règlement (UE) 2016/1037 – Calcul de la sous-cotation des prix – Lien de causalité »

Dans l’affaire T‑243/19,

Giant Electric Vehicle Kunshan Co. Ltd, établie à Kunshan (Chine), représentée par Mes P. De Baere et J. Redelbach, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. G. Luengo et T. Maxian Rusche, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2019/72 de la Commission, du 17 janvier 2019, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de bicyclettes électriques originaires de la République populaire de Chine (JO 2019, L 16, p. 5), en ce qu’il concerne la requérante,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, C. Mac Eochaidh (rapporteur) et J. Laitenberger, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 27 avril 2021,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Giant Electric Vehicle Kunshan Co. Ltd, est une société établie en Chine active dans la production de bicyclettes électriques, destinées au marché intérieur de cet État et à l’exportation, notamment vers l’Union européenne. Elle fait partie d’un groupe de sociétés industrielles et commerciales (ci-après le « groupe Giant ») dont l’actionnaire en dernier ressort est Giant Manufacturing Co. Ltd. Le groupe Giant dispose, notamment, d’un réseau de filiales commerciales détenues à 100 %, à savoir des sociétés de vente liées au sens de l’article 127 du règlement d’exécution (UE) 2015/2447 de la Commission, du 24 novembre 2015, établissant les modalités d’application de certaines dispositions du règlement (UE) no 952/2013 du Parlement européen et du Conseil établissant le code des douanes de l’Union (JO 2015, L 343, p. 558), dans divers pays de l’Union.

2        Pour ses ventes à l’exportation vers l’Union, la requérante utilise deux canaux de vente différents. D’une part, elle réalise des ventes sous marque propre par l’intermédiaire des sociétés de vente liées établies dans l’Union mentionnées au point 1 ci-dessus. Lesdites sociétés de vente liées vendent presque exclusivement à des acheteurs indépendants détaillants. Elles sont chargées des importations, de la publicité, du marketing, de la négociation des contrats de vente avec les détaillants, de la distribution, de la logistique et des services après-vente. D’autre part, en tant que « fabricant d’équipements d’origine » (FEO), elle vend directement à un acheteur indépendant, qui revend ensuite les bicyclettes électriques par le biais de son propre réseau de vente dans l’Union.

3        Le 8 septembre 2017, la Fédération européenne des fabricants de bicyclettes (EBMA) a introduit une plainte auprès de la Commission européenne au titre de l’article 5 du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement antidumping de base »), afin qu’elle engage une enquête antidumping concernant les importations de bicyclettes électriques originaires de Chine.

4        Par avis publié au Journal officiel de l’Union européenne le 20 octobre 2017 (JO 2017, C 353, p. 19), la Commission a ouvert une procédure antidumping concernant les importations en cause (ci-après la « procédure antidumping »).

5        Parallèlement, le 8 novembre 2017, l’EBMA a introduit une plainte auprès de la Commission, au titre de l’article 10 du règlement (UE) 2016/1037 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 55, ci-après le « règlement de base »), afin qu’elle engage une enquête antisubventions concernant les importations en cause, en excipant de l’existence de diverses subventions dont bénéficieraient les producteurs chinois de bicyclettes électriques.

6        Par avis publié au Journal officiel de l’Union européenne le 21 décembre 2017 (JO 2017, C 440, p. 22), la Commission a ouvert une procédure antisubventions concernant les importations en cause (ci-après la « procédure antisubventions »), notamment à l’égard des cycles à pédalage assisté, équipés d’un moteur auxiliaire électrique, originaires de Chine, relevant des codes NC 8711 60 10 et ex 8711 60 90 (code TARIC 8711 60 90 10) (ci-après le « produit concerné »).

 Phases préliminaires de l’enquête antisubventions

7        L’enquête relative aux subventions et au préjudice en résultant portait sur la période allant du 1er octobre 2016 au 30 septembre 2017 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des évolutions pertinentes aux fins de l’évaluation du préjudice couvrait la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 30 septembre 2017.

8        Aux fins de cette enquête, la Commission a sélectionné un échantillon de quatre producteurs de l’Union, représentant 60 % du volume total de production et 58 % du total des ventes de l’industrie de l’Union. Étant donné qu’une société liée à l’un des quatre producteurs de l’Union susvisés, également productrice de bicyclettes électriques, a également été soumise à l’enquête, par souci de simplicité, aux fins du présent arrêt, le Tribunal fera référence aux cinq producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon.

9        S’agissant des exportations en provenance de Chine, la Commission a sélectionné un échantillon de cinq groupes de producteurs-exportateurs, dont la requérante, notamment, sur la base du plus grand volume représentatif d’exportations vers l’Union. Les producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon représentaient 43 % des importations totales du produit concerné dans l’Union.

10      Les 22 mars et 27 avril 2018, la requérante a présenté des réponses au questionnaire antisubventions pour le compte de certaines sociétés du groupe Giant impliquées dans la production de bicyclettes électriques ainsi que de ses sociétés de vente liées européennes.

11      Entre le 16 et le 29 mai 2018, la Commission a procédé à des visites de vérification dans les locaux de la requérante ainsi que de quatre autres sociétés chinoises du groupe Giant. Les vérifications portaient sur les réponses au questionnaire antisubventions.

12      Le 3 juillet 2018, la requérante a demandé à la Commission d’inviter les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon à fournir des informations non confidentielles sur le stade commercial auquel ils réalisaient la première vente à un acheteur indépendant et les canaux de vente qui y étaient afférents. Ces documents seraient nécessaires afin que la requérante puisse déterminer si, comme elle, les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon concluaient eux aussi principalement des ventes directes avec des détaillants ou s’ils vendaient à un stade commercial différent, par exemple à de grands distributeurs paneuropéens ou dans le cadre d’accords FEO, ce qui pourrait affecter la comparaison des prix et la détermination du préjudice. Cette demande d’informations couvrait à la fois la procédure antidumping et la procédure antisubventions.

13      Il ressort du dossier que, dans le cadre de la détermination de l’existence d’un préjudice, lorsque les producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon ont exporté le produit concerné directement à des acheteurs indépendants dans l’Union, la Commission a pris en considération le prix réellement payé ou à payer pour le produit concerné vendu à l’exportation vers l’Union, conformément à l’article 2, paragraphe 8, du règlement antidumping de base. Ce fut le cas pour les ventes directes de la requérante à son client FEO (ci-après les « ventes FEO de la requérante »), qui représentaient moins de 15 % de ses ventes, ainsi que pour les autres producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon qui ne réalisaient que des ventes directes FEO.

14      En revanche, lorsque les producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon ont exporté le produit concerné vers l’Union par l’intermédiaire de sociétés liées agissant en tant qu’importateurs, la Commission a pris en considération un prix à l’exportation construit, établi sur la base du prix auquel les produits importés étaient revendus pour la première fois à des acheteurs indépendants dans l’Union, conformément à l’article 2, paragraphe 9, du règlement antidumping de base. Dans ces cas, des ajustements du prix ont été opérés pour tenir compte de tous les frais intervenus entre l’importation et la revente, y compris les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux (ci-après les « frais VAG »), ainsi que les bénéfices desdites sociétés liées. Ce fut le cas pour les ventes indirectes de la requérante sous marque propre à des détaillants indépendants, effectuées par l’intermédiaire de ses sociétés de vente liées dans l’Union (ci-après les « ventes sous marque propre »). Les ventes sous marque propre représentaient la grande majorité des ventes à l’exportation de la requérante, à savoir plus de 85 % de ses ventes, dont plus de 90 % à des détaillants.

15      À plusieurs reprises au cours de la procédure antisubventions, la requérante a réitéré sa demande d’informations concernant le stade commercial auquel les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon avaient conclu leurs ventes pendant la période d’enquête (voir point 12 ci-dessus). En outre, la requérante a contesté la méthodologie adoptée par la Commission pour la détermination de la sous-cotation des prix.

16      Le 31 août 2018, la Commission a contacté les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon et les a invités à présenter des résumés non confidentiels du stade commercial de leurs ventes sur le marché de l’Union. Les informations demandées ont été fournies sous forme de fourchettes par les parties intéressées et ont été communiquées à la requérante en septembre 2018. Il en ressort que quatre des cinq producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon avaient un profil de ventes similaire à celui de la requérante, à savoir majoritairement à des détaillants. Un producteur de l’Union effectuait la plupart de ses ventes auprès de clients FEO.

17      Le 24 septembre 2018, la Commission a informé toutes les parties intéressées qu’aucun droit compensateur provisoire ne serait institué sur les importations dans l’Union de bicyclettes électriques originaires de Chine et que l’enquête se poursuivrait.

18      Le 28 septembre 2018, la requérante a communiqué à la Commission des informations sur le recours par cette requérante aux acceptations bancaires en tant que moyen de paiement.

19      Le 31 octobre 2018, la Commission a envoyé aux parties intéressées des conclusions définitives exposant les faits et considérations essentiels sur la base desquels elle envisageait d’instituer un droit compensateur définitif sur les importations de bicyclettes électriques dans l’Union (ci-après les « conclusions définitives »).

20      Il ressort du considérant 5 des conclusions définitives que les analyses du préjudice, de la causalité et de l’intérêt de l’Union réalisées dans le cadre de l’enquête antisubventions et de l’enquête antidumping parallèle étaient, mutatis mutandis, identiques étant donné que la définition de l’industrie de l’Union, les producteurs représentatifs de l’Union et la période d’enquête étaient les mêmes dans les deux procédures. Les considérants 461, 463 et 568 de ce document font apparaître que la Commission a adopté la même méthodologie pour la détermination de l’existence d’un préjudice et du niveau d’élimination du préjudice dans le cadre de la procédure antisubventions que celle adoptée dans le cadre de la procédure antidumping.

21      Ainsi, dans le cadre de son examen de l’existence d’un préjudice, au considérant 461 des conclusions définitives, la Commission a indiqué avoir déterminé la sous-cotation des prix pendant la période d’enquête en comparant, d’une part, les prix de vente moyens pondérés, par type de produit, des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, pratiqués à l’égard des acheteurs indépendants sur le marché de l’Union, ajustés au niveau départ-usine et, d’autre part, les prix moyens pondérés correspondants par type de produit, facturés à l’importation au premier client indépendant sur le marché de l’Union par les producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon, établis sur une base coût, assurance, fret (CIF) et dûment ajustés pour tenir compte des droits de douane de 6 % et des coûts postérieurs à l’importation.

22      Au considérant 463 des conclusions définitives, la Commission a exposé que la comparaison des prix avait été effectuée type par type pour les opérations concernées, après application des ajustements nécessaires et déduction des rabais et remises. En ce qui concerne le stade commercial des opérations visées, elle a expliqué que comme tant les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon que les producteurs-exportateurs inclus dans l’échantillon vendaient à des acheteurs FEO ainsi que sous leur propre marque, elle avait examiné si un ajustement au titre du stade commercial était justifié. À cet égard, il est indiqué qu’elle a examiné s’il y avait une différence de prix constante et nette entre les ventes à des acheteurs FEO et les ventes sous marque propre, pour conclure qu’il n’existait aucune différence de prix constante et nette pour les ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon.

23      Au considérant 568 des conclusions définitives, la Commission a expliqué qu’elle avait déterminé le niveau d’élimination du préjudice sur la base d’une comparaison entre le prix moyen pondéré des importations provenant des producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon, dûment ajusté pour tenir compte des coûts d’importation et des droits de douane, tel qu’il avait été établi pour le calcul de la sous-cotation des prix, à savoir suivant la méthode visée au point 21 ci-dessus, et le prix non préjudiciable moyen pondéré du produit similaire vendu sur le marché de l’Union au cours de la période d’enquête par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon.

24      Les 22 et 26 novembre 2018, lors d’une audition avec les services de la Commission et par écrit, la requérante a présenté des observations sur les conclusions définitives. Elle a fait valoir, notamment, que l’analyse de la Commission relative aux subventions était entachée d’erreurs relatives à ses achats de moteurs et de batteries, à l’utilisation des acceptations bancaires, au coût des droits d’utilisation du sol, aux accords sur des lignes de crédit et à l’obtention de prêts prétendument préférentiels. S’agissant de l’analyse du préjudice effectuée par la Commission, elle a fait valoir, notamment, qu’il n’existerait pas de base juridique pour l’utilisation, par analogie, de l’article 2, paragraphe 9, du règlement antidumping de base. En outre, elle a, en substance, réitéré sa position (voir point 15 ci-dessus) selon laquelle, étant donné que tant les ventes de ses sociétés de vente liées que les ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon étaient essentiellement en faveur de détaillants indépendants et se trouvaient donc déjà au même stade commercial, la Commission aurait dû simplement les comparer les unes avec les autres, au lieu d’utiliser, pour ses ventes sous marque propre, et par analogie avec la construction du prix à l’exportation effectuée dans le cadre de la détermination de l’existence d’un dumping conformément à l’article 2, paragraphe 9, du règlement antidumping de base, un prix CIF construit. Le prix CIF construit pour les ventes sous marque propre de la requérante correspondrait, en raison de la déduction des frais VAG et du bénéfice de ses sociétés de vente liées, à un prix hypothétiquement applicable à un grand importateur indépendant et non à un détaillant. S’agissant de ses ventes FEO, un ajustement aurait dû être apporté aux prix des producteurs de l’Union retenus pour la comparaison des prix dès lors qu’ils correspondraient à des prix détaillants.

25      Le 30 novembre 2018, la Commission a envoyé aux parties intéressées une information finale complémentaire apportant des révisions aux conclusions définitives visées au point 19 ci-dessus. Les 3 et 12 décembre 2018, la requérante a présenté des observations complémentaires ainsi que des informations concernant le fonctionnement du système canadien d’acceptations bancaires.

26      À l’issue de la procédure antisubventions et de la procédure antidumping, la Commission a adopté le règlement d’exécution (UE) 2019/72, du 17 janvier 2019, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de bicyclettes électriques originaires de la République populaire de Chine (JO 2019, L 16, p. 5, ci-après le « règlement attaqué »), ainsi que le règlement d’exécution (UE) 2019/73, du 17 janvier 2019, instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de bicyclettes électriques originaires de la République populaire de Chine (JO 2019, L 16, p. 108, rectificatif JO 2019, L 16 I, p. 1), lequel fait l’objet d’un recours en annulation dans l’affaire Giant Electric Vehicle Kunshan/Commission (T‑242/19).

 Règlement attaqué

27      La Commission a en particulier considéré, dans le règlement attaqué, que, en raison des différentes subventions identifiées, les prix moyens des importations du produit concerné en provenance de Chine étaient nettement inférieurs à ceux des producteurs de l’Union et des importations en provenance de pays tiers autres que la Chine, ce qui témoignait d’une sous-cotation importante des prix dudit produit, causant de ce fait un préjudice à l’industrie de l’Union, laquelle n’a pas été en mesure de tirer parti de la croissance du marché des bicyclettes électriques.

28      À cet égard, dans le cadre de son analyse des financements préférentiels, la Commission a exposé, aux considérants 304 à 344 du règlement attaqué, les raisons pour lesquelles elle a conclu, notamment, que les acceptations bancaires constituaient une forme de soutien préférentiel dont le secteur des bicyclettes électriques a bénéficié. Il y est indiqué que les acceptations bancaires sont une forme de crédit inconditionnel par laquelle les banques prennent en charge les comptes fournisseurs à payer des acheteurs et transfèrent un montant convenu aux fournisseurs à une date convenue. À cette date, l’acheteur doit avoir versé le même montant à la banque. Étant donné que la date de remboursement à la banque est souvent postérieure à la date de paiement du fournisseur, les acceptations bancaires servent de garantie bancaire et de prêt de fait et représentent un transfert de fonds, puisqu’elles sont utilisées comme mode de paiement au même titre qu’un mandat. Elles ont été accordées sans considération de la situation financière des producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon et moyennant une commission forfaitaire inférieure aux références internationales disponibles. Les considérants 345 et 346 du règlement attaqué font apparaître que le montant de la subvention établi pour le groupe Giant en rapport avec l’octroi de prêts préférentiels, en ce compris les acceptations bancaires, durant la période d’enquête, était de 0,93 %.

29      Aux considérants 368 à 502 du règlement attaqué, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle a conclu, en substance, que les pouvoirs publics chinois accordaient des subventions à l’industrie des moteurs ainsi qu’à l’industrie des batteries et chargeaient les fournisseurs desdits intrants ou leur ordonnaient de les fournir moyennant une rémunération moins qu’adéquate, afin de soutenir l’industrie des bicyclettes électriques. Les considérants 442 et 502 du règlement attaqué font apparaître que les montants des subventions établis pour le groupe Giant en rapport avec la fourniture de moteurs et la fourniture de batteries moyennant une rémunération moins qu’adéquate, durant la période d’enquête, étaient de 0,84 % et de 0,38 %, respectivement.

30      Aux considérants 503 à 532 du règlement attaqué, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle a conclu que l’attribution de droits d’utilisation du sol par les pouvoirs publics chinois, notamment, à l’industrie des bicyclettes électriques, à des tarifs préférentiels, devait être considérée comme une subvention sous la forme d’une fourniture de biens conférant un avantage aux sociétés bénéficiaires. Le considérant 533 du règlement attaqué fait apparaître que le montant de la subvention établi pour le groupe Giant en rapport avec l’attribution de droits relatifs à l’utilisation des sols moyennant une rémunération moins qu’adéquate, durant la période d’enquête, était de 0,91 %.

31      Les considérants 578 à 580 du règlement attaqué indiquent que le montant total des subventions passibles de mesures compensatoires calculé à l’égard du groupe Giant était de 3,9 %.

32      Dans le cadre de son examen de l’existence d’un préjudice, aux considérants 610 et 612 du règlement attaqué, la Commission a confirmé la méthodologie relative à la détermination de la sous-cotation des prix exposée aux points 21 et 22 ci-dessus. Au considérant 613 du règlement attaqué, il est indiqué que le résultat de la comparaison aux fins de la détermination de la sous-cotation des prix, exprimé en pourcentage du chiffre d’affaires réalisé au cours de la période d’enquête par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, avait révélé des marges de sous-cotation des prix s’échelonnant entre 16,2 et 43,2 %.

33      Aux considérants 614 à 619 du règlement attaqué, la Commission a expliqué les motifs pour lesquels, s’agissant des ventes sous marque propre de la requérante, elle avait eu recours par analogie, à l’article 2, paragraphe 9, du règlement antidumping de base pour calculer la marge de sous-cotation des prix. Elle a également expliqué les motifs pour lesquels elle avait rejeté les arguments de la requérante en ce qui concerne l’utilisation du prix CIF construit, au lieu de la valeur CIF déclarée de ses importations, dans la détermination de la sous-cotation des prix s’agissant des ventes sous marque propre de cette dernière (voir point 24 ci-dessus). Dans ce cadre, elle a exposé, notamment, que, pour permettre une comparaison équitable, la déduction des frais VAG et du bénéfice tiré du prix de revente à des acheteurs indépendants par l’importateur lié était justifiée pour parvenir à un prix CIF fiable. Au considérant 621 du règlement attaqué, la Commission a expliqué le motif pour lequel elle avait rejeté la demande de la requérante d’un ajustement au titre du stade commercial s’agissant de ses ventes FEO, à savoir qu’il n’existait pas de différence de prix constante et nette entre les ventes effectuées au stade des FEO et celles effectuées au stade des propriétaires de marques dans l’Union.

34      Dans le cadre de l’examen du lien de causalité et, en particulier, des effets des importations faisant l’objet d’un dumping, le considérant 696 du règlement attaqué expose, notamment, que les prix des importations faisant l’objet de subventions en provenance de Chine étaient nettement inférieurs aux prix de l’industrie de l’Union au cours de la période d’enquête, avec des marges de sous-cotation des prix allant de 16,2 à 43,2 %, et que l’industrie de l’Union avait perdu 24 points de parts de marché dans un marché progressant de 74 %, alors que les importations en provenance de Chine avaient augmenté de 250 % et avaient gagné 17 points de parts de marché (passant de 18 à 35 %).

35      Aux considérants 770 et 776 du règlement attaqué, la Commission a confirmé la méthodologie relative à la détermination du niveau d’élimination du préjudice exposée au point 23 ci-dessus. Le niveau d’élimination du préjudice établi pour la requérante, exprimée en pourcentage de la valeur CIF moyenne pondérée à l’importation, était de 24,6 %.

36      Par l’article 1er, paragraphe 2, du règlement attaqué, la requérante s’est vu imposer un droit compensateur définitif de 3,9 % applicable au prix net franco frontière de l’Union.

 Procédure et conclusions des parties

37      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 9 avril 2019, la requérante a introduit le présent recours.

38      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 12 août 2019, l’EBMA a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission. Par ordonnance du 16 septembre 2019, Giant Electric Vehicle Kunshan/Commission (T‑243/19, non publiée, EU:T:2019:665), le président de la neuvième chambre du Tribunal a rejeté la demande d’intervention de l’EBMA.

39      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la huitième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

40      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué en ce qu’il la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

41      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

42      À l’appui de son recours, la requérante invoque sept moyens tirés de diverses violations du règlement de base, à savoir :

–        le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation que la Commission aurait commise en concluant qu’une subvention avait été accordée dans le cadre de l’achat par la requérante de moteurs et de batteries, violant ainsi l’article 1er, paragraphe 1, et l’article 3 du règlement de base ;

–        le deuxième, d’une erreur manifeste d’appréciation que la Commission aurait commise dans le calcul du montant de la subvention en incluant à tort des avantages qui n’étaient pas liés aux bicyclettes électriques mises en libre pratique dans l’Union, violant ainsi l’article 1er et l’article 7, paragraphe 1, du règlement de base ;

–        le troisième, d’une erreur manifeste d’appréciation que la Commission aurait commise en concluant que le recours à des acceptations bancaires proposées par certaines banques chinoises constituait une contribution financière au sens de l’article 3, paragraphe 1, du règlement de base ;

–        le quatrième, d’une erreur manifeste d’appréciation que la Commission aurait commise en concluant que le recours aux acceptations bancaires lui conférait un avantage ;

–        le cinquième, du fait que la Commission n’a pas établi la spécificité de la prétendue subvention accordée par le biais des acceptations bancaires, ce qui constituerait ainsi une violation de l’article 4 du règlement de base ;

–        le sixième, d’une erreur manifeste d’appréciation que la Commission aurait commise en concluant que la requérante a obtenu un avantage à travers l’acquisition de droits d’utilisation du sol, violant ainsi l’article 6, sous d), du règlement de base ;

–        le septième, d’une erreur manifeste d’appréciation que la Commission aurait commise en ne procédant pas à une comparaison, aux fins du calcul de la sous-cotation des prix et des prix indicatifs, entre les prix à l’importation et le prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union, au même stade commercial et au moment où les produits entrent en concurrence les uns avec les autres, violant ainsi l’article 8, paragraphes 1, 2 et 5, du règlement de base.

43      Le Tribunal estime opportun d’examiner en premier lieu le septième moyen.

 Sur le septième moyen

44      Dans le cadre du septième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a violé l’article 8, paragraphes 1, 2 et 5, du règlement de base, en ce qu’elle n’a pas procédé à une comparaison équitable, aux fins du calcul de la sous-cotation des prix, entre les prix à l’importation et le prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union, au même stade commercial et au moment où les produits entrent en concurrence les uns avec les autres.

45      D’une part, s’agissant de ses ventes sous marque propre, la requérante conteste l’application, par analogie, par la Commission, de l’article 2, paragraphe 9, du règlement antidumping de base, prévu dans le contexte de la détermination de l’existence d’un dumping, en l’espèce, aux fins du calcul de la sous-cotation des prix. L’application de cette disposition dans le contexte de la détermination de la sous-cotation des prix ne reposerait sur aucune base légale et serait dépourvue d’utilité dans le cas d’espèce. En effet, étant donné que tant les ventes des sociétés de vente liées de la requérante que les ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon étaient essentiellement en faveur de détaillants indépendants et se trouvaient déjà au même stade commercial, la Commission aurait simplement dû les comparer les unes avec les autres. L’application de la disposition susvisée aurait créé une différence de stade commercial, alors qu’aucune différence de cette nature n’aurait existé avant son application, et une constatation de sous-cotation des prix artificielle. Par ailleurs, l’incidence des importations et leur effet sur les prix de l’industrie de l’Union devraient être déterminés en examinant les prix réels  des importations qui sont en concurrence avec les prix des producteurs de l’Union sur le marché de l’Union.

46      D’autre part, la requérante fait valoir que ses ventes FEO auraient été comparées aux ventes de produits sous marque propre réalisées par les producteurs de l’Union avec des détaillants. Ces dernières devraient faire l’objet d’ajustements destinés à les ramener au niveau d’une vente à un client FEO indépendant dans l’Union.

47      Ces erreurs dans le calcul de la sous-cotation des prix auraient biaisé la mise en évidence de l’existence d’un préjudice que les importations faisant l’objet de subventions auraient occasionné à l’industrie de l’Union, et les calculs relatifs à la sous‑cotation des prix indicatifs et à la marge de préjudice déterminées à son égard.

48      La Commission conteste cette argumentation, faisant valoir que le présent moyen est inopérant et, en tout état de cause, non fondé.

49      S’agissant du caractère prétendument inopérant du moyen, la Commission fait valoir que la requérante n’a pas montré comment la prétendue erreur dans le calcul de la sous-cotation des prix en ce qui la concerne aurait mené à une conclusion différente portant sur les importations préjudiciables faisant l’objet de subventions ou comment elle entacherait l’ensemble de l’analyse du préjudice. Elle souligne que ses conclusions sur l’existence d’une sous-cotation des prix reposaient également sur le prix moyen très bas des importations chinoises sur la base de données statistiques de l’Office statistique de l’Union européenne (Eurostat) ainsi que sur les calculs effectués à l’égard des quatre autres producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon. Elle expose que, pour constater l’existence d’un préjudice, elle s’est fondée également sur des considérations relatives aux volumes des importations en cause ainsi que sur la corrélation entre la diminution de la part de marché de l’industrie de l’Union et l’augmentation de la part de marché des producteurs-exportateurs chinois.

50      Ensuite, la Commission fait valoir que la requérante n’est pas parvenue à remettre en cause le calcul de la sous-cotation des prix établi à l’égard des quatre autres producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon pour lesquels l’asymétrie contestée ne se présentait pas. Par ailleurs, si elle avait exclu la requérante de l’analyse ou même si aucune sous-cotation des prix n’avait été constatée pour cette dernière, elle aurait néanmoins observé une sous-cotation des prix, dès lors que la fourchette de la sous-cotation des prix constatée resterait comprise entre 16,2 et 43,2 %.

51      En outre, la Commission fait valoir, en s’appuyant sur des calculs alternatifs de la sous-cotation des prix relative à la requérante, versés en annexe au mémoire en défense et à la duplique, que, même en suivant ces calculs alternatifs, les prix de la requérante resteraient sous-cotés par rapport à ceux de l’industrie de l’Union. Dans le premier de ces calculs, dans lequel les prix de la requérante ont été comparés à ceux des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, la sous-cotation des prix resterait supérieure à 2 %. Dans le deuxième, dans lequel la Commission a retenu le prix CIF frontière de l’Union pour les ventes de la requérante, mais a déduit d’hypothétiques frais VAG et le bénéfice des entités de vente liées des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, le calcul révélerait encore une sous-cotation des prix de plus de 10 %. Dans le troisième, dans lequel la Commission a ajouté les clients à l’analyse type par type et a comparé les ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon aux distributeurs, aux détaillants et aux clients FEO avec les ventes effectuées par la requérante, respectivement aux distributeurs, aux détaillants et aux clients FEO, le résultat global serait encore plus élevé que la marge de sous-cotation des prix établie pour la requérante dans le règlement attaqué.

52      Enfin, la Commission fait valoir que les arguments de la requérante concernant les erreurs dans le calcul de la marge de sous-cotation des prix indicatifs et de la marge de préjudice à l’égard de cette dernière sont également inopérants.

53      S’agissant du caractère prétendument non fondé du présent moyen et concernant les ventes sous marque propre de la requérante, la Commission souligne que l’article 8, paragraphe 2, du règlement de base prévoit expressément que l’existence d’une sous-cotation notable des prix doit être examinée au niveau des importations faisant l’objet de subventions, et non au niveau d’éventuels prix de revente ultérieurs sur le marché de l’Union. Elle souligne également l’importance d’utiliser des prix à l’exportation fiables qui ne sont pas affectés par une relation intragroupe. Partant, la Commission aurait été fondée à faire application de l’article 2, paragraphe 9, du règlement antidumping de base pour déterminer la marge de sous-cotation des prix s’agissant des ventes sous marque propre de la requérante en l’espèce. En outre, la méthode qu’elle a utilisée garantirait que tous les producteurs-exportateurs sont traités de manière identique, qu’ils vendent directement ou par l’intermédiaire d’entités de vente liées. Enfin, s’agissant des ventes FEO de la requérante, la Commission souligne que celle-ci n’aurait pas démontré qu’il existait des différences de prix constantes en fonction du type de client, FEO ou détaillant, des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon. Or, étant donné que les prix des ventes des producteurs de l’Union aux clients FEO et aux détaillants étaient similaires, l’utilisation desdits prix, sans distinction aucune en fonction du type de client, n’aurait pas eu d’incidence à l’égard des ventes FEO de la requérante.

 Observations liminaires

54      Par le présent moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis des erreurs dans le cadre du calcul de la sous-cotation des prix qui constitueraient des violations de l’article 8 du règlement de base et affecteraient la validité du règlement attaqué à son égard. Le moyen s’articule autour de deux branches tirées, d’une part, de ce que l’application, par analogie, de l’article 2, paragraphe 9, du règlement antidumping de base s’agissant des ventes sous marque propre de la requérante ne reposerait sur aucune base légale et aurait été inutile en l’espèce aux fins du calcul de la sous-cotation des prix s’agissant desdites ventes et, d’autre part, de ce que la Commission n’aurait pas procédé à une comparaison équitable, aux fins du calcul de la sous-cotation des prix, entre les prix à l’importation et le prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union.

55      L’analyse de l’effet des importations faisant l’objet de subventions sur les prix pratiqués dans l’Union pour un produit similaire de l’industrie de l’Union est un élément essentiel des enquêtes antisubventions. En effet, en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement de base, des mesures compensatoires ne peuvent être appliquées à un produit faisant l’objet de subventions que si sa mise en libre pratique dans l’Union cause un préjudice.

56      Conformément à l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base, la détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif, d’une part, du volume des importations faisant l’objet de subventions et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union et, d’autre part, de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

57      En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet de subventions sur les prix, l’article 8, paragraphe 2, du règlement de base prévoit l’obligation d’examiner s’il y a bien eu, pour ces importations, sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante.

58      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement de base, il doit être démontré, à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 1 de cet article, que les importations faisant l’objet de subventions causent un préjudice. En l’occurrence, cela implique la démonstration que le volume ou le prix visés au paragraphe 2 dudit article ont un impact sur l’industrie de l’Union au sens du paragraphe 4 de ce même article et que cet impact est tel qu’on peut le considérer comme important.

59      En outre, selon une jurisprudence constante, dans le domaine des mesures de défense commerciale, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques, politiques et juridiques qu’elle doit examiner (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2009, Moser Baer India/Conseil, C‑535/06 P, EU:C:2009:498, point 85 et jurisprudence citée).

60      La détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union suppose l’appréciation de situations économiques complexes et le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir. Tel est, notamment, le cas en ce qui concerne la détermination des facteurs qui causent un préjudice à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une enquête antisubventions (voir, en ce sens, arrêt du 3 septembre 2009, Moser Baer India/Conseil, C‑535/06 P, EU:C:2009:498, point 86 et jurisprudence citée), et en particulier l’analyse de la sous-cotation des prix.

61      Le règlement de base ne contient pas de définition de la notion de sous-cotation du prix et ne prévoit pas de méthode pour le calcul de cette dernière (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 238).

62      Le calcul de la sous-cotation du prix des importations en cause est réalisé, conformément à l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement de base, aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice subi par l’industrie de l’Union du fait de ces importations et il est utilisé, plus largement, en vue d’évaluer ce préjudice et de déterminer la marge de préjudice, à savoir le niveau d’élimination dudit préjudice. L’obligation de procéder à un examen objectif de l’incidence des importations faisant l’objet de subventions, inscrite à l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base, impose de procéder à une comparaison équitable entre le prix du produit concerné et le prix du produit similaire de l’industrie de l’Union lors des ventes effectuées sur le territoire de celle-ci (voir arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 239 et jurisprudence citée).

63      Afin de garantir le caractère équitable de cette comparaison, les prix doivent être comparés au même stade commercial. En effet, une comparaison effectuée entre des prix obtenus à des stades commerciaux différents, c’est-à-dire sans inclure l’ensemble des coûts afférents au stade commercial dont il y a lieu de tenir compte, donnera nécessairement lieu à des résultats artificiels ne permettant pas une appréciation correcte du préjudice de l’industrie de l’Union. Une telle comparaison équitable constitue une condition de la légalité du calcul du préjudice de cette industrie (voir arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 239 et jurisprudence citée).

64      C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il y a lieu d’examiner, d’emblée, la seconde branche du présent moyen, tirée de ce que la Commission n’aurait pas procédé à une comparaison équitable, aux fins du calcul de la sous-cotation des prix, entre les prix à l’importation et le prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union.

 Sur la seconde branche du septième moyen, tirée de ce que la Commission n’aurait pas procédé à une comparaison équitable, aux fins du calcul de la sous-cotation des prix, entre les prix à l’importation et le prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union

65      En l’espèce, comme cela est indiqué au point 32 ci-dessus, dans le cadre de son examen de l’existence d’un préjudice, au considérant 610 du règlement attaqué, la Commission a précisé qu’elle avait déterminé la sous-cotation des prix pendant la période d’enquête en comparant :

« a)      les prix de vente moyens pondérés, par type de produit, des quatre producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, pratiqués à l’égard des clients indépendants sur le marché de l’Union, ajustés au niveau départ-usine et

b)      les prix moyens pondérés correspondants par type de produit, facturés à l’importation au premier client indépendant sur le marché de l’Union par les producteurs-exportateurs […] retenus dans l’échantillon, établis sur une base CIF et dûment ajustés pour tenir compte des droits de douane de 6 % et des coûts d’importation. »

66      Ce considérant 610 du règlement attaqué fait apparaître que, selon la Commission, la comparaison des prix a été faite à un même stade commercial, à savoir en prenant en considération les prix départ-usine pour les ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon et les prix établis sur une base CIF après dédouanement pour les ventes de la requérante.

67      Toutefois, à la suite de questions posées par le Tribunal dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, la Commission a exposé que, lors de la comparaison des prix pratiqués par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon à l’égard des détaillants avec ceux pratiqués par la requérante à l’égard de détaillants, elle avait, s’agissant des producteurs de l’Union, pris les prix communiqués par lesdits producteurs concernant leurs ventes à des clients indépendants – que ces derniers soient grossistes, distributeurs, négociants, détaillants, utilisateurs finals ou consommateurs, acheteurs sur une base FEO ou autres – et en avait déduit certains coûts, à savoir les rabais, les commissions, les coûts de transport et les notes de crédit, afin de parvenir à un prix départ-usine, c’est-à-dire le prix auquel un client pourrait acheter le produit à l’usine. Dans le cas de ventes effectuées par des entités de vente liées des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon à des détaillants, elle n’avait pas déduit les frais VAG et le bénéfice desdites entités de vente liées.

68      Ainsi, il s’avère que, en réalité, ont été pris en considération dans la comparaison des prix, s’agissant des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, soit les prix départ-usine desdits producteurs, lorsque ceux-ci vendaient directement à des acheteurs indépendants, soit les prix au départ des entités de vente liées de ces producteurs, ces derniers prix incluant les frais VAG et le bénéfice desdites entités de vente liées.

69      En revanche, s’agissant des ventes sous marque propre de la requérante, la Commission a indiqué qu’ont été pris en considération dans la comparaison des prix les prix « au débarquement dans l’Union », établis à partir du prix CIF à l’exportation à la frontière de l’Union, correspondant au prix à l’exportation tel que construit, conformément à l’article 2, paragraphe 9, du règlement antidumping de base dans le cadre de la détermination de la marge de dumping, après dédouanement.

70      À cet égard, la Commission a expliqué que, à l’instar de ce qu’elle avait fait s’agissant des producteurs de l’Union, elle avait déduit les remises, les commissions, les frais de transport et les notes de crédit des prix des sociétés de vente liées de la requérante, de manière à ce que toutes les ventes, à savoir celles des producteurs de l’Union et celles de la requérante, soient comparées dans les mêmes conditions. Elle avait ensuite déduit les frais VAG et les bénéfices des sociétés de vente liées de la requérante, en utilisant par analogie l’article 2, paragraphe 9, du règlement antidumping de base, afin d’établir le prix CIF à l’exportation à la frontière de l’Union. Enfin, elle avait ajouté des montants correspondant aux droits de douane (6 %) et aux coûts postérieurs à l’importation afin de parvenir audit prix « au débarquement dans l’Union », à savoir un prix construit auquel un client dans l’Union peut acheter le produit concerné au moment où il est mis sur le marché intérieur.

71      Ainsi, il s’avère que, s’agissant des ventes sous marque propre de la requérante, les prix CIF à l’exportation à la frontière de l’Union étaient fondés sur des prix à l’exportation construits tenant compte de divers ajustements destinés notamment à faire apparaître le prix à l’exportation du produit concerné avant toute implication des sociétés de vente liées de la requérante.

72      Les ajustements effectués par la Commission aux fins de l’analyse de la sous-cotation des prix sur les prix des ventes sous marque propre de la requérante, à savoir par l’intermédiaire de ses sociétés de vente liées dans l’Union, d’une part, et sur les prix des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, d’autre part, peuvent être illustrés par le tableau simplifié reproduit ci-après :

Ajustements effectués aux prix aux premiers acheteurs indépendants

Producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon


Indépendamment du canal de vente employé (vente directe/vente par l’intermédiaire d’une entité de vente liée) et toutes catégories d’acheteur confondues


La requérante



Ventes sous marque propre par l’intermédiaire de sociétés de vente liées dans l’Union

Ventes principalement à des détaillants

Déduction de :

–      remises

–      commissions

–      frais de transport

–      notes de crédit

Déduction de :

–      remises

–      commissions

–      frais de transport

–      notes de crédit

–      frais VAG de la société de vente liée

–      bénéfice de la société de vente liée



= prix CIF à l’exportation à la frontière de l’Union



Ajout de :

–      droits de douane (6 %)

–      coûts postérieurs à l’importation

= prix niveau départ-usine (selon la Commission)

= prix au débarquement dans l’Union


73      Enfin, il ressort du dossier que, s’agissant des ventes FEO de la requérante et des quatre autres producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon qui effectuaient des ventes FEO directes, les expéditions du produit concerné s’effectuaient, en général, soit sur une base CIF, soit sur une base franco à bord du navire en Chine (ci-après « FAB »). La Commission a donc utilisé, pour établir les effets sur les prix, leurs prix CIF à l’exportation déclarés ou, dans le cas d’expéditions sur une base FAB, les prix FAB à l’exportation déclarés auxquels elle a ajouté les montants correspondant au fret et à l’assurance pour arriver au prix CIF à l’exportation à la frontière de l’Union, conformément à l’article 2, paragraphe 8, du règlement antidumping de base. Elle a ensuite ajouté des montants correspondant aux droits de douane (6 %) et aux coûts postérieurs à l’importation afin de parvenir au prix « au débarquement dans l’Union ».

74      Étant donné que les acheteurs indépendants sur une base FEO se chargent de la commercialisation en aval du produit concerné dans l’Union, en ce compris la commercialisation auprès de détaillants, les prix visés au point 73 ci-dessus utilisés par la Commission n’incluaient pas de frais VAG, ni de bénéfice relatifs auxdites ventes en aval ultérieures.

75      Il ressort des considérations visées aux points 67 à 74 ci-dessus que, même si la Commission a indiqué, au considérant 610 du règlement attaqué, avoir pris en considération, dans le cadre de la comparaison, les prix des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon au stade « départ usine », en réalité, elle a comparé les prix des ventes aux premiers acheteurs indépendants desdits producteurs aux prix CIF de la requérante.

76      Or, la commercialisation de produits effectuée non pas directement par le producteur, mais par l’intermédiaire d’entités de vente, implique l’existence de coûts et d’une marge de bénéfice propres à ces entités, de sorte que les prix pratiqués par celles-ci envers des acheteurs indépendants sont généralement supérieurs aux prix pratiqués par les producteurs dans leurs ventes directes à de tels acheteurs et ne peuvent donc pas être assimilés à ces derniers prix (arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑300/16, EU:T:2019:235, point 248).

77      Cette considération n’est pas remise en cause par l’argumentation de la Commission selon laquelle le traitement différencié des frais VAG et le bénéfice des sociétés de vente liées de la requérante et de ceux des entités de vente liées des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon s’expliquerait par la circonstance que la requérante a des frais VAG et des bénéfices en Chine correspondant aux frais VAG et aux bénéfices de l’industrie de l’Union. En effet, les frais VAG et le bénéfice ayant fait l’objet des déductions en cause et qui sont, in fine, des coûts de commercialisation dans l’Union sont nécessairement différents des éventuels frais VAG que la requérante a pu supporter en Chine. Il s’ensuit que la Commission ne pouvait pas considérer que les coûts de commercialisation supportés par la requérante en Chine étaient comparables aux frais VAG que les entités de vente liées des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon supportent en vue de la commercialisation du produit similaire dans l’Union.

78      En l’espèce, il est constant que les réseaux de vente de la requérante et ceux de quatre des cinq producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon sont similaires, dans la mesure où l’essentiel des ventes dans l’Union de la requérante et de ces producteurs de l’Union s’effectue auprès des détaillants indépendants de bicyclettes électriques.

79      À cet égard, d’une part, il ressort du dossier que plus de 85 % des ventes de la requérante étaient des ventes sous marque propre, effectuées par l’intermédiaire de ses sociétés de vente liées dans l’Union, dont plus de 90 % étaient effectuées auprès de détaillants. Moins de 15 % des ventes de la requérante étaient des ventes FEO directes.

80      D’autre part, il ressort du dossier que, de manière générale, plus de 85 % des ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon étaient effectuées auprès de détaillants. Par ailleurs, il s’avère qu’une partie des ventes des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon ont été effectuées par l’intermédiaire d’entités de vente liées.

81      Partant, en procédant, pour la comparaison des prix opérée dans le cadre du calcul de la sous-cotation des prix, à l’assimilation, visée au point 68 ci-dessus, entre les prix pratiqués par les producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon dans leurs ventes directes à des acheteurs indépendants et les prix pratiqués par les entités de vente liées desdits producteurs à de tels acheteurs uniquement en ce qui concerne le produit similaire de l’industrie de l’Union, la Commission a pris en considération pour ce produit un prix majoré et, par conséquent, défavorable à la requérante, qui effectue la majorité de ses ventes dans l’Union par l’intermédiaire de sociétés de vente liées.

82      Dans ces conditions, en tenant compte, en l’espèce, en ce qui concerne les prix des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, de certains éléments qui relèvent d’un stade commercial différent de celui qu’elle a retenu aux fins de la comparaison (départ-usine), éléments qu’elle avait pourtant déduits des prix de la requérante s’agissant de ses ventes sous marque propre, ou qui ne se présentaient pas s’agissant de ses ventes FEO dès lors que la commercialisation en aval du produit concerné était effectuée par l’acheteur indépendant lui-même, la Commission ne s’est pas livrée à une comparaison équitable lors du calcul de la marge de sous-cotation des prix de la requérante.

83      Or, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence visée aux points 62 et 63 ci-dessus, l’obligation de procéder à un examen objectif de l’incidence des importations faisant l’objet de subventions, inscrite à l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base, impose de procéder à une comparaison équitable entre le prix du produit concerné et le prix du produit similaire de l’industrie de l’Union, une telle comparaison équitable constituant une condition de la légalité du calcul du préjudice de cette industrie.

84      Par ailleurs, alors qu’il appartient à la Commission de choisir la méthode d’analyse qu’elle estime la plus appropriée pour déterminer les effets sur les prix, selon les particularités de l’enquête en cause, il n’en reste pas moins que l’objectivité et l’équité de l’examen doivent être garanties.

85      Il s’ensuit que si, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation évoqué aux points 59 et 60 ci-dessus, la Commission estimait qu’il était nécessaire, en l’espèce, de ramener les prix de la requérante au niveau CIF, notamment, pour s’assurer de la prise en compte de prix fiables et pour garantir l’égalité de traitement entre tous les producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon, il lui incombait de s’assurer également que les prix des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon avaient été établis à un niveau équivalent.

86      Partant, le calcul de la sous-cotation des prix tel qu’il a été réalisé par la Commission à l’égard de la requérante dans le cadre du règlement attaqué doit être considéré comme étant entaché d’une erreur de méthodologie ayant conduit à une comparaison inéquitable, et dès lors, contraire à l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base.

87      Par conséquent, la contestation, par la requérante, du calcul de la sous-cotation des prix en ce qui concerne ses produits est fondée.

 Sur les conséquences de l’erreur constatée

88      Il résulte des considérations qui précèdent que l’erreur de méthodologie constatée au point 82 ci-dessus commise par la Commission dans le cadre du calcul de la sous-cotation des prix du produit concerné en ce qui concerne les produits de la requérante a eu pour effet d’identifier une sous-cotation desdits prix dont l’importance, voire l’existence, n’ont pas été régulièrement établies.

89      Néanmoins, la Commission fait valoir que le septième moyen est inopérant dans la mesure où les erreurs alléguées n’auraient pas de répercussions sur la quantification du préjudice subi par l’industrie de l’Union.

90      Dans ce cadre, ainsi qu’il est exposé aux points 48 à 52 ci-dessus, en premier lieu, la Commission fait valoir que la sous-cotation des prix des importations en cause n’est qu’un des éléments sur lesquels elle a fondé ses conclusions relatives à l’existence d’un préjudice important de l’industrie de l’Union.

91      À cet égard, il est vrai que, selon la jurisprudence et comme cela est relevé aux points 56 et 57 ci-dessus, l’examen objectif de la détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union, prévu à l’article 8, paragraphe 1, du règlement de base, doit porter, d’une part, sur le volume des importations faisant l’objet de subventions et l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union ainsi que, d’autre part, sur l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union. Ainsi, s’agissant de la détermination dudit volume ou desdits prix, l’article 8, paragraphe 2, du règlement de base prévoit les facteurs à prendre en compte, lors de cet examen, tout en précisant qu’un ou plusieurs de ces facteurs ne sauraient constituer à eux seuls une base de jugement déterminante (voir, par analogie, arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate, C‑569/13, EU:C:2015:572, points 52 et 53 et jurisprudence citée).

92      Il en est de même pour ce qui est de l’incidence des importations faisant l’objet de subventions sur l’industrie de l’Union. En effet, il résulte de l’article 8, paragraphe 4, du règlement de base qu’il incombe à la Commission d’évaluer tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie, un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituant pas nécessairement une base de jugement déterminante. Cette disposition donne ainsi à la Commission un pouvoir discrétionnaire dans l’examen et l’évaluation des différents indices (voir, par analogie, arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate, C‑569/13, EU:C:2015:572, point 54 et jurisprudence citée).

93      Enfin, s’agissant du lien de causalité, conformément à l’article 8, paragraphe 5, du règlement de base, la Commission doit démontrer que le volume ou les niveaux des prix visés au paragraphe 2 de cet article ont un impact sur l’industrie de l’Union au sens du paragraphe 4 de celui‑ci et que cet impact est tel qu’il peut être considéré comme important (voir, par analogie, arrêt du 10 septembre 2015, Bricmate, C‑569/13, EU:C:2015:572, point 55).

94      Il découle de la jurisprudence citée aux points 91 à 93 ci-dessus que la Commission n’avait pas l’obligation, en l’espèce, de déterminer les marges de sous-cotation de prix et qu’elle pouvait parfaitement fonder son analyse du préjudice et, donc, du lien de causalité, sur d’autres phénomènes de prix listés à l’article 8, paragraphe 2, du règlement de base, tels qu’une dépression sensible des prix de l’industrie de l’Union ou un empêchement dans une mesure notable des hausses de prix.

95      Or, aux considérants 681 et 696 du règlement attaqué, dans le cadre de ses conclusions sur le préjudice et le lien de causalité entre les importations faisant l’objet de subventions et ce préjudice, la Commission a souligné l’importance qu’elle accordait à l’existence d’une sous-cotation des prix. Elle y a observé notamment que les prix des importations faisant l’objet de subventions en provenance de Chine étaient « nettement inférieurs aux prix de l’industrie de l’Union au cours de la période d’enquête », avec des marges de sous-cotation des prix allant de 16,2 à 43,2 %. Elle a également relevé que, durant la période comprise entre le 1er janvier 2014 et le 30 septembre 2017, l’industrie de l’Union avait perdu 24 points de parts de marché dans un marché progressant de 74 %, alors que les importations en provenance de Chine avaient augmenté de 250 % et ont gagné 17 points de parts de marché (passant de 18 à 35 %). Elle a encore ajouté que la pression exercée sur les prix par les importations faisant l’objet de subventions en provenance de Chine avait maintenu les bénéfices et les flux de liquidités à un niveau faible.

96      Certes, en complément du calcul des marges de sous-cotation des prix des producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon, la Commission a utilisé, aux considérants 604 à 609 et au tableau 15 du règlement attaqué, des statistiques Eurostat pour démontrer l’évolution à la baisse du prix moyen des importations dans l’Union en provenance de Chine entre 2014 et la période d’enquête et a constaté que les prix moyens des importations étaient plus bas que ceux des producteurs de l’Union. Toutefois, la Commission indique elle-même, au considérant 607 du règlement attaqué, que l’évolution des prix n’est « pas totalement fiable » dans la mesure où « le détail des types de produits n’était pas connu en raison du caractère général des statistiques d’Eurostat ». Par ailleurs, elle ne fait pas référence à ces statistiques au considérant 696 du règlement attaqué relatif au lien de causalité entre les importations en cause et le préjudice des producteurs de l’Union, alors que ce considérant évoque, a contrario, les marges de sous-cotation des prix.

97      En outre, au considérant 609 du règlement attaqué, dans le cadre de son analyse des prix des importations en provenance de Chine et de la sous-cotation des prix, la Commission a souligné, en substance, que la tendance à la baisse des prix moyens des importations en provenance de Chine évoquée par les statistiques Eurostat devait être examinée à l’aune des analyses effectuées sur la base du type de produit, lesquelles avaient permis de conclure à l’existence « d’importantes » pratiques de sous-cotation des prix.

98      En tout état de cause, le fait que les statistiques Eurostat montrent que les prix des importations seraient plus bas que les prix des producteurs de l’Union ne contredit pas le fait que, au considérant 696 du règlement attaqué, la Commission s’est appuyée sur les marges de sous-cotation des prix pour mettre en évidence le lien de causalité entre les importations en cause et le préjudice des producteurs de l’Union.

99      Enfin, au considérant 674 du règlement attaqué, la Commission a fait référence à un volume important d’importations à des prix subventionnés et sous-cotés et, au considérant 715 de ce même règlement, a également souligné la pertinence de la constatation de la sous-cotation des prix.

100    Il résulte des considérants du règlement attaqué mentionnés aux points 95, 97 et 99 ci-dessus que les marges de sous-cotation des prix telles que calculées dans ledit règlement étaient un indicateur de première importance pour la Commission et sont, en substance, un élément déterminant de la conclusion selon laquelle les importations du produit concerné sont à l’origine du préjudice de l’industrie de l’Union.

101    Partant, toute erreur affectant le calcul des marges de sous-cotation des prix en l’espèce est susceptible d’avoir une incidence sur le lien de causalité entre les importations des produits concernés et le préjudice de l’industrie de l’Union.

102    Or, conformément à l’article 1er, paragraphe 1, et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement de base, l’existence d’un lien causal entre les importations faisant l’objet de subventions et le préjudice de l’industrie de l’Union est une condition nécessaire pour l’imposition de droits compensateurs.

103    Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’affirme la Commission, l’erreur de méthodologie constatée au point 82 ci-dessus ne saurait pouvoir être neutralisée par la prise en considération d’autres indicateurs.

104    En deuxième lieu, la Commission fait valoir que les erreurs alléguées ne concernent que la détermination de la sous-cotation des prix à l’égard de la requérante et que cette dernière n’est pas parvenue à remettre en cause le calcul de la sous-cotation des prix établi à l’égard des autres producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon. Par ailleurs, si elle avait exclu la requérante de l’analyse ou même si aucune sous-cotation des prix n’avait été constatée pour celle-ci, elle aurait néanmoins observé une sous-cotation des prix, sur la base de l’analyse macroéconomique des prix et des marges de sous-cotation des prix des autres producteurs-exportateurs de l’échantillon.

105    À cet égard, premièrement, l’erreur de méthodologie constatée au point 82 ci-dessus est susceptible d’avoir une incidence sur le calcul de la sous-cotation des prix établi à l’égard des autres producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon.

106    En effet, les quatre producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon autres que la requérante ne réalisaient que des ventes directes FEO, à savoir des ventes directes à des acheteurs indépendants sur une base FEO, ces derniers acheteurs effectuant la commercialisation du produit concerné en aval dans l’Union. Comme cela est indiqué au point 74 ci-dessus, leurs prix à l’exportation n’incluaient pas de frais VAG et de bénéfice relatifs à la commercialisation du produit concerné en aval ultérieure. En revanche, comme cela est relevé aux points 68, 75, 81 et 82 ci-dessus, s’agissant des producteurs de l’Union retenus dans l’échantillon, la Commission a assimilé les prix pratiqués par lesdits producteurs dans leurs ventes directes à des acheteurs indépendants et ceux pratiqués par les entités de vente liées de ces mêmes producteurs à de tels acheteurs. Ce faisant, cette institution a pris en considération des éléments qui relèvent d’un stade commercial différent de celui qu’elle a retenu aux fins de la comparaison (départ-usine), qui ne se présentaient pas s’agissant des ventes FEO des producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon et, in fine, un prix éventuellement majoré par rapport à celui retenu pour les quatre producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon autres que la requérante.

107    Deuxièmement, la suggestion de la Commission de retirer la requérante de l’examen des marges de sous-cotation des prix doit être rejetée dans la mesure où, comme il est mentionné aux considérants 33 à 43 du règlement attaqué, la Commission a décidé de créer un échantillon représentatif de l’ensemble des producteurs-exportateurs chinois en fonction, notamment, du plus grand volume représentatif d’exportations vers l’Union et qu’elle a décidé d’inclure la requérante dans cet échantillon.

108    Troisièmement, la tentative de la Commission d’atténuer l’ampleur de l’erreur de méthodologie constatée au point 82 ci-dessus aux motifs, d’une part, que la requérante et l’échantillon de producteurs-exportateurs ne représentent qu’une partie des importations totales en provenance de Chine dans l’Union et, d’autre part, que entre 70 % du point de vue du volume et environ 50 % du point de vue de la valeur des importations faisant l’objet de subventions parmi les producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon continueraient de faire l’objet d’une sous-cotation des prix importante, sur la base des quatre autres producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon doit être écartée. En effet, là encore, cette argumentation ignore la décision de la Commission de procéder par échantillonnage et de concentrer son analyse sur les cinq producteurs-exportateurs qui sont supposés être représentatifs de l’ensemble des producteurs-exportateurs chinois. De surcroît, comme cela est relevé aux points 95, 97 et 98 ci-dessus, au considérant 696 du règlement attaqué, la Commission s’est appuyée sur les marges de sous-cotation des prix des cinq producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon, et non de l’ensemble des producteurs-exportateurs chinois, pour démontrer l’existence d’un lien de causalité entre les importations en cause et le préjudice pour les producteurs de l’Union.

109    En troisième lieu, la Commission fait valoir, en s’appuyant sur des calculs alternatifs de la sous-cotation des prix relative à la requérante, produits dans le cadre du présent recours, que, même en suivant ces calculs alternatifs, les prix de la requérante resteraient sous-cotés par rapport aux prix des producteurs de l’Union.

110    Or, la Commission ne saurait se prévaloir des trois calculs alternatifs de la sous-cotation des prix avancés dans le cadre du présent recours aux fins de neutraliser l’erreur de méthodologie constatée au point 82 ci-dessus.

111    En effet, la Commission ne saurait invoquer valablement à l’appui du règlement attaqué des motifs qui ne sont pas contenus dans celui-ci et dont elle n’a fait état que postérieurement à l’introduction du recours (voir, par analogie, arrêt du 21 mars 1996, Farrugia/Commission, T‑230/94, EU:T:1996:40, point 36 et jurisprudence citée). Dans ce cadre, il y a lieu de souligner que la requérante avait contesté la méthodologie adoptée par la Commission relative au calcul de la sous-cotation des prix tout au long de la procédure administrative.

112    Par ailleurs, l’argumentation de la Commission revient ni plus ni moins à demander au Tribunal de procéder à une substitution de motifs. Or, il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d’un recours en annulation, le Tribunal ne peut substituer sa propre motivation à celle de l’auteur de l’acte attaqué (voir arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 64 et jurisprudence citée).

113    Enfin, la Commission fait valoir que les arguments de la requérante concernant les erreurs dans le calcul de la marge de sous-cotation des prix indicatifs et de la marge de préjudice à l’égard de cette dernière sont inopérants.

114    À cet égard, d’une part, il ressort du considérant 770 du règlement attaqué, visé au point 35 ci-dessus, que le niveau d’élimination du préjudice a été déterminé sur la base d’une comparaison impliquant le prix moyen pondéré des importations provenant des producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon, dûment ajusté pour tenir compte des coûts d’importation et des droits de douane, tel qu’il a été établi pour le calcul de la sous-cotation des prix. D’autre part, il ressort des considérants 773 et 776 du règlement attaqué que la Commission a conclu que le droit compensateur définitif devait être institué à un niveau suffisant pour éliminer le préjudice causé par les importations faisant l’objet de subventions, sans dépasser le montant de la subvention constatée, et que ce dernier était inférieur au niveau d’élimination du préjudice.

115    Partant, il ne saurait être exclu que, en l’absence de l’erreur de méthodologie constatée au point 82 ci-dessus, relative à la sous-cotation des prix de la requérante, la marge de préjudice de l’industrie de l’Union aurait été établie à un niveau inférieur au montant de la subvention constatée et, donc, encore inférieur à celui établi dans le règlement attaqué.

116    Il s’ensuit que, contrairement à ce qu’affirme la Commission, l’erreur de méthodologie constatée au point 82 ci-dessus ne saurait être neutralisée.

117    Étant donné que l’erreur de méthodologie constatée au point 82 ci-dessus dans le calcul de la sous-cotation des prix est susceptible de remettre en question la légalité du règlement attaqué, en invalidant l’ensemble de l’analyse de la Commission relative au lien de causalité (voir, par analogie, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑301/16, EU:T:2019:234, point 195 et jurisprudence citée), il y a lieu d’annuler ce règlement en tant qu’il concerne la requérante, sans qu’il soit nécessaire d’examiner et d’apprécier le bien-fondé non seulement de l’allégation de la requérante tirée de l’erreur de la Commission dans le calcul de la sous-cotation des prix indicatifs, mais également le bien-fondé de la première branche du présent moyen ainsi que des six autres moyens qu’elle soulève.

118    Concernant, en particulier, la première branche du septième moyen, il convient de relever que, indépendamment de l’application par analogie de l’article 2, paragraphe 9, du règlement antidumping de base aux fins de l’appréciation de l’existence d’un préjudice au sens de l’article 8 du règlement de base, le caractère inéquitable de la comparaison constaté au titre de la seconde branche de ce moyen viciait en tout état de cause l’analyse de la Commission effectuée au titre dudit article 8.

 Sur les dépens

119    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le règlement d’exécution (UE) 2019/72 de la Commission, du 17 janvier 2019, instituant un droit compensateur définitif sur les importations de bicyclettes électriques originaires de la République populaire de Chine, est annulé en tant qu’il concerne Giant Electric Vehicle Kunshan Co. Ltd.

2)      La Commission européenne supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par Giant Electric Vehicle Kunshan.

Svenningsen

Mac Eochaidh

Laitenberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 avril 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.