Language of document : ECLI:EU:T:2004:276

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (juge unique)
28 septembre 2004 (1)

« Fonctionnaires – Mobilité – Refus de promotion – Examen comparatif des mérites »

Dans l'affaire T-216/03,

Mario Paulo Tenreiro, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Kraainem (Belgique), représenté par Me G. Vandersanden, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. A. Bordes et Mme L. Lozano Palacios, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, en substance, une demande d'annulation de la décision de la Commission, publiée le 14 août 2002, établissant la liste des fonctionnaires promus au grade A 4 au titre de l'exercice 2002, en ce qu'elle ne contient pas le nom du requérant,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (juge unique),



juge : M. J. Pirrung,

greffier : Mme D. Christensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 9 juillet 2004,

rend le présent



Arrêt




Cadre juridique

1
Aux termes de l’article 45, paragraphe 1, premier alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa version en vigueur avant le 1er mai 2004, applicable au présent litige (ci-après le « statut »), la promotion « se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion ainsi que des rapports dont ils ont fait l’objet ».

2
L’exercice annuel de promotion des fonctionnaires de la Commission de la catégorie A se déroule selon une procédure, énoncée dans le Guide pratique de la procédure de promotions des fonctionnaires à la Commission européenne de la catégorie A et du cadre linguistique, qui se décompose en cinq étapes.

3
La première étape consiste en la publication par l’administration de la liste des fonctionnaires ayant vocation à la promotion, comprenant tous les fonctionnaires qui remplissent les conditions d’ancienneté prévues par l’article 45 du statut.

4
Lors de la deuxième étape, chaque directeur général procède à un examen comparatif préalable des mérites des fonctionnaires relevant de sa direction et communique ses propositions, classées par ordre de priorité, au comité de promotion.

5
Dans la troisième étape, ce comité procède à l’établissement d’un projet de liste des fonctionnaires les plus méritants en comparant, notamment à l’aide des rapports de notation, les mérites des fonctionnaires susceptibles d’être promus selon une méthode d’appréciation adaptée au grade en cause. Les rapports de notation contiennent une évaluation des compétences, du rendement et de la conduite du fonctionnaire dans le service. Pour chacun des différents éléments de l’appréciation analytique, quatre niveaux de notation sont prévus : E (exceptionnel), S (supérieur), N (normal) et I (insuffisant).

6
Au cours de cette troisième étape, les fonctionnaires ayant notamment fait l’objet d’une mobilité voient leur situation préalablement examinée par un groupe paritaire restreint qui présente au comité de promotion un rapport sur les cas qui lui sont soumis.

7
Lors de la quatrième étape, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») adopte, avec ou sans modification, le projet de liste du comité de promotion et établit la liste des fonctionnaires les plus méritants.

8
La cinquième étape relève du membre de la Commission responsable du personnel, qui prend une décision de promotion à partir de cette liste et qui signe, ensuite, les décisions individuelles.


Faits et procédure

9
Le requérant, né en 1962, est entré au service de la Commission en 1987. Il a été nommé fonctionnaire de grade A 7 en 1989 et a été promu au grade A 6 en 1992, puis au grade A 5 le 1er avril 1997. Entre septembre 1997 et mars 1998, il a été affecté à la direction générale (DG) « Santé et protection des consommateurs », où il était chef de l’unité « Questions juridiques ». En mars 2000, il a été muté à la DG « Justice et affaires intérieures », où il exerce, depuis lors, la fonction de chef de l’unité « Coopération judiciaire en matière civile ».

10
Dans le cadre des exercices de promotion 2000 et 2001, le requérant n’a pas été proposé par sa nouvelle DG pour une promotion au grade A 4.

11
En juin 2001, le requérant s’est adressé au comité de promotion et a demandé une réévaluation de sa position. Cette demande a été rejetée. Le même sort a été réservé à la réclamation consécutive du requérant, la décision de rejet de cette réclamation, intervenue en juin 2002, ayant été motivée par le caractère irrecevable de ladite réclamation. Le requérant n’a pas formé de recours juridictionnel contre ladite décision. Il n’a pas été promu au titre de l’exercice de promotion 2001.

12
Pour l’exercice de promotion 2002, la DG « Justice et affaires intérieures » a établi une liste de six fonctionnaires ayant vocation à la promotion au grade A 4 qui a été publiée le 15 mai 2002. Le requérant figurait en troisième position sur cette liste ; à cette date, il était âgé de 40 ans, avait une ancienneté de six ans dans le grade A 5 et son rapport de notation comportait les appréciations analytiques suivantes : 2 E, 6 S, 2 N.

13
Les données concernant les fonctionnaires figurant sur cette liste étaient les suivantes :

M. A, avec un rapport de notation comportant dans les appréciations analytiques 2 E, 7 S et 1 N, une ancienneté dans le grade supérieure de quatre ans à celle du requérant et un âge supérieur de neuf ans à celui de ce dernier ;

Mme B, avec un rapport de notation comportant 2 E, 6 S et 2 N, une ancienneté dans le grade supérieure de trois ans à celle du requérant et un âge supérieur de 20 ans ;

le requérant ;

M. D, avec un rapport comportant 1 E, 7 S et 2 N, une ancienneté dans le grade supérieure de quatre ans à celle du requérant et un âge supérieur de huit ans ;

Mme E, avec un rapport comportant 2 E, 5 S et 3 N, une ancienneté dans le grade supérieure de un an à celle du requérant et un âge supérieur de quatre ans ;

M. F, avec un rapport comportant 2 E et 8 S, une ancienneté dans le grade supérieure de un an à celle du requérant et un âge supérieur de quatre ans.

14
La liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir une promotion au grade A 4 a été établie par le comité de promotion le 16 juillet 2002 et publiée aux Informations administratives (ci-après les « IA ») nº 68 du 12 août 2002. Le nom du requérant n’y figurait pas. En revanche, le fonctionnaire proposé par la DG « Justice et affaires intérieures » en quatrième position (M. D) a été retenu dans la liste.

15
Par note du 17 juillet 2002, le directeur général de la DG « Justice et affaires intérieures », M. Fortescue, a indiqué au secrétaire général de la Commission, en sa qualité de président du comité de promotion, M. O’Sullivan, que l’application de la méthode d’évaluation retenue par le comité avait des conséquences défavorables pour le requérant.

16
En réponse, le président du comité de promotion a exposé, par note du 26 août 2002, que les objections exprimées par le directeur général auraient dû être présentées au cours de la réunion dudit comité du 16 juillet 2002 et que le requérant ne pouvait pas s’attendre à être promu en 2002, le nombre de promotions prévisibles pour la DG « Justice et affaires intérieures » étant limité à deux pour cet exercice.

17
La liste des fonctionnaires effectivement promus au grade A 4 a été publiée par le comité de promotion le 14 août 2002 aux IA nº 69. Elle ne contenait ni le nom du requérant ni celui du fonctionnaire figurant après lui sur la liste de proposition de la DG « Justice et affaires intérieures ». Seuls les deux premiers fonctionnaires figurant sur cette liste ont été retenus pour une promotion au grade A 4.

18
Le 23 octobre 2002, le requérant a introduit une réclamation par laquelle il a demandé, en substance, que la décision de ne pas le promouvoir soit révisée.

19
Cette réclamation a été rejetée par décision de l’AIPN du 25 mars 2003.

20
C’est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 juin 2003, le requérant a introduit le présent recours.

21
La Commission a déposé son mémoire en défense le 10 octobre 2003. Par courrier du 6 novembre 2003, le requérant a déclaré qu’il renonçait au dépôt d’une réplique.

22
Ainsi qu’il ressort des IA nº 73 du 27 novembre 2003, le requérant a été promu au grade A 4 au titre de l’exercice de promotion 2003.

23
Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé, en application des dispositions de l’article 14, paragraphe 2, et de l’article 51, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, d’attribuer l’affaire à M. J. Pirrung, siégeant en qualité de juge unique. En outre, il a décidé d’ouvrir la procédure orale.

24
Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 9 juillet 2004.


Conclusions des parties

25
Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision de ne pas le promouvoir au grade A 4 au titre de l’exercice 2002 ;

lui reconnaître la promotion qui aurait dû lui être accordée pour l’exercice 2002, avec effet rétroactif et rétablissement dans l’ensemble de ses droits pécuniaires et de carrière ;

condamner la Commission aux dépens.

26
La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours comme partiellement irrecevable et, au surplus, comme non fondé ;

statuer sur les dépens comme de droit.

27
Lors de l’audience, le requérant a renoncé au deuxième chef de ses conclusions, ce dont le Tribunal a pris acte dans le procès-verbal de l’audience.


En droit

28
Le requérant soulève deux moyens à l’appui de son recours. Par un premier moyen, tiré d’une violation de l’article 45, paragraphe 1, du statut, il fait valoir que la Commission n’a pas respecté plusieurs principes dégagés par la jurisprudence en matière de promotion. Le second moyen est tiré d’une violation du principe de non-discrimination.

1. Sur le moyen tiré d’une violation de l’article 45, paragraphe 1, du statut

29
Le requérant estime que la décision attaquée a enfreint les quatre principes suivants :

a)      les promotions doivent être décidées sur la base d’un examen comparatif prenant en compte les mérites de tous les fonctionnaires de la Commission de même grade ayant vocation à la promotion ;

b)      cet examen comparatif doit se fonder sur les rapports de notation ;

c)      le mérite de chacun des fonctionnaires en cause est le critère décisif pour la décision de promotion, l’ancienneté et l’âge ne constituant que des critères secondaires ;

d)      l’examen comparatif des mérites s’oppose à une pratique administrative consistant à promouvoir automatiquement des fonctionnaires qui, au titre de l’exercice de promotion précédent, figuraient sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants mais qui n’ont pas été promus (les « reliquats »).

30
La Commission estime que la plupart de ces griefs et finalement le moyen tout entier doivent être déclarés irrecevables et, à titre subsidiaire, non fondés.

31
Dans ces circonstances, le Tribunal estime qu’il y a lieu d’examiner, tout d’abord, la recevabilité des différents griefs avancés par le requérant dans le cadre du présent moyen.

Sur la recevabilité du moyen

Arguments des parties

32
La Commission fait valoir que le premier moyen est irrecevable en ses première et deuxième branches, prises du non-respect des principes mentionnés sous a) et b), au point 29 ci-dessus, celles-ci n’ayant pas été évoquées dans la réclamation.

33
En effet, la réclamation présentée par le requérant en l’espèce ne contiendrait aucune allusion à la prétendue violation du principe d’un examen comparatif des mérites de tous les fonctionnaires ayant vocation à la promotion, tandis que l’allégation relative à la prétendue méconnaissance des rapports de notation desdits fonctionnaires serait assez vague.

34
En outre, la requête ne comporterait pas d’argumentation articulée concernant la prétendue violation du principe mentionné sous d), au point 29 ci-dessus, à savoir l’interdiction de préférence automatique des « reliquats ». De plus, le requérant n’avancerait aucun élément susceptible d’établir que la décision attaquée enfreint le principe d’égalité des chances pour tous les fonctionnaires ayant vocation à la promotion ou qu’elle soit entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

35
Les griefs dirigés contre la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants, notamment celui qui dénonce le fait que M. D, classé après le requérant sur la liste de proposition de la DG « Justice et affaires intérieures » (voir point 13 ci-dessus), a été inscrit sur cette liste, seraient irrecevables, puisque ladite liste n’a pas été attaquée par le requérant et est donc devenue définitive.

36
Enfin, le moyen tiré d’une violation de l’article 45 du statut serait irrecevable dans son intégralité. En effet, il ne comporterait aucune argumentation substantielle et ne répondrait donc pas aux exigences de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure.

37
Le requérant considère que l’ensemble du moyen doit être déclaré recevable, la Commission n’ayant éprouvé aucune difficulté à se défendre contre les griefs soulevés.

Appréciation du Tribunal

38
Dans la mesure où la Commission considère certains griefs comme irrecevables à défaut d’avoir été soulevés dans la réclamation administrative du requérant, il convient de rappeler que la règle de concordance entre la réclamation administrative au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut et le recours subséquent exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un grief soulevé devant le juge communautaire l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’AIPN ait été en mesure de connaître les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée (arrêt du Tribunal du 7 juillet 2004, Schmitt/AER, T‑175/03, non encore publié au Recueil, point 42, et la jurisprudence citée).

39
Cette règle se justifie par la finalité même de la procédure précontentieuse, celle-ci ayant pour objet de permettre un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires et l’administration (arrêt de la Cour du 14 mars 1989, Del Amo Martinez/Parlement, 133/88, Rec. p. 689, point 9, et arrêt du Tribunal du 29 mars 1990, Alexandrakis/Commission, T‑57/89, Rec. p. II‑143, point 8). L’AIPN doit donc être clairement informée des griefs soulevés par le réclamant pour être en mesure de lui proposer un éventuel règlement amiable.

40
Il s’ensuit que, dans les recours de fonctionnaires, les conclusions présentées devant le juge communautaire ne peuvent contenir que des « chefs de contestation » reposant sur la même cause que celle sur laquelle reposent les chefs de contestation invoqués dans la réclamation, étant précisé que ces chefs de contestation peuvent être développés, devant le juge communautaire, par la présentation de moyens et arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, mais s’y rattachant étroitement (arrêts de la Cour du 20 mai 1987, Geist/Commission, 242/85, Rec. p. 2181, point 9 ; du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, Rec. p. 99, point 10, et Del Amo Martinez/Parlement, précité, point 10).

41
En l’espèce, s’agissant de la première branche du moyen, tirée de l’absence d’examen comparatif des mérites, il est vrai que la réclamation renvoie (p. 2 et 3) à l’arrêt de la Cour du 9 novembre 2000, Commission/Hamptaux (C‑207/99 P, Rec. p. I-9485), qui indique que l’exigence d’un examen comparatif des mérites requiert que « les mérites de chaque candidat soient appréciés par rapport à ceux des autres candidats à la promotion » (point 19) et qui évoque la nécessité d’un « véritable examen comparatif des mérites de l’ensemble des fonctionnaires susceptibles d’être promus » (point 23). Cependant, il s’agit là d’une référence jurisprudentielle purement abstraite qui est dépourvue de rattachement aux circonstances du cas d’espèce.

42
Les seules remarques concrètes formulées dans la réclamation se limitent à reprocher à la Commission de ne pas avoir effectué un véritable examen comparatif des mérites du requérant et des autres fonctionnaires de la DG « Justice et affaires intérieures » qui ont été proposés en vue d’une promotion. En revanche, la réclamation ne contient aucun élément qui aurait permis à la Commission de déduire, même en s’efforçant de l’interpréter dans un esprit d’ouverture, que le requérant entendait dénoncer l’absence d’un examen comparatif portant sur les mérites de tous les fonctionnaires de la Commission ayant vocation à la promotion de même grade que lui-même, y compris ceux affectés à des DG autres que la DG « Justice et affaires intérieures ».

43
Dans ces circonstances, le présent moyen doit être déclaré irrecevable en sa première branche.

44
En ce qui concerne la deuxième branche du moyen, prise d’une violation du principe selon lequel l’examen comparatif des mérites des candidats doit prendre en compte les rapports de notation, il y a lieu de constater que le requérant se réfère, dans sa réclamation, à « son nouveau rapport de notation (1999-2001) » et reproche à la Commission de ne pas avoir effectué une « véritable appréciation comparative » de ses mérites (p. 2 et 3). Par conséquent, le grief tiré d’une prise en compte insuffisante des rapports de notation a été soulevé dans la réclamation. Par ailleurs, dans sa décision portant rejet de la réclamation du requérant, l’AIPN s’est également prononcée, de manière détaillée, sur les rapports de notation des différents fonctionnaires concernés (p. 2). Il s’ensuit que l’AIPN a effectivement pris connaissance du grief avancé par le requérant. Par conséquent, s’agissant de ce grief, la règle de la concordance entre la réclamation administrative préalable et le recours a été respectée.

45
Il en va de même pour les troisième et quatrième branches du présent moyen, le requérant les ayant expressément énoncées tant dans sa réclamation que dans sa requête.

46
S’agissant du grief dirigé contre le fait que le requérant ne figurait pas sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants, la Commission le considère comme irrecevable au motif que le requérant n’a pas attaqué cette liste en temps utile, de sorte qu’elle est devenue définitive.

47
À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’inscription d’un fonctionnaire sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir une promotion à l’intérieur d’une carrière, telle que celle visée dans le présent litige, n’est qu’un acte préparatoire et ne constitue donc pas un acte faisant grief. En effet, dans la mesure où l’AIPN n’est pas strictement tenue de promouvoir un fonctionnaire inscrit sur cette liste, l’inscription en tant que telle n’affecte pas directement la situation juridique de l’intéressé, la décision relative à sa promotion éventuelle restant encore en suspens. Quant aux fonctionnaires exclus, l’inscription d’un autre fonctionnaire ne modifie pas davantage leur situation juridique, qui ne sera affectée que par une promotion effective de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 5 décembre 1990, Marcato/Commission, T‑82/89, Rec. p. II‑735, point 40). C’est seulement dans l’hypothèse où l’AIPN se considérerait comme liée par la liste établie à la suite des travaux du comité de promotion, en ce sens qu’elle exclut de la promotion les personnes ne figurant pas sur cette liste, que la décision refusant d’inscrire un fonctionnaire sur ladite liste modifierait directement la situation juridique du fonctionnaire exclu et constituerait à l’égard de ce dernier un acte faisant grief (voir, en ce sens, arrêt Marcato/Commission, précité, point 52).

48
Or, en l’espèce, il ne ressort pas du dossier que l’AIPN se soit considérée comme liée par la liste en cause. À cet égard, la Commission a indiqué que le comité de promotion avait établi un « projet de liste des fonctionnaires jugés les plus méritants » et qu’il appartenait ensuite à l’AIPN de procéder à l’examen comparatif des mérites « de tous les fonctionnaires promouvables », tel que prévu par l’article 45 du statut (voir point 26 du mémoire en défense). Par conséquent, la régularité de la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants peut être remise en cause, en tant qu’acte préparatoire, dans le cadre du présent recours visant à l’annulation de la décision prise au terme de l’exercice de promotion (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 octobre 2000, Cubero Vermurie/Commission, T‑187/98, RecFP p. I‑A‑195 et II‑885, point 31). Le grief y relatif ne peut donc pas être qualifié d’irrecevable.

49
Il résulte de ce qui précède que tous les griefs soulevés dans le cadre du présent moyen, à l’exception du premier d’entre eux (voir points 41 à 43 ci-dessus), doivent être déclarés recevables.

Sur le fond

50
À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de l’examen comparatif des mérites des candidats à une promotion, l’AIPN dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Dans ce domaine, le contrôle du juge communautaire doit se limiter à la question de savoir si, eu égard aux voies et moyens qui ont pu conduire l’administration à son appréciation, celle-ci s’est tenue dans des limites non critiquables et n’a pas usé de son pouvoir de manière manifestement erronée. Le juge ne saurait donc substituer son appréciation des qualifications et mérites des candidats à celle de l’AIPN (arrêt de la Cour du 15 mars 1989, Bevan/Commission, 140/87, Rec. p. 701, point 34 ; arrêts du Tribunal du 6 juin 1996, Baiwir/Commission, T‑262/94, RecFP p. I‑A-257 et II‑739, points 66 et 138 ; du 5 mars 1998, Manzo-Tafaro/Commission, T‑221/96, RecFP p. I‑A‑115 et II‑307, point 16, et du 13 juillet 2000, Griesel/Conseil, T‑157/99, RecFP p. I‑A‑151 et II‑699, point 41).

51
Il s’ensuit qu’une décision de promotion ou de non-promotion est manifestement erronée si l’AIPN n’a pas procédé à un véritable examen comparatif des mérites des candidats en tenant compte de leurs rapports de notation les concernant. La question qui se pose en l’espèce est donc de savoir si la décision de l’AIPN, refusant de promouvoir le requérant au grade A 4 au titre de l’exercice 2002 , est entachée d’une telle erreur manifeste, sans qu’il soit nécessaire de vérifier, à ce stade, si le requérant aurait effectivement dû être promu, étant entendu que le statut ne confère aucun droit à une promotion, même aux fonctionnaires réunissant toutes les conditions pour être promus (voir, en ce sens, arrêt Baiwir/Commission, précité, point 67, et la jurisprudence citée).

52
C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les griefs qui ont été déclarés recevables.

Sur le grief tiré d’une violation du principe selon lequel l’examen comparatif des mérites doit prendre en compte les rapports de notation (deuxième branche du moyen)

53
Le requérant reproche à la Commission de ne pas avoir effectué un véritable examen comparatif des mérites des fonctionnaires proposés pour une promotion pour l’exercice 2002, car, si tel avait été le cas, elle aurait dû le promouvoir au grade A 4. Dans ce contexte, le requérant fait notamment référence au contenu des rapports de notation dont il a fait l’objet pour les années 1997 et 1999 ainsi qu’au rapport d’évaluation de sa carrière couvrant la période allant de juillet 2001 à décembre 2002. Ces rapports démontreraient les qualités et capacités exceptionnelles du requérant ainsi que la multitude et la complexité des fonctions qu’il a exercées en sa qualité de chef d’unité pendant la période de référence. L’ensemble de ces éléments le distinguerait, sans aucun doute, des autres fonctionnaires proposés pour une promotion.

54
À cet égard, il suffit de constater que, si le rapport de notation constitue un élément d’appréciation indispensable chaque fois que la carrière d’un fonctionnaire est prise en considération en vue de l’adoption d’une décision concernant sa promotion (arrêts de la Cour du 10 juin 1987, Vincent/Parlement, 7/86, Rec. p. 2473, point 16, et du 17 décembre 1992, Moritz/Commission, C‑68/91 P, Rec. p. I-6849, point 16), le requérant n’est manifestement pas parvenu à établir que l’AIPN s’est abstenue, en l’espèce, de prendre en considération son rapport de notation.

55
Tout au contraire, il ressort à l’évidence de la décision portant rejet de sa réclamation que l’AIPN a tenu compte des rapports de notation des fonctionnaires concernés, dont celui du requérant, qui ont été proposés par la DG « Justice et affaires intérieures » pour une promotion. En effet, à la page 2, avant-dernier paragraphe, de cette décision, l’AIPN expose que l’examen comparatif des mérites des six fonctionnaires proposés par cette DG faisait apparaître que le rapport de notation du requérant était légèrement inférieur à celui des fonctionnaires placés en première (2 E, 7 S, 1 N) et en sixième (2 E, 8 S) position, équivalent à celui qui était en deuxième position et légèrement supérieur à celui des fonctionnaires placés en quatrième (1 E, 7 S, 2 N) et en cinquième (2 E, 5 S, 3 N) position.

56
Dans ce contexte, le requérant ne saurait se borner à souligner l’excellence de sa propre notation, tout en essayant de minimiser l’impact des deux mentions « normal » y figurant.

57
D’une part, en effet, le fait qu’un fonctionnaire ait des mérites évidents et reconnus n’exclut pas, dans le cadre de l’examen comparatif des mérites des candidats à la promotion, que d’autres fonctionnaires aient des mérites égaux ou supérieurs (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 13 décembre 2001, Cubero Vermurie/Commission, C‑446/00 P, Rec. p. I‑10315, point 21).

58
D’autre part, le requérant s’étant abstenu d’attaquer en temps utile le rapport de notation pour la période 1999-2001, ce rapport est devenu définitif, de sorte que les mentions « normal » y figurant ne peuvent plus être remises en question dans le présent litige.

59
Enfin, s’agissant de la charge de la preuve d’un véritable examen comparatif des mérites, il est de jurisprudence constante que le requérant doit au moins présenter un faisceau d’indices suffisamment concordants venant étayer son argumentation relative à l’absence d’un tel examen pour qu’il incombe à l’institution concernée de rapporter la preuve qu’elle a effectivement procédé à un tel examen comparatif (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 30 janvier 1992, Schönherr/CES, T‑25/90, Rec. p. II‑63, point 25, et du 19 mars 2003, Tsarnavas/Commission, T‑188/01 à T‑190/01, RecFP p. I‑A‑95 et II‑495, point 115).

60
Or, eu égard aux précisions fournies par l’AIPN dans la décision portant rejet de la réclamation (voir point 55 ci-dessus), le requérant aurait dû apporter, dans sa requête, des indices concrets au soutien de son affirmation selon laquelle le rapport de notation le concernant n’avait pas dûment été pris en considération. Or, à la lecture de la requête, aucun indice de cette nature n’a pu être identifié.

61
Par conséquent, cette branche du moyen doit être rejetée.

Sur le grief tiré de la méconnaissance des mérites des fonctionnaires en tant que critère décisif de la décision de promotion et sur l’interdiction de promouvoir automatiquement des « reliquats » (troisième et quatrième branches du moyen)

– Arguments des parties

62
Le requérant reproche à la Commission de ne pas avoir tenu compte des mérites des fonctionnaires comme critère décisif de sa décision de promotion. Au lieu de procéder à une comparaison globale des mérites respectifs des fonctionnaires ayant vocation à la promotion, elle aurait appliqué « quasi aveuglément » un système de quotas par DG et un système de points déconnecté de toute appréciation des mérites (la méthode « Noël »). L’application de ce système aurait eu pour conséquence que la décision attaquée a privilégié les « reliquats », c’est-à-dire les fonctionnaires non promus au titre de l’exercice précédent, sans tenir compte de la multitude et de la complexité des tâches que le requérant a accomplies au cours de la période de référence ni du fait qu’il a exercé la fonction particulièrement exigeante de chef d’unité.

63
En outre, la Commission aurait promu le fonctionnaire figurant en deuxième position dans la liste de proposition de la DG « Justice et affaires intérieures » pour la seule raison qu’il faisait partie du « reliquat » de l’exercice de promotion précédent. Étant donné que le rapport de notation de ce candidat comportait les mêmes appréciations analytiques que celles figurant dans le rapport de notation du requérant (2 E, 6 S et 2 N), ce dernier estime que la Commission aurait dû tenir compte des responsabilités et tâches qu’il avait assumées et, dès lors, le promouvoir à la place dudit fonctionnaire.

64
Le requérant dénonce, enfin, le fait que le fonctionnaire placé après lui dans la liste de proposition de sa DG a été, contrairement à lui, retenu sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour obtenir une promotion au grade A 4. En raison de cette « manœuvre », il aurait perdu toute chance d’être promu.

65
La Commission rétorque qu’elle a le pouvoir de faire un choix sur la base d’un examen comparatif des mérites des candidats ayant vocation à la promotion, et ce en application de la méthode qu’elle juge la plus appropriée (arrêt Baiwir/Commission, précité, point 79).

66
S’agissant des critères d’évaluation qui sont à la base de la décision attaquée, la Commission soutient que la méthode « Noël » mentionnée par le requérant n’est pas légalement contestable. Au contraire, cette méthode aurait été considérée comme étant compatible avec l’article 45 du statut par la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 10 juillet 1992, Mergen/Commission, T‑53/91, Rec. p. II-2041). De plus, l’exigence d’un examen comparatif des mérites n’exclurait pas que l’AIPN puisse tenir compte de la circonstance qu’un candidat a déjà figuré sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants lors d’un exercice de promotion antérieur (arrêt Commission/Hamptaux, précité).

67
Il serait également compatible avec la jurisprudence que la Commission prenne en considération, entre autres éléments, l’âge des candidats et leur ancienneté dans le service et que, à égalité des qualifications et des mérites, ces éléments puissent même, selon la Commission, constituer un facteur décisif dans son choix (arrêt du Tribunal du 9 avril 2003, Tejada Fernández/Commission, T‑134/02, RecFP p. II‑609, point 42).

– Appréciation du Tribunal

68
Selon une jurisprudence constante, l’AIPN dispose du pouvoir d’appliquer la méthode qu’elle considère comme la plus appropriée lorsqu’elle procède à l’examen comparatif des rapports de notation et des mérites respectifs des candidats ayant vocation à la promotion (arrêts du Tribunal du 30 novembre 1993, Perakis/Parlement, T‑78/92, Rec. p. II‑1299, point 14, et du 13 juillet 1995, Rasmussen/Commission, T‑557/93, RecFP p. I‑A-195 et II‑603, point 20), étant entendu que la méthode choisie doit garantir que l’examen comparatif des mérites des candidats soit conduit dans l’intérêt du service, sur une base égalitaire et à partir de sources d’information comparables.

69
Le premier argument soulevé par le requérant dans ce contexte concerne la méthode « Noël ». À cet égard, si le requérant semble critiquer cette méthode, en dénonçant l’application d’un système de quotas par DG et d’un système d’attribution de « points objectifs » déconnecté de toute appréciation des mérites, il ne fournit cependant aucune précision à cet égard. En particulier, la requête ne contient ni de résumé des règles caractérisant cette méthode telles qu’elles étaient en vigueur au cours de l’exercice de promotion en cause, ni de copie du texte de ces règles jointe en annexe, ni de référence à des informations y relatives aisément accessibles.

70
Dans ces circonstances, il y a lieu de constater que le requérant n’a pas établi à suffisance de droit que l’application de la méthode dénoncée − telle qu’elle a été appliquée à son égard notamment en ce qui concerne l’attribution des « points objectifs » − a effectivement violé les dispositions de l’article 45, paragraphe 1, premier alinéa, du statut.

71
Il convient d’ajouter que la Commission a exposé, dans son mémoire en défense, que la jurisprudence (arrêts de la Cour du 1er juillet 1976, de Wind/Commission, 62/75, Rec. p. 1167, point 17, et du Tribunal du 10 juillet 1992, Mergen/Commission, T‑53/91, Rec. p. II‑2041, points 34 et 35) a entériné, depuis de nombreuses années, la méthode « Noël » et que celle-ci n’est donc pas légalement contestable au titre de l’article 45 du statut.

72
Le requérant ne s’étant pas opposé à cette argumentation lors de l’audience, le Tribunal ne dispose d’aucun élément susceptible de remettre en cause la légalité de la méthode « Noël » en tant que telle.

73
Par conséquent, l’argumentation concernant l’application de la méthode en cause doit être rejetée tout entière comme dénuée de pertinence.

74
Il en va de même pour l’argument pris de ce que le fonctionnaire placé en quatrième position, soit après le requérant, dans la liste de propositions de la DG « Justice et affaires intérieures » a été retenu sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants, en devançant le requérant, ce qui aurait enlevé à ce dernier toute chance d’être promu.

75
D’une part, en effet, ce fonctionnaire n’a lui-même pas été promu lors de l’exercice 2002. Par conséquent, le requérant ne saurait prétendre avoir été directement privé d’une promotion qui, si ledit fonctionnaire ne l’avait pas devancé, lui serait revenue.

76
D’autre part, pour autant que le requérant semble soutenir que, en raison de son absence sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants, il a perdu la chance de devancer des fonctionnaires présents sur cette liste, mais appartenant à d’autres DG, il suffit de rappeler que le requérant est forclos quant à la dénonciation de l’absence d’un examen comparatif portant sur les mérites des fonctionnaires affectés à des DG autres que la DG « Justice et affaires intérieures » (voir points 41 à 43 ci-dessus). En tout état de cause, la Commission a affirmé (voir points 42 et 43 du mémoire en défense), sans être contredite à l’audience par le requérant, que le comité de promotion avait effectivement procédé à un examen comparatif des mérites de tous les fonctionnaires ayant vocation à la promotion.

77
Enfin, ainsi qu’il ressort de la correspondance entre le directeur général de la DG « Justice et affaires intérieures » et le président du comité de promotion, le fait que le requérant ait été devancé par le fonctionnaire susmentionné trouvait son explication dans la méthode « Noël ». Or, comme il vient d’être jugé, le fonctionnement de cette méthode et son application concrète au cas d’espèce n’ont pas valablement été contestés par le requérant.

78
Si le requérant souligne à nouveau la multitude et la complexité des tâches qu’il a accomplies au cours de la période de référence ainsi que le fait qu’il a exercé la fonction extrêmement exigeante de chef de l’unité « Coopération judiciaire en matière civile », il suffit de rappeler que le fait qu’un fonctionnaire ait des mérites évidents et reconnus n’exclut pas que d’autres fonctionnaires aient des mérites égaux ou supérieurs (voir point 57 ci-dessus). De plus, les fonctionnaires relevant d’une même catégorie et ayant un même grade, en l’occurrence le grade A 5, sont censés avoir des emplois et des responsabilités équivalents et sont, en outre, en droit de voir évoluer leur carrière dans des conditions identiques (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 juillet 2001, Schochaert/Conseil, T‑131/00, RecFP p. I‑A‑141 et II‑743, points 35, 38 et 41). Le requérant n’ayant pas établi que les fonctionnaires promus en 2002 assumaient, contrairement à lui, des responsabilités inférieures à celles correspondant normalement à leur grade, cette argumentation doit donc également être écartée.

79
Dans la mesure où le requérant reproche encore à la Commission d’avoir attribué un poids excessif à l’ancienneté et à l’âge des deux fonctionnaires promus appartenant à la DG « Justice et affaires intérieures », il convient de rappeler que, si les mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion constituent le critère déterminant de toute promotion, l’AIPN peut, en cas d’égalité des mérites, prendre en considération, à titre subsidiaire, d’autres facteurs, tels que l’âge des candidats et leur ancienneté dans le grade ou le service (arrêt Tejada Fernández/Commission, précité, point 42, et la jurisprudence citée).

80
En l’espèce, le requérant occupait la troisième position sur la liste de proposition des fonctionnaires ayant vocation à la promotion que la DG « Justice et affaires intérieures » avait soumise au comité de promotion et à la suite de laquelle les fonctionnaires figurant en première et en deuxième positions ont été promus. La Commission a indiqué, sans être contredite par le requérant, qu’un examen comparatif des rapports de notation révélait que le niveau du rapport du requérant (2 E, 6 S, 2 N) était inférieur à celui du fonctionnaire placé en première position (2 E, 7 S, 1 N) et équivalent à celui du fonctionnaire placé en deuxième position (2 E, 6 S, 2 N). S’agissant de la question de savoir s’il fallait promouvoir le requérant ou le fonctionnaire placé en deuxième position, l’AIPN était donc autorisée à appliquer les critères subsidiaires susmentionnés, à savoir l’ancienneté et l’âge. Or, le fonctionnaire figurant en deuxième position justifiait d’une ancienneté dans le grade supérieure de trois ans à celle du requérant et était plus âgé de 20 ans que ce dernier.

81
Par conséquent, le requérant n’est pas parvenu à établir que la Commission avait commis une erreur manifeste dans l’application des critères ayant trait aux mérites, à l’ancienneté et à l’âge. La troisième branche du moyen doit donc être rejetée.

82
S’agissant de la quatrième branche, il est vrai qu’une pratique consistant en la promotion automatique d’un « reliquat » de l’exercice de promotion précédent enfreint le principe d’examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion prévu par l’article 45 du statut (arrêt du Tribunal du 25 mars 1999, Hamptaux/Commission, T‑76/98, RecFP p. I‑A‑59 et II‑303, point 44).

83
Toutefois, le requérant n’a étayé par aucun indice concret son affirmation selon laquelle il avait été victime d’une telle pratique. Au contraire, ainsi qu’il a déjà été exposé ci-dessus, l’AIPN a effectivement procédé à l’examen comparatif des mérites, tel que requis par l’article 45, paragraphe 1, du statut, sans aucun favoritisme envers des « reliquats » des exercices de promotion précédents.

84
En outre, comme la Cour l’a admis dans l’arrêt Commission/Hamptaux, précité, point 19, l’exigence d’un examen comparatif des mérites n’exclut pas que l’AIPN puisse prendre en considération la circonstance qu’un candidat a déjà figuré sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants lors d’un exercice antérieur, dès lors que les mérites de chaque candidat sont appréciés par rapport à ceux des autres candidats à la promotion. Il s’ensuit que la prise en compte du « reliquat » ne saurait être censurée, en tant que telle, dans la mesure où l’AIPN ne lui attribue pas un poids excessif.

85
Or, les deux fonctionnaires appartenant au « reliquat », qui ont effectivement été promus en l’espèce, avaient obtenu une notation respectivement supérieure et équivalente à celle du requérant. Le critère dénoncé par le requérant n’a donc pas été appliqué de manière excessive, c’est-à-dire manifestement erronée, par l’AIPN.

86
Il s’ensuit que la quatrième branche du moyen ne saurait non plus être accueillie.

87
Dès lors, le moyen tiré d’une violation de l’article 45, paragraphe 1, du statut doit être rejeté dans son ensemble.

2. Sur le moyen tiré d’une violation du principe de non-discrimination

88
La Commission conteste la recevabilité du moyen tiré d’une violation du principe de non-discrimination au motif qu’il n’aurait pas été soulevé lors de la procédure précontentieuse. À cet égard, le Tribunal constate qu’une violation du principe de non-discrimination n’a pas explicitement été dénoncée lors de la procédure précontentieuse. Cependant, la réclamation fait indirectement état d’une discrimination en relevant que, « si le réclamant était resté à la DG ‘Santé et protection des consommateurs’, une analyse des promotions entre-temps intervenues au sein de cette DG indique clairement qu’ [il] aurait déjà été promu » (p. 2, avant-dernier paragraphe). Comme l’indique la réponse de l’AIPN à la réclamation du requérant, cette dernière a su interpréter ce grief en ce sens que le requérant dénonçait une discrimination en raison de sa mutation. Par conséquent, ce moyen doit être déclaré recevable.

89
Quant au fond, le requérant soutient, en substance, que la décision de ne pas le promouvoir lors de l’exercice 2002 trouve son explication dans le seul fait qu’il a été muté de la DG « Santé et protection des consommateurs » à la DG « Justice et affaires intérieures » en mars 2002. Eu égard aux appréciations élogieuses contenues dans les rapports de notation le concernant pour les périodes 1995-1997 et 1997-1999, il aurait effectivement été promu, au moins en 2002, s’il était resté à la DG « Santé et protection des consommateurs ». Par conséquent, il aurait été pénalisé pour sa mobilité. Il reproche en outre à la Commission de lui avoir refusé une promotion en 2002, alors que le rapport d’évaluation de sa carrière pour la période allant de juillet 2001 à décembre 2002 avait situé sa carrière dans une perspective de développement rapide.

90
La Commission soutient que la mutation du requérant à la DG « Justice et affaires intérieures » n’a pas motivé le rejet de sa réclamation. Le passage contenu dans la décision portant rejet de cette réclamation, selon lequel « un fonctionnaire qui demande sa mutation le fait en connaissance de cause », se limiterait à indiquer que chaque changement d’affectation d’un fonctionnaire entraîne des aléas quant à la poursuite de sa carrière et peut impliquer un risque tant pour le fonctionnaire concerné que pour l’institution dont il relève.

91
La Commission ajoute que le délai moyen pour passer du grade A 5 au grade A 4 est supérieur aux six années correspondant au délai d’attente supporté par le requérant au moment de sa promotion en 2003 et que le requérant avait quatre ans de moins que le plus jeune des fonctionnaires promus en 2002. Compte tenu de ces données, le requérant ne pourrait pas sérieusement prétendre qu’il a fait l’objet d’une discrimination par rapport aux fonctionnaires promus.

92
À cet égard, il y a lieu de relever que les institutions communautaires doivent s’assurer que la mobilité ne contrevient pas au déroulement de la carrière des fonctionnaires qui en font l’objet. Il incombe, ainsi, à ces institutions de vérifier qu’un fonctionnaire qui a été muté ne soit pas pénalisé, dans le cadre d’un exercice de promotion, du fait de sa mutation (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2000, Cubero Vermurie/Commission, précité, points 68 et 69).

93
En l’espèce, le requérant n’a apporté aucune information sur l’éventuelle existence d’un régime interne de la Commission visant à protéger, dans le cadre des procédures de promotion, les fonctionnaires ayant vocation à la promotion ayant fait l’objet d’une mutation, par exemple, par l’octroi de « points de promotion » supplémentaires. Il n’a pas davantage dénoncé une quelconque violation, par l’AIPN, d’un tel régime.

94
La seule précision fournie par le requérant consiste à affirmer qu’il avait obtenu, lorsqu’il appartenait à la DG « Santé et protection des consommateurs », le maximum de « points virtuels » et qu’il avait fait l’objet de deux rapports de notation élogieux (1995-1999), de sorte qu’il aurait certainement été promu entre-temps s’il était resté dans cette DG.

95
Cependant, le requérant ne peut pas valablement comparer, en vue d’établir une violation du principe de non-discrimination, sa situation actuelle avec une situation dont il ne fait que prétendre qu’elle aurait été la sienne s’il n’avait pas été muté. S’agissant de la situation purement hypothétique d’un fonctionnaire, il n’est pas possible de déterminer, d’une manière concrète, quelles possibilités d’avancement ce dernier aurait eues, de telles possibilités d’avancement étant trop incertaines (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 27 octobre 1977, Giry/Commission, 126/75, 34/76 et 92/76, Rec. p. 1937, points 27 et 28, et du 5 mai 1983, Pizziolo/Commission, 785/79, Rec. p. 1343, point 16).

96
Le requérant n’a pas non plus affirmé, et encore moins établi, qu’un fonctionnaire déterminé de son ancienne DG, tout en ayant été classé après lui sur la dernière liste de proposition de cette DG avant sa mutation, a effectivement été promu lors de l’exercice 2002, alors que le requérant n’a pas été promu bien que les rapports de notation dont il a fait l’objet dans sa nouvelle DG aient été meilleurs que ceux du fonctionnaire promu.

97
Par ailleurs, même s’il avait démontré une telle différence de traitement, le requérant n’aurait pas pu en déduire qu’il avait nécessairement fait l’objet d’une discrimination. En effet, le Tribunal a considéré comme légale la méthode utilisée par l’AIPN consistant en la comparaison de la moyenne des appréciations analytiques de fonctionnaires appartenant à deux DG différentes, d’une part, à la moyenne des appréciations analytiques de leurs DG respectives, d’autre part, dans la mesure où une telle méthode tendait à annihiler la subjectivité résultant des appréciations portées par des notateurs différents (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2000, Cubero Vermurie/Commission, précité, point 85).

98
Or, en l’espèce, la Commission a indiqué dans la décision portant rejet de la réclamation, sans être contredite par le requérant, que la moyenne des notations des fonctionnaires promus de la DG « Santé et protection des consommateurs » était nettement inférieure à celle de la DG « Justice et affaires intérieures ». Cela montre qu’il existait apparemment une différence structurelle, au niveau des notations, entre les deux DG en cause. Cette considération s’oppose, en tout état de cause, à une simple comparaison, telle que celle voulue par le requérant aux fins d’une éventuelle promotion, entre les notations de deux fonctionnaires appartenant l’un à la première et l’autre à la seconde DG.

99
Enfin, il y a lieu de constater que le requᄅrant n’a nullement été muté d’office, mais qu’il s’est apparemment efforcé d’obtenir un nouveau poste « très recherché et à grande responsabilité » (voir p. 2, avant-dernier paragraphe, de la réclamation) au sein de la DG « Justice et affaires intérieures ». Il s’ensuit qu’il doit assumer les inconvénients inhérents à sa mutation, sans pouvoir jouir dans sa nouvelle DG des avantages, au titre d’une éventuelle promotion, dont il prétend avoir bénéficié dans son ancienne DG.

100
Le requérant n’est donc pas parvenu à établir qu’il a été victime d’une discrimination.

101
Par conséquent, le moyen tiré d’une violation du principe de non-discrimination ne saurait être retenu.

102
Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.


Sur les dépens

103
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

104
En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu pour chaque partie de supporter ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (juge unique)

déclare et arrête :

1)
Le recours est rejeté.

2)
Chaque partie supportera ses propres dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 septembre 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Pirrung


1
Langue de procédure : le français.