Language of document : ECLI:EU:T:2007:93

Affaire T-215/03

Sigla SA

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur

(marques, dessins et modèles) (OHMI)

« Marque communautaire — Procédure d'opposition — Demande de marque verbale communautaire VIPS — Marque nationale verbale antérieure VIPS — Article 8, paragraphe 5, du règlement (CE) nº 40/94 — Article 74 du règlement (CE) nº 40/94 — Principe dispositif — Droits de la défense »

Sommaire de l'arrêt

1.      Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs relatifs de refus — Opposition par le titulaire d'une marque antérieure identique ou similaire jouissant d'une renommée

(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 5)

2.      Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs relatifs de refus — Opposition par le titulaire d'une marque antérieure identique ou similaire jouissant d'une renommée

(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 5)

3.      Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs relatifs de refus — Opposition par le titulaire d'une marque antérieure identique ou similaire jouissant d'une renommée

(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 5)

4.      Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs relatifs de refus — Opposition par le titulaire d'une marque antérieure identique ou similaire jouissant d'une renommée

(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 5)

5.      Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs relatifs de refus — Opposition par le titulaire d'une marque antérieure identique ou similaire jouissant d'une renommée

(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 1, b), et 8, § 5)

6.      Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs relatifs de refus — Opposition par le titulaire d'une marque antérieure identique ou similaire jouissant d'une renommée

(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 5)

7.      Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs relatifs de refus — Opposition par le titulaire d'une marque antérieure identique ou similaire jouissant d'une renommée

(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 5)

8.      Marque communautaire — Définition et acquisition de la marque communautaire — Motifs relatifs de refus — Opposition par le titulaire d'une marque antérieure identique ou similaire jouissant d'une renommée

(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 8, § 5)

9.      Marque communautaire — Procédure de recours

(Règlement du Conseil nº 40/94, art. 62, § 1, et 74)

1.      L'article 8, paragraphe 5, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire, qui prévoit une protection de la marque enregistrée antérieurement jouissant d'une renommée élargie à des produits ou à des services non similaires, doit être interprété en ce sens qu'il peut être invoqué à l'appui d'une opposition formée aussi bien à l'encontre d'une demande de marque communautaire visant des produits et des services non identiques à ceux désignés par la marque antérieure et non similaires qu'à l'encontre d'une demande de marque communautaire visant des produits identiques à ceux de la marque antérieure ou similaires. En effet, il ne saurait être donné de cette disposition une interprétation qui aurait pour conséquence une protection des marques renommées moindre en cas d'usage d'un signe pour des produits ou des services identiques ou similaires qu'en cas d'usage d'un signe pour des produits ou des services non similaires.

(cf. points 32-33)

2.      L'article 8, paragraphe 5, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire, qui prévoit une protection de la marque enregistrée antérieurement jouissant d'une renommée élargie à des produits ou à des services non similaires, permet, entre autres, au titulaire de la marque antérieure renommée de s'opposer à l'enregistrement de marques susceptibles de porter préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure. Ce préjudice peut se produire lorsque la marque antérieure n'est plus en mesure de susciter une association immédiate avec les produits pour lesquels elle est enregistrée et employée. Ce risque vise, ainsi, la « dilution » ou le « grignotage progressif » de la marque antérieure à travers la dispersion de son identité et de son emprise sur l'esprit du public. Cependant, le risque de dilution paraît, en principe, moins élevé si la marque antérieure consiste en un terme qui, de par une signification qui lui est propre, est très répandu et fréquemment utilisé, indépendamment de la marque antérieure composée du terme en cause. Dans un tel cas, la reprise du terme en question par la marque demandée est moins probable de conduire à une dilution de la marque antérieure.

(cf. points 37-38)

3.      L'article 8, paragraphe 5, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire, qui prévoit une protection de la marque enregistrée antérieurement jouissant d'une renommée élargie à des produits ou à des services non similaires, permet, entre autres, au titulaire de la marque antérieure renommée de s'opposer à l'enregistrement de marques susceptibles de porter préjudice à la renommée de la marque antérieure. Un tel préjudice est constitué lorsque les produits ou les services visés par la marque demandée peuvent être ressentis par le public d'une manière telle que la force d'attraction de la marque antérieure s'en trouverait diminuée. Le risque de ce préjudice peut, notamment, se produire lorsque lesdits produits ou services possèdent une caractéristique ou une qualité susceptibles d'exercer une influence négative sur l'image d'une marque antérieure renommée, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque demandée.

(cf. point 39)

4.      L'article 8, paragraphe 5, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire, qui prévoit une protection de la marque enregistrée antérieurement jouissant d'une renommée élargie à des produits ou à des services non similaires, permet, entre autres, au titulaire de la marque antérieure renommée de s'opposer à l'enregistrement de marques susceptibles de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. La notion de profit que l'usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure englobe les cas où il y a exploitation et parasitisme manifestes d'une marque célèbre ou une tentative de tirer profit de sa réputation. En d'autres termes, il s'agit du risque que l'image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation serait facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée. Ce dernier type de risque doit être distingué du risque de confusion visé par l'article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94. Dans les cas visés par l'article 8, paragraphe 5, du règlement nº 40/94, le public concerné effectue un rapprochement, c'est-à-dire établit un lien entre les marques en conflit sans, toutefois, les confondre. Partant, l'existence d'un risque de confusion n'est pas une condition d'application de cette disposition.

(cf. points 40-41)

5.      La différence entre le risque de profit indûment tiré, au sens de l'article 8, paragraphe 5, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire, qui prévoit une protection de la marque enregistrée antérieurement jouissant d'une renommée élargie à des produits ou à des services non similaires, et le risque de confusion, au sens de l'article 8, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, pourrait être résumée de la manière suivante : un risque de confusion existe lorsque le consommateur pertinent peut être attiré par le produit ou le service désigné par la marque demandée en considérant qu'il s'agit d'un produit ou d'un service ayant la même origine commerciale que celui désigné par la marque antérieure identique à la marque demandée ou similaire. En revanche, le risque que l'usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure subsiste lorsque le consommateur, sans nécessairement confondre l'origine commerciale du produit ou du service en cause, est attiré par la marque demandée elle-même et achètera le produit ou le service visé par elle au motif qu'il porte cette marque, identique à une marque antérieure renommée ou similaire.

(cf. point 42)

6.      Le but de l'article 8, paragraphe 5, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire, qui prévoit une protection de la marque enregistrée antérieurement jouissant d'une renommée élargie à des produits ou à des services non similaires, n'est pas d'empêcher l'enregistrement de toute marque identique à une marque renommée ou similaire. L'objectif de cette disposition est, notamment, de permettre au titulaire d'une marque antérieure renommée de s'opposer à l'enregistrement de marques susceptibles soit de porter préjudice à la renommée ou au caractère distinctif de la marque antérieure, soit de tirer indûment profit de cette renommée ou de ce caractère distinctif. À cet égard, le titulaire de la marque antérieure n'est pas tenu de démontrer l'existence d'une atteinte effective et actuelle à sa marque. Il doit toutefois apporter des éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice.

Il est possible, notamment dans le cas d'une opposition fondée sur une marque bénéficiant d'une renommée exceptionnellement élevée, que la probabilité d'un risque futur non hypothétique de préjudice porté ou de profit indûment tiré par la marque demandée de la marque invoquée en opposition soit tellement évidente que l'opposant n'a besoin d'invoquer et de prouver aucun autre élément factuel à cette fin. Toutefois, il ne saurait être présumé que tel soit toujours le cas.

(cf. points 46, 48)

7.      L'existence d'un lien entre la marque demandée et la marque antérieure est une condition essentielle de l'application de l'article 8, paragraphe 5, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire, qui prévoit une protection de la marque enregistrée antérieurement jouissant d'une renommée élargie à des produits ou à des services non similaires. En effet, les atteintes visées par cette disposition, lorsqu'elles se produisent, sont la conséquence d'un certain degré de similitude entre la marque demandée et la marque antérieure, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre les deux, c'est-à-dire établit un lien entre celles-ci. L'existence de ce lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce. À cet égard, plus le caractère distinctif et la renommée de la marque antérieure seront importants, plus l'existence d'une atteinte sera aisément admise.

(cf. point 47)

8.      L'existence d'un lien entre les services désignés par le signe verbal VIPS, dont l'enregistrement en tant que marque communautaire est demandé pour « ordinateurs et programmes d'ordinateur enregistrés sur bandes et disques », « conseils en affaires commerciales ; services en matière de dépouillement des données enregistrées par ordinateur » et « services de programmation d'ordinateurs destinés aux services hôteliers, restaurants, cafés » relevant respectivement des classes 9, 35 et 42 au sens de l'arrangement de Nice, et les services désignés par la marque verbale VIPS, enregistrée antérieurement en Espagne pour « Services liés à la fourniture de denrées alimentaires et de boissons prêtes pour la consommation; restaurants; restaurants en libre-service, cantines, bars, cafétérias, services hôteliers » relevant de la classe 42 dudit arrangement ne suffit pas, en l'absence d'autres éléments pertinents, pour conclure prima facie à un risque futur non hypothétique que l'usage dudit signe porte préjudice au caractère distinctif ou à la réputation de la marque antérieure ou en tire un profit indu, au sens de l'article 8, paragraphe 5, du règlement nº 40/94 sur la marque communautaire.

En effet, premièrement, le terme « VIPS » étant la forme que revêt au pluriel, en langue anglaise, le sigle VIP, qui est d'utilisation large et fréquente tant sur le plan international que sur le plan national pour désigner des personnalités célèbres, le risque de préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure par l'usage de la marque demandée apparaît limité. Ce même risque apparaît d'autant moins probable que la marque demandée vise des services qui sont destinés à un public spécial et, nécessairement, plus restreint. Le lien prétendument existant entre les services désignés par les deux marques en conflit n'est pas pertinent dans ce contexte, la dilution de l'identité d'une marque renommée n'étant pas dépendante de la similarité des produits et des services désignés par cette marque avec ceux visés par la marque demandée.

Deuxièmement, les services visés par la marque demandée ne présentent aucune caractéristique ou qualité susceptible d'établir la probabilité qu'un préjudice soit causé à la renommée de la marque antérieure par l'usage de la marque demandée. À cet égard, la seule existence d'un lien entre les services désignés par les marques en conflit n'est ni suffisante ni déterminante. Certes, l'existence d'un tel lien renforce la probabilité que le public, confronté avec la marque demandée, pense également à la marque antérieure. Toutefois, cette circonstance n'est pas, en elle-même, suffisante pour diminuer la force d'attraction de la marque antérieure. Un tel résultat ne peut se produire que s'il est démontré que les services visés par la marque demandée présentent des caractéristiques ou des qualités potentiellement préjudiciables à la renommée de la marque antérieure.

Enfin, le risque de profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ne pourrait se produire que si le public pertinent, sans confondre l'origine des services visés par les marques en conflit, éprouvait une attraction particulière pour le logiciel du demandeur, du seul fait qu'il est désigné par une marque identique à la marque antérieure renommée. À défaut d'un exposé, de la part du titulaire de cette dernière, des caractéristiques particulières revendiquées pour sa marque antérieure et de la manière selon laquelle elles seraient susceptibles de faciliter la commercialisation des services visés par la marque demandée, les caractéristiques habituellement associées à une marque renommée d'une chaîne de restauration rapide ne peuvent être considérées, en soi, comme étant aptes à apporter un profit à des services de programmation d'ordinateurs, même destinés à des hôtels ou à des restaurants.

(cf. points 61-64, 67, 71-73)

9.      Si un recours contre une décision faisant droit à une opposition est formé devant une chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles), cette dernière est appelée à procéder à un nouvel examen complet du fond de l'opposition, tant en droit qu'en fait.

Dans le cas où la chambre de recours estime que l'un des motifs relatifs de refus invoqués par l'opposant dans son opposition et retenu par la division d'opposition dans sa décision n'est pas fondé, ce nouvel examen complet du fond de l'opposition implique nécessairement que la chambre de recours doit examiner également, avant d'annuler la décision de la division d'opposition, s'il peut, éventuellement, être fait droit à l'opposition sur la base d'un autre motif relatif de refus, invoqué par l'opposant devant la division d'opposition, mais rejeté ou non examiné par cette dernière.

(cf. points 96-97)