Language of document : ECLI:EU:T:2019:617

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

19 septembre 2019 (*)

« Fonction publique – Pensions – Pension de survie – Partenariat non matrimonial enregistré – Refus d’octroi – Article 1er, paragraphe 2, sous c), iv), de l’annexe VII du statut – Accès au mariage civil – Principe de bonne administration – Devoir de sollicitude – Circonstances exceptionnelles »

Dans l’affaire T‑379/18,

WI, représenté par Mes T. Bontinck et A. Guillerme, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. B. Mongin et Mme L. Radu Bouyon, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission du 16 août 2017 en ce qu’elle n’a pas octroyé le bénéfice d’une pension de survie au requérant, de la décision du 13 septembre 2017 en ce qu’elle a refusé le bénéfice d’une pension de survie au requérant et de la décision du 9 mars 2018 rejetant la réclamation introduite par le requérant,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. M. Collins, président, R. Barents (rapporteur) et J. Passer, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le requérant, WI, et Mme C. se sont rencontrés en 2000 et ont débuté leur vie commune en 2006 ou en 2007. Ils ont été enregistrés en tant que concubins en France à compter de 2007 et en tant que cohabitants légaux en Belgique à compter de 2009.

2        Mme C. est entrée en fonctions au Conseil de l’Union européenne le 1er juin 2007. Le 4 mars 2016, à l’issue de la procédure visée à l’article 78 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), elle a été mise d’office à la retraite, avec effet au 31 mars 2016, et s’est vu accorder une pension d’invalidité à compter du 1er avril 2016. Sa réintégration dans les services du Conseil a été fixée au 16 août 2017. Elle est décédée le 11 août 2017.

3        Le 16 août 2017, le chef de l’unité « Pensions » de l’Office « Gestion et liquidation des droits individuels » (PMO) de la Commission européenne a informé le requérant des conséquences financières du décès de Mme C., au regard du droit au bénéfice de l’allocation invalidité et du possible remboursement des frais funéraires (ci-après la « décision du 16 août 2017 »).

4        Le 13 septembre 2017, le chef de l’unité « Pensions » du PMO a rejeté la demande de pension de survie du requérant, datée du 31 août 2017 (ci‑après la « décision attaquée »).

5        Le 16 novembre 2017, le requérant a introduit une réclamation contre la décision du 16 août 2017 demandant son retrait, ainsi que le versement d’une pension de survie, à titre principal, ou le versement d’un secours mensuel extraordinaire, à titre subsidiaire (ci-après la « réclamation »).

6        Le 9 mars 2018, l’autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) de la Commission a rejeté la réclamation en ce qui concernait la demande à titre principal d’octroi d’une pension de survie (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Procédure et conclusions des parties

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 juin 2018, le requérant a introduit le présent recours. Le mémoire en défense, la réplique et la duplique ont été déposés respectivement le 13 septembre 2018, le 7 janvier 2019 et le 18 février 2019.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 27 juin 2018, le requérant a demandé le bénéfice de l’anonymat, lequel lui a été accordé par le Tribunal, conformément à l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal.

9        Le 17 mai 2019, dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité le requérant à répondre à des questions et à produire différents documents.

10      Le 3 juin 2019, le requérant a répondu à la demande du Tribunal et a notamment expliqué ne pas être en mesure de produire de documents établissant que, pour être autorisé à se marier à Bruxelles (Belgique), les futurs époux doivent être inscrits à la commune et doivent produire un certificat de bonne vie et mœurs.

11      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les « décisions contestées » ;

–        ordonner que lui soit versée la pension de conjoint survivant ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours non fondé et le rejeter dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux entiers dépens.

13      En l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure, le Tribunal a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

 Sur l’objet du recours

14      Dans le cadre du premier chef de conclusions, le requérant demande l’annulation des « décisions contestées ». À cet égard, il ressort du point 1 de la requête que le présent recours a pour objet l’annulation de la décision du 16 août 2017 et de la décision attaquée. Aux termes du point 2 de la requête, ces deux décisions auraient été confirmées par la décision de rejet de la réclamation. En vertu des points 31 à 35 de la requête, le présent recours apparaît également dirigé contre cette dernière décision. Il convient dès lors de clarifier la relation existante entre ces trois décisions et de déterminer ainsi l’objet du présent recours.

15      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les articles 90 et 91 du statut subordonnent la recevabilité d’un recours en annulation à l’existence d’un acte faisant grief, c’est-à-dire un acte produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts de la partie requérante [ordonnance du 8 avril 2003, Gómez-Reino/Commission, C‑471/02 P(R), EU:C:2003:210, point 61 ; voir également, en ce sens, arrêts du 10 décembre 1969, Grasselli/Commission, 32/68, EU:C:1969:67, point 4, et du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, EU:C:1989:59, point 23].

16      En l’espèce, la décision du 16 août 2017 se contente d’informer le requérant que le droit au bénéfice de l’allocation invalidité de Mme C. s’éteint le 31 août 2017 et que l’allocation du mois d’août 2017 reste acquise aux héritiers légaux. Elle ne contient pas d’élément portant sur un refus d’octroi d’une pension de survie. Une telle demande n’a, en effet, été formulée par le requérant que postérieurement à l’adoption de cette décision, le 31 août 2017. Dès lors, la décision du 16 août 2017 ne peut être regardée comme faisant grief au requérant.

17      Il résulte de ce qui précède que le premier chef de conclusions du requérant est irrecevable en ce qu’il vise l’annulation de la décision du 16 août 2017.

18      Il convient de rappeler ensuite que la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, un recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (arrêt du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8), sauf dans l’hypothèse où le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (arrêt du 25 octobre 2006, Staboli/Commission, T‑281/04, EU:T:2006:334, point 26).

19      En l’espèce, la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer la décision attaquée, dès lors qu’elle ne modifie pas le dispositif de celle‑ci, ni ne contient de réexamen de la situation du requérant en fonction d’éléments de droit ou de fait nouveaux. La circonstance que l’autorité habilitée à statuer sur la réclamation du requérant ait été amenée, en réponse aux arguments avancés par le requérant dans la réclamation, à apporter des précisions concernant des motifs de la décision attaquée ne saurait justifier que le rejet de la réclamation soit considéré comme un acte autonome faisant grief au requérant. Dans ces conditions, il convient de considérer que le seul acte faisant grief au requérant est la décision attaquée, dont la légalité doit être examinée en prenant également en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2017, HQ/OCVV, T‑592/16, non publié, EU:T:2017:897, points 20 et 21).

20      Il résulte de ce qui précède que le premier chef de conclusions n’est recevable qu’en ce qu’il vise à l’annulation de la décision attaquée.

21      Au soutien de ses conclusions aux fins d’annulation, le requérant invoque deux moyens.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de « l’article 1er quinquies, paragraphe 2, du statut » et de « l’article 17 de l’annexe VIII du statut »

22      Le requérant reconnaît que, selon l’interprétation de l’article 17 de l’annexe VIII du statut retenue jusqu’à présent par les juridictions de l’Union européenne, la notion de « conjoint » s’entend d’une personne mariée civilement. Toutefois, conformément à l’article 1er quinquies, paragraphe 1, second alinéa, du statut, le couple qu’il formait avec Mme C. aurait dû, selon lui, être assimilé à un couple marié civilement, dès lors que ce couple remplissait les conditions de l’article 1er, paragraphe 2, sous c), de l’annexe VII du statut et, notamment, sa quatrième condition relative à l’absence d’accès au mariage civil dans un État membre. La Commission aurait effectué une lecture erronée de cette disposition et commis une erreur manifeste d’appréciation des faits, dans la mesure où elle aurait interprété la notion d’« accès au mariage » uniquement à la lumière de la législation en vigueur de l’État membre où était établi le couple, à savoir la Belgique. En s’appuyant sur l’arrêt du 14 octobre 2010, W/Commission (F‑86/09, EU:F:2010:125), le requérant fait valoir que la Commission aurait dû mener, en l’espèce, une évaluation concrète et effective de la situation administrative catastrophique dans la région de Buzău, en Roumanie.  Ainsi, le couple n’aurait pas pu accéder au mariage civil en Belgique en raison de l’immobilisme et de la corruption des administrations roumaines qui, depuis 2007, auraient empêché Mme C. d’obtenir les documents nécessaires à la concrétisation de son mariage avec le requérant. Sans ces barrières, il aurait été évident que le couple aurait été marié depuis de nombreuses années.

23      La Commission soutient que le premier moyen n’est pas fondé.

24      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le requérant n’est pas tenu d’indiquer explicitement la règle de droit spécifique sur laquelle il fonde son grief, à condition que son argumentation soit suffisamment claire et précise pour que la partie adverse et le juge de l’Union puissent identifier sans difficulté cette règle (voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2008, SPM/Conseil et Commission, T‑128/05, non publié, EU:T:2008:494, point 65). Ainsi, une présentation des moyens par leur substance plutôt que par leur qualification légale peut suffire, à condition que lesdits moyens se dégagent de la requête avec suffisamment de netteté (arrêt du 26 mars 2010, Proges/Commission, T‑577/08, non publié, EU:T:2010:127, point 21).

25      Ainsi, en dépit de l’intitulé du premier moyen et du point 36 de la requête, qui font référence à l’article 1er quinquies, paragraphe 2, du statut, il ressort de l’argumentation avancée par le requérant au soutien de ce moyen que ce dernier allègue, en substance, une violation de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, second alinéa, du statut.

26      Le requérant allègue également, dans la requête, une violation de l’article 17 de l’annexe VIII du statut. Toutefois, au stade de la réplique, il fait référence, dans l’intitulé du premier moyen, à une violation de l’article 17 bis de l’annexe VIII du statut. Cette incohérence des écrits du requérant soulève donc la question de savoir si le cas d’espèce est régi par l’un ou l’autre de ces articles. Néanmoins, le Tribunal estime qu’il n’est pas nécessaire, pour la solution du présent litige, de trancher définitivement cette question, dans la mesure où, ainsi qu’il ressort de l’analyse développée ci-après, le résultat en l’espèce est identique quelle que soit la réponse qui y est apportée (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 1993, Arauxo-Dumay/Commission, T‑65/92, EU:T:1993:47, point 26).

27      En effet, tant les dispositions de l’article 17, premier alinéa, de l’annexe VIII du statut que celles de l’article 17 bis, premier alinéa, de l’annexe VIII du statut font référence à la notion de conjoint. Or, selon sa définition juridique autant que selon son sens ordinaire, le terme « conjoint » fait référence à une personne ayant formellement contracté un « mariage » civil reconnu par la loi, avec tous les droits et toutes les obligations qui en découlent (arrêts du 17 juin 1993, Arauxo-Dumay/Commission, T‑65/92, EU:T:1993:47, point 28, et du 28 janvier 1999, D/Conseil, T‑264/97, EU:T:1999:13, point 26). Ainsi, ces deux dispositions imposent au conjoint survivant d’avoir été marié pendant au moins un an au fonctionnaire décédé avant de pouvoir prétendre au bénéfice d’une pension de survie.

28      En l’espèce, il est constant qu’un tel mariage civil n’avait pas été contracté entre le requérant et Mme C. au moment du décès de cette dernière. Par conséquent, il n’est satisfait ni à la condition posée par l’article 17, premier alinéa, de l’annexe VIII du statut, ni à celle posée par l’article 17 bis, premier alinéa, de l’annexe VIII du statut, à supposer que celui-ci soit applicable.

29      Il est également constant que le requérant et Mme C. avaient conclu un partenariat non matrimonial enregistré. Ainsi, à supposer, comme le soutient le requérant, que l’article 1er quinquies, paragraphe 1, second alinéa, du statut soit applicable en l’espèce, il y a lieu d’examiner si, en vertu de cet article, le couple remplissait les conditions énumérées à l’article 1er, paragraphe 2, sous c), de l’annexe VII du statut, afin que leur partenariat non matrimonial enregistré soit traité comme un mariage.

30      À cet égard, il n’est pas contesté que le couple formé par le requérant et Mme C. remplissait les trois premières conditions énumérées à l’article 1er, paragraphe 2, sous c), de l’annexe VII du statut. Dès lors, la question qui se pose est celle de savoir si la quatrième et dernière condition de cet article, relative à l’absence d’« accès au mariage civil dans un État membre », était également remplie.

31      En l’espèce, il résulte des règles applicables au service de l’état civil de la commune de Bruxelles, produites par le requérant, que la célébration d’un mariage requiert, notamment, la production d’une copie de l’acte de naissance et d’un certificat de célibat datant de moins de trois mois.

32      Dans ce contexte, il y a lieu de relever que les écrits du requérant apparaissent contradictoires. En effet, aux termes du point 22 de la requête, ce dernier affirme que Mme C. a obtenu ces deux documents le 7 août 2017 auprès de la « commune de Buzău », alors que, au point 8 de la réplique, le requérant explique que Mme C. n’était pas formellement en possession desdits documents à la date de son décès, mais devait les obtenir quelques jours plus tard. Toutefois, il ressort des preuves jointes au dossier, à savoir la réclamation du requérant (annexe A2 de la requête) et le témoignage d’un collègue de travail et ami « très proche » de Mme C. (annexe A23 de la requête), que cette dernière avait obtenu ces deux documents avec succès le 8 août 2017. Ainsi, deux éléments de preuve distincts viennent corroborer les propos figurant dans la requête et démentir ceux contenus dans la réplique. Par conséquent, il apparaît que, au moment de son décès, et en dépit des affirmations du requérant énoncées dans la réplique, Mme C. était en possession d’une copie de son acte de naissance et d’un certificat de célibat, obtenus le 7 ou, plus vraisemblablement, le 8 août 2017.

33      Par conséquent, le requérant ne démontre pas qu’il n’avait pas accès au mariage civil en Belgique au moment du décès de Mme C.

34      Partant, le requérant ne remplissait pas les conditions énumérées à l’article 1er, paragraphe 2, sous c), de l’annexe VII du statut, en vue du traitement de son partenariat non matrimonial enregistré comme un mariage.

35      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments du requérant.

36      Premièrement, le requérant allègue que la célébration de son mariage par la commune de Bruxelles nécessitait également la production d’un extrait de casier judiciaire, dont Mme C. n’avait pas pu obtenir la production auprès des autorités roumaines, tant consulaires que locales, pendant de nombreuses années. Au stade de la réplique,  le requérant précise que, bien que ce document n’apparaisse pas sur la liste des documents nécessaires à la célébration d’un mariage par la commune de Bruxelles, son obtention serait néanmoins nécessaire en vue d’une telle célébration. En effet, les futurs époux devraient être inscrits au registre de la commune de résidence. Or, cette inscription nécessiterait la production d’un certificat de bonne vie et mœurs datant de moins de trois mois, un extrait de casier judiciaire pouvant faire office de certificat de bonne vie et mœurs.

37      Force est de constater que le requérant ne fait état d’aucune règle de droit interne et ne produit aucun document à l’appui de son allégation selon laquelle les futurs époux auraient dû être inscrits au registre de la commune de Bruxelles en vue de la célébration d’un mariage civil et que, par conséquent, l’extrait de casier judiciaire de Mme C. aurait été nécessaire à la célébration de leur mariage.

38      En réponse à une mesure d’organisation de la procédure du Tribunal, le requérant a confirmé, ainsi qu’il ressort du point 10 ci-dessus, ne pas être en mesure de produire des documents établissant l’existence de telles exigences. Il explique ainsi que, renseignements pris auprès de la commune de Bruxelles, ces exigences n’auraient pas été fondées sur des textes législatifs et réglementaires, mais sur des pratiques administratives des agents du service de l’état civil de la ville de Bruxelles.

39      Deuxièmement, le requérant allègue que l’immobilisme de l’administration roumaine auquel aurait été confronté Mme C. entre 2007 et 2017 aurait empêché le couple d’obtenir les documents nécessaires à la confection de leur dossier de mariage.

40      Ainsi, afin de démontrer la difficulté des démarches personnelles entreprises par Mme C., le requérant produit une lettre de la Municipiul Buzău, Judetul Buzău (municipalité de Buzău, comté de Buzău, Roumanie) dans laquelle cette dernière atteste, sur sollicitation du requérant, que Mme C. a bien demandé auprès du bureau de l’état civil un certificat de naissance et un certificat de coutume, attestant de son célibat, le 7 août 2017. Le requérant produit également une lettre émanant du service du casier judiciaire de l’Inspectoratul de politie judetean Buzău (Inspection de la police du comté de Buzău, Roumanie) au terme de laquelle cette dernière aurait, selon lui, refusé de lui donner des indications sur les démarches entreprises par Mme C.

41      Or, il convient de relever que ces deux lettres ne sauraient apporter la preuve des difficultés administratives auxquelles aurait été prétendument confronté le couple, puisque, ainsi qu’il ressort des points 32 et 37 ci-dessus, Mme C. avait réussi à se procurer les deux premiers documents (extrait d’acte de naissance et certificat de célibat) et le troisième document (extrait de casier judiciaire) n’était pas nécessaire à la célébration de son mariage avec le requérant.

42      Quant aux différents témoignages versés aux débats, s’ils font parfois référence au consulat de Roumanie en Belgique et laissent entendre que des démarches avaient été entreprises par Mme C. en vue de l’obtention des documents nécessaires à la célébration de son mariage, ils n’identifient pas les raisons pour lesquelles les documents demandés n’ont pas été délivrés et, en particulier, que cette situation serait imputable à l’administration roumaine qui aurait ignoré ou rejeté ces demandes sans fournir de justification. Ils ne permettent pas non plus de dater avec précision la période à laquelle ces démarches ont été entreprises.

43      D’une façon plus générale, aucune des annexes produites par le requérant ne corrobore son affirmation selon laquelle, face aux blocages du consulat de Roumanie en Belgique, Mme C. se serait déplacée à plusieurs reprises entre 2008 et 2013 directement en Roumanie, afin de prendre contact avec sa commune d’origine pour obtenir les documents nécessaires.

44      Le requérant n’apporte pas non plus la moindre preuve de son allégation selon laquelle d’éventuels retards ou blocages administratifs auraient été imputables, dans son cas, à des faits de corruption. Le sondage d’opinion issu du rapport spécial Eurobaromètre no 397 de 2014 sur la corruption (annexe A16 de la requête) et la résolution du Parlement européen du 13 novembre 2018 sur l’état de droit en Roumanie (annexe C1 de la réplique), s’ils se rapportent à la corruption, ne portent pas sur d’éventuelles difficultés administratives pour obtenir des documents d’état civil. Quant au rapport de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur les progrès réalisés par la Roumanie au titre du mécanisme de coopération et de vérification de 2018 (annexe C2 de la réplique), il y a lieu de relever que ce mécanisme visait à vérifier que douze recommandations émises par la Commission en janvier 2017 avaient bien été mises en œuvre. Comme le fait valoir à juste titre cette dernière, aucune de ces recommandations n’a trait – ni de près ni de loin – aux difficultés spécifiques alléguées par le requérant. Ainsi, le passage mentionné par ce dernier s’attache à la stratégie nationale de lutte contre la corruption et identifie le « secteur local » comme un secteur vulnérable, sans plus de précision. Ces documents ne contiennent également aucune information relative au comté de Buzău et n’établissent donc pas que cette région se serait trouvée dans une situation administrative catastrophique.

45      Quant à l’extrait du rapport par pays sur la Roumanie de 2017 de la Commission (annexe A17 de la requête), il donne un aperçu général des progrès réalisés dans la réforme de l’administration publique, en relevant que ceux-ci sont très lents et empêchent la réalisation de réformes structurelles. Le degré de généralité de ce document ne suffit pas à apporter la preuve des difficultés spécifiques alléguées par le requérant, en l’espèce.

46      Au demeurant, à supposer même que les lenteurs alléguées de l’administration roumaine aient pu jouer un rôle dans le retard pris pour la finalisation du mariage, il y a lieu de relever que la maladie de Mme C. y a également contribué. Le requérant admet ainsi lui-même que les démarches administratives en vue d’obtenir les papiers nécessaires de la part de l’administration roumaine ont été interrompues en raison de la maladie de Mme C. et n’ont repris auprès de l’administration consulaire et locale qu’en 2016 et en 2017.

47      Par conséquent, il résulte de ce qui précède que, si l’accès du requérant au mariage n’a pas pu se concrétiser, c’est en raison du décès de Mme C. Il n’en résulte pas pour autant que l’accès au mariage civil du couple aurait été impossible ou ineffectif.

48      Dans ces conditions, le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude

49      Le requérant soutient que, au terme de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’administration aurait le pouvoir de prendre une décision en équité, lorsque les circonstances l’imposent. La jurisprudence aurait déjà reconnu l’existence de circonstances exceptionnelles permettant de déroger aux dispositions du statut, notamment dans l’arrêt du 12 juin 1986, Sommerlatte/Commission (229/84, EU:C:1986:241). De telles circonstances exceptionnelles existeraient en l’espèce.

50      La Commission soutient que le second moyen n’est pas fondé.

51      Aux termes de l’intitulé du second moyen, tel qu’il figure dans la requête, le requérant allègue une violation du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude. Toutefois, le requérant ne présente pas dans ses écrits d’arguments tendant à constater spécifiquement l’existence d’une violation du devoir de sollicitude par la Commission.

52      Selon une jurisprudence constante, le devoir de sollicitude de l’administration à l’égard de ses agents, qui reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public, et le principe de bonne administration se rejoignent pour imposer à l’autorité hiérarchique, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, de tenir compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (arrêts du 7 mars 2007, Sequeira Wandschneider/Commission, T‑110/04, EU:T:2007:78, points 184 et 185, et du 13 novembre 2014, De Loecker/SEAE, F‑78/13, EU:F:2014:246, point 76).

53      Par suite, il y a lieu de considérer que l’argumentation du requérant tirée d’une violation du principe de bonne administration est un développement de son second moyen par lequel il entend, en substance, déduire du principe de bonne administration et du devoir de sollicitude l’obligation pour la Commission de s’acquitter d’obligations renforcées lorsque sont réunies des circonstances exceptionnelles.

54      Dans ce contexte, le requérant ne saurait tirer aucun argument utile de l’arrêt du 12 juin 1986, Sommerlatte/Commission (229/84, EU:C:1986:241), afin d’établir l’existence de circonstances exceptionnelles permettant, en l’espèce, de déroger aux dispositions du statut.

55      En effet, l’arrêt du 12 juin 1986, Sommerlatte/Commission (229/84, EU:C:1986:241), se rapporte à l’article 24 du statut et consacre l’obligation pour l’administration de porter spontanément assistance à un agent dans certaines circonstances exceptionnelles. Ainsi, dans cette affaire, en s’abstenant d’informer en temps utile la partie requérante sur son opinion véritable en ce qui concernait la compatibilité d’une législation nationale avec les règles de l’Union, la Commission a commis une défaillance qui a été l’une des causes du maintien de l’affiliation de la requérante à un régime d’assurance nationale.

56      Contrairement à ce que soutient le requérant, l’arrêt du 12 juin 1986, Sommerlatte/Commission (229/84, EU:C:1986:241), ne consacre donc pas la possibilité de déroger aux dispositions du statut sur la base de l’existence de circonstances exceptionnelles, mais se contente de préciser les conditions de mise en œuvre de l’obligation d’assistance, prévue à l’article 24 du statut, cet article étant silencieux sur ce point.

57      Par ailleurs, la solution dégagée dans l’arrêt du 12 juin 1986, Sommerlatte/Commission (229/84, EU:C:1986:241), se rapporte à l’obligation d’assistance de l’administration et non pas à son devoir de sollicitude. Or, le devoir d’assistance et le devoir de sollicitude incombant à l’administration à l’égard de ses agents ne sont pas des concepts parfaitement identiques. Le premier est consacré à l’article 24 du statut et impose à l’administration d’assister le fonctionnaire dans toute attaque ou menace dont celui-ci fait l’objet en raison de sa qualité et de ses fonctions. Le second, tout en n’étant pas mentionné dans le statut, reflète l’équilibre des droits et obligations réciproques que le statut a créés dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public, ce qui implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’autorité prenne en considération l’ensemble des éléments qui sont susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (arrêt du 1er juin 1999, Rodriguez Perez e.a./Commission, T‑114/98 et T‑115/98, EU:T:1999:114, point 32).

58      Enfin, il ressort de la jurisprudence que le devoir de sollicitude ne saurait conduire l’administration à donner à une disposition du droit de l’Union un effet qui irait à l’encontre des termes clairs et précis de cette disposition (voir, en ce sens, arrêts du 17 juin 1993, Arauxo-Dumay/Commission, T‑65/92, EU:T:1993:47, point 37, et du 16 avril 1997, Kuchlenz-Winter/Commission, T‑66/95, EU:T:1997:56, point 43). Dès lors, une partie requérante ne peut invoquer le devoir de sollicitude afin d’obtenir des avantages que le statut ne permet pas de lui octroyer (voir arrêt du 16 mai 2007, F/Commission, T‑324/04, EU:T:2007:140, point 169 et jurisprudence citée). Or, ainsi qu’il ressort des points 27 à 48 ci-dessus, le requérant ne saurait se prévaloir des dispositions pertinentes du statut pour l’octroi d’une pension de survie.

59      En tout état de cause, à supposer même que l’arrêt du 12 juin 1986, Sommerlatte/Commission (229/84, EU:C:1986:241), consacre la possibilité de déroger aux dispositions du statut sur la base de circonstances exceptionnelles, les éléments mis en avant par le requérant ne sauraient constituer de telles circonstances. En effet, la Commission n’a pas adopté un comportement de nature, à lui seul ou dans une mesure déterminante, à provoquer une confusion admissible dans l’esprit du requérant quant à son opinion véritable sur sa situation quant à son droit à pension.

60      À cet égard, le comportement de l’administration roumaine, à le supposer établi, ne saurait être imputé à la Commission. Les circonstances auxquelles le requérant fait état, à savoir le « fait du prince », l’« extrême lenteur » et la « mauvaise volonté » de l’administration roumaine, de même que la prétendue discrimination dont aurait été victime le couple formé par le requérant et Mme C. pour des « raisons indépendantes de leur volonté », ne trouvent pas leurs origines dans le comportement de la Commission. En tout état de cause, au terme même du raisonnement tenu par le requérant, ces éléments ne constitueraient pas des circonstances exceptionnelles, mais correspondraient à une situation relativement courante en Roumanie, le contexte administratif difficile que connaîtrait cet État membre affectant l’ensemble de la population de celui-ci.

61      De même, s’il est regrettable que l’état de santé de Mme C. l’ait empêché de se rendre en Roumanie entre 2013 et 2017 et que son décès soit survenu brutalement en Roumanie en août 2017, ces circonstances ne sauraient être imputées à la Commission.

62      Quant à l’affirmation du requérant selon laquelle il aurait formé avec Mme C. un couple par possession d’état, il y a lieu de relever que cette circonstance ne saurait lui conférer, ainsi qu’il ressort du point 27 ci‑dessus, la qualité de « conjoint » au sens des dispositions statutaires pertinentes aux fins de la solution du présent litige, dans la mesure où ces dispositions visent exclusivement un rapport fondé sur le mariage civil au sens traditionnel du terme (voir, en ce sens, arrêts du 17 juin 1993, Arauxo-Dumay/Commission, T‑65/92, EU:T:1993:47, point 28, et du 28 janvier 1999, D/Conseil, T‑264/97, EU:T:1999:13, point 26) et que, ainsi qu’il ressort du point 35 ci-dessus, le couple formé par le requérant et Mme C. ne peut être considéré comme un partenariat non matrimonial qui devait être traité au même titre que le mariage au sens de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, second alinéa, du statut.

63      Il résulte de ce qui précède que le requérant ne démontre pas que la Commission ait violé son devoir de sollicitude ou le principe de bonne administration en adoptant la décision attaquée.

64      Quant à l’allégation du requérant selon laquelle rien n’interdirait au juge de statuer en équité lorsque cela s’avère nécessaire, il n’est pas clair si, par ce biais, le requérant cherche à faire valoir qu’au nom d’un principe d’équité il serait possible de s’écarter des règles du statut ou s’il demande au Tribunal de statuer en lieu et place de la Commission.

65      À supposer que le requérant entende faire valoir qu’un principe d’équité permettrait de s’écarter des règles du statut, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 270 TFUE, la Cour de justice de l’Union européenne est compétente pour statuer sur tout litige entre l’Union et ses agents dans les limites et conditions déterminées par le statut et le régime applicable aux autres agents de l’Union (RAA).

66      Or, au terme de l’article 91 du statut, le contrôle exercé par le juge de l’Union est un contrôle de légalité.

67      Par ailleurs, ainsi qu’il a déjà été constaté au point 48 ci-dessus, la décision attaquée n’a pas violé les dispositions pertinentes du statut pour l’octroi d’une pension de survie et le requérant ne saurait prétendre obtenir un résultat différent de celui dicté par leur application en faisant appel aux principes d’équité, de bonne administration et de sollicitude (voir, en ce sens, arrêts du 17 juin 1993, Arauxo-Dumay/Commission, T‑65/92, EU:T:1993:47, point 37, et du 22 juin 1994, Di Marzio et Lebedef/Commission, T‑98/92 et T‑99/92, EU:T:1994:70, point 58).

68      Enfin, le requérant n’a cité aucune autre disposition avec laquelle la décision attaquée présenterait une incohérence et, notamment pas, ainsi que le relève la Commission, celles tout à fait distinctes de l’article 76 du statut, en vertu desquelles des dons, prêts ou avances peuvent être accordés, notamment à des ayants droit d’un fonctionnaire décédé en raison de leur situation de famille (voir, en ce sens, arrêt du 17 juin 1993, Arauxo-Dumay/Commission, T‑65/92, EU:T:1993:47, point 38).

69      Par conséquent, cette argumentation doit être rejetée comme non fondée. Il ressort de ce qui précède que le second moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

70      À supposer que, eu égard à la teneur des écritures du requérant, ce dernier entende demander au Tribunal de statuer en lieu et place de la Commission sur son droit à pension, il y a lieu de relever que, par cette argumentation, le requérant tend, en réalité, à obtenir la réformation de la décision attaquée.

71      À cet égard, il suffit de constater que le Tribunal n’est pas compétent pour procéder à la réformation de la décision attaquée dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut.

72      Par conséquent, cette demande doit être rejetée en raison de l’incompétence du Tribunal pour en connaître.

73      Partant, les conclusions en annulation doivent être rejetées dans leur ensemble.

 Sur les conclusions tendant à ordonner à la Commission le versement de la pension de conjoint survivant au requérant

74      Le requérant, outre ses conclusions en annulation, demande au Tribunal d’ordonner à la Commission le versement de la pension de conjoint survivant à laquelle il estime avoir droit.

75      À cet égard, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le juge de l’Union n’est pas compétent pour adresser des injonctions à l’administration dans le cadre du contrôle de légalité fondé sur l’article 91 du statut (arrêts du 13 décembre 1989, Oyowe et Traore/Commission, C‑100/88, EU:C:1989:638, point 19, et du 16 janvier 2018, SE/Conseil, T‑231/17, non publié, EU:T:2018:3, point 63).

76      Par conséquent, les conclusions du requérant présentées à fin d’injonction doivent être rejetées en raison de l’incompétence du Tribunal à en connaître.

77      Il découle de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      WI est condamné aux dépens.

Collins

Barents

Passer

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 septembre 2019.

Signatures


*      Langue de procédure : le français.