Language of document : ECLI:EU:T:1998:140

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

25 juin 1998 (1)

«Aide d'État — Transports aériens — Compagnie aérienne en situation de crisefinancière — Autorisation d'une augmentation de capital»

Dans les affaires jointes T-371/94 et T-394/94,

British Airways plc, société de droit anglais, établie à Hounslow (Royaume-Uni),

Scandinavian Airlines System Denmark-Norway-Sweden, société de droit danois,de droit norvégien et de droit suédois, établie à Stockholm,

Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV, société de droit néerlandais, établie àAmstelveen (Pays-Bas),

Air UK Ltd, société de droit anglais, établie à Stansted (Royaume-Uni),

Euralair international, société de droit français, établie à Bonneuil (France),

TAT European Airlines, société de droit français, établie à Tours (France),

représentées par M. Romano Subiotto, solicitor, ayant élu domicile à Luxembourgen l'étude de Mes Elvinger, Hoss et Prussen, 15, Côte d'Eich,

parties requérantes dans l'affaire T-371/94,

et

British Midland Airways Ltd, société de droit anglais, établie à Castle Donington(Royaume-Uni), représentée par M. Kevin F. Bodley, solicitor, et Me KonstantinosAdamantopoulos, avocat au barreau d'Athènes, ayant élu domicile à Luxembourgen l'étude de Me Arsène Kronshagen, 12, boulevard de la Foire,

partie requérante dans l'affaire T-394/94,

soutenues par

Royaume de Suède, représenté par M. Staffan Sandström, en qualité d'agent,

Royaume de Norvège, représenté par Mme Margit Tveiten, en qualité d'agent, ayantélu domicile à Luxembourg au siège du consulat royal de Norvège, 3, boulevardRoyal,

Maersk Air I/S, société de droit danois, établie à Dragøer (Danemark),

et

Maersk Air Ltd, société de droit anglais, établie à Birmingham (Royaume-Uni),

représentées par MM. Roderic O'Sullivan et Philip Wareham, solicitors, ayant éludomicile à Luxembourg en l'étude de Mes Arendt et Medernach, 8-10, rue MathiasHardt,

parties intervenantes dans l'affaire T-371/94,

Royaume de Danemark, représenté par M. Peter Biering, chef de division auministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, ayant élu domicile àLuxembourg au siège de l'ambassade du Danemark, 4, boulevard Royal,

et

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté par M. JohnE. Collins, du Treasury Solicitor's Department, en qualité d'agent, et M. RichardPlender, QC, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade duRoyaume-Uni, 14, boulevard Roosevelt,

parties intervenantes dans les deux affaires,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Nicholas Khanet Ben Smulders, membres du service juridique, en qualité d'agents, assistés deMe Ami Barav, barrister, du barreau d'Angleterre et du pays de Galles, et avocatau barreau de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómezde la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée par M. Marc Perrin de Brichambaut, directeurdes affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères, Mmes Edwige Belliard,Catherine de Salins et M. Jean-Marc Belorgey, respectivement directeur adjoint,sous-directeur et chargé de mission à la direction des affaires juridiques du mêmeministère, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège del'ambassade de France, 8 B, boulevard Joseph II,

et

Compagnie nationale Air France, société de droit français, établie à Paris,représentée par Me Olivier d'Ormesson, avocat au barreau de Paris, ayant éludomicile à Luxembourg en l'étude de Me Jacques Loesch, 11, rue Goethe,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 94/653/CE de laCommission, du 27 juillet 1994, concernant l'augmentation de capital notifiée d'AirFrance (JO L 254, p. 73),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre élargie),

composé de MM. C. W. Bellamy, président, K. Lenaerts, C. P. Briët,A. Kalogeropoulos et A. Potocki, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale des 6 et 7 mai 1997,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine des recours et procédures

Procédure administrative

1.
    Par lettre du 18 mars 1994, les autorités françaises ont informé la Commission,conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité CE, de leur intention d'injecter20 milliards de FF dans le capital de la Compagnie nationale Air France (ci-après«Air France»). A cette notification était joint un plan de restructuration intitulé«Projet pour l'entreprise» (ci-après «projet»).

2.
    A la suite d'une réunion organisée avec des représentants d'Air France et dugouvernement français, ainsi que de la correspondance échangée avec ces derniers,la Commission a ouvert la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité. Elleen a informé les autorités françaises par une lettre du 30 mai 1994, qui a faitl'objet, le 3 juin 1994, d'une communication publiée au Journal officiel desCommunautés européennes (JO C 152, p. 2, ci-après «communication du 3 juin1994»).

3.
    Dans cette communication, la Commission a estimé que l'augmentation de capitalenvisagée constituait une aide d'État, tout en relevant qu'elle devait examiner si le projet d'aide affecterait les échanges dans une mesure contraire à l'intérêtcommun. A cet égard, la Commission a considéré notamment:

—    que la réalité économique commande de prendre en considération lasituation et les perspectives économiques de l'ensemble du groupe AirFrance;

—    qu'elle doit examiner les effets de l'aide sur la situation concurrentielle d'AirFrance sur les liaisons internationales et intérieures, sur lesquelles AirFrance doit affronter la concurrence d'autres transporteurs européens.

4.
    Par la suite, les autorités françaises ont envoyé à la Commission une série de lettreset ont participé avec des représentants d'Air France à plusieurs réunions organiséespar la Commission. Jusqu'au 4 juillet 1994, la Commission a reçu les observationsde 23 parties intéressées, parmi lesquelles figuraient le royaume de Danemark, leRoyaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, le royaume de Suède, leroyaume de Norvège, l'Association des compagnies aériennes de la Communautéeuropéenne (ci-après «ACE») et un grand nombre de compagnies aérienneseuropéennes, dont les requérantes.

5.
    La plupart des parties intéressées ont partagé les doutes de la Commission quantà la licéité de l'aide en question. Parmi leurs principales objections figuraientnotamment les éléments suivants:

—    l'aide bénéficierait non seulement à Air France, mais également àl'ensemble du groupe;

—    l'aide se traduirait par une surcapitalisation du groupe Air France;

—    l'achat de 17 nouveaux avions au prix de 11,5 milliards de FF seraitinacceptable;

—    l'évaluation de la compatibilité de l'aide avec le marché commun ne devraitpas se faire sous le seul angle de l'évolution de son bénéficiaire;

—    en cas d'autorisation de l'aide, une réduction énorme des capacités d'AirFrance devrait être imposée.

6.
    Les commentaires des parties intéressées ont été communiqués aux autoritésfrançaises, qui y ont répondu par lettre transmise le 13 juillet 1994 aux servicescompétents de la Commission. Le 14 juillet 1994, le Premier ministre français aadressé au membre compétent de la Commission une lettre exposant lesengagements que prendrait son gouvernement en cas d'approbation du projet. Le18 juillet 1994, deux engagements supplémentaires du gouvernement français ontété transmis. Enfin, le 26 juillet 1994, les autorités françaises ont fait parvenir à laCommission un complément d'information.

Décision attaquée

7.
    Le 27 juillet 1994, la Commission a adopté la décision 94/653/CE, concernantl'augmentation de capital notifiée d'Air France (JO L 254, p. 73, ci-après «décisionattaquée»), qui peut être résumée comme suit.

8.
    Après avoir décrit la structure du groupe Air France (actif dans le transport aérien,l'hôtellerie, le tourisme, la restauration, la maintenance et la formation des pilotes),la Commission relève que ce groupe est, avec British Airways et Lufthansa, l'un destrois grands transporteurs aériens européens. Depuis le début de l'année 1990, ilpoursuivrait une politique d'acquisition de participations dans d'autres compagniesaériennes (UTA, Air Inter, Sabena et CSA), visant notamment à consolider soninfluence sur le marché intérieur et à affronter la concurrence sur les liaisonsinternationales. Le groupe Air France se serait lancé dans un programme demodernisation et d'expansion de sa flotte financé par des emprunts, dont lescharges financières auraient grevé le résultat final du groupe se soldant par unepremière perte de 717,2 millions de FF en 1990. Face à cette situation, le groupeAir France aurait adopté plusieurs plans de restructuration qui auraient pourtanttous échoué.

9.
    En résumé, la Commission constate que le groupe Air France traverse une trèsgrave crise économique et financière: après avoir subi une perte de 3,2 milliards

de FF en 1992, il aurait enregistré, en 1993, le quatrième résultat annuel négatifconsécutif, qui se serait élevé à 8,4 milliards de FF. Au cours des trois dernièresannées, la situation du groupe n'aurait cessé de se détériorer. Le fossé entre legroupe Air France et ses concurrents se serait encore creusé en raison des mauvaisrésultats de 1993, qui s'expliqueraient principalement par une faible productivitéet par des coûts d'exploitation élevés, ainsi que par les lourdes charges financièressupportées.

10.
    La Commission décrit ensuite les lignes du projet destiné à «faire d'Air France unevéritable entreprise», cet objectif devant être atteint durant la période compriseentre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1996, et cela grâce à une réduction descoûts et des frais financiers, une modification de la conception des produits et unemeilleure utilisation des moyens, une réorganisation de la compagnie ainsi qu'uneparticipation des salariés.

11.
    Dans ce contexte, la Commission expose notamment que le nombre d'avionslivrables durant la période de restructuration sera ramené de 22 à 17 et quel'investissement correspondant s'établira ainsi à 11,5 milliards de FF. La flotte enexploitation (145 avions) ne serait augmentée que d'un seul appareil; le nombre desièges offerts serait légèrement diminué. Air France rationaliserait, en outre, saflotte en faisant disparaître un certain nombre d'appareils. En effet, l'hétérogénéitéde sa flotte (24 types ou versions différents) serait l'un des facteursd'alourdissement de ses coûts d'exploitation. En plus, Air France simplifierait sonréseau, augmenterait les fréquences sur les liaisons rentables, développerait les volslong-courriers, abandonnerait les liaisons marginales et se recentrerait sur lesliaisons présentant de bonnes perspectives de croissance. Sur le plan social, leprojet envisagerait notamment la réduction des effectifs de 5 000 personnes, le geldes salaires (sous réserve d'un réexamen) et un blocage des avancements. En outre,Air France serait restructurée en onze centres opérationnels responsables de leursrésultats financiers, chaque centre étant doté de moyens propres. La mise enoeuvre du projet serait financée par l'augmentation de capital et la cession d'actifshors métiers de base.

12.
    La Commission relève que, au cours de ses négociations avec le gouvernementfrançais, ce dernier a formulé une série d'engagements concernant la mise enoeuvre du projet et l'utilisation du capital octroyé à Air France, l'injection decapital étant prévue en trois tranches: 10 milliards de FF en 1994, 5 milliards deFF en 1995 et 5 milliards de FF en 1996. Ces engagements sont repris, sous formede conditions, dans le dispositif de la décision attaquée.

13.
    Sur la base des éléments qui précèdent, la Commission estime que l'injection decapital en question constitue une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1,du traité et de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord sur l'Espace économiqueeuropéen (ci-après «accord EEE»), laquelle, eu égard au vaste réseau européend'Air France et à la vive concurrence qui sévit sur la plupart des liaisons qu'elledessert, fausse le jeu de la concurrence dans l'EEE. Par ailleurs, l'aide affecterait

les échanges entre les pays de l'EEE, étant donné que l'aviation civile est unsecteur d'activités à caractère international.

14.
    Après avoir exclu l'application d'autres dispositions dérogatoires du traité et del'accord EEE, la Commission vérifie dans quelle mesure il est satisfait aux critèresfixés par l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité et l'article 61, paragraphe 3,sous c), de l'accord EEE.

15.
    En examinant la situation actuelle de l'aviation civile, la Commission estime que cesecteur semble avoir surmonté la crise économique sévissant depuis 1990. Malgrédes résultats positifs (croissance du trafic passagers), certaines compagniesaériennes européennes continueraient cependant à perdre de l'argent, et cela enraison des surcapacités existant sur le marché. Toutefois, les perspectives pour lesecteur de l'aviation européenne resteraient assez favorables à moyen terme.Compte tenu de ces prévisions, la surcapacité ne devrait être qu'un phénomènetemporaire. En conséquence, la Commission estime que le marché n'est pas touchépar une crise structurelle de surcapacité et que la situation du secteur de l'aviationne justifie pas une réduction globale des capacités.

16.
    Après avoir évalué le projet, la Commission considère que ce dernier est de natureà restaurer la viabilité économique et financière d'Air France et qu'une véritablerestructuration de la compagnie contribuera au développement du transport aérieneuropéen en améliorant sa compétitivité; elle serait donc conforme à l'intérêtcommun. Dans ce contexte, une note en bas de page renvoie au programmed'action de la Commission «L'aviation civile européenne vers des horizonsmeilleurs» [COM (94) 218].

17.
    En vérifiant si l'aide envisagée est proportionnée aux besoins de restructurationd'Air France, la Commission estime que cette mesure est à la fois nécessaire etappropriée pour donner à la compagnie les moyens de mener à bien son plan derestructuration et de retrouver sa viabilité. A cet égard, la Commission examine lesdifférents instruments financiers émis par Air France entre 1989 et 1993, pour enconclure que le ratio d'endettement (dette/capitaux propres) sera de 1,12:1 à la finde 1996. En effet, la structure du bilan du groupe Air France se présenteraitcomme suit: capitaux propres = 18,65 milliards de FF et dette = 20,85 milliardsde FF. Ce ratio serait supérieur au ratio moyen de l'aviation civile où le chiffre de1,5:1 serait considéré comme acceptable. La Commission explique ensuite que, sil'on fait abstraction de l'aide, Air France peut notamment, afin d'améliorer elle-même sa situation financière, différer ses commandes d'avions et vendre des actifs.Quant à la première possibilité, la Commission souligne qu'Air France a déjàdifféré certaines commandes; de nouveaux reports feraient monter l'âge moyen dela flotte à plus de dix ans, âge trop élevé pour une compagnie qui cherche àretrouver toute sa vigueur concurrentielle. Pour ce qui est de la vente des actifs, laCommission relève qu'il n'y en a qu'un petit nombre qui pourraient dégager dessommes suffisantes, comme Méridien, Sabena et Air Inter. Sabena et Air Inter

seraient deux éléments constitutifs importants de l'activité aérienne d'Air France.La vente des actifs restants ferait déjà partie du projet et ne devrait, par ailleurs,pas se traduire par une réduction significative du montant de l'aide.

18.
    En vérifiant si l'aide n'affecte pas les conditions des échanges dans une mesurecontraire à l'intérêt commun, la Commission renvoie aux engagements que legouvernement français a pris au cours de la procédure administrative — notammentcelui de faire d'Air France le seul bénéficiaire de l'aide — pour en conclure que cesengagements atténuent ses préoccupations quant aux effets de l'aide, parce qu'ilsempêchent virtuellement Air France d'utiliser l'aide pour subventionner les activitésd'Air Inter. La Commission aurait donc limité l'analyse des effets de l'aide sur leséchanges à Air France, qui en est le véritable bénéficiaire.

19.
    La Commission considère que ces engagements limitent très sévèrement la libertédont Air France dispose en matière de capacité, d'offre et de fixation des prix etl'empêchent de mener une politique tarifaire agressive sur toutes les liaisons qu'elleexploite à l'intérieur de l'EEE. Par ailleurs, au cours des quatre premiers mois de1994, Air France aurait déjà réduit son offre européenne de 6,4 % par rapport àla période correspondante de l'année 1993, alors que l'offre de toutes lescompagnies européennes aurait augmenté en moyenne de 3,8 %. En limitant l'offred'Air France en deçà de la croissance du marché, sa part de marché dans l'EEEse restreindrait au profit de ses concurrents. De la sorte, l'aide n'affecterait pas leséchanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

20.
    La Commission souligne que, aux fins de l'analyse des effets de l'aide dans l'EEE,elle doit également tenir compte de la libéralisation accrue des transports aériensdans la Communauté à la suite de l'adoption en 1992 de plusieurs règlements duConseil, appelés «troisième paquet». Dans ce contexte, elle estime que lasuppression des contraintes mettant Air France à l'abri de la concurrence constitueune compensation appropriée, justifiant l'octroi d'une aide compatible avec l'intérêtcommun.

21.
    Elle considère enfin que les effets négatifs de l'aide ne sont pas amplifiés parl'exploitation de droits exclusifs ou l'application d'un traitement de faveur réservéà Air France, étant donné que les autorités françaises se sont engagées à modifierles règles de distribution du trafic appliquées au système aéroportuaire parisien, demanière à les rendre non discriminatoires, d'une part, et à veiller à ce que lestravaux d'aménagement des deux aérogares Orly-Sud et Orly-Ouest n'altèrent pasles conditions de concurrence au détriment des compagnies aériennes desservantl'aéroport d'Orly, d'autre part. La Commission rappelle, en outre, avoir adopté, le27 avril 1994, une décision obligeant la France à autoriser les transporteurs de laCommunauté à exercer leurs droits de trafic sur les liaisons entre Paris (Orly) etToulouse, ainsi qu'entre Paris (Orly) et Marseille à compter du 27 octobre 1994 auplus tard.

22.
    En définitive, la Commission estime que l'ensemble des engagements pris par lesautorités françaises répond aux préoccupations qu'elle a exprimées lors del'ouverture de la procédure administrative.

23.
    Aux termes de l'article 1er de la décision attaquée, l'aide à octroyer à Air Francedurant la période de 1994 à 1996, sous forme d'une augmentation de capital de 20milliards de FF, payable en trois tranches, et visant à assurer sa restructurationconformément aux dispositions du projet, est compatible avec le marché communet l'accord EEE en vertu de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité et del'article 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE, à condition que les autoritésfrançaises respectent seize engagements faisant partie dudit article 1er.

24.
    L'article 2 de la décision attaquée subordonne le versement des deuxième ettroisième tranches de l'aide au respect de ces engagements et à la réalisationeffective du projet, ainsi que des résultats y prévus, afin d'assurer que le montantde l'aide demeure compatible avec le marché commun. Il est enjoint augouvernement français de soumettre à la Commission, avant la libération desdeuxième et troisième tranches d'aide en 1995 et 1996, un rapport sur l'avancementdu programme de restructuration et sur la situation économique et financière d'AirFrance, la Commission confiant à des consultants indépendants la vérification dela bonne mise en oeuvre du plan ainsi que de la réalisation des conditions liées àl'approbation de l'aide.

Procédures juridictionnelles

25.
    C'est dans ces circonstances que les requérantes ont introduit les présents recours,enregistrés au greffe du Tribunal respectivement les 21 novembre et22 décembre 1994.

26.
    Les procédures écrites ont suivi un cours régulier.

27.
    Par ordonnances du président de la première chambre élargie du Tribunal des 10mars, 8 mai et 12 juin 1995, le royaume de Danemark, le Royaume-Uni, leroyaume de Suède, le royaume de Norvège, Maersk Air I/S et Maersk Air Ltd (ci-après «sociétés Maersk» ou «Maersk») ont été admis à intervenir au soutien desconclusions des requérantes respectives.

28.
    Par ordonnances du président de la première chambre élargie du Tribunal, du 12juin 1995, la République française a été admise à intervenir au soutien desconclusions de la défenderesse.

29.
    Par ordonnances du Tribunal (première chambre élargie) du 12 juin 1995, AirFrance a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la défenderesse etautorisée à plaider en langue française lors des procédures orales.

30.
    Par décision du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambreélargie, à laquelle les affaires ont, par conséquent, été attribuées.

31.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a décidéd'ouvrir les procédures orales sans procéder à des mesures d'instruction préalables.Il a toutefois invité les parties à approfondir leurs plaidoiries sur plusieurs points.

32.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses auxquestions du Tribunal, lors de l'audience qui s'est déroulée les 6 et 7 mai 1997.

33.
    A cette occasion, le Tribunal a pris une mesure d'organisation de la procédure autitre de l'article 64 de son règlement de procédure en invitant les requérantes ainsique les parties intervenues au soutien de leurs conclusions à déposer au greffe lesobservations qu'elles avaient introduites auprès de la Commission lors de laprocédure administrative, pour autant qu'elles n'aient pas encore été versées audossier. A la suite de cette mesure, les observations de British Airways plc (ci-après«British Airways»), de TAT European Airlines (ci-après «TAT»), de ScandinavianAirlines System Denmark-Norway-Sweden (ci-après «SAS»), d'Euralairinternational (ci-après «Euralair») et d'Air UK Ltd (ci-après «Air UK») ont étédéposées au greffe le 8 mai 1997, celles formulées par le royaume de Danemark,le Royaume-Uni, le royaume de Suède et le royaume de Norvège ayant déjà étédéposées lors de l'audience.

34.
    Les parties entendues sur ce point à l'audience, et en l'absence d'objection de leurpart à cet égard, le Tribunal (deuxième chambre élargie) estime qu'il y a lieu dejoindre les deux affaires aux fins de l'arrêt.

Conclusions des parties

35.
    Les requérantes concluent, dans les deux affaires, à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision attaquée;

—    condamner la Commission aux dépens.

La requérante dans l'affaire T-394/94 demande, en outre, au Tribunal d'ordonnerdes mesures d'organisation de la procédure et des mesures d'instruction,conformément aux articles 64 et 65 du règlement de procédure, et d'exiger laproduction de tous les dossiers et documents pertinents dont dispose laCommission.

36.
    Le Royaume-Uni conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision attaquée;

—    condamner la Commission aux dépens, y compris ceux du Royaume-Uni.

37.
    Le royaume de Danemark, le royaume de Suède et le royaume de Norvègeconcluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision attaquée.

38.
    Les sociétés Maersk concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision attaquée;

—    condamner la Commission aux dépens de leur intervention, pour autantqu'il appartienne au Tribunal de statuer à cet égard.

39.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter les recours;

—    condamner les requérantes aux dépens;

—    condamner le royaume de Danemark, le Royaume-Uni, le royaume deSuède, le royaume de Norvège et les sociétés Maersk à supporter une partiedes dépens de la Commission.

40.
    La République française conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter les recours.

41.
    La société Air France conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter les recours;

—    condamner les requérantes aux dépens, y compris ceux supportés par AirFrance.

Sur le fond

42.
    A l'appui de leur recours, les requérantes soulèvent plusieurs moyens, qui peuventfaire l'objet d'un regroupement. Dans le cadre du premier groupe de moyens (I),elles reprochent à la Commission, d'une part, d'avoir violé les règles relatives à laprocédure administrative prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité, ennégligeant de recueillir des informations suffisantes et/ou de fournir aux intéressés,dont les requérantes, des informations suffisantes pour leur permettre d'êtreloyalement entendues et d'exercer effectivement les droits que leur confèrent lesarticles 93, paragraphe 2, du traité et 62, paragraphe 1, sous a), de l'accord EEE.Elles lui font grief, d'autre part, de ne pas avoir eu recours à des expertsindépendants pour évaluer la compatibilité de l'aide litigieuse avec les articles 92,

paragraphe 3, sous c), du traité et 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE etde ne pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour vérifier l'exactitude desrenseignements fournis par les autorités françaises et par Air France.

43.
    Dans le cadre du second groupe de moyens (II), les requérantes reprochent à laCommission d'avoir commis plusieurs erreurs dans l'application de l'article 92,paragraphe 3, sous c), du traité et de l'article 61, paragraphe 3, sous c), de l'accordEEE. Dans ce contexte, il est fait grief à la Commission, tout d'abord, d'avoir violéle principe de proportionnalité applicable en matière d'aides d'État, en ayant,premièrement, autorisé, à tort, l'achat par Air France de 17 nouveaux avions (A),deuxièmement, autorisé, à tort, le financement de frais d'exploitation et de mesuresopérationnelles d'Air France (B), troisièmement, opéré une classification erronéedes titres émis par Air France entre 1989 et 1993 (C), quatrièmement, méconnule ratio d'endettement d'Air France (D) et en s'étant, cinquièmement, abstenu àtort d'exiger la vente de certains actifs d'Air France susceptibles d'être aliénés (E).En outre, les requérantes reprochent à la Commission d'avoir considéré, à tort, quel'aide était destinée à faciliter le développement d'une activité économique sansaltérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.Dans ce contexte, leurs critiques sont notamment dirigées contre douze des seizeconditions dont la décision autorisant l'aide a été assortie. Les requérantesremettent en question, enfin, sous divers aspects, le caractère approprié du plan derestructuration d'Air France et reprochent à la Commission d'avoir conclu, à tort,que ce plan était de nature à rétablir la viabilité économique d'Air France. Dansle cadre de ces différents griefs, les requérantes reprochent également à laCommission d'avoir insuffisamment motivé la décision attaquée. Par un derniermoyen, la requérante dans l'affaire T-394/94, British Midland Airways Ltd (ci-après«British Midland») excipe d'une violation de l'article 155 du traité.

I — Sur les moyens tirés du déroulement incorrect de la procédure administrative

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

44.
    La requérante dans l'affaire T-394/94 fait valoir, en substance, que la procédureadministrative organisée par l'article 93, paragraphe 2, du traité revêt un caractèrecontradictoire et que la Commission doit, dès lors, fournir aux parties intéresséesdes informations suffisantes pour leur permettre d'apprécier pleinement l'effetpotentiel d'une aide à leur égard. En l'espèce, la communication de la Commissiondu 3 juin 1994 aurait été insuffisante. En particulier, la Commission

—    n'aurait pas expliqué le calcul des 20 milliards de FF,

—    n'aurait pas indiqué, en ce qui concerne l'acquisition de 17 nouveaux avions,quels types d'appareils seraient acquis ni de quels types d'appareils la flottese composerait,

—    n'aurait pas fourni le texte du plan de restructuration,

—    n'aurait pas expliqué sur quoi se fondait le calcul d'un accroissement de laproductivité d'Air France de 30 ou de 33,3 %,

—    n'aurait pas indiqué quel était le coût des départs volontaires proposés,

—    n'aurait donné aucun détail concernant les actifs d'Air France, ni fourni deventilation des actifs liés aux métiers de base et des actifs hors métiers debase,

—    n'aurait fourni aucune évaluation de la valeur de la chaîne d'hôtelsMéridien,

—    n'aurait donné aucun détail sur la valeur des participations d'Air Francedans Air Inter, dans la Sabena ou dans d'autres sociétés, ni expliquépourquoi ces actifs n'étaient pas considérés comme des actifs hors métiersde base,

—    n'aurait donné aucun détail sur le projet de réseau d'Air France, de manièreà permettre le calcul de ses effets éventuels sur la concurrence,

—    n'aurait donné aucun détail sur les «produits nouveaux» envisagés par AirFrance, de manière à permettre l'évaluation de leurs effets sur laconcurrence,

—    n'aurait pas disposé des comptes annuels d'Air France au moment del'adoption de la décision attaquée,

—    n'aurait pas expliqué pourquoi elle n'avait pas demandé la communicationdes informations essentielles nécessaires pour l'adoption d'une décisionmotivée au sujet de la compatibilité de l'aide avec le marché commun,

—    n'aurait pas tenu compte des filiales, et notamment d'Air Inter, du fait quele plan de restructuration se concentrait exclusivement sur Air France,

—    n'aurait pas expliqué comment les propositions visant à la poursuite desprojets d'expansion d'Air France pouvaient se concilier avec les objectifs dutraité, à la lumière notamment de l'échec des deux précédentes injectionsde capitaux portant sur un montant de 5,8 milliards de FF.

45.
    Dans ses observations déposées auprès de la Commission lors de la procédureadministrative, British Midland avait déjà soulevé la plupart des pointssusmentionnés, en demandant à la Commission, notamment, de lui divulguer leplan de restructuration présenté par Air France, au motif que, à défaut d'une telledivulgation, elle ne disposerait pas d'informations suffisantes la mettant en mesurede se prononcer utilement sur le projet d'aide.

46.
    Les requérantes dans l'affaire T-371/94 estiment également que les informationscontenues dans la communication du 3 juin 1994 étaient insuffisantes. Une plusgrande précision dans la communication concernant les intentions d'Air Franced'augmenter ses fréquences sur les liaisons rentables, de développer les vols long-courriers, d'abandonner les liaisons marginales et de se recentrer sur les liaisonsprésentant de bonnes perspectives de croissance aurait permis aux requérantesd'aider la Commission à évaluer ces aspects du plan de restructuration. Enparticulier, la Commission n'aurait pas évoqué les justifications d'Air Franceconcernant la nécessité d'acheter 17 nouveaux appareils, de sorte que les partiesintéressées n'auraient pas pu fournir à la Commission les informations nécessairesqui lui auraient permis d'examiner avec soin et impartialité cet aspect de l'affaire.

47.
    Elles soulignent, en outre, que la communication ne fait aucune mention de l'unitéde mesure utilisée, exprimée en «équivalent passagers kilomètres transportés» (ci-après «EPKT»). Elles auraient été confrontées pour la première fois dans ladécision attaquée à cette unité de mesure élaborée spécifiquement pour Air Franceet appliquée au calcul de leurs propres seuils de productivité actuels et futurs.

48.
    Elles relèvent encore que la Commission aurait dû vérifier la version française dela communication en ce qui concerne le passage relatif à une éventuellesurcapitalisation d'Air France. En effet, le transfert des ORA (obligationsremboursables en actions) et des TSDI (titres subordonnés à durée indéterminéereconditionnés) «from the side of the debts into the equity», dans la versionanglaise, aurait été traduit par un transfert «du passif vers l'actif». Cette erreurde traduction aurait dû rendre la formulation de commentaires pertinents plusdifficile pour les tiers utilisant la version française.

49.
    Elles considèrent enfin que, en raison de la complexité de l'affaire, la Commissionaurait dû être assistée par des experts indépendants en économie, financement etgestion des transports aériens. Ainsi qu'il ressortirait de l'article 2 de la décisionattaquée, qui prévoit l'intervention de consultants indépendants avant la libérationdes deuxième et troisième tranches de l'aide, la Commission reconnaît elle-mêmequ'il est indispensable de faire vérifier l'application correcte du plan derestructuration par des experts extérieurs. Elle avouerait donc implicitement qu'ellene dispose pas des connaissances techniques suffisantes pour procéder elle-mêmeà une telle vérification.

50.
    Les requérantes dans les deux affaires estiment que la Commission, en adoptantla décision attaquée, a fait preuve d'une trop grande précipitation, incompatibleavec le respect de leurs droits fondamentaux et de ceux des autres partiesintéressées. En effet, la décision attaquée aurait été prise 16 jours ouvrablesseulement après l'expiration du délai fixé aux parties intéressées pour présenterleurs observations, ce qui représenterait un temps exceptionnellement court pouranalyser, débattre et trancher les problèmes complexes soulevés par le projet d'aidelitigieux. Le délai entre la date d'ouverture de la procédure engagée au titre del'article 93, paragraphe 2, du traité et la date d'adoption de la décision attaquée (3

juin et 27 juillet 1994) aurait effectivement été de 37 jours ouvrables et donc bieninférieur à la moyenne des délais constatés dans des affaires similaires.

51.
    Le royaume de Danemark a rappelé, à l'audience, qu'il avait demandé en vain àla Commission, lors de la procédure administrative, de transmettre aux autres Étatsmembres la réponse du gouvernement français à la communication du 3 juin 1994,afin qu'ils puissent présenter leurs observations avant que la Commission ne prennesa décision.

52.
    La Commission rétorque que la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traitén'impose aucun débat contradictoire avec des tiers intéressés. Ceux-ci ne pourraientpas prétendre être traités de la même façon que le destinataire de la décisionfinale. A cet égard, la Commission renvoie à la jurisprudence élaborée en matièrede concurrence, selon laquelle les droits procéduraux des plaignants ne sont pasaussi étendus que les droits de la défense des entreprises contre lesquelles laCommission mène son enquête.

53.
    Quant à la communication qui ouvre la procédure au titre de l'article 93,paragraphe 2, la Commission souligne qu'elle vise exclusivement à obtenir, de lapart des intéressés, toutes informations destinées à l'éclairer dans son action future.En l'espèce, la communication du 3 juin 1994 aurait énuméré tous les aspects àpropos desquels elle souhaitait recevoir des observations afin de pouvoir seprononcer sur le projet d'aide notifié par les autorités françaises. Dans cettecommunication, elle aurait fourni toutes les informations nécessaires pourpermettre aux parties concernées d'exprimer leur opinion.

54.
    Sur un plan plus général, la Commission estime ne pouvoir faire figurer dans sacommunication que les informations en sa possession au moment de la publicationet qui ne sont ni dénuées d'intérêt ni couvertes par le secret professionnel ou lesecret des affaires. Du reste, l'objectif d'une communication au titre de l'article 93,paragraphe 2, ne serait pas d'exprimer une opinion définitive, mais de soulever desquestions. Quant aux nombreuses informations qui, de l'avis des requérantes,auraient dû figurer dans la communication du 3 juin 1994, la Commission souligneque la plupart des points relevés étaient couverts par le secret des affaires ou nesoulevaient pas de doutes à l'égard desquels elle aurait eu besoin derenseignements supplémentaires.

55.
    En ce qui concerne le délai d'examen, la Commission rappelle que le projet d'aidelitigieux lui a été notifié le 18 mars 1994 et que la décision attaquée a été prise 131jours plus tard, le 27 juillet 1994. L'écart entre ces deux dates seraitapproximativement le même que dans des affaires similaires [décision 91/555/CEEde la Commission, du 24 juillet 1991, relative aux aides que le gouvernement belgeprévoit d'octroyer au transporteur aérien communautaire Sabena (JO L 300, p. 48,ci-après «décision Sabena»); décision 94/118/CE de la Commission, du 21décembre 1993, concernant l'octroi par l'Irlande d'une aide au groupe Aer Lingus

(JO 1994, L 54, p. 30, ci-après «décision Aer Lingus»); décision 94/698/CE de laCommission, du 6 juillet 1994, concernant une augmentation de capital, desgaranties de crédit et une exonération fiscale en faveur de la compagnie aérienneTAP (JO L 279, p. 29, ci-après «décision TAP»)]. Par ailleurs, le caractère normalde ce délai serait confirmé par l'article 10, paragraphe 3, du règlement (CEE)n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations deconcentration entre entreprises (JO L 395, p. 1, ci-après «règlement n° 4064/89»),selon lequel la décision déclarant une concentration notifiée compatible avec lemarché commun doit être prise dans un délai de quatre mois.

56.
    La Commission considère enfin qu'elle n'a aucune obligation juridique de s'adresserà des experts externes avant de prendre ses décisions.

Appréciation du Tribunal

Généralités

57.
    Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que le projet d'aide litigieux a étéofficiellement notifié par les autorités françaises à la Commission qui, ayant décidéd'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité, était tenue,avant de statuer sur ce projet, de mettre «les intéressés en demeure de présenterleurs observations».

58.
    Quant à la finalité de ce dernier passage dudit article 93, paragraphe 2, il convientde rappeler ensuite que, selon la jurisprudence de la Cour, cette disposition vise,d'une part, à obliger la Commission à faire en sorte que toutes les personnespotentiellement intéressées soient averties et reçoivent l'occasion de faire valoirleurs arguments (arrêt de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission,323/82, Rec. p. 3809, point 17) ainsi que, d'autre part, à permettre à la Commissiond'être complètement éclairée sur l'ensemble des données de l'affaire avant deprendre sa décision (arrêt de la Cour du 20 mars 1984, Allemagne/Commission,84/82, Rec. p. 1451, point 13).

59.
    En ce qui concerne plus particulièrement le devoir incombant à la Commissiond'informer les intéressés, la Cour a jugé que la publication d'un avis au Journalofficiel des Communautés européennes constitue un moyen adéquat en vue de faireconnaître à tous les intéressés l'ouverture d'une procédure (arrêtIntermills/Commission, précité, point 17), tout en précisant que «cettecommunication vise exclusivement à obtenir, de la part des intéressés, toutesinformations destinées à éclairer la Commission dans son action future» (arrêt dela Cour du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne, 70/72, Rec. p. 813, point 19).Le Tribunal a suivi cette jurisprudence qui impartit essentiellement aux intéressésle rôle de sources d'information pour la Commission dans le cadre de la procédureadministrative engagée au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité (arrêt duTribunal du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningen e.a./Commission, T-266/94,Rec. p. II-1399, point 256).

60.
    Il s'ensuit que les intéressés, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défensereconnus aux personnes à l'encontre desquelles une procédure est ouverte (voir,en ce sens, l'arrêt de la Cour du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds/Commission142/84 et 156/84, Rec. p. 4487, points 19 et 20, intervenu en matière deconcurrence, ainsi que l'arrêt de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission,C-142/87, Rec. p. I-959, point 46), disposent du seul droit d'être associés à laprocédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte descirconstances du cas d'espèce.

61.
    Or, l'étendue des droits à la participation et à l'information dont disposent lesintéressés dans le cadre de la procédure administrative engagée au titre de l'article93, paragraphe 2, du traité peut se voir restreinte à un double titre.

62.
    D'une part, lorsque — comme en l'espèce — un État membre notifie à laCommission un projet d'aide assorti de pièces justificatives et que les servicescompétents de la seconde ont ensuite une série d'entretiens avec les fonctionnairesdu premier, le niveau d'information de la Commission peut déjà avoir atteint undegré relativement élevé qui ne laisse subsister qu'un nombre réduit de doutessusceptibles d'être écartés par des renseignements fournis par les intéressés. Eneffet, en ce qu'il porte sur les détails du projet d'aide, sur la situation économique,financière et concurrentielle de l'entreprise bénéficiaire ainsi que sur lefonctionnement interne de celle-ci, le débat entre l'État membre et la Commissiona nécessairement un caractère plus approfondi que celui mené avec les partiesintéressées. Par conséquent, tout en fournissant aux intéressés des informationsgénérales sur les éléments essentiels du projet d'aide, la Commission peut se bornerà concentrer sa communication au Journal officiel sur les points du projet à l'égarddesquels elle nourrit encore certains doutes.

63.
    D'autre part, la Commission est tenue, en vertu de l'article 214 du traité, de ne pasdivulguer aux intéressés des informations qui, par leur nature, sont couvertes parle secret professionnel, telles que, notamment, des données relatives aufonctionnement interne de l'entreprise bénéficiaire. A cet égard, la situation desintéressés ne se distingue pas de celle des plaignants en matière de concurrencequi, selon la jurisprudence de la Cour, ne doivent pas recevoir communication desecrets d'affaires (arrêt BAT et Reynolds/Commission, cité au point 60 ci-dessus,point 21).

64.
    Le caractère restreint des droits à la participation et à l'information susmentionnés,en ce qu'ils concernent le seul déroulement de la procédure administrative, ne setrouve pas en contradiction avec le devoir qui incombe à la Commission, en vertude l'article 190 du traité, de pourvoir sa décision finale autorisant le projet d'aided'une motivation suffisante qui doit se prononcer sur tous les griefs essentiels queles intéressés, concernés directement et individuellement par cette décision, ontsoulevés soit spontanément, soit à la suite des informations communiquées par laCommission. Ainsi, à supposer même que la Commission puisse, dans un cas

d'espèce, valablement préférer exploiter d'autres sources d'information et réduire,par là même, l'importance de la participation des intéressés, cela ne la dispense pasde pourvoir sa décision d'une motivation adéquate (voir ci-après point 96).

65.
    C'est à la lumière des principes développés ci-dessus qu'il convient d'examiner lesprétendues irrégularités dont le déroulement de la procédure administrative auraitété entaché, étant entendu qu'il n'est pas contesté que les requérantes et les partiesintervenues au soutien de leurs conclusions ainsi que l'ACE qui, lors de laprocédure administrative devant la Commission, se sont opposées à uneautorisation du projet d'aide litigieux, doivent être considérées comme desintéressés au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, tel qu'il a été interprétépar la Cour dans son arrêt Intermills/Commission (cité au point 58 ci-dessus, point16).

La communication du 3 juin 1994

66.
    En ce qui concerne, en premier lieu, le caractère prétendument insuffisant de lacommunication du 3 juin 1994, il convient de relever que cette communicationexpose:

—    la situation économique et financière d'Air France qui a précédél'élaboration du projet d'aide, en particulier les plans de restructuration etles injections de capital antérieures, ainsi que ses pertes accumulées,

—    les «grandes lignes de force» du nouveau plan de restructuration,

—    le montant d'aide envisagé de 20 milliards de FF,

—    les principaux doutes exprimés par la Commission à ce stade de laprocédure, relatifs notamment aux gains de productivité d'Air France, à lastructure du groupe Air France, à la situation concurrentielle d'Air Franceet à l'éventualité de sa surcapitalisation.

Le Tribunal estime qu'une telle information était suffisante pour permettre auxintéressés de faire valoir utilement leurs arguments devant la Commission.

67.
    Dans la mesure où les requérantes dans l'affaire T-371/94 considèrent que l'unitéde mesure EPKT, le réseau aérien d'Air France et son futur développement, ainsique les raisons justifiant l'acquisition des 17 nouveaux avions, auraient égalementdû figurer dans la communication, la réponse de la Commission, selon laquelle ellen'éprouvait pas de doutes sur ces points spécifiques, suffit à justifier le silence dela communication à cet égard, lequel ne prive pas les requérantes du droit de faireexaminer par le Tribunal si la décision finale de la Commission comporte unemotivation suffisante au regard de ces éléments ou encore des erreurs manifestesd'appréciation ou de droit.

68.
    En ce qui concerne les griefs soulevés par la requérante dans l'affaire T-394/94quant à l'omission de communiquer les nombreux détails susmentionnés (voir ci-dessus point 44), c'est à juste titre que la Commission invoque le secret d'affairesqui lui interdisait de divulguer aux concurrents d'Air France des informationscommercialement sensibles de la compagnie aérienne. En particulier, le plan derestructuration — au stade antérieur à son approbation par la Commission et audébut de sa mise en oeuvre — contenait de telles informations, et il n'appartenaitévidemment pas aux concurrents d'évaluer, et de comparer avec leurs propresmesures de gestion, chacune des mesures de restructuration envisagées par AirFrance. Dans le cas contraire, les concurrents pourraient s'immiscer dans larestructuration interne d'Air France et essayer de «dicter» les mesures qui leursembleraient bonnes pour cette dernière, après avoir obtenu des informationsprécieuses sur leur concurrente. Cette analyse n'est pas contredite par le fait qued'autres intéressés, tels que l'ACE (p. 27, dernier alinéa, de ses observations), ontapparemment pu se procurer ce plan de restructuration. Cela ne peut pas amenerla Commission à violer l'article 214 du traité.

69.
    Il convient d'ajouter que les comptes annuels d'Air France pour 1993 ont étépubliés au Bulletin des annonces légales obligatoires du 17 juin 1994, à la page10207 (n° 319 du mémoire en intervention d'Air France dans l'affaire T-371/94),et étaient donc accessibles aux intéressés. Ceux-ci ne sauraient, par conséquent,reprocher à la Commission de ne pas avoir divulgué les chiffres définitifs dans sacommunication du 3 juin et d'avoir pris sa décision finale sans connaissance de cesdonnées.

70.
    Enfin, le reproche adressé à la Commission, de ne pas s'être procurée desinformations essentielles avant l'adoption de sa décision finale et de ne pas avoirsuffisamment vérifié tous les aspects pertinents de l'affaire, se réduit à de simplesaffirmations et suppositions générales qui ne sont étayées par aucune preuveconcrète. La Commission pouvait donc se limiter à répondre qu'elle avaiteffectivement obtenu toutes les informations utiles et nécessaires qui ont fait l'objetd'une vérification approfondie de sa part. Par ailleurs, ce grief vise, en réalité, nonpas le stade de la communication du 3 juin 1994, mais celui, ultérieur, de ladécision attaquée. Il en va de même des deux derniers griefs soulevés par larequérante dans l'affaire T-394/94 (voir ci-dessus point 44) qui constituent, envérité, des griefs dirigés, au titre de la motivation et de l'appréciation quant aufond, contre la légalité de la décision attaquée. Par conséquent, ils seront examinésci-après dans un contexte différent.

Le délai d'examen

71.
    Les requérantes considèrent que, eu égard à la complexité du projet d'aide litigieux,le délai que la Commission s'est octroyé pour l'examiner avant d'adopter ladécision attaquée était trop court. A cet égard, il convient de relever, tout d'abord,qu'aucun texte du traité ou de la législation communautaire ne prévoit que les

décisions en matière d'aides d'État, adoptées au terme de la procédure au titre del'article 93, paragraphe 2, du traité, doivent respecter un délai fixe. Par ailleurs, àsupposer que la Commission ait agi avec une trop grande précipitation et ne se soitpas donné suffisamment de temps pour examiner le projet litigieux, un telcomportement ne saurait justifier, à lui seul, l'annulation de la décision attaquée.Une annulation présupposerait plutôt que ledit comportement se traduise par uneviolation de règles spécifiques de procédure, du devoir de motivation ou de lalégalité interne de la décision attaquée. Par conséquent, sans qu'il soit nécessairede se prononcer sur la pertinence de la pratique décisionnelle de la Commissionen matière de concentrations, il convient de rejeter ce grief.

Les experts extérieurs

72.
    Le reproche adressé à la Commission de ne pas avoir eu recours à des expertsextérieurs pour élaborer la décision attaquée est manifestement dépourvu defondement, aucune disposition du traité ou de la législation communautairen'imposant à la Commission une telle obligation. Il y a lieu d'ajouter que, en toutétat de cause, la Commission disposait d'un niveau relativement élevéd'informations dans le domaine du transport aérien avant l'adoption de la décisionattaquée. A cet égard, il convient de rappeler que la Commission s'était déjàfamiliarisée avec la situation du transport aérien, laquelle faisait l'objet notammentdu rapport «Expanding Horizons» publié au début de 1994 par le «comité dessages», du programme «L'aviation civile européenne vers des horizons meilleurs»,ainsi que des publications de l'International Air Transport Association (IATA) etde l'Association of European Airlines (AEA). En outre, la Commission avaitadopté d'autres décisions dans le secteur du transport aérien, telles que lesdécisions Sabena, Aer Lingus et TAP (précitées au point 55). Enfin, aucun élémentspécifique du cas d'espèce n'indique que la Commission ait eu besoin d'expertsextérieurs.

L'erreur de traduction

73.
    L'erreur figurant dans le texte français de la communication du 3 juin 1994, relevéepar les requérantes dans l'affaire T-371/94, est tellement manifeste que les milieuxinitiés du secteur aérien pouvaient facilement s'en rendre compte. En effet, il estévident que les titres d'un emprunt ne peuvent pas, d'après les principescomptables, être transférés «du passif vers l'actif» («from the side of the debts intothe equity», selon le texte anglais de la communication), mais que leur qualificationdoit être opérée à l'intérieur du seul passif, où ils constituent soit des fondspropres, soit des dettes.

74.
    En tout état de cause, la Commission a expressément relevé, dans ce passage desa communication, qu'elle devait encore examiner en profondeur la classificationdes titres en cause. Il en résulte que l'appréciation de la Commission n'était pasencore définitive, et cela également au regard du point faussé par l'erreursusmentionnée. Cette erreur ne saurait donc affecter la légalité de la procédure

administrative, la question décisive dans ce contexte étant uniquement de savoir sila décision finale a encore été affectée par cette erreur, ce qui n'a même pas étéallégué par les parties requérantes.

La participation des autres États membres

75.
    Le moyen tiré par le royaume de Danemark, de ce que la Commission aurait dûtransmettre aux autres États membres la réponse du gouvernement français à lacommunication du 3 juin 1994, doit être rejeté comme irrecevable, dès lors qu'il n'apas été soulevé par les requérantes. En effet, les parties intervenantes devant, envertu de l'article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure, accepter le litigedans l'état où il se trouve lors de leur intervention, et les conclusions de leurrequête en intervention ne pouvant avoir, en vertu de l'article 37, quatrième alinéa,du statut (CE) de la Cour, d'autre objet que le soutien des conclusions de l'une desparties principales, le royaume de Danemark en tant que partie intervenante n'adonc pas qualité pour soulever ce moyen (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour du 24mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313/90, Rec. p. I-1125, points 19 à 22).

76.
    En tout état de cause, le texte de l'article 93 du traité n'oblige pas la Commissionà transmettre aux autres États membres les observations qu'elle a reçues de la partdu gouvernement de l'État qui demande l'autorisation d'octroyer une aide. Aucontraire, il ressort de l'article 93, paragraphe 2, troisième alinéa, du traité que lesautres États membres ne sont impliqués dans un dossier d'aide spécifique qu'auseul cas où ce dossier, sur demande de l'État intéressé, est porté devant le Conseil.

Conclusions

77.
    Il résulte de ce qui précède que la procédure de l'article 93, paragraphe 2, dutraité, qui s'est déroulée en l'espèce, n'est entachée d'aucun vice, de sorte que lesmoyens y afférents doivent être rejetés.

II — Sur les moyens tirés d'erreurs d'appréciation et d'erreurs de droit que laCommission aurait commises en violation de l'article 92, paragraphe 3, sous c), dutraité et de l'article 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE

Généralités

78.
    Dans la décision attaquée, la Commission a examiné la légalité de l'aide litigieuseau regard de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité et de l'article 61,paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE. Dans le cadre de cet examen, elle aconstaté qu'une véritable restructuration d'Air France serait conforme à l'intérêtcommun, que le montant de l'aide ne semblait pas excessif et que l'aide n'affectaitpas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

79.
    Il est de jurisprudence constante que la Commission jouit d'un large pouvoird'appréciation dans l'application de l'article 92, paragraphe 3, du traité (voir, parexemple, les arrêts de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission,730/79, Rec. p. 2671, points 17 et 24, du 24 février 1987, Deufil/Commission,310/85, Rec. p. 901, point 18, et du 14 février 1990, France/Commission, C-301/87,Rec. p. I-307, point 49). Dès lors que ce pouvoir discrétionnaire implique desappréciations complexes d'ordre économique et social, le contrôle juridictionneld'une décision prise dans ce cadre doit se limiter à vérifier le respect des règles deprocédure et de motivation, l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer lechoix contesté, l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ainsique l'absence de détournement de pouvoir (arrêt de la Cour du 29 février 1996,Belgique/Commission, C-56/93, Rec. p. I-723, point 11, et jurisprudence citée). Enparticulier, il n'appartient pas au Tribunal de substituer son appréciationéconomique à celle de l'auteur de la décision (arrêt de la Cour du 15 juin 1993,Matra/Commission, C-225/91, Rec. p. I-3203, point 23). Le Tribunal estime quecette jurisprudence est tout aussi pertinente pour l'examen au titre de l'article 61,paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE.

80.
    En l'espèce, la Commission souligne qu'une partie des griefs soulevés par lesrequérantes repose sur des événements postérieurs à l'adoption de la décisionattaquée. Les requérantes rétorquent que certains de ces événements postérieurss'inscrivent dans une suite ininterrompue de faits dont la Commission aurait dûavoir connaissance. Par ailleurs, certains faits postérieurs illustreraient clairementles commentaires que les requérantes avaient présentés dans le cadre de laprocédure administrative.

81.
    A cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d'un recours en annulationen vertu de l'article 173 du traité, la légalité d'un acte communautaire doit êtreappréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l'actea été adopté (arrêts de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et16/76, Rec. p. 321, point 7, et du Tribunal du 15 janvier 1997, SFEIe.a./Commission, T-77/95, Rec. p. II-1, point 74) et ne saurait dépendre deconsidérations rétrospectives concernant son degré d'efficacité (arrêt de la Cour du7 février 1973, Schroeder, 40/72, Rec. p. 125, point 14). En particulier, lesappréciations complexes portées par la Commission ne doivent être examinéesqu'en fonction des seuls éléments dont celle-ci disposait au moment où elle les a effectuées (arrêts de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec.p. 2263, point 16, et du 26 septembre 1996, France/Commission, C-241/94, Rec.p. I-4551, point 33).

82.
    C'est à la lumière des principes susmentionnés qu'il convient de procéder àl'examen des moyens et arguments de fond soulevés en l'espèce par lesrequérantes, lesquels mettent en cause l'appréciation du caractère proportionné del'aide, l'appréciation de l'impact de l'aide sur le secteur de l'aviation civile de l'EEEet l'appréciation du caractère approprié du plan de restructuration accompagnantl'aide litigieuse.

Quant aux griefs tirés d'une violation du principe de proportionnalité applicable enmatière d'aides d'État

83.
    Par ces griefs, les requérantes et les parties intervenues au soutien de leursconclusions reprochent à la Commission d'avoir autorisé une aide d'un montantexcessif par rapport aux besoins de la restructuration d'Air France. Ces griefsreposent, en substance, sur l'arrêt Philip Morris/Commission (cité au point 79 ci-dessus, point 17), dans lequel la Cour a jugé qu'il ne saurait être permis aux Étatsmembres d'effectuer des versements qui apporteraient une amélioration de lasituation de l'entreprise bénéficiaire de l'aide «sans être nécessaires pour atteindreles buts prévus par l'article 92, paragraphe 3».

A — Sur le grief pris de ce que la Commission aurait autorisé à tort l'achat par AirFrance de 17 nouveaux avions

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

84.
    Les requérantes estiment qu'il était disproportionné d'approuver une aide dontl'objectif était de permettre à Air France d'acheter 17 avions neufs. La Commissionaurait eu manifestement tort de conclure que le montant de l'aide ne pouvait pasêtre diminué par l'annulation ou le report de la commande passée par Air Francepour un montant de 11,5 milliards de FF. En effet, le coût de la nécessairerénovation périodique de la flotte serait un investissement en biens d'équipementet ferait, en principe, partie des frais d'exploitation normaux d'une compagnieaérienne. Ce type de rénovation devrait être effectué sans aide d'État. En tout étatde cause, l'achat de nouveaux appareils n'aurait pas été indispensable pour AirFrance.

85.
    Les requérantes dans l'affaire T-371/94 reprochent à la Commission, en outre,d'avoir fourni une motivation insuffisante sur ce point, bien qu'elle ait été informée,au cours de la procédure administrative, que l'achat de 17 nouveaux avions n'étaitpas un élément essentiel du plan de restructuration d'Air France et devait doncêtre annulé. La Commission n'aurait pas sérieusement examiné les commentairessoumis en réponse à sa communication du 3 juin 1994 par les tiers. La requérantedans l'affaire T-394/94 et les parties intervenantes Maersk soutiennent, de manièregénérale, que la Commission a négligé de pourvoir la décision attaquée d'unemotivation adéquate, en omettant, notamment, de dûment tenir compte desobservations détaillées soumises par les tiers au cours de la procédureadministrative.

86.
    La Commission souligne qu'il était nécessaire pour Air France d'acquérir les 17nouveaux appareils. A cet égard, elle rappelle le texte de la décision attaquée,selon lequel les coûts d'exploitation élevés d'Air France tenaient en partie àl'hétérogénéité de sa flotte, dont la rationalisation était donc prévue dans le plande restructuration (JO p. 75 et 76). Ce plan, loin de rajeunir la flotte d'Air France,

ne ferait que ralentir son vieillissement. Par ailleurs, les nouveaux avions à réactionconsommeraient sensiblement moins de carburant, seraient conformes auxréglementations en matière de protection de l'environnement, et leurs coûts deréparation et de maintenance seraient peu élevés. Enfin, ils présenteraientdavantage d'attrait pour les passagers.

87.
    Quant à son obligation de motivation, la Commission considère que la décisionattaquée est conforme aux dispositions de l'article 190 du traité. En effet, il seraitsuffisant d'expliciter, dans une décision, les principaux points de droit et de fait luiservant de support et nécessaires pour rendre compréhensible le raisonnement quia déterminé la Commission (arrêt de la Cour du 4 juillet 1963,Allemagne/Commission, 24/62, Rec. p. 129, 143). Il ne serait pas exigé qu'ellediscute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par chaque intéresséau cours de la procédure administrative (voir, par exemple, l'arrêt de la Cour du29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec.p. 3125, point 66). Enfin, l'exigence de motivation devrait être appréciée enfonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de lanature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires peuvent avoir àrecevoir des explications. La Commission estime que les conditions établies par lajurisprudence susmentionnée ont été pleinement respectées par la décisionattaquée, qui expose sur 17 pages du Journal officiel tous les éléments de fait etde droit pertinents qui entourent la présente affaire et qui résume également lesobjections soulevées par les tiers au cours de la procédure administrative. LaCommission nie notamment ne pas avoir tenu compte des observations soumiseslors de la procédure administrative. Ces observations auraient été dûmentexaminées et transmises pour commentaires aux autorités françaises.

Appréciation du Tribunal

88.
    Au vu des griefs soulevés par les requérantes, le Tribunal estime qu'il convient devérifier, en premier lieu, si la décision attaquée est pourvue d'une motivationsuffisante en ce qui concerne l'autorisation de l'achat, par Air France, de 17nouveaux avions. A cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d'abord, que, comptetenu de la jurisprudence constante, selon laquelle tout éventuel défaut demotivation peut être soulevé d'office (arrêts de la Cour du 20 mars 1959,Nold/Haute Autorité, 18/57, Rec. p. 89, 115, et du 20 février 1997,Commission/Daffix, C-166/95 P, Rec. p. I-983, points 24 et 25, ainsi que du Tribunaldu 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, T-61/89, Rec. p. II-1931,point 129), le Tribunal a invité les requérantes et les parties intervenues au soutiende leurs conclusions à déposer les observations qu'elles avaient introduites auprèsde la Commission au cours de la procédure administrative en qualité d'intéresséesau sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, pour autant que ces observationsn'aient pas encore été versées au dossier (voir ci-dessus point 33).

89.
    Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, la motivation exigée parl'article 190 du traité doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le

raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon àpermettre au juge communautaire d'exercer son contrôle et aux intéressés deconnaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits (voirl'arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350/88, Rec.p. I-395, point 15, et la jurisprudence citée).

90.
    En ce qui concerne la notion d'«intéressés» au sens de la jurisprudence précitée,la Cour a jugé, dans une affaire concernant une décision de la Commission portantrefus d'autoriser un projet d'aide conçu par un État membre en faveur d'uneentreprise nationale, que l'exigence de motivation doit être appréciée en fonctionnotamment de l'intérêt que les destinataires «ou d'autres personnes concernéesdirectement et individuellement» par l'acte attaqué, au sens de l'article 173 dutraité, peuvent avoir à recevoir des explications (arrêt de la Cour du 13 mars 1985,Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 296/82 et 318/82, Rec.p. 809, point 19).

91.
    La Cour a ensuite précisé qu'une entreprise qui est en concurrence avecl'entreprise bénéficiaire de l'aide doit être considérée comme «intéressée» au sensde l'article 93, paragraphe 2, du traité et regardée, en cette qualité, commedirectement et individuellement concernée par la décision de la Commission quia autorisé le versement de l'aide en cause. Ce faisant, la Cour a aussi rappelé queles intéressés, au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, avaient déjà étédéfinis comme les personnes, entreprises ou associations éventuellement affectéesdans leurs intérêts par l'octroi d'une aide d'État, c'est-à-dire notamment lesentreprises concurrentes et les organisations professionnelles (arrêt de la Cour du19 mai 1993, Cook/Commission, C-198/91, Rec. p. I-2487, points 24 à 26, et lajurisprudence citée).

92.
    Il s'avère donc que l'exigence de motivation d'une décision prise en matière d'aidesd'État ne saurait être déterminée en fonction de l'intérêt d'information du seul Étatmembre auquel cette décision est adressée. En effet, dans un cas où l'État membrea obtenu de la Commission ce qu'il sollicitait, à savoir l'autorisation de son projetd'aide, son intérêt à se voir adresser une décision motivée, à la différence de celuides concurrents du bénéficiaire de l'aide, peut n'être que très réduit, en particulierlorsqu'il a reçu, au cours des négociations avec la Commission et notamment àtravers la correspondance échangée avec cette dernière antérieurement à l'adoptionde la décision d'autorisation, des renseignements suffisants.

93.
    En l'espèce, il est constant que les parties requérantes, les parties intervenantesMaersk et l'ACE sont des intéressées au sens de l'article 93, paragraphe 2, dutraité, et que la décision attaquée les concerne directement et individuellement ausens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, étant donné que leur position surle marché est substantiellement affectée par la mesure d'aide autorisée par ladécision attaquée (arrêt de la Cour du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission,169/84, Rec. p. 391, point 25).

94.
    Selon une jurisprudence constante, la question de savoir si la motivation d'unedécision satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée auregard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que del'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt Delacree.a./Commission, cité au point 89 ci-dessus, point 16, et la jurisprudence citée). Sila Commission n'est pas tenue de répondre, dans la motivation d'une décision, àtous les points de fait et de droit invoqués par les intéressés au cours de laprocédure administrative (arrêt de la Cour du 17 janvier 1995, PublishersAssociation/Commission, C-360/92 P, Rec. p. I-23, point 39), elle doit néanmoinstenir compte de toutes les circonstances et de tous les éléments pertinents du casd'espèce (arrêt de la Cour du 24 octobre 1996, Allemagne e.a./Commission,C-329/93, C-62/95 et C-63/95, Rec. p. I-5151, point 32, ci-après «arrêt BremerVulkan/Commission»), afin de permettre au juge communautaire d'exercer soncontrôle de légalité et de faire connaître, tant aux États membres qu'auxressortissants intéressés, les conditions dans lesquelles elle a fait application dutraité (arrêt Publishers Association/Commission, précité, point 39).

95.
    Il convient d'ajouter que la Commission a adopté la décision attaquée enapplication de l'article 92, paragraphe 3, du traité, c'est-à-dire dans un domaine oùelle jouit d'un large pouvoir d'appréciation (voir ci-dessus point 79). La Cour ayantjugé que le pouvoir discrétionnaire de la Commission s'accompagne de l'obligationd'examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d'espèce(arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München,C-269/90, Rec. p. I-5469, point 14), le contrôle de cette obligation exige unemotivation suffisamment précise pour permettre au juge de s'assurer qu'elle a étérespectée.

96.
    Il y a donc lieu de vérifier si la motivation de la décision attaquée fait apparaître,de façon claire et non équivoque, le raisonnement de la Commission, au vunotamment des griefs essentiels pour l'évaluation du projet d'aide litigieux, telsqu'ils ont été portés à la connaissance de la Commission, lors de la procédureadministrative, par les compagnies British Airways, TAT, Koninklijke LuchtvaartMaatschappij (ci-après «KLM»), SAS, Air UK, Euralair et British Midland, ainsique par l'ACE, au nom notamment d'Euralair et de Maersk, par le royaume deDanemark, le Royaume-Uni, le royaume de Suède et le royaume de Norvège (ci-après «parties intéressées»).

97.
    A la lecture de l'ensemble des observations déposées devant le Tribunal, il s'avèreque certaines de ces parties avaient notamment insisté, devant la Commission, surle caractère inacceptable de l'achat de 17 nouveaux avions, pour 11,5 milliards deFF, prévu dans le plan de restructuration. Toutes les compagnies aériennes nonsubventionnées, confrontées à la crise de surcapacité, ayant dû annuler ou reporter,au début des années 90, les commandes de nouveaux avions, Air France nepourrait échapper à une telle obligation. La décision d'investir 11,5 milliards de FFdans l'acquisition d'avions augmenterait les besoins en capital additionnel et doncles dettes d'Air France. Vu sa situation financière désastreuse, il ne serait pas

justifié d'utiliser les recettes de la vente d'autres actifs pour un tel financement.Afin d'assurer l'homogénéisation de la flotte d'Air France, prévue dans le plan derestructuration, il conviendrait plutôt de transformer les avions existants.

98.
    En particulier la compagnie TAT (observations, p. 18) et le Royaume-Uni(observations, p. 6) ont souligné que l'investissement que constitue l'achat de 17nouveaux avions concernait les activités opérationnelles à court terme d'Air France,et non pas sa restructuration. Il s'agirait d'une modernisation normale destinée àmaintenir la compétitivité de la compagnie. Or, une telle mesure devrait êtrefinancée par les ressources propres d'une entreprise et non par une aide d'État. Enl'espèce, il serait inévitable que, contrairement aux exigences de la jurisprudenceet de la pratique décisionnelle de la Commission, l'aide litigieuse soit utilisée pourfinancer l'achat de ces avions. Cette aide devrait être qualifiée d'aide aufonctionnement, non conforme aux exigences de l'article 92, paragraphe 3, sous c),du traité. Dans ce contexte, il a été renvoyé aux arrêts de la CourDeufil/Commission (cité au point 79 ci-dessus) et du 8 mars 1988, Exécutif régionalwallon et Glaverbel/Commission (62/87 et 72/87, Rec. p. 1573), ainsi qu'à ladécision 90/70/CEE de la Commission, du 28 juin 1989, concernant des aidesaccordées par la France à certaines entreprises sidérurgiques de premièretransformation de l'acier (JO 1990, L 47, p. 28).

99.
    A cet égard, le Tribunal constate que la Commission relève, dans la décisionattaquée, que l'un des handicaps du groupe Air France est l'hétérogénéité de saflotte, qui se compose d'un trop grand nombre d'aéronefs différents (24 types ouversions différents), cette hétérogénéité étant l'un des facteurs d'alourdissement descoûts d'exploitation (les coûts de maintenance étant particulièrement élevés enraison du grand nombre des pièces de rechange différentes nécessaires et desdisparités dans les qualifications des personnels navigant et au sol). Au 31décembre 1993, le groupe aurait disposé d'une flotte de 208 avions (la flotte enexploitation d'Air France se composant de 145 appareils) d'un âge moyen de 8,6ans (JO p. 75).

100.
    Quant aux «grandes lignes de force» du plan de restructuration, la Commissionexpose qu'il est prévu de ramener de 22 à 17 le nombre d'avions livrables durantla période de restructuration. L'investissement correspondant s'établirait ainsi à11,5 milliards de FF (JO p. 75). Pour ce qui est des capitaux nécessaires à cetinvestissement, la Commission prend acte du report des commandes qui fait passer,à la fin de la période de restructuration, l'âge moyen de la flotte à 9,3 ans environ.Tout retard supplémentaire dans le renouvellement de la flotte ne feraitqu'augmenter encore ce chiffre et risquerait de mettre à mal la compétitivité d'AirFrance et la viabilité de sa restructuration (JO p. 82).

101.
    Dans le cadre de l'examen de la proportionnalité de l'aide par rapport aux besoinsde la restructuration (JO p. 83), la Commission considère qu'Air France a, si l'onfait abstraction de l'aide, trois possibilités d'améliorer elle-même sa situation

financière, l'une consistant à différer ses commandes d'avions. Or, la compagnieayant déjà différé certaines commandes, de nouveaux reports feraient monter l'âgemoyen de la flotte à plus de 10 ans, âge trop élevé pour une compagnie quicherche à retrouver toute sa vigueur concurrentielle (JO p. 85).

102.
    Le Tribunal estime que cet exposé des motifs fait apparaître, de façon claire et nonéquivoque, les raisons pour lesquelles la Commission considère qu'il estindispensable, dans le cas spécifique d'Air France, de procéder à l'achat de 17nouveaux avions. La motivation comporte les points justificatifs qualifiés d'essentielspar la Commission, à savoir la nécessité pour Air France de disposer d'une flotted'un âge moyen raisonnable, la circonstance que le nombre d'avions à acquérir neconstitue qu'une fraction du nombre initialement envisagé et le fait quel'investissement prévu servira à homogénéiser la flotte d'Air France et se solderadonc par une réduction des coûts d'exploitation. Ainsi, la Commission a, en mêmetemps, donné une réponse suffisante au premier volet des observations présentéespar les parties intéressées lors de la procédure administrative.

103.
    Au titre du second volet de leurs observations, les parties intéressées ont qualifiéune partie de l'aide litigieuse d'aide au fonctionnement interdite par lajurisprudence, en ce qu'elle visait à financer des activités purement opérationnellesd'Air France, à savoir la rénovation des avions de sa flotte en tant que biensd'équipement.

104.
    A cet égard, il convient de constater que, dans son arrêt Deufil/Commission (citéau point 79 ci-dessus), la Cour a approuvé la Commission, en ce qu'elle avaitconsidéré qu'un investissement consacré à une modernisation normale destinée àmaintenir la compétitivité d'une entreprise devait être financé sur les ressourcespropres de l'entreprise, et non pas par une aide d'État (points 16 à 19). Dans sonarrêt Exécutif régional wallon et Glaverbel/Commission (cité au point 98 ci-dessus),la Cour a estimé que les considérations développées par la Commission, selonlesquelles un investissement ayant pour but la rénovation et la modernisationtechnologique d'une ligne de production, laquelle doit intervenir régulièrement, nepouvait être considéré comme étant destiné à faciliter le développement decertaines activités économiques au sens de l'article 92, paragraphe 3, sous c), dutraité, constituaient une ligne de raisonnement compréhensible et ressortissaient àson pouvoir d'appréciation (points 31, 32 et 34).

105.
    Les parties intéressées, en se référant à cette jurisprudence, ont souligné que lemontant de l'aide autorisé risquait de devenir excessif dès lors qu'une partie decelle-ci n'était pas affectée à la restructuration d'Air France proprement dite. Or,dans son arrêt Philip Morris/Commission (cité au point 79 ci-dessus, point 17), laCour a jugé qu'il n'était pas permis aux États membres d'effectuer des versementsqui apporteraient une amélioration de la situation de l'entreprise bénéficiaire «sansêtre nécessaires pour atteindre les buts prévus par l'article 92, paragraphe 3».

106.
    Dès lors, les parties intéressées ont relevé l'éventualité d'une erreur de droit, enl'occurence une violation du principe de proportionnalité spécifiquement consacréen matière d'aides d'État par l'article 92, paragraphe 3, du traité. Le Tribunalestime qu'il s'agissait là d'un grief essentiel pour l'évaluation du projet d'aidelitigieux. La Commission était donc tenue d'y répondre dans les motifs de ladécision attaquée.

107.
    A cet égard, il y a lieu de constater que la Commission considère, dans la décisionattaquée, que l'investissement dans le renouvellement de la flotte est nécessaire àla viabilité de la restructuration d'Air France (JO p. 82) et que le report descommandes de nouveaux avions ferait monter l'âge moyen de la flotte d'Air Franceà plus de 10 ans, âge trop élevé pour une compagnie qui vise à retrouver toute savigueur concurrentielle (JO p. 85). L'investissement dans le renouvellement de laflotte d'un montant de 11,5 milliards de FF, qui figure dans les «grandes lignes deforce» du plan de restructuration (JO p. 75), est ainsi considéré par la Commissioncomme faisant partie intégrante de la restructuration d'Air France.

108.
    Devant le Tribunal, la Commission a d'ailleurs confirmé ce point de vue endéclarant que l'acquisition de 17 nouveaux avions était justifiée «dans le cadre dela mise en oeuvre du projet» (n° 40 de la duplique dans l'affaire T-371/94). Enoutre, selon le rapport Ernst & Young présenté par la Commission (annexe 2 aumémoire en défense dans l'affaire T-371/94), l'achat des avions était «un élémentintégral du programme visant à rationaliser la flotte [...], cet investissementconstituant un élément clé du plan» (p. 22, n° 22 du rapport).

109.
    En ce qui concerne les modalités de financement de cet investissement, la décisionattaquée indique que la mise en oeuvre du plan de restructuration sera financéepar l'augmentation de capital et la cession d'actifs hors métiers de base, dont AirFrance espère retirer quelque 7 milliards de FF, à savoir notamment la vente d'uncertain nombre d'avions, qui devrait rapporter quelque 4,1 milliards de FF, ainsique la cession d'un stock de pièces de rechange (1,2 milliard de FF), d'un bâtiment(0,4 milliard de FF) et de la chaîne hôtelière Méridien (JO p. 76). La décisionattaquée ajoute que les autorités françaises se sont engagées à ce que, pendant ladurée du plan, l'aide soit exclusivement utilisée par Air France pour les finalités dela restructuration de la compagnie (JO p. 78 et 79).

110.
    Dans son évaluation de la viabilité du plan de restructuration, la Commissiondéclare que l'aide en question vise à financer la mise en oeuvre du plan et àrestructurer les finances d'Air France (JO p. 82). En résumé, elle est convaincueque l'aide accordée à Air France est à la fois nécessaire et appropriée pour donnerà la compagnie les moyens de mener à bien son plan de restructuration et deretrouver sa viabilité (JO p. 86). Enfin, la condition d'autorisation n° 6 impose auxautorités françaises de veiller «à ce que [...] l'aide soit exclusivement utilisée parAir France pour les finalités de la restructuration de la compagnie» (JO p. 89).

111.
    Ainsi qu'il ressort de ces motifs, la décision attaquée considère que l'aide d'Étatlitigieuse, si elle sert à réduire l'endettement d'Air France, vise aussi à financer laréalisation du plan de restructuration, cofinancée par la cession d'actifs. Or, laCommission estime, en même temps, que l'investissement dans le renouvellementde la flotte constitue lui-même un élément indispensable de la restructuration d'AirFrance. Il apparaît donc que la décision attaquée admet que l'aide sert à financerl'investissement dans la flotte comportant l'achat de 17 nouveaux avions. En toutétat de cause, la décision n'interdit pas que l'aide puisse être utilisée, au moinspartiellement, pour financer cet investissement. En effet, le seul moyen financierautonome d'Air France destiné à contribuer au financement de cet investissement,à savoir la cession d'actifs, n'est censé rapporter que 7 milliards de FF, alors quele coût de l'investissement en cause s'élève à 11,5 milliards de FF.

112.
    Bien qu'un tel achat, accompagné de la cession d'anciens avions, constituemanifestement une modernisation de la flotte d'Air France, la décision attaquée nese prononce pas sur la pertinence, affirmée par les parties intéressées, de lajurisprudence Deufil/Commission et Exécutif régional wallon etGlaverbel/Commission (citée aux points 79 et 98 ci-dessus). La Commission s'estainsi abstenue de préciser si elle tolérait, à titre exceptionnel, le financement encause parce qu'elle considérait ladite jurisprudence comme dénuée de pertinencedans les circonstances particulières du cas d'espèce ou si elle entendait se départirdu principe même posé par cette jurisprudence.

113.
    Une prise de position de la Commission en la matière aurait été d'autant plusnécessaire que sa propre pratique décisionnelle traduit l'opposition de principe àtoutes les aides au fonctionnement, destinées à financer la modernisation normaledes installations. En effet, la Commission estime que les investissements destinésà une telle modernisation ne peuvent pas être considérés comme unerestructuration et doivent donc être financés sur les ressources propres desentreprises concernées, sans intervention étatique [décision 85/471/CEE de laCommission, du 10 juillet 1985, relative à une aide accordée par le gouvernementallemand à un producteur de fils de polyamide et de polypropylène installé àBergkamen (JO L 278 p. 26, 29) ; décision 89/228/CEE de la Commission, du 30novembre 1988, relative au décret-loi n. 370/87, du gouvernement italien, du 7septembre 1987, converti en loi n. 460, du 4 novembre 1987, relative à laproduction et à la commercialisation et portant notamment nouvelles normes enmatière de production et de commercialisation des produits viti-vinicoles (JO 1989,L 94, p. 38, 41) ; décision 92/389/CEE de la Commission, du 25 juillet 1990, relativeaux aides d'État prévues par les décrets-lois n. 174 du 15 mai 1989 et n. 254 du 13juillet 1989, ainsi que par le projet de loi n. 4230 portant régularisation des effetsproduits par les décrets-lois susmentionnés (JO 1992, L 207, p. 47, 51)].

114.
    Il s'ensuit que les motifs de la décision attaquée ne font pas apparaître que laCommission a effectivement examiné si — et, dans l'affirmative, pour quellesraisons — la modernisation de la flotte d'Air France pouvait être partiellementfinancée par une aide destinée à la restructuration de la compagnie, et cela

contrairement à la jurisprudence susmentionnée et à sa propre pratiquedécisionnelle.

115.
    Cette constatation n'est pas infirmée par les précisions que la République françaiseet Air France ont apportées devant le Tribunal au sujet des investissementsaéronautiques de 11,5 milliards de FF prévus dans le plan de restructuration. Dansla mesure où ces parties intervenantes ont indiqué que la somme de 11,5 milliardsde FF était fractionnée en trois parties, à savoir 7,6 milliards pour l'achat de 17avions, 3 milliards pour l'achat de pièces de rechange et 0,9 milliard pour destravaux aéronautiques, il est évident que les travaux aéronautiques et les pièces derechange servent, au même titre que les nouveaux avions, à la modernisation de lacompagnie.

116.
    Il est vrai que la Commission a fait valoir ultérieurement, au cours de la présenteprocédure, que l'aide litigieuse était destinée au seul désendettement d'Air Franceet non pas à l'achat des 17 nouveaux avions, l'investissement dans la flotte devantêtre financé exclusivement par les recettes d'exploitation d'Air France. Il y atoutefois lieu de constater que ce raisonnement, développé par les agents de laCommission devant le Tribunal, non seulement ne figure pas dans la décisionattaquée, mais est même contredit par les motifs de celle-ci, selon lesquels l'aideétait destinée à financer, au moins partiellement, la mise en oeuvre du plan derestructuration qui comportait la modernisation de la flotte d'Air France. Or, ainsique la Cour l'a jugé dans son arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a.(C-137/92 P, Rec. p. I-2555, points 66 à 68), le dispositif et les motifs d'unedécision, qui doit être obligatoirement motivée en vertu de l'article 190 du traité,constituent un tout indivisible, de sorte qu'il appartient uniquement au collège desmembres de la Commission, en vertu du principe de collégialité, d'adopter à la foisl'un et les autres, toute modification des motifs dépassant une adaptation purementorthographique ou grammaticale étant du ressort exclusif du collège.

117.
    Ces considérations basées sur le principe de collégialité sont tout aussi pertinentespour la décision attaquée en l'espèce, qui devait également être motivée en vertude l'article 190 du traité, et par laquelle le collège des membres de la Commissionexerçait le pouvoir discrétionnaire qui lui est réservé, à l'exclusion de toute autreinstance, dans l'application de l'article 92, paragraphe 3, du traité. Il s'ensuit quel'argumentation présentée par les agents de la Commission devant le Tribunal nesaurait être retenue (voir, en ce sens, également l'arrêt BremerVulkan/Commission, cité au point 94 ci-dessus, points 47 et 48).

118.
    Il en va de même, et à plus forte raison, en ce qui concerne les explicationsfournies devant le Tribunal par les parties intervenues au soutien de laCommission, Air France et la République française, qui soulignent que,premièrement, il était impossible d'annuler ou de reporter les commandes des 17nouveaux avions parce qu'il s'agissait d'engagements contractuels fermes dont lenon-respect aurait entraîné l'imposition de pénalités, deuxièmement, parmi les 34

avions dont la revente était prévue dans le plan de restructuration, sept étaient neufs de sorte que les recettes de leur revente correspondraient à sept avions neufsnon encore acquis, troisièmement, sur les 17 nouveaux avions, sept seraientimmédiatement revendus sans mise en ligne et, quatrièmement, le total desressources d'exploitation d'Air France aurait été fixé à 19,2 milliards de FF dansle plan de restructuration, de sorte que ces ressources auraient été suffisantes pourcouvrir les dépenses d'investissement dans le renouvellement de sa flotte. Cesaffirmations ne sont pas couvertes par le principe de collégialité et ne sauraientdonc pallier le défaut de motivation dont la décision attaquée est entachée.

119.
    Il convient d'ajouter, à titre surabondant, que les explications fournies devant leTribunal, selon lesquelles l'application des mesures prévues par le plan derestructuration devait dégager une marge brute d'autofinancement permettant à AirFrance de faire face à ses frais d'exploitation et d'investissement, à les supposerrecevables, seraient en tout état de cause contredites par les motifs de la décisionattaquée, dont il ressort que l'équilibre financier et la rentabilité d'Air France nedevraient être rétablis qu'à la fin de 1996 (JO p. 75).

120.
    Il résulte de tout ce qui précède que la motivation de la décision attaquée nesatisfait pas aux exigences de l'article 190 du traité, en ce qui concerne l'achat de17 nouveaux avions.

B — Sur le grief pris de ce que la Commission aurait autorisé à tort le financementde frais d'exploitation et de mesures opérationnelles d'Air France

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

121.
    Les requérantes dans l'affaire T-371/94 estiment que la Commission a omisd'examiner si l'aide était indispensable à la restructuration d'Air France et non passimplement utile au financement du développement de ses activités et à lamodernisation de ses équipements. Selon ces requérantes, l'article 92, paragraphe3, sous c), du traité n'autorise pas une aide opérationnelle visant à moderniser lesactivités de son bénéficiaire.

122.
    Elles exposent que les seuls coûts structurels découlant de la mise en oeuvre duplan de restructuration concernent les 5 000 départs volontaires, dont le montantexact reste ouvert, la décision attaquée ne contenant aucune information sur cepoint. Les coûts pouvant découler des autres mesures envisagées dans le plan derestructuration devraient être considérés comme des frais d'exploitation,notamment la politique commerciale de reconquête de la clientèle, ainsi que lelancement d'Euroconcept et de Première club. Il serait vraisembable qu'Air Franceutilisera également l'aide pour financer d'autres mesures opérationnelles qui nesont pas explicitement envisagées dans le plan de restructuration. En particulier,Air France casserait considérablement les prix sur les liaisons entre les pays del'EEE et les pays tiers.

123.
    Ces requérantes précisent avoir la preuve que l'introduction par Air France denouvelles classes sur les liaisons moyen-courriers et l'introduction de la nouvelleclasse sur les liaisons long-courriers à l'automne 1995 coûteront respectivement àla compagnie 150 millions de FF et environ 500 millions de FF, ainsi qu'il ressortde deux articles de presse parus en mars 1995. Par conséquent, elles estiment queles coûts d'exploitation encourus avant la fin de 1996, par exemple pourl'introduction de deux nouvelles classes, auront été financés au moyen de l'aidelitigieuse.

124.
    La requérante dans l'affaire T-394/94 est également d'avis que l'aide serviramassivement à financer les nouveaux produits d'Air France, tels que son opération«classe club». Dans ce contexte, les requérantes dans l'affaire T-371/94 rappellentqu'Air France bénéficie d'une «marge de sécurité» (JO p. 85), qu'elle pourraitutiliser pour soutenir et moderniser ses activités. L'aide serait suffisammentexcessive pour permettre à Air France d'envisager la recapitalisation de sa filialeJet Tours ou pour envisager de transférer une partie de l'aide à sa filiale AirCharter.

125.
    Les requérantes dans les deux affaires s'opposent à la thèse de la Commissionselon laquelle l'aide litigieuse est uniquement destinée à réduire les chargesfinancières d'Air France en diminuant son taux d'endettement et non pas à financerses coûts d'exploitation. A cet égard, elles estiment que la simple éventualité quel'aide soit destinée à maintenir et à développer les activités d'Air France suffit àla rendre incompatible avec l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité. A l'appuide cet argument, elles se réfèrent à l'arrêt de la Cour du 21 mars 1991,Italie/Commission (C-303/88, Rec. p. I-1433, points 10 et 14), selon lequel il n'estpas nécessaire d'établir que des fonds étatiques octroyés sont spécifiquement etexplicitement destinés à atteindre un objectif précis, mais il suffit de constater que,en tout état de cause, le fait de recevoir des fonds permet de libérer d'autresressources pour parvenir au même résultat.

126.
    Les requérantes dans l'affaire T-371/94 ajoutent que la Commission n'a pasexpliqué la différence entre le montant de l'aide litigieuse et le montant qu'il auraitfallu pour mettre en oeuvre le programme antérieur «PRE 2», d'une part, ou lemontant de 8 milliards de FF qui, avant l'adoption de la décision attaquée, avaitété considéré comme nécessaire à la mise en oeuvre du plan de restructuration,d'autre part. Par ailleurs, la Commission n'aurait pas examiné si et dans quellemesure la restructuration entreprise par d'autres compagnies aériennes sans l'aidefinancière de l'État ne prouvait pas que le libre jeu des forces du marché auraitamené Air France à restructurer ses activités sans l'intervention des autoritéspubliques.

127.
    A l'audience, ces mêmes requérantes ont relevé que l'aide à la restructurationdevait être liée à chaque mesure envisagée. La Commission aurait dû imposer desconditions quant à la manière dont l'aide devait être utilisée. Il serait inacceptable

d'admettre un équilibre général quant à l'aide accordée globalement «pour lesbesoins d'Air France».

128.
    La Commission affirme avoir apprécié la cohérence et l'efficacité du plan derestructuration, ainsi que l'adéquation du montant d'aide requis pour permettre àAir France de le mener à bien. Pour procéder à cette appréciation, elle n'auraitpas à examiner des questions étrangères aux caractéristiques intrinsèques du plan,ni, à plus forte raison, les expériences d'autres compagnies aériennes.

129.
    Elle ajoute que l'aide autorisée est uniquement destinée à réduire les chargesfinancières d'Air France par l'abaissement de son niveau d'endettement.Contrairement à ce que prétendent les requérantes, elle ne serait pas utilisée pourfinancer les coûts d'exploitation d'Air France. L'application des mesures rigoureusesprévues par le plan de restructuration, y compris la vente d'actifs, devrait dégagerune marge brute d'autofinancement qui permettrait à Air France de faire face àses frais d'exploitation et d'investissement. Cela ne lui suffirait toutefois pas pourpouvoir supporter ses charges financières. Sans une réduction de son niveaud'endettement, Air France ne pourrait survivre. A la fin de 1996, Air Francepourrait faire face à tous ses coûts, qu'ils soient d'exploitation ou financiers.

130.
    La Commission rappelle que les améliorations des résultats d'exploitation opéréespar le plan de restructuration devraient produire, pendant sa durée, 5 milliards deFF. Ce montant permettrait à Air France certes de couvrir ses coûts d'exploitation,mais non le remboursement du principal et de l'intérêt. Grâce à l'aide, les chargesfinancières d'Air France passeraient de 3,2 milliards de FF en 1993 à 1,8 milliarden 1996 (JO p. 75). Renvoyant au rapport Ernst & Young (annexe 2 au mémoireen défense dans l'affaire T-371/94), elle affirme que la dette d'Air France seraréduite de 18,9 milliards de FF et ajoute que, sans l'aide, ses pertes nettes prévuespour 1996 s'établiraient à 694 millions de FF, tandis que, avec l'aide, elle devraitenregistrer un bénéfice net de 457 millions de FF. Le risque de surcapitalisationserait évité par le fait que l'aide approuvée est payable en trois tranches.

131.
    Quant à l'arrêt Italie/Commission (cité au point 125 ci-dessus), la Commissionestime qu'il n'apporte aucun soutien à la thèse des requérantes. Dans cette affaire,la Cour aurait considéré que l'injection de capital par l'État pouvait constituer uneaide, compte tenu des pertes d'exploitation continues de l'entreprise en cause quiétaient compensées par l'État concerné, et en l'absence de tout programme derestructuration. Ce faisant, la Cour aurait répondu à l'affirmation du gouvernementconcerné selon laquelle les fonds en question n'étaient pas des aides d'État. Lespassages cités par les requérantes ne porteraient que sur cette seule question, alorsque les requérantes invoquent, ici, l'arrêt au soutien de l'allégation, très différente,selon laquelle la Commission aurait appliqué un critère juridique incorrect pourétablir que l'aide à Air France était indispensable.

132.
    La République française et Air France contestent la thèse selon laquelle l'aidelitigieuse — bien que calculée pour réduire les charges de la dette d'Air France et

non pour couvrir une partie des frais d'exploitation — profiterait quand même àl'exploitation. Accepter une telle position reviendrait à interdire toute aide à larestructuration, car il serait toujours possible de soutenir qu'une aide ciblée sur unobjectif particulier d'assainissement se substitue aux ressources d'exploitation quiauraient été consacrées à cet objectif en l'absence de l'aide. Or, il faudraitnettement distinguer les aides à la restructuration, qui participent à l'améliorationdes conditions d'exploitation des entreprises concernées et qui peuventparfaitement être compatibles avec le marché commun, des pures aides aufonctionnement ou des aides prolongées au sauvetage, qui ne peuvent pas l'être,en principe.

Appréciation du Tribunal

133.
    Dans la mesure où les requérantes reprochent à la Commission d'avoir permis àAir France de transférer l'aide à certaines de ses filiales, tout en affirmant qu'il leurparaît vraisemblable qu'Air France financera globalement des frais d'exploitation,le Tribunal estime que ces arguments sont trop vagues pour pouvoir être retenuset se bornent à de simples suppositions non étayées par des éléments factuelsprécis.

134.
    L'argument tiré du plan de restructuration antérieur «PRE 2» ne saurait non plusêtre accueilli. En effet, ce plan s'est heurté à l'opposition des syndicats et dupersonnel d'Air France; il ne pouvait donc pas être réalisé. Dans ces circonstances,rien n'obligeait la Commission à tenir compte, à titre comparatif, de certainséléments d'un plan de restructuration qui avait échoué. Il en est de même dumontant de 8 milliards de FF, qui aurait été mentionné avant l'adoption de ladécision attaquée. Étant donné qu'il ne s'agissait pas du chiffre officiellementsoumis par les autorités françaises à la Commission dans le cadre du plan derestructuration formellement déposé, la Commission n'était pas contrainte d'entenir compte.

135.
    S'il ne saurait être exclu que la Commission puisse comparer les mesures derestructuration envisagées par Air France avec celles adoptées par d'autrescompagnies aériennes, il n'en reste pas moins que la restructuration d'uneentreprise doit être ciblée sur ses problèmes intrinsèques et que les expériencesfaites par d'autres entreprises, dans des contextes économiques et politiquesdifférents, en d'autres périodes, peuvent être dépourvues de pertinence.

136.
    Dans la mesure où les requérantes allèguent encore que l'aide aurait dû êtrefractionnée en différentes tranches, dont chacune liée à une mesure derestructuration individuelle, le Tribunal considère qu'une telle approche auraitnécessairement révélé le coût de chaque mesure et ainsi divulgué les structures dufonctionnement interne d'Air France. Or, de telles données revêtent, au moins pourune certaine période, un caractère confidentiel et doivent être tenues secrètes àl'égard du public et notamment des concurrents d'Air France. Dans ces

circonstances, le mécanisme des contrôles ultérieurs instaurés par l'article 2 de ladécision attaquée, combiné en particulier avec la condition d'autorisation n° 6, doitêtre considéré comme un système adéquat visant à exclure qu'Air France soitsurcapitalisée en raison d'une utilisation de l'aide à d'autres fins que sarestructuration.

137.
    Pour autant que les requérantes prétendent que la seule mesure de restructurationvéritable du plan litigieux concerne la réduction du personnel d'Air France (5 000départs volontaires) et que toutes les autres mesures sont, en réalité, de naturepurement opérationnelle, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu'il a été constaté ci-dessus aux points 110, 111, 116 et 117, l'aide litigieuse vise à financer, au moinspartiellement, la restructuration d'Air France et que l'affirmation selon laquellel'aide a exclusivement été affectée à son désendettement, à défaut de figurer dansle texte de la décision attaquée, doit être écartée. Par conséquent, il imported'examiner le caractère structurel des différentes mesures relevées par lesrequérantes.

138.
    A cet égard, il convient de souligner que, ainsi qu'il ressort du dossier, Air Francene dispose ni d'usines ni d'installations industrielles dotées de processus defabrication susceptibles d'être techniquement restructurés. Pour une tellecompagnie, l'essentiel de son activité est centrée sur l'offre de transport despersonnes et du fret, ainsi que sur les moyens utilisés pour la prestation de cesservices. C'est donc la seule structure de cette offre ainsi que celle de l'organisationde la compagnie, servant de support à l'offre, qui peuvent valablement faire l'objetd'une restructuration.

139.
    Cela étant constaté, le Tribunal estime que la suppression des 5 000 postes ainsique la réorganisation d'Air France en onze centres opérationnels responsables deleurs résultats financiers pouvaient raisonnablement être qualifiées par laCommission de mesures structurelles. Cela paraît moins certain en ce qui concerneles initiatives commerciales (Euroconcept, Classe club et Première club) et lesmodifications du réseau aérien, étant donné qu'Air France se limite ainsi à suivrel'évolution commerciale du marché, sans intervenir dans les structures mêmes dela compagnie. De telles mesures semblent donc être de nature purementopérationnelle et concerner le seul fonctionnement d'Air France.

140.
    Toutefois, et sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la pertinence desjurisprudence et pratique décisionnelle précitées aux points 98 et 113, il convientde rappeler que le plan de restructuration d'Air France devait être financé parl'augmentation de capital, au moyen de l'aide, ainsi que par la cession d'actifs dontAir France espérait «retirer quelque 7 milliards de FF» (JO p. 76). Or, vu leschiffres relativement modestes relevés par les requérantes dans l'affaire T-371/94dans ce contexte (150 millions de FF et 500 millions de FF), le Tribunal considèreque la Commission pouvait admettre que ces mesures seraient couvertes par lesressources provenant de la vente par Air France de ses propres actifs et par lesrecettes de son exploitation courante.

141.
    Dans ce contexte, il y a lieu de rejeter l'argumentation prise de la «fongibilité» del'aide, basée sur l'arrêt Italie/Commission (cité au point 125 ci-dessus), selonlaquelle le fait pour Air France de recevoir l'aide lui permettrait de libérer d'autresressources d'exploitation qui, au lieu d'être affectées au remboursement de sa dette,pourraient alors être utilisées pour financer les mesures susmentionnées. S'agissanten l'espèce de mesures d'investissement et d'exploitation d'une envergure normaleque toute compagnie aérienne doit raisonnablement prendre, afin de pouvoirmaintenir ses activités opérationnelles face à la concurrence sur le marché, laRépublique française et Air France ont souligné à juste titre que cette thèse de la«fongibilité» reviendrait en fait à interdire toute aide à la restructuration etcondamnerait, en dernière analyse, l'entreprise bénéficiaire à cesser ses activitésd'exploitation.

142.
    Il est vrai que la solution pourrait être différente en ce qui concernel'investissement de 11,5 milliards de FF défini dans la décision attaquée comme un«investissement au niveau de la flotte» (JO p. 75). Il y a toutefois lieu de rappelerque le Tribunal n'est pas à même d'examiner le fond de cette problématique, dufait que la décision attaquée n'est pas motivée sur ce point substantiel (voir ci-dessus points 111 à 120). Pour ce qui est de l'argumentation relative à la pratiquetarifaire d'Air France sur les lignes hors EEE, prétendument financée par l'aide, l'examen de ce point présuppose une analyse de la situation concurrentielle d'AirFrance sur ces lignes. Cette analyse aura lieu dans un contexte différent (voir ci-après points 259 à 280).

143.
    Il s'ensuit que, sous cette dernière réserve, le grief tiré de ce que la Commissionaurait autorisé à tort le financement de frais d'exploitation et de mesuresopérationnelles doit être rejeté.

C — Sur le grief pris d'une classification erronée des titres émis par Air Franceentre 1989 et 1993

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

144.
    Les requérantes dans l'affaire T-371/94 soulignent que, selon le principe deproportionnalité, une aide d'État ne doit pas être si importante qu'elle donne aubénéficiaire un ratio d'endettement meilleur que celui de ses concurrents. Or, enl'espèce, la Commission aurait procédé à une classification erronée des ORA(obligations remboursables en actions), des TSDI (titres subordonnés à duréeindéterminée reconditionnés) et des TSIP-BSA (titres subordonnés à intérêtsprogressifs assortis de bons de souscription d'actions) émis par Air France dans lesannées 1989 à 1993, pour calculer son ratio d'endettement en 1996. Uneclassification correcte de ces titres aurait fait apparaître, selon les requérantes, quele ratio d'endettement d'Air France est bien meilleur que celui de toutes les autrescompagnies aériennes.

145.
    Dans la décision attaquée, la Commission aurait conclu que, aux fins du calcul duratio d'endettement d'Air France, les ORA représentent des «quasi-capitauxpropres»; toutefois, la Commission aurait supposé, à tort, que les ORA de 1993 —tout comme les TSIP-BSA d'ailleurs — seraient remplacées par des dettesconventionnelles du fait que, en vertu de sa décision 94/662/CE, du 27 juillet 1994,concernant la souscription de CDC-Participations à des émissions d'obligationsd'Air France (JO L 258, p. 26, ci-après «décision 94/662»), elles doivent êtreremboursées en tant qu'aides d'État illégales. Or, Air France n'aurait pas étéobligée et ne se serait pas engagée à remplacer les ORA de 1993 par des dettesconventionnelles. En outre, les liquidités dont Air France disposera lorsqu'elle aurareçu l'aide devraient, en pratique, rendre inutile le remplacement des recettes desORA et des TSIP-BSA de 1993 par des liquidités complémentaires.

146.
    Selon les requérantes, l'évolution de la situation depuis l'adoption de la décisionattaquée illustre leur thèse. D'après un article de presse, la Commission auraitdemandé, le 5 avril 1995, que la France (et non pas Air France) dépose la sommede 1,5 milliard de FF sur un compte bloqué en attendant le résultat de laprocédure introduite devant la Cour et le Tribunal concernant l'annulation de ladécision 94/662. En conséquence, Air France continuerait à bénéficier de la valeurdes ORA et des TSIP-BSA émis en 1993, au moins jusqu'au prononcé de l'arrêtde la Cour ou du Tribunal, c'est-à-dire durant la majorité de la période derestructuration.

147.
    Les requérantes soutiennent que, en vérité, les ORA et les TSIP-BSA ainsi qu'unepartie de la valeur du prêt provenant des TSDI auraient dû être classés sous leposte «capitaux propres» pour calculer le ratio d'endettement d'Air France, car ilsconstituent des capitaux qui sont en permanence à sa disposition jusqu'à saliquidation.

148.
    En ce qui concerne plus particulièrement les TSDI, les requérantes soulignent queles souscripteurs sont remboursés par un fonds bancaire dans lequel Air France aplacé une partie (25 %) de la valeur originale des TSDI, tandis qu'une partimportante de la valeur de ces titres (75 %) est conservée par Air France à titrepermanent. Contrairement à l'extinction d'une dette qui résulte de sonremboursement par l'emprunteur, les TSDI continueraient à exister légalementmême après le remboursement du capital. Par ailleurs, la Commission aurait elle-même déclaré, dans sa communication du 3 juin 1994 (JO p. 8), que leremboursement «automatique» des TSDI est assuré par un fonds bancaire, quel'obligation de remboursement ne devient effective pour Air France qu'en cas deliquidation de la compagnie et que, lors de l'analyse par la Commission en 1992 dela situation financière d'Air France, les TSDI ont, avec l'accord du gouvernementfrançais, été incorporés aux fonds propres. De l'avis des requérantes, les TSDIconstituent des fonds qui sont en permanence à la disposition d'Air France et quilui procurent donc un avantage concurrentiel vis-à-vis des compagnies concurrentes.Les requérantes ajoutent que, si l'on n'inclut dans les fonds propres que la part dela valeur TSDI conservée à titre permanent par Air France, cela a une incidence

importante sur son ratio d'endettement pour l'année 1996, car celui-ci serait alorsde 0,76:1 et non pas de 1,12:1.

149.
    Par ailleurs, les requérantes reprochent à la Commission d'avoir mal compris lesconcepts financiers en cause lors de la classification des instruments financiersconsidérés. A cet égard, elles affirment que, dans le cas aussi bien des TSDI quedes TSIP-BSA, le paiement d'intérêts est subordonné au résultat d'Air France etpeut être suspendu. Les requérantes ajoutent que le critère de convertibilité desinstruments en question est inadéquat, dans la mesure où la Commission indiqueque les TSIP-BSA deviendront à terme des capitaux propres «à condition que lemarché donne à leurs titulaires la possibilité de concrétiser les BSA». Ce faisant,la Commission aurait méconnu que le BSA est un droit distinct, complémentaire,détachable et indépendant, dont le détenteur peut être ou ne pas être le même quecelui du TSIP. Ce dernier ne serait pas convertible parce qu'il s'agit d'un titresubordonné perpétuel. Le concept de «convertibilité» serait, de la même façon,inapplicable aux TSDI, car ce seraient des titres subordonnés perpétuels pouvantêtre remboursés en cas de liquidation d'Air France. Les requérantes soutiennentenfin que la prise en considération, par la Commission, des droits que les ORA, lesTSDI et les TSIP-BSA confèrent à leurs détenteurs est dépourvue de pertinence.

150.
    La Commission rappelle, tout d'abord, avoir souligné, dans la décision attaquée, lanature financière parfois ambiguë des titres en cause (JO p. 84). Elle rappelleensuite que, en vertu de sa décision 94/662, le montant payé pour la souscriptionaux ORA et aux TSIP-BSA émis en avril 1993 devait être remboursé par AirFrance, si bien que la valeur de ces titres devait être considérée comme une dette.En ce qui concerne les ORA de 1991, elles devraient être considérées comme desfonds propres, du fait qu'elles seraient inévitablement converties en actions lemoment venu, alors que les TSDI émis en 1989 et 1992 devraient être considéréscomme une dette, puisqu'ils seraient remboursables après 15 ans et qu'aucuneconversion en actions ne pourrait avoir lieu (JO p. 85).

151.
    Dans la mesure où les requérantes invoquent la décision de la Commission du 5avril 1995 (voir ci-dessus point 146), celle-ci soutient que cette décision, postérieureà la date de la décision attaquée, n'a aucune incidence sur le classement des titresen question. La Commission ajoute que, aussi longtemps qu'il existe une obligationlégale de rembourser les montants des ORA et des TSIP-BSA, elle est en droit deconsidérer que ces montants sont remplacés par des dettes conventionnelles.

152.
    En ce qui concerne les TSDI, la Commission souligne leur caractère reconditionné.Le fait qu'une partie du produit des TSDI soit conservée par Air France n'auraitaucune incidence sur leur qualification. Cette conclusion serait confirmée par l'avisdu conseil supérieur de l'ordre français des experts-comptables. Ce seraitl'obligation de rembourser le principal qui importe. La Commission précise que leflux financier net entre Air France et le trust, auprès duquel une partie des fondssont déposés, sera nul à l'issue d'une période de quinze ans. Le prêt représenté par

les TSDI serait effectivement remboursé par l'extinction du trust et l'extinctionsubséquente de la dette d'Air France. La totalité du montant réuni par l'émissiondes TSDI reconditionnés serait donc remboursée par Air France à l'expiration dela période de quinze ans. Le montant du produit des TSDI qui n'est pas déposéauprès du trust ne resterait pas en permanence aux mains de l'émetteur. Cemontant correspondrait à l'obligation pour l'émetteur de payer des intérêts sur unebase annuelle pendant quinze ans sur le montant total des TSDI. De l'avis de laCommission, l'obstination des requérantes à soutenir que l'émetteur conserve enpermanence une partie du produit des TSDI reconditionnés repose sur uneapproche analytique subjective selon laquelle tout prêt pourrait être considérécomme une injection de fonds propres.

153.
    Même si le payement d'intérêts peut être suspendu dans le cas aussi bien des TSDIque des TSIP-BSA, la Commission estime qu'Air France reste néanmoins dansl'obligation de payer les intérêts accumulés sur ces montants. En d'autres termes,le payement des intérêts ne serait que remis à plus tard. En ce qui concerne lesdéveloppements des requérantes relatifs aux droits que les instruments financiersen question confèrent à leurs porteurs, la Commission souligne que la décisionattaquée n'a pas attribué une importance particulière à la nature des droits que cesinstruments conféraient ou ne conféraient pas à leurs détenteurs. L'élémentessentiel aurait été la conversion obligatoire des titres en actions.

154.
    Air France précise, au sujet des TSDI reconditionnés, que la profession comptablene s'est attachée à définir leur nature qu'à partir de la fin de 1991. La commissionfrançaise des opérations de bourse, dans un communiqué du 6 mars 1992, se seraitopposée à ce que les TSDI reconditionnés soient inclus dans les capitaux propres.A partir de la fin de 1993, les praticiens auraient eu connaissance du projet d'avisde l'ordre français des experts-comptables qualifiant de dette les TSDI. La positiondu conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables aurait été définitivementarrêtée le 7 juillet 1994 en ce sens.

Appréciation du Tribunal

155.
    Il y a tout d'abord lieu de constater que, en vérifiant la proportionnalité de l'aide, la Commission souligne, dans la décision attaquée, que le ratio d'endettement d'AirFrance est très largement fonction de la classification de plusieurs titres émis parla compagnie, les ratios variant considérablement selon que ces titres sont classésdans les capitaux propres ou les dettes (JO p. 83). Elle décrit ensuite les montantset les caractéristiques des instruments financiers émis par Air France au cours descinq dernières années précédant la décision attaquée, à savoir des ORA émises endécembre 1991 et avril 1993, des TSDI émis en juin 1989 et mai 1992, ainsi que desTSIP-BSA émis en avril 1993 (JO p. 83 et 84). Enfin, elle expose les critères quifont différer les fonds propres des emprunts en fonction, notamment, desdispositions applicables du droit français, de la quatrième directive communautaireconcernant les comptes annuels des sociétés, ainsi que de l'opinion du comitéprofessionnel de doctrine comptable (JO p. 84 et 85).

156.
    Les parties sont unanimes à qualifier les ORA de «capitaux propres» ou de «fondspropres», étant donné que ces titres ne seront jamais remboursés mais ferontl'objet d'une conversion obligatoire en actions. Par ailleurs, la Commission aeffectivement procédé à une telle qualification dans la décision attaquée (JO p. 85).

157.
    En ce qui concerne plus particulièrement les ORA émises par Air France en avril1993 et souscrites par la société CDC-Participations, il convient de rappeler que laCommission, par sa décision 94/662, en a ordonné le remboursement, motif pris deleur nature d'aides d'État illégales. Bien que la République française ait attaquécette décision devant la Cour (affaire C-282/94) et qu'Air France ait introduit unrecours devant le Tribunal (affaire T-358/94), ces saisines n'ont eu aucun effetsuspensif, de sorte que les fonds correspondant aux ORA émises devaient êtreremboursés par Air France. Par ailleurs, la décision de la Commission est devenuedéfinitive, l'arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Air France/Commission(T-358/94, Rec. p. II-2109), qui a rejeté le recours dirigé contre cette décision,ayant acquis force de chose jugée et l'affaire C-282/94 ayant été radiée du registrede la Cour par ordonnance du 17 avril 1997.

158.
    Peu importe, dans ce contexte, qu'Air France ait pu effectivement bénéficier,jusqu'au prononcé dudit arrêt, de la valeur représentée par ces ORA. En effet, ladisponibilité d'un capital pendant une certaine période ne constitue pas un critèredistinguant les fonds propres des dettes. Tout capital, dont une entreprise peutdisposer, doit toujours être classé dans le bilan de l'entreprise, à la seule rubriquedu «passif», soit comme «dettes» lorsqu'il doit être remboursé, soit comme «fondspropres» lorsqu'il reste en permanence à la disposition de l'entreprise. Or, du faitque les ORA en cause devaient être remboursées à partir du 27 juillet 1994, c'està juste titre que la Commission les a qualifiées de dettes.

159.
    Il en est de même des TSIP-BSA émis en avril 1993 qui ont également fait l'objetde la décision 94/662. Par conséquent, il n'y a pas lieu pour le Tribunal de seprononcer sur leur classification de principe.

160.
    Quant aux TSDI reconditionnés, les parties ont présenté plusieurs rapportsd'expertise financiers et comptables relatifs à leur classification. Les requérantes seréfèrent à celui du professeur Pene (annexe 40 à la requête et annexe 16 auxobservations sur les interventions), tandis que la Commission et Air Frances'appuient respectivement sur le cabinet Ernst & Young (annexe 2 au mémoire endéfense, avec une note spécifique sur les TSDI reconditionnés en annexe A, etannexe à la duplique) et le professeur Vermaelen (annexe 7 au mémoire enintervention d'Air France). En outre, la Commission renvoie à l'avis du conseilsupérieur de l'ordre des experts-comptables, approuvé le 7 juillet 1994 (p. 18/19 del'annexe B au rapport d'Ernst & Young joint en annexe 2 au mémoire en défense).

161.
    Il ressort de ces expertises contradictoires que la classification des TSDIreconditionnés implique des appréciations complexes d'ordre économique et

financier. Dès lors, la Commission dispose d'un large pouvoir d'appréciation en lamatière, et le Tribunal ne saurait censurer sa décision sur ce point qu'après avoirconstaté une erreur manifeste d'appréciation. Or, il n'apparaît pas que laCommission ait, à tort, considéré le mécanisme de remboursement des TSDIcomme l'élément décisif — outre l'impossibilité de les convertir en actions — pourleur qualification de dettes.

162.
    Cette conclusion n'est pas infirmée par le fait que le paiement d'intérêts pour cesTSDI peut être suspendu en cas de mauvais résultats financiers d'Air France. Eneffet, le caractère d'emprunt d'une opération de financement n'est pas remis encause par la circonstance que les conditions de rémunération sont, sous un aspectspécifique, désavantageuses pour le souscripteur.

163.
    Enfin, cette conclusion n'est pas non plus contredite par la circonstance que laCommission avait initialement eu tendance à qualifier les TSDI de «fonds propres»(communication du 3 juin 1994, JO p. 8). En effet, ainsi qu'Air France l'a exposédevant le Tribunal, ce changement d'approche reflète l'évolution que laqualification des TSDI a connue de 1991 à 1994 au sein de la profession comptableelle-même. Dans ce contexte, il convient de rappeler que le conseil supérieur del'ordre français des experts-comptables, dans son avis du 7 juillet 1994 — doncimmédiatement avant l'adoption de la décision attaquée —, a définitivementconsidéré comme des dettes les TSDI reconditionnés. Le Tribunal estime qu'il nesaurait être reproché à la Commission de s'être ralliée, aux fins de la qualificationde ces titres français, à l'avis définitif de l'organisme français qui représente laprofession compétente en la matière.

164.
    La Commission n'ayant pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans laclassification des titres émis par Air France, le grief doit être rejeté.

D — Sur le grief pris d'une méconnaissance du ratio d'endettement d'Air France

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

165.
    Les requérantes dans l'affaire T-371/94 estiment que le ratio d'endettement d'AirFrance envisagé pour 1996 montre que son endettement sera réduit à un niveautrès inférieur à celui de ses concurrentes. En effet, en calculant que ce ratio seraitde 1,12:1 et en déclarant qu'il est supérieur au ratio moyen de l'aviation civile oùle chiffre de 1,5:1 est considéré comme acceptable, la Commission aurait malinterprété l'étude réalisée par KPMG — une société internationale de conseils — etl'IATA à laquelle il est fait référence dans la décision attaquée (JO p. 85). Cetteétude montrerait, en réalité, que le ratio d'endettement projeté pour Air Franceest inférieur à ce qui est considéré comme un ratio optimal et considérablementinférieur à la moyenne effective qui y est mentionnée pour l'année 1992 (2,3:1 ou2,1:1 suivant le mode de calcul). Le caractère excessif de l'aide serait augmenté sil'on compare le ratio d'endettement d'Air France (1,12:1) aux ratios d'endettement

moyens (2,57:1 en 1992 et 3,17:1 en 1993) indiqués dans la publication de l'IATA«Airline Economic Results and Prospects» (annexe 12 à la réplique).

166.
    Le caractère excessif de l'aide accordée à Air France ne saurait être renduproportionné simplement au moyen d'une comparaison au regard d'autres ratiosfinanciers, tels que le ratio de couverture des frais financiers. La constatation faitepar la Commission dans la décision attaquée, selon laquelle ce ratio d'Air Frances'élèvera en 1996 à 2,44:1 et sera, ainsi, très proche du taux moyen de 2,42:1 atteintpar ses concurrents en 1993 (JO p. 85), serait donc dénuée de pertinence. Parailleurs, ce ratio serait incomplet et ne ferait que refléter la capacité d'uneentreprise à utiliser les profits qu'elle dégage pour rembourser ses chargesfinancières. En outre, le critère retenu par la Commission pour sélectionner lescompagnies aériennes auxquelles elle compare le ratio d'Air France en 1996 neserait pas clair.

167.
    Les requérantes ajoutent que le rapport d'expertise Ernst & Young (annexe 2 aumémoire en défense), sur lequel la Commission s'appuie, déclare lui-même qu'AirFrance aurait pu atteindre le ratio d'endettement théoriquement optimal de 1,5:1avec une aide d'un montant limité à 15,25 milliards de FF au maximum. Il seraitdonc surprenant que le même rapport tente de justifier l'obtention par Air Francede 20 milliards de FF en alléguant qu'il n'y aurait aucune raison particulière pourqu'Air France ait un ratio d'endettement «moyen».

168.
    Par ailleurs, toute comparaison entre des ratios d'endettement serait d'une valeurcontestable. A cet égard, il ressortirait de l'étude réalisée par KPMG et l'IATA qu'il existe d'importantes différences dans la manière dont les ratios d'endettementsont calculés et qu'il est donc difficile de faire des comparaisons valables entrecompagnies aériennes. Enfin, il ne serait pas établi que le calcul effectué par laCommission du ratio d'endettement d'Air France repose sur des chiffres bruts ounets, et aucune explication ne serait donnée quant à la décomposition de ceschiffres.

169.
    De plus, la Commission aurait limité à tort son analyse à une période très courte,l'année 1996, durant laquelle l'aide serait encore versée, sans tenir compte deseffets de l'aide sur la situation financière ultérieure d'Air France, devenue, grâceà l'aide, considérablement plus forte que ses concurrentes sur le plan financier.Selon les requérantes, la Commission aurait dû faire une analyse dynamique del'effet de l'aide, au-delà de la période de restructuration, sur la positionconcurrentielle d'Air France par rapport à ses concurrentes pour déterminer sil'aide n'était pas excessive. Selon les projections des requérantes, l'aidecontribuerait à placer Air France dans une bien meilleure situation financière, parrapport à ses concurrentes, que celle que suggèrent les ratios sur lesquels laCommission s'est appuyée dans la décision attaquée.

170.
    Renvoyant au rapport Ernst & Young, la Commission soutient que l'apport decapital litigieux a été calculé de façon à constituer le montant minimal suffisantpour rétablir l'équilibre financier d'Air France. Quant au montant de dette employépour calculer le ratio d'endettement, elle affirme que, conformément à unetendance vérifiée de l'analyse financière, elle a tenu compte d'un chiffre net. Parconséquent, le ratio d'endettement n'aurait pas été gonflé par l'emploi d'unmontant de dette brut.

171.
    La Commission rappelle que le ratio d'endettement de 1,12:1 n'a pas été le seulélément pris en considération dans la décision attaquée pour apprécier laproportionnalité de l'aide par rapport aux besoins de restructuration d'Air Franceet que le ratio de couverture des frais financiers a également revêtu del'importance. Rien n'exigerait que le ratio d'endettement d'Air France en 1996 soitégal au ratio moyen du secteur de l'aviation civile. Il serait suffisant qu'il soitraisonnablement proche du taux de 1,5:1.

172.
    La Commission fait observer qu'elle n'a pas eu recours au ratio de couverture desfrais financiers pour rendre proportionnée une aide dont le caractèredisproportionné résulterait du ratio d'endettement d'Air France. La pertinence duratio de couverture des frais financiers serait indubitable. Ce ratio mesurerait lacapacité de la compagnie à acquitter ses frais financiers, le but de l'aide litigieuseétant précisément d'assainir la charge financière d'Air France. La Commissionajoute que la mention, dans la décision attaquée, du ratio de couverture des fraisfinanciers des concurrents d'Air France en 1993 n'est qu'une simple illustration duratio obtenu par des compagnies aériennes ayant une situation saine.

173.
    La Commission souligne enfin avoir tenu compte également d'autres ratiosfinanciers. Quant au ratio de rentabilité des fonds propres, la Commission indiqueque le rapport Ernst & Young précisait uniquement que ce ratio fournit unindicateur supplémentaire du niveau d'aide nécessaire pour permettre à Air Francede retrouver sa viabilité économique. Le fait que le montant d'aide autorisé ait étéle minimum requis aurait été établi sur la base des différentes projections des ratiosfinanciers.

174.
    Air France se reporte aux décisions Sabena et Aer Lingus (citées au point 55 ci-dessus), ainsi qu'à la décision 94/696/CE de la Commission, du 7 octobre 1994,concernant les aides accordées par l'État grec à la compagnie Olympic Airways (JOL 273, p. 22, ci-après «décision Olympic Airways»), par lesquelles la Commissiona autorisé des aides d'État dans le secteur de l'aviation civile. Elle souligne que lesratios d'endettement de ces compagnies, à l'issue de leur plan de restructuration,seront analogues au ratio d'Air France, voire meilleurs. Ils traduiraient donc uneproportion de fonds propres égale ou même supérieure à celle d'Air France. Ainsi,la Commission aurait accepté des ratios de 1,25:1 (Sabena), de 0,75:1 et 0,41:1(Aer Lingus) et de 0,78:1 (Olympic Airways).

Appréciation du Tribunal

175.
    Il y a lieu de souligner que la problématique des ratios financiers d'Air France,notamment celle du ratio d'endettement, soulève des questions très techniquesd'ordre financier et comptable. Cette constatation est corroborée par le renvoi desparties à sept rapports d'expertise au soutien de leurs thèses, à savoir ceux ducabinet Ernst & Young (annexe 2 au mémoire en défense et annexe à la duplique),du professeur Pene (annexes 40 à la requête ainsi que 9 et 10 à la réplique), duprofesseur Vermaelen (annexe 7 au mémoire en intervention d'Air France) et dudocteur Weinstein (annexe 1 au mémoire en intervention du Royaume-Uni).

176.
    A cet égard, il convient de rappeler que le consultant Lazard Frères a fixé lemontant nécessaire à la recapitalisation d'Air France, dans le cadre de sarestructuration, en tenant compte de ses recettes et coûts prévisionnels et au regardde sa future rentabilité (JO p. 75) et que ce montant a été accepté par laCommission dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation. Il y a lieu d'ajouter queces dernières données revêtaient, au moins lors de la phase de la conception duplan de restructuration ainsi que de sa mise en oeuvre, un caractère hautementsensible et confidentiel, notamment vis-à-vis des compagnies aériennes se trouvanten concurrence avec Air France. Par conséquent, il n'appartient pas auxrequérantes, ni d'ailleurs au Tribunal, de remettre en question le principe mêmede la nécessité pour Air France d'obtenir la somme de 20 milliards de FF afind'atteindre les objectifs de restructuration et de désendettement fixés.

177.
    Le calcul des 20 milliards de FF devant être accepté comme point de départ ducontrôle de la proportionnalité du montant de l'aide, la question de l'incidence decette injection financière sur les ratios financiers d'Air France se réduit, enprincipe, à une simple opération mathématique.

178.
    A ce propos, il convient de rappeler que le consultant Lazard Frères a analysél'impact de l'aide litigieuse sur les ratios financiers d'Air France, en soulignant lanécessité de tenir compte des ratios de structure financière, du ratio de couverturedes frais financiers et du ratio de rentabilité des fonds propres (JO p. 84). C'estaprès avoir examiné ces données que la Commission est arrivée au ratiod'endettement 1,12:1, en constatant que «ce ratio est supérieur au ratio moyen del'aviation civile où le chiffre de 1,5 est considéré comme acceptable» (JO p. 85).

179.
    Il y a lieu de relever que cette comparaison entre les deux chiffres de ratiod'endettement est basée sur une étude réalisée par KPMG en association avecl'IATA. Cette étude (annexe 45 à la requête dans l'affaire T-371/94), rédigée enaoût 1992, comporte le passage suivant (p. 26/27):

«ratios dette/fonds propres

[...]

On a demandé à certains responsables de compagnies aériennes quel était à leuravis le ratio d'endettement optimal d'une compagnie aérienne. La fourchette desréponses va de 0,5:1 à 4:1; il n'apparaît toutefois pas clairement si les contrats delouage à long terme sont inclus ou non dans ces réponses. La moyenne desréponses reçues indique un rendement optimal de 1,5:1.

Il leur a ensuite été demandé d'indiquer les ratios d'endettement de leur proprecompagnie, en incluant puis en excluant les contrats de louage à long terme. Leratio d'endettement moyen des compagnies qui ont répondu est de 2,3:1 si l'oninclut les contrats de louage à long terme et de 2,1:1 si on les exclut.

[...]

Il y a des variations significatives dans la manière de calculer les ratiosd'endettement. Par conséquent, il est difficile de procéder à des comparaisons utilesentre les différentes compagnies aériennes [...]»

180.
    Comme il ressort de ce texte, le caractère représentatif des chiffres établis parl'enquête menée au sein de l'aviation civile est assez faible. Eu égard aux«variations significatives» constatées dans la manière de calculer les ratiosd'endettement, l'écart existant entre les chiffres 1,12:1, 1,5:1, 2,1:1 et 2,3:1 nesaurait donc être qualifié, à lui seul, de significatif pour démontrer uneméconnaissance, par la Commission, de la position financière d'Air France parrapport à la position moyenne de l'aviation civile.

181.
    Cela étant constaté, il n'apparaît pas que le chiffre de 1,12:1, envisagé pour la finde 1996, soit disproportionné, eu égard aux chiffres susmentionnés allant de 0,5:1à 4:1 ainsi qu'aux ratios de 1,25:1, de 0,78:1, de 0,75:1 et de 0,41:1 approuvés parla Commission dans ses décisions Sabena, Olympic Airways et Aer Lingus (citéesaux points 55 et 174 ci-dessus). Il en est de même du ratio de couverture des fraisfinanciers d'Air France, dont la Commission a indiqué qu'il s'élèverait en 1996 à2,44:1 et serait ainsi très proche du taux moyen de 2,42:1 atteint par sesconcurrents en 1993 (JO p. 85).

182.
    Pour les raisons exposées au point 176 ci-dessus, le grief selon lequel le rapportErnst & Young aurait lui-même considéré que 15,25 milliards de FF étaientsuffisants pour qu'Air France atteigne le ratio d'endettement optimal de 1,5:1 nesaurait être retenu. A titre surabondant, il y a lieu d'ajouter que, ainsi que laCommission l'a fait observer, le passage dudit rapport, cité par les requérantes(p. 21, footnote 21), se borne à apporter une correction au calcul, opéré par cesdernières, du montant nécessaire pour atteindre le ratio de 1,5:1, ce montants'élevant, d'après Ernst & Young, à 15,25 et non pas à 13,9 milliards de FF. Parailleurs, le rapport Ernst & Young poursuit en relevant que, en tout état de cause,il n'existe aucune raison particulière pour que le ratio d'endettement d'Air Francesoit de 1,5:1.

183.
    C'est à juste titre que la Commission affirme que le rapport de l'IATA intitulé«Airline Economic Results and Prospects», auquel les requérantes se réfèrent,reproduit les ratios d'endettement moyens de plus de 30 compagnies aériennesdans le monde entier, y compris Iran Air, Royal Air Maroc, Tunis Air, qui neressemblent guère à Air France sur le plan de la structure industrielle et financièreet qui ne sont pas en véritable concurrence avec elle. La Commission n'était doncpas tenue de comparer le ratio d'endettement d'Air France à ceux des compagniesaériennes faisant l'objet dudit rapport.

184.
    Pour autant que les requérantes se sont interrogées, dans leur requête, sur le pointde savoir si le calcul du ratio d'endettement d'Air France reposait sur des chiffresbruts ou nets, il suffit de constater que la Commission a souligné, dans sonmémoire en défense, sans être contredite par les requérantes, avoir tenu compted'un chiffre net, de sorte que le ratio d'endettement n'a pas été gonflé par l'emploid'un montant de dettes brut. Enfin, rien n'obligeait la Commission à calculer leratio d'endettement d'Air France au-delà de la période de restructuration, cettedernière constituant la seule période de référence pour l'assujettissement de laRépublique française et d'Air France à la plupart des conditions d'autorisation del'aide.

185.
    La Commission n'ayant pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant aucalcul et à la prise en considération des ratios financiers mentionnés dans ladécision attaquée, le grief doit être rejeté.

E — Sur le grief pris de ce que la Commission se serait abstenue à tort d'exiger lavente d'actifs d'Air France susceptibles d'être aliénés

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

186.
    Les requérantes soutiennent que la Commission a eu manifestement tort deconclure que le montant de l'aide litigieuse ne pouvait pas être diminué à raisonde la vente d'autres actifs d'Air France en dehors de ceux prévus dans le plan derestructuration. En effet, le principe de proportionnalité exigerait qu'une entrepriseenvisageant de se restructurer utilise l'intégralité de ses propres ressources avantde faire appel à l'aide d'État. Par conséquent, la Commission aurait dû exiger d'AirFrance qu'elle se procure des liquidités en cédant l'intégralité de ses actifs nonaériens, quelle que soit l'importance des sommes dégagées. Si tel avait été le cas,le montant de l'aide aurait pu être très inférieur.

187.
    A ce propos, les requérantes soulignent que le groupe Air France comprend 103sociétés actives dans des secteurs connexes aux voyages mais distincts des transportsaériens, tels que le tourisme, la restauration, la maintenance aéronautique,l'informatique commerciale et le transit de fret, parmi lesquels on trouve dessociétés de l'importance du groupe Servair et de Jet Tours, qui ont respectivementréalisé un chiffre d'affaires de 2,6 et de 2,4 milliards de FF en 1993. Ses activités

couvriraient des opérations aussi éloignées du transport aérien que la fabricationde fromages. Plus de 20 % des recettes d'Air France proviendraient d'activitésn'ayant aucun rapport avec le transport aérien. En outre, Air France détiendraitdes participations dans 20 compagnies aériennes.

188.
    La vente d'un certain nombre de participations détenues par Air France dansd'autres compagnies, en particulier dans Air Inter et Sabena, pourrait dégager, del'avis des requérantes, des sommes suffisamment importantes pour rendre inutileune grande partie de l'aide. Sans l'aide litigieuse, Air France devrait, commen'importe quelle société mère enregistrant des pertes, s'adresser à ses filiales, ycompris Air Inter, pour qu'elles contribuent à limiter ses pertes. A titre indicatif,les requérantes ont calculé la valeur des participations d'Air France dans huitcompagnies aériennes (Air Charter, Air Inter, Sabena, MEA, Austrian Airlines,Tunis Air, Air Mauritius, Royal Air Maroc) et une autre société (Servair). Dansl'ensemble, ces participations pourraient être évaluées entre 3,1 milliards et 6milliards de FF.

189.
    En ce qui concerne Air Inter, les requérantes ont relevé, à l'audience, que saprétendue utilité pour Air France était, en vérité, très restreinte. Le rôle d'Air Interserait limité à attirer les passagers des provinces françaises sur la plate-forme(«hub») d'Air France à l'aéroport Charles de Gaulle au départ des volsinternationaux. Or, Air France aurait pu arriver exactement au même résultat soiten utilisant ses propres avions, soit en concluant des accords de collaboration avecd'autres compagnies, y compris Air Inter. Les requérantes considèrent, dès lors,qu'Air Inter n'est pas un actif indispensable au fonctionnement d'Air France.

190.
    Les requérantes affirment que la participation de 37,5 % détenue par Air Francedans le capital de la compagnie Sabena peut être évaluée à 6 milliards de BFR. AirFrance aurait acheté ces actions en 1992, ce qui suggère, selon les requérantes, quecette participation peut difficilement être considérée comme vitale pour Air France,étant donné qu'elle a pu fonctionner sans cela pendant de nombreuses années. Parailleurs, le président de Sabena aurait déclaré publiquement, en septembre 1994,qu'Air France devrait céder sa participation. Les requérantes rappellent qu'ellesont informé la Commission, dès le stade de la procédure administrative, que denombreux indices tendaient à prouver que la poursuite d'une alliance entre AirFrance et Sabena n'avait plus aucune raison d'être. Dans ce contexte, elles seréfèrent à un article de presse paru en juin 1994 (annexe 46 à la requête), selonlequel la compagnie belge souhaiterait qu'Air France cède sa participation.

191.
    Du reste, le paiement par Air France d'un quart de la somme due pour sa prisede participation dans le capital de Sabena aurait été effectué quelques jours aprèsl'adoption de la décision attaquée. Air France utiliserait, à l'évidence, l'aide pourfaire face à cette dépense étant donné son manque de liquidités. La Commissionaurait dû empêcher Air France de payer ce solde, l'aide autorisée à des fins derestructuration ne pouvant pas être utilisée pour l'acquisition de parts dans d'autrescompagnies. Si elle avait été empêchée de procéder à ce paiement, Air France

aurait sans doute éprouvé la nécessité de céder sa participation dans Sabena dansle cadre de son effort de restructuration.

192.
    Les requérantes soulignent qu'elles n'exigent pas d'Air France de vendre des actifsfaisant indéniablement partie de ses actifs stratégiques. Elles considèrent néanmoinsqu'Air France aurait dû vendre, notamment, des actifs qu'elle décrit elle-mêmecomme des actifs non essentiels dans son rapport annuel pour l'exercice 1993. Seréférant à un article de presse, les requérantes ajoutent qu'Air France envisageaitapparemment, en septembre 1994, la vente de certains des actifs que, un moisauparavant, la Commission considérait comme ne pouvant pas être cédés, commesa participation dans le groupe Servair ou sa participation dans Amadeus, unsystème informatique de réservation. A lui seul, ce fait rendrait caduque laconclusion de la Commission selon laquelle Air France n'a pas besoin de vendred'autres actifs, car aucun d'entre eux ne lui permettrait de mobiliser suffisammentde ressources.

193.
    En réponse à l'affirmation de la Commission, selon laquelle il n'était pas possible,pour des raisons de confidentialité, de révéler quels étaient les autres actifs dontAir France avait l'intention de se défaire, les requérantes rétorquent que telle estpourtant la pratique suivie par la Commission lorsqu'elle exige d'une entreprise,comme condition préalable à l'approbation de concentrations au titre du règlementn. 4064/89 (cité au point 55 ci-dessus), qu'elle procède à la vente d'actifs. Ainsi,elle aurait exigé la vente d'actifs nommément cités dans sa décision 91/403/CEE,du 29 mai 1991, déclarant la compatibilité avec le marché commun d'uneconcentration (affaire IV/M043 — Magneti Marelli/CEAc) (JO L 222, p. 38), et danssa décision 92/553/CEE, du 22 juillet 1992, relative à une procédure au titre durèglement n° 4064/89 (affaire IV/M.190 — Nestlé/Perrier) (JO L 356, p. 1). Parailleurs, même si les actifs non essentiels d'Air France n'avaient pu être vendusavant l'autorisation de l'aide, la Commission aurait pu exiger le placement des actifschez un mandataire, par exemple une banque d'investissement, qui aurait pu enorganiser la vente. Les requérantes se réfèrent, à titre d'exemple, à l'affaire duCrédit Lyonnais (JO 1995, C 121, p. 4), où une nouvelle structure a été créée, leconsortium de réalisations, filiale à 100 % du Crédit Lyonnais, qui devait acheterdes actifs du Crédit Lyonnais destinés à être cédés ou liquidés. De même, enl'espèce, la participation d'Air France dans Sabena aurait pu être transférée à unebanque qui aurait pu avancer de l'argent en attendant la vente à un tiers.

194.
    A l'audience, les requérantes ont encore souligné que, aussi longtemps que ladécision attaquée n'imposait pas la vente d'actifs nommément désignés, Air Francen'avait aucun intérêt à vendre des actifs pendant la période de restructuration,parce que cette vente aurait entraîné une diminution de l'aide accordée. Ce constatserait confirmé par l'évolution postérieure qui a permis à Air France de«contrebalancer» la vente de sa participation dans Sabena par le manque à gagnerrésultant de ce qu'elle avait vendu moins d'avions que prévu. Cela prouverait que

la vente des actifs non essentiels aurait dû être évaluée par la Commission dès ledépart.

195.
    Le royaume de Danemark soutient que, dans sa décision Aer Lingus (citée au point55 ci-dessus), la Commission a contraint Aer Lingus à se séparer des actifsétrangers au transport afin de contribuer à la restructuration pour un montant plusimportant que le montant de l'aide reçue. La partie intervenante rappelle, en outre,qu'Air France a effectivement vendu ses parts dans la compagnie tchèque CSA. Onne comprendrait pas pourquoi Air France ne pouvait pas vendre également sesparticipations dans Sabena ou dans Air Inter.

196.
    Le Royaume-Uni considère que la Commission aurait dû prendre sérieusement enconsidération la possibilité pour Air France de céder ses intérêts dans Sabena. Unetelle cession n'aurait pas nécessairement empêché la poursuite des accordscommerciaux existant entre les deux compagnies. En effet, beaucoup decompagnies aériennes auraient conclu entre elles de tels accords, sans qu'on jugenécessaire que chaque compagnie possède une participation minoritaire importantedans l'autre. La Commission n'aurait pas non plus expliqué pourquoi Air Francene pouvait pas céder ses parts dans Air Inter, d'autant plus que le contrôle de lapremière sur la seconde serait le résultat d'une acquisition relativement récente.Enfin, certaines sociétés appartenant au groupe Air France seraient très rentables,telles que le groupe Servair, et auraient donc pu dégager des ressourcesappréciables à la vente. D'autres sociétés seraient effectivement déficitaires, desorte que leur vente ou leur cessation d'activité aurait pu entraîner une baisseimportante des déficits du groupe Air France et, partant, une diminution dumontant de l'aide nécessaire.

197.
    Le royaume de Norvège estime que la Commission a négligé d'exiger d'Air Francequ'elle vende tous ses actifs «non aériens». Une telle vente serait un élémentimportant d'un plan de restructuration non seulement à cause de la contributionà la liquidité de l'entreprise concernée, mais également aux fins de réduire sescoûts, de rétablir son identité et de recentrer ses activités. Or, en l'espèce, il yaurait un grand nombre d'activités d'Air France de caractère périphérique parrapport aux activités essentielles d'une compagnie aérienne. British Airways, SAS,KLM et d'autres compagnies aériennes internationales auraient adopté des mesuresvisant à la sous-traitance de certaines prestations de services pouvant être assuréesà un moindre coût par des tiers indépendants. Ces compagnies auraient aliéné denombreux actifs non aériens, même si les recettes réalisées par chaque venteindividuelle pouvaient être insignifiantes.

198.
    La Commission conteste avoir omis de prendre en considération les possibilitésexistantes pour Air France de vendre certains de ses actifs. Après avoir examinéles diverses participations détenues par Air France, elle serait arrivée à laconclusion que la vente des actifs envisagée dans le plan était adéquate dans lecadre de sa restructuration. Toutefois, les participations d'Air France dans Sabenaou dans Air Inter n'auraient pas été évaluées, au motif que leur vente ne faisait pas

partie du plan de restructuration et que ces participations pouvaient êtreconsidérées comme des actifs essentiels d'Air France.

199.
    A l'audience, la Commission a précisé que, l'essentiel des activités d'Air France etd'Air Inter étant le transport aérien, il ne peut faire l'ombre d'un doute qu'AirInter constitue un actif essentiel d'Air France. L'importance d'Air Inter pour AirFrance viendrait du fait que, contrairement à d'autres compagnies aériennes, AirFrance n'a pas de réseau national. C'est la raison pour laquelle la Commissionaurait admis qu'Air Inter était effectivement un actif essentiel pour Air France quine devait pas courir le risque de voir celle-ci passer sous contrôle de laconcurrence. Air France a ajouté que les synergies commerciales avec Air Interétaient indispensables à sa survie, la maîtrise d'un réseau intérieur étant vitale pourune grande compagnie aérienne. Air France aurait besoin d'Air Inter pourbénéficier des apports de correspondances du réseau domestique afin d'alimenterses vols long-courriers. D'ailleurs, toutes les grandes compagnies aérienneseuropéennes contrôleraient leur réseau intérieur et préféreraient donc avoir uneparticipation majoritaire dans leur réseau domestique plutôt que de passer desaccords commerciaux avec ce réseau.

200.
    La Commission souligne que l'aliénation d'actifs par Air France a été examinée entenant dûment compte de l'ensemble de ses intérêts et de sa stratégie globale. Cefaisant, la Commission aurait eu la conviction que les aliénations d'actifs envisagéespar Air France étaient suffisantes. Dans ce contexte, la vente d'actifs par d'autrescompagnies aériennes en d'autres circonstances et à d'autres époques ne serait paspertinente pour examiner la question de savoir quels actifs devaient être aliénés parAir France. En effet, la nature et l'étendue des intérêts des diverses compagniesaériennes rendraient toute comparaison futile.

201.
    Elle ajoute qu'il n'a pas été possible de désigner nommément d'autres actifs etparticipations dont Air France entendait se défaire, car cette divulgation auraitconstitué une immixtion dans la conduite des négociations en cours portant sur cesactifs et aurait pu leur être préjudiciable. Par ailleurs, la décision attaquéen'interdirait pas l'aliénation d'autres actifs. Les conditions du marché pourraientévoluer et créer des incitations à aliéner des actifs non envisagés par le plan derestructuration ou influer sur le prix de ceux dont l'aliénation y est prévue. Envérifiant la proportionnalité de l'aide par rapport aux besoins de la restructuration,la Commission aurait souligné (JO p. 86) que les montants à payer pouvaient êtreajustés au besoin, afin de tenir compte de l'évolution de la situation financière d'AirFrance à la suite, notamment, de la vente d'actifs.

202.
    La mention par les requérantes des pouvoirs que le règlement sur lesconcentrations confère à la Commission serait dénuée de pertinence, puisque lesconcentrations affectent la structure même du marché considéré. De même, lerenvoi à la possibilité de placer des actifs chez un mandataire chargé d'en organiserla vente ne serait d'aucun soutien à l'argumentation des requérantes. En effet, le

contrôle d'une entreprise serait la question même qui se pose en droit desconcentrations, alors que ce ne serait pas le cas en l'espèce. Quant au consortiumde réalisations institué par le plan du Crédit Lyonnais, la Commission souligne qu'ils'agit d'une filiale à 100 %, l'opération constituant une réorganisation interne d'ungroupe.

203.
    En tout état de cause, aucune partie de l'aide litigieuse n'aurait été destinée àservir à Air France pour payer la dernière tranche de sa participation dans Sabena.L'aide aurait été autorisée afin de réduire la charge des frais financiers d'AirFrance. Du reste, il aurait été illégal d'inciter Air France à ne pas honorer sesengagements contractuels vis-à-vis de Sabena et à favoriser ainsi une rupture decontrat.

204.
    La République française et Air France soulignent que la participation d'Air Francedans le capital de Sabena était un de ses actifs essentiels et stratégiques. En juillet1994, tout aurait laissé supposer que la renégociation de l'accord relatif à cetteprise de participation entraînerait pour Air France une perte très importante etmettrait Sabena dans une situation délicate. Selon les parties intervenantes, c'estseulement en octobre 1994 que le gouvernement belge a annoncé sa décision derecapitaliser Sabena. En juillet 1994, ni Air France ni le gouvernement françaisn'auraient connu les intentions du gouvernement belge à cet égard. Air Francen'ayant pu suivre l'augmentation de capital préconisée par le gouvernement belge,ce dernier lui aurait alors proposé de racheter sa participation, tandis qu'unnouveau partenariat entre Sabena et Swissair était envisagé.

205.
    Air France précise que certains de ses actifs hors métiers de base avaient déjà étécédés dans le cadre du début de mise en oeuvre du projet. Ainsi, sa participationdans le capital de la compagnie aérienne tchèque CSA aurait été cédée le 25 mars1994. De même, la participation de Servair (détenue à 75 % par Air France) dansle capital de Saresco et, en conséquence, de sa filiale opérant dans la fabricationde fromages, aurait été cédée. La cession du groupe hôtelier Méridien,effectivement intervenue entre-temps, aurait porté sur 20 des 103 entreprises dugroupe. Il ressortirait clairement de la décision attaquée que d'autres cessions sontprévues dans le cadre du projet. Le calendrier prévisionnel et une estimation dumontant de ces cessions auraient été communiqués à la Commission pour tous lesactifs non aériens ayant une valeur significative. Les actifs en question n'auraient,toutefois, pas été explicitement cités dans le texte de la décision pour des raisonsévidentes de confidentialité.

206.
    Air France a souligné, à l'audience, que le système informatisé de réservationAmadeus constitue une activité certes non aérienne mais essentielle pour toutes lesactivités aériennes du groupe. Contrairement aux insinuations des requérantes, saparticipation dans Amadeus n'aurait pas été vendue et elle n'aurait pas l'intentionde la vendre.

207.
    Quant à Servair, Air France a confirmé, également à l'audience, que sa cessionétait prévue dans le plan de restructuration. Les recettes de la vente de Servairauraient figuré dans les projections financières et auraient donc été prises enconsidération pour diminuer le montant de la recapitalisation. Toutefois, cetteinformation aurait dû demeurer confidentielle, d'une part, afin de pouvoir négocierla vente de Servair à meilleur prix et, d'autre part, compte tenu des risquesd'agitation sociale que cette nouvelle n'aurait pas manqué de susciter chez Servair,ce qui aurait gravement remis en cause la qualité du service en vol d'Air France,qui est très dépendante de ce fournisseur essentiel en plateaux-repas. Le suivi dela vente de Servair aurait été examiné dans le détail par la Commission et sesexperts à l'occasion de l'autorisation des deuxième et troisième tranches d'aide.

208.
    En ce qui concerne les autres actifs, comme Air Charter et Jet Tours, Air Francea souligné, à la même occasion, qu'ils font indiscutablement partie de ses actifsstratégiques. Par ailleurs, les ventes de Jet Tours et d'Air Charter auraient procuréà Air France des recettes insignifiantes. Enfin, les ventes des participationsminoritaires d'Air France dans Royal Air Maroc, Austrian Airlines, Tunis Air, AirMauritius et Aéropostale auraient été examinées en détail par la Commission. Ellesn'auraient pu dégager de produits significatifs et n'auraient eu aucun effet sur lemontant de la recapitalisation.

Appréciation du Tribunal

209.
    Il convient de rappeler que la Commission a, dans le cadre de l'examen de l'aidelitigieuse, estimé que la restructuration d'Air France, la plus grande compagnieaérienne française et l'une des trois plus grandes compagnies européennes,contribuerait au développement du transport aérien européen par l'améliorationde sa compétitivité et serait donc conforme à l'intérêt commun (JO p. 83). LaCommission a ainsi indiqué qu'elle ne poursuivait pas une politique visant ledémantèlement complet du groupe Air France mais qu'elle préférait maintenir AirFrance à sa place parmi les plus grandes compagnies aériennes européennes, auxcôtés de Lufthansa et de British Airways. Impliquant des appréciations complexesde politique économique, l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont jouit laCommission en vertu de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, ayant aboutià l'adoption de la décision attaquée, ne peut être censuré en l'espèce qu'au titred'une erreur manifeste d'appréciation ou d'une erreur de droit, d'autant plus quela Commission a pris soin d'organiser, au moyen de l'échelonnement en troistranches du versement de l'aide, un contrôle de l'évolution de la situation financièred'Air France, qui lui permettait d'adapter, le cas échéant, les montants à verser (JOp. 86).

210.
    C'est dans le cadre de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire que la Commissionn'a désigné qu'un nombre restreint d'actifs hors métiers de base — à savoir la chaînehôtelière Méridien, un bâtiment ainsi que des avions atteints par la limite d'âge et

des pièces de rechange (JO p. 75 et 76) — dont la cession était imposée à AirFrance, afin que le montant de l'aide pût être limité à 20 milliards de FF.

211.
    Sont, par conséquent, dépourvus de pertinence tant l'argument tiré par le royaumede Danemark de la décision Aer Lingus (citée au point 55 ci-dessus), dans laquellela Commission aurait imposé au bénéficiaire de l'aide la vente de tous ses actifshors métiers de base, que la référence du royaume de Norvège à l'exemple deBritish Airways, de SAS, de KLM et d'autres compagnies aériennes internationales,qui auraient cédé, dans le cadre de leur restructuration, de nombreux actifs nonaériens. En effet, les circonstances d'une restructuration sont conditionnées par lasituation concrète de la seule entreprise concernée. Le fait que les compagniessusmentionnées aient été amenées, ou obligées, dans le contexte factuel de leurpropre restructuration, à céder de nombreux actifs ne saurait donc, à lui seul,remettre en question la décision prise par la Commission, dans la situationspécifique du mois de juillet 1994, visant à maintenir Air France dans le concertdes trois plus grandes compagnies aériennes européennes et à l'autoriser àconserver la plupart de ses actifs.

212.
    Par conséquent, la Commission pouvait considérer comme des actifs nonsusceptibles d'être aliénés par Air France les trois catégories d'actifs suivantes: enpremier lieu, ceux qui étaient essentiels pour le fonctionnement actuel et futur dela compagnie, en tant que transporteur aérien; en second lieu, ceux qui luiservaient d'éléments de stratégies de coopération et dont il fallait éviter qu'ilspussent passer sous le contrôle d'un concurrent; enfin, ceux qui concernaient desactivités étroitement liées au fonctionnement d'une grande compagnie aérienne.Ainsi qu'il ressort du dossier, la Commission a qualifié d'inaliénables de tels actifs, notamment Air Charter, Air Inter, Sabena, Amadeus et Jet Tours.

213.
    Quant à la compagnie Air Charter, il suffit de relever qu'elle est active, toutcomme Air France, dans le secteur aérien lui-même. Elle appartient donc auxmétiers de base d'Air France. S'il est vrai qu'Air Charter est spécialisée dans letransport aérien charter, c'est-à-dire un marché spécifique par rapport à celui dutransport aérien régulier, il ne s'agit là que de deux aspects d'une même activitéaérienne, dont la division en deux compagnies séparées ne traduit, en définitive,qu'une répartition interne des fonctions. Il s'ensuit que la Commission pouvait, àjuste titre, considérer qu'Air Charter constituait un élément essentiel de l'activitéaérienne d'Air France.

214.
    En ce qui concerne la compagnie Air Inter, il convient de rappeler que, dans ladécision attaquée, la Commission indique que le gouvernement français s'estengagé à faire d'Air France le seul bénéficiaire de l'aide en cause et à créer à ceteffet un holding qui contrôlerait à la fois Air Inter et Air France (engagementn° 1). La Commission considère que cet engagement atténue ses préoccupationsquant aux effets secondaires de l'aide, parce qu'il empêche Air France d'utiliserl'aide pour subventionner les activités d'Air Inter. Se fondant sur les informationsreçues au sujet de la structure future du holding, ainsi que sur l'engagement

correspondant des autorités françaises, la Commission estime que le bénéficiairede l'aide est la compagnie nationale Air France et ses filiales, dont Air Charter (JOp. 81 et 86).

215.
    Or, il est constant qu'Air France, contrairement à Lufthansa et à British Airways,ne disposait pas de réseau domestique avant d'avoir pris le contrôle d'Air Inter en1990. C'est donc à juste titre que la Commission a estimé que ce contrôle —aménagé, pendant la période de restructuration, par le mécanisme du holdingdécrit ci-dessus — était essentiel pour le fonctionnement actuel et futur d'AirFrance, du fait que sa perte risquait de porter sérieusement atteinte au trafic aériend'apport («feeder traffic») d'Air France, dont Air Inter était chargée. En effet, lesactivités d'Air Inter sont essentiellement concentrées sur le transport aérien àl'intérieur du territoire français. Or, ce marché intérieur français fournit un apportsubstantiel de passagers vers la plate-forme d'Air France à l'aéroport deParis-Charles-de-Gaulle [ci-après «Paris (CDG)»]. Dans ces circonstances, il estévident qu'Air France ne peut pas courir le risque de voir Air Inter passer, aprèsl'avoir cédée, sous l'influence d'une compagnie concurrente et de perdre ainsi lecontrôle sur une partie substantielle de son trafic aérien d'apport.

216.
    Le rattachement direct d'Air Inter à Air France ne pouvait pas non plus êtrevalablement remplacé par le transfert d'Air Inter à une banque et par la conclusionconcomitante d'accords commerciaux relatifs audit trafic aérien d'apport avec AirInter ou avec d'autres compagnies. En effet, les requérantes n'ont pas établi quecette solution pouvait écarter le risque de voir Air Inter absorbée par unecompagnie concurrente et compromettre ainsi le fonctionnement du trafic aériend'apport d'Air France. Quant à la conclusion de tels accords avec d'autrescompagnies aériennes, il suffit de relever que, en juillet 1994, la positionconcurrentielle d'Air Inter sur le marché domestique français était tellement fortequ'il ne pouvait pas être exigé d'Air France, désireuse de se restructurer et deretrouver sa rentabilité, de remplacer ses relations bien établies avec Air Inter pardes contrats avec des compagnies qui ne diposaient pas encore d'infrastructures surle marché français comparables à celles d'Air Inter.

217.
    En réponse à l'argument des requérantes, selon lequel Air France pourrait elle-même prendre en charge son propre trafic aérien d'apport, notamment sur leréseau domestique français, il importe de constater que le plan de restructurationd'Air France prévoit une flotte en exploitation de 146 avions, sans affecter cetteflotte spéciquement à ce trafic aérien d'apport. Au contraire, c'est surtout sur lelong-courrier que ce plan envisage une croissance de l'offre d'Air France, ce quiprésuppose une utilisation intensifiée de sa flotte dans ce domaine. Dans cetteoptique, la desserte du marché domestique revient essentiellement à Air Inter quidoit utiliser ses propres avions à cet effet. Or, il n'appartenait pas à la Commissiond'ordonner à Air France de se concentrer sur le marché domestique, une tellemesure comportant le risque de provoquer son affaiblissement sur les volsinternationaux.

218.
    Quant à la participation d'Air France dans le capital de Sabena, il convientd'admettre qu'Air France ne détenait, à l'époque, qu'une participation minoritaire(37,58 %) dans le capital de la compagnie belge. Cela n'exclut pourtant pas quecette participation constituait un élément stratégique important de l'activitéaérienne d'Air France. En effet, il y a lieu de rappeler la décision du 5 octobre1992 (annexe 24 aux observations des requérantes sur les interventions dansl'affaire T-371/94), par laquelle la Commission a déclaré ne pas s'opposer auprotocole d'accord signé par Air France, Sabena et l'État belge, qui a conféré à AirFrance, à travers la société Finacta, une participation de 37,58 % dans le capitalde Sabena (37,5 % des droits de vote).

219.
    Cette décision, accessible à tout intéressé (voir la communication au Journal officieldes Communautés européennes du 21 octobre 1992, C 272, p. 5), fait état, entreautres, de ce que:

—    Finacta, contrôlée par Air France, doit approuver la nomination duprésident et du vice-président de Sabena (droit de veto) et est en mesurede bloquer les décisions du conseil d'administration de Sabena quiimpliquent un changement de stratégie, du «business plan», du pland'investissement et du plan de coopération industrielle;

—    les présidents d'Air France et de Sabena se concerteront en cas de difficultéimportante dans le fonctionnement des organes ou dans la mise en oeuvrede la stratégie;

—    les éléments fondamentaux de la stratégie future de Sabena ont étécodécidés par Air France.

220.
    Dans cette décision de 1992, la Commission qualifie Sabena, en substance,d'entreprise commune contrôlée conjointement par l'État belge et Air France, cettedernière disposant de droits, qui vont bien au-delà de ceux normalement reconnusaux actionnaires minoritaires, et des moyens pour maîtriser le comportement deSabena sur le marché. Quant à l'objectif de l'accord, la Commission relève qu'il viseà développer la coopération entre Air France et Sabena, à mettre en oeuvrel'ensemble des synergies possibles entre les deux partenaires et notamment à créerun réseau intracommunautaire centré sur l'aéroport de Bruxelles-Zaventem.

221.
    Eu égard à cette décision du 5 octobre 1992, que les parties intéressées sontcensées connaître, la Commission pouvait donc raisonnablement considérer qu'ilfallait éviter que la participation d'Air France dans le capital de Sabena,constitutive d'un outil d'alliance stratégique pour Air France, soit abandonnée, desorte qu'un concurrent puisse prendre la place privilégiée occupée jusqu'alors parAir France.

222.
    Quant à la thèse du Royaume-Uni, selon laquelle cette participation aurait pu êtreremplacée par des accords de coopération, il suffit de relever qu'elle méconnaît le

caractère particulier de la participation en cause qui, tout en étant minoritaire,conférait à Air France un pouvoir de contrôle sur le comportement commercial deSabena et dépassait donc l'influence qu'un partenaire contractuel peut exercernormalement. Le Royaume-Uni n'a pas établi qu'Air France aurait également puaccéder à une telle position privilégiée, sans participation dans le capital de Sabena.La spécificité de l'alliance entre Air France et Sabena s'oppose en outre à toutecomparaison avec la vente, effectivement intervenue en mars 1994, de laparticipation qu'Air France a détenue dans le capital de la compagnie tchèqueCSA.

223.
    Il est vrai que, peu après l'adoption de la décision attaquée, Air France a versé 170millions de FF pour couvrir la dernière tranche du prix d'acquisition de saparticipation dans le capital de Sabena. Toutefois, rien ne permet de considérerque l'aide litigieuse ait été destinée et utilisée à cet effet. D'une part, ainsi que laRépublique française et Air France l'ont relevé, ce paiement résultait d'obligationscontractuelles datant de 1992, donc antérieures à l'autorisation de l'aide (voir ladécision de la Commission du 5 octobre 1992, citée aux points 218 et 219 ci-dessus). Comme le gouvernement français l'a rappelé devant le Tribunal, cesobligations prévoyaient un échéancier de versements à effectuer par Air France en1992, en 1993 et, pour la dernière tranche, entre le 15 et le 31 juillet 1994.L'existence de cette dernière obligation de paiement pesant sur Air France nepouvait pas raisonnablement avoir pour effet, à elle seule, de bloquer, ne serait-ceque partiellement, une aide visant le désendettement et la restructuration d'AirFrance. D'autre part, vu le montant relativement modeste, ce paiement nedépassait pas les limites d'un investissement normal. Par conséquent, laCommission pouvait admettre qu'il serait couvert par les ressources provenant dela vente par Air France de ses actifs et par les recettes de son exploitation courante(voir, ci-dessus, points 140 et 141).

224.
    Il est également avéré que la participation d'Air France dans le capital de Sabenaa ultérieurement été cédée pour 680 millions de FF [communication de laCommission concernant la troisième tranche de l'aide à la restructuration d'AirFrance approuvée par la Commission le 27 juillet 1994 (JO 1996, C 374, p. 9, 14)].Toutefois, ainsi que la République française et Air France l'ont souligné sans êtrecontredites sur ce point, ce n'est qu'en octobre 1994 que le gouvernement belge,actionnaire majoritaire de Sabena, a décidé qu'une recapitalisation de Sabena étaitnécessaire, ce qui signifiait de facto l'exclusion d'Air France qui ne pouvait passuivre cette recapitalisation. En outre, le désengagement d'Air France du capitalde Sabena n'a été finalisé qu'en juillet 1995. Le Tribunal constate donc que, à ladate de l'adoption de la décision attaquée, rien n'indiquait à la Commission qu'AirFrance envisageait sérieusement de mettre fin à son alliance avec Sabena et decéder sa participation. Dans ces circonstances, la Commission n'était pas tenued'inférer des rumeurs de presse invoquées par les requérantes, et faisant état d'uneacquisition imminente par Swissair de la participation en cause, que, dès juillet

1994, Air France ne considérait plus sa participation dans le capital de Sabenacomme un élément stratégique important de son activité aérienne.

225.
    Il convient d'ajouter que la Commission a expressément indiqué, dans sa décisiondu 21 juin 1995 autorisant le paiement de la deuxième tranche de l'aide litigieuse(communication publiée au JO C 295, p. 2 et 5), que l'incidence financière d'unevente de cette participation serait prise en compte dans le cadre de sa décision surle paiement de la troisième tranche de l'aide. Or, la légalité de ces décisions,postérieures à la décision attaquée en l'espèce, ne saurait être examinée dans lecadre des présents litiges qui portent sur la légalité de la seule décision du 27 juillet1994.

226.
    Pour ce qui est d'une éventuelle vente d'Amadeus, il y a lieu de préciser que cetactif constitue le système informatisé de réservation d'Air France. A cet égard, AirFrance a expliqué qu'elle avait confié à Amadeus toute l'activité de réservationpour ses billets, qu'elle était complètement dépendante de ce système pour leurdistribution et qu'un tel système était indispensable pour le développement del'activité aérienne, raison pour laquelle la très large majorité des compagniesaériennes en disposerait. Le Tribunal estime que, dans ces conditions, laCommission pouvait raisonnablement considérer que cet actif d'Air France n'étaitpas susceptible d'être cédé en ce qu'il concernait une activité étroitement liée aufonctionnement d'une grande compagnie aérienne.

227.
    Il en va de même pour la participation d'Air France dans le capital de la sociétéJet Tours, active dans le secteur du tourisme. Il s'agit là d'un secteur économiquequi est connexe, au moins partiellement, au secteur aérien. La Commission pouvaitdonc considérer Jet Tours comme un actif destiné à amener des clients touristestant à Air France qu'à Air Charter. Par conséquent, elle était autorisée à conclurequ'Air France ne devait pas être forcée de s'en séparer.

228.
    Les requérantes ne sauraient pas plus faire grief à la Commission de ne pas avoirimposé à Air France la vente globale de ses participations minoritaires dansd'autres compagnies aériennes telles que Tunis Air, Air Mauritius, Royal Air Marocet Austrian Airlines. En effet, vu le caractère plutôt négligeable d'une telle vente,le désengagement total d'Air France du capital de ces compagnies aurait été sanslien direct essentiel avec son plan de restructuration.

229.
    Quant à la déclaration faite par Air France lors de l'audience, selon laquelle lacession d'autres actifs non nommément désignés dans la décision attaquée, commecelle du groupe Servair, était prévue dans son plan de restructuration, et à l'éventuelle confidentialité de ces données, il convient de constater que la recettedes cessions en cause, si elle était destinée à cofinancer la mise en oeuvre du plande restructuration, ne devait pas automatiquement venir en déduction du montantd'aide de 20 milliards de FF considéré comme nécessaire et autorisé par la décisionattaquée. D'ailleurs, même les 7 milliards de FF qu'Air France espérait retirer dela cession de Méridien, d'un bâtiment et de 34 avions servaient seulement à

cantonner l'aide à 20 milliards et non pas à réduire ce montant. Ce n'est qu'àl'occasion du versement des deuxième et troisième tranches de l'aide que laCommission s'est réservée le droit de prendre en considération la situationfinancière globale d'Air France, en tenant compte des ventes d'actifs intervenuesentre-temps. Le Tribunal estime que les questions financières soulevées à l'égardde ces ventes, y compris celles de leur proportionnalité et de leur confidentialité,ne sauraient, dès lors, être examinées qu'au regard des décisions relatives à cesdeuxième et troisième tranches. Or, les présents litiges ne portent pas sur la légalitéde ces décisions.

230.
    L'argumentation des requérantes selon laquelle Air France aurait elle-même défini,dans son rapport annuel pour l'exercice 1993, une série de ses actifs comme «noncore activities» («activités hors métiers de base»), pour en exiger la vente, manqueen fait. En effet, c'est la seule traduction anglaise dudit rapport qui contient lepassage invoqué par les requérantes (p. 26 et 27; annexe 4 à la requête dansl'affaire T-371/94), alors que le texte français parle d'«activités non aériennes» etne comporte donc aucun jugement de valeur sur les actifs en cause. Or, Air Franceétant une compagnie française, il est évident que son rapport annuel de référenceest celui rédigé en langue française.

231.
    La Commission n'ayant pas commis d'erreur manifeste en s'abstenant d'exigerqu'Air France vende les actifs désignés par les requérantes et les partiesintervenues au soutien de leurs conclusions, le grief doit être rejeté.

232.
    Il résulte de tout ce qui précède que, sous réserve des points 84 à 120, ci-dessus,sont à rejeter tous les griefs tirés d'une violation du principe de proportionnalitéapplicable en matière d'aides d'État. Dans cette mesure, les requérantes et lesparties intervenues au soutien de leurs conclusions ont été à même de défendreleurs droits, et le Tribunal a pu exercer son contrôle juridictionnel. Par conséquent,et sauf en ce qui concerne l'autorisation d'achat de 17 nouveaux avions, la décisionattaquée est, à cet égard, conforme aux exigences de l'article 190 du traité, de sorteque le grief pris d'une insuffisance de motivation doit être rejeté.

Quant aux griefs tirés d'erreurs que la Commission aurait commises en considérant quel'aide est destinée à faciliter le développement d'une certaine activité économique, sansaltérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun

A — Sur le grief pris de ce que la Commission aurait autorisé à tort une aide visantau développement non pas d'une certaine activité économique mais d'uneentreprise particulière

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

233.
    Dans sa requête, la requérante dans l'affaire T-394/94 soutient que l'aide litigieusebénéficie à une entreprise particulière et ne contribue pas au développement d'une

activité économique. En l'autorisant, la Commission aurait manifestement accordéune importance primordiale à la survie d'Air France, au lieu de mettre en balancecet objectif avec les effets négatifs de l'aide sur ses concurrents, ainsi que sur lemarché du transport aérien de la Communauté.

234.
    La Commission considère les allégations de la requérante comme manifestementdénuées de tout fondement. Dans la décision attaquée, elle aurait souligné qu'elledevait tenir compte de l'évolution d'un secteur dans son ensemble et non de laseule évolution du bénéficiaire de l'aide. Ensuite, elle aurait abondamment débattudu point de savoir si l'aide pouvait bénéficier de la dérogation prévue par l'article92, paragraphe 3, sous c), du traité.

Appréciation du Tribunal

235.
    Il y a lieu de constater que, dans le cas d'une entreprise de l'envergure d'AirFrance, une des trois plus grandes compagnies aériennes européennes, unevéritable restructuration aura pour effet de favoriser le développement économiquedu secteur de l'aviation civile européenne (voir, en ce sens, les conclusions del'avocat général M. Van Gerven sous l'arrêt de la Cour du 21 mars 1991,Italie/Commission, C-305/89, Rec. p. I-1603, 1616 et 1630, point 17). Parconséquent, le grief ne saurait être accueilli.

236.
    Par ailleurs, la requérante a expressément admis, dans sa réplique, qu'elle neprétendait pas qu'une aide versée à une seule entreprise était en soi illégale et aajouté que de nombreuses aides octroyées à des entreprises individuelles sontjustifiées parce qu'elles profitent à des secteurs dans leur ensemble.

237.
    Dans la mesure où la requérante reproche à la Commission d'avoir unilatéralementfavorisé Air France en tenant compte des seuls éléments positifs de sarestructuration, sans prendre en considération ses effets négatifs, ces griefs serontexaminés ultérieurement dans le contexte correspondant.

B — Sur le grief pris de ce que la Commission aurait autorisé à tort une aide quialtère les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

238.
    Les requérantes considèrent que l'aide altère les conditions des échanges dans unemesure contraire à l'intérêt commun. L'aide servirait à abaisser artificiellement lescoûts d'Air France et transférerait, par conséquent, la charge de l'abaissement descoûts aux compagnies aériennes non subventionnées. A cet égard, les requérantesrappellent que la Commission a elle-même estimé, dans l'affaireFrance/Commission (voir l'arrêt cité au point 79 ci-dessus, point 44), que le fait demaintenir artificiellement une entreprise en activité affaiblit la compétitivitéd'autres fabricants qui avaient été amenés à accomplir leur réorganisation sansbénéficier d'aide d'État. Dans son arrêt dans cette même affaire (point 50), la Cour

aurait confirmé la décision de la Commission refusant l'autorisation de l'aide d'État,au motif qu'elle avait affaibli la compétitivité d'autres fabricants dans laCommunauté, au risque de les contraindre à se retirer du marché, même s'ilsavaient jusque-là pu poursuivre leurs activités grâce à une restructuration financéepar leurs propres ressources. Les requérantes se réfèrent encore aux conclusionsde l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt de la Cour du 20 mars 1984,Allemagne/Commission (cité au point 58 ci-dessus, Rec. p. 1492), ainsi qu'à l'arrêtPhilip Morris/Commission (cité au point 79 ci-dessus, point 26), dont il ressort quela Commission, en appliquant l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, doit tenircompte du cadre communautaire et notamment de la situation globale du secteuren question.

239.
    La requérante dans l'affaire T-394/94 souligne que la décision attaquée confirmeque l'aide en question fausse le jeu de la concurrence dans l'EEE. Elle rappelleque, dans les observations soumises à la Commission au cours de la procédureadministrative, elle avait suggéré que la Commission procède à l'analyse de chaquemarché géographique affecté par l'aide, à savoir les liaisons particulières surlesquelles les transporteurs aériens concernés sont en concurrence directe. Cettethèse serait confortée par l'arrêt de la Cour du 14 février 1990, France/Commission(cité au point 79 ci-dessus, point 50), dans lequel la Cour aurait indiqué qu'il y avaitlieu d'examiner l'effet de l'aide sur l'ensemble des concurrents de l'entreprisebénéficiaire. La requérante précise qu'elle est en concurrence avec Air France surles lignes Londres-Nice, Londres-Paris et Glasgow-Paris. Néanmoins, la Commissionaurait conclu que tous les effets négatifs sur les conditions des échanges étaientacceptables. Ce faisant, la Commission aurait favorisé Air France, entrepriseappartenant au secteur public, par rapport à la requérante, entrepriseindépendante appartenant au secteur privé. Ainsi, la Commission aurait procédéà une discrimination entraînant des distorsions de la concurrence dans une mesurecontraire à l'intérêt commun (arrêt de la Cour du 24 février 1987,Falck/Commission, 304/85, Rec. p. 871, point 27).

240.
    Dans ce contexte, la requérante dans l'affaire T-394/94 reproche, en outre, à laCommission d'avoir violé l'article 190 du traité en négligeant de motiveradéquatement son affirmation selon laquelle l'aide n'affecte pas les échanges dansune mesure contraire à l'intérêt commun et de répondre valablement auxobservations soumises par la requérante lors de la procédure administrative. Lesrequérantes dans l'affaire T-371/94 font également valoir que la Commission n'apas examiné sérieusement les commentaires soumis en réponse à sa communicationdu 3 juin 1994 par les tiers. Devant le Tribunal, elles ont produit des exempleschiffrés en énumérant des lignes individuelles avec les parts estimatives de marchédes différentes compagnies aériennes en situation de concurrence sur ces lignes(n° 21 et footnotes 33 à 42 de la requête dans l'affaire T-371/94).

241.
    De même, les sociétés Maersk considèrent que la Commission aurait dû accorderplus d'attention à l'effet de l'aide sur les petites et moyennes compagnies aériennes

exerçant leur activité sur les lignes régionales. Elles font ainsi grief à la Commissiond'avoir omis d'examiner l'effet négatif de l'aide litigieuse sur la concurrence dansles services aériens régionaux. A cet égard, elles affirment qu'elles desservent laligne Lyon-Birmingham et voulaient desservir, à partir du 16 octobre 1995, la ligneBillund-Paris (CDG). Elles estiment que les effets d'une aide d'État se manifestentnon seulement sur le marché restreint desservi par le transporteur bénéficiaire,défini par référence à des liaisons intervilles, mais aussi sur un marché plus vastede transports aériens et sur des liaisons indirectement concurrentes.

242.
    Les effets indirects de la décision attaquée sur de petits transporteurs exploitantsoit des lignes secondaires vers les principaux centres, à partir desquels opèrent lesgrands transporteurs, soit des liaisons indirectement en concurrence seraientillustrés par la liaison, exploitée par les sociétés Maersk, entre Birmingham et Lyon.Cette liaison ferait indirectement concurrence à celle qui relie Londres (Heathrow)à Paris comme à celle qui relie Birmingham à Paris et subirait la concurrence del'une et de l'autre de ces liaisons. Or, le taux de remplissage d'Air France sur laliaison Birmingham-Paris n'aurait été, selon des chiffres pour l'année 1992, que de32 % à comparer aux 61 % de ses concurrents. Des compagnies aériennesefficacement gérées pourraient être contraintes d'abandonner certaines liaisons,voire se trouver empêchées d'en développer de nouvelles, si la présence d'unecompagnie subventionnée par des fonds publics occasionnait une diminution destaux de rendement.

243.
    Elles ajoutent que la Commission n'a pas suffisamment examiné l'incidence del'aide litigieuse sur la concurrence potentielle dans le secteur du transport aérien.Ce constat serait illustré par la liaison Copenhague-Paris, sur laquelle le taux deremplissage d'Air France n'atteignait, selon des chiffres pour l'année 1992, que49 %, par rapport à 61 % pour les compagnies concurrentes. Bien que l'effet surla concurrence potentielle ne puisse pas pleinement être mesuré, il serait démontrépar la décision prise par les sociétés Maersk, lors de l'adoption de la décisionattaquée, de différer leurs plans visant à établir un service entre Billund et Paris(CDG).

244.
    Le royaume de Suède considère également que l'aide litigieuse accentue la pressionsur les compagnies régionales concurrentes, tendant à leur faire abandonner leurslignes périphériques. Ces compagnies pourraient voir leur position fortementaffectée même par des mesures globalement limitées prises par l'un des plus grandsacteurs sur le marché, alors que les autres grosses compagnies ne sont pas affectéesdans une même mesure.

245.
    A l'audience, les gouvernements suédois et norvégien ont précisé que lescompagnies aériennes scandinaves, qui sont en concurrence avec Air France sur desliaisons entre la France et les plus grandes villes de Scandinavie, ont également desliaisons internes qui pâtissent d'une faible fréquence en raison d'une densité depopulation extrêmement basse, mais qui sont nécessaires dans l'intérêt dudéveloppement économique des régions périphériques. Ces liaisons seraient

extrêmement vulnérables à toute distorsion de la concurrence par des aides d'Étataccordées à un gros concurrent comme Air France. Les grandes compagniesn'auraient que rarement un intérêt pour les lignes périphériques. Les distorsionsde concurrence sur les lignes à trafic intense pourraient donc entraîner uneréduction ou une disparition de la desserte des régions périphériques. Celaporterait préjudice à l'intérêt commun qui est d'assurer des liaisons aériennessuffisantes même à la périphérie de l'EEE.

246.
    La requérante dans l'affaire T-394/94 souligne qu'aucun élément de la décisionattaquée ne prouve que la Commission a satisfait à son obligation de pondérerl'intérêt à garantir la survie d'Air France et les effets négatifs que doitinévitablement avoir sur la concurrence l'injection, à titre d'aide, du montantexorbitant de 20 milliards de FF. La Commission n'aurait jamais expliqué pourquoielle estime que les effets bénéfiques suffisent à neutraliser les effets négatifs duplan de restructuration, mais se serait limitée à la simple analyse des effetsbénéfiques de l'aide pour son bénéficiaire.

247.
    Elle rappelle qu'Air France a accumulé des pertes considérables pendant lesdernières années, et cela malgré l'injection autorisée par la Commission de 5,8milliards de FF. A la lumière des pertes continues et croissantes d'Air France, laCommission aurait dû s'apercevoir rétrospectivement que ses investigations, fondéesalors sur des informations fournies par Air France, avaient été fondamentalementdéfectueuses. Au contraire d'Air France, la majorité de ses concurrentes, descompagnies aériennes non subventionnées et indépendantes, auraient dû adopterdes mesures rigoureuses de réduction des coûts et de restructuration pour être enmesure de s'adapter à un environnement commercial évoluant rapidement au seindu marché libéralisé. Ces mesures nécessaires à leur survie n'auraient pu être prisesque grâce à d'importantes réductions de personnel, à l'abandon de liaisons nonrentables, à l'annulation de commandes de nouveaux avions, au retraitd'investissements effectués dans d'autres compagnies aériennes et à la vente d'actifshors métiers de base. La requérante aurait, par exemple, lancé une importantecampagne de réduction des coûts comportant, notamment, une suppressiond'emplois et l'abandon de liaisons non rentables, y compris celles entre Édimbourget Paris, qu'Air France continue à exploiter.

248.
    Le royaume de Danemark et le Royaume-Uni ajoutent que la Commission auraitdû procéder à une comparaison entre Air France et les autres sociétés qui ontréalisé une restructuration avec ou sans aide d'État. Ce n'est qu'ainsi que laCommission aurait pu se faire une idée du marché et des sociétés opérant sur cemarché, ce qui constitue une condition préalable pour qu'elle puisse exercercorrectement son pouvoir discrétionnaire. L'expérience acquise par certainescompagnies concurrentes d'Air France montrerait ce que l'on peut faire pourrestaurer la viabilité d'une grande compagnie aérienne internationale sans aidesd'État. Ainsi, British Airways aurait cessé de desservir seize liaisons internationales,aurait vendu un nombre important d'appareils et aurait supprimé 13 500 postes de

travail dans les années 80. Dans le cas de Lufthansa, la restructuration auraitnécessité une diminution de 17 % du nombre des employés depuis 1992.

249.
    Les requérantes, le royaume de Danemark et le Royaume-Uni considèrent que les seize conditions auxquelles la Commission a subordonné l'approbation de l'aidesont inefficaces et ne peuvent donc pas empêcher l'aide d'avoir des effets néfastessur les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Ilssoulignent que la portée des conditions est limitée à la durée du plan derestructuration, c'est-à-dire qu'elles deviendront caduques à la fin de l'année 1996,alors que l'aide continuera à faire sentir ses effets sur Air France et sur le marchédes transports aériens au-delà de cette date. L'erreur commise en limitantl'application des conditions à la durée du plan serait illustrée par la fusionenvisagée des activités européennes d'Air France avec celles d'Air Inter au débutde l'année 1997. Le fait pour la Commission d'avoir fixé de telles conditions àrespecter par le gouvernement français, au lieu d'avoir soumis le plan derestructuration à un examen détaillé, serait en contradiction avec les règles quis'appliquent au pouvoir d'appréciation de la Commission en la matière. LaCommission ne pourrait pas omettre de procéder à l'appréciation exigée par ledroit communautaire en énonçant à la place un certain nombre de conditions.

250.
    Les requérantes et les parties intervenues au soutien de leurs conclusionssoulignent, en particulier, la possibilité pour Air France de contourner lesconditions d'autorisation imposées à l'État français par la décision attaquée. Ainsi,la société holding contrôlant Air France et Air Inter pourrait permettre à Air Inter,non soumise à ces conditions, d'adopter des mesures interdites à Air France. Si ladécision attaquée n'était pas annulée, tout destinataire d'une aide d'État serait enmesure de créer des filiales ou sociétés soeurs pour se soustraire aux conditionsd'autorisation et pour continuer à agir sur le marché sans aucune restriction.

251.
    La Commission considère que les requérantes confondent à tort les aides quifaussent la concurrence et affectent les échanges entre États membres, au sens del'article 92, paragraphe 1, du traité, avec celles qui altèrent les conditions deséchanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun, au sens de l'article 92,paragraphe 3, sous c). Elle affirme n'avoir jamais estimé que l'aide litigieuse nefausserait pas la concurrence ou n'affecterait pas les échanges. Toutefois, une telleaide ne constituerait pas forcément une aide qui altère les conditions des échangesdans une mesure contraire à l'intérêt commun. De l'avis de la Commission, lesrequérantes partent du principe que tout effort d'Air France pour survivre nuiraà ses concurrents. Or, cette thèse serait indéfendable au regard d'une interprétationcorrecte des articles 92, paragraphe 3, sous c), du traité et 61, paragraphe 3, sousc), de l'accord EEE.

252.
    Dans l'affaire France/Commission (voir l'arrêt cité au point 79 ci-dessus), laCommission aurait considéré que l'aide accordée était une mesure de sauvetagequi, en plus, ne satisfaisait pas aux critères définis pour ce type d'aide. LaCommission souligne que ces considérations sont absentes dans le cas d'espèce.

L'aide litigieuse ne serait pas une mesure de sauvetage, mais serait effectivementassociée à un véritable plan de restructuration. Il n'y aurait donc aucuneincompatibilité entre la position adoptée par la Commission dans ladite affaire etsa position dans le cas d'espèce.

253.
    La Commission ajoute que le passage des conclusions de l'avocat général SirGordon Slynn sous l'arrêt de la Cour du 20 mars 1984, Allemagne/Commission (citéau point 58 ci-dessus) portait sur la question de savoir si l'aide en cause pouvaitêtre considérée comme une aide destinée à faciliter le développement de certainesactivités économiques, et non de savoir si elle altérait les conditions des échangesdans une mesure contraire à l'intérêt commun. De même, l'extrait de l'arrêt PhilipMorris/Commission (cité au point 79 ci-dessus) se serait rapporté lui aussi à lapremière condition de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité et non à l'effetpréjudiciable sur les conditions des échanges.

254.
    La Commission souligne qu'elle a examiné si l'aide pouvait être considérée commecompatible au sens des articles 92, paragraphe 3, sous c), du traité et 61,paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE. Pour les raisons indiquées dans sa décision,elle aurait été à même de conclure que l'aide pouvait bénéficier de la dérogationprévue et qu'elle était compatible avec le marché commun, pour autant quecertains engagements soient respectés et certaines conditions remplies. Elle auraitexpliqué, dans la décision attaquée, que, en analysant les effets de l'aide dansl'EEE, elle avait tenu compte de la libéralisation accrue du transport aérien à lasuite de l'adoption du «troisième paquet» et s'était assurée que les effets négatifsde l'aide ne seraient pas amplifiés par l'exploitation de droits exclusifs oul'application d'un traitement de faveur à Air France.

255.
    La Commission soutient que certains des engagements qu'elle a obtenus dugouvernement français sont sans précédent ou d'une sévérité sans pareille. Aucunautre gouvernement ne se serait engagé à privatiser une entreprise bénéficiaired'une aide (engagement n° 2), et des restrictions à la liberté de fixation des prixn'auraient jamais été imposées dans le passé (engagement n° 9). La Commissiontient également à relever que la moitié seulement du montant total de l'aide a puêtre versée immédiatement, le paiement du solde en deux tranches étantsubordonné au respect d'un certain nombre de conditions et à son autorisation(article 2 de la décision attaquée). En outre, le gouvernement français auraitsouscrit l'engagement de ne plus accorder à Air France de nouvelles dotations oud'autres aides sous quelque forme que ce soit (engagement n° 5) et de ne pass'immiscer dans sa gestion pour des raisons autres que celles liées à son statutd'actionnaire (engagement n° 4).

256.
    Dans la mesure où les sociétés Maersk lui reprochent d'avoir exclu de son analysele rôle des transporteurs aériens de petite et de moyenne importance, laCommission souligne que son appréciation n'était pas limitée aux grandescompagnies européennes. Afin de s'assurer que l'aide n'affectait pas les conditions

des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun, elle aurait notammentdû acquérir la certitude que l'aide n'était pas utilisée pour brader les prix et quela capacité n'était pas augmentée à un rythme supérieur à celui de la croissance dumarché. Cette préoccupation aurait été valable pour tous les concurrents d'AirFrance et pour le secteur de l'aviation civile européenne dans son ensemble.

257.
    Quant à l'argument pris de ce qu'elle n'a pas examiné l'effet négatif de l'aide surla concurrence dans les services aériens régionaux, la Commission soutient que lesparties intervenantes n'apportent pas la moindre preuve de leur grief selon lequell'aide découragerait le développement des services à destination ou au départd'aéroports régionaux. Quant aux prétendus effets de l'aide sur un marché pluslarge que celui effectivement couvert par Air France, sur les lignes concurrentiellesindirectes et sur la concurrence potentielle, la Commission déclare que lesallégations y relatives sont dépourvues de fondement. Elle ignorerait ce que signifiel'ajournement du projet des parties intervenantes Maersk d'établir une liaisonBillund-Paris. Les hésitations de celles-ci trouveraient probablement leur originedans l'arrivée de British Airways sur la ligne Copenhague-Paris en 1993, où elle aimmédiatement accaparé 18 % du marché. De manière générale, la Commissionconsidère que la décision attaquée satisfait aux exigences de l'article 190 du traitéquant à l'évaluation de l'impact de l'aide sur les conditions des échanges.

258.
    Air France estime que tout dans la décision attaquée montre que les effets del'aide ont été appréciés dans un contexte communautaire. En effet, la Commissionaurait analysé la situation et l'évolution du transport aérien européen ainsi que leseffets de l'aide sur la situation concurrentielle d'Air France, en tenant compte dela libéralisation accrue du transport aérien. Enfin, tout l'objet des engagementssouscrits par le gouvernement français serait précisément d'éviter que l'aide puisseêtre utilisée par Air France au détriment de ses concurrents.

Appréciation du Tribunal

1. Sur la motivation

259.
    Au vu des griefs soulevés par les parties requérantes et les parties intervenues ausoutien de leurs conclusions, le Tribunal estime qu'il convient de vérifier, enpremier lieu, si la décision attaquée est pourvue d'une motivation suffisante en cequi concerne l'appréciation des effets de l'aide sur les compagnies concurrentesd'Air France et sur les liaisons aériennes pertinentes. A cet égard, le Tribunalrappelle qu'il a invité ces parties requérantes et intervenantes à déposer lesobservations qu'elles avaient présentées à la Commission au cours de la procédureadministrative, en qualité d'intéressées au sens de l'article 93, paragraphe 2, dutraité (voir ci-dessus point 33).

260.
    Ainsi qu'il a été relevé ci-dessus (points 89 à 96), il y a donc lieu pour le Tribunald'examiner si la motivation de la décision attaquée fait apparaître, de façon claireet non équivoque, le raisonnement de la Commission au vu notamment des griefs

essentiels pour l'évaluation du projet d'aide sous l'angle de ses effets, que lesparties intéressées ont, au cours de la procédure administrative, portés à laconnaissance de la Commission.

261.
    A la lecture de l'ensemble des observations déposées devant le Tribunal, il s'avèreque certaines de ces parties avaient notamment insisté, devant la Commission, surla nécessité pour celle-ci d'évaluer les effets de l'aide sur les compagnies aériennesconcurrentes d'Air France et sur les différentes liaisons aériennes concernées. Eneffet, il a été affirmé que l'aide permettrait aux compagnies appartenant au groupeAir France de continuer à exploiter leur position dominante sur le marchédomestique français. Par ailleurs, le marché géographique pertinent dans le secteuraérien étant constitué par les liaisons que les utilisateurs considèrent commesubstituables, c'est-à-dire les lignes de ville à ville, la question de la substituabilitédevrait être analysée. En effet, d'autres compagnies plus compétitives pourraientreprendre des liaisons desservies jusqu'alors par Air France. En outre, laCommission devrait être attentive aux effets de l'aide sur la situation des petitescompagnies aériennes, souvent dépendantes de quelques liaisons spécifiques. Le faitpour un grand transporteur tel qu'Air France d'obtenir une aide d'État pourraitaffecter l'équilibre de la concurrence sur ces lignes.

262.
    Certaines des parties intéressées ont souligné l'impact de l'aide litigieuse sur laconcurrence régnant sur les lignes internationales hors EEE. En effet, Air Franceaurait pratiqué une publicité agressive aux Pays-Bas en affichant des tarifs très baspour des vols via Paris à destination notamment de Hong-Kong, Singapour, Jakarta,Tokyo, Le Cap et Johannesburg (KLM, observations p. 1). Air France se trouveraiten concurrence sur 8 des 20 lignes internationales sur lesquelles la concurrence estla plus acharnée (Royaume-Uni, observations p. 6). Les autres compagniescommunautaires présentes sur les lignes extracommunautaires seraient affectées enraison de la substituabilité possible par exemple entre Rome et Londres pour unvol à destination de New York. Il existerait donc une situation de concurrence surtoutes les lignes entre l'Europe et l'Amérique du Nord, d'une part, et l'Extrême-Orient, d'autre part. Ainsi, British Airways serait en concurrence avec d'autrescompagnies en ce qui concerne les vols Rome-New York et Paris-New York. Pourbeaucoup de compagnies européennes, le marché domestique serait trop petit. Parconséquent, les lignes extracommunautaires seraient vitales pour leur survie à longterme, raison pour laquelle beaucoup se basent, dans une large mesure, sur le trafictransatlantique (p. ii, 57 et 58 du rapport Lexecon sur l'impact concurrentiel del'aide d'État sur l'industrie aérienne européenne, présenté par British Airways lorsde la procédure administrative et joint en annexe 17 à la requête dans l'affaireT-371/94).

263.
    Du côté de la Commission, il y a lieu de rappeler que ses services étaient eux-mêmes conscients des problèmes engendrés par les effets de l'aide sur la situationconcurrentielle d'Air France, à tel point qu'ils avaient déjà déclaré, dans lacommunication du 3 juin 1994, devoir examiner ces effets au regard des liaisons

internationales et intérieures, sur lesquelles Air France affronte la concurrenced'autres transporteurs européens, en ajoutant que le plan de restructuration d'AirFrance ne comportait pas d'analyse du réseau et de son développement futur (JOp. 8).

264.
    Quant à la décision attaquée, il convient de constater que, en vérifiant si l'aiden'affecte pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêtcommun, la Commission rappelle avoir déclaré, à l'ouverture de la procédureadministrative, qu'elle devait analyser les effets de l'aide sur la situationconcurrentielle d'Air France sur les lignes tant internationales qu'intérieures où ellese trouve en concurrence avec d'autres compagnies européennes. Ensuite, laCommission souligne que le gouvernement français s'est engagé, pour la durée duplan de restructuration, à:

—     ne pas accroître le nombre des avions de la flotte d'Air France exploité parcelle-ci au-delà de 146 (condition n° 7);

—    ne pas accroître l'offre d'Air France au-delà du niveau atteint en 1993 pourles liaisons entre la France et les autres pays de l'EEE (condition n° 8);

—    veiller à ce qu'Air France ne mette pas en oeuvre des pratiques consistantà proposer des tarifs inférieurs à ceux pratiqués par ses concurrents pourune offre équivalente sur les liaisons qu'elle exploite à l'intérieur de l'EEE(condition n° 9);

—    ne pas accorder un traitement préférentiel à Air France en matière dedroits de trafic (condition n° 10);

—    veiller à ce qu'Air France n'exploite pas, entre la France et les autres paysde l'EEE, un nombre de lignes régulières supérieur à celui exploité en 1993,à savoir 89 lignes (condition n° 11);

—    limiter l'offre d'Air Charter au niveau de 1993 (condition n° 12) (JO p. 79,86, 88 et 89).

265.
    La Commission considère que ces engagements, transformés en conditionsd'autorisation de l'aide, limitent très sévèrement la liberté dont Air France disposeen matière de capacité, d'offre et de fixation des prix et que ces limitations sontnécessaires pour que l'aide ne puisse pas être utilisée pour répercuter les difficultésde la compagnie sur ses concurrents. Les engagements empêcheraient Air Francede mener une politique tarifaire agressive sur toutes les lignes qu'elle exploite àl'intérieur de l'EEE (JO p. 86).

266.
    En ce qui concerne plus particulièrement les effets de l'aide sur le marché intérieurfrançais, la Commission indique encore que:

—    les autorités françaises se sont engagées à modifier, conformément à sadécision 94/290/CE, du 27 avril 1994, relative à une procédure d'applicationdu règlement (CEE) n° 2408/92 du Conseil (affaire VII/AMA/II/93 — TAT —Paris/Orly-Londres) (JO L 127, p. 22), les règles de distribution du traficappliquées au système aéroportuaire parisien de manière à les rendre nondiscriminatoires (condition n° 15);

—    les autorités françaises se sont engagées à veiller à ce que les travauxd'aménagement de l'aérogare Orly-Sud, réservé au trafic international, etde l'aérogare Orly-Ouest, réservé au trafic intérieur, ne perturbent pas lesconditions de concurrence au détriment des compagnies aériennesdesservant l'aéroport d'Orly (condition n° 16);

—    elle a adopté le 27 avril 1994 une décision selon laquelle la France est tenued'autoriser les transporteurs de la Communauté à exercer leurs droits detrafic sur les liaisons entre Paris (Orly) et Toulouse, ainsi qu'entre Paris(Orly) et Marseille à compter du 27 octobre 1994 au plus tard (JO p. 87 et88).

267.
    A la lecture de cet exposé des motifs, il s'avère que la Commission s'est abstenued'examiner la situation concurrentielle «ligne par ligne», alors qu'un tel examenavait été suggéré par les parties intéressées et envisagé par la Commission elle-même. Au lieu d'analyser en détail les effets de l'aide sur les différentes lignesdesservies par Air France, la Commission a choisi d'imposer à l'État français lesseize conditions d'autorisation de l'aide reprises à l'article 1er de la décisionattaquée. Il s'ensuit que la Commission considère ces conditions commeappropriées et suffisantes pour assurer que les effets de l'aide sur le secteur del'aviation civile relevant du champ d'application des articles 92 du traité et 61 del'accord EEE ne soient pas contraires à l'intérêt commun.

268.
    Il convient de préciser que les conditions relatives au nombre maximal des avionsd'Air France (n° 7), à l'interdiction d'accorder à Air France un traitementpréférentiel en matière de droits de trafic (n° 10) et à la limitation de l'offre d'AirCharter (n° 12), dont la portée n'a pas de limites géographiques, couvrent, en toutétat de cause, la surface de l'EEE. Quant aux conditions concernant le niveau del'offre d'Air France (n° 8), les pratiques de tarification d'Air France (n° 9), lenombre maximal des lignes exploitées (n° 11), les règles de distribution du traficpour le système aéroportuaire parisien (n° 15) et le réaménagement des deuxaérogares d'Orly (n° 16), elles visent spécifiquement le marché géographique àl'intérieur de l'EEE, y compris le marché domestique français. La Commissionindique expressément que, à son avis, ces conditions limitent la liberté d'Air France

et l'empêchent de mener une politique tarifaire agressive «sur toutes les lignesqu'elle exploite à l'intérieur de l'Espace économique européen» (JO p. 86).

269.
    Le Tribunal estime que, sur le plan de la motivation, cette manière d'aborder laproblématique fait apparaître que la Commission s'est effectivement penchée surla situation concurrentielle à l'intérieur de l'EEE, étant entendu que la question desavoir si les conditions d'autorisation susmentionnées sont réellement suffisantes etappropriées à cet effet relève de l'examen du fond. Même si cette motivation nefait pas suite aux observations des parties intéressées qui avaient suggéré deprocéder à un examen «ligne par ligne», elle démontre clairement que laCommission a jugé opportun de remplacer un tel examen par le mécanisme desseize conditions d'autorisation imposées à l'État français. Cela permet aux partiesintéressées d'identifier la réaction de la Commission à leurs observations, de vérifierle bien-fondé de l'approche choisie par la Commission et de défendre leurs intérêtsdevant le juge communautaire, en contestant le caractère complet et adéquat dumécanisme des seize conditions au regard de la situation concurrentielle régnantà l'intérieur de l'EEE.

270.
    Il y a, toutefois, lieu de constater que l'exposé des motifs de la décision attaquéene comporte pas la moindre indication relative à la situation concurrentielle d'AirFrance en dehors de l'EEE. D'une part, une analyse du réseau international d'AirFrance, qui tiendrait compte des liaisons aériennes sur lesquelles cette compagnieest en concurrence avec d'autres compagnies aériennes ayant leur siège à l'intérieurde l'EEE, fait défaut. D'autre part, les conditions d'autorisation relatives au niveaude l'offre d'Air France (n° 8), à ses pratiques de tarification (n° 9) et au nombremaximal des lignes exploitées (n° 11) ne couvrent pas les liaisons qu'Air Franceexploite ou entend exploiter vers les pays extérieurs à l'EEE, c'est-à-dire les volslong-courriers, notamment transatlantiques. Dans l'optique de la Commission, AirFrance — financièrement renforcée par l'aide autorisée — a donc toute libertéd'accroître ses capacités, d'augmenter le nombre de ses liaisons et de pratiquer destarifs aussi bas qu'elle le souhaite sur les lignes internationales hors EEE.

271.
    Or, le plan de restructuration d'Air France prévoit expressément le développementdes vols long-courriers ainsi que l'augmentation des fréquences sur les liaisonsrentables, et les autorités françaises ont annoncé une croissance de l'offre d'AirFrance de 10,2 % sur le long-courrier (JO p. 76 et 77). En outre, les partiesintéressées avaient attiré l'attention de la Commission, premièrement, sur laproblématique de la définition du marché pertinent en matière aérienne qui, deleur avis, est constitué par les lignes spécifiques que les utilisateurs considèrentcomme substituables, deuxièmement, sur le fait qu'Air France essayait d'attirer, parune campagne publicitaire, de la clientèle des Pays-Bas pour des vols à destinationhors EEE via Paris, Air France démontrant ainsi elle-même que ces vols sontlargement substituables au moyen d'un trafic aérien d'apport approprié, et,troisièmement, sur le caractère vital de ces vols pour la survie à long terme denombreuses compagnies européennes.

272.
    Il convient d'ajouter que la Commission a défini, dans sa décision du 5 octobre1992 (Air France/Sabena, citée aux points 218 et 219 ci-dessus), le marchépertinent comme le transport aérien régulier permettant de relier deux airesgéographiques, c'est-à-dire un faisceau de liaisons aériennes pour autant qu'il y aitsubstituabilité entre celles qui composent ce faisceau, une telle substituabilitérésultant de différents facteurs tels que, notamment, la longueur des liaisons, ladistance qui sépare les différents aéroports situés aux extrémités de chacune desliaisons composant le faisceau ou le nombre de fréquences sur chaque liaison(point 25). En conséquence, la Commission a conclu, en matière de liaisons entrel'Europe et l'Afrique noire francophone, que le marché pertinent pouvait êtredéfini comme un faisceau de liaisons entre l'ensemble des points de départ del'EEE, d'une part, et chacune des destinations en Afrique à titre individuel, d'autrepart (point 39).

273.
    Le Tribunal estime que, eu égard à cette pratique décisionnelle et compte tenu desobservations faites à cet égard par les parties intéressées, la Commission était tenuede se prononcer sur la problématique des liaisons aériennes hors EEE desserviespar Air France, bénéficiaire de l'aide autorisée, en situation de concurrence avecd'autres compagnies situées à l'intérieur de l'EEE. En effet, ainsi que la Cour l'ajugé dans son arrêt Bremer Vulkan/Commission (cité au point 94 ci-dessus, points53 et 54), des indications sur la situation des marchés en cause, notamment laposition de l'entreprise bénéficiaire d'une aide et celle des entreprises concurrentes,constituent un élément essentiel de la motivation d'une décision relative à lacompatibilité d'un projet d'aide avec le marché commun au sens de l'article 92 dutraité. Si l'arrêt précité a été rendu en application du paragraphe 1 de cet article,le Tribunal estime qu'une telle motivation s'impose également dans le cadre desarticles 92, paragraphe 3, sous c), du traité et 61, paragraphe 3, sous c), de l'accordEEE au regard du point de savoir si l'aide altère les conditions des échanges dansune mesure contraire à l'intérêt commun.

274.
    A défaut d'étendre les conditions d'autorisation nos 8, 9 et 11 aux lignes hors EEEdesservies par Air France, la Commission était tenue d'évaluer — au titre de sonexamen du marché pertinent — l'éventuelle substituabilité des vols hors EEEopérés, par exemple, à partir de Paris, de Londres, de Rome, de Francfort, deCopenhague, d'Amsterdam ou de Bruxelles et donc l'éventuelle situation deconcurrence, au titre de ces vols, entre les compagnies aériennes dont la plate-forme est située dans une de ces villes.

275.
    L'importance d'une telle motivation est illustrée par les chiffres que les requérantesdans l'affaire T-371/94 ont présentés devant le Tribunal, sans être contredites surce point, pour démontrer qu'une grande partie des chiffres d'affaires et desbénéfices de British Airways, de SAS et de KLM est réalisée sur les lignes horsEEE, notamment sur les liaisons avec les États-Unis, le Canada, l'Afrique, leMoyen-Orient, l'Inde et l'Extrême-Orient (requête n° 212 et footnote 282). Ainsique la Cour l'a admis dans l'arrêt Bremer Vulkan/Commission (cité au point 94 ci-dessus, point 34), ces éléments, postérieurs à la date de l'adoption de la décisionattaquée, peuvent être pris en considération à titre d'illustration du devoir demotivation incombant à la Commission. En tout état de cause, certaines des partiesintéressées avaient déjà souligné, devant la Commission, que les lignesextracommunautaires, et en particulier transatlantiques, étaient vitales pour lasurvie de nombreuses compagnies européennes et que la concurrence sur ces lignesétait la plus acharnée.

276.
    En plus, il est évident qu'un accroissement des capacités d'Air France et sonleadership en matière de bas tarifs sur une ligne donnée hors EEE à partir de saplate-forme à l'aéroport de Paris (CDG) peut avoir des répercussions sur le traficaérien d'apport vers cette plate-forme. En effet, dans la mesure où l'importanceéconomique de la plate-forme de Paris augmentera aux dépens d'autres plates-formes situées à l'intérieur de l'EEE, le trafic aérien d'apport vers Parisaugmentera proportionnellement et, par voie de conséquence, aux dépens du traficaérien d'apport vers les autres plates-formes. L'argumentation des partiesintéressées relative à la situation des petites compagnies aériennes, souventdépendantes de quelques lignes spécifiques, paraît donc essentielle, de sorte quela Commission aurait dû se prononcer également à cet égard. A titre d'illustration,il convient d'ajouter que, ainsi que British Midland l'a souligné à l'audience devantle Tribunal sans être contredite sur ce point, 30 % de ses passagers ont été despassagers interlignes, qui allaient vers d'autres destinations sur des lignes long-courriers. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas passer sous silence lasituation des petites compagnies actives dans le trafic aérien d'apport.

277.
    La problématique des lignes hors EEE et du trafic aérien d'apport y relatif nesaurait être considérée comme réglée par l'effet combiné des conditionsd'autorisation n° 7 (limitation du nombre d'avions d'Air France) et n° 9 (restrictiondu price-leadership d'Air France pour le trafic aérien d'apport à l'intérieur del'EEE), ainsi que du devoir d'Air France d'atteindre les objectifs de sarestructuration. En effet, s'il est vrai que ce sont les lignes hors EEE qui rapportentles plus hauts bénéfices, Air France aura tout intérêt à utiliser le plus grandnombre de ses avions sur les lignes internationales les plus rémunératrices, sansaucunement compromettre le succès de sa restructuration. Quant au trafic aériend'apport, il suffit de relever que rien n'oblige Air France à s'en charger elle-même,ce trafic vers la plate-forme de Paris pouvant être assuré par n'importe quellecompagnie aérienne distincte d'Air France, telle qu'Air Inter, non soumise auxconditions d'autorisation imposées par la Commission (voir ci-dessus point 215);l'importance économique de la condition n° 9, dans la mesure où elle couvre letrafic aérien d'apport assuré par Air France à l'intérieur de l'EEE, paraît doncinsignifiante au regard de la problématique globale des lignes hors EEE.

278.
    Enfin, si la condition d'autorisation n° 12 impose à Air Charter des limites d'offreabsolues, qui portent donc aussi sur les lignes hors EEE, son importanceéconomique avec 17 avions est tellement minime par rapport à celle d'Air Franceque l'existence de cette condition n'est pas de nature, à elle seule, à combler le

défaut de motivation concernant la situation d'Air France sur ces lignes. Il en vade même de la condition d'autorisation n° 10 interdisant aux autorités françaisesd'accorder à Air France un traitement préférentiel en matière de droits de trafic.En effet, si cette condition vise aussi les droits relatifs aux lignes hors EEE, elle nesaurait profiter qu'aux compagnies aériennes susceptibles d'en bénéficier. Il s'agitlà, en substance, des compagnies de pays tiers et des compagnies françaises tellesqu'Air France, Air Inter, Air Charter, Air Liberté, Corsair, AOM, TAT et Euralair,dans l'hypothèse où elles entendent desservir ces lignes à partir et à destination dela France. En revanche, les autres compagnies européennes qui, en concurrenceavec Air France, desservent les lignes hors EEE essentiellement à partir de leurspropres plates-formes situées hors de France ne bénéficient de la condition n° 10que de manière insignifiante.

279.
    Il est vrai que la Commission, ainsi que les parties intervenantes, Air France et laRépublique française, ont allégué, dans le cadre de la présente procédure, que lesdroits de trafic sur les liaisons hors EEE, notamment transatlantiques, étaient régispar des accords bilatéraux et qu'une restriction imposée quant à la tarification, àla capacité et au nombre de lignes aurait été préjudiciable à Air France, enréduisant sa compétitivité sur les marchés extérieurs. Elles ont soutenu qu'une tellerestriction aurait avantagé les seules compagnies extérieures à l'EEE et aurait doncété manifestement contraire à l'intérêt commun. Il y a toutefois lieu de constaterque ce raisonnement, développé par les agents de la Commission et des partiesintervenantes devant le Tribunal, ne figure pas dans la décision attaquée. Il s'ensuitque cette argumentation n'est pas couverte par le principe de collégialité et nesaurait donc être retenue. Par conséquent, elle n'est pas de nature à pallier ledéfaut de motivation dont la décision attaquée est entachée sur ce point (voir ci-dessus points 116 à 118).

280.
    Il résulte de tout ce qui précède que la motivation de la décision attaquée nesatisfait pas aux exigences de l'article 190 du traité en ce qui concerne l'évaluationdes effets de l'aide sur la situation concurrentielle d'Air France au regard de sonréseau de lignes hors EEE et du trafic aérien d'apport y relatif. Ce défaut demotivation ne permet pas au Tribunal d'examiner le bien-fondé des argumentationsdéveloppées sur ces points (voir ci-dessus points 238 et suivants). En outre, leTribunal n'est pas en mesure de se prononcer sur l'argumentation relative auxpratiques tarifaires d'Air France sur son réseau hors EEE, prétendument financéespar l'aide, en tant que mesures opérationnelles (voir ci-dessus points 142 et 143).

281.
    En revanche, le Tribunal est à même d'examiner si l'appréciation par laCommission des effets de l'aide sur la situation concurrentielle d'Air France àl'intérieur de l'EEE résiste aux griefs de fond soulevés par les requérantes et lesparties intervenues au soutien de leurs conclusions.

2. Sur le bien-fondé

282.
    Il y a lieu de rappeler, tout d'abord, que les appréciations économiques dansl'application de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, au regard desquellesla Commission jouit d'un large pouvoir discrétionnaire, doivent être effectuées dansun contexte communautaire (arrêt Philip Morris/Commission, cité au point 79 ci-dessus, point 24), ce qui signifie que la Commission a l'obligation d'examinerl'impact d'une aide sur la concurrence et le commerce intracommunautaire (arrêtdu Tribunal du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission, T-447/93, T-448/93 etT-449/93, Rec. p. II-1971, point 136). En l'espèce, la décision attaquée ayant étéadoptée également sur la base de l'article 61 de l'accord EEE, le Tribunal constateque le contexte d'examen défini par la jurisprudence susmentionnée doit être élargià l'EEE.

283.
    Il convient d'ajouter que, dans son arrêt du 25 juin 1970, France/Commission(47/69, Rec. p. 487, point 7), la Cour a jugé que, en vue d'apprécier si une aidealtère les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun,il est nécessaire d'examiner, notamment, s'il n'existe pas un déséquilibre entre,d'une part, les charges à subir par les entreprises intéressées et, d'autre part, lesbénéfices résultant de l'attribution de l'aide en cause. Le Tribunal en conclut qu'ilincombe à la Commission, dans le cadre de son examen de l'impact d'une aided'État, ainsi qu'elle l'a d'ailleurs elle-même relevé dans son Quatorzième Rapportsur la politique de concurrence (1984, p. 143, n° 202), de mettre en balance les effetsbénéfiques de l'aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et surle maintien d'une concurrence non faussée.

284.
    Quant au point de savoir si la Commission a procédé, en l'espèce, à une tellepondération, il y a lieu de rappeler, tout d'abord, que la décision attaquée exposel'historique des différents plans de restructuration adoptés par Air France depuis1991 pour affronter ses problèmes financiers: le CAP' 93, dans le cadre duquel AirFrance s'est vu octroyer 5,8 milliards de FF, le PRE 1 et le PRE 2 (JO p. 74). LaCommission a donc tenu compte des antécédents du projet litigieux et, notamment,des 5,8 milliards déjà versés à titre d'aide, lorsqu'elle a évalué les effets bénéfiqueset négatifs de l'aide faisant l'objet des présents litiges.

285.
    En constatant que le gouvernement français est actionnaire majoritaire d'AirFrance (JO p. 76) et en imposant aux autorités françaises d'engager le processusde sa privatisation (article 1er, point 2, de la décision attaquée, JO p. 88), laCommission a aussi pris en considération la circonstance qu'Air France appartientau secteur public. Or, le fait pour la Commission d'approuver une aide versée àune entreprise publique ne revient pas, à lui seul, à discriminer les entreprisesprivées concurrentes du bénéficiaire de l'aide. En effet, ainsi qu'il ressort de l'arrêtde la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission (cité au point 125 ci-dessus, point19), la Commission doit respecter, même en matière d'aides d'État, le principed'égalité de traitement entre entreprises publiques et privées. Il s'ensuit que laCommission pouvait autoriser l'aide d'État litigieuse sans discriminer les

concurrentes privées d'Air France, pourvu que l'aide n'altère pas les conditions deséchanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

286.
    La Commission n'était pas non plus tenue de comparer, dans le présent contexte,les mesures de restructuration envisagées par Air France à celles adoptées pard'autres compagnies aériennes ni, à plus forte raison, d'exiger que la restructurationd'Air France soit calquée sur celle d'une autre compagnie (voir déjà ci-dessuspoints 135 et 211). En effet, le caractère adéquat des mesures de restructurationd'une entreprise est fonction de sa situation individuelle ainsi que du contexteéconomique et politique dans lequel s'inscrit l'adoption des mesures en cause. Enl'espèce, la Commission a constaté, à la date de l'adoption de la décision attaquéeen juillet 1994, une certaine relance économique dans le secteur de l'aviation civileeuropéenne, l'avènement de perspectives assez favorables pour ce secteur etl'absence d'une crise structurelle de surcapacités (JO p. 81 et 82). Ces donnéespouvaient justifier que les mesures de restructuration envisagées par Air France etacceptées par la Commission soient moins sévères que celles exécutées par d'autrescompagnies au regard de leur situation et de leur contexte spécifiques.

287.
    Si, ainsi qu'il a déjà été constaté ci-dessus (point 267), la Commission s'est abstenuede vérifier, dans son examen de l'impact de l'aide sur la concurrence et lecommerce à l'intérieur de l'EEE, la situation concurrentielle «ligne par ligne» etn'a donc pas apprécié, au regard de chacune des liaisons effectivement oupotentiellement desservies par Air France, les conditions d'une concurrence directeou indirecte avec d'autres compagnies aériennes, elle a, toutefois, imposé à l'Étatfrançais une série de conditions visant à limiter la marge d'action d'Air France,notamment en matière de capacité, d'offre et de fixation des tarifs (voir ci-dessuspoints 264 à 268).

288.
    Le Tribunal estime que ce choix de principe relève du pouvoir d'appréciation dontla Commission dispose dans ce domaine. D'une part, la Commission a lacompétence de principe d'assortir une décision autorisant une aide au titre del'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité de conditions visant à assurer que l'aideautorisée n'altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire àl'intérêt commun (arrêt du Tribunal du 13 septembre 1995, TWD/Commission,T-244/93 et T-486/93, Rec. p. II-2265, point 55). D'autre part, Air France, une destrois grandes compagnies européennes, est active à l'intérieur de l'EEE dans sonensemble. La Commission pouvait donc considérer que les effets de l'aide devaientêtre évalués non pas par rapport à telle ou telle liaison individuelle ou régionspécifique, mais par rapport à l'EEE tout entier. Il n'apparaît pas erroné decouvrir, à cet effet, l'ensemble de ce territoire d'action d'Air France par un réseaud'obligations ayant pour objectif la protection de l'ensemble de ses concurrentsactuels et potentiels contre toute politique agressive que celle-ci pourrait êtretentée de mener, d'autant plus que la Commission a renforcé le mécanisme desconditions d'autorisation en prescrivant, à l'article 2, troisième alinéa, de la décisionattaquée, la vérification de leur respect par des consultants indépendants.

289.
    Cette conclusion n'est pas contredite par l'approche que la Commission a choisienotamment dans ses décisions Aer Lingus (citée au point 55 ci-dessus, JO p. 39)et Olympic Airways (citée au point 174 ci-dessus, JO p. 30 et 35), dans lesquelleselle a effectivement procédé à l'évaluation de certaines lignes spécifiques desserviespar les compagnies aériennes en cause. En effet, pour ces deux compagnies, d'unetaille relativement modeste par rapport à Air France, une ligne donnée peut revêtirune importance primordiale dans leurs activités, ce qui justifie que l'examen del'impact d'une aide accordée à une de ces compagnies soit concentré de la sorte,alors que le réseau aérien desservi par Air France à l'intérieur de l'EEE présenteun caractère plus homogène.

290.
    Dans la mesure où l'efficacité des conditions imposées à l'État français a étécontestée devant le Tribunal, notamment au regard des possibilités pour Air Franced'éluder ces conditions, il y a lieu de constater que l'utilité juridique et pratique detelles conditions d'autorisation consiste en ce que, si l'entreprise bénéficiaire devaits'en écarter, il appartiendrait à l'État membre concerné de veiller à la bonneexécution de la décision d'autorisation et à la Commission d'apprécier s'il y a lieude réclamer le remboursement de l'aide (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996,AIUFFASS et AKT/Commission, T-380/94, Rec. p. II-2169, point 128). A cet égard,il convient de rappeler que, dans son arrêt du 4 février 1992, British Aerospace etRover/Commission (C-294/90, Rec. p. I-493, point 11), la Cour a jugé que, si l'Étatne respecte pas les conditions auxquelles la Commission a soumis une décisiond'approbation d'une aide, la Commission peut, au titre de l'article 93, paragraphe2, deuxième alinéa, du traité, saisir immédiatement la Cour, par dérogation auxarticles 169 et 170 du traité.

291.
    Eu égard à ce système de fonctionnement des conditions qui sont à la base d'unedécision portant autorisation d'une aide, la simple affirmation que l'une ou l'autrede ces conditions ne sera pas respectée ne saurait remettre en cause la légalitémême de cette décision (arrêt AIUFFASS et AKT/Commission, cité au point 290ci-dessus, point 128). En effet, de manière générale, la légalité d'un actecommunautaire ne saurait dépendre d'éventuelles possibilités de le contourner, nide considérations rétrospectives concernant son degré d'efficacité (arrêt Schroeder,cité au point 81 ci-dessus, point 14).

292.
    Il y a donc lieu d'écarter de l'examen, en tant qu'inopérants, tous les griefs tirés,à l'encontre de la légalité de la décision attaquée, de ce que le contrôle de la miseen oeuvre des conditions d'autorisation imposées à l'État français sera inefficaceou qu'Air France aura des possibilités d'éluder ces conditions. Pour autant qu'ils'avérerait ultérieurement que ces conditions n'ont pas entièrement été respectéesou qu'Air France a effectivement réussi à se soustraire abusivement à leur emprise,il appartiendrait à la Commission d'examiner, le cas échéant, à l'occasion duversement des deuxième et troisième tranches de l'aide, une éventuelle réductiondu montant autorisé ou d'apprécier s'il y a lieu d'exiger de la République françaisela récupération totale ou partielle de l'aide versée.

293.
    Par conséquent, seuls les griefs tirés de la nature intrinsèquement et manifestementinappropriée des conditions d'autorisation, notamment de leur portéejuridiquement insuffisante, peuvent être susceptibles de remettre en cause lalégalité de la décision attaquée.

294.
    Le Tribunal estime que, contrairement au grief soulevé, dans ce contexte, par larequérante dans l'affaire T-394/94, la Commission n'a commis aucune erreur enlimitant la portée de la plupart de ces conditions à la durée du plan derestructuration. En effet, il est évident que les restrictions imposées afin de limiterl'impact de l'aide ne pouvaient pas durer à l'infini. Dans les circonstances du casd'espèce, il n'apparaît pas arbitraire de faire coïncider l'expiration de la durée desconditions en cause avec la fin de la mise en oeuvre du plan de restructuration.

295.
    C'est à la lumière des considérations précédentes qu'il convient d'examiner, ensuite,les griefs dirigés contre certaines conditions d'autorisation spécifiques. Cet examenrévélera en définitive si la Commission, au lieu d'autoriser l'aide et d'assortir sadécision de plusieurs conditions d'autorisation, aurait dû décider que l'aide altéraitles conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

296.
    Sous cette réserve, le grief pris du caractère erroné de la méthode choisie par laCommission pour examiner l'impact de l'aide sur l'intérêt commun ne saurait êtreretenu.

a) Sur la condition d'autorisation n° 1

297.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises à veiller«à ce que la totalité de l'aide bénéficie exclusivement à Air France. Par Air Franceon entend la Compagnie nationale Air France, ainsi que toute société qu'ellecontrôle à plus de 50 %, à l'exclusion d'Air Inter. Afin d'éviter tout transfert del'aide vers la compagnie Air Inter, un holding sera créé avant le 31 décembre 1994qui détiendra une participation majoritaire dans les compagnies Air France et AirInter. Aucun transfert financier qui ne s'inscrirait pas dans une relationcommerciale normale n'est opéré entre les sociétés du Groupe tant avant qu'aprèsla création effective du holding. Ainsi, toutes les prestations des services et cessionsdes biens entre les sociétés sont effectuées à des prix de marché; Air France nepeut en aucun cas appliquer des tarifs préférentiels en faveur d'Air Inter».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

298.
    Les requérantes soutiennent que la Commission, en n'incluant pas Air Inter dansson appréciation, a commis une erreur qui a vidé de leur contenu les conditionsd'autorisation de l'aide. Par exemple, la réduction de capacité minime exigée d'AirFrance serait grandement facilitée par le fait qu'Air Inter a des possibilitésillimitées de procéder à une augmentation de capacité. La Commission auraitconsidéré à tort que la structure de holding envisagée empêcherait Air Inter de

bénéficier d'une façon quelconque de l'aide. Air France et Air Inter constitueraientune unité économique, de sorte qu'elles doivent être considérées comme une seuleentreprise aux fins de l'application des règles communautaires régissant les aidesd'État. Le changement de rapport entre Air France et Air Inter, qui ne serait pluscelui de société mère/filiale mais celui de deux compagnies contrôlées par un mêmeholding, ne modifierait en rien cette conclusion. En même temps, la concurrenceentre Air France et Air Inter serait inconcevable, étant donné qu'elles ont lesmêmes intérêts économiques.

299.
    Dans ce contexte, les requérantes dans l'affaire T-371/94, se fondant sur des articlesde presse parus en août et septembre 1994, affirment que le président du holdingsera M. Christian Blanc, qui conservera son poste de président d'Air France;quatorze autres directeurs seraient choisis parmi les directeurs et employés d'AirFrance et d'Air Inter. Le président d'Air Inter siégerait également au conseild'administration du holding et aurait, par ailleurs, été nommé président du nouveaucentre d'Air France pour ses activités européennes, le «Centre de résultatEurope». Air Inter fusionnerait avec le «Centre de résultat Europe» d'Air Francedès la fin du plan de restructuration, c'est-à-dire le 1er janvier 1997. Dansl'intervalle, Air Inter commencerait à exploiter certaines lignes européennes d'AirFrance à la place de celle-ci. Par ailleurs, Air France et Air Inter détiendraient desparts dans les mêmes entreprises et auraient renforcé leur coopération dansplusieurs domaines. De plus, la Commission aurait elle-même identifié Air Intercomme représentant un actif lié aux métiers de base d'Air France qui ne pouvaitpas être cédé.

300.
    D'après ces requérantes, le fait qu'Air Inter appartienne au même groupe qu'AirFrance, ainsi que la déclaration selon laquelle Air Inter fusionnera avec Air France,permet à Air Inter de «compter» sur l'aide. Ainsi, Air Inter pourrait donnerl'assurance aux banques que son financement comporte relativement peu derisques et que, à la suite de la fusion, ses obligations seraient honorées par lanouvelle compagnie.

301.
    Dans la mesure où la Commission a imposé, dans la décision attaquée, que seulsdes rapports commerciaux normaux peuvent s'établir entre les compagnies dugroupe, ces requérantes estiment que cette condition ne saurait empêcher Air Interde bénéficier de l'aide litigieuse. En effet, il existerait de nombreuses manières dontdeux compagnies du même groupe, en particulier lorsqu'elles ont des activités etdes filiales conjointes, peuvent échanger des biens et des services à des conditionsn'ayant aucun rapport avec celles du marché, sans aucune possibilité de vérification.

302.
    Dans ce contexte, elles soulignent que le droit fiscal français, notamment la théoriefiscale de l'«acte anormal de gestion» relative aux frais déductibles des bénéficesà l'intérieur d'un groupe de sociétés, ne fournit aucun moyen de vérifier qu'AirInter ne bénéficiera, ni directement, ni indirectement, de l'aide accordée à AirFrance. En effet, des transferts directs, ainsi que l'octroi d'avantages financiers pardes commissions ou des prix préférentiels d'Air France à Air Inter, par anticipation

à la fusion entre les deux compagnies, ne pourraient pas être considérés commedes actes anormaux de gestion.

303.
    Les requérantes ajoutent que le champ d'application de la condition imposée estlimitée, en ce qu'il ne couvre pas le transfert par Air France à Air Inter des liaisonseuropéennes et des créneaux horaires rentables.

304.
    En ce qui concerne les échanges de créneaux entre Air France et Air Inter, cesrequérantes précisent que de tels échanges se produisent fréquemment entrecompagnies aériennes. En effet, un créneau aéroportuaire serait un actif essentielpermettant à une compagnie aérienne d'exploiter une ligne donnée. Il existeraitdonc un marché sur lequel les créneaux sont échangés. Toutefois, il n'existerait pasde «prix de marché». Les compagnies aériennes faisant partie d'un même groupepourraient échanger des créneaux pour mettre en oeuvre une stratégie de groupe.Or, la stratégie du groupe Air France viserait à élargir les opérations d'Air Interen dehors des frontières françaises vers l'Europe et au-delà, en attendant la fusionprévue pour le 1er janvier 1997. Air France pourrait donc très bien offrir à Air Interun créneau horaire de pointe très rentable pour l'exploitation d'une liaisonparticulière. Pour cette raison, la condition imposée par la Commission visant àmaintenir la séparation entre Air France et Air Inter serait inopérante.

305.
    Concernant l'ensemble des liaisons, la possibilité pour Air Inter de connaîtred'avance, par l'intermédiaire d'Air France, les liaisons que celle-ci a l'intentiond'abandonner lui donnerait un avantage considérable par rapport aux concurrentesindépendantes. En effet, Air Inter pourrait ainsi préparer son entrée sur une liaisondonnée pour être prête, lorsqu'Air France annoncera publiquement son retrait dela ligne concernée. Par ailleurs, la possibilité pour Air Inter de profiter del'infrastructure d'Air France dans les aéroports et les pays concernés représenteraitun autre avantage important par rapport aux compagnies concurrentes désireusesde s'implanter sur de telles liaisons.

306.
    Ce serait pour ces raisons qu'Air France peut effectivement transférer ses liaisonsà Air Inter. Ce constat serait illustré par des articles de presse parus en septembre1994, qui reproduisent des déclarations officielles d'Air France (annexe 33 à larequête). Les requérantes relèvent, en outre, qu'un accord datant de 1992 entre AirFrance et Air Inter prévoit le transfert du personnel navigant d'Air France à AirInter pour toutes les liaisons européennes qu'Air Inter commencerait à exploiter.Il s'agirait là d'un type d'accord que n'auraient pas pu conclure deux compagniesaériennes indépendantes dans le cadre de l'EEE.

307.
    Afin de démontrer la stratégie de groupe poursuivie par Air France et Air Inter,les requérantes renvoient à l'«ABC World Airways Guide» du mois de juin 1994,qui reproduit les horaires de nombreuses compagnies aériennes opérant dans lemonde entier. Cet ouvrage regrouperait les vols d'Air Inter sous un code «AF».Or, cette utilisation du code «AF» permettrait de présenter une liaison composée

d'un vol intérieur desservi par Air Inter et d'un vol international desservi par AirFrance comme un seul vol sans escale, raison pour laquelle ce vol se voit attribuerune priorité dans le système de réservation par ordinateur.

308.
    Les sociétés Maersk ajoutent que le comportement ultérieur d'Air France et de songroupe démontre le non-respect de la condition visant à ce qu'Air Inter conserveson autonomie commerciale et financière. En effet, les numéros de vol d'Air Interreprendraient, à des fins de coordination des systèmes de réservationsélectroniques, le code informatique d'Air France; Air Inter adopterait le nom dela future compagnie européenne du groupe et proposerait son produit simplifié etses bas tarifs sur de multiples lignes européennes, essentiellement au départ d'Orly.En outre, la baisse des prix pratiquée par Air Inter ne pourrait s'expliquer que parla circonstance que, dans peu d'années, toutes les pertes d'Air Inter serontabsorbées dans celles d'Air France qui, entre-temps, aura bénéficié de l'aide et seradonc mieux placée pour supporter de telles pertes.

309.
    Les intervenantes soulignent, en outre, qu'Air France et Air Inter ont mis enservice, le 2 janvier 1995, le premier appareil au sein d'un nouveau servicecommun, régional et d'apport, s'intitulant «Air France Air Inter Express». Selonla propre documentation d'Air France, cette nouvelle approche conjointe seraitl'expression d'une politique commune dans la perspective de la fusion des deuxcompagnies. Le fait qu'un certain degré d'intégration des flottes a déjà été réalisédémontrerait non seulement l'erreur commise par la Commission en concluantqu'Air Inter ne serait pas une bénéficiaire de l'aide, mais aussi les insuffisances desmesures destinées à empêcher toutes les retombées de cette aide.

310.
    Par ailleurs, les compagnies aériennes en voie de restructuration introduiraientnormalement des programmes de réduction des coûts dans l'ensemble de leurgroupe, afin de contribuer ainsi à une diminution des pertes. Air France pourrait,grâce à l'aide litigieuse, éviter d'avoir à réclamer une telle contribution à Air Inter.En conséquence, Air Inter serait en mesure de financer le développement actuelde ses activités, alors que, sans aide, elle aurait été dans l'obligation de mettre enoeuvre des mesures d'austérité. Dès lors, Air Inter serait au moins un bénéficiaireindirect de l'aide en cause.

311.
    A l'audience, les requérantes dans l'affaire T-371/94 ont rappelé que, selon lacondition n° 1, l'aide litigieuse était destinée à Air France, ainsi qu'à toute sociétédont Air France détenait plus de 50 %. Ces sociétés seraient donc censéesbénéficier de l'aide. Cependant, aucune d'elles n'aurait eu besoin d'êtrerestructurée ou, si elles avaient besoin d'une restructuration, elles n'auraient passoumis de plan de restructuration. L'autorisation de l'aide en faveur d'Air Franceet de ses 80 filiales serait donc manifestement illégale, notamment en ce quiconcerne les filiales actives dans des secteurs non aériens.

312.
    La Commission, la République française et Air France contestent le bien-fondé desgriefs soulevés.

Appréciation du Tribunal

313.
    Quant aux arguments tirés du caractère intrinsèquement inapproprié de lacondition d'autorisation n° 1, au motif que la non-inclusion d'Air Inter dans lechamp d'application de la décision attaquée méconnaîtrait les réalités économiques,en particulier l'unité économique constituée par Air France et Air Inter, il y a lieude rappeler que l'aide litigieuse poursuivait la double finalité de contribuer audésendettement d'Air France et au financement de son plan de restructurationexpirant le 31 décembre 1996. En autorisant l'aide, la Commission devait doncveiller à ce que la réalisation de ces objectifs ne fût pas compromise par lesrelations existant entre la compagnie nationale Air France et la compagnie AirInter au sein du groupe Air France, notamment par le transfert direct ou indirectà Air Inter d'une partie de l'aide. En outre, comme il a été exposé ci-dessus (points214 à 216), la Commission devait prendre en considération qu'Air Inter constituaitun actif stratégique important d'Air France, de sorte qu'il ne pouvait pas être exigédes deux compagnies de procéder à leur séparation totale et définitive.

314.
    Dans ces circonstances, le Tribunal estime que la Commission, dans l'exercice deson large pouvoir d'appréciation, était autorisée à considérer que, une fois lemécanisme de holding instauré, Air France et Air Inter constitueraient descompagnies juridiquement et financièrement autonomes, aux fins de l'applicationdu régime spécifique des aides d'État. En effet, ce mécanisme — combiné ausystème de vérification par des consultants indépendants et à l'échelonnement duversement de l'aide en trois tranches, au titre de l'article 2 de la décisionattaquée — pouvait être qualifié de moyen suffisant et approprié pour garantirqu'Air France soit le seul bénéficiaire de l'aide et pour transformer la structurejuridique d'Air France et d'Air Inter, qui passaient du régime de dépendance entrefiliale et société mère à celui de sociétés soeurs indépendantes.

315.
    La séparation juridique et financière des deux compagnies, au sens du régime desaides d'État, n'est pas remise en question par le fait qu'elles ont en commun desfiliales et des membres de leurs équipes dirigeantes, ni par leurs intérêts aériensconcordants. Il s'agit là d'éléments purement factuels qui peuvent, tout au plus,amener la Commission et les consultants indépendants à être particulièrementvigilants dans leur contrôle, au titre de l'article 2 de la décision attaquée, de labonne mise en oeuvre du plan de restructuration, ainsi que de la réalisation desconditions liées à l'approbation de l'aide.

316.
    Il en va de même en ce qui concerne la fusion des deux compagnies envisagée pourle 1er janvier 1997. Indépendamment du fait que la Commission ne disposait pas,en juillet 1994, d'un projet spécifique et détaillé d'une telle fusion, dont elle auraitpu tenir compte dans la décision attaquée, il convient de constater que la possibilitéde rejoindre le groupe Air France à l'issue de la période de restructuration n'étaitaucunement limitée à la seule compagnie Air Inter. A cet égard, celle-ci ne sedistinguait pas de toute autre compagnie aérienne indépendante d'Air France au

sens du régime des aides d'État. Par ailleurs, il est évident qu'Air France, commetoute entreprise ayant reçu une aide d'État, devait pouvoir retrouver sa liberté demanoeuvre, une fois achevée la phase de restructuration assortie des restrictionsimposées par la Commission.

317.
    S'il est vrai que la motivation même de la décision attaquée ne porte ni surl'interdépendance de fait d'Air France et d'Air Inter ni sur les perspectives d'uneéventuelle fusion des deux compagnies, le Tribunal estime, toutefois, que lamention du holding, dont la conséquence était de garantir leur indépendancejuridique, a rendu superflue toute autre motivation à cet égard. En effet, dansl'économie générale de la décision, Air Inter constitue une compagnie autonome,qui est exclue du bénéfice de l'aide. Il s'ensuit qu'elle doit être traitée, pour ladurée de cette autonomie, comme toute autre compagnie aérienne non bénéficiairede l'aide et indépendante d'Air France.

318.
    En ce qui concerne les échanges de lignes et de créneaux entre Air France et AirInter, il y a lieu de constater que ces transactions ne constituent pas uneparticularité des relations entre ces deux compagnies. Il s'agit plutôt d'une pratiquecourante à laquelle se livrent toutes les compagnies aériennes. Ainsi, comme legouvernement français l'a déclaré à l'audience sans être contredit sur ce point, AirFrance a échangé, en 1996, à l'aéroport Paris (CDG), 50 créneaux avec unetrentaine de compagnies extérieures au groupe Air France, dont deux avec BritishAirways, un avec British Midland et un avec KLM. Avec Air Inter, il n'y aurait euaucun échange pendant la saison d'hiver 1994/1995; un seul échange aurait eu lieupour la saison d'été 1995 et quatre pour la saison d'hiver 1995/1996. Quant auxéchanges de lignes, le gouvernement français a indiqué que la ligne Paris-Dresdea été reprise par Lufthansa après qu'Air France l'eut abandonnée, tandis queJersey Air European a repris la ligne Paris-Glasgow et Crossair la ligne Bordeaux-Genève.

319.
    Dans ce contexte, il convient d'ajouter que le transfert éventuel par Air France àAir Inter des lignes et des créneaux rentables, en échange de lignes et de créneauxnon rentables, irait à l'encontre de la restructuration, telle qu'Air France l'a elle-même conçue dans son projet, et mettrait en péril la réalisation des objectifsd'exploitation et de productivité fixés dans la décision attaquée. Dès lors, laCommission pouvait considérer que le mécanisme de contrôle instauré parl'article 2 de la décision attaquée était suffisant pour faire face à cette hypothèsepeu probable.

320.
    Au regard de l'argument selon lequel Air Inter était au moins une bénéficiaireindirecte de l'aide, sans laquelle Air France aurait dû exiger d'elle une contribution financière à sa restructuration, il importe de rappeler que la Commission étaitautorisée à estimer justifié, dans l'exercice de son large pouvoir d'appréciation, lemaintien de la compagnie Air France restructurée au niveau des deux autres plusgrandes compagnies européennes (voir ci-dessus point 209) et qu'Air Interconstituait un actif stratégique important, et donc inaliénable, d'Air France (voir

ci-dessus points 214 à 216). Par conséquent, la Commission pouvait estimer quecette position d'Air France serait affaiblie si, au lieu de l'autorisation de l'aideaccompagnée de l'instauration du holding décrit ci-dessus, Air Inter avait dûmobiliser des fonds propres ou s'endetter elle-même, afin de contribuer aufinancement de la restructuration d'Air France. Dans ces circonstances, Air Interne saurait être qualifiée de bénéficiaire indirecte de l'aide.

321.
    Les arguments tirés du caractère inefficace d'un contrôle de la mise en oeuvre dela condition d'autorisation n° 1 ou de son éventuel contournement par Air Francene sont pas de nature à affecter la légalité même de la décision attaquée dès lorsqu'ils concernent la seule phase postérieure à l'adoption de cette décision ou mêmepostérieure à la période de restructuration d'Air France (voir ci-dessus point 292).Pour la même raison, il y a lieu d'écarter toutes les références que les requéranteset les parties intervenues au soutien de leurs conclusions ont faites aucomportement d'Air France et/ou d'Air Inter postérieur à l'adoption de la décisionattaquée (voir ci-dessus point 81).

322.
    Quant aux problèmes de contrôle soulevés au regard du droit fiscal français, il suffitde constater que les consultants indépendants — chargés, au titre de l'article 2 dela décision attaquée, de vérifier la bonne mise en oeuvre du plan de restructurationet la réalisation des conditions liées à l'approbation de l'aide —, loin d'être limitésaux concepts du droit fiscal français, sont libres de procéder au contrôle del'étanchéité de la séparation juridique et financière d'Air France et d'Air Interselon les méthodes économiques, financières et comptables qu'ils jugentappropriées. L'exécution de l'accord de 1992 prévoyant le transfert du personnelnavigant d'Air France à Air Inter, pendant la période de validité des conditionsd'autorisation imposées par la décision attaquée, devra évidemment respecter cesconditions, notamment la condition n° 1, selon laquelle toutes les prestations deservice entre Air France et Air Inter seront effectuées à des prix de marché, lecontrôle du respect de cette condition relevant de la phase postérieure à la décisionattaquée.

323.
    Enfin, pour autant qu'il a été soutenu que la condition d'autorisation n° 1permettait le versement de l'aide à des filiales d'Air France qui n'étaient soumisesà aucune obligation de restructuration, il suffit de relever que la conditiond'autorisation n° 6 impose que l'aide soit exclusivement utilisée par Air France«pour les finalités de restructuration de la compagnie», ce qui lui interdit d'en faireprofiter des filiales non soumises à restructuration. Quant à Air Charter, qui faitd'ailleurs l'objet des conditions d'autorisation nos 12 et 13, il convient de préciserque le secteur charter d'Air France est visé par le plan de restructuration litigieux(p. 22 du plan). Le Tribunal estime que la Commission, dans l'exercice de son largepouvoir d'appréciation, pouvait se limiter à cette réglementation générale,renforcée par le mécanisme de contrôle de l'article 2 de la décision attaquée, etconsidérer que seules les questions essentielles concernant Air France elle-même,Air Inter et Air Charter nécessitaient une réglementation plus détaillée.

324.
    Il s'ensuit que les griefs dirigés contre la condition d'autorisation n° 1 doivent êtrerejetés.

b) Sur la condition d'autorisation n° 3

325.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises à veiller«à ce qu'Air France poursuive la mise en oeuvre complète du projet pourl'entreprise, tel qu'il a été communiqué à la Commission européenne le 18 mars1994, en particulier en ce qui concerne les objectifs de productivité suivantsexprimés par le ratio EPKT/employé pour la durée du plan de restructuration:

— 1994: 1 556 200 EPKT/employé,

— 1995: 1 725 500 EPKT/employé,

— 1996: 1 829 200 EPKT/employé».

326.
    Il convient d'ajouter que la Commission a précisé que l'indicateur d'efficienceEPKT représente les passagers kilomètres transportés et les tonnes kilomètrestransportées (une tonne kilomètre transportée étant, pour les besoins de lacomparaison, censée être équivalente au revenu de 3,5 passagers kilomètre) parmembre du personnel. Cet indicateur serait représentatif du niveau total de lademande de transport tant voyageur que fret (JO p. 83).

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

327.
    Les requérantes estiment que l'EPKT est une unité de mesure non fiable. Étantdonné la diversité des activités des transporteurs, il serait très difficile de mettre aupoint une unité de mesure composite unique pouvant valablement tenir compte del'ensemble des paramètres. Dans l'idéal, une large gamme d'indicateurs devrait, parconséquent, être utilisée pour mesurer la performance dans divers domainesspécifiques du secteur des transports aériens. La Commission aurait violé cetterègle élémentaire en évaluant la productivité actuelle et future d'Air France à l'aided'une seule unité de mesure, à savoir l'EPKT, qui, à la connaissance desrequérantes, n'est jamais utilisée dans le marché des transports aériens.

328.
    Les requérantes soulignent qu'elles mesurent, quant à elles, leur productiviténormalement sur la base des «tonnes kilomètres transportées» (ci-après «TKT»)par employé ou des «passagers kilomètres transportés» (ci-après «PKT») paremployé, sans combiner les deux unités. Une unité de mesure telle que l'EPKT,amalgamant les passagers-kilomètres et les tonnes-kilomètres, doubleraitl'importance des passagers. De plus, cette unité de mesure combinerait desprestations de services entièrement différentes, à savoir le transport demarchandises et celui de passagers. Plus le pourcentage de fret transporté est élevé,plus les coûts unitaires seraient faibles, en particulier lorsqu'une compagnie exploitedes appareils ne transportant que du fret. Cela contribuerait à faire apparaître unecompagnie transportant du fret comme étant extrêmement efficace par rapport àune compagnie transportant des voyageurs.

329.
    Par ailleurs, l'EPKT représentant simplement la multiplication du nombre depassagers transportés (y compris le fret converti en nombre de passagers) par lenombre de kilomètres parcourus, un moyen simple de gonfler le chiffre des EPKTserait de desservir des lignes long-courriers, ce qui augmente le nombre deskilomètres parcourus. Les statistiques disponibles donneraient à penser que c'estprécisément ce qu'Air France est en train de faire sur les lignes transatlantiques:elle augmenterait sa capacité, et cela en dépit du fait que toutes les autrescompagnies aériennes diminuent la leur. De plus, cette unité de mesure nedonnerait aucune indication sur la rentabilité des activités d'une compagnieaérienne parce que la multiplication du nombre de passagers par le nombre dekilomètres parcourus ne dirait rien sur les recettes qui en découlent et le coût detransport des passagers. En conséquence, Air France pourrait présenter desrésultats satisfaisants du point de vue du nombre des passagers multiplié par leskilomètres parcourus, mais ses recettes n'en resteraient pas moins désastreuses.

330.
    Enfin, même si l'EPKT était une unité de mesure adéquate, un certain nombre defacteurs ferait douter de sa fiabilité. Tout d'abord, dans sa communication du 3 juin1994, la Commission n'aurait fait référence à la productivité d'Air France qu'entermes de «sièges kilomètres offerts» (ci-après «SKO»). Ensuite, dans sa décision94/662 (citée au point 145 ci-dessus), la Commission aurait mesuré la productivitéd'Air France uniquement en termes de personnes employées par avion, depassagers transportés par employés, de sièges-kilomètres offerts par employé et depassagers-kilomètres payants par employé. Il n'existerait, finalement, aucunconsensus sur un critère d'équivalence «correct» entre les rendements desopérations de transport de marchandises et de passagers.

331.
    Les requérantes soulignent encore que les chiffres de productivité d'Air France netiennent pas compte des prestations de services fournies par les équipagesd'appareils en location dite «mouillée», c'est-à-dire des locations d'appareils avecleurs équipages, ni de celles du personnel de sous-traitance. En effet, laproductivité mesurée «par employé» serait artificiellement gonflée si des personnesne faisant pas partie des effectifs d'Air France contribuaient en fait à saproductivité. A l'heure actuelle, Air France louerait des appareils en location«mouillée» auprès de plusieurs compagnies. Les seuils d'EPKT/employé exigéspour le paiement des trois tranches de l'aide pourraient bien être atteints, enaugmentant simplement les locations «mouillées» ou les contrats de sous-traitance,puisque les engagements imposés par la Commission n'interdisent pas cettepossibilité. Dans ce contexte, les requérantes précisent qu'Air France louait auprèsde TAT des appareils et des équipages complets, c'est-à-dire non pas seulementle personnel navigant technique. Air France aurait, en outre, loué et continueraità louer des appareils et des équipages complets auprès d'Air Littoral et auprès deBrit'Air.

332.
    Les requérantes considèrent, enfin, que les objectifs de productivité posés par lacondition n° 3 sont trop faibles par rapport à ceux qu'atteignent d'autres

compagnies aériennes. Dans ce contexte, elles reprochent à la Commission de s'êtrelimitée à comparer la productivité d'Air France avec celle que sept autrescompagnies aériennes européennes étaient censées atteindre en 1996 (JO p. 83).Ce groupe comprendrait Alitalia et Iberia, qui connaissent de graves difficultés etdont l'avenir est incertain. La Commission aurait encore inclus parmi les septcompagnies aériennes deux autres compagnies, SAS et Swissair, qui assurent enmoyenne des liaisons beaucoup plus courtes qu'Air France et dont la productivitésemble donc inhabituellement faible. Seule une comparaison avec des compagniesayant des activités et couvrant des distances semblables à celles d'Air France seraitjustifiée. Pour mesurer l'efficacité d'Air France sur le marché des transportsaériens, il aurait été plus utile de comparer sa productivité future à celle decompagnies aériennes «en bonne santé», telles que KLM, British Airways, SAS etLufthansa. En tout état de cause, une telle comparaison serait nécessairement uneapproximation, étant donné que la Commission ne pouvait pas avoir une idéeprécise des mesures de restructuration mises en oeuvre par ce groupe decompagnies.

333.
    La Commission, la République française et Air France contestent le bien-fondé deces griefs.

Appréciation du Tribunal

334.
    Il y a lieu de constater que la condition n° 3 ne se limite pas à exiger la réalisationd'objectifs de productivité exprimés en EPKT, mais impose aux autorités françaisesde faire en sorte qu'Air France poursuive la mise en oeuvre complète de son plande restructuration, les objectifs en termes d'EPKT n'étant indiqués qu'à titred'exemple spécifique. De même, en vertu de l'article 2 de la décision attaquée, leversement des deuxième et troisième tranches de l'aide est subordonné, entreautres, à la réalisation effective du projet pour l'entreprise et des résultats prévus«(notamment en ce qui concerne les résultats d'exploitation et les ratios deproductivité exprimés en EPKT/employé [...])». Il s'ensuit que l'amélioration de laproductivité globale d'Air France ne sera pas mesurée exclusivement en EPKTmais devra également être appréciée au regard des autres objectifs d'améliorationde la productivité mentionnés dans le plan de restructuration, notamment ceuxconcernant la réduction du personnel et des investissements, les économies enachats, l'amélioration de l'utilisation du temps de travail et le blocage des salaires.

335.
    La signification de l'unité EPKT/employé ainsi réduite à ses dimensions réelles, ilconvient de relever qu'elle constitue un indicateur de productivité physique quicomptabilise à la fois les passagers et le fret transportés, en tenant compte — parl'utilisation du coefficient de conversion 3,5 — de la réalité économique selonlaquelle les coûts du transport d'une tonne de fret et les effectifs nécessaires à ceteffet sont bien inférieurs à ceux afférents au transport de passagers, tandis que lasituation est inverse en ce qui concerne les recettes dégagées par ces deux types detransport. Cette unité de mesure, loin de doubler l'importance des passagers,permet donc de constater si une compagnie, avec un même nombre d'employés,

transporte plus de passagers et de fret que précédemment sur des distancesglobalement identiques ou si elle en transporte les mêmes nombre et quantité avecmoins d'employés, en améliorant ainsi sa productivité physique.

336.
    Il est vrai, et la Commission l'a elle-même admis devant le Tribunal, que l'EPKTn'est pas un critère infaillible en toutes circonstances. Il se peut, ainsi, que lecoefficient de conversion 3,5 varie au cours de la période de restructuration d'AirFrance. Toutefois, il est également de fait que l'EPKT est particulièrementapproprié pour mesurer la productivité d'une compagnie telle qu'Air France dontle transport de fret représente une composante essentielle de l'activité aérienne,à concurrence de 40 % de la charge marchande globale. Par ailleurs, Air Franceutilise traditionnellement depuis 1978 cette unité de mesure. Dans cescirconstances, la Commission était fondée à retenir l'EPKT, parmi les autreséléments pertinents pour la productivité de la compagnie, pour mesurerl'amélioration de la productivité d'Air France.

337.
    Cette conclusion n'est infirmée par aucun des éléments avancés par les requéranteset les parties intervenues au soutien de leurs conclusions.

338.
    Quant à l'absence de cohérence reprochée à la Commission, en ce que l'indicateurEPKT ne figure pas dans la décision 94/662 (citée au point 145 ci-dessus) adoptéele même jour que la décision faisant l'objet des présents litiges, il suffit de constaterque la décision 94/662, contrairement à celle attaquée en l'espèce, a conclu àl'incompatibilité, au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, de l'aide accordéeà Air France à une époque antérieure et a refusé d'appliquer le paragraphe 3 decet article, à défaut d'un véritable plan de restructuration d'Air France. Dans cescirconstances, il n'était pas question de fixer, dans la décision 94/662, des objectifsde productivité exprimés en EPKT à atteindre par Air France.

339.
    Au regard de l'éventualité d'une amplification artificielle du chiffre des EPKT parune simple augmentation des kilomètres parcourus, la Commission a souligné àjuste titre qu'il paraît irrationnel qu'Air France, dans le seul but de parcourir deskilomètres, fasse voler des avions insuffisamment remplis et compromette ainsi,sous le contrôle de la Commission et des consultants indépendants au titre del'article 2 de la décision attaquée, la réussite de son plan de restructuration dansson ensemble. Par ailleurs, les indicateurs utilisés par les compagnies requérantespour mesurer leur propre productivité, les TKT et les PKT, sont exposés au mêmerisque de manipulation, en ce que leur multiplicateur est également le nombre dekilomètres parcourus.

340.
    Il en va de même du grief tiré de la «location mouillée». S'il est vrai que le recoursà l'affrètement d'avions avec équipages permet d'améliorer le ratio EPKT/employé,dans la mesure où ces avions contribuent à l'augmentation de l'EPKT sans queleurs équipages soient comptés au dénominateur du ratio, cette distorsion existequelle que soit l'unité de mesure, dès qu'elle est rapportée au nombre d'employés

(SKO, TKT, PKT), et n'est donc pas spécifique à l'EPKT. En outre, les «locationsmouillées» sont une pratique courante dans le secteur du transport aérien, de sorteque la situation d'Air France ne diffère pas foncièrement, à cet égard, de celled'autres transporteurs européens. Enfin, si Air France avait réellement recours àde nombreuses «locations mouillées», elle compromettrait, sous le contrôle de laCommission et des consultants indépendants, la réalisation de son propre plan derestructuration qui prévoit justement une réduction du personnel, une meilleureutilisation de sa flotte et des équipages, ainsi qu'une compression des coûts. Parconséquent, la Commission était fondée à négliger, dans ce contexte, l'impactd'éventuelles «locations mouillées».

341.
    En ce qui concerne le grief dirigé contre le choix des sept compagnies aériennesretenues aux fins d'une comparaison de leur productivité avec celle d'Air France,le Tribunal estime que la Commission était autorisée à rapporter cette comparaisonà un nombre relativement élevé de compagnies, pour atteindre, dans la mesure dupossible, une véritable moyenne caractéristique du secteur. Ce faisant, elle n'étaitpas obligée de choisir les seules compagnies les plus performantes ou spécialiséessur le long-courrier, mais pouvait également inclure dans sa comparaison d'autrescompagnies comme Alitalia, Iberia, SAS et Swissair, en considérant qu'une telleapproche tenait compte de la complexité de l'activité de transport aérien dans sonensemble. Par conséquent, aucune erreur manifeste d'appréciation dans le choixde sept compagnies aériennes n'a été établie.

342.
    Il en va de même, enfin, de la thèse selon laquelle les objectifs de productivitéposés par la condition n° 3 étaient trop faibles. Il s'agit là d'une simple affirmationnon étayée par des éléments concrets susceptibles de démontrer une erreurmanifeste de la Commission sur ce point. Dans ces circonstances, la Commissionpouvait se borner à contredire cette affirmation en précisant que, d'après sonappréciation, les objectifs de productivité étaient raisonnables, suffisants etréalisables.

343.
    Il résulte de ce qui précède que les griefs dirigés contre la condition d'autorisationn° 3 ne sauraient être retenus.

c) Sur la condition d'autorisation n° 6

344.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises à veiller«à ce que, pendant la durée du plan, l'aide soit exclusivement utilisée par AirFrance pour les finalités de la restructuration de la compagnie et non pour acquérirdes participations nouvelles dans d'autres transporteurs aériens».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

345.
    De l'avis des requérantes, cette condition est intrinsèquement déficiente, car l'aidesera essentiellement utilisée pour soutenir les différentes opérations d'Air France.La portée de la condition serait également limitée par l'interprétation qu'en a

donnée Air France. D'après celle-ci, l'interdiction de prendre des participationsdans le capital d'autres compagnies aériennes ne s'appliquerait pas au paiementd'acquisitions conclues avant l'adoption de la décision attaquée, ni à l'augmentationd'une participation déjà prise dans d'autres compagnies aériennes, telles queSabena. Par ailleurs, la condition énoncée à l'article 92, paragraphe 3, sous c), dutraité, selon laquelle l'aide d'État ne doit être utilisée que pour la restructurationdu bénéficiaire, impliquerait, en elle-même, que le bénéficiaire ne soit pas autoriséà prendre des participations dans des compagnies aériennes. En effet, l'acquisitionde participations dans d'autres compagnies ne pourrait en aucun cas êtreconsidérée comme constituant une mesure de restructuration.

346.
    La Commission conteste le bien-fondé de ces griefs.

Appréciation du Tribunal

347.
    Il y a lieu de constater que, comme la Commission l'a souligné devant le Tribunal,le texte de cette condition interdit l'utilisation de l'aide à la fois pour acquérir denouvelles participations et pour augmenter des participations existantes. Quant àl'argumentation relative au financement illégal tant d'activités opérationnelles quede la dernière tranche du prix d'acquisition de la participation dans le capital deSabena, il suffit de rappeler que les griefs soulevés à cet égard ont déjà été rejetés(voir ci-dessus points 137 à 141 et 223).

348.
    En ce qui concerne enfin le caractère prétendument superflu de la condition n° 6,il convient de relever que, à supposer même que l'interdiction d'employer une aidepour l'acquisition de participations figure déjà dans l'article 92, paragraphe 3, sousc), du traité, l'utilité d'une telle condition consiste à permettre à la Commission desaisir directement la Cour, au titre de l'article 93, paragraphe 2, deuxième alinéa,sans être obligée d'entamer préalablement la procédure de l'article 93,paragraphe 2, premier alinéa, ou celle de l'article 169 (voir arrêt British Aerospaceet Rover/Commission, précité au point 290, point 11). Par ailleurs, la condition n°6 ne se limite pas à interdire l'acquisition de participations, mais impose aussil'utilisation exclusive de l'aide pour les finalités de restructuration d'Air France.

349.
    Il s'ensuit que les griefs dirigés contre la condition d'autorisation n° 6 doivent êtreécartés.

d) Sur la condition d'autorisation n° 7

350.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises «à ne pasaccroître au-delà de 146, pendant la durée du plan, le nombre des avions de laflotte de la Compagnie nationale Air France exploitée par celle-ci».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

351.
    Les requérantes estiment que la Commission a eu tort de considérer que cettecondition sera opérante. En effet, elle ne couvrirait pas les activités de «locationmouillée», par le biais desquelles Air France pourrait augmenter le nombred'appareils effectivement à sa disposition. En outre, la Commission n'aurait pas prisen compte le fait qu'Air France peut continuer à commander de nouveauxappareils et à élargir sa flotte par le biais d'Air Inter, non seulement parce que laprésence d'Air Inter dans le groupe Air France signifie que ces deux compagniesont en commun d'importants intérêts économiques, mais également en raison deleur fusion prévue pour le début de l'année 1997. Tous les nouveaux appareilscommandés et reçus par Air Inter reviendraient à Air France en 1997. Par ailleurs,rien n'interdirait à Air France de financer l'acquisition d'appareils pour Air Inter.La stratégie du groupe Air France serait de faire d'Air Inter un transporteureuropéen. A cet égard, l'exploitation de certaines lignes qu'Air France avaitexploitées serait en train d'être transférée à Air Inter. Un tel mécanismeéquivaudrait en pratique à permettre à Air France d'augmenter sa flotteopérationnelle au-delà du chiffre des 146 appareils en faisant appel à la flotte desa société soeur, dont l'expansion n'est limitée par aucun engagement.

352.
    La Commission conteste le bien-fondé de ces griefs.

Appréciation du Tribunal

353.
    Quant aux éventuelles «locations mouillées», il y a lieu de constater que, commela Commission l'a déclaré devant le Tribunal, la condition n° 7 s'appliqueégalement aux avions affrétés avec leurs équipages. En effet, en imposant unelimite au nombre des avions de la flotte «exploitée» par Air France, cette conditionvise non seulement les propres avions d'Air France, mais aussi ceux qu'une autrecompagnie aura mis à sa disposition aux fins de leur exploitation. Par ailleurs, cettecondition doit être lue conjointement avec le plan de restructuration d'Air Francequi, sous le contrôle de la Commission et des consultants indépendants au titre del'article 2 de la décision attaquée, prévoit que le nombre de sièges offerts seralégèrement diminué par rapport à 1993 (JO p. 75).

354.
    En ce qui concerne les références à Air Inter, il suffit de rappeler que, pour ladurée de la restructuration d'Air France, Air Inter doit être considérée comme unecompagnie autonome, que les relations commerciales entre les deux compagniessont régies par la condition d'autorisation n° 1, qu'un éventuel contournement parle biais d'Air Inter des conditions imposées à Air France, s'il peut amener laCommission à réclamer la récupération de l'aide versée, n'affecte pas la légalité dela décision attaquée et que l'éventuelle fusion d'Air France avec Air Inter concernecette dernière compagnie au même titre que n'importe quelle compagnie aérienneindépendante d'Air France (voir ci-dessus points 292 et 313 à 315).

355.
    Par conséquent, les griefs dirigés contre la condition d'autorisation n° 7 doivent êtrerejetés.

e) Sur la condition d'autorisation n° 8

356.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises «à ne pasaccroître, pendant la durée du plan, l'offre de la Compagnie nationale Air Franceau-delà du niveau atteint en 1993 pour les liaisons [...] entre Paris et l'ensemble desdestinations dans l'Espace économique européen (7 045 millions de SKO) [et] entrela province et l'ensemble des destinations dans l'Espace économique européen(1 413,4 millions de SKO). Cette offre pourrait être augmentée de 2,7 % par an,sauf si le taux de croissance de chacun des marchés correspondants est plus faible.Toutefois, si le taux de croissance annuel de ces marchés dépasse 5 % l'offrepourra être augmentée, en plus de 2,7 %, de l'accroissement au-delà de 5 %».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

357.
    La requérante dans l'affaire T-394/94 reproche à la Commission d'avoir commisune erreur manifeste d'appréciation en concluant, dans la décision attaquée, quele secteur du transport aérien européen n'est pas touché par une crise structurellede surcapacité. Ce faisant, la Commission n'aurait apparemment pas tenu comptede l'existence passée et actuelle d'une surcapacité, bien que cette dernière ait étéexpressément confirmée par le «comité des sages» dans son rapport sur l'aviationcivile européenne, établi en janvier 1994 à la demande de la Commission elle-même. Le «comité des sages» aurait, en particulier, estimé que la surcapacité étaiten partie imputable aux aides d'État qui avaient été accordées. La thèse de laCommission, selon laquelle la surcapacité n'est qu'un «phénomène temporaire»,serait donc infirmée par les propres sources de la Commission.

358.
    Les requérantes considèrent que, dans un secteur souffrant de surcapacité, lacontrepartie d'une aide d'État doit être une réduction de l'offre du bénéficiaire,même si le marché est en expansion. Cette obligation subsisterait, même si lasurcapacité n'est qu'un phénomène temporaire. Les requérantes dans l'affaireT-371/94 estiment que la notion de «compensation justificatrice» occupe une placecentrale dans de nombreuses décisions de la Commission, y compris dans cellesrelatives aux aides d'État accordées à des fabricants d'automobiles datant desannées 80, époque à laquelle le marché de l'automobile souffrait de surcapacité,mais connaissait une croissance importante [voir, notamment, la décision89/661/CEE de la Commission, du 31 mai 1989, concernant les aides accordées parle gouvernement italien à l'entreprise Alfa Romeo (secteur automobile) (JO L 394p. 9)]. Elles ajoutent que la compensation justificatrice ne peut être évitéesimplement parce que le marché croît, étant donné que l'on ne peut jamais exclurele risque d'une réapparition de la surcapacité. Le royaume de Danemark considèrequ'une comparaison avec les décisions Sabena, TAP, Aer Lingus et OlympicAirways (citées aux points 55 et 174 ci-dessus) démontre que ces autres affaires

comportaient toutes des réductions de capacité imposées au bénéficiaire de l'aided'État.

359.
    Par ailleurs, la Commission aurait tort de déclarer — sur le fondement desstatistiques de l'IATA qui prévoient une augmentation annuelle du trafic de 6 % —que la surcapacité sur le marché des transports aériens pourrait disparaître d'ici à1995. En effet, les statistiques de l'IATA seraient peu solides, et les estimations decette dernière seraient souvent fausses. En outre, la croissance du trafic ne pourraitpas être examinée sans tenir compte des facteurs qui en sont la cause. Sur lemarché des transports aériens, la croissance que connaît actuellement le traficaurait été obtenue en grande partie par une baisse des tarifs et donc en abaissantle rendement en-dessous du niveau nécessaire à la survie de nombreusescompagnies aériennes.

360.
    Les requérantes affirment qu'Air France pourrait utiliser Air Inter pour augmentersa capacité et sa part de marché sans restrictions jusqu'à leur fusion en 1997. Dansce contexte, les requérantes rappellent que, s'il est peu vraisemblable qu'Air Franceexploite un plus grand nombre de lignes intérieures, c'est en raison de son planstratégique dans le cadre duquel l'exploitation du réseau national et de certaineslignes européennes a été confiée à Air Inter.

361.
    Les requérantes soulignent que les limitations de capacité s'appliquent uniquementaux liaisons entre la France et les destinations à l'intérieur de l'EEE autres quefrançaises. A l'exception de la liaison Paris (CDG)-Nice, Air France n'exploiteraità l'intérieur de l'EEE que les liaisons entre la France et d'autres pays de l'EEE.Depuis l'entrée en vigueur du règlement (CEE) n° 2408/92 du Conseil, du 23 juillet1992, concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisonsaériennes intracommunautaires (JO L 240, p. 8, ci-après «règlement n° 2408/92»),les transporteurs aériens de l'EEE seraient libres d'exploiter toute liaison entredeux États membres de l'EEE et d'offrir des services limités de cabotage àl'intérieur de tout État membre autre que le leur. Il en résulterait qu'Air Franceest totalement libre en ce qui concerne la capacité qu'elle peut offrir sur les liaisonsentre deux États membres de l'EEE autres que la France, ainsi que les liaisons àl'intérieur d'un État membre de l'EEE autre que la France.

362.
    Il semble aux requérantes que la condition n° 8 ne vise pas à couvrir la capacitéofferte par Air France entièrement à l'intérieur de la France. En outre, leslimitations de capacité auraient peu d'importance parce que, en 1993 — l'année deréférence —, l'offre d'Air France avait atteint un niveau record. Du reste, lacondition ne s'appliquerait qu'au trafic passagers. La Commission n'expliquerait paspourquoi aucune limite n'est imposée à la capacité d'Air France en matière de fret.Enfin, l'engagement concernant les augmentations de capacité n'empêcherait pasAir France de faire appel aux «locations mouillées» pour accroître sa capacité.

363.
    Les requérantes reprochent encore à la Commission d'avoir commis une erreurmanifeste d'appréciation en établissant un lien entre la limitation de la capacité

d'Air France et une baisse de sa part de marché dans l'EEE. En effet, laCommission aurait déclaré, dans la décision attaquée, que, en limitant l'offre d'AirFrance en deçà de la croissance du marché, «sa part de marché dans l'EEE» serestreindrait au profit de ses concurrents (JO p. 87). Or, selon les requérantes,même si la limitation maximale à 2,3 % (c'est-à-dire 5 % - 2,7 %) du taux decroissance de la capacité d'Air France s'appliquait, celle-ci pourrait conserver sapart de marché en augmentant simplement son coefficient de remplissage d'un peuplus de 1 %. Le Royaume-Uni relève cette même erreur manifeste d'appréciationen ajoutant qu'il résulte d'une augmentation de 3,8 % du coefficient de remplissage(JO p. 87) et d'une augmentation autorisée de 2,7 % de la capacité que le nombredes passagers d'Air France devrait croître de 6,6 % (c'est-à-dire 1,038 x 1,027 =1,066), ce chiffre étant supérieur à la croissance prévisionnelle du marché de 5,5 %l'an (JO p. 77).

364.
    La Commission, la République française et Air France contestent le bien-fondé deces griefs.

Appréciation du Tribunal

365.
    En affirmant, dans la décision attaquée, que le secteur de l'aviation civileeuropéenne ne souffrait pas d'une surcapacité structurelle, la surcapacité existantene devant être qu'un phénomène temporaire, la Commission s'est essentiellementfondée sur des statistiques de l'IATA datant de 1993 et prévoyant pour le traficaérien une croissance annuelle de 6 % (JO p. 82). Or, l'IATA est un organismeinternational de renommée mondiale qui compte dans ses rangs la quasi-totalité descompagnies aériennes et qui publie régulièrement des prévisions de traficreconnues dans la profession. Il s'ensuit que la Commission pouvait, sanscommettre d'erreur manifeste, se fonder sur les chiffres publiés par cet organismepour conclure à l'absence d'une surcapacité structurelle.

366.
    Cette analyse n'est pas contredite par le rapport du «comité des sages» qui, s'ilrecommande, en termes généraux, d'envisager une réduction de capacité, ne seprononce pas sur le caractère structurel ou temporaire de la surcapacité existante(p. 18 et 22 de l'annexe 13 à la requête dans l'affaire T-394/94). Par ailleurs, ainsiqu'Air France l'a souligné devant le Tribunal, sans être contredite sur ce point,l'évolution du transport aérien a confirmé l'analyse de la Commission, lasurcapacité ayant été résorbée entre-temps.

367.
    Le Tribunal estime, ensuite, que la constatation de l'absence d'une surcapacitéstructurelle autorisait la Commission à conclure que la situation du secteur del'aviation ne justifiait pas une réduction globale des capacités (JO p. 82). Il enrésulte nécessairement que la Commission n'a commis aucune erreur manifested'appréciation en s'abstenant d'imposer une réduction des capacités d'Air Franceou d'Air Charter. Dans cette optique, la Commission n'était donc pas contraintede procéder à une analyse, au titre de la situation des capacités, des liaisons

aériennes sur lesquelles Air France et ses filiales se trouvaient en concurrence avecd'autres compagnies européennes, mais pouvait se borner à prescrire des limitesà l'expansion d'Air France, dans la mesure où ces limites ne compromettaient pasles chances de la compagnie de restaurer sa viabilité financière et sa compétitivité.Ces considérations s'appliquent aussi au secteur du fret qui, comme il a étéconstaté ci-dessus (point 336), constitue une activité importante d'Air France.

368.
    Eu égard à la situation particulière d'Air France, l'une des trois plus grandescompagnies européennes, la référence à d'éventuelles réductions de capacité,opérées par d'autres compagnies de taille beaucoup plus modeste, comme AerLingus, TAP, Sabena ou Olympic Airways, est dénuée de pertinence. Il en va demême du renvoi au marché de l'automobile des années 80, du fait qu'il n'a étéapporté aucun élément susceptible d'établir la pertinence spécifique de ce marchépour l'analyse du secteur de l'aviation civile des années 1992 à 1994, et de sesperspectives à moyen terme (1994 à 1997). Quant au risque d'utiliser Air Inter pouraugmenter la capacité d'Air France, il suffit de rappeler que les deux compagniesdoivent être considérées comme indépendantes pour la durée de la restructurationd'Air France. En ce qui concerne enfin les «locations mouillées», la Commissiona déclaré devant le Tribunal que tout vol d'un appareil affrété avec son équipageserait pris en compte comme un vol Air France aux fins de la condition n° 8. Lesrequérantes ont pris acte de cette déclaration sans la contester.

369.
    Quant au caractère prétendument trop restreint de la condition n° 8, il y a lieud'admettre qu'elle ne couvre que les liaisons entre la France et les autres pays del'EEE et ne limite donc pas l'offre d'Air France sur les lignes entre deux pays del'EEE autres que la France, sur les lignes à l'intérieur d'un pays de l'EEE autreque la France et sur les lignes domestiques françaises. En se limitant au réseauFrance-EEE, la Commission n'a pourtant pas dépassé les limites de son largepouvoir d'appréciation.

370.
    En effet, elle pouvait négliger le marché intérieur français du fait qu'Air Francen'exploitait qu'une seule ligne domestique, le transporteur national français étant— et demeurant à moyen terme — la compagnie Air Inter, de sorte que l'exclusiondes lignes domestiques françaises ne pouvait avoir qu'un impact économiquenégligeable. Il en va de même pour les lignes à l'intérieur de tout pays de l'EEEautre que la France, étant donné que les États de l'EEE n'étaient pas tenus — envertu de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 2408/92 et du point 64.A,chapitre VI, de l'annexe XIII de l'accord EEE (Transports — Liste prévue à l'article47, JO 1994, L 1, p. 422), modifié par la décision du Comité mixte de l'EEEn° 7/94, modifiant le protocole 47 et certaines annexes de l'accord EEE (JO 1994,L 160, p. 1, 87) — d'autoriser, avant la fin de la période de restructuration d'AirFrance, l'exercice de droits de cabotage. Par conséquent, l'exploitation de telleslignes pouvait être considérée comme exceptionnelle et économiquementinsignifiante. Cette considération est tout aussi pertinente pour l'exploitation deslignes entre deux pays de l'EEE autres que la France, la Commission étant fondée

à négliger l'importance économique d'une telle activité sans aucun rattachement àla plate-forme d'Air France à Paris.

371.
    Quant au grief tiré de la méconnaissance des effets d'une limitation de la capacitéd'Air France sur l'évolution de sa part de marché, il convient d'admettre que laphrase figurant dans la décision attaquée, selon laquelle «en limitant l'offre d'AirFrance en deçà de la croissance du marché, sa part de marché dans l'EEE serestreindra au profit de ses concurrents» (JO p. 87), peut paraître erronée dans lamesure où la part de marché d'une entreprise est fonction non pas du volume deses capacités, mais du degré de leur utilisation. Il y a toutefois lieu de rappeler quel'offre d'Air France, c'est-à-dire les capacités de la compagnie, est exprimée, auxtermes de la condition n° 8, en nombre de sièges offerts à la clientèle. En énonçantque cette offre serait limitée en deçà de la croissance pronostiquée du marché, laCommission n'a donc voulu restreindre que la faculté d'Air France de participerà cette croissance, c'est-à-dire sa part de marché potentielle définie en nombre desièges offerts. En effet, la Commission a expressément déclaré, devant le Tribunal,que les limitations d'offre imposées à Air France n'étaient aucunement destinéesà empêcher la réalisation de son plan de restructuration, qui prévoit l'accroissementde la productivité de la compagnie, cette productivité ainsi que sa part de marchéeffective pouvant augmenter grâce à l'amélioration du coefficient de remplissage.Replacée dans le contexte des finalités de restructuration d'Air France, la phraselitigieuse n'exprime, dès lors, aucune erreur manifeste de la Commission.

372.
    Dans la mesure où il est, enfin, reproché à la Commission d'avoir permis à AirFrance de dépasser la croissance prévisionnelle du trafic de 5,5 %, il suffit deconstater que la Commission a déclaré, sans avoir été contredite sur ce point, quel'augmentation prévisionnelle de 3,8 % du coefficient de remplissage d'Air Franceportait sur la période des trois années de restructuration et ne constituait pas untaux annuel, ce dernier s'élevant approximativement à 1,2 %. En appliquant laméthode de calcul proposée par le Royaume-Uni, le nombre des passagers d'AirFrance devrait, par conséquent, croître de 3,9 % (1,012 x 1,027 = 1,039), ce chiffreétant inférieur à la croissance prévisionnelle de 5 % l'an.

373.
    Il résulte de ce qui précède que les griefs dirigés contre la condition d'autorisationn° 8 doivent être rejetés.

f) Sur la condition d'autorisation n° 9

374.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises «às'assurer qu'Air France ne met pas en oeuvre, pendant la durée du plan, despratiques consistant à proposer des tarifs inférieurs à ceux pratiqués par sesconcurrents pour une offre équivalente sur les liaisons qu'elle exploite à l'intérieurde l'Espace économique européen».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

375.
    Les requérantes considèrent les limites imposées à Air France en matière defixation des prix comme inefficaces. Le texte de cette condition donnerait à penserqu'il ne s'applique qu'aux lignes d'Air France existantes, c'est-à-dire les lignesqu'elle exploite à l'heure actuelle entre Paris et la province française, d'une part,et les autres destinations à l'intérieur de l'EEE, d'autre part. Elles affirment qu'AirFrance offre tout un éventail de tarifs promotionnels. Ces tarifs existant déjà aumoment de l'adoption de la décision attaquée, on pourrait supposer qu'ils ne sontpas couverts par la condition. Depuis la décision attaquée, Air France auraitcontinué à offrir des promotions semblables. De toute manière, les compagniesaériennes ajusteraient leurs tarifs moyens non pas tant en augmentant ou enabaissant leur niveau qu'en contrôlant l'accès des passagers aux différentescatégories tarifaires. Ce serait donc en augmentant le nombre de sièges offerts àces tarifs promotionnels qu'Air France pourrait casser les prix. Par ailleurs, il seraittrès souvent impossible à un tiers de connaître les tarifs appliqués par unconcurrent, car ils seraient secrets. De plus, les produits offerts par lestransporteurs sur une même liaison seraient si variés et si difficiles à comparerentre eux qu'il serait très difficile, dans la plupart des cas, d'établir qu'un tarifdonné est inférieur à un autre.

376.
    Air France ne serait pas empêchée d'exercer une pression à la baisse sur les prixen inondant une ligne particulière d'une offre excédentaire, pour autant qu'ellediminue sa capacité sur d'autres destinations. Enfin, la condition considérée necouvrirait pas sa politique tarifaire pour les produits ou prestations de service dansd'autres domaines liés aux transports aériens, tels que la maintenance des appareils.De même, il serait impossible de savoir si l'expression «sur les liaisons qu'elleexploite à l'intérieur de l'EEE» couvre les services offerts par Air Charter.

377.
    Les sociétés Maersk ajoutent que, en raison de l'imprécision de la condition n° 9,Air France est en mesure d'utiliser l'aide pour mettre en place et financer desservices plus coûteux, offerts sous l'apparence d'une «offre équivalente». Larécente annonce par Air France d'une modernisation de son service long-courrier,dont le coût est estimé à 500 millions de FF, en serait un exemple typique. Par voiede conséquence, les concurrents qui ne bénéficient pas d'une aide d'État devraientréagir, soit en introduisant des niveaux de service plus élevés, soit en baissant lesprix. Le royaume de Suède relève aussi le caractère très large des concepts «priceleadership» et «offre équivalente», qui seraient sources d'incertitudes juridiques.Ces concepts ne seraient pas de nature à empêcher qu'Air France augmente l'offrede prix soldés grâce aux augmentations de capacités sur certaines lignesparticulières.

378.
    La Commission conteste le bien-fondé de ces griefs.

Appréciation du Tribunal

379.
    Il y a lieu de constater, tout d'abord, que rien dans le texte de la condition n° 9n'autorise l'interprétation selon laquelle cette condition ne s'applique qu'aux lignesdesservies par Air France au moment de l'adoption de la décision attaquée. Ilressort plutôt dudit texte que l'interdiction du leadership en matière de tarifsconcerne toutes les lignes exploitées par Air France «pendant la durée du plan»,ce qui couvre aussi les lignes nouvellement ouvertes après l'adoption de la décisionattaquée.

380.
    Il convient de constater, ensuite, que, par le biais de la condition d'autorisationn° 1, Air Charter est, en tant que société contrôlée par Air France à plus de 50 %,également couverte par la condition n° 9.

381.
    En ce qui concerne les prétendues possibilités pour Air France d'assouplir lesconditions relatives à l'accès à des tarifs promotionnels ou d'inonder certaineslignes d'une offre excédentaire, le Tribunal estime que la Commission était fondéeà considérer ces possibilités comme peu réalistes, étant donné qu'Air France étaitobligée de procéder, sous le contrôle de la Commission et des consultantsindépendants au titre de l'article 2 de la décision attaquée, à la mise en oeuvrecomplète de son plan de restructuration, qui prévoyait notammment l'améliorationde son rendement.

382.
    Les autres griefs soulevés se limitent à remettre en question la seule applicabilitéefficace de la condition n° 9 et ne sauraient donc être retenus dans le présentcontexte (voir ci-dessus point 292).

383.
    Par conséquent, les griefs dirigés contre la condition d'autorisation n° 9 doivent êtrerejetés.

g) Sur la condition d'autorisation n° 10

384.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises «à ne pasaccorder un traitement préférentiel à Air France en matière de droits de trafic».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

385.
    Les requérantes estiment que la Commission a eu tort de considérer cette conditioncomme opérante. En effet, depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1993, durèglement n° 2408/92, l'octroi des droits de trafic serait devenu sans objet pour cequi est des liaisons internationales à l'intérieur de la Communauté et, depuis le 1erjuillet 1994, à l'intérieur de l'EEE. Ces droits seraient acquis automatiquement auxcompagnies aériennes de l'EEE. Par ailleurs, elles accusent les autorités françaisesde ne pas appliquer correctement les dispositions du règlement n° 2408/92 et deprotéger les intérêts d'Air France et d'Air Inter.

386.
    Elles affirment que la condition ne s'applique, en fait, qu'à l'exploitation des lignesintérieures. Même dans ce cas, elle serait largement dépourvue de pertinence,parce qu'Air France n'exploite qu'une seule ligne intérieure et que les compagniesaériennes non françaises de l'EEE ne sont pas tenues d'obtenir des droits de traficpour le marché intérieur français. En tout état de cause, l'accès de ces compagniesaériennes à ce marché serait limité jusqu'au 1er avril 1997. Par ailleurs, les droitsd'Air Inter seraient protégés sur la plupart des liaisons lucratives par les autoritésfrançaises sur la base de l'article 5 du règlement n° 2408/92, qui prévoit que lesconcessions exclusives sur les liaisons intérieures peuvent subsister temporairement.

387.
    Elles relèvent que, même si la condition était valable, elle serait inopérante car lespersonnes auxquelles l'octroi des droits de trafic a été délégué font partie soit duconseil d'administration d'Air France, soit du conseil d'administration du holding.Cela engendrerait un risque de discrimination pour les transporteurs aériensconcurrents qu'une simple condition ne pourrait éviter.

388.
    Dans ce contexte, les requérantes précisent que les États membres peuventdemander à des compagnies aériennes de présenter leur programme d'exploitationpour une liaison donnée avant l'ouverture du service concerné. En France,l'acceptation ou le refus des programmes d'exploitation incomberait à la directiongénérale de l'aviation civile et au service du trafic aérien. Ces autorités pourraienteffectivement empêcher une compagnie aérienne de se prévaloir de ses droits detrafic automatiques en refusant illégalement d'autoriser leurs programmesd'exploitation. Les événements ayant abouti et ayant fait suite à la décision 94/290du 27 avril 1994 (citée au point 266 ci-dessus) illustreraient ce point. A cet égard,les requérantes renvoient à plusieurs lettres des autorités susmentionnées exprimantde tels refus d'approbation.

389.
    En tout état de cause, Air France, la direction générale de l'aviation civile et leservice du trafic aérien seraient tous sous la tutelle générale du ministre desTransports. La jurisprudence de la Cour confirmerait qu'un lien organique entreune entreprise en concurrence sur un marché avec d'autres entreprises et lesorganismes régulant ce marché est contraire aux dispositions combinées desarticles 90 et 86 du traité, précisément en raison du risque de discriminationinhérent à une telle situation (arrêts de la Cour du 19 mars 1991,France/Commission, C-202/88, Rec. p. I-1223, points 51 et 52, et du 27 octobre1993, Decoster, C-69/91, Rec. p. I-5335, points 12 à 22).

390.
    La Commission conteste le bien-fondé de ces griefs.

Appréciation du Tribunal

391.
    Quant aux griefs tirés du caractère trop restreint de la condition n° 10, il y a lieude constater que les compagnies aériennes européennes ont toujours besoind'obtenir des droits de trafic pour les liaisons entre l'EEE et les destinationsextérieures à l'EEE, non couvertes par le règlement n° 2408/92. Ainsi que la

Commission l'a relevé devant le Tribunal, Air France se trouve en concurrence, surces lignes, avec d'autres compagnies aériennes françaises telles que TAT, Euralair,Corsair, AOM et Air Liberté. Il s'ensuit que la condition n° 10 est pertinente pource domaine du trafic aérien. Il en va de même pour le trafic couvert par lerèglement n° 2408/92, dans la mesure où les autorités nationales, indépendammentdes droits de trafic proprement dits, décident, à l'issue d'une procédured'autorisation formelle, des modalités d'application dudit règlement. Par ailleurs,les requérantes et les parties intervenues au soutien de leurs conclusions ontexpressément reproché aux autorités françaises d'avoir fait une applicationincorrecte des dispositions dudit règlement dans le but de protéger les intérêtsd'Air France et d'Air Inter.

392.
    Il convient d'ajouter que, si c'est en vertu du principe de non-discrimination queles autorités françaises sont tenues de ne pas accorder un traitement préférentielà Air France, l'utilité de la condition n° 10 consiste, ainsi qu'il a déjà été exposé ci-dessus (point 348), à permettre à la Commission de saisir directement la Cour, sansêtre obligée d'entamer préalablement la procédure de l'article 93, paragraphe 2,premier alinéa, ou celle de l'article 169 du traité.

393.
    Les autres griefs soulevés font état du risque de voir les autorités françaises, enraison de leurs relations étroites avec Air France, empêcher d'autres compagniesde se prévaloir de leurs droits de trafic. Ils se limitent donc à remettre en questionl'applicabilité efficace de la condition n° 10 et ne sauraient, dès lors, être retenusdans le présent contexte (voir ci-dessus point 292).

394.
    Il s'ensuit que les griefs dirigés contre la condition d'autorisation n° 10 doivent êtrerejetés.

h) Sur la condition d'autorisation n° 11

395.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises à veiller«à ce qu'Air France n'exploite pas entre la France et les autres pays de l'Espaceéconomique européen, pendant la durée du plan, un nombre de lignes régulièressupérieur à celui exploité en 1993 (89 lignes)».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

396.
    Les requérantes considèrent que cette condition est inopérante, en ce qu'elleindique un chiffre maximal qui n'interdit pas à Air France d'ouvrir de nouvellesliaisons et d'en fermer d'autres. En outre, Air France pourrait augmenter lenombre des destinations qu'elle dessert au-delà de la limite des 89 imposées, parle biais des «locations mouillées», et le nombre des liaisons assurées à destinationou au départ de la France, en introduisant des liaisons indirectes passant pard'autres États membres en prolongement de certaines lignes existantes, la ligneLondres-Paris devenant, par exemple, Londres-Paris-Rome. Air Inter commencerait

déjà à desservir des destinations européennes exploitées jusqu'alors par Air France,dans la perspective de la fusion envisagée en 1997. En conséquence, Air Franceserait en mesure d'ouvrir de nouvelles lignes dans la limite des 89. Chaque foisqu'Air France souhaiterait ouvrir une nouvelle ligne, il lui suffirait de transférerl'une des lignes qu'elle dessert à Air Inter, tout en sachant que l'ensemble de leursactivités européennes seraient de toute manière fusionnées en 1997.

397.
    Quant au transfert de lignes d'Air France vers Air Inter, elles rappellent l'opinionexprimée par le directeur du groupe Air France, telle qu'elle figure dans un articlede presse paru en septembre 1994. Il en ressort qu'Air Inter récupérerait un certainnombre de lignes d'Air France au cours des deux années qui viennent: Air Interdevrait exploiter sous son pavillon les vols vers le Maghreb, la péninsule Ibérique,la Grande-Bretagne et l'Irlande. Les dirigeants du groupe estimeraient avoir toutelatitude pour procéder à ces permutations de pavillons, d'autant qu'Air Inter neserait pas visée par de telles limitations de capacités.

398.
    Elles notent enfin que les statistiques recueillies par l'Official Airline Guiderévèlent qu'Air France n'exploitait que 64 lignes dans l'EEE en mai 1994. Parconséquent, le fait pour la Commission d'avoir accepté une limitation du réseaud'Air France à 89 liaisons autoriserait la compagnie à ouvrir 25 lignessupplémentaires entre la France et d'autres États de l'EEE. Par ailleurs, lacondition n° 11 ne couvrirait ni les liaisons à l'intérieur de la France ni celles entredeux États de l'EEE autres que la France.

399.
    La Commission, la République française et Air France contestent le bien-fondé deces griefs.

Appréciation du Tribunal

400.
    Quant aux «locations mouillées» et au prolongement de lignes existantes, il y a lieude constater que la Commission a déclaré, devant le Tribunal, que ces deux typesde mesure tombaient sous le coup de la condition n° 11. Les requérantes ont prisacte de cette interprétation sans la contester.

401.
    En ce qui concerne la référence à Air Inter, il suffit de rappeler que lecomportement de cette compagnie, indépendante d'Air France pour la durée desa restructuration, est dénué de pertinence dans le présent contexte, d'autant plusque les allégations exprimées au sujet d'un transfert de lignes entre Air France etAir Inter sont fondées sur un article de presse datant d'une période postérieure àla date d'adoption de la décision attaquée.

402.
    Quant à l'exclusion des lignes domestiques françaises ainsi que des lignes entre desÉtats de l'EEE autres que la France, il suffit de rappeler que la Commission étaitfondée à considérer que l'impact économique de ces lignes était insignifiant aupoint qu'il pouvait être négligé dans le présent contexte (voir ci-dessus point 370).

403.
    En ce qui concerne la possibilité pour Air France d'ouvrir de nouvelles liaisons etd'en fermer d'autres, en respectant le chiffre maximal de 89 lignes, la Commissiona déclaré, à juste titre, devant le Tribunal qu'elle ne pouvait pas avoir l'intentiond'empêcher Air France de réagir à la demande du marché, pour autant quel'ensemble des conditions d'autorisation soient respectées. En effet, la réalisationdu plan de restructuration destiné à restaurer la viabilité financière et lacompétitivité d'Air France serait compromise à défaut d'une telle flexibilité.

404.
    Enfin, dans la mesure où il a été soutenu qu'Air France n'exploitait que 64 lignesdans l'EEE en mai 1994, de sorte que le fait pour la Commission d'avoir acceptéun réseau de 89 lignes autorisait Air France à ouvrir 25 lignes supplémentaires, leTribunal estime que la Commission n'a pas dépassé les limites de son large pouvoird'appréciation en retenant le nombre de lignes qu'Air France avait exploitées en1993, tout comme elle a limité, au titre des conditions d'autorisation nos 8 et 12,l'offre respective d'Air France et d'Air Charter au niveau atteint en 1993.

405.
    Il s'ensuit que les griefs dirigés contre la condition d'autorisation n° 11 ne sauraientêtre retenus.

i) Sur la condition d'autorisation n° 12

406.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises «à limiter,pendant la durée du plan, l'offre d'Air Charter au niveau de 1993 (3 047 sièges et17 avions), avec une augmentation annuelle possible correspondant au taux decroissance du marché».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

407.
    Les requérantes soutiennent que la limitation de l'offre d'Air Charter est inefficace.Air Charter ne serait pas un transporteur aérien, mais plus exactement une agencecommerciale dont l'activité est d'affréter des charters pour les voyagistes. Or, surles 17 avions exploités par Air Charter en 1993, seulement huit auraient appartenuau groupe Air France et neuf auraient été loués. Les contrats de locationexpireraient dans le courant de l'année 1995. La limitation de l'offre aurait étéproposée par les autorités françaises et acceptée par la Commission à une époqueoù Air Charter avait déjà informé les bailleurs qu'elle ne renouvellerait pas sescontrats de location. Air Charter serait donc autorisée à introduire jusqu'à neufavions de remplacement dans sa flotte et donc, potentiellement, à augmenter sacapacité de 20 à 25 % sur un marché déjà hautement compétitif. Les bailleurs,récupérant neuf avions, livreraient nécessairement concurrence à Air Charter qui,en tant que bénéficiaire de l'aide, serait en mesure de louer ses avions à desvoyagistes à des prix artificiellement bas.

408.
    Elles ajoutent que le projet n'envisage pas de mesures de restructuration d'AirCharter et que cette dernière recevra malgré cela une partie de l'aide. En

conséquence, la limitation de l'offre aurait été une invitation faite à une sociétésubventionnée par l'État, non soumise à des mesures de restructuration, d'utiliserl'aide pour doubler sa flotte et, en tout cas, d'augmenter l'offre sur le marché descharters français.

409.
    Le Royaume-Uni estime qu'Air France, ou Air Charter, aurait dû prendre unengagement par lequel Air Charter n'aurait acheté que le nombre d'appareilsnécessaires au remplacement de la capacité perdue en raison du non-renouvellement des baux.

410.
    La Commission, la République française et Air France contestent le bien-fondé deces griefs.

Appréciation du Tribunal

411.
    Quant au risque de voir Air Charter pratiquer des prix artificiellement bas, il suffitde rappeler que la compagnie, contrôlée par Air France à plus de 50 %, doitrespecter la condition d'autorisation n° 9 qui lui interdit de proposer des tarifsinférieurs à ceux pratiqués par ses concurrents pour une offre équivalente. Parconséquent, la Commission pouvait considérer qu'Air Charter gérerait son offre,comme toute autre entreprise commerciale, en fonction des seuls besoins dumarché.

412.
    Il y a lieu de constater, ensuite, que la condition n° 12, en ce qu'elle interdit toutdéveloppement de l'offre d'Air Charter au-delà du niveau de 1993, sauf croissancedu marché, n'a pas pour effet d'autoriser un doublement de la flotte en exploitationde la compagnie. Ainsi que la Commission l'a souligné devant le Tribunal, rien nel'obligeait à imposer à Air Charter soit de renouveler des contrats de locationqu'elle venait de résilier pour des raisons commerciales et financières, soit des'abstenir de remplacer les avions dont les contrats de location venaient àexpiration, ce qui aurait pénalisé Air Charter en réduisant de plus de 50 % sa flotte en exploitation.

413.
    Pour autant qu'il a été affirmé qu'Air Charter recevrait une partie de l'aide, bienque le projet n'envisage aucune mesure de restructuration pour la compagnie, ilsuffit de constater que le plan de restructuration d'Air France vise effectivementle secteur charter du groupe Air France (p. 22 du plan) et que, en tout état decause, la condition d'autorisation n° 6 interdit toute utilisation de l'aide pour desfinalités autres que de restructuration.

414.
    Par conséquent, les griefs dirigés contre la condition d'autorisation n° 12 doiventêtre rejetés.

j) Sur la condition d'autorisation n° 13

415.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises «àgarantir que toute cession des biens et prestations de services d'Air France enfaveur d'Air Charter reflète les prix du marché».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

416.
    Les requérantes considèrent cette condition comme inefficace. Il serait impossiblede la mettre en oeuvre parce que la notion de «prix du marché» est imprécise etqu'elle exige qu'Air France traite l'une de ses filiales — dont le président a éténommé directeur des opérations françaises d'Air France — comme n'y étant pasassociée, tout en lui accordant simultanément une partie de l'aide. Au demeurant,cette condition ne viserait pas à contrôler la vente de biens et la prestation deservices par Air Charter à Air France. Celles-ci n'auraient donc pas besoin derefléter les prix du marché.

417.
    La Commission conteste le bien-fondé de ces griefs.

Appréciation du Tribunal

418.
    Dans la mesure où ces griefs se limitent à remettre en question la seuleapplicabilité efficace de la condition n° 13, il suffit de rappeler qu'ils doivent êtreécartés du présent contexte (voir ci-dessus point 292).

419.
    Pour autant qu'il a été souligné que cette condition ne visait ni la vente de biensni la prestation de services par Air Charter à Air France, il y a lieu de constaterque la Commission a déclaré devant le Tribunal, sans être contredite sur ce point,qu'Air Charter ne fournissait pas de biens ou de services importants à Air France.Par ailleurs, les requérantes dans l'affaire T-371/94 ont admis elles-mêmes, dans lecadre de la condition d'autorisation n° 12, qu'Air Charter n'était pas untransporteur aérien, mais plus exactement une agence commerciale dont l'activitéétait d'affréter des charters pour les voyagistes et qui disposait d'un effectifd'environ 40 employés, sans mécaniciens ni personnel navigant (n° 234 de larequête dans l'affaire T-371/94). Dans ces circonstances, la Commission étaitfondée à négliger l'impact économique de telles cessions ou prestations de service.

420.
    Il s'ensuit que les griefs dirigés contre la condition d'autorisation n° 13 ne sauraientêtre retenus.

k) Sur les conditions d'autorisation n° 15 et n° 16

421.
    Il convient de rappeler que ces conditions obligent les autorités françaises à:

—    «poursuivre la modification dans les meilleurs délais possibles, en liaisonavec l'établissement Aéroports de Paris, des règles de distribution du traficpour le système aéroportuaire parisien d'une manière conforme à ladécision de la Commission du 27 avril 1994 relative à l'ouverture de laliaison Orly-Londres»;

—    «veiller à ce que les travaux nécessaires au réaménagement des deuxaérogares d'Orly, conduits par l'établissement Aéroports de Paris, ainsiqu'une éventuelle saturation de l'une ou l'autre de ces aérogares, neperturbent pas les conditions de concurrence au détriment des compagniesy opérant».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

422.
    Les requérantes font observer que la condition n° 15 n'a été qu'un simulacre étantdonné que les autorités françaises n'ont, à l'évidence, pas l'intention de respecterla décision du 27 avril 1994 comme le prouve l'adoption, dès mai 1994, de règlesd'allocation des droits de trafic à l'intérieur du système aéroportuaire de Paris, enviolation flagrante de la législation communautaire. Elles ajoutent que, alors quela décision attaquée autorisait Air France à recevoir la première tranche de l'aideimmédiatement, la condition n° 15 exigeait que l'avantage concurrentiel d'AirFrance résultant des règles de distribution du trafic dans le système aéroportuaireparisien soit supprimé à une époque définie uniquement par les termes «dans lesmeilleurs délais possibles».

423.
    Elles soulignent le caractère illusoire de la condition n° 16, laquelle aurait été violéeavant même d'avoir été imposée, en raison des conditions discriminatoires régissantle transfert de toutes les compagnies françaises n'appartenant pas au groupe AirFrance d'Orly-Ouest à Orly-Sud et le regroupement d'Air France et d'Air Inter àOrly-Ouest, qui auraient été fixées avant l'adoption de la décision. En effet,l'établissement Aéroports de Paris et Air France seraient tous les deux sous latutelle du ministre des Transports. Or, de tels liens organiques seraient contrairesaux dispositions combinées des articles 90 et 86 du traité en raison du risqueinhérent de discrimination qui en découle. Le projet de réaménagement desaérogares d'Orly aurait été conçu de telle manière qu'il rendait le démarrage denouveaux services par les concurrentes d'Air Inter à partir d'Orly-Sud difficile etcoûteux. En conséquence, seule une modification radicale du plan aurait pu éviterune discrimination à l'encontre des concurrentes d'Air France.

424.
    De manière générale, elles soutiennent, au sujet de ces conditions, qu'unengagement dont l'objet est de respecter la législation ne saurait être considéré

comme une contrepartie adéquate aux effets secondaires de l'aide, étant donné queles autorités françaises doivent, de toute façon, respecter la loi.

425.
    La Commission conteste le bien-fondé de ces griefs.

Appréciation du Tribunal

426.
    Il y a lieu de constater que les griefs dirigés contre les conditions n° 15 et n° 16 selimitent à souligner tant l'inefficacité que l'inutilité de ces conditions. Il suffit doncde rappeler, d'une part, que les griefs visant à remettre en question la seuleapplicabilité efficace d'une condition d'autorisation de l'aide doivent être écartésdu présent contexte (voir ci-dessus point 292) et, d'autre part, que, à supposer queles autorités françaises soient déjà tenues, en vertu d'autres dispositions du droitcommunautaire, de respecter les obligations figurant dans les conditionsd'autorisation n° 15 et n° 16, l'utilité de ces conditions consiste à permettre à laCommission de saisir directement la Cour, sans être obligée d'entamerpréalablement une procédure administrative (voir ci-dessus point 348).

427.
    Par conséquent, les griefs dirigés contre les conditions d'autorisation n° 15 et n° 16doivent être rejetés.

428.
    Aucun des griefs dirigés contre les conditions d'autorisation n'ayant été accueilli,il y a lieu de rejeter définitivement le grief pris du caractère erroné de la méthodechoisie par la Commission pour examiner l'impact de l'aide sur l'intérêt commun(voir ci-dessus points 295 et 296).

429.
    Il résulte de ce qui précède que, sous réserve des points 238 à 280, ci-dessus, sontà rejeter tous les griefs tirés d'erreurs que la Commission aurait commises enconsidérant que l'aide est destinée à faciliter le développement d'une certaineactivité économique, sans altérer les conditions des échanges dans une mesurecontraire à l'intérêt commun. Dans cette mesure, les requérantes et les partiesintervenues au soutien de leurs conclusions ont été à même de défendre leursdroits, et le Tribunal a pu exercer son contrôle juridictionnel. Par conséquent, etsauf en ce qui concerne l'évaluation des effets de l'aide sur la situationconcurrentielle d'Air France au regard de son réseau de lignes hors EEE et dutrafic aérien d'apport y relatif, la décision attaquée est, à cet égard, conforme auxexigences de l'article 190 du traité, de sorte que le grief pris d'une insuffisance demotivation doit être rejeté.

Quant aux griefs tirés d'erreurs que la Commission aurait commises en concluant quele plan de restructuration est de nature à rétablir la viabilité économique d'Air France

Sur la prétendue insuffisance générale du plan de restructuration

— Exposé sommaire de l'argumentation des parties

430.
    Les requérantes et les parties intervenues au soutien de leurs conclusions critiquent,de manière générale, l'insuffisance et l'imprécision du plan de restructuration. Dansce contexte, la requérante dans l'affaire T-394/94 soutient que la Commission n'apas adéquatement indiqué, dans la décision attaquée, dans quelle mesure l'aideétait nécessaire au financement des propositions vagues et inappropriées contenuesdans le plan et lui reproche de ne pas avoir insisté pour obtenir un plan contenantdes détails précis quant aux mesures nécessaires en vue de restaurer la viabilitéd'Air France. Les requérantes dans les deux affaires font grief à la Commissiond'avoir négligé de pourvoir la décision attaquée d'une motivation suffisante, du faitqu'elle aurait omis de tenir compte des observations présentées par les tiers lorsde la procédure administrative.

431.
    La Commission considère, en revanche, que la décision attaquée est suffisammentmotivée sur ce point. Quant au fond, elle affirme avoir évalué la cohérence etl'efficacité du plan de restructuration considéré intrinsèquement, sans commettred'erreurs d'appréciation ou de droit.

— Appréciation du Tribunal

432.
    Le Tribunal estime qu'il convient de vérifier, en premier lieu, si la décisionattaquée est pourvue d'une motivation suffisante en ce qui concerne le plan derestructuration élaboré et soumis par Air France, et cela notamment au vu desgriefs essentiels que les parties intéressées ont soulevés lors de la procédureadministrative (voir ci-dessus point 96).

433.
    A cet égard, il y a lieu de constater que ces parties ont déclaré, au cours de laprocédure administrative, que le plan de restructuration, en raison de son caractèreinapproprié, insuffisant et trop vague, n'était pas de nature à restaurer la viabilitéd'Air France. Il serait encore moins rigoureux que le plan antérieur, le PRE 2, quiaurait déjà été considéré en août 1992 comme insuffisant. Il ne représenterait pasce qui est nécessaire pour Air France, mais seulement ce qui est acceptable pourla France, le PRE 2, plus strict que le plan litigieux, ayant été retiré à cause de laprotestation sociale. Par ailleurs, la Commission devrait tenir compte, dans cecontexte, de l'ensemble des plans de restructuration lancés par Air Franceauparavant, qui auraient tous échoué en raison de la situation politique et dupouvoir des syndicats.

434.
    Les parties intéressées ont souligné que le plan de restructuration n'aurait aucunechance de succès s'il n'était pas possible de licencier les effectifs en surnombre, de

réduire les salaires et d'imposer au personnel des améliorations de productivité. Or,la seule manière réaliste de réduire les coûts d'Air France, à savoir uneaugmentation de la productivité du personnel, serait envisagée sur une basevolontaire. Il serait donc fort improbable que l'amélioration de productivitéescomptée de 30 % soit atteinte. Le plan ne préconiserait aucune réduction desavantages acquis des salariés d'Air France. Il ne porterait que sur une réduction de5 000 postes en trois ans, alors que Lufthansa en a supprimé 8 000 en deux ans etBritish Airways 4 000 en un an. En outre, le plan ne tiendrait pas compte de lacrise de surcapacité dans le secteur communautaire du transport aérien; ilenvisagerait même une augmentation de la flotte et des capacités.

435.
    Elles ont ajouté que le montant de 20 milliards de FF prévus dans le plan commeaide d'État n'était pas clair. Renvoyant à un article de presse, elles ont indiqué qu'ily avait des indices d'un manque de clarté dans la comptabilité d'Air France. LaCommission devrait veiller à ce que les comptes d'Air France ne cachent rien à cetégard. Par ailleurs, le président d'Air France aurait déclaré en février 1994, dansun article de presse, que la compagnie devait obtenir 8 milliards de FF à la fin dumois de mars; dans le contexte du PRE 2, la somme de 5 milliards de FF aurait étédiscutée.

436.
    Enfin, le plan de restructuration ne mentionnerait jamais le groupe Air France etn'imposerait aucune restriction au groupe entier. Il ne porterait que sur Air Franceet ne ferait pas état des futures intentions du groupe à l'égard d'Air Inter. Or, AirInter aurait également besoin d'être restructurée. Dès lors, la Commission devraitexiger que le plan couvre également les opérations d'Air Inter et d'Air Charter.

437.
    Face à ces observations, le Tribunal rappelle que, dans la décision attaquée, laCommission expose l'historique des différents plans de restructuration adoptés parAir France pour affronter ses problèmes financiers. Ainsi, en septembre 1991, AirFrance aurait adopté un premier plan de restructuration (CAP' 93) prévoyantnotamment un apport de capital à hauteur de 5,8 milliards de FF. En octobre 1992,après avoir constaté une nouvelle détérioration de sa situation financière, le groupeAir France aurait adopté un deuxième plan de restructuration (PRE 1), qui, dansles premiers mois de 1993, se serait toutefois avéré inapte à redresser la situationdu groupe et aurait donc été abandonné. En septembre 1993, un troisième plan(PRE 2) aurait été lancé puis, à cause de son rejet par les syndicats, retiré au profitdu projet (JO p. 74). Quant au plan de restructuration litigieux, la Commissionindique qu'il a été établi par Air France sur la base d'un document élaboré par unconsultant, Lazard Frères, qui a également fixé le montant de la recapitalisationnécessaire au redressement de la structure financière et de la rentabilité d'AirFrance. Elle expose que le plan, dont l'objectif devrait être atteint entre le 1erjanvier 1994 et le 31 décembre 1996, prévoit une augmentation de la productivitéd'Air France de 30 % (JO p. 75).

438.
    Ensuite, la Commission décrit et précise «les grandes lignes de force du plan», àsavoir la réduction des coûts et des frais financiers (moyennant une diminution desinvestissements, une réduction des coûts d'exploitation et un accroissement de laproductivité, ainsi qu'une diminution des charges financières), la modification dela conception des produits et la meilleure utilisation des moyens (notamment pardes initiatives commerciales et au niveau de la flotte et du réseau), laréorganisation de la compagnie et la participation des salariés. La Commissionajoute que la mise en oeuvre du plan sera financée par l'augmentation de capitalet la cession d'actifs hors métiers de base (JO p. 75 et 76).

439.
    Quant à l'évaluation de la viabilité du plan de restructuration, la Commissionconsidère qu'il réunit plusieurs mesures qui témoignent d'une volonté réelle derestructuration de la compagnie. Elle reconnaît en particulier l'ampleur des effortsaccomplis sur le plan social (gel des salaires, blocage des promotions, meilleureutilisation du temps de travail, distribution d'actions gratuites aux salariés encompensation d'une diminution de leur salaire). Le personnel concerné auraitapprouvé le programme par référendum. A la suite de son approbation par lessyndicats, la Commission déclare être convaincue que le volet social du plan peutêtre intégralement adopté et mené à bien (JO p. 82).

440.
    En outre, la Commission considère la restructuration de la compagnie en centresde profit visant à rationnaliser son fonctionnement comme un des points forts duplan. Elle estime que les gains de productivité prévus par le plan porteront AirFrance au niveau de la «bonne moyenne» des autres compagnies aériennes, étantprécisé qu'elle fonde son analyse sur une comparaison des valeurs de l'indicateurd'efficience EPKT. Après avoir expliqué le fonctionnement de cette unité demesure, la Commission constate que la productivité d'Air France augmentera de33,3 % au cours de la période de restructuration. Le ratio atteint en 1996 seraitsupérieur au ratio moyen estimé des sept autres grandes compagnies européennes(Lufthansa, British Airways, KLM, Alitalia, Iberia, SAS et Swissair). En résumé, laCommission estime que le plan est de nature à restaurer la viabilité économiqueet financière d'Air France, d'autant plus que le gouvernement français a pris lesengagements qu'Air France serait gérée conformément aux principes commerciauxet traitée comme une entreprise normale (JO p. 83).

441.
    Le Tribunal estime que cet exposé des motifs répond adéquatement auxobservations des parties intéressées et fait suffisamment apparaître le raisonnementde la Commission en ce qui concerne les aspects généraux du plan derestructuration. En effet, il démontre que la Commission n'a pas ignoré les plansde restructuration antérieurs, qui n'avaient pas permis de rétablir la situation d'AirFrance. En particulier, la Commission fait état de ce que le PRE 2 avait échouéparce qu'il n'avait été accepté ni par le personnel d'Air France ni par les syndicats,alors que le nouveau plan a recueilli leur approbation. Or, il est évident que seulun plan de restructuration réalisable, même s'il est moins rigoureux qu'un planantérieur non réalisable, peut avoir des chances de succès. Par conséquent, laCommission n'était pas tenue d'approfondir sa motivation sur ce point.

442.
    Quant à la question de savoir si les mesures figurant dans le plan de restructurationsont suffisantes pour atteindre les objectifs de rationalisation et de désendettementpoursuivis, la description des mesures envisagées et l'instauration du dispositif decontrôle que la Commission peut opérer en vertu des articles 1er et 2 de la décisionattaquée suffisent pour exposer, au niveau de la motivation, que la Commission,d'une part, croit en la possibilité de la réalisation du plan de restructuration encause et, d'autre part, se réserve les moyens jugés appropriés au cas où cetteréalisation serait compromise. En effet, si les conditions énumérées à l'article 1ern'étaient pas respectées, la Commission pourrait saisir directement la Cour en vertude l'article 93, paragraphe 2, deuxième alinéa du traité (voir ci-dessus point 348).En outre, l'article 2 prévoit que la mise en oeuvre effective du plan derestructuration constitue une condition pour le versement des deuxième ettroisième tranches de l'aide.

443.
    Eu égard à cet encadrement du plan de restructuration, la Commission n'était pastenue de fournir des explications spécifiques portant comparaison du plan d'AirFrance et des plans de restructuration d'autres compagnies aériennes telles que Lufthansa et British Airways. En effet, ces plans concernaient d'autres compagniesrestructurées à d'autres époques.

444.
    Le grief tiré d'un prétendu manque de clarté dans la comptabilité d'Air Francen'est étayé par aucun indice factuel. Il se borne à faire référence à un article depresse, tout en invitant la Commission à veiller à ce que les comptes d'Air Francene cachent rien à cet égard. La Commission n'était donc pas obligée de seprononcer explicitement sur cet aspect, en indiquant, notamment, si elle avait ounon suivi cette invitation.

445.
    Dans la mesure où il a été allégué que le plan de restructuration litigieux nepouvait pas se limiter à la seule compagnie Air France, mais aurait dû couvrird'autres compagnies du groupe, il suffit de relever que la Commission ne peut pasimposer à un État membre d'établir un plan de restructuration pour une sociétéqui, de l'avis de cet État, n'a pas besoin d'être restructurée. La question de savoirsi et dans quelle mesure la Commission, en examinant et en autorisant un plan quivise la restructuration d'une société partie d'un groupe, doit éventuellement tenircompte des autres sociétés du groupe n'est cependant pas pertinente pour lamotivation de la décision attaquée concernant la suffisance du plan derestructuration en cause, qui est limité à la compagnie Air France. Les questionsrelatives à l'implication du groupe entier ont été abordées ci-dessus dans uncontexte différent (points 298 à 324). Il en va de même pour ce qui est de laquestion spécifique des capacités d'Air France, laquelle a, elle aussi, fait l'objet d'unexamen particulier ci-dessus (points 357 à 373).

446.
    Il s'ensuit que la motivation de cette partie de la décision attaquée doit êtreconsidérée comme conforme aux exigences de l'article 190 du traité.

447.
    Quant aux griefs tirés, d'une manière générale, de l'insuffisance et de l'imprécisiondu plan de restructuration, il suffit de rappeler que la Commission jouit d'un largepouvoir discrétionnaire dans l'évaluation d'un plan visant la restructuration d'uneentreprise en difficulté économique et financière, cette évaluation portant d'ailleurssouvent sur des données confidentielles non accessibles à des concurrents del'entreprise concernée. Par conséquent, ce n'est qu'en présence d'une erreurparticulièrement manifeste et grave de la Commission dans l'appréciation d'un telplan que le Tribunal pourrait censurer l'autorisation d'une aide d'État destinée àfinancer une telle restructuration. Or, en l'espèce, l'existence d'une erreur de cettenature n'a pas été démontrée. Toutefois, le Tribunal rappelle qu'il n'a pas été àmême d'examiner les objectifs de productivité à atteindre par Air France au regardspécifique de ses lignes aériennes hors EEE, la décision attaquée souffrant d'undéfaut de motivation sur ce point (voir ci-dessus point 280).

448.
    Sous cette dernière réserve, les griefs dirigés contre l'approbation, par laCommission, du plan de restructuration d'Air France doivent être rejetés.

449.
    Dans ces circonstances, le grief par lequel les requérantes dans l'affaire T-371/94font valoir que ce plan vise, en réalité, non pas à rétablir la viabilité d'Air Francemais à répondre à des objectifs gouvernementaux manque en fait et en droit.

Sur les autres griefs

450.
    Il y a lieu de constater que les requérantes et les parties intervenues au soutien deleurs conclusions font valoir que le plan de restructuration d'Air France exclut àtort la prise en considération de la compagnie Air Inter, la vente par Air Franced'un maximum d'actifs non aériens et une réduction globale des capacités. Enoutre, ce plan serait largement fondé sur l'indicateur EPKT destiné à mesurer laproductivité d'Air France, bien que cette unité de mesure soit inappropriée à ceteffet. Par ailleurs, les mesures prévues par le plan de restructuration d'Air Franceseraient beaucoup moins sévères que celles entreprises par d'autres compagniesaériennes.

451.
    A cet égard, il suffit de renvoyer à ce qui a été dit ci-dessus, dans le cadre del'examen d'autres griefs, pour conclure qu'aucun des griefs susmentionnés dirigéscontre le plan de restructuration d'Air France ne saurait être retenu.

452.
    Pour autant que les requérantes et les parties intervenues au soutien de leursconclusions reprochent à la Commission d'avoir à tort autorisé l'achat de 17nouveaux avions en tant qu'élément du plan de restructuration, le Tribunal rappelleque, en raison du défaut de motivation sur le financement de cet investissement etsur sa nature juridique, il n'est pas à même d'examiner ce grief.

III — Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 155 du traité

453.
    Pour autant que la requérante dans l'affaire T-394/94 soutient que la Commission,en négligeant d'appliquer correctement les articles 92 et 93 du traité, a aussi violél'article 155 du traité, il convient de constater que l'examen des moyens de fondsoulevés par les requérantes et les parties intervenues au soutien de leursconclusions n'a révélé aucune erreur d'appréciation ou de droit dans l'applicationdes articles 92 et 93. Par ailleurs, l'article 155 du traité a pour objet de fixer, demanière générale, les compétences de la Commission. Dès lors, il ne saurait êtreprétendu que, à chaque fois que la Commission enfreint une disposition spécifiquedu traité, cette violation entraîne celle de la disposition générale de l'article 155.Il s'ensuit que ce moyen doit, en tout état de cause, être rejeté.

IV — Conclusions

454.
    L'examen de l'ensemble des moyens soulevés dans les présents litiges a faitapparaître que la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation surdeux points, relatifs, respectivement, à l'achat de 17 nouveaux avions représentantla somme de 11,5 milliards de FF (voir ci-dessus points 84 à 120) et à la situationconcurrentielle d'Air France sur le réseau de ses lignes hors EEE avec le traficaérien d'apport correspondant (voir ci-dessus points 238 à 280). Le Tribunal estimeque ces deux points sont d'une importance essentielle dans l'économie générale dela décision attaquée. Par conséquent, il y a lieu de prononcer l'annulation de cettedécision. Dans ces conditions, il n'est plus nécessaire de statuer sur la demande dela requérante dans l'affaire T-394/94 visant à exiger la production de tous lesdossiers et documents pertinents dont dispose la Commission.

Sur les dépens

455.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partiequi succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commissionayant succombé en ses conclusions et les requérantes, ainsi que les partiesintervenantes Maersk, ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner laCommission aux dépens.

456.
    En vertu de l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la Républiquefrançaise, le royaume de Danemark, le Royaume-Uni, le royaume de Suède, leroyaume de Norvège et Air France supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)     Les affaires T-371/94 et T-394/94 sont jointes aux fins de l'arrêt.

2)    La décision 94/653/CE de la Commission, du 27 juillet 1994, concernantl'augmentation de capital notifiée d'Air France, est annulée.

3)    La Commission supportera les dépens, y compris ceux exposés par lesparties intervenantes Maersk Air I/S et Maersk Air Ltd.

4)    La Compagnie nationale Air France, la République française, le royaumede Danemark, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord,le royaume de Suède et le royaume de Norvège supporteront leurs propresdépens.

Bellamy
Lenaerts
Briët

Kalogeropoulos Potocki

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 juin 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

A. Kalogeropoulos

Table des matières

    Faits à l'origine des recours et procédures

II - 4

        Procédure administrative

II - 4

        Décision attaquée

II - 5

        Procédures juridictionnelles

II - 9

    Conclusions des parties

II - 10

    Sur le fond

II - 11

        I — Sur les moyens tirés du déroulement incorrect de la procédure administrative

II - 12

            Exposé sommaire de l'argumentation des parties

II - 12

            Appréciation du Tribunal

II - 16

                Généralités

II - 16

                La communication du 3 juin 1994

II - 18

                Le délai d'examen

II - 19

                Les experts extérieurs

II - 20

                L'erreur de traduction

II - 20

                La participation des autres États membres

II - 21

                Conclusions

II - 21

        II — Sur les moyens tirés d'erreurs d'appréciation et d'erreurs de droit que laCommission aurait commises en violation de l'article 92, paragraphe 3, sous c),du traité et de l'article 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE

II - 21

            Généralités

II - 21

            Quant aux griefs tirés d'une violation du principe de proportionnalité applicableen matière d'aides d'État

II - 23

                A — Sur le grief pris de ce que la Commission aurait autorisé à tort l'achatpar Air France de 17 nouveaux avions

II - 23

                    Exposé sommaire de l'argumentation des parties

II - 23

                    Appréciation du Tribunal

II - 24

                B — Sur le grief pris de ce que la Commission aurait autorisé à tort lefinancement de frais d'exploitation et de mesures opérationnelles d'AirFrance

II - 32

                    Exposé sommaire de l'argumentation des parties

II - 32

                    Appréciation du Tribunal

II - 35

                C — Sur le grief pris d'une classification erronée des titres émis par AirFrance entre 1989 et 1993

II - 37

                    Exposé sommaire de l'argumentation des parties

II - 37

                    Appréciation du Tribunal

II - 40

                D — Sur le grief pris d'une méconnaissance du ratio d'endettement d'AirFrance

II - 42

                    Exposé sommaire de l'argumentation des parties

II - 42

                    Appréciation du Tribunal

II - 45

                E — Sur le grief pris de ce que la Commission se serait abstenue à tortd'exiger la vente d'actifs d'Air France susceptibles d'être aliénés

II - 47

                    Exposé sommaire de l'argumentation des parties

II - 47

                    Appréciation du Tribunal

II - 53

            Quant aux griefs tirés d'erreurs que la Commission aurait commises enconsidérant que l'aide est destinée à faciliter le développement d'une certaineactivité économique, sans altérer les conditions des échanges dans unemesure contraire à l'intérêt commun

II - 59

                A — Sur le grief pris de ce que la Commission aurait autorisé à tort une aidevisant au développement non pas d'une certaine activité économiquemais d'une entreprise particulière

II - 59

                    Exposé sommaire de l'argumentation des parties

II - 59

                    Appréciation du Tribunal

II - 60

                B — Sur le grief pris de ce que la Commission aurait autorisé à tort une aidequi altère les conditions des échanges dans une mesure contraire àl'intérêt commun

II - 60

                    Exposé sommaire de l'argumentation des parties

II - 60

                    Appréciation du Tribunal

II - 66

                    1. Sur la motivation

II - 66

                    2. Sur le bien-fondé

II - 74

                    a) Sur la condition d'autorisation n° 1

II - 77

                    Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 77

                    Appréciation du Tribunal

II - 81

                    b) Sur la condition d'autorisation n° 3

II - 84

                    Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 84

                    Appréciation du Tribunal

II - 86

                    c) Sur la condition d'autorisation n° 6

II - 88

                    Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 88

                    Appréciation du Tribunal

II - 89

                    d) Sur la condition d'autorisation n° 7

II - 89

                    Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 90

                    Appréciation du Tribunal

II - 90

                    e) Sur la condition d'autorisation n° 8

II - 91

                    Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 91

                    Appréciation du Tribunal

II - 93

                    f) Sur la condition d'autorisation n° 9

II - 95

                    Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 96

                    Appréciation du Tribunal

II - 97

                    g) Sur la condition d'autorisation n° 10

II - 97

                    Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 97

                    Appréciation du Tribunal

II - 98

                    h) Sur la condition d'autorisation n° 11

II - 99

                    Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 99

                    Appréciation du Tribunal

II - 100

                    i) Sur la condition d'autorisation n° 12

II - 101

                    Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 101

                    Appréciation du Tribunal

II - 102

                    j) Sur la condition d'autorisation n° 13

II - 103

                    Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 103

                    Appréciation du Tribunal

II - 103

                    k) Sur les conditions d'autorisation n° 15 et n° 16

II - 104

                    Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 104

                    Appréciation du Tribunal

II - 105

            Quant aux griefs tirés d'erreurs que la Commission aurait commises en concluantque le plan de restructuration est de nature à rétablir la viabilité économiqued'Air France

II - 106

                Sur la prétendue insuffisance générale du plan de restructuration

II - 106

                    — Exposé sommaire de l'argumentation des parties

II - 106

                    — Appréciation du Tribunal

II - 106

                Sur les autres griefs

II - 110

        III — Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 155 du traité

II - 111

        IV — Conclusions

II - 111

    Sur les dépens

II - 111


1: Langue de procédure: l'anglais.

Rec