Language of document : ECLI:EU:T:2020:631

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

16 décembre 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative €$ – Motif absolu de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑665/19,

Cinkciarz.pl sp. z o.o., établie à Zielona Góra (Pologne), représentée par Mes E. Skrzydło-Tefelska et K. Gajek, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Walicka, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 4 juillet 2019 (affaire R 1345/2018‑1), concernant une demande d’enregistrement du signe figuratif €$ comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, MM. D. Gratsias (rapporteur) et B. Berke, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 septembre 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 17 décembre 2019,

à la suite de l’audience du 23 septembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 15 mars 2015, la requérante, Cinkciarz.pl sp. z o.o., a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) no 207/2009, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1) [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits et les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 9, 36 et 41 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié.

4        Par décision du 19 août 2015, l’examinateur a refusé l’enregistrement de la marque demandée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), et c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001] pour ceux, parmi les produits et services visés par la demande d’enregistrement, qui correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 9 : « Logiciels ; programmes d’ordinateurs enregistrés ; programmes informatiques chargeables ; applications informatiques téléchargeables ; programmes de traitement de données ; programmes informatiques multimédias interactifs ; publications sous forme électronique téléchargeables à partir d’internet ; matériel et accessoires informatiques ; supports de données (magnétiques et optiques) ; appareils pour l’enregistrement, la transmission ou la reproduction de sons ou d’images. »

–        classe 36 : « Opérations monétaires ; opérations de change ; services de bureaux de change ; service d’information concernant les taux de change ; mise à disposition de devises étrangères ; négociations de devises ; services d’opérations de change en temps réel et en ligne ; informations financières sous forme de taux de change ; établissement du taux de change de devises ; prévision de taux de change ; marché des changes ; services financiers informatisés en matière d’opérations de change ; préparation et cotation d’informations sur les taux de change ; services relatifs aux swaps de change ; service d’information concernant l’évaluation de taux de change ; services d’agences de change de devises ; services de conseil en matière de change de devises ; services de bases de données financières en matière de change de devises ; change et transfert d’argent ; mise à disposition de listes de taux de change ; bureaux de change ; services de trésorerie, de chèques et de transfert d’argent ; transfert électronique de fonds par voie de télécommunications ; services de paiement automatisé ; services de transfert d’argent ; services de paiement électronique ; services d’agents immobiliers ; agences de recouvrement de créances ; analyse financière ; banque directe [home banking] ; informations bancaires ; affaires bancaires ; opérations bancaires hypothécaires ; bureaux d’information en matière de crédit ; recouvrement de loyers ; consultation en matière financière ; consultation en matière d’assurances ; gestion financière ; estimations financières en assurances, banques et en ce qui concerne l’immobilier ; consultation financière ; informations financières ; opérations financières ; services financiers ; constitution de fonds d’investissement ; services de fonds d’assurance ; cotations boursières ; courtage en bourse ; garanties de cautions ; informations en matière d’assurances ; informations bancaires ; informations financières ; placements de fonds ; placement de capitaux ; transfert électronique de fonds ; services liés aux cartes de débit et de crédit ; gestion des cartes de débit et de crédit ; émission de cartes de crédit et de débit ; courtage en assurances ; services de courtage en bourse ; cotations boursières ; services d’expertises fiscales ; courtage en bourse ; courtage en assurances ; prêts financiers ; transactions financières ; assurances ; opérations de change ; gestion financière ; gérance de biens immobiliers ; gestion d’actifs. »

–        classe 41 : « Publication de textes autres que textes publicitaires ; publications électroniques en ligne de matériels non téléchargeables ; publication de matériel accessible via des bases de données ou internet ; mise à disposition de publications électroniques en ligne non téléchargeables. »

5        Le 16 octobre 2015, la requérante a formé un recours contre la décision de l’examinateur, demandant son annulation dans son intégralité. Le recours a été renvoyé, sous la référence R 2086/2015-5, devant la cinquième chambre de recours, qui l’a rejeté par décision du 14 juillet 2016.

6        En premier lieu, la chambre de recours a considéré que l’association des symboles « € » et « $ », représentant l’euro et le dollar américain, serait perçue comme informant le public pertinent que les produits et les services en cause étaient des opérations de change, des outils (logiciels informatiques) utiles à cette fin, des conseils dans ce domaine ou des informations (publications) dont le contenu est lié aux opérations de change. En conséquence, lesdits symboles, figurant dans la marque demandée, auraient un caractère descriptif. En second lieu, la chambre a considéré que les éléments figuratifs de ladite marque consistant en des formes de ronds étaient dépourvus de capacité distinctive et que, en tout état de cause, ils n’étaient pas suffisamment significatifs pour détourner l’attention du public du message que portaient les symboles « € » et « $ » en rapport avec les produits et les services en objet. En résumé, la chambre de recours a considéré que la marque demandée était composée dans son ensemble d’éléments descriptifs placés sur un fond dépourvu de caractère distinctif et se heurtait aux motifs absolus de refus prévus à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001].

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 septembre 2016, la requérante a introduit un recours contre la décision du 14 juillet 2016, enregistré sous le numéro T‑665/16. Elle se plaignait d’une violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement 2017/1001].

8        Par arrêt du 8 mars 2018, Cinkciarz.pl/EUIPO (€$) (T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125), le Tribunal a annulé la décision du 14 juillet 2016.

9        Ayant constaté que la chambre de recours n’avait pas approfondi son analyse selon les exigences de la jurisprudence, le Tribunal a conclu que la décision du 14 juillet 2016 était entachée d’un défaut de motivation en ce qui concernait tant le motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 [devenu article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001] qu’en ce qui concerne le motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement [devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001] (arrêt du 8 mars 2018, €$, T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125, points 40 et 41).

10      Le Tribunal a, plus spécifiquement, considéré que la caractéristique retenue par la chambre de recours n’était pas commune à tous les produits et les services en cause (arrêt du 8 mars 2018, €$, T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125, point 27) et que, ainsi, la motivation globale sur laquelle se fondait la décision du 14 juillet 2016 n’était pas pertinente pour la totalité desdits produits et services (arrêt du 8 mars 2018, €$, T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125, point 29).

11      En outre et en tout état de cause, le Tribunal a conclu que la motivation fournie par la chambre de recours ne lui permettait pas d’exercer son contrôle sur la légalité au fond de la décision du 14 juillet 2016 (arrêt du 8 mars 2018, €$, T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125, point 30), dans la mesure où ladite motivation n’était pas suffisante pour les produits et les services en cause qui n’étaient pas liés aux opérations de change (arrêt du 8 mars 2018, €$, T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125, point 34). Le Tribunal a, par ailleurs, constaté que, même à supposer que lesdits produits et services soient liés aux opérations de change, la décision du 14 juillet 2016 n’indiquait pas clairement pour quelles raisons la chambre de recours avait considéré que le signe en cause permettrait au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description de tous ces produits et services (arrêt du 8 mars 2018, €$, T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125, point 35).

12      À la suite du prononcé de l’arrêt du 8 mars 2018, €$ (T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125), l’affaire a été renvoyée devant la première chambre de recours de l’EUIPO sous la référence R 1345/2018-1.

13      Par décision du 4 juillet 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours a rejeté le recours dans l’affaire R 1345/2018-1.

14      La décision attaquée s’appuie sur deux fondements distincts et alternatifs. En premier lieu, la chambre de recours a conclu que le signe en cause était dépourvu de caractère distinctif pour l’ensemble des produits et services visés par la demande d’enregistrement. Selon la chambre de recours, les symboles « € » et « $ », à savoir les « symboles de l’euro et du dollar », « les deux devises les plus connues dans l’Union européenne », seront perçus sans effort par le public pertinent, rien dans leur présentation ne les distinguant de ceux généralement utilisés dans le commerce. Quant à la conception graphique du signe, étant donné que les deux cercles dans lesquels lesdits symboles apparaissaient étaient décoratifs et que ces symboles représentaient des devises, ils pourraient évoquer deux pièces de monnaie. La chambre de recours a, ensuite, réparti lesdits produits et services en cinq groupes de produits ou de services et a présenté des motifs distincts pour chacun de ces groupes. Au vu de ces constatations et après avoir écarté les arguments y afférents présentés par la requérante, il a été constaté que l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 s’appliquait à la marque demandée.

15      En second lieu, la marque demandée relèverait également de l’interdiction prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement 2017/1001, concernant les marques qui comportent des badges, emblèmes ou écussons autres que ceux visés par l’article 6 ter de la convention de Paris et présentant un intérêt public particulier, à moins que leur enregistrement n’ait été autorisé par l’autorité compétente. En effet, d’une part, le symbole « € » serait « sans aucun doute un symbole des activités de l’Union » et, dans la mesure où, selon la jurisprudence, l’interdiction prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement 2017/1001 prévoirait la protection des emblèmes associés à l’une des actions de l’Union, ce symbole relèverait du champ d’application de cette disposition et cela indépendamment du fait qu’il ne s’agirait pas d’une représentation identique dudit symbole. Il ne saurait être exclu que le public pertinent puisse considérer qu’il existe « un lien entre la marque demandée et […] l’Union ». Les mêmes conclusions devraient être tirées en ce qui concerne la représentation du symbole « $ », « reconnu dans le monde entier comme le signe monétaire du dollar utilisé dans de nombreux pays ».

 Conclusions des parties

16      La requérante demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

17      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

18      Dans la requête, la requérante invoque cinq moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001 lu en combinaison avec l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le deuxième, de la violation de l’article 95, paragraphe 1, première phrase, dudit règlement, le troisième, de la violation de l’article 72, paragraphe 6, de ce règlement, le quatrième, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement et, le cinquième, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement en question.

19      À cet égard, il convient, d’une part, de relever que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 15 mars 2015, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le présent litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001.

20      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée ainsi que par la requérante dans l’argumentation soulevée devant le Tribunal à l’article 7 du règlement 2017/1001 comme visant l’article 7, d’une teneur identique, du règlement no 207/2009.

21      Il convient, d’autre part, au vu de leur portée, d’examiner ensemble les premier et troisième moyens présentés par la requérante.

 Sur le premier et troisième moyens, tirés, respectivement, de la violation de l’article 94, paragraphe 1, première phrase, du règlement 2017/1001 lu en combinaison avec l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux et de l’article 72, paragraphe 6, dudit règlement

22      Par le premier moyen, la requérante se plaint d’un défaut de motivation de la décision attaquée en ce qui concerne l’application, par la chambre de recours, de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle prétend que ce défaut « empêche toute discussion sur le fond » y compris le contrôle juridictionnel de la décision attaquée. Elle relève, à cet égard, que la chambre de recours n’a pas procédé à l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée pour chaque produit ou service en cause, « alors que les groupes de biens et de services ne constituaient pas une catégorie unique ». Un défaut de motivation entacherait également la partie de la décision attaquée dédiée à l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement 2017/1001.

23      Plus spécifiquement, pour ce qui est de l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir « répété l’erreur » commise dans la décision annulée par l’arrêt du 8 mars 2018, €$ (T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125). D’une part, la chambre de recours ne se serait pas référée à chacun des produits ou des services visés par la marque demandée et, d’autre part, elle aurait limité l’analyse de son caractère distinctif aux symboles « € » et « $ ». Ainsi, les références à l’impression globale produite par la marque demandée ou à des éléments de celle-ci autres que ces symboles auraient « uniquement fait l’objet de thèses très générales ». Or, le raisonnement qui concerne les symboles en tant que tels « ne [pourrait] pas être automatiquement transposé au signe litigieux dans son ensemble ». La requérante invoque, à cet égard, les points 34, 35 et 41 de l’arrêt du 8 mars 2018, €$ (T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125).

24      En relevant que la possibilité pour l’EUIPO de se limiter à une motivation globale pour l’ensemble de produits et services visés par une demande d’enregistrement constitue une exception, la requérante fait valoir que la classification opérée, en l’espèce, par la chambre de recours en cinq groupes n’est qu’artificielle, dans la mesure où celle-ci n’a fait que répéter « le même argument, très général », « tenant au lien entre le signe et les “questions financières”, les “questions monétaires” ou les “mouvements de capitaux” ». Or, selon la requérante, ces concepts sont susceptibles de concerner toute activité économique et, par conséquent, tout produit ou service. Qui plus est, la chambre de recours n’aurait pas défini les éléments caractéristiques qui, conformément à la jurisprudence, permettraient de distinguer deux groupes au sein des produits et services relevant de chacune des classes 9 et 36 visés par ladite demande et n’aurait pas démontré que ces services formaient un groupe d’une homogénéité suffisante. Plus spécifiquement, pour ce qui est des services relevant de la classe 36, il aurait, en réalité, convenu de distinguer au moins six groupes.

25      Par le troisième moyen, la requérante invoque une violation de l’article 72, paragraphe 6, du règlement 2017/1001, selon lequel l’EUIPO doit prendre les mesures que comporte l’exécution d’un arrêt du Tribunal, à savoir, en l’espèce, de l’arrêt du 8 mars 2018, €$ (T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125). Elle fait valoir, à cet égard, que la chambre de recours s’est concentrée sur le caractère descriptif du signe en cause de manière superficielle, ce qui serait en contradiction avec les consignes données par le Tribunal dans son arrêt précité. Le Tribunal aurait, plus particulièrement, au point 41 de l’arrêt susmentionné, jugé que, « en l’absence de démonstration du caractère descriptif du signe litigieux, l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 ne s’appliquait pas non plus ».

26      L’EUIPO réfute cette argumentation.

27      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 94 du règlement 2017/1001, les décisions de l’EUIPO doivent être motivées. Cette obligation de motivation a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE et de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la charte des droits fondamentaux, selon laquelle le raisonnement de l’auteur de l’acte doit apparaître de façon claire et non équivoque. Cette obligation a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision (voir arrêt du 8 mars 2018, €$, T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125, point 15 et jurisprudence citée).

28      L’obligation de motivation constitue une formalité substantielle, qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés [voir arrêts du 22 septembre 2016, Pensa Pharma/EUIPO, C‑442/15 P, non publié, EU:C:2016:720, point 35 et jurisprudence citée, et du 14 juillet 2017, Sata/EUIPO (4600), T‑214/16, non publié, EU:T:2017:501, point 59 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que les griefs et arguments visant à contester le bien-fondé de l’acte litigieux sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de la motivation (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 45 et jurisprudence citée).

29      Plus spécifiquement, dès lors que l’enregistrement d’une marque est toujours demandé au regard de produits ou de services mentionnés dans une demande d’enregistrement, l’examen des motifs absolus de refus doit porter sur chacun des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé et la décision par laquelle l’autorité compétente refuse l’enregistrement d’une marque doit, en principe, être motivée pour chacun desdits produits ou desdits services (voir arrêt du 8 mars 2018, €$, T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125, point 16 et jurisprudence citée).

30      Toutefois, s’agissant de cette dernière exigence, la Cour a indiqué que l’autorité compétente peut se limiter à une motivation globale pour tous les produits ou services concernés lorsque le même motif de refus est opposé pour une catégorie ou un groupe de produits ou de services (voir arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 30 et jurisprudence citée).

31      La Cour a, à cet égard, précisé qu’une telle faculté ne s’étend qu’à des produits et à des services présentant entre eux un lien suffisamment direct et concret, au point qu’ils forment une catégorie ou un groupe de produits ou de services d’une homogénéité suffisante (voir arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 31 et jurisprudence citée).

32      Afin d’apprécier si les produits et les services visés par une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union présentent entre eux un lien suffisamment direct et concret et peuvent être répartis dans des catégories ou des groupes d’une homogénéité suffisante, il doit être tenu compte de l’objectif de cet exercice visant à permettre et à faciliter l’appréciation in concreto de la question de savoir si la marque concernée par la demande d’enregistrement relève ou non d’un des motifs absolus de refus (voir arrêt du 8 mars 2018, €$, T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125, point 19 et jurisprudence citée).

33      Ainsi, la répartition des produits et des services en cause en un ou en plusieurs groupes ou catégories doit être effectuée notamment sur la base des caractéristiques qui leur sont communes et qui présentent une pertinence pour l’analyse de l’opposabilité, ou non, à la marque demandée pour lesdits produits et services, d’un motif absolu de refus déterminé. Il s’ensuit qu’une telle appréciation doit être effectuée in concreto pour l’examen de chaque demande d’enregistrement et, le cas échéant, pour chacun des différents motifs absolus de refus éventuellement applicables (voir arrêt du 8 mars 2018, €$, T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125, point 20 et jurisprudence citée).

34      Par ailleurs, vu que c’est au stade de son appréciation sur le fond de la marque demandée, aux fins de l’application d’un motif absolu de refus, que l’EUIPO et, ensuite, le cas échéant, le Tribunal, doivent examiner les éléments composant ladite marque, leur éventuelle signification ainsi que la perception de la marque en question par le public pertinent, il convient de déduire des points 38 à 40 de l’arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group (C‑437/15 P, EU:C:2017:380), que c’est dans ce même cadre que, dans un cas comme celui de l’espèce, doit être effectuée l’appréciation du caractère suffisamment homogène des groupes de produits et services identifiés par l’EUIPO, au sens de la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus. Cette appréciation est, en effet, indissociable du bien-fondé des motifs retenus par la chambre de recours.

35      À cet égard, au point 40 de l’arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group (C‑437/15 P, EU:C:2017:380), la Cour a reproché au Tribunal d’avoir « exclu d’une façon générale la possibilité de conclure au caractère homogène des produits et des services concernés » et, à cet égard, de ne pas avoir « tenu compte […] de la spécificité de la marque demandée ni, notamment, de sa perception par le public pertinent ».

36      Or, en l’espèce, ainsi que le relève la requérante, la chambre de recours n’a, certes, pas, procédé à l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée pour chaque produit et service visé par la demande d’enregistrement en cause. Il n’en reste pas moins qu’elle a réparti les produits et services en cause en différents groupes et elle a formulé des motifs distincts pour chacun de ces groupes.

37      Plus spécifiquement, la chambre de recours a réparti les produits et services en cause en cinq groupes, à savoir deux groupes de produits au sein de ceux relevant de la classe 9, deux groupes de services au sein de ceux relevant de la classe 36 et un groupe pour les services relevant de la classe 41. Il convient, dès lors, de se pencher sur la question de savoir si la répartition opérée par la chambre de recours n’est qu’artificielle, comme le soutient la requérante.

38      Le premier groupe de produits traité par la chambre de recours est composé d’une partie des produits visés par la demande d’enregistrement et relevant de la classe 9 et, plus spécifiquement, des produits suivants : « logiciels ; programmes d’ordinateurs enregistrés ; programmes informatiques chargeables ; applications informatiques téléchargeables ; programmes de traitement de données ; programmes informatiques multimédias interactifs ; publications sous forme électronique téléchargeables à partir d’internet ». Selon le point 30 de la décision attaquée, le consommateur moyen percevrait la marque demandée associée à ces produits comme « une indication qu’ils [étaient] liés à des problématiques ou questions monétaires ».

39      Le deuxième groupe identifié par la chambre de recours comporte les produits suivants, relevant également de la classe 9 : « matériel et accessoires informatiques ; supports de données (magnétiques ou optiques) ; appareils pour l’enregistrement, la transmission ou la reproduction de sons ou d’images ». Au point 31 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que la marque demandée apposée sur ces produits serait perçue comme « une simple indication que les produits ont un prix » et les consommateurs s’attendraient « à voir un chiffre qui indique un prix en euros ou en dollars ».

40      Le troisième groupe traité par la chambre de recours comporte une partie des services visés par la demande d’enregistrement litigieuse et relevant de la classe 36. Il s’agit des services suivants : « opérations monétaires ; opérations de change ; services de bureaux de change ; service d’information concernant les taux de change ; mise à disposition de devises étrangères ; négociation de devises ; services d’opérations de change en temps réel et en ligne ; informations financières sous forme de taux de change ; établissement du taux de change de devises ; prévision du taux de change ; marché des changes ; services financiers informatisés en matière d’opérations de change ; préparation et cotation d’informations sur les taux de change ; services relatifs aux swaps de change ; service d’information concernant l’évaluation de taux de change ; services d’agences de change de devises ; services de conseil en matière de change de devises ; services de conseil en matière de change de devises ; services de bases de données financières en matière de change de devises ; change et transfert d’argent ; mise à disposition de listes de taux de change ; bureaux de change ; services de trésorerie, de chèques et de transfert d’argent ; transfert électronique de fonds par voie de télécommunications ; services de paiement automatisé ; services de transfert d’argent ; services de paiement électronique ». Au point 32 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que le public pertinent verrait dans l’association de ces services et de la marque demandée une indication du contenu de ces derniers, « c’est-à-dire qu[e ledit public constaterait] que les services [étaient] liés aux devises, c’est-à-dire aux opérations de change, aux transferts ou aux paiements en euros ou en dollars ».

41      Il en irait de même pour le quatrième groupe de services identifié par la chambre de recours, à savoir le second groupe de services relevant de la classe 36, qui comprend les services suivants : « services d’agents immobiliers ; agences de recouvrement de créances ; analyse financière ; banque directe [home banking] ; informations bancaires ; affaires bancaires ; opérations bancaires hypothécaires ; bureaux d’information en matière de crédit ; recouvrement de loyers ; consultation en matière financière ; consultation en matière d’assurance ; gestion financière ; estimations financières en assurances, banques et en ce qui concerne l’immobilier ; consultation financière ; informations financières ; opérations financières ; services financiers ; constitution de fonds d’investissement ; services de fonds d’assurance ; cotations boursières ; courtage en bourse ; garanties de cautions ; informations en matière d’assurances ; informations bancaires ; informations financières ; placements de fonds ; placement de capitaux ; transfert électronique de fonds ; services liés aux cartes de débit et de crédit ; gestion des cartes de débit et de crédit ; émission de cartes de crédit et de débit ; courtage en assurances ; services de courtage en bourse ; cotations boursières ; services d’expertises fiscales ; courtage en bourse ; courtage en assurances ; prêts financiers : transactions financières ; assurances ; opérations de change ; gestion financière ; gérance de biens immobiliers ; gestion d’actifs ». Selon le point 33 de la décision attaquée, ces services se rapportent tous « aux questions financières ou aux mouvements de capitaux, c’est-à-dire aux questions monétaires, qui peuvent être traitées en euros ou en dollars ».

42      Le dernier groupe identifié par la chambre de recours comprend les services visés par la marque demandée et relevant de la classe 41 et, plus particulièrement les services suivants : « publication de textes autres que textes publicitaires ; publications électroniques en ligne de matériels non téléchargeables ; publication de matériel accessible via des bases de données ou internet ; mise à disposition de publications électroniques en ligne non téléchargeables ». Selon la chambre de recours, ces services constituaient tous des services de publication et leur association avec la marque demandée serait perçue par le public pertinent comme une indication de ce que les symboles « € » et « $ » se référaient au contenu de ces publications (voir point 34 de la décision attaquée).

43      Au vu de ce qui vient d’être exposé, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que prétend la requérante au point 20 de la requête, la répartition opérée par la chambre de recours ne saurait être qualifiée d’artificielle. En effet, la chambre de recours a formulé des motifs distincts pour chacun des cinq groupes identifiés, et plus particulièrement, des motifs explicitant pourquoi elle a considéré que le signe en cause en l’espèce est, pour chacun de ces groupes, dépourvu de caractère distinctif. Ces motifs sont, d’ailleurs, conformes à la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus, dans la mesure où ils ont permis tant à la requérante de connaître les justifications de la décision attaquée afin de défendre ses droits qu’au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de cette dernière. Il ne saurait, dès lors, être considéré que la chambre de recours a méconnu, à cet égard, son obligation de motivation.

44      L’argumentation présentée par la requérante à cet égard est vouée au rejet.

45      Plus spécifiquement, contrairement à ce que soutient la requérante, ces conclusions ne sauraient être remises en cause par le fait que la chambre de recours n’a pas indiqué expressément que les produits et services en cause présentaient entre eux un lien suffisamment direct et concret, au sens de la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, afin de justifier la répartition opérée dans la décision attaquée. En effet, une telle omission ne suffit pas pour conclure à une violation de l’obligation de motivation, dès lors que ce lien suffisamment direct et concret ressort à suffisance de la décision attaquée [voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, A9.com/EUIPO (Représentation d’une cloche), T‑240/19, non publié, EU:T:2019:779, point 38 et jurisprudence citée], même si ce n’est que de manière implicite (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2017, EUIPO/Deluxe Entertainment Services Group, C‑437/15 P, EU:C:2017:380, point 36), ce qui est le cas en l’espèce.

46      Au vu de l’ensemble des considérations exposées dans la décision attaquée, il convient, dès lors, de rejeter l’affirmation de la requérante selon laquelle la chambre de recours a « répété l’erreur » que l’EUIPO avait commise dans la décision annulée par l’arrêt du 8 mars 2018, €$ (T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125). Contrairement à ce que soutient la requérante et ainsi qu’il ressort de ce qui a été exposé aux points 36 à 42 ci-dessus, la chambre de recours ne s’est pas contentée d’affirmations très générales, « tenant au lien entre le signe et les “questions financières”, les “questions monétaires” ou les “mouvements de capitaux” ». Au contraire, elle a formulé des motifs distincts pour chacun des cinq groupes de produits et services visés par la marque demandée qu’elle a identifiés, sans se contenter de répéter les mêmes affirmations générales pour chacun de ceux-ci. Par ailleurs, même à supposer que, ainsi que le soutient la requérante, certains des concepts repris par la chambre de recours « [soient] susceptibles de concerner toute activité économique », la motivation développée dans la décision attaquée resterait conforme aux exigences de la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus.

47      La requérante relève, en outre, des « contradictions internes » quant à la répartition opérée par la chambre de recours. Elle soutient, plus particulièrement, que, alors que la chambre de recours a regroupé au sein d’un même groupe « les services liés directement aux opérations de change et ceux qui ne le sont pas directement », elle a placé les « services des opérations de change » dans un groupe distinct. Or, un tel argument relève, en réalité, de l’appréciation du bien-fondé des motifs retenus par cette chambre dans la décision attaquée qui sera examiné par la suite, conformément à la jurisprudence citée au point 28 ci-dessus.

48      Il en va de même des arguments présentés par la requérante et portant sur la répartition opérée par la chambre de recours des différents produits en cause relevant de la classe 9 qui seront, ainsi, examinés dans le cadre de l’appréciation du bien-fondé des motifs retenus par celle-ci.

49      Par ailleurs, au point 25 de la requête, la requérante affirme que le défaut de motivation de la décision attaquée apparaît « de façon criante dans l’incompréhensible distinction des produits et des services entre ceux pour lesquels le signe litigieux a été considéré comme distinctif et ceux pour lesquels il a été contesté ». La requérante soutient, à cet égard, que l’EUIPO a considéré que la marque demandée pouvait être enregistrée « pour les services de publication de livre, ou de publication électronique en ligne de livres et de périodiques, alors qu’il était contesté pour la publication de textes autres que les textes publicitaires, les publications électroniques en ligne de matériels non téléchargeables ou la publication de textes autres que textes publicitaires ». Selon la requérante, ces services sont fondamentalement identiques.

50      Certes, ainsi qu’il a été confirmé par les parties lors de l’audience, la demande d’enregistrement du signe litigieux visait également « les services de publication de livre, ou de publication électronique en ligne de livres et de périodiques ». À la suite de la décision de l’examinateur du 19 août 2015 (voir point 4 ci-dessus), la demande d’enregistrement a été publiée, en ce qu’elle visait les produits et services qui n’ont pas été refusés à l’enregistrement par l’examinateur, dont les services susmentionnés, conformément à l’article 39 du règlement no 207/2009 [devenu article 44 du règlement 2017/1001], applicable au moment des faits.

51      Toutefois et contrairement à ce que prétend la requérante, la publication de cette demande ne constitue qu’une des étapes menant à l’enregistrement de la marque demandée. En effet, ainsi que la partie défenderesse l’a relevé lors de l’audience, l’EUIPO a le droit de reprendre de sa propre initiative, à tout moment avant l’enregistrement, l’examen des motifs absolus, s’il le juge opportun. En effet, une telle possibilité existait au profit de l’EUIPO, même avant qu’elle ne soit consacrée dans la disposition expresse de l’article 45, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 [voir ordonnance du 11 décembre 2018, CheapFlights International/EUIPO – Momondo Group (Cheapflights), T‑565/17, EU:T:2018:923, point 32 et jurisprudence citée].

52      Il faut, en tout état de cause, souligner que la requérante ne prétend pas avoir relevé cet aspect de la procédure dans le cadre de son recours devant la chambre de recours, qui ne s’est, ainsi, aucunement prononcée sur les services relevant de la classe 41 mentionnés au point 25 de la requête (voir point 49 ci-dessus). Partant, il ne saurait être considéré que la motivation de la décision attaquée concernant les services relevant de la classe 41 comporte une « contradiction » à cet égard. La question du bien-fondé des motifs retenus par ladite chambre dans la décision attaquée s’agissant de ces derniers services relève, quant à elle, de la légalité au fond de ladite décision et sera traitée par la suite.

53      Pour ce qui est, en outre, de l’argumentation de la requérante portant sur le fait que la chambre de recours a limité son analyse du caractère distinctif de la marque demandée aux symboles « € » et « $ » et n’a pas établi « si la combinaison des symboles de l’euro et du dollar et d’éléments graphiques [présentait] un caractère distinctif », il y a lieu de considérer qu’elle relève en réalité du bien-fondé des motifs retenus par la chambre de recours dans la décision attaquée et sera examinée ci-après.

54      Enfin, la requérante présente, aux points 26 à 28 de la requête, une série d’arguments qui visent à démontrer un défaut de motivation de la décision attaquée concernant l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009. Or, il ressort des passages de la décision attaquée auxquels la requérante fait elle-même référence, à savoir les points 45 et 46 de cette décision, que la chambre de recours a exposé les motifs de l’application, en l’espèce, de la disposition susmentionnée, à tout le moins s’agissant de la représentation, dans la marque demandée, du symbole « € ».

55      Il en va de même pour ce qui est de l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009 s’agissant du symbole « $ ». Certes, la motivation exposée par la chambre de recours à cet égard au point 47 de la décision attaquée est succincte. Elle est, pourtant, bien présente, formulée d’une manière conforme à la jurisprudence citée au point 27 ci-dessus.

56      Partant, la décision attaquée ne saurait être considérée comme étant entachée d’un défaut de motivation. Il y a, dès lors, lieu de rejeter le premier moyen présenté par la requérante.

57      Ιl en va de même en ce qui concerne le troisième moyen présenté en l’espèce (voir point 25 ci-dessus). Il ne saurait, plus spécifiquement, être considéré que la chambre de recours a répété les erreurs sanctionnées par l’arrêt du 8 mars 2018, €$ (T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125), car, dans la présente affaire, et pour ce qui est de son appréciation sous l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, la chambre de recours ne s’est prononcée que sur le caractère distinctif du signe demandé, sans examiner son éventuel caractère descriptif. En revanche, le point de départ du raisonnement de la décision attaquée dans l’affaire qui a donné lieu à audit arrêt était le caractère prétendument descriptif du signe demandé. Ce n’est qu’en tirant les conséquences de ce caractère prétendument descriptif selon l’article 7, paragraphe 1, sous c), de ce règlement que les instances de l’EUIPO avaient, dans cette affaire, conclu en l’absence de caractère distinctif du signe litigieux au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement. Or, ainsi qu’il vient d’être relevé, cela n’est pas le cas dans la présente affaire.

58      Ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, les arguments présentés par la requérante dans le cadre des premier et troisième moyens qui portent, en substance, sur l’appréciation de la marque demandée effectuée par la chambre de recours, concernent le bien-fondé de la décision attaquée et seront examinés ci-après.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 95, paragraphe 1, première phrase du règlement 2017/1001

59      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir démontré, « preuves à l’appui, les circonstances de fait qui témoignent du défaut de caractère distinctif de la marque » demandée.

60      Plus particulièrement, la requérante allègue que la chambre de recours n’a pas présenté « les signes “généralement utilisés dans le commerce” dont le signe litigieux ne se différenc[ierait] pas ». Selon elle, la raison pour laquelle la chambre de recours a considéré que les symboles « € » et « $ » étaient utilisés « de manière tout à fait courante pour représenter […] l’objet et le but des services [relevant] de la classe 36 […] » manque de clarté. Par ailleurs, selon la requérante, la chambre de recours n’a pas prouvé l’existence d’un symbole officiel « $ », justifiant l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous i), du règlement no 207/2009.

61      Tout en admettant que la charge de la preuve lui incombe, la requérante fait valoir qu’il est « impossible de prouver l’absence d’un fait », telle que, en l’espèce, l’absence d’une utilisation généralisée des signes en cause ou bien l’inexistence d’un symbole officiel « $ ». Qui plus est, selon elle, la chambre de recours aurait dû contester la force probante des éléments qu’elle avait produits afin d’établir « des faits contraires ».

62      L’EUIPO réfute cette argumentation.

63      Il est de jurisprudence constante que les organes de l’EUIPO peuvent fonder leurs décisions sur des faits notoires qui n’auraient pas été invoqués devant lui, sans avoir à en établir l’exactitude [voir arrêt du 10 septembre 2019, Oakley/EUIPO – Xuebo Ye (Représentation d’une ellipse discontinue), T‑744/18, non publié, EU:T:2019:568, points 57 et 58 et jurisprudence citée]. Il ressort, en outre, de la jurisprudence que, pour contester un fait notoire et obliger, ainsi, l’EUIPO de fournir des éléments de preuve visant à répondre à cette contestation, la partie requérante doit le faire d’une manière circonstanciée (arrêt du 10 septembre 2019, Représentation d’une ellipse discontinue, T‑744/18, non publié, EU:T:2019:568, point 63).

64      En l’espèce, les faits invoqués par la chambre de recours dans la décision attaquée doivent être considérés comme étant des faits notoires, étant donné qu’ils portent sur l’utilisation, d’une part, du symbole de l’euro, qui constitue la monnaie unique de l’Union utilisée par la majorité des États membres, et, d’autre part, d’un symbole représentant des unités monétaires utilisées dans plusieurs pays tiers, telles que le dollar australien, le dollar canadien, et le dollar des États-Unis d’Amérique. Il est, en effet, un fait notoire que ces symboles sont utilisés de manière courante, pour représenter ces unités monétaires, dans les échanges de la vie quotidienne ainsi que dans le commerce et les échanges financiers internationaux.

65      Contrairement à ce que prétend la requérante, il ne saurait être considéré comme impossible de remettre en cause les faits retenus par la chambre de recours. Des enquêtes d’opinion ou bien des enquêtes statistiques sur l’utilisation des symboles « € » et « $ » sur le territoire de l’Union auraient, par exemple, pu discréditer, le cas échéant, les faits sur lesquels ladite chambre s’est fondée dans la décision attaquée.

66      Par ailleurs, la requérante a beau se référer à « des éléments produits » par elle, elle ne spécifie pourtant ni à quels éléments elle se réfère ni à quel stade de la procédure elle les aurait fournis ni auprès de quelle instance. Or, selon la jurisprudence, si le texte de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des passages déterminés de pièces qui y sont annexés, il n’appartient pas au Tribunal de rechercher et d’identifier dans les annexes ou dans le dossier, les arguments qu’il pourrait considérer comme constituant le fondement du recours (voir ordonnance du 24 octobre 2018, García Ruiz/Parlement, T‑322/18, non publiée, EU:T:2018:752, point 12 et jurisprudence citée).

67      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen, sans qu’il soit besoin d’examiner le restant des arguments présentés par la requérante.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

68      La requérante se plaint, en substance, du fait que la chambre de recours a omis d’apprécier la marque demandée dans sa globalité, en ignorant des traits de graphisme et en qualifiant les éléments graphiques du signe en tant que « figures géométriques simples ». Elle allègue également que la chambre de recours n’aurait pas dû appliquer en l’espèce « la doctrine de l’élément dominant » pour ce qui est des « symboles de deux monnaies » et elle lui reproche, ainsi, d’avoir erronément appliqué l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, en considérant que les symboles « € » et « $ » ne possédaient pas de caractère distinctif minimal pour les produits et services visés par la marque demandée.

69      La requérante rappelle, plus particulièrement, que le caractère distinctif d’une marque ne dépend pas du niveau de créativité ou de l’imagination artistique employée dans sa conception. Par ailleurs, la présence d’un élément, « même solidement lié dans l’esprit du public à des produits et services donnés », ne priverait pas un signe de caractère distinctif, « si le lien est à ce point général qu’il ne peut indiquer que la provenance du service au sens abstrait ».

70      S’agissant de l’importance des éléments graphiques de la marque demandée, selon la requérante, la « doctrine de l’élément dominant » ne serait pertinente que pour les motifs relatifs du refus d’enregistrement. En tout état de cause, identifier un élément dominant dans une marque, ne signifierait pas que les autres éléments la composant ne devraient pas être pris en considération dans le cadre de son appréciation globale.

71      Selon la requérante, la chambre de recours a procédé à une « simplification erronée » dans le cadre de son appréciation de la marque demandée. Même si le public pertinent « se focalise seulement sur les figures dans lesquelles sont inscrits les symboles stylisés des monnaies, il ne s’agi[rait] pas d’un simple alignement de figures géométriques ». De plus, même à admettre que les éléments graphiques contrastés composant le signe en cause évoqueraient le concept de pièces de monnaie, l’association entre ceux-ci et les caractéristiques des services financiers ne serait qu’une parmi d’autres possibles.

72      La chambre de recours n’aurait, par ailleurs, pas tenu compte du « niveau d’information » du public pertinent. Or, selon la requérante, un consommateur attentif prêtera attention aux détails, notamment aux éléments graphiques des symboles « € » et « $ ».

73      La requérante présente, enfin, des arguments spécifiques concernant chaque groupe de produits et services visés par la marque demandée identifié par la chambre de recours.

74      L’EUIPO réfute cette argumentation.

75      Conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusés à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

76      Il résulte de la jurisprudence, que le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits et aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, constitué par le consommateur moyen desdits produits ou services [voir arrêt du 19 mai 2010, Zeta Europe/OHMI (Superleggera), T‑464/08, non publié, EU:T:2010:212, point 17 et jurisprudence citée].

77      En outre, afin d’apprécier si une marque est ou non dépourvue de caractère distinctif, il convient de prendre en considération l’impression d’ensemble qu’elle produit. Cela ne saurait toutefois impliquer qu’il n’y aurait pas lieu de procéder, dans un premier temps, à un examen successif des différents éléments de présentation utilisés pour cette marque. En effet, il peut être utile, au cours de l’appréciation globale, d’examiner chacun des éléments constitutifs de la marque concernée [voir arrêt du 25 septembre 2014, Giorgis/OHMI – Comigel (Forme de deux gobelets emballés), T‑474/12, EU:T:2014:813, point 22 et jurisprudence citée].

78      Selon une jurisprudence constante, les marques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir la fonction d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en cause afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix si l’expérience s’avère positive ou de faire un autre choix si elle s’avère négative. Tel est le cas, notamment, des signes qui sont communément utilisés pour la commercialisation des produits ou des services concernés [voir arrêt du 16 mars 2016, Schoeller Corporation/OHMI – Sqope (SCOPE), T‑90/15, non publié, EU:T:2016:153, point 44 et jurisprudence citée].

79      Il ressort, en outre, de la jurisprudence qu’il existe, dans une certaine mesure, un chevauchement entre le champ d’application de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et celui de son article 7, paragraphe 1, sous c), la première de ces dispositions se distinguant, toutefois, de la seconde, en ce qu’elle couvre l’ensemble des circonstances dans lesquelles un signe n’est pas de nature à distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises (voir ordonnance du 26 avril 2012, Deichmann/OHMI, C‑307/11 P, non publiée, EU:C:2012:254, point 47 et jurisprudence citée) et non seulement le cas où ce signe serait descriptif desdits produits ou services.

80      Il n’en demeure pas moins que, selon une jurisprudence constante, chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 est indépendant des autres et exige un examen séparé (voir arrêt du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, EU:C:2008:261, point 54 et jurisprudence citée). Plus spécifiquement, lesdits motifs de refus doivent être interprétés à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend chacun d’entre eux. L’intérêt général pris en considération lors de l’examen de ces motifs peut, voire doit, refléter des considérations différentes, selon le motif de refus en cause (voir arrêt du 15 mars 2012, Strigl et Securvita, C‑90/11 et C‑91/11, EU:C:2012:147, point 22 et jurisprudence citée).

81      Partant, dans le cas où une marque qui ne se heurte pas au motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 est néanmoins dépourvue de caractère distinctif au sens l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, l’EUIPO doit exposer les raisons pour lesquelles il estime que cette marque est dépourvue de caractère distinctif, à savoir pourquoi le signe en cause, dans son ensemble, ne permettrait pas au public pertinent de distinguer les produits et services du demandeur de ceux qui ont une autre origine commerciale (voir, en ce sens, arrêt du 16 septembre 2004, SAT.1/OHMI, C‑329/02 P, EU:C:2004:532, point 42).

82      C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner le quatrième moyen invoqué par la requérante.

83      En l’espèce, en dépit de la teneur des certains arguments présentés par la requérante, qui prétend, en substance, que la chambre de recours a appliqué l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 en se fondant sur le caractère descriptif du signe en cause par rapport aux produits et aux services en cause, il faut rappeler que la chambre de recours a appliqué, en l’espèce, cette disposition en se prononçant sur le seul caractère distinctif dudit signe (voir point 57 ci-dessus). Il y a, ainsi, lieu d’examiner si l’EUIPO a démontré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif, à savoir qu’elle n’était pas apte à remplir la fonction essentielle de la marque, au sens de la jurisprudence citée au point 78 ci-dessus. Or, selon cette jurisprudence, un signe peut être dépourvu de caractère distinctif pour des raisons autres que son éventuel caractère descriptif et, notamment, s’il est communément utilisé pour la commercialisation des produits ou des services concernés.

84      Dans un premier temps, la chambre de recours a, au point 24 de la décision attaquée, constaté à juste titre que les produits et services visés par la marque demandée étaient destinés tant aux professionnels qu’aux consommateurs moyens de l’Union, ce que la requérante ne conteste d’ailleurs pas.

85      La chambre de recours a considéré, ensuite, au point 26 de la décision attaquée, que les symboles « € » et « $ », « c’est-à-dire les symboles largement reconnus de l’euro et du dollar », étaient la première chose perçue sans effort par un consommateur qui voyait le signe en cause. Elle en a conclu que l’impression générale produite par la marque demandée était « clairement dominée » par ces symboles qui « [étaient] représentés en noir (euro) et blanc (dollar) et se [trouvaient] au milieu[,] respectivement[,] du cercle blanc avec une bordure noire et du cercle noir ».

86      Il convient, tout d’abord, de relever que la requérante se réfère elle-même, plusieurs fois dans la requête, aux symboles « € » et « $ » comme à des symboles de « devises ».

87      Par ailleurs, l’argument de la requérante selon lequel les « connotations liées à un secteur donné […] ne sont pas déterminantes », puisque « la question [serait] de savoir si ce s[eraient] les seules connotations qui émanent du signe » est voué au rejet. En effet, ainsi qu’il a été relevé au point 86 ci-dessus, la requérante ne conteste pas la perception de la marque demandée retenue par la chambre de recours dans la décision attaquée et n’avance pas d’éléments susceptibles de démontrer que cette marque pouvait être perçue par le public pertinent d’une autre manière que la chambre de recours aurait dû prendre en considération dans le cadre de son appréciation. En tout état de cause, il suffit, pour considérer qu’une marque soit dépourvue de caractère distinctif, que les symboles qu’elle comporte puissent être perçus, à tout le moins dans une de leurs éventuelles significations, par le public pertinent comme des signes communément utilisés pour la commercialisation des produits ou des services concernés (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 mai 2010, Superleggera, T‑464/08, non publié, EU:T:2010:212, point 28).

88      Contrairement, en outre, à ce que prétend la requérante, la chambre de recours a, conformément à la jurisprudence citée au point 77 ci-dessus, bien tenu compte de l’impression globale produite par la marque demandée. Plus spécifiquement, elle a examiné en détail la représentation graphique du signe en cause, en considérant que les deux cercles dans lesquels apparaissent les symboles « € » et « $ » étaient décoratifs et pouvaient évoquer deux pièces de monnaie (voir points 26 et 28 de la décision attaquée). Elle a, en plus, affirmé que leur représentation était « typique » et que rien dans celle-ci ne les distinguerait de celles généralement utilisées dans le commerce (voir point 27 de la décision attaquée).

89      Ainsi, il ne saurait être reproché à la chambre de recours d’avoir ignoré des « traits de graphisme » ou d’avoir omis d’examiner les éléments composant la marque demandée autres que les symboles « € » et « $ ». En effet, contrairement à ce que prétend la requérante, rien n’empêchait la chambre de recours de conclure que, malgré la présence de ces « traits de graphisme », l’impression d’ensemble produite par la marque demandée était dominée par ces symboles.

90      Il y a, à cet égard, lieu de constater que l’aspect graphique de la marque demandée ne présente aucune caractéristique marquante, susceptible d’attirer l’attention du public pertinent et de l’amener à faire abstraction des concepts véhiculés par les symboles « € » et « $ ». La requérante n’étaye, d’ailleurs, aucunement son argument selon lequel l’aspect graphique de la marque demandée la rend « polysémique et distincti[ve] ».

91      Certes, ainsi que le relève la requérante, les symboles « € » et « $ » sont représentés dans la marque demandée à l’intérieur de deux cercles contrastés, au niveau de leur coloration. Or, même à considérer, comme l’affirme la requérante, que les « combinaisons contrastées attirent immédiatement l’attention et sont faciles à retenir », il n’en est pas moins vrai que, en l’espèce, la représentation contrastée des deux symboles en cause ne fait que faire ressortir ces symboles dans l’impression d’ensemble de la marque demandée. La requérante ne précise, d’ailleurs, pas quelle « explication » le consommateur « non habitué aux pièces de monnaie contrastées chercherait inconsciemment » aux caractéristiques graphiques de la marque demandée.

92      Il convient de rejeter également les arguments de la requérante selon lesquels l’impression globale dégagée d’un signe dénué de contraste serait totalement différente et que, étant donné qu’il existe plusieurs façons de représenter une pièce de monnaie, la chambre de recours n’aurait pas dû présupposer qu’un signe tel que la marque demandée n’a pas de caractère distinctif en raison de sa dimension sémantique. Contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours n’a pas « complètement ignoré » cet aspect graphique de la marque demandée, mais en a tenu compte dans le cadre de son appréciation (voir point 26 de la décision attaquée). Il suffit, par ailleurs, de relever que la chambre de recours ne s’est prononcée que sur la demande d’enregistrement litigieuse et n’a, donc, pas présenté de considérations concernant l’hypothèse dans laquelle la marque demandée serait dénuée de contraste au niveau de sa coloration ni de considérations concernant l’existence d’autres marques représentant des pièces de monnaie.

93      En ce qui concerne le niveau d’attention du public pertinent (voir point 72 ci‑dessus), il suffit de rappeler qu’une marque doit permettre audit public de distinguer les produits qu’elle désigne de ceux d’autres entreprises sans que ce public doive faire preuve d’une attention particulière, de sorte que le seuil de distinctivité nécessaire à l’enregistrement d’une marque ne saurait dépendre du niveau d’attention dudit public [voir arrêt du 14 février 2019, Bayer Intellectual Property/EUIPO (Représentation d’un cœur), T‑123/18, EU:T:2019:95, point 17 et jurisprudence citée ; arrêt du 11 septembre 2019, Orkla Foods Danmark/EUIPO (PRODUCED WITHOUT BOILING SCANDINAVIAN DELIGHTS ESTABLISHED 1834 FRUIT SPREAD), T‑34/19, non publié, EU:T:2019:576, point 29]. En l’espèce, la chambre de recours a, certes, affirmé, au point 24 de la décision attaquée, que le niveau d’attention du public pertinent « variera en fonction des produits et services concernés », elle n’a pas, pour autant, et ceci à bon droit, tenu compte dudit niveau d’attention dans le cadre de son appréciation du caractère distinctif du signe litigieux. Les arguments y afférents présentés par la requérante ne sauraient donc prospérer.

94      La requérante prétend, en outre, à deux reprises dans la requête, que la chambre de recours aurait dû tenir compte dans le cadre de son appréciation de la marque demandée, de « l’ensemble des modes d’usages probables » de cette dernière.

95      Il convient, à cet égard, de rappeler que, selon la jurisprudence invoquée par la requérante elle-même, le caractère distinctif d’un signe dont l’enregistrement est demandé doit être examiné en prenant en considération tous les faits et circonstances pertinents, y compris l’ensemble des modes d’usage probables de la marque demandée. Ces derniers correspondent, en l’absence d’autres indices, aux modes d’usage qui sont, au regard des habitudes du secteur économique concerné, susceptibles d’être significatifs en pratique [voir, par analogie, arrêt du 12 septembre 2019, Deutsches Patent- und Markenamt (#darferdas?), C‑541/18, EU:C:2019:725, point 33]. Il ressort de cette jurisprudence que l’objectif de cette appréciation est d’éviter que le registre des marques, qui doit être approprié et précis, comprenne des signes qui permettent de distinguer les produits ou les services du titulaire de ceux d’autres entreprises uniquement dans l’hypothèse d’un usage très spécifique (voir, par analogie, arrêt du 12 septembre 2019, #darferdas?, C‑541/18, EU:C:2019:725, point 27). Ainsi, les autorités compétentes et, dans un cas comme celui de l’espèce, l’EUIPO, doivent qualifier de non pertinents les modes d’usage qui, tout en étant concevables dans le secteur économique concerné, n’y sont pas significatifs en pratique et paraissent donc peu probables, sauf si le demandeur a fourni des indices concrets qui rendent probable, dans son cas, un mode d’usage qui est inhabituel dans ledit secteur (voir, par analogie, arrêt du 12 septembre 2019, #darferdas?, C‑541/18, EU:C:2019:725, point 26).

96      Or, force est de constater que, en l’espèce, la requérante n’a pas fourni de tels indices concrets, susceptibles de démontrer qu’il y aurait des modes d’usage spécifiques de la marque demandée dont la chambre de recours aurait dû tenir compte dans le cadre de son appréciation. Elle ne précise, par ailleurs, aucunement pourquoi d’éventuelles différences entre l’usage de la marque demandée sur Internet ou « comme enseigne dans le local d’une entreprise » auraient pu, si elles avaient été prises en considération par la chambre de recours, affecter la conclusion de cette dernière quant à l’absence de caractère distinctif de cette marque.

97      Il y a lieu, ensuite, d’examiner les arguments spécifiques présentés par la requérante concernant chacun des groupes de produits et services identifiés par la chambre de recours et mentionnés aux points 38 à 42 ci-dessus, en suivant l’ordre dans lequel les arguments sont présentés dans la requête.

 En ce qui concerne les services relevant de la classe 36

98      S’agissant du premier groupe de services relevant de la classe 36 (voir point 40 ci-dessus), la chambre de recours a considéré, à propos des services concernés, que le consommateur verrait, dans la marque demandée, « plutôt une indication de leur contenu, c’est-à-dire […] que les services sont liés aux devises, c’est-à-dire aux opérations de change, aux transferts ou aux paiements en euros ou en dollars ». Selon le point 32 de la décision attaquée, il est « indéniable que pour tous ces services, les [symboles « € » et « $ »] sont utilisés de manière tout à fait courante pour représenter leur objet et leur but ». Il en irait de même en ce qui concerne le second groupe de services relevant de la classe 36 identifié par la chambre de recours (voir point 41 ci-dessus), qui « se rapportent tous aux questions financières ou aux mouvements de capitaux, c’est-à-dire aux questions monétaires, qui peuvent être traitées en euros ou en dollars » (voir point 33 de la décision attaquée).

99      Aucun des arguments présentés par la requérante ne saurait remettre en cause ces constatations. Plus précisément, il convient de relever que, contrairement à ce qu’elle semble prétendre, la chambre de recours n’a pas qualifié l’ensemble de ces services de « services financiers ». En outre, si le signe en cause n’est pas « couramment utilisé » pour certains desdits services (voir requête, point 69), il n’en reste pas moins que les symboles « € » et « $ » qui le composent sont, eux, utilisés dans la pratique quotidienne de ces services. Si, ainsi que l’indique la requérante, la marque demandée ne « décrit », certes, pas les services de conseil ou de gestion, ces symboles sont, en effet, susceptibles d’être utilisés comme une indication de l’objet de tels services. Il en va de même en ce qui concerne les services d’agence de recouvrement de créances et les services d’assurances et d’intermédiaires en assurances. La requérante admet elle-même, au point 70 de la requête, que ces derniers ont un caractère financier. Or, au vu de ce caractère financier, il est possible que le public pertinent perçoive un lien entre les symboles en cause en l’espèce et ces services, et ceci indépendamment du fait que, ainsi que le relève la requérante, ceux-ci ne sont pas nécessairement toujours liés avec des transactions en euro ou en dollars.

 En ce qui concerne les produits relevant de la classe 9

100    Pour ce qui est du premier groupe de produits relevant de la classe 9 identifié par la chambre de recours (voir point 38 ci-dessus), celle-ci a constaté, au point 30 de la décision attaquée, que le public pertinent considérerait l’ensemble formé par les symboles « € » et « $ » « comme une indication [que les produits en question] sont liés à des problématiques ou questions monétaires » et qu’il était « facile de trouver des logiciels de planification financière ou des applications offrant de l’aide pour gagner de l’argent sur le marché ». Il convient de déduire de cette constatation que la chambre de recours a, en substance, considéré que la marque demandée serait susceptible d’être perçue, par le public pertinent, comme étant utilisée en tant qu’indication de la nature de ces produits.

101    Les arguments présentés par la requérante à cet égard sont, également, voués au rejet. Contrairement à ce que soutient la requérante, le lien identifié entre les produits en cause et la marque demandée par la chambre de recours ressort très clairement du point 30 de la décision attaquée. Par ailleurs, le fait que l’association avec les logiciels et outils utilisés en matière de finances ne serait qu’une des « associations possibles du signe à ces produits » ne saurait remettre en cause la répartition opérée dans la décision attaquée, dans la mesure où la requérante n’établit pas quelles seraient les éventuelles autres associations possibles dudit signe aux produits en question et pourquoi celles-ci l’emporteraient, dans l’esprit du public pertinent, par rapport à celle retenue par la chambre de recours (voir également point 87 ci‑dessus).

102    S’agissant du second groupe de produits relevant de la classe 9 identifié par la chambre de recours (voir point 39 ci-dessus), la chambre de recours a considéré, au point 31 de la décision attaquée, que la marque demandée serait perçue, apposée sur ce type de produits, « comme une simple indication que les produits ont un prix » et que le public pertinent « s’attendrait raisonnablement à voir un chiffre qui indique un prix en euros ou en dollars ».

103    Si, comme le relève la requérante, il est certes vrai que la juxtaposition des symboles « € » et « $ » ne permettrait pas au public pertinent de savoir dans quelle unité monétaire le prix des produits visés serait calculé, il n’en reste pas moins que ce public est susceptible d’apercevoir la marque demandée comme une indication ou une information sur le prix de ces produits. Il ne saurait, par exemple, être exclu que le consommateur moyen considère que le prix desdits produits peut être payé tant en euros qu’en dollars. En tout état de cause, même à considérer, ainsi que le fait valoir la requérante, que le public pertinent serait, en effet, susceptible de se poser la question de savoir pourquoi il n’y a pas de chiffre près des symboles en cause en l’espèce, il n’en reste pas moins que les consommateurs seraient amenés à effectuer des vérifications avant de se rendre compte que le signe litigieux indique l’origine des produits en cause. Or, conformément à la jurisprudence citée au point 93 ci-dessus, une marque doit permettre au public pertinent de distinguer les produits qu’elle désigne de ceux d’autres entreprises sans que ce public doive faire preuve d’une attention particulière.

 En ce qui concerne les services relevant de la classe 41

104    Selon le point 34 de la décision attaquée, les services relevant de la classe 41 pertinents en l’espèce sont tous des services de publication et, associée à ceux-ci, la marque demandée sera perçue comme se référant à leur contenu, « c’est-à-dire aux questions monétaires et financières ».

105    La requérante allègue que, dès lors que la marque demandée ne présente pas de lien direct et concret avec ces services, « [elle] ne peut donc pas être descripti[ve] pour [ceux‑ci] », dans la mesure où celle-ci est hautement stylisée et, en plus, le sujet des publications n’est pas précisé dans la liste de ces services. Force est de constater, à cet égard, que la chambre de recours a seulement considéré que le signe demandé, associé aux services en cause, était susceptible d’évoquer leur contenu et, ainsi, « n’incitera[it] pas les consommateurs à croire que ces services proviennent d’une entreprise particulière » (voir point 34 de la décision attaquée). Partant, le fait que le sujet des publications en cause n’était pas précisé dans la liste litigieuse ne saurait altérer la conclusion retenue dans la décision attaquée. En tout état de cause, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au demandeur de l’enregistrement d’une marque d’identifier, le cas échéant, avec suffisamment de clarté et de précision les produits ou les services pour lesquels la protection de la marque est demandée, pour permettre aux autorités compétentes de déterminer l’étendue de la protection demandée [voir arrêt du 1er décembre 2016, EK/servicegroup/EUIPO (FERLI), T‑775/15, non publié, EU:T:2016:699, point 29 et jurisprudence citée]. Or, dans la mesure où la requérante n’avait pas précisé, dans la demande d’enregistrement litigieuse, quels types de publication concernaient cette demande en particulier, la description des services visés par celle-ci et relevant de la classe 41 inclut nécessairement les publications se référant aux questions monétaires et financières.

106    La requérante fait, de plus, valoir qu’il ne saurait être déduit de la marque demandée si les publications en cause concernent « le change de devises, les devises en général ou les finances en général ». Toutefois, il convient, d’une part, de constater que la chambre de recours n’a pas précisé à quel type spécifique de questions monétaires ou financières le public pertinent serait amené à considérer que les services en cause, associés à la marque demandée, seraient liés. D’autre part et en tout état de cause, cet argument est voué au rejet pour les mêmes raisons que celles exposées au point 105 ci-dessus.

107    Enfin, s’agissant de l’argumentation de la requérante qui concerne le niveau d’attention du public pertinent, il suffit de rappeler que le seuil de distinctivité nécessaire à l’enregistrement d’une marque ne saurait dépendre dudit niveau d’attention (voir point 93 ci-dessus).

108    Il convient, dès lors, de rejeter l’ensemble de l’argumentation présentée par la requérante et portant sur les motifs exposés dans la décision attaquée pour chacun des cinq groupes de produits et services identifiés par la chambre de recours.

109    Cette conclusion vaut également en ce qui concerne l’argumentation par laquelle la requérante cherche à remettre en cause la répartition opérée, en l’espèce, par la chambre de recours au sein des produits et des services en cause, en faisant valoir que certains types de produits ou de services très similaires ont été inclus dans des groupes différents ou en contestant la cohérence desdits groupes (voir points 47 et 48 ci-dessus). En effet, dans la mesure où la requérante n’a su contester de manière circonstanciée aucun des motifs retenus dans la décision attaquée pour les produits et services compris dans chacun des cinq groupes identifiés par la chambre de recours, le fait que celle-ci aurait pu opérer une classification différente au regard de tel produit ou de tel service, à le supposer avéré, ne saurait avoir d’incidence sur l’appréciation, par le Tribunal, des conclusions de celle-ci quant à l’absence de caractère distinctif de la marque demandée.

110    S’agissant, par ailleurs, de l’argument de la requérante selon lequel la décision attaquée revient à « mettre en cause l’utilisation des symboles [« € » et « $ »] en tant que signes descriptifs pour n’importe quels produits ou services », il y a lieu également de le rejeter. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été indiqué au point 83 ci-dessus, tout en considérant que le signe litigieux était susceptible, associé aux produits et aux services visés par la marque demandée, d’évoquer, pour le public pertinent, des caractéristiques de certains de ces produits et services, la chambre de recours ne s’est, en l’espèce, prononcée que sur le caractère distinctif de la marque demandée, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et, plus particulièrement, sur l’inaptitude du signe en cause de remplir la fonction essentielle de la marque, au sens de la jurisprudence citée au point 78 ci-dessus. En outre, les conclusions de la chambre de recours ne concernaient que les seuls produits et services pertinents en l’espèce et ne comportaient pas des considérations générales. La requérante cite, à l’appui de son argument, l’arrêt du 8 mars 2018, €$ (T‑665/16, non publié, EU:T:2018:125). Il ne ressort pourtant pas de son argumentaire la raison pour laquelle cet arrêt qui, selon la lecture qu’en fait la requérante, aurait conclu que les « produits et les services faisant l’objet de la demande ne [constituaient] pas une seule catégorie de produits et de services liés à des questions financières », aurait une incidence sur l’appréciation de la marque demandée effectuée dans la décision attaquée. En effet, il ressort de tout ce qui précède que la chambre de recours a exposé des motifs différents sur le fond s’agissant de chaque groupe de produits et services identifiés dans la décision attaquée et ne les a pas traités en tant que groupe unique.

111    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la chambre de recours n’a pas commis de violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et de rejeter, ainsi, le quatrième moyen présenté par la requérante.

112    Partant, dans la mesure où la décision attaquée est à bon droit fondée sur l’existence du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, il y a lieu de rejeter le présent recours sans qu’il soit besoin d’examiner le cinquième moyen présenté par la requérante et portant sur le motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous i), dudit règlement.

 Sur les dépens

113    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Cinkciarz.pl sp. z o.o. est condamnée aux dépens.

Costeira

Gratsias

Berke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.