Language of document : ECLI:EU:T:2021:4

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

13 janvier 2021 (*)

« Fonction publique – Recrutement – Avis de concours – Concours général EUIPO/AD/01/17 – Décision de ne pas inscrire le nom du requérant sur la liste de réserve du concours – Composition du jury – Stabilité – Responsabilité »

Dans l’affaire T‑548/18,

Lars Helbert, demeurant à Alicante (Espagne), représenté par Me H. Tettenborn, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Lukošiūtė et M. K. Tóth, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation, premièrement, de la décision du jury du concours EUIPO/AD/01/17 – Administrateurs (AD 6) dans le domaine de la propriété intellectuelle du 1er décembre 2017 de ne pas inscrire le nom du requérant sur la liste de réserve constituée en vue du recrutement d’administrateurs par l’EUIPO et, deuxièmement, de la décision de ce même jury du 7 mars 2018 rejetant la demande de réexamen du requérant, dans sa forme finale, à la suite de la décision de l’EUIPO du 8 juin 2018 rejetant sa réclamation et, d’autre part, à obtenir réparation du préjudice que le requérant aurait prétendument subi de ce fait,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, P. Nihoul (rapporteur) et J. Martín y Pérez de Nanclares, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 2 juillet 2020,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 12 janvier 2017, l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) a publié au Journal officiel de l’Union européenne l’avis de concours général EUIPO/AD/01/17 – Administrateurs (AD 6) dans le domaine de la propriété intellectuelle (JO 2017, C 9 A, p. 1, ci-après l’« avis de concours »). Ce concours, organisé par l’EPSO, visait à la constitution d’une liste de réserve en vue du recrutement d’administrateurs par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO). Cet avis a fait l’objet d’un rectificatif publié au Journal officiel C 315A du 22 septembre 2017.

2        L’avis de concours indiquait, sous le titre « Comment serai-je sélectionné ? », que les candidats remplissant les conditions d’admission et ayant obtenu une des meilleures notes lors de la présélection sur titres seraient invités au « centre d’évaluation de l’EPSO » où ils seraient évalués, par le biais d’une série de tests de type « questions à choix multiples », sur leurs aptitudes en matière de raisonnement verbal, numérique et abstrait puis, par le biais d’un entretien, d’un exercice de bac à courrier, d’un exercice de groupe et d’un test écrit, sur huit compétences générales et enfin, par le biais d’un entretien, sur leurs compétences spécifiques dans le domaine du concours.

3        L’avis de concours précisait que les compétences générales étaient évaluées sur 80 points, la note minimale requise pour ces compétences générales étant de 40 points, et que les compétences spécifiques étaient évaluées sur 100 points, la note minimale requise pour ces compétences spécifiques étant de 50 points.

4        L’annexe III de l’avis de concours relative aux « dispositions générales applicables aux concours généraux » indiquait, à son point 6.4, que les candidats pouvaient demander le réexamen de toute décision prise par le jury et, à son point 6.5, qu’ils avaient le droit d’introduire une réclamation administrative auprès de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), à savoir le directeur exécutif de l’EUIPO.

5        Le requérant, M. Lars Helbert, s’est porté candidat au concours en cause. Il a été informé par l’EPSO, le 12 juillet 2017, qu’il était invité au centre d’évaluation, où il a passé les épreuves les 11 et 12 octobre 2017.

6        Par courrier du 1er décembre 2017, l’EPSO a informé le requérant que le jury avait décidé de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve des lauréats du concours (ci-après la « décision initiale du jury »). La raison en était que, ayant obtenu 99,5 points pour les épreuves passées au centre d’évaluation, le requérant ne faisait pas partie des candidats ayant obtenu les meilleures notes. La note globale obtenue par le dernier candidat inscrit sur la liste de réserve, à l’issue desdites épreuves, s’élevait à 102 points sur 180.

7        Au courrier de l’EPSO du 1er décembre 2017, était joint un document intitulé « passeport de compétences ». De ce document, il ressortait que le requérant avait obtenu un total de 44,5 points sur 80 à l’issue des épreuves visant à évaluer ses compétences générales et 55 points sur 100 à l’entretien sur les compétences spécifiques, soit une note globale de 99,5 points sur 180 pour l’ensemble desdites épreuves.

8        Le 10 décembre 2017, le requérant a formé une demande de réexamen auprès du jury.

9        La liste de réserve a été publiée au Journal officiel  C 14 A du 16 janvier 2018.

10      Le 26 février 2018, le requérant a introduit une réclamation auprès de l’EUIPO au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») contre la décision initiale du jury.

11      Par courrier du 7 mars 2018, le président du jury a informé le requérant que le jury avait réexaminé son dossier à la suite de la demande de réexamen et confirmait sa décision initiale (ci-après la « décision prise après réexamen »).

12      Le 29 avril 2018, le requérant a, sur la suggestion de l’EUIPO, déposé un complément à sa réclamation auprès de ce dernier contre la décision initiale du jury, confirmée par la décision prise après réexamen.

13      Par décision du 8 juin 2018, notifiée au requérant à cette même date, l’EUIPO a rejeté cette réclamation (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

II.    Procédure et conclusions des parties

14      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 septembre 2018, le requérant a introduit le présent recours.

15      Par décision du président du Tribunal du 9 juillet 2019 prise en application de l’article 27, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur, siégeant dans la première chambre.

16      Par décision du Tribunal du 17 octobre 2019 prise en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, la présente affaire a été réattribuée à la quatrième chambre.

17      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, a invité les parties à déposer certains documents et leur a posé des questions écrites, en les invitant à y répondre par écrit ou à l’audience. Les parties ont répondu à ces demandes dans le délai qui leur était imparti.

18      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 2 juillet 2020.

19      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision initiale du jury et la décision prise après réexamen, dans sa forme finale, à la suite de la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner l’EUIPO à lui verser des dommages et intérêts en réparation du préjudice « moral et immatériel » subi en raison de la décision initiale du jury et de la décision prise après réexamen ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

20      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit 

A.      Sur la demande d’annulation

1.      Sur l’objet de la demande en annulation

21      Par son premier chef de conclusions, le requérant demande l’annulation de la décision initiale du jury et de la décision prise après réexamen, dans sa forme finale, à la suite de la décision de rejet de la réclamation. La requête précise que la décision initiale du jury et la décision prise après réexamen forment ensemble la « décision attaquée ».

22      À cet égard, il y a lieu d’observer que, le 10 décembre 2017, le requérant a introduit une demande de réexamen de la décision initiale du jury, conformément au point 6.4 de l’annexe III de l’avis de concours. Par la décision prise après réexamen, le jury a confirmé sa décision initiale.

23      Or, selon une jurisprudence constante, lorsqu’une personne dont la demande d’admission à un concours a été rejetée sollicite le réexamen de cette décision sur la base d’une disposition précise liant l’administration, c’est la décision prise par le jury, après réexamen, qui constitue l’acte faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut ou, le cas échéant, de l’article 91, paragraphe 1, dudit statut (arrêt du 16 mai 2019, Nerantzaki/Commission, T‑813/17, non publié, EU:T:2019:335, point 25 ; voir également, en ce sens, ordonnance du 3 mars 2017, GX/Commission, T‑556/16, non publiée, EU:T:2017:139, point 21, et arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 29).

24      Ce faisant, la décision prise après réexamen se substitue à la décision initiale du jury (arrêt du 16 mai 2019, Nerantzaki/Commission, T‑813/17, non publié, EU:T:2019:335, point 25 ; voir également, en ce sens, ordonnance du 3 mars 2017, GX/Commission, T‑556/16, non publiée, EU:T:2017:139, point 22, et arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 29).

25      Il résulte de ce qui précède que la demande d’annulation doit être interprétée comme portant sur la décision prise après réexamen (ci-après la « décision attaquée »).

2.      Sur le fond

26      Au soutien de ses conclusions en annulation, le requérant soulève, en substance, quatre moyens tirés, respectivement :

–        de l’absence de stabilité dans la composition du jury durant les épreuves orales du concours et de l’insuffisance des mesures de coordination mises en œuvre pour assurer une évaluation cohérente et objective, l’égalité des chances et l’égalité de traitement des candidats ;

–        d’une violation de l’obligation de procéder à une évaluation comparative et objective des candidats, des principes d’égalité de traitement et d’égalité des chances ;

–        d’erreurs manifestes d’appréciation dans l’évaluation du requérant ;

–        d’une violation, notamment, de l’avis de concours.

27      Dans le cadre du premier moyen, le requérant reproche notamment l’absence de stabilité dans la composition du jury durant les épreuves orales, dans la mesure où tous les membres du jury n’étaient pas présents à l’ensemble de ces épreuves et que, à la place, ce sont des « comités d’évaluation » composés de quelques membres seulement qui ont examiné, chacun, un nombre limité de candidats. Il estime ainsi avoir été interrogé, lors de son entretien sur les compétences spécifiques, par un comité d’évaluation qui n’aurait examiné que 20 % des candidats. Selon lui, une évaluation objective et uniforme des candidats exigeait, à tout le moins, la présence continue d’un noyau d’examinateurs tout au long des épreuves. Il invoque également l’insuffisance des mesures de coordination mises en œuvre pour assurer une évaluation cohérente et objective, l’égalité des chances et l’égalité de traitement des candidats.

28      Dans ces conditions, les principes de cohérence du jury, d’égalité des chances et d’égalité de traitement des candidats, d’objectivité des évaluations, ainsi que les points 2.4 et 3.1 de l’annexe III de l’avis de concours auraient été méconnus.

29      Cette argumentation est contestée par l’EUIPO.

30      À cet égard, il y a lieu de rappeler que les agences et les institutions de l’Union européenne disposent d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer les modalités d’organisation d’un concours et que, dans ce contexte, le contrôle exercé par le juge de l’Union doit être limité à la mesure nécessaire pour assurer le traitement égal des candidats et l’objectivité du choix opéré entre ceux-ci (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 63).

31      Par ailleurs, l’obligation de recruter des fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, implique de la part de l’AIPN et des jurys de concours qu’ils veillent, chacun dans l’exercice de leurs compétences, à ce que les concours se déroulent dans le respect des principes d’égalité de traitement entre les candidats, de cohérence de la notation et d’objectivité de l’évaluation (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 64).

32      Pour assurer l’égalité entre les candidats, la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation, le jury est tenu de garantir l’application cohérente des critères d’évaluation à tous les candidats en assurant notamment la stabilité dans sa composition (voir, en ce sens, arrêts du 24 septembre 2002, Girardot/Commission, T‑92/01, EU:T:2002:220, points 24 à 26, et du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 65).

33      Selon la jurisprudence, cette exigence s’impose de manière particulière dans les épreuves orales, telles que celles qui sont en cause dans le présent litige, dès lors que ces épreuves sont par nature moins uniformisées que les épreuves écrites (voir, en ce sens, arrêts du 10 novembre 2004, Vonier/Commission, T‑165/03, EU:T:2004:331, point 39 ; du 29 septembre 2010, Brune/Commission, F‑5/08, EU:F:2010:111, points 38 à 41 ; et du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 66).

a)      Sur les modalités du concours

34      En l’espèce, il résulte du point 2.4 de l’annexe III de l’avis de concours que l’organe chargé d’organiser le concours « applique scrupuleusement une politique d’égalité des chances dans ses procédures de sélection afin de garantir l’égalité de traitement de tous les candidats ».

35      Selon le point 3.1 de l’annexe III de l’avis de concours, « [u]n jury est nommé pour comparer les candidats et sélectionner les meilleurs d’entre eux sur la base de leurs compétences, aptitudes et qualifications au regard des exigences définies dans l’avis de concours », « [l]es jurys sont composés de fonctionnaires, dont la moitié est désignée par l’administration (services RH) et l’autre moitié par les comités du personnel » et « [l]es noms des membres de jury sont publiés sur le site internet de l’EPSO (www.eu-careers.eu) ».

36      Aux termes de la décision ADM-16-60, du 23 novembre 2016, relative à la désignation des membres du jury pour le concours, telle qu’amendée en dernier lieu par la décision ADM-16-60-Rev4, du 19 septembre 2017, relative à la désignation des membres du jury pour le concours, l’EUIPO a constitué un jury comprenant un président, une vice-présidente, huit membres titulaires et trois membres suppléants. Le président, la vice-présidente, les huit membres titulaires et deux des trois membres suppléants étaient des agents de l’EUIPO, le troisième membre suppléant étant un agent de la Commission européenne.

37      Les épreuves du centre d’évaluation comprenaient notamment deux entretiens, celui sur les compétences spécifiques ainsi que celui visant à évaluer les compétences générales des candidats (ci-après l’« entretien sur les compétences générales »).

38      Entre les parties, il est constant que les membres du jury n’étaient pas tous présents à chaque entretien. Des informations fournies par l’EUIPO dans ses réponses des 28 février et 9 avril 2020 aux mesures d’organisation de la procédure du Tribunal (ci-après respectivement la « réponse de l’EUIPO du 28 février 2020 » et la « réponse de l’EUIPO du 9 avril 2020 »), il ressort que des comités d’évaluation composés de deux membres du jury ont évalué les compétences de chacun des candidats lors desdits entretiens. Tel a été le cas, notamment, pour le requérant, lors de l’entretien sur les compétences spécifiques.

39      Au total, 196 candidats ont passé les épreuves orales du centre d’évaluation comprenant, pour chacun des candidats, d’une part, l’entretien sur les compétences spécifiques et, d’autre part, l’entretien sur les compétences générales, soit en tout 392 entretiens. Ces épreuves se sont déroulées sur une période de 20 jours étalés sur sept semaines. Elles ont été réparties à égalité entre deux centres d’évaluation.

40      Lors des 20 jours consacrés aux épreuves orales, quatre comités d’évaluation, soit deux dans chaque centre d’évaluation, se sont partagé chaque jour les entretiens. En tout, 80 comités d’évaluation ont ainsi évalué les candidats durant les 20 jours d’épreuves. Si une partie de ces comités ont siégé à plusieurs reprises durant cette période dans une composition identique, il ressort des réponses de l’EUIPO des 28 février et 9 avril 2020 que, pendant ladite période, pas moins de 26 comités d’évaluation différents ont évalué les compétences des 196 candidats conviés auxdites épreuves.

41      Il résulte également des réponses de l’EUIPO des 28 février et 9 avril 2020 qu’aucun membre titulaire ou suppléant n’a participé à la totalité des entretiens, le taux de présence le plus élevé étant de 22 % et le plus bas de 17 %. En outre, aucun comité d’évaluation n’a évalué les compétences de plus de 33 candidats lors de l’ensemble des épreuves orales (soit en tout 392 entretiens), ce qui représente moins d’un dixième des candidats. Aucun comité d’évaluation n’a ainsi assisté à plus de 7 jours d’épreuves orales ni à plus de trois journées d’épreuves consécutives. Parmi les trois membres ayant participé au plus grand nombre d’entretiens, avec un taux de présence de 22 % pour le premier et de 21,6 % pour les deux autres, deux d’entre eux seulement ont interrogé ensemble des candidats, sachant qu’ils ne l’ont fait que lors de huit entretiens, ce qui ne représente que 2 % des épreuves orales. À titre d’exemple, le comité d’évaluation ayant évalué le requérant lors de son entretien sur les compétences spécifiques ne s’est réuni que ce jour-là et n’a, en tout, évalué que six candidats, lors de six entretiens, ce qui ne représente que 1,5 % des épreuves orales.

42      Ainsi, il y a lieu de constater que, comme l’a souligné le requérant et comme l’a reconnu l’EUIPO, la composition du jury a connu une fluctuation très importante au cours des épreuves orales.

b)      Sur l’impossibilité d’assurer la présence de tous les membres du jury à l’ensemble des épreuves 

43      L’EUIPO soutient que, en l’espèce, la fluctuation dans la composition du jury était rendue nécessaire par l’impossibilité d’assurer la présence de tous les membres du jury à chaque épreuve.

44      À cet égard, il convient de relever que, selon la jurisprudence, la stabilité dans la composition du jury doit être assurée « dans toute la mesure du possible » (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 66).

45      De manière exceptionnelle, des problèmes logistiques, par exemple, peuvent justifier le fait que chaque membre du jury ne soit pas présent à chaque épreuve (voir, en ce sens, arrêts du 29 septembre 2010, Brune/Commission, F‑5/08, EU:F:2010:111, point 41, et du 29 septembre 2010, Honnefelder/Commission, F‑41/08, EU:F:2010:112, point 36).

46      Il en est ainsi, notamment, lorsque, dans un concours impliquant de nombreux candidats, l’organisation d’épreuves orales suscite d’importantes difficultés liées, d’une part, à l’organisation d’épreuves multiples pour des candidats appartenant à des groupes linguistiques différents et, d’autre part, à la nécessité, pour les membres du jury ou, en tout cas, certains d’entre eux, de respecter leurs exigences de service, lorsque les concours se déroulent sur une période relativement longue (voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, point 196).

47      Dans de telles circonstances, la nécessité d’assurer la continuité du service public peut justifier un assouplissement de la rigueur de la règle de la stabilité dans la composition du jury (voir, en ce sens, arrêt du 13 février 1979, Martin/Commission, 24/78, EU:C:1979:37, point 10).

48      En l’espèce, l’EUIPO invoque trois raisons pour justifier que les caractéristiques particulières du recrutement organisé et les contraintes rencontrées dans l’organisation du concours aient requis un assouplissement dans l’application de la règle de la stabilité dans la composition du jury.

49      En premier lieu, l’EUIPO avance que des comités d’évaluation différents auraient dû être mis en place pour tenir compte, d’une part, des langues dans lesquelles les entretiens devaient avoir lieu et, d’autre part, de l’organisation d’entretiens en parallèle dans deux centres d’évaluation pour éviter que le concours ne s’étende sur une période trop longue.

50      À cet égard, il ressort des informations fournies par l’EUIPO que, sur les 392 entretiens en cause, 342, soit près de neuf entretiens sur dix, ont été conduits en anglais. Seuls 50 entretiens, soit à peine plus d’un sur dix, ont été effectués dans une autre langue, à savoir 20 en espagnol, 18 en allemand, huit en français et quatre en italien.

51      Au total, lors des 20 jours consacrés aux épreuves orales, les comités d’évaluation ont évalué les candidats plus de huit fois sur dix en anglais, et moins de deux fois sur dix dans une des quatre autres langues. Ainsi, pour ces dernières, les entretiens ont pu être limités à trois jours dans le premier centre d’évaluation (les 5, 12 et 19 octobre 2017) et à quatre jours dans le second (les 5, 12, 19 et 24 octobre 2017), alors que les entretiens en anglais se sont étendus dans le premier centre sur 17 jours et dans le second sur 16 jours.

52      Il ressort également du tableau communiqué à l’audience par l’EUIPO que les dix membres du jury, titulaires et suppléants compris, étaient capables de conduire les entretiens en anglais. Leurs capacités linguistiques étaient en outre suffisamment étendues pour leur permettre d’assister aux entretiens dans la plupart des quatre autres langues. En effet, selon ce tableau, ces dix membres du jury pouvaient également assister aux entretiens en espagnol, sept d’entre eux aux entretiens en français, six aux entretiens en allemand et quatre aux entretiens en italien.

53      De ce qui précède, il résulte que la diversité linguistique ne permet pas, à elle seule, de justifier la fluctuation constatée, dans la composition du jury, aux points 40 et 41 ci-dessus. En particulier, les vastes capacités linguistiques dont disposaient les membres du jury et la très forte proportion d’entretiens en anglais ne justifiaient pas que deux membres du jury seulement évaluent chaque candidat lors des entretiens ni que chaque membre du jury interroge un nombre aussi peu élevé de candidats.

54      Quant à la circonstance que les épreuves auraient été réparties entre deux centres d’évaluation pour raccourcir la durée du concours, elle ne permet pas non plus de justifier, en soi, la constitution d’un si grand nombre de comités d’évaluation différents, en l’occurrence 26.

55      En deuxième lieu, l’EUIPO soutient que des comités d’évaluation différents ont dû être mis en place pour éviter la survenance de nombreux conflits d’intérêts.

56      Invité à expliquer cet argument, l’EUIPO a indiqué, à l’audience, sans pouvoir fournir d’autre élément, que, en l’espèce, les conflits d’intérêts qui avaient été rencontrés étaient susceptibles de relever de deux catégories, à savoir, d’une part, l’existence de relations d’amitié et, d’autre part, celle d’un lien hiérarchique, entre certains candidats et des membres du jury.

57      Invité une nouvelle fois à expliciter cet argument, l’EUIPO a reconnu, à l’audience, ne pas pouvoir préciser les conflits d’intérêts s’étant effectivement présentés ni fournir des exemples déterminés de tels conflits.

58      Dans ces conditions, il n’est pas possible de déterminer dans quelle mesure le risque de conflits d’intérêts était susceptible de requérir un fonctionnement du jury tel que celui décrit aux points 40 et 41 ci-dessus.

59      En troisième lieu, l’EUIPO évoque l’impossibilité, pour certains membres du jury, d’être suffisamment disponibles pour tenir un entretien avec chaque candidat ou, en tout cas, un grand nombre d’entre eux.

60      À cet égard, il convient de relever que l’organisation d’un concours fait partie des mesures à mettre en œuvre par les agences et les institutions de l’Union pour gérer les ressources humaines mises à leur disposition.

61      Dans ce contexte, les agences et les institutions de l’Union doivent pouvoir libérer le personnel affecté au recrutement durant une période suffisante pour lui permettre d’assurer sa mission, au risque de ne pouvoir recruter, comme cela est pourtant requis, les fonctionnaires ou les agents présentant les plus hautes qualités de compétences, de rendement et d’intégrité (voir point 31 ci-dessus).

62      En outre, en cas d’empêchements, les membres titulaires d’un jury de concours peuvent être remplacés, pour les épreuves soutenues par certains candidats, par des membres suppléants afin de permettre au jury d’accomplir ses travaux dans un délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêts du 13 septembre 2005, Pantoulis/Commission, T‑290/03, EU:T:2005:316, point 78, et du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 67 et jurisprudence citée).

63      De ce qui précède, il résulte que les circonstances rapportées par l’EUIPO ne justifient pas un éclatement du jury en 26 comités d’évaluation différents pour interroger les 196 candidats aux épreuves orales.

c)      Sur la coordination mise en place pour assurer l’égalité entre les candidats, la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation

64      Critiqué en cela par le requérant, l’EUIPO soutient que la fluctuation dans la composition du jury était acceptable au regard des mesures prises pour assurer l’égalité de traitement entre les candidats, la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation.

65      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la stabilité dans la composition du jury n’est pas un impératif en soi, mais un moyen pour garantir l’égalité de traitement entre les candidats, la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 70).

66      Il ne peut être exclu que l’égalité de traitement entre les candidats, la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation puissent être obtenues par des moyens tels que la mise en place de la coordination nécessaire pour assurer le respect de ces trois principes (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission, F‑127/11, EU:F:2014:14, point 67).

67      Le requérant considère que tel n’a pas été le cas en l’espèce, au contraire de l’EUIPO se fondant sur l’arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission (F‑127/11, EU:F:2014:14).

68      Il convient de rappeler que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission (F‑127/11, EU:F:2014:14), plusieurs mesures ont été envisagées afin de remédier, pour les épreuves orales se déroulant au centre d’évaluation, à différents biais cognitifs généralement constatés chez les évaluateurs, et d’assurer ainsi l’égalité de traitement, la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation (point 25 dudit arrêt).

69      En premier lieu, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission (F‑127/11, EU:F:2014:14), il était prévu que le jury devait se réunir :

–        pour décider de la manière dont les épreuves allaient se dérouler ;

–        tous les deux ou trois jours, à chaque fois que les notes attribuées aux candidats étaient mises en commun afin de porter une appréciation sur les compétences des candidats ayant été interrogés durant ce laps de temps ;

–        pour vérifier la cohérence des appréciations ayant été portées sur les candidats à l’issue de l’ensemble des épreuves, les décisions finales devant être prises collectivement par l’ensemble du jury sur la base des résultats dans toutes les épreuves (points 26 et 71 dudit arrêt).

70      En second lieu, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission (F‑127/11, EU:F:2014:14), il était prévu qu’il devait être tenu compte des mesures mises en œuvre visant à remédier à différents biais cognitifs généralement constatés chez les évaluateurs et à assurer ainsi l’égalité entre les candidats, la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation, parmi lesquelles :

–        l’utilisation de tests préstructurés qui suivent une méthodologie préétablie utilisant des indicateurs de comportements prédéfinis ;

–        la participation du président du jury aux premières minutes de toutes les épreuves afin de veiller à la bonne application de la méthodologie ;

–        la réalisation d’études et d’analyses afin de vérifier la cohérence des notations (points 26 et 72 dudit arrêt).

71      Il convient de déterminer si, comme le soutient l’EUIPO, de telles mesures de coordination ont été mises en œuvre dans la présente affaire.

1)      Les échanges au sein du jury

72      L’EUIPO soutient que, d’une part, des échanges de vues réguliers entre les membres du jury et, d’autre part, des réunions hebdomadaires de l’ensemble du jury ont permis à ce dernier de discuter des performances de tous les candidats dont les compétences ont déjà été évaluées et de procéder à un examen comparatif desdits candidats.

73      Le requérant estime toutefois que les échanges et les réunions en cause n’ont pas pu permettre un échange d’opinions portant sur les mérites relatifs des candidats, faute d’un noyau commun d’examinateurs ayant évalué une proportion suffisamment importante de candidats.

74      À cet égard, il résulte de l’arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission (F‑127/11, EU:F:2014:14, points 26 et 71), que les échanges entre les membres du jury qui ont lieu avant, pendant et après les épreuves présentent une importance particulière pour garantir l’égalité de traitement entre les candidats, la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation.

75      En premier lieu, l’EUIPO a fourni les feuilles de présence de 19 réunions qui se sont déroulées avant les épreuves du centre d’évaluation, entre le 9 décembre 2016 et le 21 juin 2017.

76      Il convient de constater que l’ensemble des membres du jury n’étaient pas présents à chacune des 19 réunions en cause. Par ailleurs, aucun compte rendu desdites réunions n’a été produit, de sorte qu’il est impossible de savoir ce qu’il y a été discuté. En particulier, le Tribunal est dans l’incapacité de vérifier si c’est lors de ces réunions qu’il a été décidé de la manière dont les épreuves allaient se dérouler, comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission (F‑127/11, EU:F:2014:14) (voir point 69 ci-dessus). Il peut être relevé en outre que, les mêmes réunions s’étant déroulées avant le début des épreuves du centre d’évaluation, elles n’ont pas pu permettre au jury d’examiner les prestations et les mérites des candidats ni de procéder à une évaluation comparative de ces derniers.

77      En deuxième lieu, l’EUIPO invoque l’existence de sept réunions hebdomadaires durant la phase du concours organisée au centre d’évaluation. Le jury se serait réuni à la fin de chacune des sept semaines d’épreuves orales, soient les 15, 22 et 29 septembre 2017 puis les 6, 13, 20 et 26 octobre 2017.

78      Toutefois, les éléments apportés par l’EUIPO ne permettent pas de vérifier, notamment, quels étaient les membres du jury présents lors des sept réunions hebdomadaires en cause et quel était l’objet précis de ces réunions, en particulier dans quelle mesure ces réunions auraient donné lieu à des échanges portant sur la performance des candidats et l’évaluation comparative de ces derniers.

79      Tout d’abord, alors que, dans sa réponse du 28 février 2020, l’EUIPO affirme que, au cours des sept réunions hebdomadaires en cause, le jury se réunissait « généralement au complet, président et vice-président inclus », et que « ce n’[était] qu’occasionnellement, lorsqu’un membre de plein droit n’était pas disponible, qu’il était remplacé par son suppléant, qui siégeait dans les jurys de la semaine concernée », dans sa réponse du 9 avril 2020, il indique que participaient aux réunions hebdomadaires uniquement les membres du jury qui avaient effectué les entretiens durant la semaine concernée, y compris le président et la vice-présidente du jury.

80      Ensuite, contrairement à ce que l’EUIPO avait fait pour les réunions du jury tenues avant et après les épreuves orales, il n’a communiqué aucune liste de présence relative aux sept réunions hebdomadaires en cause ni aucun autre document permettant de vérifier ses dires. Spécifiquement interrogé à ce sujet à deux reprises dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, il a répondu que de telles listes de présence n’avaient pas été établies concernant ces dernières réunions. Pourtant, le compte rendu de la réunion du jury du 9 novembre 2017 communiqué par l’EUIPO fait référence à un compte rendu de la réunion du jury du 20 octobre 2017, soit la réunion qui se serait tenue à l’issue de la sixième semaine desdites épreuves du centre d’évaluation. Lors de l’audience, l’EUIPO a reconnu, sur ce point, l’existence d’une contradiction, sans pouvoir toutefois confirmer l’existence ou l’absence du compte rendu apparemment établi à l’issue de cette dernière réunion.

81      En troisième lieu, l’EUIPO a communiqué le compte rendu de sept réunions qui se sont déroulées après les épreuves du centre d’évaluation, les 7, 8, 9, 17, 21 et 22 novembre 2017 ainsi que le 1er février 2018 :

–        au cours de la réunion du 7 novembre 2017, l’EPSO a présenté les statistiques sur l’évaluation des épreuves écrites, puis, sur sa proposition, le jury a procédé à la normalisation des notes en éliminant les écarts entre les notations données par différents membres du jury ;

–        au cours de la réunion du 8 novembre 2017, le jury a examiné les plaintes qui lui avaient été adressées et demandé une clarification sur les notes particulièrement basses, en écoutant une explication sur les contrôles de qualité conduits par l’EPSO ;

–        lors de la réunion du 9 novembre 2017, le jury a réexaminé les notes de certains candidats, arrêté un projet de liste de réserve et vérifié les documents fournis par les candidats retenus, pour justifier de leur expérience en propriété intellectuelle;

–        au cours des réunions des 17 et 21 novembre 2017, les membres du jury ont examiné les documents communiqués par les candidats établissant leur expérience dans le domaine de la propriété intellectuelle ;

–        au cours de la réunion du 22 novembre 2017, le jury a poursuivi cet examen et organisé la suite du processus en autorisant la préparation du rapport motivé du jury, la préparation d’une note destinée au directeur de l’EPSO et la communication de ces documents au directeur exécutif de l’EUIPO ;

–        lors de la réunion du 1er février 2018, le jury a examiné les 35 demandes de réexamen qui lui avaient été adressées en décidant de confirmer, dans tous ces cas, ses décisions initiales.

82      De ce qui précède, il résulte que l’examen comparatif auquel a procédé le jury n’a pas porté sur les notes de tous les candidats, mais a concerné les écarts entre les notes, les notes qui étaient à l’origine d’une plainte et celles qui, selon les fiches présentées aux membres du jury, présentaient un caractère anormalement bas.

83      Un tel examen assure sans doute, sous l’angle numérique, un rapprochement entre les notations attribuées par les examinateurs, mais ne permet pas d’établir que, comme cela est requis par l’arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission (F‑127/11, EU:F:2014:14, point 71), sur lequel s’est appuyé l’EUIPO, les membres ont comparé, de manière effective, les candidats de manière à garantir l’égalité entre eux, la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation.

84      De plus, l’EUIPO n’a pas apporté la preuve que le jury se serait réuni dans son entière composition pour adopter les décisions finales sur la base des résultats dans toutes les épreuves comme dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission (F‑127/11, EU:F:2014:14, point 26).

85      En effet, il ressort des informations fournies par l’EUIPO qu’un certain nombre des décisions auraient été finalisées, d’une part, lors de la réunion du 9 novembre 2017, lorsque les résultats de certains candidats aux épreuves du centre d’évaluation ont été revus et, d’autre part, lors de la dernière réunion du jury, le 1er février 2018, lorsque les demandes de réexamen concernant les décisions initiales du jury de 35 candidats ont été examinées et que le jury a décidé de les rejeter. Si l’ensemble des membres, titulaires et suppléants, du jury étaient présents à ces deux réunions, il y a lieu d’observer que la vice-présidente n’a pas assisté à la dernière.

86      En conséquence, il convient de constater que l’EUIPO n’a pas apporté d’éléments suffisants permettant d’établir que des échanges réguliers entre les membres du jury auraient permis d’assurer la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation des candidats et, partant, l’égalité de traitement entre ces derniers.

2)      La méthodologie et les critères d’évaluation

87      L’EUIPO soutient s’être fondé sur une méthodologie et des critères d’évaluation définis de manière préalable.

88      Interrogé sur ce point par le Tribunal, l’EUIPO a fourni, dans l’annexe F.8 de sa réponse du 28 février 2020, un document sans titre de 13 pages, sans pouvoir expliquer à l’audience en quoi ce document contenait les critères d’évaluation requis.

89      La première page du document en cause, composée de deux tableaux et de cinq encadrés rédigés chacun dans l’une des cinq langues du concours, contient :

–        la liste des compétences évaluées lors de l’entretien sur les compétences spécifiques, figurant notamment dans les annexes I et II de l’avis de concours relatives respectivement à la nature des fonctions d’administrateur et aux critères de sélection, et dans le passeport de compétences du requérant ;

–        le barème de notation de ces compétences et la pondération de chacune d’entre elles dans la note globale des candidats à l’entretien sur les compétences spécifiques ;

–        l’échelle des appréciations de la performance des candidats lors de cet entretien (« insuffisant(e) », « satisfaisant(e) », « bien », « compétent(e) », « très compétent(e) », « excellent(e) » et « remarquable ») établie à partir de ce barème.

90      Les deuxième à treizième pages du document en cause sont des tableaux semblables à l’un des deux tableaux de la première page dudit document. Lesdits tableaux semblent avoir été utilisés pour évaluer des candidats lors de leur entretien sur les compétences spécifiques. L’EUIPO n’a pas indiqué sur quelle base la sélection de ces tableaux avait été effectuée et notamment s’ils concernaient des candidats inscrits sur la liste de réserve. Aucun des tableaux en question ne semble concerner le requérant, car aucune des notes globales y figurant ne correspond à celle qui lui a été attribuée lors de son entretien sur les compétences spécifiques.

91      Il résulte de ce qui précède que les informations figurant dans l’annexe F.8 de la réponse de l’EUIPO du 28 février 2020 ne sauraient être tenues pour suffisantes pour constituer les critères d’évaluation prédéfinis requis par l’arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission (F‑127/11, EU:F:2014:14, points 26 et 73). En effet, dans ladite affaire, outre les compétences à évaluer, le barème de points et l’échelle des appréciations à partir de ce barème, le jury était également tenu de définir avant les épreuves les critères objectifs, de nature qualitative, permettant d’appliquer ledit barème. Ces critères devaient notamment comprendre les éléments attendus de la part des candidats lors de leur prestation, que les membres du jury devaient prendre en compte pour noter les candidats, cette notation devant ensuite être affinée par une évaluation comparative, prenant en compte la prestation des autres candidats. Or, dans la présente affaire, rien dans ladite annexe ni dans aucune autre partie du dossier ne permet d’identifier de tels critères ni a fortiori de vérifier que ces derniers auraient été fixés avant le début des épreuves.

3)      La présidence du jury

92      L’EUIPO souligne qu’un rôle important a été joué, dans la coordination, par le président et la vice-présidente du jury.

93      En premier lieu, cette coordination aurait été assurée grâce, d’une part, à la présence du président ou de la vice-présidente du jury pendant quelques minutes au début de chaque épreuve et, d’autre part, aux échanges de vues quotidiens tout au long des épreuves entre elle et lui.

94      Le requérant estime toutefois que la présence du président du jury ou de sa vice-présidente lors des épreuves n’a pas été suffisante pour assurer le rôle de coordination qui leur incombait. Le président n’aurait pu évaluer qu’indirectement les mérites des candidats, sans pouvoir assurer la cohérence de l’évaluation et de la comparaison des candidats, dès lors qu’il aurait été entièrement dépendant de l’avis de tiers et que sa présence lors de l’entretien sur les compétences spécifiques du requérant aurait été trop brève, de cinq à sept minutes seulement. En outre, le président du jury et la vice-présidente n’auraient pas évalué les compétences des candidats, mais seulement écouté les membres du jury qui les interrogeaient. De surcroît, ils n’auraient pas assisté simultanément aux entretiens, mais alternativement, de sorte qu’il serait impossible de s’assurer qu’ils aient appliqué les mêmes critères lors de l’évaluation de la pratique des membres du jury.

95      À cet égard, il convient de rappeler que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission (F‑127/11, EU:F:2014:14), invoqué par l’EUIPO, le président du jury assistait aux premières minutes de chaque épreuve afin de veiller à la bonne application de la méthodologie (points 26 et 72 dudit arrêt).

96      En l’espèce, l’EUIPO a indiqué que le président et la vice-présidente du jury avaient assisté en moyenne aux dix ou quinze premières minutes de chaque entretien. Il a par ailleurs expliqué que les épreuves ayant été réparties entre deux centres d’évaluation, ces deux personnes s’étaient partagé les entretiens entre chacun desdits centres.

97      De ces éléments, il résulte que le président et la vice-présidente du jury n’ont jamais assisté, ensemble, aux premières minutes d’un même entretien. Sur ce point, l’organisation mise en place dans le concours s’écarte de la méthode examinée dans l’arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission (F‑127/11, EU:F:2014:14), où une continuité dans les entretiens avait été assurée par la présence d’une même personne, en l’occurrence le président du jury, aux premières minutes de chaque entretien.

98      Selon l’EUIPO, la continuité dans les entretiens a pu être assurée par des échanges de vues quotidiens, tout au long des épreuves, entre le président et la vice-présidente du jury, ces échanges leur permettant d’harmoniser les approches entre les différents comités d’évaluation.

99      Pour établir la réalité de ces échanges, l’EUIPO s’est référé, à l’audience, à la seconde page de l’annexe F.9 de sa réponse du 28 février 2020. Ce document, intitulé « IP COMP AD/01/2017 MARKING ANALYSIS FOR DATE » avec la date manuscrite « 26/9/17 », constitue une feuille d’évaluation de la performance de cinq candidats concernant quatre épreuves, soit trois épreuves évaluant les compétences générales et l’entretien sur les compétences spécifiques. Sur cette feuille, un certain nombre de chiffres constituant, semble-t-il, les notes attribuées à ces candidats lors de ces épreuves ont été reportés à la main. En outre, les mentions manuscrites « checked » et « ok » figurent au milieu de la page. Un certain nombre de ces chiffres sont également surlignés en jaune. Enfin, pour trois des cinq candidats concernés, la deuxième colonne du tableau, intitulée « Comments », contient la lettre « F » écrite à la main à l’aide d’un surligneur jaune.

100    Toutefois, la seconde page de l’annexe F.9 de la réponse de l’EUIPO du 28 février 2020 concerne l’évaluation des compétences des candidats, ainsi que cela a été reconnu par l’EUIPO à l’audience, et non celle des membres du jury. Ce document ne permet donc pas d’établir l’existence d’échanges de vues entre le président et la vice-présidente du jury au sujet de la coordination des méthodes de travail des membres du jury, et encore moins le caractère prétendument quotidien de ces échanges.

101    Par ailleurs, aucun élément ne permet d’établir l’incidence qu’ont pu avoir les échanges en cause. En particulier, l’EUIPO n’a fourni aucune explication relative à la transmission des résultats de ces échanges aux différents comités d’évaluation et à leur mise en œuvre par lesdits comités.

102    En second lieu, l’EUIPO soutient que la décision ADM-16-60, du 23 novembre 2016, désignant le jury, et les quatre décisions ultérieures qui l’ont amendée avaient spécifiquement confié à la vice-présidente du jury la mission d’assurer l’harmonisation des critères et des méthodes de travail dans le cadre du concours.

103    Toutefois, il doit être constaté que la vice-présidente du jury a été absente à plusieurs réunions qui ont précédé ou suivi les épreuves du centre d’évaluation, alors que ces réunions constituaient, selon l’EUIPO, une étape clé dans la procédure visant à assurer l’égalité entre les candidats, la cohérence de la notation et l’objectivité de l’évaluation.

104    Ainsi, selon les feuilles de présence fournies dans l’annexe F.4 à la réponse de l’EUIPO du 28 février 2020, la vice-présidente du jury n’aurait assisté qu’à 12 des 19 réunions préalables aux épreuves du centre d’évaluation et aurait donc été absente à sept d’entre elles, soit à plus d’un tiers de ces réunions. Or, bien que l’EUIPO n’ait fourni aucune indication sur l’objet de ces réunions, il est vraisemblable qu’elles aient été déterminantes pour assurer l’harmonisation des méthodes de travail au cours des épreuves qui allaient suivre et préparer les membres du jury à cet effet, ce qui relevait de la mission première de la vice-présidente.

105    Quant aux sept réunions postérieures aux épreuves du centre d’évaluation, la vice-présidente du jury aurait, selon les comptes rendus de ces réunions, assisté à cinq d’entre elles. En revanche, elle aurait été absente de la réunion du 21 novembre 2017, au cours de laquelle les documents fournis par plusieurs candidats pour établir leur expérience professionnelle en matière de propriété intellectuelle ont notamment été discutés. De plus, elle aurait manqué la dernière réunion du jury, le 1er février 2018, au cours de laquelle le jury a décidé de rejeter les 35 demandes de réexamen introduites après la publication des résultats du concours. Or, ces sujets nécessitaient une vigilance particulière pour assurer que les décisions prises par le jury résultaient de la mise en œuvre d’une méthodologie et de critères harmonisés.

106    Enfin, aucune information n’ayant été communiquée par l’EUIPO concernant les participants aux réunions hebdomadaires invoquées (voir points 78 et 80 ci-dessus), le Tribunal est dans l’incapacité de vérifier si le président ou la vice-présidente du jury ont assisté à tout ou partie de ces réunions.

4)      La réalisation d’études et d’analyses

107    Dans l’annexe F.9 de sa réponse du 28 février 2020, l’EUIPO a produit un document de deux pages relatif à des études et des analyses qui auraient été réalisées afin de vérifier la cohérence des notations.

108    L’EUIPO a expliqué à l’audience que la première page du document en cause, intitulée « Assessor check list (for JSI, CBI, OP) », contenait la liste des éléments relatifs au comportement des membres du jury siégeant lors des entretiens que le président et la vice-présidente du jury contrôlaient lors des premières minutes de leur présence durant ces entretiens, ce contrôle ayant pour objectif de limiter les biais cognitifs susvisés (voir point 68 et 70 ci-dessus).

109    Quant à la seconde page du document en cause, elle concerne l’évaluation des compétences des candidats, comme cela est indiqué au point 100 ci-dessus, et non celle des membres du jury. Elle ne peut donc être considérée comme une étude ou une analyse permettant de vérifier la cohérence de la notation entre lesdits membres.

110    Dès lors, seule la première page du document en cause est pertinente aux fins d’établir l’existence des études et des analyses conduites par le président et la vice-présidente du jury. Il s’agit toutefois d’un document vierge qui, à lui seul, ne permet de vérifier ni le nombre de ces études et de ces analyses ni si de telles études et analyses ont été menées pour chaque membre du jury à l’occasion de chaque entretien.

111    Il résulte de ce qui précède que l’EUIPO n’a pas établi l’existence, au sens de l’arrêt du 12 février 2014, De Mendoza Asensi/Commission (F‑127/11, EU:F:2014:14, points 67 et 71 à 73), de mesures suffisantes de coordination de nature à garantir que la procédure de sélection reposait sur un traitement égal et une évaluation cohérente et objective des candidats.

112    Le grief tiré, en substance, d’une violation de la règle de stabilité dans la composition du jury doit donc être accueilli.

113    À cet égard, il convient de rappeler que, étant donné l’importance des principes d’égalité de traitement entre les candidats, de la cohérence de la notation et de l’objectivité de l’évaluation, le non-respect par le jury de la stabilité de sa composition constitue une violation des formes substantielles devant entraîner l’annulation de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2004, Vonier/Commission, T‑165/03, EU:T:2004:331, point 39 et jurisprudence citée), sans qu’il soit besoin d’examiner les autres griefs avancés à l’appui du premier moyen et les autres moyens soulevés par le requérant.

B.      Sur la demande de réparation du préjudice

114    Le requérant estime avoir subi un préjudice « moral et immatériel » causé par le comportement illégal du jury et de l’EUIPO. Ce préjudice consisterait dans le fait que la décision attaquée l’aurait placé en situation de permanente insécurité depuis au moins le 1er décembre 2017, ce qui aurait été une source constante d’inquiétude depuis lors et aurait pesé sur sa future carrière au sein de l’EUIPO. Ladite décision aurait également jeté un doute sur ses aptitudes et ses compétences, irait à l’encontre de ses attentes raisonnables et aurait généré pour lui un état de tension considérable.

115    L’EUIPO conteste cette demande.

116    Selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité de l’Union suppose la réunion de trois conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, aux organes ou aux organismes, le caractère réel et certain du préjudice invoqué et l’existence d’un lien de causalité entre l’illégalité reprochée et ce préjudice (arrêts du 21 février 2008, Commission/Girardot, C‑348/06 P, EU:C:2008:107, points 52 et 54 ; du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, point 327, et du 29 novembre 2018, Di Bernardo/Commission, T‑811/16, non publié, EU:T:2018:859, point 60).

117    Ces trois conditions sont cumulatives de sorte que l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter des conclusions indemnitaires (voir, en ce sens, arrêts du 9 septembre 1999, Lucaccioni/Commission, C‑257/98 P, EU:C:1999:402, point 14 ; du 10 novembre 2004, Vonier/Commission, T‑165/03, EU:T:2004:331, point 78, et du 29 novembre 2018, Di Bernardo/Commission, T‑811/16, non publié, EU:T:2018:859, point 60).

118    En l’espèce, le requérant, satisfaisant à la première condition, a établi que la décision attaquée était entachée d’illégalité.

119    Toutefois, à supposer même que le préjudice moral et le lien de causalité puissent être considérés comme ayant été établis, le requérant n’ayant ni allégué ni a fortiori démontré avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation, il y a lieu de considérer que l’annulation de la décision attaquée entachée de cette illégalité constitue en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante du préjudice moral que cette décision peut avoir causé (voir, en ce sens, arrêt du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T‑10/02, EU:T:2006:148, point 131).

120    S’agissant du préjudice immatériel, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour satisfaire aux exigences de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, une requête visant à la réparation de dommages prétendument causés par une institution, un organe ou un organisme de l’Union doit contenir les éléments qui permettent d’identifier le comportement que le requérant reproche à cette institution, à cet organe ou à cet organisme et les raisons pour lesquelles il estime qu’un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu’il prétend avoir subi, ainsi que le caractère et l’étendue de ce préjudice (voir, en ce sens, arrêt du 20 juillet 2017, ADR Center/Commission, T‑644/14, EU:T:2017:533, points 65 et 66 et jurisprudence citée).

121    Or, les éléments avancés par le requérant ne permettent pas de déterminer en quoi ce dernier souhaite se prévaloir d’un préjudice « immatériel » distinct du préjudice moral invoqué. À supposer que ce soit le cas, le requérant ne fournit pas d’élément permettant d’établir l’existence d’un tel préjudice ni son ampleur.

122    Ainsi, il ne peut être considéré que, en l’espèce, la deuxième condition à établir pour obtenir une condamnation indemnitaire ait été satisfaite.

123    Il s’ensuit que la demande d’indemnisation doit être rejetée.

124    De l’ensemble des considérations qui précèdent, il résulte que le recours doit être accueilli en ce qu’il tend à l’annulation de la décision attaquée, et qu’il doit être rejeté pour le surplus.

IV.    Sur les dépens

125    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

126    L’EUIPO ayant, pour l’essentiel, succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le requérant, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du 7 mars 2018, par laquelle le jury du concours général EUIPO/AD/01/17 a refusé, après réexamen, d’inscrire M. Lars Helbert sur la liste de réserve pour le recrutement d’administrateurs de grade AD 6, dans le domaine de la propriété intellectuelle, est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) est condamné aux dépens.

Gervasoni

Nihoul

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 janvier 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.