Language of document : ECLI:EU:T:2021:2

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

13 janvier 2021 (*)

« Aides d’État – Formation à la conduite d’engins de chantier en sécurité – Remboursement des formations en France par les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) – Décision constatant l’absence d’aide d’État – Notion d’aide d’État – Imputabilité à l’État – Contrôle public des ressources »

Dans l’affaire T‑478/18,

Hacène Bezouaoui, demeurant à Avanne (France),

HB Consultant, établie à Beure (France),

représentés par Mes J.-F. Henrotte et N. Neyrinck, avocats,

parties requérantes,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes C. Georgieva-Kecsmar et K. Herrmann, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation partielle de la décision C(2018) 2075 final de la Commission, du 10 avril 2018, relative à l’aide d’État SA.46897 (2018/NN) présumée de la République française à l’égard du financement de formations conduisant à l’obtention du certificat d’aptitude à la conduite d’engins de chantier en sécurité (CACES),

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. H. Kanninen, président, Mmes N. Półtorak et O. Porchia (rapporteure), juges,

greffier : Mme M. Marescaux, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 22 juin 2020,

rend le présent

Arrêt

I.      Dispositions législatives nationales pertinentes

A.      Sur la formation professionnelle

1        En France, les articles L.6312-1 et L.6312-2 du code du travail reconnaissent le droit à la formation professionnelle aux salariés, aux travailleurs indépendants, aux professions libérales et aux travailleurs privés.

2        L’accès à la formation est assuré à l’initiative de l’employeur ou du salarié conformément à l’article L.6321-1 du code du travail En matière de conduite d’engins dangereux, les articles L.4121-1 et L.6321-1 dudit code imposent à l’employeur une obligation de vérification des compétences acquises.

3        En outre, il ressort de l’article L.6331-1 du code du travail que tout employeur à l’exception de l’État, des collectivités locales et de leurs établissements publics à caractère administratif, concourt au développement de la formation professionnelle continue en participant, chaque année, au financement des actions mentionnées aux articles L.6313-1 et L.6314-1 dudit code. Ce financement est assuré par :

« 1) le financement direct par l’employeur d’actions de formation, notamment pour remplir ses obligations définies à l’article L.6321-1, le cas échéant dans le cadre du plan de formation prévu à l’article L.6312‑1 ;

2) le versement des contributions [aux organismes paritaires collecteurs agréés par l’État]. »

4        Par ailleurs, ces contributions varient suivant que moins de onze salariés ou onze salariés et plus soient employés.

B.      Sur la conduite d’engins de chantier

5        La directive 89/655/CEE du Conseil, du 30 novembre 1989, concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l’utilisation par les travailleurs au travail d’équipements de travail (deuxième directive particulière au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE) (JO 1989, L 393, p. 13),  a été transposée en France par le décret 98-1084, du 2 décembre 1998, relatif aux mesures d’organisation, aux conditions de mise en œuvre et aux prescriptions techniques auxquelles est subordonnée l’utilisation des équipements de travail (JORF no 280, du 3 décembre 1998, p. 18215). Ces normes imposent aux employeurs de fournir une formation adéquate à leurs travailleurs chargés de l’utilisation d’équipements de chantier.

6        Ainsi, le décret 98-1084, du 2 décembre 1998, puis le décret 2008-244, du 7 mars 2008, relatif au code du travail (JORF no 61, du 12 mars 2008, p. 37003), ont fixé les règles applicables aux formations professionnelles pour la conduite d’engins de chantier en sécurité dans deux dispositions.

7        D’une part, l’article R.4323-55 du code du travail prévoit que la conduite des équipements de travail mobiles automoteurs et des équipements de travail servant au levage est réservée aux travailleurs qui ont reçu une formation adéquate. Cette formation doit être complétée et actualisée chaque fois que cela est nécessaire. D’autre part, aux termes de l’article R.4323-56 du même code, la conduite de certains équipements présentant des risques particuliers, en raison de leurs caractéristiques ou de leur objet, est subordonnée à l’obtention d’une autorisation de conduite délivrée par le chef d’entreprise.

8        Afin de conduire les engins dangereux, il est donc nécessaire que le travailleur dispose d’une formation adéquate, qui peut être délivrée par différentes entités dont l’employeur lui-même et dont le choix relève de la responsabilité de ce dernier, ainsi que d’une autorisation à la conduite.

9        En particulier, aux termes de l’article R. 4323-57 du code du travail, des arrêtés des ministres chargés du travail ou de l’agriculture déterminent :

–        les conditions de la formation ;

–        les catégories d’équipements de travail nécessitant une autorisation de conduite ;

–        les conditions dans lesquelles le chef d’entreprise s’assure que le travailleur dispose de la compétence et de l’aptitude nécessaires pour assumer, en toute sécurité, la fonction de conducteur d’un équipement de travail ;

–        la date à compter de laquelle, selon les catégories d’équipements, entre en vigueur l’obligation d’être titulaire d’une autorisation de conduite.

10      L’article 3 de l’arrêté du 2 décembre 1998 relatif à la formation à la conduite des équipements de travail mobiles automoteurs et des équipements de levage de charges ou de personnes (JORF no 281, du 4 décembre 1998, p. 18257) spécifie que l’autorisation de conduite est établie et délivrée au travailleur, par le chef d’établissement, sur la base d’une évaluation effectuée par ce dernier.

11      Cette évaluation, destinée à établir que le travailleur dispose de l’aptitude et de la capacité à conduire l’équipement pour lequel l’autorisation est envisagée, prend en compte les trois éléments suivants :

–        un examen d’aptitude réalisé par le médecin du travail ;

–        un contrôle des connaissances et du savoir-faire de l’opérateur pour la conduite en sécurité de l’équipement de travail ;

–        une connaissance des lieux et des instructions à respecter sur le ou les sites d’utilisation.

12      C’est donc l’employeur qui, en dernier lieu, contrôle les compétences de ses travailleurs, et autorise ou non ceux-ci à conduire des engins de chantier. Sa responsabilité est engagée sur l’organisation mise en place et les moyens mis en œuvre pour évaluer les risques et les éviter. En cas d’accident du travail, le chef d’établissement engage sa responsabilité civile et pénale.

C.      Sur les organismes paritaires collecteurs agréés par l’État (OPCA)

13      Les OPCA sont des structures associatives sectorielles à gestion paritaire employeurs et salariés. Leur rôle est de :

–        premièrement, collecter les contributions financières des entreprises affiliées, dans le cadre du financement de la formation professionnelle continue des salariés des entreprises de droit privé ;

–        deuxièmement, choisir les formations professionnelles sollicitées par les entreprises affiliées pour la formation de leurs salariés qui sont susceptibles d’être subventionnées.

14      Les articles R.6332-4 et R.6332-16 du code du travail précisent les modalités de fonctionnement des OPCA.

15      En particulier, l’article R.6332-4 du code du travail spécifie que « [l]e conseil d’administration de l’OPCA est composé d’un nombre égal de représentants des employeurs et des salariés désignés par les organisations signataires ».

16      En outre, aux termes de l’article R.6332-16 du code du travail, « l’acte de constitution d’un organisme collecteur paritaire détermine son champ d’intervention géographique et professionnel ou interprofessionnel ainsi que les conditions de sa gestion ». Il fixe notamment :

« 1) la composition et l’étendue des pouvoirs du conseil d’administration paritaire ainsi que les modalités de prise en compte par celui-ci des orientations, priorités de formation et conditions de prise en charge des actions de formation proposées par les sections paritaires professionnelles constituées dans les conditions prévues au 3° ;

2) les règles de détermination des actions donnant lieu à intervention de l’organisme et de répartition des ressources entre ces interventions ;

3) le mode de désignation des organes chargés de la préparation des mesures énumérées au présent article et de l’exécution des décisions de gestion de l’organisme. L’acte de constitution peut prévoir à cet effet l’existence de sections paritaires professionnelles chargées de proposer au conseil d’administration paritaire les orientations et priorités de formation pour les branches professionnelles concernées ».

1.      Conditions pour accéder au financement par les OPCA des actions de formation

17      Pour être financée par les OPCA, une action de formation professionnelle doit remplir deux catégories de conditions.

18      D’une part, des conditions d’éligibilité sont prévues par le code du travail :

–        la formation doit présenter les caractéristiques d’une « action de formation », telle que définie par les articles L.6313-1 à L.6313-15 dudit code ;

–        la formation doit répondre aux conditions de réalisation énumérées à l’article L.6353-1 de ce code : objectifs déterminés ; programme écrit, précis et séquencé ; moyens pédagogiques, techniques et d’encadrement ; moyens de suivi de l’exécution de l’action ; dispositif permettant d’apprécier les résultats de l’action.

19      D’autre part, des conditions de prise en charge sont établies par le conseil d’administration des OPCA. En particulier, aux termes de l’article R.6332-16 du code du travail, les partenaires sociaux fixent, eux-mêmes, les orientations, les priorités de formation ainsi que les conditions et les critères de prise en charge des actions de formation. Par ailleurs, en vertu de l’article R.6332-23 dudit code, ils ont une obligation de publication des listes des priorités, des critères et des conditions de prise en charge des demandes présentées par les employeurs.

20      En outre, les OPCA s’assurent, lorsqu’ils financent une action de formation professionnelle continue, de la capacité du prestataire de formation à dispenser une formation de qualité sur la base des critères définis par le décret 2015-790, du 30 juin 2015, relatif à la qualité des actions de la formation professionnelle continue (JORF no 150, du 1er juillet 2015, p. 11099) de la formation.

21      Ainsi, toutes les actions prises en charge par les OPCA doivent satisfaire aux critères de qualité, énumérés à l’article R.6316-1 du code du travail, au nombre desquels figurent l’identification précise des objectifs de la formation et son adaptation au public formé, la qualification professionnelle et la formation continue des personnels chargés des formations, les conditions d’information du public sur l’offre de formation, ses délais d’accès et les résultats obtenus.

22      Aux termes de l’article R.6316-2 du code du travail, aux fins de transparence, les OPCA doivent inscrire sur un catalogue de référence mis à la disposition du public les prestataires de formation répondant à ces conditions de qualité. Ils doivent également communiquer, conformément à l’article R.6316-5 dudit code, les informations relatives aux outils, aux méthodologies et aux indicateurs permettant d’apprécier la qualité des formations dispensées. En particulier, ils ont défini des indicateurs de qualité communs et partagés qui permettent de valider le respect, par les organismes de formation, des critères de qualité.

23      Enfin, l’article R.6316-3 du code du travail prévoit que les certifications ou labels dont les exigences sont conformes aux critères de qualité sont inscrits, après examen, sur une liste établie par le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (Cnefop). La demande d’inscription sur cette liste est ouverte aux autorités responsables de certifications ou de labels « qualité », propriétaires du référentiel portant sur la qualité des prestataires de formation remplissant l’ensemble des critères légaux de qualité.

2.      Modalités de paiement des actions de formation par les OPCA

24      Il existe deux modalités de paiement des actions de formation par les OPCA :

–        un financement des actions par paiement direct aux organismes de formations : à la demande d’une entreprise, l’OPCA peut décider de régler directement à un organisme de formation les frais de formation. Cette modalité de financement concerne uniquement les frais de fonctionnement des actions de formation ;

–        un remboursement de l’entreprise : l’entreprise finance la formation et l’OPCA lui rembourse la totalité ou une partie de cette action de formation.

II.    Antécédents du litige

25      La Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (Cnamts) est la branche de la sécurité sociale française en charge de la branche maladie et accidents du travail ou maladies professionnelles. Il s’agit d’un établissement public national à caractère administratif, jouissant de la personnalité juridique. Elle est soumise à une double tutelle, celle du ministère chargé de la sécurité sociale et celle du ministère de l’Économie et des Finances.

26      En 2000, la Cnamts a élaboré le certificat d’aptitude à la conduite d’engins de chantier en sécurité (CACES) et, en 2003, a déposé la marque CACES auprès de l’institut de la propriété industrielle en France. La création du CACES s’inscrit dans le cadre du rôle de la Cnamts de définir et de mettre en œuvre des mesures de prévention des accidents du travail dans l’intérêt général des salariés. Il a été conçu sur la base des recommandations élaborées par les comités techniques nationaux et comités techniques régionaux qui assistent la Cnamts en matière de prévention. Par ailleurs, il existe plusieurs versions du CACES en fonction du type d’engin et du secteur concerné.

27      Le CACES est délivré aux travailleurs qui suivent avec succès une formation à la conduite d’engins de chantier au sein des centres de formation créés ou agréés par la Cnamts. Tous les centres de formation respectant le règlement d’usage établi par la Cnamts, en tant que titulaire de la marque CACES, peuvent utiliser ladite marque. Par ailleurs, il ressort du dossier que 945 centres de formation pouvant délivrer le CACES ont été identifiés en France métropolitaine.

28      Le CACES est le dispositif de formation le plus largement utilisé par les employeurs souhaitant externaliser la formation à la conduite d’engins de chantier. L’obtention du CACES par un salarié permet à son employeur de lui délivrer une autorisation de conduite en s’assurant que celui-ci a validé ses connaissances et sa maîtrise à conduire un type d’engin défini au préalable en sécurité. Pour l’employeur, le CACES est donc une garantie que son salarié a reçu la bonne formation, ce qui lui permet de satisfaire à son obligation de formation (voir point 11, deuxième tiret, ci‑dessus).

29      En outre, la marque CACES assure des standards de qualité validés par le comité français d’accréditation (Cofrac). Le Cofrac est la seule instance nationale d’accréditation habilitée, en France, à délivrer des certificats d’accréditation, et il a accrédité cinq organismes certificateurs chargés de mettre en place les procédures de qualification des organismes testeurs. Une fois certifiés, ces organismes testeurs sont tenus de mettre en œuvre les référentiels de prévention en vue du contrôle de connaissances pour l’attribution du CACES. Enfin, le testeur, qui est une personne physique autre que le formateur intervenu pour la formation préalable au test, procède à l’évaluation des compétences des candidats et délivre le CACES.

30      Le CACES a également fait l’objet d’une certification professionnelle qui, en février 2015, a été inscrite à l’inventaire du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP).

31      La première requérante, HB Consultant, est une société, dont le second requérant, M. Bezouaoui, est le gérant, qui propose des formations. À l’issue d’une formation comportant une partie théorique, une partie pratique et un test de contrôle des connaissances, la société HB Consultant délivre une licence pour la marque PCE qui a été déposée par M. Bezouaoui en 2010.

32      Le dispositif de formation PCE (ci-après les « formations PCE ») a été reconnu comme étant conforme aux critères de l’action de formation professionnelle par le ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, notamment par une lettre du 9 novembre 2012. Cette lettre précise que le CACES n’est pas obligatoire et que d’autres moyens de formation peuvent coexister, tels que les formations PCE, dès lors qu’ils répondent aux conditions de qualité permettant aux employeurs de satisfaire aux obligations réglementaires de formation. De plus, dans ladite lettre, il a été rappelé que le choix de la formation était de la responsabilité du chef d’entreprise.

33      Il est constant que, à la différence du CACES, les requérants n’ont pas sollicité l’inscription de la marque PCE à l’inventaire du RNCP et ils n’ont jamais fait appel au Cofrac pour mettre en œuvre une procédure d’accréditation de ladite marque. Par ailleurs, à cet égard, il convient de préciser que, par lettre du 17 septembre 2014, le ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social a invité les requérants à inscrire cette marque audit inventaire.

III. Procédure administrative et décision attaquée

34      Dans ce contexte, le 18 novembre 2016, M. Bezouaoui a déposé une plainte devant la Commission européenne portant sur une éventuelle aide incompatible avec le marché intérieur octroyée sous la forme de financement discriminatoire des formations conduisant à l’obtention du CACES.

35      Plus précisément, dans la plainte, M. Bezouaoui a distingué deux types d’aides d’État qui existeraient depuis 2000, année de création de la marque CACES :

–        des mesures d’aides directes accordées à des entreprises pour subventionner la formation professionnelle de leurs travailleurs, et

–        des mesures d’aides indirectes (id est le traitement privilégié offert à la Cnamts et à ses formations conduisant à l’obtention du CACES dans l’accès au remboursement public des formations).

36      Par ailleurs, à cet égard, M. Bezouaoui a précisé qu’il considérait les mesures d’aides directes accordées aux entreprises comme compatibles avec le marché intérieur et qu’elles ne faisaient pas l’objet de la plainte. Cette dernière ne portait que sur les mesures d’aides d’État indirectes et, particulièrement, sur le refus des OPCA de rembourser les formations PCE, en raison d’interventions de la République française, notamment sous la forme de deux circulaires du ministère de l’Emploi et de la Solidarité de 1999 et de 2006, de recommandations de la Cnamts en faveur des formations conduisant à l’obtention du CACES, et d’annonces des agences publiques de Pôle emploi, présentant ces dernières comme obligatoires. Elle se référait en particulier à Constructys, à Agefomat et à Intergros.

37      La plainte a été à l’origine de la procédure d’examen préliminaire ayant abouti à l’adoption, le 10 avril 2018, de la décision C(2018) 2075 final de la Commission, relative à l’aide d’État SA.46897 (2018/NN) présumée de la République française à l’égard du financement de formations conduisant à l’obtention du CACES (ci‑après la « décision attaquée »). Dans cette décision, la Commission conclut à l’absence d’aide d’État, au motif que la mesure en cause, à savoir la décision prétendument discriminatoire des OPCA de ne pas rembourser les formations PCE et de rembourser uniquement les formations conduisant à l’obtention du CACES, ne satisferait pas aux critères d’imputabilité, de financement par des ressources d’État, d’avantage indirect à ces dernières formations et de sélectivité.

IV.    Procédure et conclusions des parties

38      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 6 août 2018, les requérants ont introduit le présent recours.

39      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 25 octobre 2018, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. Elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours manifestement irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

40      Le 10 décembre 2018, les requérants ont présenté leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, dans lesquelles ils concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission ;

–        déclarer recevable et fondé le recours ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

41      Par ordonnance du 3 avril 2019, conformément à l’article 130, paragraphe 7, du règlement de procédure, le Tribunal a joint au fond l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

42      Le 16 mai 2019, la Commission a déposé le mémoire en défense. La réplique a été déposée le 1er juillet 2019 par les requérants.

43      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 août 2019, les requérants ont produit des preuves en se prévalant de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure. La duplique, contenant les observations sur les preuves produites par les requérants, a été produite le 20 septembre 2019 par la Commission.

44      La composition du Tribunal ayant été modifiée, en application de l’article 27, paragraphe 5, du règlement de procédure, le président du Tribunal a réattribué l’affaire à un autre juge rapporteur, qui a été affecté à la première chambre dans sa nouvelle formation, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

45      La phase écrite de la procédure a été clôturée le 20 septembre 2019.

46      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 3 octobre 2019, les requérants ont demandé la tenue d’une audience de plaidoiries.

47      Le 7 avril 2020, le Tribunal a, par une mesure d’organisation de la procédure prévue à l’article 89, paragraphe 3, du règlement de procédure, interrogé les parties sur la question de savoir si elles souhaitaient être entendues lors d’une audience de plaidoiries en dépit de la crise sanitaire liée à la COVID-19.

48      Le 16 avril 2020, la Commission a répondu qu’elle ne souhaitait pas être entendue. Les requérants n’ont pas répondu à la demande du Tribunal.

49      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal à l’audience du 22 juin 2020.

50      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 juillet 2020, les requérants ont demandé au Tribunal de rouvrir la phase orale de la procédure en vertu de l’article 113, paragraphe 2, sous c), du règlement de procédure.

51      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

52      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours dans son intégralité en tant qu’irrecevable et, en tout état de cause, non fondé ;

–        condamner les requérants aux dépens.

V.      En droit

A.      Sur la recevabilité du recours

53      Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission soulève deux fins de non-recevoir, tirées, la première, de l’absence de qualité pour agir des requérants et, la seconde, du fait que la décision attaquée ne constitue pas un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution et concernant directement les requérants, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

54      S’agissant de la première fin de non-recevoir, la Commission estime, en substance, que les requérants ne sont pas individuellement concernés par la décision attaquée. À cet égard, elle fait valoir, premièrement, qu’ils ne seraient pas les destinataires de ladite décision, cette dernière ayant été adressée à la République française. Deuxièmement, HB Consultant ne se trouverait pas dans une relation de concurrence avec les centres de formation pouvant délivrer le CACES et ne saurait dès lors être qualifiée de « partie intéressée ». En tout état de cause, le recours n’aurait pas pour objet la sauvegarde des droits procéduraux en vertu de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, mais uniquement le bien-fondé de cette décision. Troisièmement, dans la mesure où les requérants contestent le bien-fondé de la décision en question, ils ne démontreraient pas que la position de HB Consultant sur le marché serait substantiellement affectée par l’aide alléguée. En outre, la requête ne contiendrait aucun élément sur la structure du marché pertinent, son étendue géographique et l’éventuelle évolution des parts de marché depuis l’octroi de la mesure en cause. À cet égard, la Commission admet qu’il peut y avoir une catégorie d’employés aptes à suivre les deux formations, mais elle estime, toutefois, qu’un simple rapport de concurrence ne suffit pas pour individualiser les requérants, au sens, notamment, de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17).

55      S’agissant de la seconde fin de non-recevoir, la Commission  fait valoir que la décision attaquée n’est pas un acte de portée générale et ne peut dès lors pas être qualifiée d’acte réglementaire.

56      Les requérants contestent la première fin de non-recevoir, en faisant valoir être individuellement concernés par la décision attaquée. En revanche, ils n’ont pas présenté d’observations en ce qui concerne la seconde fin de non-recevoir.

57      À titre liminaire, il convient de rappeler les règles pertinentes relatives à la qualité pour agir contre une décision de la Commission en matière d’aides d’État d’un sujet autre que l’État membre destinataire de cette décision.

58      Conformément à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, une personne physique ou morale ne peut former un recours contre une décision adressée à une autre personne que si ladite décision la concerne directement et individuellement.

59      Selon la jurisprudence, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une telle décision le serait (arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223).

60      S’agissant d’une décision de la Commission en matière d’aides d’État, il convient de rappeler que, dans le cadre de la procédure de contrôle prévue à l’article 108 TFUE, deux phases doivent être distinguées. Il y a tout d’abord la phase préliminaire d’examen des aides instituée au paragraphe 3 de cet article, qui permet à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide en cause. Il y a ensuite la phase formelle d’examen visée au paragraphe 2 dudit article, qui ouvre à la Commission la possibilité d’avoir une information complète sur l’ensemble des données de l’affaire (arrêt du 6 mai 2019, Scor/Commission, T‑135/17, non publié, EU:T:2019:287, point 37).

61      Ce n’est que dans cette seconde phase, à savoir la phase formelle d’examen, que le traité FUE prévoit l’obligation, pour la Commission, de mettre en demeure les intéressés de présenter leurs observations (voir arrêt du 6 mai 2019, Scor/Commission, T‑135/17, non publié, EU:T:2019:287, point 38 et jurisprudence citée).

62      En l’espèce, cette seconde phase n’a pas été ouverte par la Commission.

63      Lorsque la seconde phase n’est pas ouverte, les personnes intéressées, qui auraient pu déposer des observations durant cette phase, sont dépourvues de cette possibilité. Pour y remédier, il leur est reconnu le droit de contester, devant le juge de l’Union européenne, la décision prise par la Commission de ne pas ouvrir la seconde phase (voir, en ce sens, arrêts du 17 juillet 2008, Athinaïki Techniki/Commission, C‑521/06 P, EU:C:2008:422, point 53, et du 12 mai 2016, Hamr – Sport/Commission, T‑693/14, non publié, EU:T:2016:292, point 35). Pour ces motifs, un recours visant à l’annulation d’une décision fondée sur l’article 108, paragraphe 3, TFUE, introduit par un intéressé au sens du paragraphe 2 du même article, est déclaré recevable lorsque l’auteur de ce recours tend, par l’introduction de celui-ci, à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (arrêt du 13 décembre 2005, Commission/Aktionsgemeinschaft Recht und Eigentum, C‑78/03 P, EU:C:2005:761, point 35).

64      En revanche, si une partie requérante met en cause le bien-fondé de la décision appréciant la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur, le simple fait qu’elle puisse être considérée comme intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE ne saurait suffire pour que soit admise la recevabilité du recours. Elle doit alors démontrer qu’elle bénéficie d’un statut particulier au sens de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17, p. 223). Il en serait notamment ainsi dans le cas où la position de la partie requérante sur le marché serait substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (arrêts du 11 septembre 2008, Allemagne e.a./Kronofrance, C‑75/05 P et C‑80/05 P, EU:C:2008:482, point 40, et du 10 juillet 2012, Smurfit Kappa Group/Commission, T‑304/08, EU:T:2012:351, point 48).

65      S’agissant de la condition tenant à ce que la position de la requérante sur le marché concerné soit substantiellement affectée, la seule circonstance qu’un acte est susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant sur le marché pertinent et que l’entreprise concernée se trouve dans une relation de concurrence avec le bénéficiaire de cet acte ne saurait suffire. Dès lors, une entreprise ne saurait se prévaloir uniquement de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire, mais doit établir, en outre, qu’elle est dans une situation de fait qui l’individualise d’une manière analogue à celle du destinataire de la décision (arrêts du 22 novembre 2007, Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, EU:C:2007:698, points 32 et 33 ; du 10 juillet 2012, Smurfit Kappa Group/Commission, T‑304/08, EU:T:2012:351, point 49, et ordonnance du 11 avril 2018, Abes/Commission, T‑813/16, non publiée, EU:T:2018:189, point 49).

66      En l’espèce, ainsi que cela est souligné par la Commission lors de l’audience, les requérants présentent, à l’appui du recours, des moyens visant uniquement le bien-fondé de la décision attaquée. Certes, ils allèguent, dans leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité, que le courrier de la Commission du 15 décembre 2017 a porté atteinte à leurs droits procéduraux dans la mesure où, par ce dernier, la Commission leur a communiqué son intention d’interrompre tout échange de correspondance avec eux jusqu’à l’adoption de la décision finale dans ce dossier. Toutefois, ces arguments ne constituent pas une ampliation d’un moyen déjà énoncé dans la requête. Ils ont donc été soulevés de manière tardive et, dans la mesure où ils ne se fondaient pas sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, doivent être écartés pour ce motif (voir, en ce sens, ordonnance du 19 décembre 2019, M-Sansz/Commission, C‑757/18 P, non publiée, EU:C:2019:1107, point 19 et jurisprudence citée).

67      Dès lors, c’est la qualité pour agir des requérants aux fins de contester le bien-fondé de la décision attaquée qu’il convient d’examiner en l’espèce. En outre, étant donné que les requérants sont directement affectés par ladite décision, ce qui, au demeurant, n’est pas remis en cause en l’espèce, il y a lieu de déterminer s’ils sont individuellement concernés par cette dernière.

68      À cet égard, il convient de relever que les seules circonstances, évoquées par les requérants, selon lesquelles M. Bezouaoui est le seul plaignant, que la plainte est à l’origine de la procédure d’examen préliminaire ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, et que les griefs avancés dans la plainte sont examinés de manière approfondie dans ladite décision ne suffisent pas à individualiser les requérants d’une manière analogue à celle du destinataire de la décision (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 109).

69      Cependant, dans la décision attaquée, une telle individualisation résulte en l’occurrence très précisément du fait que, dans l’appréciation juridique de tels griefs, la Commission, loin de se borner à désigner nommément les requérants dans la décision attaquée, a expressément centré son analyse de la sélectivité de l’aide alléguée, aux considérants 139 à 150 de ladite décision, sur les formations PCE. En effet, après avoir constaté que le système de référence était le remboursement des actions de formation à la conduite d’engins par les OPCA, et que le fait que, à la différence des formations conduisant à l’obtention du CACES, les formations PCE ne soient pas remboursées par les OPCA dérogeait à ce système de référence, la Commission a vérifié si cette mesure dérogatoire était ou non justifiée par la nature ou l’économie générale dudit système (voir, en particulier, les considérants 140, 144 et 146 de cette décision).

70      En tout état de cause, si la seule circonstance qu’un acte est susceptible d’exercer une influence sur les rapports de concurrence existants sur le marché dont il s’agit ne saurait suffire pour que tout opérateur économique se trouvant dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de l’acte puisse être considéré comme individuellement concerné par ce dernier (voir point 65 ci-dessus), il convient de relever que, en l’espèce, le marché concerné, à savoir celui des formations à la conduite d’engins de chantier en sécurité, dans le territoire français, susceptible d’être prises en charge par les OPCA au titre de la formation professionnelle, est caractérisé par la présence de deux dispositifs de formations, le CACES et le PCE. Dès lors, l’aide alléguée, consistant en un système de remboursement prétendument discriminatoire, pourrait affecter substantiellement la situation concurrentielle de HB Consultant, dans la mesure où elle pourrait inciter les employeurs choisissant d’externaliser la formation à la conduite en sécurité d’engins de chantier, à recourir à des formations conduisant à l’obtention du CACES, afin d’obtenir leur remboursement par les OPCA.

71      Dès lors qu’il n’appartient pas au juge de l’Union, au stade de l’examen de la recevabilité du recours, de se prononcer de façon définitive sur les rapports de concurrence entre les requérants et les bénéficiaires de la mesure en cause (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2006, Asociación de Estaciones de Servicio de Madrid et Federación Catalana de Estaciones de Servicio/Commission, T‑146/03, non publié, EU:T:2006:386, point 51 et jurisprudence citée), il convient de constater à ce stade de l’appréciation que les requérants ont démontré que HB Consultant pouvait être assimilée à un destinataire de la décision, au sens de l’arrêt du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission (25/62, EU:C:1963:17) (voir, en ce sens, arrêt du 27 avril 1995, ASPEC e.a./Commission, T‑435/93, EU:T:1995:79, point 70) de sorte qu’elle est recevable à contester le bien-fondé de ladite décision. Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la Commission selon lequel chacun des requérants doit établir d’être individuellement concerné, il convient de rappeler que, dès lors que la qualité pour agir d’un requérant est établie, s’agissant d’un seul et même recours, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir de l’autre requérant (voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C‑313/90, EU:C:1993:111, point 31, et du 9 juillet 2007, Sun Chemical Group e.a./Commission, T‑282/06, EU:T:2007:203, point 50). En l’espèce, la qualité pour agir de HB Consultant étant établie, il n’y a pas lieu d’examiner la qualité pour agir de M. Bezouaoui.

72      Partant, il convient de rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, sans qu’il soit nécessaire d’examiner la seconde fin de non-recevoir, tirée de ce que la décision attaquée ne constituerait pas un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution au sens de l’article 263, quatrième alinéa, dernier membre de phrase, TFUE.

B.      Sur le fond

1.      Sur la recevabilité des éléments de preuve produits par les requérants après la réplique

73      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 août 2019, les requérants ont produit des preuves en se prévalant de l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure (voir point 43 ci-dessus).

74      Il s’agit, en l’espèce, de documents faisant état du contrôle que la Caisse régionale d’assurance maladie d’Île-de-France (Cramif) aurait effectué, le 30 juillet 2019, auprès d’une société, cliente des requérants, et lors duquel l’agent de la Cramif aurait constaté que les salariés n’avaient pas suivi la formation conduisant à l’obtention du CACES, mais une des formations PCE. En particulier :

–        une copie de la note rédigée à la main de la part de l’agent de la Cramif dans laquelle ledit agent constate que le « PCE » n’est pas substituable au CACES faute d’une position ou d’un avis de l’assurance maladie sur ce sujet et dans laquelle il invite la société à suspendre les travaux (annexe D 1) ;

–        un extrait d’un échange de courriels ayant eu lieu le 30 juillet 2019, entre le gérant de ladite cliente des requérants et l’agent de la Cramif faisant état du fait que la reprise des travaux de la société sans le CACES exposerait cette dernière « à recevoir une injonction […] sur les risques liés à la conduite d’engins » (annexe D 2) ;

–        un tableau de « Forum aux questions » édité par la Cnamts et portant sur le CACES et les autres formations équivalentes, dont, en particulier, la réponse à la question no 87 mentionne qu’« il n’existe pas d’équivalence au CACES » (annexe D 3).

75      Dans la duplique, la Commission  conteste la recevabilité des éléments de preuve énumérés au point 74 ci-dessus. En particulier, elle estime, d’une part, que la production tardive du tableau figurant dans l’annexe D 3 n’est pas justifiée dans la mesure où le tableau en question date de 2011 et que les requérants auraient pu l’intégrer dans la requête.

76      D’autre part, la Commission fait valoir que la production tardive des documents figurant dans les annexes D 1 et D 2 n’est pas de nature à mettre en cause la légalité de la décision attaquée. Selon elle, il s’agit d’éléments d’information qui n’existaient pas à la date de l’adoption de ladite décision. Elle estime donc qu’elle n’était pas obligée d’en tenir compte dans le cadre de son analyse portant sur l’imputabilité de la mesure à l’État et les ressources d’État.

77      Selon les  requérants, les preuves produites seraient recevables malgré leur tardiveté au motif qu’elles ont été adoptées le 30 juillet 2019.

78      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure dispose que, « [à] titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié ».

79      En l’espèce, s’agissant des preuves figurant dans les annexes D 1 et D 2, force est de constater qu’elles portent une date postérieure au dépôt de la réplique. Les requérants ne pouvaient donc joindre ces preuves ni à la réplique ni, à plus forte raison, à la requête (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, PT/BEI, T‑571/16, non publié, EU:T:2019:301, point 157). Dès lors, dans ces circonstances, il y a lieu de considérer lesdites preuves comme étant recevables.

80      S’agissant de la preuve figurant dans l’annexe D 3, il convient de relever que si, certes, elle date de 2011 et, ainsi que la Commission le fait valoir, les requérants auraient pu l’intégrer dans la requête, il est également vrai que cette annexe constitue une partie intégrante de l’extrait d’un échange de courriels contenu dans l’annexe D 2. En effet, dans cette dernière, l’agent de la Cramif invite le gérant de la société MEHA à prendre connaissance de la réponse à la question no 87 contenue dans le tableau figurant dans l’annexe D 3.

81      Dès lors, dans ces conditions, il ne saurait être considéré que l’élément de preuve figurant à l’annexe D 3 aurait dû être produit dans le cadre de la requête ou de la réplique. Partant, il convient de le considérer comme étant recevable.

2.      Sur l’objet du recours

82      Au soutien du recours, les requérants avancent trois moyens tirés de la violation de l’article 107 TFUE. Par le premier moyen, ils font valoir que le financement des formations conduisant à l’obtention du CACES, par le biais des OPCA, implique l’utilisation de ressources d’État, fruit d’une mesure imputable à l’État, par le deuxième moyen, ils soutiennent que ledit financement fournit un « avantage » aux centres de formation pouvant délivrer le CACES et, par le troisième moyen, ils avancent que le financement en cause revêt un caractère sélectif.

83      Ainsi que cela est relevé par la Commission, par les moyens invoqués à l’appui du recours, les requérants visent uniquement à contester l’analyse de certains financements contenue au point 4.3 de la décision attaquée, à savoir le financement par les OPCA au bénéfice des centres de formation pouvant délivrer le CACES, y compris les organismes relevant de l’éducation nationale (Greta) et l’association pour la formation professionnelle des adultes (AFPA). En particulier, ils contestent le choix des OPCA de rembourser les formations conduisant à l’obtention du CACES et non les formations PCE, en faisant valoir que cette discrimination, au détriment de ces dernières formations, constitue une mesure d’aide d’État indirecte illégale et incompatible avec le marché intérieur.

84      En revanche, les requérants ne remettent pas en cause les conclusions de la Commission en ce qui concerne les deux autres mesures faisant partie de la décision attaquée, à savoir la prétendue aide à la Cnamts analysée au point 4.1 de la décision attaquée, ou la prétendue aide au Cofrac analysée au point 4.2 de cette décision.

85      Le recours vise donc une annulation partielle de la décision attaquée au motif que la Commission a violé l’article 107 TFUE, en concluant que le soutien accordé sous la forme de remboursement aux centres de formation pouvant délivrer le CACES ne constituait pas une aide d’État incompatible avec le marché intérieur.

3.      Sur le premier moyen, tiré du fait que le remboursement des frais de formation conduisant à l’obtention du CACES implique l’utilisation de ressources d’État, fruit d’une mesure imputable à l’État

a)      Observations liminaires

86      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la qualification d’« aide d’État » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE suppose la réunion de quatre conditions, à savoir l’existence d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État, que cette intervention soit susceptible d’affecter les échanges entre les États membres, qu’elle accorde un avantage sélectif à son bénéficiaire et qu’elle fausse ou menace de fausser la concurrence (voir arrêt du 13 septembre 2017, ENEA, C‑329/15, EU:C:2017:671, point 17 et jurisprudence citée).

87      Concernant la première condition tenant à l’existence d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État, il convient de rappeler que, pour que des avantages puissent être qualifiés d’« aides » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ils doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État et, d’autre part, être imputables à l’État (voir arrêt du 13 septembre 2017, ENEA, C‑329/15, EU:C:2017:671, point 20 et jurisprudence citée).

88      Par ailleurs, il convient de relever que l’imputabilité d’une aide à un État et le financement au moyen de ressources d’État constituent, selon la jurisprudence, des conditions distinctes et cumulatives (voir arrêt du 5 avril 2006, Deutsche Bahn/Commission, T‑351/02, EU:T:2006:104, point 103 et jurisprudence citée).

89      Afin d’apprécier l’imputabilité d’une mesure à l’État, il importe d’examiner si les autorités publiques ont été impliquées dans l’adoption de cette mesure (voir arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 49 et jurisprudence citée).

90      La notion d’intervention « au moyen de ressources d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, vise, quant à elle, à inclure, outre les avantages accordés directement par un État, ceux accordés par l’intermédiaire d’un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État en vue de gérer l’aide. En effet, le droit de l’Union ne saurait admettre que le seul fait de créer des institutions autonomes chargées de la distribution d’aides permette de contourner les règles relatives aux aides d’État (voir arrêt du 9 novembre 2017, Commission/TV2/Danmark, C‑656/15 P, EU:C:2017:836, points 44 et 45 et jurisprudence citée).

91      Par ailleurs, selon une jurisprudence constante, l’article 107, paragraphe 1, TFUE englobe tous les moyens pécuniaires que les autorités publiques peuvent effectivement utiliser pour soutenir des entreprises, sans qu’il soit pertinent que ces moyens appartiennent ou non de manière permanente au patrimoine de l’État. En conséquence, même si les sommes correspondant à une mesure ne sont pas de façon permanente en la possession du Trésor public, le fait qu’elles restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de « ressources d’État » (voir arrêt du 13 septembre 2017, ENEA, C‑329/15, EU:C:2017:671, point 25 et jurisprudence citée).

92      C’est à la lumière des observations qui précèdent qu’il convient d’analyser le premier moyen.

b)      Éléments retenus dans la décision attaquée pour exclure que la mesure en cause constitue une aide d’État 

93      Au considérant 128 de la décision attaquée, la Commission a estimé que les remboursements des frais de formation qui étaient pris en charge par les OPCA n’étaient pas imputables à la République française, car les OPCA étaient des organismes collecteurs paritaires composés d’un nombre égal des représentants des employeurs et des salariés et que ledit État n’était pas représenté dans l’organisation de ceux-ci. Elle a également noté que les OPCA disposaient d’une liberté de choix quant à la prise en charge d’une formation et que cet État n’intervenait pas dans la décision de prise en charge et de remboursement.

94      En outre, après avoir rappelé, au considérant 131 de la décision attaquée, que, en principe, une réglementation qui conduisait à une redistribution financière d’une entité privée à une autre sans autre intervention de l’État n’entraînait pas un transfert de ressources d’État si les fonds circulaient directement d’une entité privée à une autre, sans passer par un organisme public ou privé désigné par l’État pour gérer le transfert, la Commission a exclu, au considérant 132 de ladite décision, que les fonds utilisés par les OPCA aux fins du financement de formations soient à la disposition des autorités nationales. À cet égard, elle a relevé que lesdits fonds avaient été collectés auprès des entreprises et étaient mis à disposition des chefs d’entreprises et des demandeurs d’emploi ainsi que des agences d’intérim. Par ailleurs, au considérant 133 de cette décision, elle a précisé que le fait que le principe d’une contribution obligatoire des entreprises à un système de financement de la formation professionnelle ainsi que les conditions d’utilisation des ressources récoltées par les OPCA soient fixés par le code du travail français n’entraînait pas automatiquement un transfert des ressources d’État. Dès lors, selon elle, il apparaissait que, en l’espèce, la République française ne participait pas aux prises de décisions de financement ou de remboursement de formations par les OPCA.

c)      Sur la portée du premier moyen

95      Par leur premier moyen, les requérants font valoir, en substance, que les fonds distribués par les OPCA sont des fonds publics, dont le transfert est imputable à la République française. À cet égard, ils avancent en substance quatre griefs. Par un premier grief, ils font observer que la mesure en cause a été décidée et organisée par ledit État, ce dernier ayant décidé de la contribution obligatoire des entreprises au système de financement de la formation professionnelle, ses modalités et ses règles de calcul. Par un deuxième grief, ils soutiennent que les OPCA sont partiellement financés par des fonds publics issus du Fonds social européen (FSE). Par un troisième grief, ils font valoir que, malgré le fait que cet État n’est pas représenté dans l’organisation des OPCA, celui-ci intervient dans la décision de remboursement de ces organismes. En outre, l’État en question exercerait une influence déterminante, ex ante et ex post, sur les décisions des OPCA de limiter leurs remboursements uniquement aux formations conduisant à l’obtention du CACES, à l’exclusion des formations PCE. Enfin, par un quatrième grief, les requérants font valoir que ladite décision méconnaît l’arrêt du 15 juillet 2004, Pearle e.a. (C‑345/02, EU:C:2004:448).

96      Il convient d’analyser d’abord et conjointement les premier et troisième griefs pour aborder ensuite l’examen des deuxième et quatrième griefs.

1)      Sur les premier et troisième griefs, tirés respectivement du fait que la mesure en cause aurait été décidée et organisée par l’État et du fait que ce dernier interviendrait sur les décisions de remboursement adoptées par les OPCA

97      À l’appui du premier grief, les  requérants avancent que la mesure en cause a été décidée et organisée par la République française. Selon eux, cette dernière a décidé de la contribution obligatoire aux OPCA ainsi que de ses modalités et règles de calcul. En particulier, tant l’obligation de participation des entreprises à un système de financement de la formation professionnelle que son taux et ses critères de calcul seraient définis dans le code du travail. Dès lors, les fonds auraient pour objectif de mettre en œuvre une politique décidée par ledit État et seraient d’origine publique.

98      À l’appui du troisième grief, les requérants soutiennent, en substance, que la République française intervient sur les décisions des OPCA de rembourser uniquement les formations conduisant à l’obtention du CACES au détriment des formations PCE.

99      La Commission conteste les arguments des requérants.

100    En premier lieu, il convient de préciser que la mesure en cause faisant l’objet de la décision attaquée est la pratique des OPCA de rembourser, aux centres de formation pouvant délivrer le CACES, les frais de formation et de ne pas rembourser aux requérants les frais des formations PCE. Partant, c’est par rapport à cette pratique des OPCA qu’il convient d’examiner le rôle joué par la République française.

101    En second lieu, il convient de relever que, ainsi que cela est rappelé aux points 3 et 4 ci-dessus, la République française impose à tous les employeurs, par l’intermédiaire du code du travail, une obligation de participation au système de financement de la formation professionnelle continue, ainsi que les taux et les critères de calcul de cette obligation.

102    Cependant, les circonstances en cause, qui sont invoquées par les requérants, ne suffisent pas, à elles seules, à démontrer que la mesure en cause, notamment, le remboursement des frais des formations conduisant à l’obtention du CACES par les OPCA, constitue une aide d’État aux termes de l’article 107 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 63).

103    En effet, et ainsi qu’il en résulte de la jurisprudence invoquée aux points    86 à 91 ci‑dessus, pour pouvoir conclure à l’existence d’une aide d’État dans le cas d’espèce, il conviendrait de prouver non seulement que la mesure en cause est imputable à la République française, mais également que les ressources utilisées pour le financement de celle-ci demeurent constamment sous contrôle public et sont donc à la disposition des autorités publiques.

104    Dès lors, et au regard de ce qui précède, il convient de vérifier non seulement si la République française intervient dans l’adoption de la mesure en cause en exerçant une influence sur les ressources utilisées pour financer cette dernière, mais également si lesdites ressources demeurent sous son contrôle constant.

105    À cet égard, les requérants avancent, en substance, trois arguments. Par un premier argument, ils font valoir que les conditions d’utilisation des fonds des OPCA sont établies par la République française dans le code du travail. Par un deuxième argument, ils soutiennent que ledit État exerce, de facto, une influence déterminante sur les décisions des OPCA de limiter leurs remboursements aux seules formations conduisant à l’obtention du CACES, à l’exclusion des formations PCE. Par un troisième argument, ils indiquent que cet État exerce également une influence déterminante ex post sur les décisions de remboursement des OPCA.

i)      Sur le premier argument

106    Les requérants relèvent, en substance, que les conditions d’utilisation des ressources récoltées par les OPCA sont établies par la République française dans le code du travail. En particulier, ledit État établirait tout d’abord quelles formations sont éligibles. Ensuite, sur cette base, il préciserait les conditions qu’une formation doit remplir pour être remboursée par les OPCA. Par ailleurs, à cet égard, si les requérants admettent que l’article R.6332-16 dudit code dispose que l’acte constitutif d’un OPCA fixe les règles de détermination des actions donnant lieu à l’intervention de l’organisme et les règles de répartition des ressources entre ces interventions, ils font également valoir que cet acte constitutif est subordonné, en tant qu’accord collectif de branche, à l’avis de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) du ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social ainsi qu’à l’agrément obligatoire dudit ministère. Dès lors, ce ne serait pas l’OPCA qui aurait le « pouvoir du dernier mot » quant au contenu de son acte constitutif (et donc quant aux critères et aux conditions de prise en charge des actions de formation), mais cet État. Ce dernier exercerait donc un contrôle ex ante et en droit sur les décisions de remboursements des OPCA.

107    À cet égard, il convient de souligner, en premier lieu, que les OPCA ne remboursent pas toutes les actions de formation. En effet, étant donné qu’il n’existe pas un droit au remboursement des actions de formation, il appartient aux partenaires sociaux au sein des OPCA de décider si une formation professionnelle donnée peut être remboursée. En particulier, ainsi que cela a été relevé aux points 18 et 19 ci‑dessus, pour qu’une action de formation soit remboursée, elle doit respecter tant les conditions d’éligibilité que les conditions de prise en charge établies par les OPCA.

108    S’agissant des conditions d’éligibilité, il ressort des considérants 40, 42 et 43 de la décision attaquée (voir point 18 ci‑dessus) que, pour être remboursée par les OPCA, une formation doit, d’une part, relever d’une des quatre actions de formation listées aux articles L.6313-1 à L.6313-15 du code du travail et, d’autre part, être réalisée selon les dispositions prévues par l’article L.6353-1 du même code.

109    S’agissant des conditions de prise en charge, il ressort de l’article R.6332-16 du code du travail (voir point 16 ci-dessus) qu’elles sont établies par les OPCA eux-mêmes, au sein de leur conseil d’administration. Ainsi, il appartient au conseil d’administration de l’OPCA, dont la gestion est paritaire, de fixer les priorités de prise en charge, les règles de détermination des actions donnant lieu à leur intervention et les règles de financement des formations, à savoir le montant de prise en charge de coûts pédagogiques ou des frais annexes ou encore le type et la durée des actions de formation jugées prioritaires. En outre, parmi les conditions de prise en charge des formations définies par le conseil d’administration de chaque OPCA figurent également les critères de qualité, établis par le conseil d’administration conformément à l’article R.6316-1 dudit code. Il revient donc aux OPCA de s’assurer de la conformité d’une action de formation tant aux conditions d’éligibilité qu’aux conditions de prise en charge.

110    Par ailleurs, il convient de souligner que les OPCA jouissent d’une autonomie décisionnelle quant aux choix des formations susceptibles d’être prises en charge, indépendamment du fait que les conditions d’éligibilité soient définies par renvoi aux actions de formation prévues par le code du travail. En effet, la décision de rembourser les formations conduisant à l’obtention du CACES et de ne pas rembourser les formations PCE est le résultat d’une appréciation, en deux étapes, quant au respect des conditions d’éligibilité et de prise en charge des actions de formation qui revient de manière exclusive aux OPCA. Le respect des seules conditions d’éligibilité ne saurait ainsi assurer le remboursement de la formation si cette dernière ne remplit pas également les conditions de prise en charge fixées par les OPCA. Dès lors, la circonstance que les conditions générales d’éligibilité soient définies par renvoi aux actions de formation telles que prévues par ledit code ne constitue pas un élément susceptible de remettre en cause l’autonomie décisionnelle des OPCA.

111    En second lieu, s’agissant de l’allégation des requérants selon laquelle, en substance, la validité de l’acte constitutif des OPCA est subordonnée à l’avis de la DGEFP et à l’agrément de la République française qui a un « pouvoir de dernier mot » quant à sa rédaction, il convient de relever que, afin d’étayer cette allégation, les requérants se limitent à renvoyer à l’article 4, quatrième alinéa, de l’arrêté du 4 mai 2017 portant organisation de la DGEFP (JORF no 109, du 10 mai 2017). Cependant, à cet égard, il y a lieu de constater, à l’instar de la Commission, que cette disposition ne mentionne pas l’acte constitutif des OPCA, se bornant à énumérer les compétences de la DGEFP parmi lesquelles figure son aptitude à donner un avis sur la régularité des accords collectifs de branche avant toute décision d’agrément du ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social.

112    Même à supposer que, ainsi que les requérants cherchent, en substance, à le faire valoir, l’article 4, quatrième alinéa, de l’arrêté du 4 mai 2017 portant organisation de la DGEFP doive être interprété comme une confirmation du fait que l’acte de constitution des OPCA serait un accord collectif de branche parmi d’autres et qu’il serait sujet à l’avis de la DGEFP et à l’agrément du ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, il convient de relever ce qui suit.

113    D’une part, la DGEFP n’exprime qu’un simple avis sur la régularité formelle de l’acte constitutif des OPCA ne comportant pas une implication de la République française dans le choix des OPCA en ce qui concerne les formations professionnelles à rembourser. Dès lors, il ne saurait être déduit de cet avis une implication des autorités publiques dans l’exercice des fonctions des OPCA et, notamment, dans l’adoption de la décision des OPCA de rembourser les seules formations conduisant à l’obtention du CACES au détriment des formations PCE.

114    D’autre part, s’agissant de l’agrément de l’acte constitutif des OPCA de la part de la République française, il ressort des articles L.6332-1 à L.6332-24 et R.6332-1 et suivants du code du travail que ledit agrément est accordé par arrêté du ministère chargé de la formation professionnelle afin que les OPCA puissent collecter et gérer les contributions des entreprises.

115    En particulier, il ressort de l’article R.6332-8 du code du travail que l’agrément en cause est accordé en fonction de la capacité financière des OPCA et de leurs performances de gestion, de la cohérence de leur champ d’intervention géographique et professionnel ou interprofessionnel, de leur mode de gestion paritaire, de leur aptitude à assurer leur mission compte tenu de leurs moyens, de leur aptitude à assurer des services de proximité au bénéfice des très petites, petites et moyennes entreprises ainsi qu’à développer les compétences, au niveau des territoires, notamment en milieu agricole et rural ; et de l’application d’engagements relatifs à la transparence de la gouvernance, à la publicité des comptes et à l’application de la charte des bonnes pratiques mentionnée à l’article L.6332-1-3 dudit code.

116    En outre, il ne ressort pas des articles L.6332-1 à L.6332-24 et R.6332-1 et suivants du code du travail que l’agrément en cause porte sur le contenu de l’acte constitutif, notamment, sur le pouvoir attribué au conseil d’administration quant à la définition des actions donnant lieu à l’intervention de l’OPCA et à leurs modalités de fonctionnement. En effet, ainsi que cela a été relevé par la Commission lors de l’audience, le contenu des formations et les conditions pour que ces dernières puissent être remboursées ne fait pas l’objet dudit agrément.

117    Partant, il ne saurait être valablement affirmé que l’agrément en cause constitue un élément susceptible de prouver que la République française intervient dans les décisions de remboursement des actions de formation adoptées par les OPCA.

118    Il en va de même pour ce qui concerne l’agrément de la part du ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social des conventions collectives, dont des exemples sont produits par les requérants en annexe à la requête. En effet, il s’agit de conventions générales entre les entreprises et les salariés des secteurs concernés visant à déterminer les priorités et les objectifs de la formation professionnelle dans certains secteurs et dont la portée est beaucoup plus ample et différente de celle de la mesure en cause. Par ailleurs, si certaines de ces conventions font, ainsi que les requérants le soulignent, référence au CACES, force est de constater que ce dernier est mentionné en tant que certificat parmi d’autres.

119    Dès lors, il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent, que les OPCA jouissent d’une autonomie décisionnelle quant au choix des formations conduisant à l’obtention du CACES susceptibles d’être prises en charge et remboursées et que la République française ne détient aucun pouvoir décisionnel à cet égard. En particulier, il ne ressort pas du dossier que ledit État peut diriger ou influencer l’administration des fonds des OPCA, ni que les ressources provenant des contributions obligatoires en cause peuvent être utilisées par cet État pour financer des actions de formation que les OPCA ne considèrent pas comme susceptibles d’être prises en charge.

120    Compte tenu de tout ce qui précède, c’est à bon droit que, au considérant 128 de la décision attaquée, la Commission a constaté que les OPCA disposaient d’une liberté de choix quant à la prise en charge d’une formation et que l’État n’intervenait pas dans la décision de prise en charge et de remboursement des formations conduisant à l’obtention du CACES.

121    Il en découle que le premier argument doit être rejeté en tant que non fondé.

ii)    Sur le deuxième argument

122    Les requérants soutiennent, en substance, que c’est en raison de l’intervention de la République française que les OPCA considèrent que les formations conduisant à l’obtention du CACES sont les seules formations pouvant valablement servir à la formation à la conduite d’engins de chantier en sécurité et être de ce fait remboursables.

123    Selon les requérants, le ministère de l’Emploi et de la Solidarité a délivré deux circulaires administratives, les circulaires de 1999 et de 2006, pour légitimer auprès des différents acteurs sociaux le recours au CACES pour assurer la formation des travailleurs. Lesdites circulaires visant, sans raison valable, uniquement ce certificat, seules les formations conduisant à l’obtention dudit certificat seraient remboursées aux entreprises par les OPCA. En outre, une série de recommandations de la Cnamts, indiquant que la conduite d’engins de chantier ne peut être confiée qu’à des travailleurs qui disposent du certificat en cause, contribuerait à alimenter l’idée selon laquelle lesdites formations seraient obligatoires. Comme la Cnamts au niveau national, les Caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), sur le plan régional, diffuseraient des informations erronées véhiculant l’idée que seul le certificat en question serait une « formation valable ». De plus, la Cnamts et les caisses régionales d’assurance maladie disposeraient d’un pouvoir de contrôler et de sanctionner le respect desdites recommandations, ainsi que de sanctionner les employeurs qui ne recourraient pas aux formations conduisant à l’obtention du CACES. En particulier, s’agissant des contrôles des employeurs, les requérants ont avancé plusieurs éléments de preuve après le dépôt de la réplique afin de démontrer que lesdits contrôles sont effectivement organisés sur les chantiers et que des injonctions sont données aux entreprises de cesser de travailler tant que leurs travailleurs ne disposent pas du CACES, même s’ils ont suivi les formations PCE.

124    De même, certaines communications figurant sur le site Internet du ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social et l’usage d’un certain vocabulaire laisseraient accroire que les formations conduisant à l’obtention du CACES sont obligatoires. Enfin, l’exigence de détention du CACES apparaîtrait systématiquement dans les annonces des agences publiques de Pôle emploi. En effet, les fiches du répertoire opérationnel des métiers et des emplois (ROME) de Pôle emploi, qui serviraient à identifier aussi précisément que possible chaque métier, imposeraient le CACES.

125    Par ailleurs, les requérants invoquent de nombreuses décisions ponctuelles illustrant une situation où les formations conduisant à l’obtention du CACES sont systématiquement accueillies par les OPCA comme étant remboursables, alors que les formations PCE sont rejetées. Dans des dossiers particuliers de demande d’intervention, les OPCA solliciteraient l’autorisation de la DGEFP pour savoir si elles peuvent rembourser la formation. Ce ne serait que parce que la DGEFP leur donne son accord qu’ils procéderaient au remboursement.

126    La Commission conteste les arguments des requérants.

127    Par leurs arguments, les requérants cherchent, en substance, à faire valoir que la République française a mis en œuvre, par divers moyens, une campagne de promotion des formations conduisant à l’obtention du CACES, au détriment des formations PCE, qui serait à l’origine du refus des OPCA de rembourser ces dernières formations.

128    À cet égard, il convient de souligner, d’emblée, que, ainsi qu’il ressort de la lettre du 9 novembre 2012 du ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, le CACES n’est ni obligatoire ni exclusif et qu’il peut coexister avec d’autres moyens permettant aux employeurs de se conformer à leurs obligations en matière de contrôle des connaissances et des savoir-faire des travailleurs, dès lors qu’ils répondent aux conditions de qualité permettant de satisfaire aux obligations réglementaires de formation.

129    En outre, aucun des arguments, ni des éléments de preuve avancés par les requérants ne prouve que la République française est à l’origine d’une action de promotion des formations conduisant à l’obtention du CACES au détriment des formations PCE laissant supposer un caractère obligatoire du CACES.

130    Premièrement, ainsi que la Commission le fait observer, les circulaires administratives du ministère de l’Emploi et de la Solidarité, qui, selon les requérants, ont été délivrées pour légitimer auprès des différents acteurs sociaux le recours aux seules formations conduisant à l’obtention du CACES, ont été adoptées bien avant la date de création des formations PCE, à savoir douze ans plus tôt. Par ailleurs, ainsi que la Commission le souligne, les requérants ne contestent pas que la circulaire de 1999 soit caduque.

131    Deuxièmement, ainsi qu’il ressort du considérant 25 de la décision attaquée, les recommandations de la Cnamts sont des « règles de l’art » qui définissent et regroupent les bonnes pratiques de prévention des risques professionnels liés à l’exercice de l’activité relevant de leur champ d’application. Elles ne revêtent pas un caractère obligatoire. Les requérants ne sauraient donc faire valoir que, par ces recommandations, dépourvues de caractère contraignant, la Cnamts « impose ses [formations conduisant à l’obtention du CACES] à l’ensemble du secteur ». De même, aucune confirmation du caractère prétendument obligatoire desdites recommandations ne saurait être tirée de la fiche de l’Institut national de recherche et de la sécurité (INRS) produite en annexe à la requête. En effet, cette dernière se borne à constater que le CACES repose sur six recommandations de la Cnamts, sans se prononcer sur leur valeur contraignante.

132    Troisièmement, s’agissant du prétendu contrôle effectué par la CNAMTS et du prétendu pouvoir de sanction exercé par cette dernière au regard des employeurs ne recourant pas aux formations conduisant à l’obtention du CACES, il convient de relever, tout d’abord, que, selon l’article portant sur les recommandations soumis en annexe à la requête, l’objet d’une possible sanction est le manquement aux dispositions générales de prévention applicables à l’ensemble des employeurs, homologuées par les autorités compétentes sur la base de l’article L.422-4 du code de la sécurité sociale. Ensuite, les annexes D 1 à D 3 (voir point 74 ci-dessus) prouvent le fait que les formations PCE ne correspondent pas, en termes de qualité et de sécurité, aux formations conduisant à l’obtention du CACES.

133    Quatrièmement, s’agissant de la prétendue contre‑information ressortant du site Internet du ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, il convient de constater, d’une part, que la page du site Internet dudit ministère a été publiée en 2009, à savoir avant la création des formations PCE. D’autre part, elle ne comporte aucune mention indiquant une obligation ou une exclusivité au profit des formations conduisant à l’obtention du CACES. Dès lors, ladite page ne prouve en rien que ledit site Internet promeut ces dernières formations et influence les OPCA dans leur choix de ne pas rembourser les formations PCE.

134    En outre, d’une part, il convient de relever que la fiche pratique de sécurité de l’INRS produite en annexe à la requête est une fiche d’information dépourvue de toute valeur contraignante. D’autre part, elle ne fait pas usage d’un vocabulaire susceptible de faire accroire que les formations conduisant à l’obtention du CACES sont obligatoires et sont les seules formations valables. En effet, elle se limite à constater que le CACES est un bon moyen de s’assurer des connaissances et du savoir-faire du conducteur préalablement à la délivrance de l’autorisation de conduite.

135    Cinquièmement, s’agissant de l’allégation des requérants selon laquelle la Carsat diffuse des informations erronées véhiculant l’idée que seul le CACES est une « formation valable », il convient de relever que, contrairement à ce que les requérants prétendent, la Carsat ne véhicule pas l’information selon laquelle le CACES est une formation obligatoire, mais simplement l’information selon laquelle les formations PCE ne permettent pas la délivrance d’une autorisation de conduite des engins dangereux de la part d’un employeur. Par ailleurs, il convient de souligner que, à aucun moment de la procédure, ni lors de la phase écrite, ni pendant l’audience, les requérants n’ont apporté d’éléments de preuve, ni donné des informations précises visant à indiquer le nombre de travailleurs qui, après avoir suivi une des formations PCE, ont obtenu, par leur employeur, l’autorisation à conduire les engins du chantier.

136    Sixièmement, s’agissant des fiches du ROME de Pôle emploi, force est de constater qu’elles n’imposent pas le CACES, ni ne laissent penser que ce dernier est obligatoire. Elles se limitent à préciser que, pour accéder à l’emploi en cause, un ou plusieurs CACES « peuvent » être requis.

137    Septièmement, s’agissant de l’argument des requérants selon lequel, dans des dossiers particuliers de demande d’intervention, les OPCA sollicitent l’autorisation de la DGEFP pour savoir si elles peuvent rembourser la formation, force est de constater que la lettre d’un d’entre eux du 11 avril 2013, produite en annexe à la requête ne fait que confirmer que la décision de remboursement d’une formation professionnelle, telle qu’une des formations PCE, est une décision qui revient à chaque OPCA. Par ailleurs, il ressort de ladite lettre, ainsi que de la lettre de la DGEFP du 23 mars 2013, produite en annexe à la requête, que la DGEFP avait simplement confirmé que la formation PCE était, en principe, imputable, l’appréciation concernant la conformité de ladite formation aux conditions de prise en charge revenant à l’OPCA.

138    Il en découle que les requérants ne sauraient s’appuyer sur les éléments mentionnés aux points 130 à 137 ci‑dessus pour faire valoir que la République française et ses différentes entités administratives seraient à l’origine d’une désinformation visant à influencer le choix des OPCA quant aux formations à rembourser.

139    Par ailleurs, les requérants n’apportent pas non plus la preuve du fait que le refus opposé par les OPCA d’accorder un remboursement aux formations PCE serait la conséquence de la contre‑information prétendument mise en œuvre par la République française en faveur des formations conduisant à l’obtention du CACES. En effet, il ressort de l’examen des documents soumis par ces derniers en annexe à la requête que ledit refus est motivé par la constatation que les formations PCE ne correspondent pas aux conditions de prise en charge et, notamment, aux critères de qualité, définis par les OPCA tels que la durée minimale de 14 heures et le fait que ladite formation ne débouche ni sur un test, ni sur un certificat délivré par un testeur appartenant à un organisme certifié. Dès lors, c’est à bon droit que, dans la décision attaquée, la Commission a considéré que ces refus étaient motivés par des raisons intrinsèquement liées aux caractéristiques de ces dernières formations.

140    Partant, d’éventuels refus opposés par les OPCA d’accorder un remboursement aux formations PCE ne peuvent être pris en considération en tant qu’éléments prouvant une influence déterminante de la République française sur les décisions des OPCA de limiter leurs remboursements aux seules formations conduisant à l’obtention du CACES. En revanche, les documents produits par les requérants prouvent que le refus de rembourser les formations PCE est opposé par les OPCA à la suite d’un examen des conditions et de caractéristiques de ces formations. Par ailleurs, ainsi que les requérants eux‑mêmes l’admettent, tous les OPCA n’ont pas refusé de rembourser les formations PCE, certains OPCA ayant accepté de les rembourser.

141    Les requérants ne sauraient, par conséquent, tirer de ces éléments la preuve de l’influence de la République française dans l’adoption de la mesure en cause, à savoir la décision des OPCA de rembourser les formations conduisant à l’obtention du CACES au détriment des formations PCE.

142    Une telle conclusion ne saurait être remise en cause par l’exemple de l’OPCA de la fonction publique. En effet, contrairement à ce que les requérants prétendent, la fiche produite en annexe à la réplique ne prouve pas que l’OPCA en cause exige que les membres de la fonction publique passent le CACES, ni que les formations conduisant à l’obtention de ce certificat soient remboursées.

143    Dès lors, il convient d’écarter le deuxième argument en tant que non fondé.

iii) Sur le troisième argument

144    Les requérants estiment que la République française exerce une influence sur les décisions de remboursement adoptées par les OPCA. Dans le cadre de la réplique, ils se réfèrent à l’arrêt Société des carrières bretonnes c. Préfet de la Région Bretagne, rendu par la Cour d’appel administrative de Nantes le 2 juillet 2018 (ci-après l’« arrêt de la Cour d’appel de Nantes »). Cet arrêt annule l’arrêt du Tribunal administratif de Rennes du 16 décembre 2016 ainsi que la décision du préfet de la Région Bretagne qui, à la suite de contrôles effectués par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) de Bretagne, avaient obligé la société des carrières bretonnes à verser au Trésor public une somme forfaitaire correspondant au montant des dépenses relatives à une action de formation de la société qui lui avait été remboursée par une OPCA, au motif que le thème de cette formation n’était pas en adéquation avec le secteur d’activité de la branche professionnelle dont relevait la société.

145    Sur la base de l’arrêt de la Cour d’appel de Nantes, les requérants avancent, en substance, que, premièrement, les décisions de remboursement des formations adoptées par les OPCA sont soumises au contrôle de la République française par le biais de la DIRECCTE ou des préfets. Ledit contrôle serait exercé sur le fondement des articles L.6361-1 et suivants du code du travail. Deuxièmement, le cas échéant, ledit État annulerait les décisions de remboursement prises par les OPCA, en disposant un ordre de paiement au profit du Trésor public en vertu des articles L.6362-7 et L.6362-7-1 du même code. Troisièmement, nonobstant les interventions du préfet ou de la décision de l’OPCA, le droit au remboursement serait légalement acquis à toute « action de développement de compétence/action de formation », dès lors qu’elle entre dans le champ d’application des articles L.6311-1 et L.6313-3 dudit code sans qu’aucune autre condition soit imposée. Ces derniers articles primeraient donc sur l’article R.6332-16 de ce code selon lequel les OPCA fixent les services et les actions de formation susceptibles d’être pris en charge.

146    En outre, en ce qui concerne la prise en charge du remboursement des formations PCE, selon les requérants, il ressort de l’arrêt de la Cour d’appel de Nantes, que lesdites formations, étant des actions de formation reconnues, doivent légalement être remboursées par les OPCA, que les décisions des OPCA sont contrôlées par la République française et que la réglementation adoptée par décret pour fonder la mise en place des priorités de subventionnement décidées dans l’acte constitutif des OPCA est mise en œuvre et sanctionnée par l’administration, alors qu’elle est illégale.

147    La  Commission conteste tant la recevabilité que le bien-fondé des arguments des requérants.

148    À cet égard, il convient de constater que les arguments des requérants portant sur l’existence d’un contrôle que la République française exerce ex post sur les décisions de remboursement des formations adoptées par les OPCA en vertu de l’article L.6361-1 du code du travail, à les supposer recevables, sont en tout état de cause inopérants. En effet, la circonstance que des organismes ne peuvent pas utiliser des ressources à d’autres fins que celles prévues par le législateur, et que des autorités publiques contrôlent la légalité de l’utilisation des ressources, ne suffit pas à établir l’existence d’un contrôle public sur les fonds (voir, en ce sens, arrêt du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, points 79 et 80).

149    En tout état de cause, il convient de souligner, premièrement, que, selon l’article L.6361-3 du code du travail, le contrôle administratif et financier des dépenses et des activités de formation exercé par l’État, au sens de l’article L.6361-1 dudit code, porte sur l’ensemble des moyens financiers, techniques et pédagogiques, à l’exclusion des qualités pédagogiques, mis en œuvre pour la formation professionnelle continue. Dès lors, une décision de ne pas rembourser une formation adoptée par un OPCA pour des raisons portant sur les caractéristiques de la formation, telle que la décision des OPCA de ne pas rembourser les formations PCE (voir point 139 ci‑dessus), ne semble pas tomber dans le champ d’application dudit contrôle.

150    Deuxièmement, il convient de constater que l’arrêt de la Cour d’appel de Nantes porte sur un contrôle exercé non sur un OPCA, mais sur une entreprise ayant demandé à son propre OPCA le remboursement d’une formation qui, selon le préfet, ne correspondait pas aux conditions relatives aux actions de formation établies à l’article L.6311-1 du code du travail. Dès lors, ledit arrêt ne saurait être invoqué par les requérants afin de remettre en cause l’autonomie décisionnelle des OPCA, dès lors que ces derniers décident de rembourser les formations conduisant à l’obtention du CACES et non les formations PCE, ni afin de prouver que les fonds gérés par les OPCA en vue de ce remboursement sont soumis constamment au contrôle de la République française.

151    Troisièmement, s’agissant de l’argument des requérants tiré de l’arrêt de la Cour d’appel de Nantes selon lequel le droit au remboursement des OPCA est légalement acquis à toute « action de développement de compétence/action de formation », dès lors qu’elle entre dans le champ d’application des articles L.6311-1 et L.6313-3 du code du travail sans qu’aucune autre condition soit imposée, il convient d’observer que ledit arrêt ne reconnaît ni l’existence d’un droit au remboursement des actions de formation, conformément à ce qui a été relevé au point 107 ci-dessus, ni l’existence d’un mécanisme automatique prévu par la loi de remboursement de toutes les formations par les OPCA susceptible de priver ces derniers de leur pouvoir d’appréciation. Dès lors, cet arrêt ne saurait prouver un éventuel contrôle de la République française sur les décisions de remboursement adoptées par les OPCA.

152    Partant, il y a lieu de constater que ni l’argument des requérants portant sur le contrôle ex post que la République française exerce sur les décisions de remboursement des formations adoptées par les OPCA, ni leur argument tiré de l’arrêt de la Cour d’appel de Nantes concernant le droit au remboursement automatique par les OPCA, ne sont susceptibles de remettre en cause la conclusion de la Commission, figurant au considérant 128 de la décision attaquée, selon laquelle « les OPCA disposent d’une liberté de choix quant à la prise en charge d’une formation et [ledit] État n’intervient pas dans la décision de prise en charge ou de remboursement ».

153    Il en découle que le troisième argument doit être rejeté en tant que non fondé.

154    Les trois arguments avancés par les requérants ayant été écartés, il convient de constater que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a établi que la mesure en cause n’était pas imputable à la République française et que les ressources utilisées pour le financement de celle-ci ne demeuraient pas constamment sous contrôle public et donc à la disposition des autorités publiques.

155    Partant, il y a lieu de rejeter les premier et troisième griefs du premier moyen dans leur ensemble.

2)      Sur le deuxième grief, tiré de la prétendue contribution du FSE aux fonds des OPCA

156    Les requérants prétendent que le financement des OPCA n’est pas exclusivement effectué par les contributions des entreprises du secteur étant donné que des financements complémentaires seraient alloués aux OPCA par la République française. Selon eux, en plus des contributions obligatoires imposées par le code du travail, les fonds alloués par les OPCA pour la formation des travailleurs en entreprise sont partiellement constitués par le Fonds social européen (FSE).

157    La Commission conteste les arguments des requérants.

158    À cet égard, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que les extraits de sites Internet de certains OPCA, y compris Intergros et Constructys, produits en annexe à la requête afin d’étayer l’argument en cause, se bornent à prouver que certains OPCA ont mis en œuvre des partenariats afin de pouvoir bénéficier du soutien du fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) et du FSE pour certains projets spécifiques et en fonction d’appels à projet. Lesdits fonds ont donc été alloués au titre d’un projet spécifique. Dès lors, lesdits extraits ne prouvent pas que les ressources utilisées par les OPCA pour le financement des formations conduisant à l’obtention du CACES soient des fonds provenant du FSE. Lesdites formations ne figurent pas parmi les projets listés dans ces extraits ayant bénéficié de subventions au titre du FSE.

159    Il en découle que le deuxième grief du premier moyen doit être rejeté en tant que non fondé.

3)      Sur le quatrième grief, tiré de la non-conformité de la présente affaire à l’arrêt du 15 juillet 2004, Pearle e.a. (C345/02)

160    Les  requérants font valoir, en substance, que la décision attaquée méconnaît l’arrêt du 15 juillet 2004, Pearle e.a. (C‑345/02, EU:C:2004:448), dans lequel la Cour a tracé les limites du droit des aides d’État appliqué à des fonds professionnels, en indiquant que le revenu d’une cotisation obligatoire pour toutes les entreprises d’un secteur d’activité, collecté par un organe intermédiaire, ne pouvait pas être considéré comme ressource d’État si quatre conditions cumulatives étaient remplies.

161    En particulier, en estimant que lesdites conditions de l’arrêt du 15 juillet 2004, Pearle e.a. (C‑345/02, EU:C:2004:448), dont un cas d’application intéressant serait fourni par la décision C(2004) 3915 final de la Commission, du 20 octobre 2004, [NN 136/2003 – Belgique ; Fonds sectoriels belges, relative aux interventions des fonds sectoriels belge], ne sont pas remplies dans le cas d’espèce, les requérants font valoir que le remboursement par les OPCA des seules formations conduisant à l’obtention du CACES à l’exclusion des formations PCE est une mesure imputable à l’État impliquant un transfert de ressources d’État.

162    La Commission conteste les arguments des requérants.

163    À cet égard, il suffit de constater qu’il a été établi que la Commission n’a pas commis d’erreur dans son appréciation concernant, d’une part, l’imputabilité de la mesure en cause à la République française et, d’autre part, l’utilisation des ressources par lesquelles cette mesure est accordée (voir point 154 ci-dessus). Les arguments tirés de l’arrêt du 15 juillet 2004, Pearle e.a. (C‑345/02, EU:C:2004:448), ne remettant pas en cause cette conclusion, en ce qu’ils consistent notamment à soutenir que la République française aurait déterminé l’utilisation des ressources en cause, alors qu’il ressort de l’examen des premier et troisième griefs du premier moyen effectué aux points 106 à 154 ci‑dessus que les ressources utilisées par les OPCA pour le financement des formations CACES ne demeuraient pas constamment sous contrôle public, doivent être également rejetés.

164    Dès lors, il convient de rejeter le quatrième grief du premier moyen en tant que non fondé.

d)      Conclusion

165    Les quatre griefs avancés par les requérants afin de prouver que la mesure en cause constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ayant été écartés, il convient de rejeter le premier moyen comme étant non fondé, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens présentés par les requérants.

166    Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

C.      Sur la demande de réouverture de la phase orale de la procédure

167    Ainsi que cela a été rappelé au point 50 ci-dessus, par acte déposé au greffe du Tribunal le 20 juillet 2020, les requérants ont demandé au Tribunal de rouvrir la phase orale de la procédure en vertu de l’article 113, paragraphe 2, sous c), du règlement de procédure.

168    À l’appui de leur demande, les requérants ont fait valoir que des faits de nature à exercer une influence décisive sur la décision du Tribunal devaient encore être discutés, étant donné qu’ils n’avaient pas pu exposer certains arguments avant la clôture de la phase orale de la procédure. Ils soutiennent que l’allégation de la Commission, faite à l’audience en réponse à des questions posées par le Tribunal, selon laquelle les entreprises de cinquante salariés pouvaient verser les cotisations à la formation professionnelle sur un compte interne à l’entreprise, est erronée, car il ressortirait des dispositions pertinentes du code du travail ainsi que d’une note d’information rédigée par un expert-comptable que lesdites entreprises qui ne versaient pas leurs cotisations aux OPCA étaient tenues de payer au Trésor public une somme correspondant au double desdites cotisations.

169    En vertu de l’article 113, paragraphe 2, sous c), du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner la réouverture de la phase orale de la procédure lorsqu’une partie principale le demande, en se fondant sur des faits de nature à exercer une influence décisive sur sa décision qu’elle n’avait pas pu faire valoir avant la clôture de ladite phase orale.

170    Or, en l’espèce, d’une part, les requérants ont eu la possibilité de fournir les éléments sur lesquels se fondent leur demande de réouverture de la phase orale de la procédure avant la fin de celle-ci. Tel est notamment le cas des dispositions du code du travail, dont le sens et la portée ont été débattus à l’audience et qui, au demeurant, figuraient dans la requête. Il en va de même de la note d’information du 4 juillet 2020 rédigée par un expert-comptable, qui aurait pu être produite à l’appui des arguments avancés dans la requête.

171    D’autre part, pour les motifs exposés aux points 100 à 105 ci-dessus, afin d’établir que la Commission aurait commis une erreur en considérant, dans la décision attaquée, que la mesure en cause n’était pas une aide d’État, il incombait aux requérants de démontrer que la République française exerçait une influence sur les ressources utilisées pour financer cette dernière, mais également que lesdites ressources demeuraient sous son contrôle constant. En outre, il ressort de l’examen effectué aux points 106 à 154 ci-dessus que les ressources utilisées par les OPCA pour le financement des formations CACES ne demeuraient pas constamment sous contrôle public. Or, la circonstance que les entreprises de cinquante salariés qui ne versaient pas leurs cotisations aux OPCA auraient été tenues de verser au Trésor public une somme correspondant au double desdites cotisations n’est pas susceptible d’infirmer cette conclusion. Partant, les éléments sur lesquels les requérants fondent leur demande de réouverture de la phase orale de la procédure ne sont pas susceptibles d’exercer une influence décisive sur la décision du Tribunal.

172    Dès lors, il y a lieu de rejeter la demande de réouverture de la phase orale de la procédure.

VI.    Sur les dépens

173    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      HB Consultant et M. Hacène Bezouaoui sont condamnés aux dépens.

Kanninen

Półtorak

Porchia

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 janvier 2021.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. van der Woude


Table des matières


I. Dispositions législatives nationales pertinentes

A. Sur la formation professionnelle

B. Sur la conduite d’engins de chantier

C. Sur les organismes paritaires collecteurs agréés par l’État (OPCA)

1. Conditions pour accéder au financement par les OPCA des actions de formation

2. Modalités de paiement des actions de formation par les OPCA

II. Antécédents du litige

III. Procédure administrative et décision attaquée

IV. Procédure et conclusions des parties

V. En droit

A. Sur la recevabilité du recours

B. Sur le fond

1. Sur la recevabilité des éléments de preuve produits par les requérants après la réplique

2. Sur l’objet du recours

3. Sur le premier moyen, tiré du fait que le remboursement des frais de formation conduisant à l’obtention du CACES implique l’utilisation de ressources d’État, fruit d’une mesure imputable à l’État

a) Observations liminaires

b) Éléments retenus dans la décision attaquée pour exclure que la mesure en cause constitue une aide d’État

c) Sur la portée du premier moyen

1) Sur les premier et troisième griefs, tirés respectivement du fait que la mesure en cause aurait été décidée et organisée par l’État et du fait que ce dernier interviendrait sur les décisions de remboursement adoptées par les OPCA

i) Sur le premier argument

ii) Sur le deuxième argument

iii) Sur le troisième argument

2) Sur le deuxième grief, tiré de la prétendue contribution du FSE aux fonds des OPCA

3) Sur le quatrième grief, tiré de la non-conformité de la présente affaire à l’arrêt du 15 juillet 2004, Pearle e.a. (C345/02)

d) Conclusion

C. Sur la demande de réouverture de la phase orale de la procédure

VI. Sur les dépens


*      Langue de procédure : le français.