Language of document : ECLI:EU:T:2024:330

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

29 mai 2024 (*)

« Obtentions végétales – Procédure de nullité – Octroi de la protection communautaire des obtentions végétales pour la variété de Sempervivum Belsemred1 – Nouveauté de la variété – Caractère distinct de la variété – Article 20, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) no 2100/94 – Articles 7 et 10 du règlement no 2100/94 – Charge de la preuve – Absence de preuve »

Dans l’affaire T‑77/23,

Jaw de Croon Holding BV, établie à Apeldoorn (Pays-Bas), représentée par Me T. Overdijk, avocat,

partie requérante,

contre

Office communautaire des variétés végétales (OCVV), représenté par Mme M. García-Moncó Fuente, M. F. Mattina et Mme O. Lamberti, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OCVV, intervenant devant le Tribunal, étant

Belgicactus, établie à Westerlo (Belgique), représentée par Me C. van den Heuvel, avocat,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva et M. P. Zilgalvis (rapporteur), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure, notamment les questions écrites du Tribunal aux parties et leurs réponses à ces questions déposées au greffe du Tribunal le 4 et le 6 décembre 2023,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Jaw de Croon Holding BV, demande l’annulation de la décision de la chambre de recours de l’Office communautaire des variétés végétales (OCVV) du 16 décembre 2022 (affaire A 24/2021) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 27 novembre 2015, l’intervenante, Belgicactus, a déposé une demande de protection communautaire des obtentions végétales auprès de l’OCVV, en vertu du règlement (CE) no 2100/94 du Conseil, du 27 juillet 1994, instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales (JO 1994, L 227, p. 1, ci-après la « demande de protection ») pour la variété Belsemred1 (ci-après la « variété contestée ») de l’espèce Sempervivum arachnoideum L. La demande de protection a été enregistrée sous le numéro 2015/2893.

3        L’OCVV a chargé le Bundessortenamt (Office fédéral des variétés végétales, Allemagne, ci-après l’« office d’examen ») de procéder à l’examen technique, conformément à l’article 55, paragraphe 1, du règlement no 2100/94 (ci-après l’« examen technique » ou « examen DHS »). Celui-ci a été notamment chargé d’examiner si la variété contestée était distincte des variétés les plus similaires dont l’existence était notoirement connue à la date du dépôt de la demande de protection communautaire des obtentions végétales, au sens de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2100/94, dont la variété Silberkarneol.

4        Le 23 novembre 2017, le Bundessortenamt a envoyé à l’OCVV le rapport technique final.

5        Le 19 mars 2018, l’OCVV a octroyé à l’intervenante la protection communautaire des obtentions végétales demandée, enregistrée sous le numéro 48565, pour la variété Belsemred1.

6        Le 28 octobre 2019, la requérante a introduit une demande en nullité de la protection communautaire des obtentions végétales accordée à l’intervenante, au titre de l’article 20 du règlement no 2100/94, au motif que la variété Belsemred1 ne remplissait pas les conditions de caractère distinctif et de nouveauté définies aux articles 7 et 10 dudit règlement. En particulier, la requérante a soutenu qu’une variété Sempervivum rouge, mutante de la variété Silberkarneol, identique ou similaire à la variété contestée existait depuis 2007 et était commercialisée en grandes quantités depuis environ 2009/2010. De même, elle a soutenu que l’examen technique de la variété contestée n’a pas été réalisé proprement dans la mesure où cet examen excluait le Sempervivum rouge qui était connu et dont les plants étaient commercialisés à tout le moins un an avant la demande de protection de la variété contestée.

7        Le 6 avril 2020, le Bundessortenamt a déposé des observations à la demande de l’OCVV en indiquant que la variété Silberkarneol a fait partie de l’examen technique de la variété contestée. Quant à la variété Sempervivum rouge, l’office d’examen a indiqué que cette dernière ne pouvait pas être trouvée au moyen des sources disponibles, y compris les experts et Internet.

8        Par décision du 18 octobre 2021 (no NN28), l’OCVV a rejeté la demande en nullité au motif que la variété Belsemred1 répondait aux exigences de caractère distinctif et de nouveauté. En substance, celui-ci a considéré que les éléments de preuve soumis par la requérante, même considérés dans leur ensemble, n’étayaient pas de manière suffisante les arguments de cette dernière. Tandis que l’OCVV a considéré que les documents soumis étaient prima facie de nature à soulever des doutes sérieux quant à la validité de la variété contestée, la requérante n’était pas en mesure de remettre valablement en cause la légalité de la protection accordée à la variété contestée.

9        Le 17 décembre 2021, la requérante a formé un recours contre la décision de l’OCVV.

10      Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours aux motifs, premièrement, que l’OCVV n’avait pas violé les règles de procédure, deuxièmement, que l’OCVV avait correctement exercé son devoir d’instruction à la lumière de son pouvoir d’appréciation et, troisièmement, que la requérante n’avait pas été en mesure d’étayer suffisamment la nécessité d’un nouvel examen technique.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler ou infirmer la décision attaquée ;

–        enjoindre à l’OCVV de prononcer la nullité de la protection communautaire d’une obtention végétale accordée à la variété contestée ou, à titre subsidiaire, enjoindre à l’OCVV de recueillir des preuves supplémentaires sur les points à identifier par le Tribunal ;

–        condamner l’OCVV aux dépens.

12      L’OCVV conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens de la présente procédure, « des procédures antérieures ainsi que de toutes autres procédures, en ce compris les frais irrépétibles ».

14      Dans sa réponse aux questions posées par le Tribunal, la requérante a renoncé à son deuxième chef de conclusions.

 En droit

 Sur la recevabilité de l’annexe A.5 de la requête

15      L’OCVV soutient que le document produit en annexe A.5 de la requête devrait être considéré comme irrecevable dans la mesure où il n’était pas accessible à la chambre de recours au moment de la décision attaquée et où il est, en tout état de cause, non pertinent.

16      À cet égard, il convient de relever que le Tribunal est appelé à apprécier la légalité de la décision attaquée en contrôlant l’application du droit de l’Union européenne effectuée par la chambre de recours de l’OCVV eu égard, notamment, aux éléments de fait qui ont été soumis à ladite chambre, mais qu’il ne saurait, en revanche, effectuer un tel contrôle en prenant en considération des éléments de fait nouvellement produits devant lui. De même, dans le cadre de ce contrôle de légalité, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière de documents présentés pour la première fois devant lui [voir arrêt du 13 juillet 2017, Boomkwekerij van Rijn-de Bruyn/OCVV – Artevos (Oksana), T‑767/14, non publié, EU:T:2017:494, point 30 et jurisprudence citée].

17      Dans la mesure où le document figurant en annexe A.5 de la requête n’a pas été produit au cours de la procédure administrative devant la chambre de recours, il est présenté pour la première fois devant le Tribunal et doit de ce fait être déclaré irrecevable.

 Sur la recevabilité et la portée des moyens et des arguments invoqués par la requérante

18      L’OCVV relève un manque de précision dans l’identification de la base juridique et la portée des motifs invoqués par la requérante. La requête ne contiendrait aucune référence expresse à une base juridique, bien qu’elle soulèverait deux des motifs mentionnés à l’article 73 du règlement no 2100/94, à savoir la violation d’une forme substantielle et la violation du règlement no 2100/94, elle n’aurait invoqué que des arguments juridiques liés à la prétendue violation des exigences procédurales. De même, de l’avis de l’OCVV, la requête ferait référence à de nombreuses questions factuelles, aborderait des circonstances plutôt périphériques et entrerait dans une appréciation imprécise de certains éléments de preuve analysés dans la procédure devant la chambre de recours. En outre, l’OCVV soutient que l’utilisation par la requérante de l’expression « Sempervivum Red » pourrait donner l’impression qu’il s’agit d’une variété antérieure, alors que les allégations font référence à un matériel végétal générique et pas précisément décrit.

19      En l’espèce, il y a lieu de relever, ainsi qu’il ressort du point 6 de la requête, que la requérante fonde son recours sur deux moyens, d’une part, la violation des formes substantielles et, d’autre part, la violation du règlement no 2100/94 ou de toute règle de droit relative à son application, y compris le TUE et le TFUE. En même temps, seul le titre « violation des formes substantielles » apparaît par la suite. Sous ce titre, la requérante aborde, comme l’a relevé l’OCVV, quatre thèmes, à savoir, premièrement, les faits à prouver et la charge de la preuve, deuxièmement, la question de savoir si la requérante a apporté des preuves suffisantes de l’existence de sa variété Sempervivum rouge avant la date de dépôt de la variété contestée, troisièmement, la question de savoir si l’OCVV aurait dû organiser un second examen DHS et, enfin, quatrièmement, des points qui ne présentent aucun ou très peu d’intérêt dans le cadre d’un débat sur l’administration de la preuve. À plusieurs reprises la requérante se réfère à la violation des formes substantielles dans le cadre de son argumentation.

20      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure du Tribunal prévoit que la requête contient « l’objet du litige, les moyens et arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens ».

21      De même, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, la requête doit, notamment, contenir un exposé sommaire des moyens invoqués. Elle doit, de ce fait, expliciter en quoi consiste le moyen sur lequel le recours est fondé, de sorte que sa seule énonciation abstraite ne répond pas aux exigences du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et du règlement de procédure. De plus, cet exposé, même sommaire, doit être suffisamment clair et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l’appui. La sécurité juridique et une bonne administration de la justice exigent, pour qu’un recours ou, plus spécifiquement, un moyen du recours soient recevables, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ceux-ci se fondent ressortent de façon cohérente et compréhensible du texte même de la requête [arrêt du 4 octobre 2018, Blackmore/EUIPO – Paice (DEEP PURPLE), T‑344/16, non publié, EU:T:2018:648, point 59].

22      Ainsi, dans la mesure où la requérante invoque « une violation du règlement no 2100/94 ou de toute règle de droit relative à son appréciation, y compris le TUE et le TFUE », ce moyen est irrecevable en application de l’article 177, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure en raison de son caractère imprécis.

23      Toutefois, en vertu de la jurisprudence, il n’est pas exigé qu’une partie invoque expressément les dispositions sur lesquelles elle fonde les moyens qu’elle soulève. Il suffit que l’objet de la demande de cette partie ainsi que les principaux éléments de fait et de droit sur lesquelles la demande est fondée soient exposés dans la requête avec suffisamment de clarté [voir arrêt du 23 novembre 2017, Aurora/OCVV – SESVanderhave (M 02205), T‑140/15, EU:T:2017:830, point 38 et jurisprudence citée].

24      Or, en l’espèce, ainsi qu’il ressort de la requête, la requérante a regroupé ses arguments sous quatre thèmes (voir point 19 ci-dessus). Même si dans une large mesure, la requérante se limite à reproduire et à commenter les considérations de la chambre de recours, elle remet néanmoins en cause les appréciations contenues dans la décision attaquée relatives aux éléments de preuve qu’elle a apportés pour contester le caractère distinct et la nouveauté de la variété contestée.

25      Ainsi, force est de constater que les arguments avancés par la requérante ne portent pas uniquement sur les aspects procéduraux et, par conséquent, ne peuvent pas être appréciés uniquement dans le cadre du moyen tiré de la violation des formes substantielles, comme le suggère l’OCVV. De surcroît, dans sa réponse aux questions écrites posées par le Tribunal, la requérante conteste cette dernière affirmation de l’OCVV et soutient que ses arguments visent à la fois le respect des exigences procédurales essentielles et le bien-fondé de la décision attaquée.

26      Partant, il doit être considéré que la requérante invoque, en substance, deux moyens tirés, le premier, d’une violation des formes substantielles et, le second, d’une violation des articles 7 et 10 du règlement no 2100/94.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation des formes substantielles

27      La requérante allègue une violation des formes substantielles par la chambre de recours à plusieurs reprises. Ainsi, elle estime que le raisonnement et la motivation de la chambre de recours avancés dans la décision attaquée pour expliquer pourquoi les éléments de preuve ont été jugés insuffisants et non convaincants sont « à ce point viciés qu’il conviendrait d’y voir une violation des formes substantielles ».

28      Plus particulièrement, la requérante fait valoir que la chambre de recours ne pouvait pas négliger le fait incontesté que la requérante n’aurait jamais été en mesure de se constituer un stock de 50 000 plants en 2018 si elle s’était procuré un ou plusieurs plants de la variété contestée lors de sa mise sur le marché en 2017 par l’intervenante. La circonstance que la chambre de recours ait négligé ce fait au motif qu’il était dénué de pertinence serait une autre raison pour laquelle le raisonnement et la motivation énoncés dans la décision attaquée emportent une violation des formes substantielles. En somme, elle estime que l’appréciation des éléments de preuve par la chambre de recours est synonyme d’un raisonnement et d’une motivation très imparfaits de la décision attaquée et, ce faisant, emporte une violation grave des formes substantielles.

29      En outre, la requérante soutient que les communications de l’OCVV avec A sont manifestement incompatibles avec le respect des formes substantielles. Selon elle, le respect des droits de la défense supposait, en cas de doute sur la véracité ou l’importance de la déclaration de A, que celui-ci soit invité à être entendu comme témoin en première instance ou par la chambre de recours. De même, les considérations de ladite chambre quant aux doutes au sujet de la véracité de la déclaration de A constituaient une violation flagrante des formes substantielles. Dans sa réponse aux questions posées par le Tribunal, la requérante a ajouté que, dans la mesure où elle a appris l’existence de ces communications uniquement au cours de l’audition devant la chambre de recours, elle n’a pas été en mesure de répondre dûment aux arguments de l’OCVV relatifs à la force probante de ces éléments.

30      L’OCVV et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

31      En l’espèce, il doit être relevé que, dans son moyen tiré de la violation des formes substantielles, la requérante allègue, d’une part, une violation de l’obligation de motivation et, d’autre part, une violation de ses droits de la défense. À cet égard, il convient de relever qu’un défaut ou une insuffisance de motivation relève de la violation des formes substantielles, au sens de l’article 263 TFUE (voir arrêt du 9 mars 2023, Les Mousquetaires et ITM Entreprises/Commission, C‑682/20 P, EU:C:2023:170, point 39 et jurisprudence citée). De même, le respect des droits de la défense constitue une forme substantielle (voir arrêt du 10 mai 2001, Kaufring e.a./Commission, T‑186/97, T‑187/97, T‑190/97 à T‑192/97, T‑210/97, T‑211/97, T‑216/97 à T‑218/97, T‑279/97, T‑280/97, T‑293/97 et T‑147/99, EU:T:2001:133, point 134 et jurisprudence citée).

32      S’agissant, en premier lieu, de l’obligation de motivation, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 75, première phrase, du règlement no 2100/94, les décisions de l’OCVV doivent être motivées. L’obligation de motivation ainsi établie a la même portée que celle consacrée à l’article 296 TFUE et répond au double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision [voir arrêt du 5 février 2019, Mema/OCVV [Braeburn 78 (11078)], T‑177/16, EU:T:2019:57, point 43 et jurisprudence citée].

33      Par ailleurs, l’obligation de motivation peut être satisfaite sans qu’il soit nécessaire de répondre expressément et de manière exhaustive à l’ensemble des arguments soulevés par une partie requérante, pourvu que l’OCVV expose les faits et les considérations juridiques revêtant une importance essentielle dans l’économie de la décision [voir arrêt du 5 février 2019, Braeburn 78 (11078), T‑177/16, EU:T:2019:57, point 44 et jurisprudence citée].

34      À cet égard, force est de constater que la chambre de recours a procédé à une analyse exhaustive des éléments de preuve soumis par la requérante (voir points 54 à 72 de la décision attaquée) et a expliqué les raisons pour lesquelles, selon elle, ces éléments de preuve étaient insuffisants pour mettre valablement en cause la nouveauté et le caractère distinct de la variété contestée.

35      Partant, aucune insuffisance de motivation ne saurait être constatée en l’espèce. En effet, le raisonnement de la chambre de recours est présenté de façon claire et non équivoque, de manière à permettre à la requérante de connaître, à suffisance de droit, les justifications de la mesure prise.

36      Quant à l’allégation plus précise selon laquelle le rejet par la chambre de recours comme non pertinente de la circonstance selon laquelle la requérante n’aurait jamais été en mesure de se constituer un stock de 50 000 plants en 2018 si elle s’était procuré un ou plusieurs plants de la variété contestée lors de sa mise sur le marché en 2017 constituerait une autre raison pour laquelle le raisonnement et la motivation emporteraient une violation des formes substantielles, force est de constater que cette allégation porte sur le fond et non sur la motivation.

37      S’agissant, en second lieu, de la prétendue violation des droits de la défense, s’il est certes vrai que la requérante a appris uniquement au cours de la procédure devant la chambre de recours que l’OCVV avait contacté A pour obtenir des précisions, il n’en demeure pas moins qu’elle était en mesure de prendre position sur ces échanges lors de l’audition devant ladite chambre.

38      En tout état de cause, il doit être rappelé que les droits de la défense ne sont violés du fait d’une irrégularité procédurale que dans la mesure où celle-ci a eu une incidence concrète sur la possibilité pour les entreprises mises en cause de se défendre. Ainsi, le non-respect des règles en vigueur ayant pour finalité de protéger les droits de la défense n’est susceptible de vicier la procédure administrative que s’il est établi que celle-ci aurait pu aboutir à un résultat différent en son absence [voir arrêt du 21 avril 2021, Hasbro/EUIPO – Kreativni Dogadaji (MONOPOLY), T‑663/19, EU:T:2021:211, point 123 et jurisprudence citée]

39      Or, en l’espèce, la requérante ne fait état d’aucun fait ni ne présente aucun argument de nature à démontrer que, si elle avait été consultée par l’OCVV sur les échanges que ce dernier a eu avec A, la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent.

40      Par conséquent, le grief tiré de la violation des droits de la défense de la requérante ne saurait prospérer.

41      Au vu des considérations qui précèdent, le premier moyen tiré de la violation des formes substantielles doit être rejeté.

 Sur le second moyen, tiré d’erreurs d’appréciation de la nouveauté et du caractère distinct de la variété contestée

42      Les arguments de la requérante qu’elle a regroupés autour de quatre thèmes constituent les quatre branches du présent moyen.

 Sur la première branche, relative aux éléments à prouver et à la charge de la preuve

43      La requérante fait valoir qu’il ressort de la décision attaquée qu’elle devait, dans la mesure du possible, prouver que les conditions énoncées aux articles 7 et 10 du règlement no 2100/94 n’étaient pas remplies au moment de la demande de protection communautaire de la variété contestée. À cet égard, elle reconnaît avoir développé, devant la chambre de recours, deux argumentations selon lesquelles soit la variété contestée était identique à celle de Sempervivum rouge et il n’existerait aucune autre variété notoirement connue, soit ces deux variétés étaient toutes les deux des mutantes de la variété libre Silberkarneol. Toutefois, selon la requérante, l’identité entre la variété Sempervivum rouge et la variété contestée était déjà reconnue par la titulaire de cette dernière, ce que la chambre de recours aurait négligé. Ainsi, il ne serait plus nécessaire de prouver que les deux variétés ne sont pas distinctes en ce qu’elles proviennent de la variété libre Silberkarneol. Partant, selon la requérante, le seul point à prouver serait celui de savoir si elle a apporté des preuves suffisantes de l’existence de la variété Sempervivum rouge avant la date de dépôt de la demande de protection.

44      L’OCVV et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

45      S’agissant, premièrement, des conditions de protection des obtentions végétales, il convient de rappeler que l’OCVV, lorsqu’il est saisi d’une demande de protection communautaire des obtentions végétales, procède, d’une part, à un examen quant au fond, prévu par l’article 54 du règlement no 2100/94, au cours duquel il examine, notamment, s’il s’agit d’une variété nouvelle en vertu de l’article 10 dudit règlement et, d’autre part, à un examen technique, prévu par l’article 55 du même règlement, qui vise, quant à lui, à ce que le contrôle du respect des conditions de distinction, d’homogénéité et de stabilité énoncées aux articles 7 à 9 du même règlement soit effectué, dans au moins un des États membres, par le ou les organismes compétents (offices d’examen).

46      En ce qui concerne les procédures de nullité, il ressort de l’article 20, paragraphe 1, sous a), du règlement no 2100/94 que l’OCVV déclare la protection communautaire des obtentions végétales nulle et non avenue s’il est établi que les conditions énoncées à l’article 7 ou 10 de ce même règlement, n’étaient pas remplies au moment de l’octroi de la protection communautaire des obtentions végétales.

47      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2100/94, une variété est considérée comme distincte si elle se distingue nettement, par référence à l’expression des caractères qui résultent d’un génotype ou d’une combinaison de génotypes donnés, de toute autre variété dont l’existence est notoirement connue à la date de dépôt de la demande déterminée conformément à l’article 51.

48      En ce qui concerne le critère « notoirement connue », l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 2100/94 exige qu’une variété notoirement connue fasse l’objet d’une protection des obtentions végétales ou d’une demande de protection. Toutefois, ces conditions ne sont pas exhaustives [voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2008, Schräder/OCVV (SUMCOL 01), T‑187/06, EU:T:2008:511, point 99]. Il ressort notamment du document TGP/3 « Varieties of Common knowledge » (page 5) de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV), une organisation intergouvernementale établie par la convention internationale pour la protection des obtentions végétales, adoptée à Paris le 2 décembre 1961, à laquelle l’Union est partie depuis le 29 juillet 2005, que les variétés peuvent être notoirement connues lorsqu’elles sont incluses dans les collections de plantes publiquement accessibles telles que dans des jardins botaniques à condition toutefois que le matériel soit connu et qu’il constitue une variété conformément à la définition de l’UPOV.

49      Quant au critère de la nouveauté, il ressort de l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement no 2100/94 qu’une variété est considérée comme nouvelle si, sur le territoire de l’Union, depuis plus d’un an à compter de la date du dépôt de la demande déterminée conformément à l’article 51, les constituants variétaux ou un matériel de récolte de la variété n’ont pas été vendus ou cédés d’une autre manière à des tiers par l’obtenteur ou avec son consentement, au sens de l’article 11, aux fins de l’exploitation de la variété.

50      S’agissant, deuxièmement, du contrôle juridictionnel, il convient de relever que l’article 73 du règlement no 2100/94 prévoit que le Tribunal est appelé à apprécier la légalité des décisions des chambres de recours de l’OCVV, en contrôlant l’application du droit de l’Union effectuée par celles-ci eu égard, notamment, aux éléments de fait qui leur ont été soumis. Ainsi, le Tribunal peut se livrer à un entier contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OCVV, au besoin en recherchant si ces chambres ont donné une qualification juridique exacte aux faits du litige ou si l’appréciation des éléments de fait qui ont été soumis auxdites chambres n’est pas entachée d’erreurs (voir arrêt du 19 décembre 2012, Brookfield New Zealand et Elaris/OCVV et Schniga, C‑534/10 P, EU:C:2012:813, points 39 et 40 et jurisprudence citée).

51      En ce qui concerne l’intensité du contrôle juridictionnel, il ressort de la jurisprudence que, lorsque les constatations et appréciations factuelles opérées par la chambre de recours sont le résultat d’appréciations complexes relevant du domaine de la botanique ou de la génétique, exigeant une expertise ou des connaissances scientifiques ou techniques particulières, le contrôle opéré par le Tribunal est celui de l’erreur manifeste d’appréciation (arrêts du 15 avril 2010, Schräder/OCVV, C‑38/09 P, EU:C:2010:196, point 77, et du 19 novembre 2008, SUMCOL 01, T‑187/06, EU:T:2008:511, points 59 à 63). Tel est le cas, par exemple, pour le contrôle de l’appréciation du caractère distinct d’une variété, au regard des critères énoncés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 2100/94 (arrêt du 19 novembre 2008, SUMCOL 01, T‑187/06, EU:T:2008:511, point 63).

52      En revanche, s’agissant d’appréciations factuelles qui ne présentent pas de complexité scientifique ou technique particulière, il ressort de la jurisprudence que le Tribunal procède à un contrôle de légalité entier (arrêts du 15 avril 2010, Schräder/OCVV, C‑38/09 P, EU:C:2010:196, point 77, et du 19 novembre 2008, SUMCOL 01, T‑187/06, EU:T:2008:511, point 65). Ainsi, il a été jugé que l’examen de la question de la nouveauté de la variété candidate n’exige pas d’expertise ou de connaissances techniques particulières (arrêt du 13 juillet 2017, Oksana, T‑767/14, non publié, EU:T:2017:494, point 72). Il en va de même en ce qui concerne l’appréciation de l’existence d’une variété notoirement connue, au regard des critères énoncés à l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 2100/94, laquelle n’exige pas d’expertise ou de connaissances techniques particulières et ne présente aucune complexité susceptible de justifier une limitation de l’étendue du contrôle juridictionnel (arrêt du 19 novembre 2008, SUMCOL 01, T‑187/06, EU:T:2008:511, point 65).

53      S’agissant, troisièmement, de la charge de la preuve, il doit être rappelé que, conformément à l’article 53 bis, paragraphe 2, du règlement (CE) no 874/2009 de la Commission, du 17 septembre 2009, établissant les modalités d’application du règlement no 2100/94 en ce qui concerne la procédure devant l’OCVV (JO 2009, L 251, p. 3), la demande introduite auprès de l’OCVV en vue de l’ouverture de la procédure de nullité, visée à l’article 20 du règlement no 2100/94, est accompagnée d’éléments probants et factuels faisant naître des doutes sérieux quant à la validité du droit à la protection communautaire.

54      Ainsi, la partie réclamant la déclaration de nullité d’une protection communautaire des obtentions végétales doit apporter des éléments de preuve et de fait substantiels susceptibles de fonder des doutes sérieux quant à la légalité de la protection des obtentions végétales accordée à la suite de l’examen prévu aux articles 54 et 55 du règlement no 2100/94 [voir arrêt du 24 septembre 2019, Pink Lady America/OCVV – WAAA (Cripps Pink), T‑112/18, EU:T:2019:679, point 48 et jurisprudence citée].

55      Par conséquent, dans le cadre du recours introduit contre la décision attaquée, il appartient à la requérante de démontrer que, eu égard aux faits et aux preuves relatifs à l’examen technique et au fond qu’elle a mis en avant devant l’OCVV, celui-ci était dans l’obligation de procéder au contrôle prévu à l’article 20, paragraphe 1, sous a), du règlement no 2100/94 (arrêt du 21 mai 2015, Schräder/OCVV, C‑546/12 P, EU:C:2015:332, point 58).

56      Il n’en demeure pas moins que l’article 76 du règlement no 2100/94 prévoit que, au cours de la procédure engagée devant lui, l’OCVV procède d’office à l’instruction des faits, dans la mesure où ceux-ci font l’objet de l’examen prévu aux articles 54 et 55 du même règlement. Il écarte les faits qui n’ont pas été invoqués ou les preuves qui n’ont pas été produites dans le délai fixé par lui.

57      Cette disposition est une expression du devoir de bonne administration, en vertu duquel la chambre de recours est tenue d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments de fait et de droit pertinents du cas d’espèce [voir arrêt du 11 avril 2019, Kiku/OCVV – Sächsisches Landesamt für Umwelt, Landwirtschaft und Geologie (Pinova), T‑765/17, non publié, EU:T:2019:244, point 32 et jurisprudence citée].

58      Par ailleurs, l’OCVV dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant à l’annulation d’une protection végétale, au sens de l’article 20 du règlement no 2100/94, dans la mesure où la variété protégée a fait l’objet de l’examen exposé au point précédent. Ce sont donc seulement des doutes sérieux quant au fait que les conditions énoncées notamment à l’article 10 de ce règlement étaient remplies à la date de l’examen prévu aux articles 54 et 55 dudit règlement qui sont susceptibles de justifier un réexamen de la variété protégée par la voie de la procédure de nullité sur le fondement de l’article 20 du règlement no 2100/94 (voir arrêt du 11 avril 2019, Pinova, T‑765/17, non publié, EU:T:2019:244, point 33 et jurisprudence citée).

59      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante.

60      Dans un premier temps, il convient de déterminer si la requérante a rapporté la preuve, qui lui incombe en vertu de la jurisprudence rappelée au point 54 ci-dessus, de l’existence de doutes sérieux concernant la légalité de la protection communautaire accordée à la variété contestée et si, le cas échéant, l’OCVV a satisfait son obligation d’instruction d’office des faits.

61      À cet égard, il doit être relevé que, après que les éléments de preuve apportés par la requérante à l’appui de la demande en nullité de la variété contestée ont fait naître des doutes sérieux quant à la validité de cette variété, l’OCVV a également rempli son obligation d’instruction d’office des faits, ainsi qu’il ressort des points 40 à 53 de la décision attaquée.

62      En effet, l’OCVV a contacté l’office d’examen, qui a expliqué les circonstances d’examen technique de la variété contestée en indiquant que la variété Silberkarneol avait été incluse dans l’examen DHS de la variété contestée, mais que cette dernière avait été considérée comme distincte de la variété Silberkarneol. Quant à la variété Sempervivum rouge, l’experte de l’office d’examen a indiqué que celle-ci n’avait pas été incluse dans l’examen dans la mesure où une telle variété n’avait pas pu être trouvée sur Internet et n’était pas mentionnée par les spécialistes de la variété Sempervivum. De plus, l’OCVV a également contacté A pour obtenir davantage de précisions.

63      En outre, bien qu’il s’agisse d’autres procédures, à savoir l’examen technique des variétés similaires dans le cadre des demandes de protection nos 2019/3083 et 2019/3271, la décision attaquée rappelle que la requérante a été invitée à soumettre à l’office d’examen « l’ensemble de ses variétés ». Or, même s’il y a lieu de tenir compte de l’existence d’un malentendu entre le propriétaire, le directeur de la requérante et l’experte de l’office d’examen, la variété Sempervivum rouge ne figurait pas parmi les 17 variétés soumises. Enfin, le propriétaire et le directeur de la requérante ont été autorisés à assister à l’examen DHS des variétés demandées dans les procédures nos 2019/3083 et 2019/3271.

64      Il y a lieu d’ajouter que si l’existence de doutes sérieux quant à la légalité de la protection communautaire des obtentions végétales accordée à la variété contestée a justifié un réexamen de ladite variété dans le cadre de la procédure de nullité, cette circonstance est sans incidence sur la possibilité pour l’OCVV ou la chambre de recours de rejeter la demande en nullité (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2019, Cripps Pink, T‑112/18, EU:T:2019:679, point 50).

65      Au vu de tout ce qui précède, l’OCVV s’est acquitté de l’obligation procédurale qui lui incombe.

66      Dans un second temps, il convient d’identifier les éléments de preuve que la requérante devait produire au soutien des motifs de nullité invoqués.

67      À cet égard, la requérante soutient qu’il n’était pas nécessaire de fournir la preuve que la variété contestée et la variété Sempervivum rouge étaient toutes les deux des mutantes de la variété libre de Silberkarneol étant donné que l’intervenante a reconnu que ces variétés étaient identiques.

68      À supposer que l’argument de la requérante doive être compris comme consistant à soutenir que, dans la mesure où l’identité, une des conditions de l’application de l’article 10 du règlement no 2100/94, a été démontrée, il n’était plus nécessaire de démontrer l’existence des motifs de nullité visés à l’article 7 du même règlement, il n’en demeure pas moins que ce second motif de nullité a été soulevé à titre subsidiaire, ainsi que l’a soutenu la requérante dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de considérer, comme le soutient l’OCVV, que la requérante a implicitement renoncé au motif de nullité visé à l’article 7, du règlement no 2100/94.

69      Pour rappel, en ce qui concerne le motif de nullité visé à l’article 7 du règlement no 2100/94, tiré de l’absence de caractère distinct, afin qu’une variété enregistrée puisse être déclarée nulle, elle doit non seulement ne pas être distincte d’une autre variété, mais cette autre variété doit aussi être notoirement connue à la date du dépôt de la demande de protection de la variété enregistrée dont la validité est contestée. Quant au motif de nullité visé à l’article 10, paragraphe 1, du même règlement, tiré de l’absence de nouveauté, le demandeur en nullité doit démontrer non seulement l’identité entre les deux variétés, mais également la cession de cette variété avant la date de priorité mentionnée cette disposition, soit plus d’un an avant l’introduction de la demande de protection lorsque l’exploitation de la variété s’effectue sur le territoire de l’Union.

70      Bien que la chambre de recours, dans la décision attaquée, n’ait pas procédé une appréciation séparée des critères du caractère distinct et de la nouveauté de la variété contestée, elle a néanmoins validé l’appréciation de l’OCVV ayant examiné les éléments de preuve apportés par la requérante au soutien des deux motifs de nullité (voir points 54 à 71 de la décision attaquée).

71      S’agissant du caractère distinct, l’OCVV a considéré que les éléments de preuve soumis par la requérante renvoyaient à peine à une seule variété, dans la mesure où les images soumises comportaient différentes dénominations (Sempervivum root, Sempervivum autres, Orange Kerkdriel etc.) et où les preuves ne comportaient pas de description officielle ou fiable pour tout autre motif. Sur la base des documents fournis, l’OCVV soutient ne pas être en mesure d’examiner si la variété contestée est identique à la prétendue variété antérieure étant donné que les caractéristiques de cette dernière n’ont pas été clairement et suffisamment identifiées. De même, selon l’OCVV, les éléments de preuve soumis ne démontraient pas le caractère notoirement connu de la prétendue variété antérieure. À cet égard, en se référant à l’article 5 du document TGP/3.2 définissant les variétés notoirement connues, l’OCVV a considéré que les éléments de preuve soumis par la requérante étaient insuffisants pour établir l’ensemble des caractéristiques de la prétendue variété antérieure. De surcroît, la requérante n’a pas produit d’exemplaire de cette variété lorsqu’elle en avait la possibilité. De l’avis de l’OCVV, la requérante n’a pas identifié une variété notoirement connue précise qui ne serait pas distincte de la variété contestée.

72      En ce qui concerne l’absence de nouveauté de la variété contestée, l’OCVV a relevé que les allégations de la requérante à cet égard qui se recoupent avec celles relatives à l’absence du caractère distinct de la variété contestée, n’étaient pas davantage soutenues par des documents convaincants. Il a notamment indiqué que l’identification du matériel commercialisé n’était pas précise. En outre, l’OCVV a soutenu que l’argumentation de la requérante était fondée sur l’hypothèse selon laquelle toutes les variétés commercialisées étaient les mêmes que la variété contestée. Or, ceci n’aurait pas été démontré par les éléments de preuve soumis.

73      Dans le cadre de la présente branche, la requérante avance également que l’engagement d’une procédure en contrefaçon au titre de l’article 94, du règlement no 2100/94 impliquant que le titulaire de la variété protégée reconnaisse que sa variété est identique ou quasiment identique à la variété constituant une contrefaçon est suffisant pour établir l’identité entre ces deux variétés aux fins d’application de l’article 10 du même règlement dans une procédure de nullité en vertu de l’article 20, paragraphe 1, de ce règlement.

74      À cet égard, il doit être relevé que tant la chambre de recours que l’OCVV considèrent que l’identité ne pouvait pas découler de l’affirmation des parties ou d’une absence de contestation. La chambre de recours a notamment indiqué que l’identification de la variété prétendument identique n’était que la première étape de l’examen et que l’étape suivante consistait à établir que cette variété était véritablement en circulation avant la date pertinente. Quant à la position de la requérante selon laquelle l’identité entre les variétés Sempervivum rouge et Belsemred1 n’avait jamais été mise en cause et qu’elle savait qu’elles étaient identiques, ladite chambre a précisé que la requérante ne pouvait pas se contenter de présumer que l’OCVV considérerait ce fait comme établi. De surcroît, au point 74 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que la reconnaissance de l’identité des variétés n’éclairerait en aucune manière la question de savoir si la requérante aurait pu vendre ce qui, in fine, deviendrait la protection communautaire d’obtention végétale enregistrée avant sa date de priorité.

75      À cet égard, il y a lieu de considérer que l’identité de deux variétés aux fins d’application de l’article 10 du règlement no 2100/94 est une notion objective nécessitant une démonstration par des éléments de preuve appropriés. Dès lors, une éventuelle reconnaissance par les parties de l’identité existant entre deux plantes ne saurait dispenser l’OCVV de l’appréciation de cette question.

76      Certes, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 13 juillet 2017, Oksana (T‑767/14, non publié, EU:T:2017:494), le Tribunal a jugé que la chambre de recours avait démontré que les variétés en cause étaient identiques, en tenant notamment compte de la circonstance selon laquelle l’obtenteur avait implicitement lui-même admis que la variété commercialisée par le demandeur en nullité était identique à la variété candidate. Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal s’est fondé sur des lettres par lesquelles l’obtenteur qui s’était fondé sur la protection de ses droits d’auteur, avait demandé au demandeur en nullité de cesser toute production de la variété commercialisée par celui-ci. Cette circonstance peut être jugée comparable à celle de l’espèce comme le soutient également la requérante.

77      Il n’en demeure pas moins que, ainsi qu’il ressort des points 79 à 82 de l’arrêt du 13 juillet 2017, Oksana (T‑767/14, non publié, EU:T:2017:494), la reconnaissance de l’identité de deux variétés n’était pas le seul élément fondant la conclusion de la chambre de recours qui a été validée par le Tribunal. En effet, il ressort du point 79 de cet arrêt que la chambre de recours s’est fondée sur l’appréciation de l’office d’examen qui avait reconnu l’identité des variétés en cause. Ainsi, la reconnaissance de l’identité de deux variétés par le titulaire de la variété candidate n’a fait que corroborer l’appréciation de l’office d’examen.

78      En revanche, en l’espèce, quand bien même il conviendrait de considérer que l’engagement d’une procédure en contrefaçon par la titulaire de la variété contestée emporterait reconnaissance de l’identité de deux variétés, une telle reconnaissance serait uniquement susceptible de corroborer des preuves objectives. Or, la requérante n’a pas apporté de telles preuves en l’espèce.

79      En outre, il ressort de la jurisprudence que, conformément à l’article 10 du règlement no 2100/94, il y a uniquement lieu d’avoir égard aux ventes ou aux cessions envers des tiers, par l’obtenteur ou avec son consentement, aux fins de l’exploitation de la variété avant la date de priorité, lesquelles sont destructrices de nouveauté (voir, en ce sens, arrêt du 24 septembre 2019, Cripps Pink, T‑112/18, EU:T:2019:679, point 83). Or, en l’espèce, aucune des actions alléguées par la requérante n’incombe à l’obtenteur de la variété, à savoir l’intervenante. En réalité, la requérante soutient que l’intervenante a demandé la protection d’une variété utilisée librement par un grand nombre de cultivateurs et non pas que l’intervenante avait cédé la variété contestée avant la date de priorité visée à l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement no 2100/94.

80      Il s’ensuit que la chambre de recours était fondée à soutenir qu’elle ne pouvait pas se fier aux affirmations de la requérante et que, par conséquent, il incombait à cette dernière d’apporter la preuve de l’identité des variétés en cause.

81      Partant, il convient d’écarter la présente branche.

 Sur la deuxième branche, portant sur le caractère probant des éléments de preuve soumis par la requérante

82      La requérante estime avoir prouvé l’existence antérieure de sa variété Sempervivum rouge et, en particulier, que, depuis 2013, elle cultivait cette variété en quantités importantes et croissantes. De même, elle avance que, au vu du grand nombre et de la diversité des preuves produites, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle ces preuves étaient insuffisantes et non convaincantes ne serait pas « concluante » et serait « incompréhensible ». D’après la requérante, l’ensemble des preuves présentées concernerait le commerce de dizaines de milliers de plantes avant le dépôt de la demande de protection de la variété contestée. Toutes les preuves seraient corroborées par des factures, des photographies avec authentification des données, des dépositions de témoins et des déclarations émanant de sources indépendantes. Il découlerait de la combinaison des éléments produits et de l’identité incontestée des variétés Sempervivum rouge et Belsemred1 que la première devait être considérée comme une variété notoirement connue.

83      En particulier, la requérante soutient que les annexes 1-1, 2, 3 et 4 de la demande en nullité démontrent qu’elle cultivait et commercialisait des plantes Sempervivum de couleur rouge corail unie. Or, la chambre de recours n’aurait accordé aucune ou presque aucune valeur probante à ces éléments. S’agissant des photographies, la requérante fait valoir qu’elles peuvent avoir une certaine valeur probante en ce qu’elles corroborent l’affirmation et les dépositions des témoins selon lesquelles la variété Sempervivum rouge a été reproduite et vendue sans modifications pendant de nombreuses années avant la date de dépôt de la demande de protection de la variété contestée. Ainsi, au moyen des annexes 1-3, 2-2, 4 et 5 de sa demande en nullité, ainsi que des annexes 3 et 5 de son mémoire exposant les motifs du recours, elle aurait démontré de manière manifeste que les photographies produites présentaient la même teinte rouge corail que la variété contestée. La fonction de ces photographies ne serait pas de prouver l’identité complète de tous les caractères phénotypiques pertinents.

84      S’agissant de la déclaration de A (annexe 1-1 de la demande en nullité), la requérante soutient qu’il en résulterait que l’origine de la variété Sempervivum rouge remonte à 2007-2008, lorsqu’elle a été trouvée ou sélectionnée en tant que mutation de la variété Silberkarneol. Cette information aurait été confirmée par une autre déclaration d’un témoin anonyme que la requérante a décidé de soumettre, dans la mesure où l’OCVV a estimé que la déclaration de A n’émanait pas d’une source indépendante. Ce serait une raison valable pour compléter des preuves et en soi ne devrait pas discréditer la déclaration du témoin anonyme. De même, il ressortirait du point 6 de la déclaration de A que sa société avait vendu 30 000 plants de Sempervivum rouge à différents clients, dont la requérante.

85      Par ailleurs, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir accordé l’attention voulue au fait que l’intervenante avait acheté des plants de Sempervivum rouge à la requérante en 2018. Lors de ces échanges, la requérante aurait indiqué qu’elle avait en stock 50 000 plants de Sempervivum rouge et qu’elle cultivait cette plante depuis 5 à 6 ans déjà. Selon elle, il s’agirait d’une preuve supplémentaire du fait qu’elle cultivait ladite variété. De surcroît, la requérante soutient que, si elle s’était procurée des plants de la variété contestée en 2017 lorsque l’intervenante l’avait mise sur le marché, elle n’aurait jamais été en mesure de constituer un stock de quelque 50 000 plants en 2018.

86      S’agissant du reproche de la chambre de recours relatif à la dénomination non constante de la variété, la requérante avance qu’elle a fourni une explication claire et réaliste de ces différences. De même, un éventuel intérêt parallèle de la société B pourrait justifier de faire preuve de prudence, mais ne serait pas une raison suffisante pour n’accorder pratiquement aucune valeur probante à cette déclaration.

87      En outre, la requérante met en exergue la difficulté d’obtenir les preuves. Premièrement, elle indique que les producteurs de Sempervivum ne se seraient jamais souciés de la question de savoir si les plantes qu’ils cultivent avaient le statut de variété et n’auraient pas cherché à protéger les variétés cultivées. Deuxièmement, la variété Sempervivum rouge corail aurait été cultivée par différents producteurs sous diverses dénominations pendant de nombreuses années, de sorte que, faute de dénomination uniforme, la documentation relative à des plantes préexistantes était rare. Enfin, troisièmement, la requérante soutient que l’office d’examen devait acquérir des connaissances sur l’espèce et constituer une collection de références à partir de rien.

88      L’OCVV et l’intervenante contestent les allégations de la requérante.

89      En l’espèce, il doit être relevé que la requérante a soumis, à l’appui de ses deux causes de nullité, un ensemble de preuves consistant en deux déclarations, des photographies, des factures et des listes de boutures que l’OCVV et la chambre de recours ont toutefois regardés comme étant insuffisants (voir points 55 à 70 de la décision attaquée).

90      En particulier, la chambre de recours a, aux points 55 et 56 de la décision attaquée, apprécié la déclaration de A (Annexe 1-1 de la demande en nullité) en précisant que de telles déclarations avaient, d’ordinaire, un rôle de soutien ou périphérique et n’avaient pas une nature probante décisive. De surcroît, selon ladite chambre, il était possible que le déclarant ait eu un intérêt, pour des raisons commerciales, à l’annulation de la variété contestée. Elle a notamment relevé qu’il ressortait de cette déclaration qu’une variété mutante rouge avait été vendue sur les plateaux et que son appellation était variable. Toutefois, la chambre de recours a considéré que ladite déclaration ainsi que ses annexes ne constituaient pas des preuves fiables, et ne contribuaient pas à l’identification précise de la variété mutante rouge prétendument identique à la variété contestée. Elle a notamment remarqué « le manque de cohérence » et « l’absence de confirmation par des documents fiables » alors même que le déclarant affirmait avoir commercialisé 30 000 plantes auprès d’obtenteurs reconnus sur un marché relativement sophistiqué.

91      À cet égard, il y a lieu de constater que, dans sa déclaration sous serment, A affirme, premièrement, que l’entreprise horticole B, dans laquelle il est associé, a cultivé des plantes Sempervivum depuis 1998 et que, à l’époque de la déclaration, à savoir en 2019, 150 000 unités de cette espèce ont été cultivées par cette entreprise. Deuxièmement, il soutient que, en 2007-2008 des mutations rouges de la variété rouge Silberkarneol ont été constatées. Ces variations étaient remarquables, dans la mesure où elles gardaient leur couleur rouge quand la saison était terminée alors que, habituellement, les plantes de la variété Silberkarneol qui mutaient facilement redevenaient vertes à la fin de la saison. Troisièmement, le déclarant soutient que, à partir de 2009 environ, l’entreprise avait accumulé des stocks suffisants du mutant rouge pour commercialiser annuellement environ 30 000 unités. Celles-ci ont été vendues à différentes sociétés dont la requérante. Certaines ont été vendues aux enchères, d’autres directement aux distributeurs. Quatrièmement, le déclarant confirme que la requérante a commencé à lui acheter de telles plantes en 2013. Il précise que l’entreprise vendait les plantes Sempervivum dans des plateaux mixtes étiquetés « Sempervivum Overig » (Sempervivum autres). Une photographie de ces plateaux mixtes a été jointe à sa déclaration (Annexe 1-3 de la demande en nullité). Cinquièmement, il affirme ne pas avoir donné un nom spécial à la mutation rouge et l’avoir simplement appelée Sempervivum rouge. De même, il trouve « incroyable » qu’une société souhaite obtenir, par le biais d’un enregistrement, un monopole sur une variété qui est commercialisée et connue depuis des années.

92      S’agissant de la valeur probante de la déclaration présentée par la requérante, il convient de rappeler que, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut d’abord vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue. Il faut alors tenir compte de l’origine du document, des circonstances de son élaboration, de son destinataire et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable. En outre, même lorsqu’une déclaration a été établie conformément à l’article 78, paragraphe 1, sous g), du règlement no 2100/94, elle ne saurait se voir attribuer une valeur probante, lorsqu’elle est établie par des personnes liées à la partie requérante, que si elle est corroborée par d’autres éléments de preuve (voir arrêt du 11 avril 2019, Pinova, T‑765/17, non publié, EU:T:2019:244, point 51 et jurisprudence citée).

93      Il y a donc lieu d’apprécier dans quelle mesure les affirmations de A, qui est lié à la requérante, ont été corroborées par d’autres éléments de preuve.

94      À cet égard, il doit être relevé que les factures soumises par la requérante corroborent en effet certaines affirmations contenues dans la déclaration sous serment, dans la mesure où il ressort, d’une part, de la facture émise par C datant du 1er mai 2013 (annexe 2-3 de la demande en nullité) que 5 400 unités du produit nommé « SEMP OV » et portant le numéro « 6792 » fournies par la société B ont fait l’objet d’enchères le 1er mai 2013 et, d’autre part, de la facture émise par C, ainsi que ses détails (annexes 5-2 et 5-3 de la demande en nullité) que 83 592 unités du produit « Sempervivum overig » et portant le numéro « 6792 » ont été vendues par la même société à la requérante le 24 avril 2014.

95      Quant aux photographies soumises par la requérante montrant soit un plateau de plantes Sempervivum mélangées (Annexes 1-3 et 2-2 de la demande en nullité) soit des plantations de ces plantes de couleur rouge (Annexes 4 et 5-1 de la demande en nullité), il doit être relevé, à l’instar de la chambre de recours, que ces éléments ont une faible valeur probante. Elles ne comportent aucune date, ni aucune description et, comme le soutient l’OCVV, ne proviennent pas d’une source indépendante. Il y a lieu d’ajouter que la coïncidence de la couleur rouge ne saurait, en aucun cas, être considérée comme suffisante pour établir l’identité des variétés, dans la mesure où celles-ci doivent coïncider en tous les caractères phénotypiques. À cet égard, la chambre de recours a indiqué, à juste titre, au point 35 de la décision attaquée, que la couleur n’était que l’un des sept caractères phénotypiques énumérés dans les protocoles d’examen pour la variété contestée.

96      La seule photographie corroborant la déclaration de A est celle figurant dans l’échange de courriels électroniques entre C et la requérante datés du 28 août 2019 (annexe 2-1 de la demande en nullité). Il s’agit d’une capture d’écran du site Internet de la société de ventes aux enchères C, dont il ressort notamment que la société B a depuis le 29 avril 2013 proposé le plateau de plantes Sempervivum mélangées, dont certaines sont de couleur rouge, portant le numéro « 6792 » et l’appellation « Sempervivum OV ».

97      En ce qui concerne les listes de boutures (annexe 1-2 de la demande en nullité et annexe 4 du mémoire exposant les motifs du recours), il y a lieu de considérer, à l’instar de l’OCVV qu’il s’agit d’éléments internes, dépourvus, comme l’a estimé la chambre de recours, de tout contexte et non datés, de sorte qu’ils ne sont pas en mesure d’apporter le moindre éclaircissement concernant la question de savoir si une variété dont toutes les caractéristiques phénotypiques pertinentes étaient identiques à la variété contestée était commercialisée avant la date de priorité.

98      Enfin, s’agissant de la déclaration d’un témoin anonyme, produite en annexe 3 du mémoire exposant les motifs du recours, force est de constater que, en application de la jurisprudence citée au point 92 ci-dessus, sa valeur probante est très faible, comme l’avait considéré la chambre de recours. En effet, le caractère anonyme de cette déclaration empêche de déterminer l’origine de ce document, les circonstances de son élaboration et si son contenu semble sensé et fiable.

99      Compte tenu des considérations qui précèdent, la déclaration de A et les factures sont certes suffisantes pour prouver que des palettes des plantes Sempervivum diverses ont été commercialisées avant la date de priorité de la variété contestée comme l’admet in fine l’OCVV. À cet égard, il convient de rappeler que les factures soumises par la requérante corroborent la déclaration sous serment en ce qu’elles démontrent la vente, en 2013 et 2014, du produit dénommé « SEMP OV » ou « Sempervivum overig » qui portait le numéro « 6792 » (voir point 94 ci-dessus). Quant à la question de savoir à quoi correspondait le produit portant le numéro « 6792 », l’annexe 2-1 contient une capture d’écran du site Internet de la société de ventes aux enchères C incluant un plateau de plantes Sempervivum dont certaines sont de couleur rouge (voir point 96 ci-dessus).

100    Toutefois, ces éléments ne permettent pas de tirer de conclusions quant à la question de savoir si, comme l’a considéré, en substance, l’OCVV, les plantes Sempervivum de couleur rouge, mutantes de la variété Silberkarneol et incluses dans le plateau Sempervivum Overig telles que commercialisées par la société B, étaient identiques à la variété contestée, ni même celle de savoir si ces plantes étaient identiques à celles que l’intervenante a achetées à la requérante en 2018, en vue d’entamer une procédure en contrefaçon aux Pays-Bas.

101    Ainsi, la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les éléments de preuve soumis par la requérante ne sont pas en mesure de démontrer qu’une variété dont toutes les caractéristiques phénotypiques pertinentes étaient identiques à la variété contestée était commercialisée avant la date de priorité est exempte d’erreur manifeste d’appréciation. En outre, il résulte notamment du point 71 de la décision attaquée, que, contrairement à ce qu’allègue la requérante, la chambre de recours a bien procédé à une appréciation globale des preuves en l’espèce.

102    En outre, au vu des appréciations énoncées aux points 91 à 98 ci-dessus, force est de constater que les éléments de preuve présentés ne démontrent pas davantage qu’une variété potentiellement non distincte de la variété contestée était notoirement connue au sens de l’article 7, du règlement no 2100/94, comme l’a estimé, en substance, l’OCVV (voir point 71 ci-dessus).

103    Les autres arguments invoqués par la requérante ne sauraient valablement remettre en cause cette conclusion.

104    S’agissant de la circonstance selon laquelle les éléments de preuve produits par la requérante ne comportent pas de dénomination unique, bien qu’elle ait été prise en compte par la chambre de recours pour soutenir que les éléments de preuve périphériques ont fait émerger un « puzzle incomplet », elle ne saurait être considérée comme décisive dans sa conclusion selon laquelle la requérante n’a pas prouvé qu’une variété identique à la variété contestée ou non-distincte de celle-ci a été commercialisée avant la date de priorité. Il doit néanmoins être ajouté que l’existence de différentes dénominations ne contribue pas à remettre en cause de façon convaincante la nouveauté et le caractère distinct de la variété contestée.

105    En ce qui concerne les contacts de l’OCVV avec A pour confirmer certains faits de sa déclaration, outre la conclusion selon laquelle la chambre de recours n’a pas violé les droits de la défense de la requérante à cet égard (voir points 37 et 38 ci-dessus), il doit être relevé que ladite chambre n’a pas fondé sa décision sur des informations résultant de ces échanges. En effet, elle s’est limitée à qualifier la réponse de A de « décevante » (voir point 46 de la décision attaquée). À cet égard, il doit être relevé que les réponses de A aux questions de l’OCVV sont très succinctes et n’apportent pas davantage d’informations que sa déclaration.

106    Quant à l’argument de la requérante selon lequel elle n’aurait pas été en mesure de constituer un stock de quelque 50 000 plants en 2018 si elle s’était procurée des plants de la variété contestée en 2017 lorsque l’intervenante l’avait mise sur le marché, il est non étayé et purement spéculatif. En tout état de cause, cette circonstance n’est pas de nature à démontrer l’identité des variétés en cause.

107    Enfin, il doit être considéré, à l’instar de l’OCVV, qu’une éventuelle difficulté pour recueillir les preuves requises ne saurait justifier un aménagement de la dévolution de la charge de la preuve et l’administration de la preuve devant l’OCVV.

108    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient d’écarter la deuxième branche.

 Sur la troisième branche, relative à l’obligation de l’OCVV d’organiser un nouvel examen DHS

109    La requérante soutient avoir proposé à l’OCVV d’organiser un second examen DHS et avoir réitéré cette proposition devant la chambre de recours en réponse à la position de l’OCVV selon laquelle les photographies seules ne lui permettaient pas de déterminer si la variété contestée était identique ou, au contraire, distincte de la variété Sempervivum rouge, ni si l’existence de cette dernière était notoirement connue à la date du dépôt de la variété contestée. À cet égard, la requérante souligne que, selon elle, un second examen n’était pas nécessaire, car la question de l’identité pouvait être tranchée sur la base des affirmations de l’intervenante ayant reconnu ladite identité, notamment devant la chambre de recours.

110    La requérante soutient, en substance, que la proposition d’un nouvel examen DHS n’est faite qu’à titre subsidiaire si l’identité entre les variétés reconnues par l’intervenante et les éléments de preuve produits s’avéraient insuffisants pour attester que la variété Sempervivum rouge existait déjà bien avant la date du dépôt de la demande de protection de la variété contestée. Dans un tel cas, l’OCVV devrait organiser un nouvel examen DHS, plus complet et de meilleure qualité, incluant notamment plusieurs variétés de Sempervivum rouge. Un tel examen n’aurait pas été réalisé comme s’il s’agissait d’un second examen, mais plutôt « sous la forme d’une comparaison côte à côte de diverses plantes » et aurait comme avantage, d’une part, la répétition de l’examen DHS avec une collection de variétés de référence plus étoffée et, d’autre part, la mission de rassembler des données en ce qui concerne l’existence de la variété Sempervivum rouge.

111    D’après la requérante, ce nouvel essai en culture ne serait pas la seule façon de procéder. Une autre option consisterait à entendre des témoins, à savoir les employés de la requérante, A ou d’autres personnes pouvant confirmer que la variété Sempervivum rouge a été reproduite sans modification pendant de nombreuses années avant la demande d’enregistrement de la variété contestée. Il serait possible de consulter également des experts.

112    En tout état de cause, la requérante estime qu’un essai en culture ne serait pas disproportionné comme l’a considéré la chambre de recours. Les plantes Sempervivum rouge, actuellement cultivées par la requérante et d’autres producteurs et disponibles sur le marché peuvent être considérées comme des descendantes de souche pure de la variété Sempervivum rouge qui était cultivée à la date de la demande d’enregistrement de la variété contestée. De surcroît, le fait que des cycles de multiplication successifs conduisent normalement à des descendants qui présentent des caractères stables et inchangés, ce qui ne serait pas contesté par l’intervenante, pourrait être confirmé par le témoignage oral des cultivateurs.

113    L’OCVV et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

114    En l’espèce, la chambre de recours a indiqué, au point 51 de la décision attaquée, être suffisamment convaincue que l’OCVV a pris la bonne décision en refusant un nouvel examen DHS. Elle a notamment estimé que le soin dont a usé l’OCVV en l’espèce correspondait au seuil fixé par la jurisprudence, à savoir que l’obligation d’instruire d’office signifie que l’OCVV doit simplement réunir toutes les informations qu’il tient pour nécessaire compte tenu du pouvoir d’appréciation dont il dispose.

115    À cet égard, la chambre de recours a ajouté, au point 72 de la décision attaquée, que le fait que la requérante en nullité ait épuisé (ou ait pu, le cas échéant, épuiser) tous les moyens de preuve à sa disposition ne se traduit pas nécessairement par l’obligation pour l’OCVV de procéder à un nouvel examen DHS.

116    En outre, la chambre de recours a indiqué, au point 30 de la décision attaquée, que, en cas d’organisation d’un nouvel examen technique, il serait très difficile, voire impossible, d’établir que l’élément de comparaison descend précisément des mêmes plantes que celles qui auraient été commercialisées avant la date de priorité. Certes, elle a admis que, d’un point de vue botanique, le génotype de la variété (porteur de mutations) serait demeuré le même au fil des ans du fait de sa multiplication végétative. Toutefois, elle a ajouté que, à moins que la requérante n’ait été à même de fournir, en 2021, des plantes provenant incontestablement des plantes commercialisées par B avant le 27 novembre 2014, à savoir, pour lesquelles aurait existé, en quelque sorte, une « chaîne de traçabilité » parfaite, ce nouvel examen DHS n’aurait pas suffi, tant d’un point de vue juridique que probatoire, pour annuler la décision de l’OCVV. Selon la chambre de recours, il n’y aurait pas de certitude, « pour ne rien dire d’une garantie convaincante », quant au fait que les plantes choisies comme éléments de comparaison descendaient de plantes déjà cultivées et cédées en 2014.

117    De surcroît, au point 50 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué que, même si le propriétaire et le directeur de la requérante avaient mis la variété rouge mutante à la disposition de l’office d’examen, la question clé de savoir si elle provenait vraiment des plantes antérieures à la date de priorité pertinente, au sens de l’article 10, paragraphe 1, sous a), du règlement no 2100/94, ne s’en poserait pas moins.

118    À cet égard, il convient de relever que la question de savoir si les critères de distinction, d’homogénéité et de stabilité (critères DHS) sont remplis dans un cas d’espèce est examinée dans le cadre de l’examen technique mené conformément aux articles 55 et 56 du règlement no 2100/94.

119    En particulier, aux termes de l’article 55, paragraphe 1, de ce règlement, « [s]i, à la suite de l’examen visé aux articles 53 et 54, l’[OCVV] constate qu’aucun obstacle ne s’oppose à l’octroi d’une protection communautaire des obtentions végétales, il prend les dispositions voulues pour que l’examen technique visant à contrôler le respect des conditions énoncées aux articles 7, 8 et 9 [critères DHS] soit effectué, dans au moins un des États membres, par le ou les organismes compétents qui ont été chargés par le conseil d’administration [de l’OCVV] de l’examen technique des variétés de l’espèce concernée (offices d’examen) ».

120    De même, il ressort de la lecture combinée des articles 54, paragraphe 1, et 55, paragraphe 1, du règlement no 2100/94 que l’examen par l’OCVV de la nouveauté d’une variété candidate est préalable à l’examen technique des critères DHS par un office d’examen (voir également point 45 ci-dessus).

121    En l’espèce, lors de la procédure d’enregistrement, le Bundessortenamt a considéré que la variété contestée respectait les critères DHS et pouvait être enregistrée. Dans le cadre de la présente procédure en nullité, la requérante a notamment reproché à l’office d’examen de ne pas avoir inclus la variété Sempervivum rouge dans l’examen technique et, par conséquent, a soutenu tout au long de la procédure administrative qu’un nouvel examen appréciant les critères DHS devait être organisé.

122    À cet égard, ainsi qu’il ressort, en substance, de l’article 55, paragraphe 1, du règlement no 2100/94, un nouvel examen technique n’est, en principe, pertinent que pour l’examen du caractère distinct. Or, dans la mesure où il est établi à suffisance par la chambre de recours que la requérante n’a pas démontré que les variétés potentiellement non distinctes de la variété contestée étaient notoirement connues au moment de la demande d’enregistrement de cette dernière (voir point 102 ci-dessus), ce motif de nullité ne pouvait pas s’appliquer, même si un nouvel examen technique pourrait démontrer que les deux variétés ne sont pas distinctes au sens de l’article 7 du règlement no 2100/94. Partant, l’argumentation de la requérante est en tout état de cause inopérante.

123    S’agissant de la nécessité de l’organisation d’un nouvel examen technique incluant la variété Sempervivum rouge, il doit être constaté que la chambre de recours a donné, au point 30 de la décision attaquée (voir point 116 ci-dessus), des raisons convaincantes de son inutilité, à savoir qu’un nouvel examen ne pouvait pas refléter la situation avant la date de la demande d’enregistrement de la variété contestée. Or, la requérante n’a pas avancé d’arguments permettant d’infirmer la position de la chambre de recours.

124    De surcroît, il doit être rappelé que, eu égard au caractère technique de cette question, le contrôle du Tribunal de cet aspect est limité à l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation, conformément aux principes rappelés aux points 50 à 52 ci-dessus.

125    Quant à la circonstance que, au point 50 de la décision attaquée, la chambre a mentionné les critères de l’article 10 du règlement no 2100/94 relatifs à la nouveauté et non pas ceux de l’article 7, paragraphe 1, de ce règlement relatifs au caractère distinct, elle ne saurait être considérée comme étant décisive dans la mesure où ladite chambre, à l’instar de l’OCVV, a apprécié les éléments de preuve soumis par la requérante à la fois par rapport à ces deux dispositions.

126    Partant, l’argumentation avancée par la requérante en ce qui concerne l’organisation d’un nouvel examen technique ne saurait prospérer. En conséquence, il convient d’écarter la troisième branche.

 Sur la quatrième branche, portant sur les points ne présentant aucun ou peu d’intérêt dans le cadre d’un débat sur l’administration de la preuve

127    La requérante indique que la chambre de recours a consacré une grande attention à la question de savoir si la non-inclusion de Sempervivum doit être considérée comme une erreur de la part de l’office d’examen. La requérante estime que cette question n’est pas très « intéressante », car la question de savoir si l’office d’examen s’est dûment acquitté de la tâche qui lui a été confiée n’est pas en cause dans la présente affaire. À supposer même que l’office d’examen ait suivi les procédures adéquates et habituelles, l’on ne saurait tout simplement pas nier que l’examen qui a été réalisé « laissait à désirer », car la variété Sempervivum rouge n’en faisait pas partie.

128    L’OCVV conteste les arguments de la requérante.

129    L’argument développé dans le cadre de la présente branche doit être rejeté comme étant inopérant, dans la mesure où, comme le soutient l’OCVV, il ne remet pas en cause le sens de la décision attaquée.

130    En tout état de cause, il convient de relever qu’en recherchant si l’office d’examen n’a pas à tort omis d’inclure la variété Sempervivum rouge dans l’examen technique de la variété contestée, l’OCVV s’est acquitté de son obligation d’instruire les faits d’office conformément à l’article 76 du règlement no 2100/94 (voir point 65 ci-dessus).

131    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter, la quatrième branche du second moyen et, partant, ce moyen dans son ensemble. Par voie de conséquence, le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

132    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

133    La requérante ayant succombé, il convient de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OCVV et de l’intervenante.

134    S’agissant de la demande de l’intervenante tendant à ce que la requérante soit également condamnée aux dépens qu’elle a exposés dans le cadre de la procédure devant l’OCVV, d’une part, il convient de rappeler que les frais exposés aux fins de la procédure devant l’OCVV ne peuvent pas être considérés comme des dépens récupérables [voir, par analogie, arrêt du 25 avril 2013, Bell & Ross/OHMI – KIN (Boîtier de montre-bracelet), T‑80/10, non publié, EU:T:2013:214, point 164 et jurisprudence citée]. D’autre part, force est de relever que les dépens exposés devant la chambre de recours restent régis par la décision attaquée dès lors que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre cette décision [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 4 octobre 2017, Intesa Sanpaolo/EUIPO – Intesia Group Holding (INTESA), T‑143/16, non publié, EU:T:2017:687, point 74].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Jaw de Croon Holding BV est condamnée aux dépens.

Costeira

Kancheva

Zilgalvis

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mai 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.