Language of document : ECLI:EU:T:2010:183

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

11 mai 2010 (*)

« Marchés publics de fournitures – Procédure d’appel d’offres communautaire – Acquisition de produits logiciels et de licences – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Offre anormalement basse – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑121/08,

PC-Ware Information Technologies BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Mes L. Devillé et B. Maerevoet, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. E. Manhaeve, en qualité d’agent, assisté de Me P. Wytinck, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, à titre principal, une demande d’annulation de la décision de la Commission du 11 janvier 2008 de rejeter l’offre soumise par la requérante dans le cadre de la procédure d’appel d’offres DIGIT/R2/PO/2007/022 et, à titre subsidiaire, une demande de réparation du préjudice prétendument subi par la requérante du fait du comportement de la Commission,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mmes I. Pelikánová, président, K. Jürimäe (rapporteur) et M. S. Soldevila Fragoso, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 7 juillet 2009,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

A –  Réglementation communautaire

1        La passation des marchés de fournitures de la Commission européenne est assujettie aux dispositions du titre V de la première partie du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), ainsi qu’aux dispositions du titre V de la première partie du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1, ci-après les « modalités d’exécution »), dans leur version applicable à l’espèce.

2        Selon l’article 100 du règlement financier :

« 1. L’ordonnateur compétent désigne l’attributaire du marché, dans le respect des critères de sélection et d’attribution préalablement définis dans les documents d’appel à la concurrence et des règles de passation des marchés.

2. Le pouvoir adjudicateur communique à tout candidat ou soumissionnaire écarté les motifs du rejet de sa candidature ou de son offre et, à tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable et qui en fait la demande par écrit, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire.

Toutefois la communication de certains éléments peut être omise dans les cas où elle ferait obstacle à l’application des lois, serait contraire à l’intérêt public, porterait préjudice aux intérêts commerciaux légitimes d’entreprises publiques ou privées ou pourrait nuire à une concurrence loyale entre celles-ci. »

3        L’article 130, paragraphes 1 et 3, des modalités d’exécution dispose que :

« 1. Les documents d’appel à la concurrence comportent au moins :

[…]

b) le cahier des charges qui lui est joint [...] ;

[…]

3. Le cahier des charges précise au moins :

[…]

c) les spécifications techniques […] ;

[…] »

4        L’article 139, paragraphe 1, des modalités d’exécution prévoit :

« 1. Si, pour un marché donné, des offres apparaissent anormalement basses, le pouvoir adjudicateur, avant de rejeter ces offres pour ce seul motif, demande, par écrit, les précisions qu’il juge opportunes sur la composition de l’offre et vérifie de manière contradictoire cette composition en tenant compte des justifications fournies. Ces précisions peuvent concerner notamment le respect des dispositions concernant la protection et les conditions de travail en vigueur au lieu où la prestation est à réaliser.

Le pouvoir adjudicateur peut notamment prendre en considération des justifications tenant :

a) à l’économie du procédé de fabrication, de la prestation de services ou du procédé de construction ;

b) aux solutions techniques adoptées ou aux conditions exceptionnellement favorables dont dispose le soumissionnaire ;

c) à l’originalité de l’offre du soumissionnaire. »

5        L’article 146, paragraphe 4, des modalités d’exécution prévoit :

« Dans les cas d’offres anormalement basses visées à l’article [139], le comité d’évaluation demande les précisions opportunes sur la composition de l’offre. »

6        L’article 149 des modalités d’exécution prévoit :

« 1. Les pouvoirs adjudicateurs informent dans les meilleurs délais les candidats et les soumissionnaires des décisions prises concernant l’attribution du marché ou d’un contrat-cadre ou l’admission dans un système d’acquisition dynamique, y inclus les motifs pour lesquels ils ont décidé de renoncer à passer un marché ou un contrat-cadre ou à mettre en place un système d’acquisition dynamique pour lequel il y a eu mise en concurrence ou de recommencer la procédure.

2. Le pouvoir adjudicateur communique, dans un délai maximal de quinze jours calendrier à compter de la réception d’une demande écrite, les informations mentionnées à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier.

3. Pour les marchés passés par les institutions communautaires pour leur propre compte, d’une valeur égale ou supérieure aux seuils visés à l’article 158 et qui ne sont pas exclus du champ d’application de la directive 2004/18/CE, le pouvoir adjudicateur notifie, simultanément et individuellement à chaque soumissionnaire ou candidat évincé, par lettre, par télécopie ou courrier électronique, que leur offre ou candidature n’a pas été retenue, à l’un ou l’autre des stades suivants :

a)       peu de temps après l’adoption de décisions sur la base des critères d’exclusion et de sélection et avant la décision d’attribution, lorsque les procédures de passation de marché sont organisées en deux étapes distinctes ;

b)       en ce qui concerne les décisions d’attribution et les décisions de rejet d’une offre, le plus tôt possible après la décision d’attribution et au plus tard dans la semaine qui suit.

Le pouvoir adjudicateur indique dans chaque cas les motifs du rejet de l’offre ou de la candidature ainsi que les voies de recours disponibles.

Les pouvoirs adjudicateurs notifient, en même temps qu’ils informent les candidats ou soumissionnaires évincés du rejet de leur offre, la décision d’attribution à l’attributaire en précisant que la décision notifiée ne constitue pas un engagement de la part du pouvoir adjudicateur concerné.

Les soumissionnaires ou candidats évincés peuvent obtenir des informations complémentaires sur les motifs du rejet, sur demande écrite, par lettre, par télécopie ou par courrier électronique, et, pour tout soumissionnaire ayant fait une offre recevable, sur les caractéristiques et avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire, sans préjudice des dispositions de l’article 100, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement financier. Les pouvoirs adjudicateurs répondent dans un délai maximal de quinze jours de calendrier à compter de la réception de la demande. »

7        Le point 3.3 des spécifications techniques portant sur l’appel d’offres DIGIT/R2/PO/2007/022, intitulé « Revendeur de comptes majeurs Microsoft (LAR 2007) » et publié par la Commission au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2007, S 183, ci-après l’« appel d’offres »), précise que :

« Par voie de dérogation au ‘guide à l’usage des soumissionnaires déposant une offre en réponse à un appel d’offres lancé par la direction générale de l’informatique’, le contrat résultant du présent appel d’offres sera régi par le droit de la Communauté européenne, complété par le droit belge sur les points pour lesquels le droit communautaire ne règle pas la question de droit en cause. »

8        Le point 1.1.1 du guide à l’usage des soumissionnaires déposant une offre en réponse à un appel d’offres lancé par la direction générale de l’informatique dispose que :

« La procédure de passation des marchés publics des institutions, agences et autres organismes de l’Union européenne est régie par les dispositions suivantes, en particulier :

1)      le titre [V] de la première partie, du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes, telle que modifié en dernier lieu ;

2)      le titre [V] de la première partie, du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil du 25 juin 2002 ; portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes, tel que modifié en dernier lieu;

3)      l’Accord sur les marchés publics de l’Organisation mondiale du commerce, auquel la Communauté européenne a adhéré à la suite de la décision du Conseil du 16 novembre 1987 concernant la conclusion du protocole portant modification de l’accord du GATT relatif aux marchés publics. »

B –  Réglementation nationale

9        L’article 40 de la loi, du 14 juillet 1991, sur les pratiques du commerce et sur l’information et la protection du consommateur (Moniteur belge du 29 août 1991, p. 18712, ci-après la « loi belge sur les pratiques du commerce »), dispose :

« Il est interdit à tout commerçant d’offrir en vente ou de vendre un produit à perte.

Est considérée comme une vente à perte, toute vente à un prix qui n’est pas au moins égal au prix auquel le produit a été facturé lors de l’approvisionnement ou auquel il serait facturé en cas de réapprovisionnement.

[…] »

 Faits à l’origine du litige

10      Le 30 mars 2007, la Commission a publié un avis de préinformation, concernant la passation d’un marché intitulé « Revendeur de comptes majeurs Microsoft (LAR 2007) » en vue de la conclusion d’un accord-cadre instituant un point d’achat unique pour l’acquisition de logiciels et de licences du fournisseur Microsoft (ci-après le « fournisseur ») par la Commission et les autres institutions européennes, portant la référence DIGIT/R2/PO/2007/022, au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO S 63).

11      Par lettre du 21 septembre 2007, la requérante, PC-Ware Information Technologies BV, a reçu une copie des spécifications techniques portant sur ledit marché.

12      Le 22 septembre 2007, la Commission a publié l’avis de marché concernant l’appel d’offres.

13      Le 2 novembre 2007, la requérante a adressé son offre à la Commission. Il est indiqué dans cette offre que, conformément en particulier à l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce, qui interdit les ventes à perte, la remise accordée par la requérante sur le prix des produits et des licences du fournisseur dans le cadre du marché en cause est de 17,70 %.

14      Par lettre du 3 décembre 2007, la Commission a demandé à l’attributaire de confirmer que son offre respectait la législation applicable et, en particulier, qu’elle ne vendait pas à perte. Par lettre du 4 décembre 2007, l’attributaire a confirmé cette exigence.

15      Le 10 janvier 2008, la Commission a adopté la décision de confier le marché en cause à l’attributaire.

16      Par lettre du 11 janvier 2008, la Commission a informé la requérante de sa décision de rejeter son offre, au motif que, sur la base de l’application de la formule d’attribution du marché, elle ne présentait pas le meilleur rapport qualité/prix. Cette lettre indiquait également que la requérante avait la possibilité de demander des informations complémentaires.

17      Par courriel du 16 janvier 2008, ayant fait l’objet d’un rappel le 18 janvier 2008, la requérante a demandé à la Commission la tenue d’une réunion-bilan en précisant spécifiquement que l’objectif de ladite réunion était d’obtenir un aperçu des points forts et des points faibles de son offre par rapport à celle qui avait été retenue afin de mieux comprendre le résultat de l’évaluation.

18      À la suite de cette demande, la Commission a organisé une réunion de débriefing avec les représentants de la requérante, qui s’est tenue le 28 janvier 2008.

19      Par lettre du 29 janvier 2008, la Commission a communiqué à la requérante le nom de l’attributaire du marché en cause ainsi qu’un compte rendu de la réunion-bilan dans lequel il est notamment indiqué que l’offre de prix de l’attributaire correspondait à 81,75 % du prix des produits concernés par le marché en cause, soit une remise de 18,25 %. Il est également indiqué par ladite lettre que le marché a été confié à l’attributaire au motif que son offre présentait le meilleur rapport qualité/prix.

20      Le 21 février 2008, la Commission a conclu avec l’attributaire un contrat portant la référence DI 06270 00.

21      Le 15 mars 2008, la Commission a publié l’avis d’attribution de ce marché au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne (JO S 53).

 Procédure et conclusions des parties

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 10 mars 2008, la requérante a introduit le présent recours.

23      Lors de l’audience du 7 juillet 2009, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.

24      La requérante demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours recevable ;

–        annuler la décision de la Commission, notifiée par lettre du 11 janvier 2008, de rejeter l’offre déposée par la requérante en réponse à l’appel d’offres DIGIT/R2/PO/2007/022-LAR 2007 et de confier le marché à l’attributaire ;

–        dire pour droit que le comportement illégal de la Commission constitue une faute mettant en jeu la responsabilité de celle-ci ;

–        à titre subsidiaire, dans le cas où le marché aurait déjà été exécuté lorsque le Tribunal aura rendu son arrêt, ou que la décision de rejet ne pourrait plus être annulée, condamner la Commission au paiement de dommages et intérêts d’un montant de 654 962,38 euros, à titre d’indemnisation pour le dommage subi par la requérante en rapport avec cette procédure ;

–        condamner la Commission aux dépens.

25      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer la demande en annulation irrecevable dans son intégralité ou à tout le moins non fondée ;

–        déclarer la demande en indemnité irrecevable ou à tout le moins non fondée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

A –  Sur la demande en annulation

26      Il convient d’observer que, par son deuxième chef de conclusions exposé au point 24 ci-dessus, la requérante demande l’annulation de la décision de la Commission, notifiée par la lettre du 11 janvier 2008, de rejeter son offre et de confier le marché à l’attributaire.

27      Or, ainsi que cela ressort du point 16 ci-dessus, par la lettre du 11 janvier 2008, la Commission a simplement informé la requérante de sa décision de rejeter son offre au motif que, sur la base de l’application de la formule d’attribution du marché, elle ne présentait pas le meilleur rapport qualité/prix. Partant, le Tribunal considère que ladite lettre ne saurait être interprétée comme contenant, en tant que telle, une décision de confier le marché à l’attributaire. En l’espèce, ainsi que cela est indiqué au point 15 ci-dessus, la décision d’attribution a été adoptée le 10 janvier 2008.

28      Cependant, il ressort de la jurisprudence qu’une demande d’annulation d’une décision de confier un marché à un soumissionnaire et celle de rejeter l’offre d’un autre soumissionnaire concernant le même marché sont étroitement liées (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 18 avril 2007, Deloitte Business Advisory/Commission, T‑195/05, Rec. p. II‑871, point 113).

29      Dès lors, il y a lieu de considérer que la décision attaquée dans le cadre du présent recours désigne à la fois la décision de rejet et la décision d’attribution.

1.     Sur la recevabilité de la demande en annulation

30      Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité, la Commission fait valoir que la demande en annulation est irrecevable, d’une part, pour défaut d’intérêt à agir de la requérante et, d’autre part, pour défaut d’objet.

a)     Sur le défaut d’intérêt à agir de la requérante

 Arguments des parties

31      La Commission estime que la demande en annulation doit être rejetée en raison d’un défaut d’intérêt à agir. Si l’argument avancé par la requérante à l’appui de son recours, selon lequel l’offre de l’attributaire du marché en cause est contraire à l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce interdisant la vente à perte, devait être admis, il en découlerait que l’offre soumise par la requérante violerait également l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce. En effet, la requérante reconnaîtrait elle-même qu’elle a vendu les produits sans marge bénéficiaire, ce qui selon l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce devrait également être assimilé à une vente à perte. Il s’ensuivrait que non seulement son offre n’aurait aucune chance d’être retenue, mais, en outre, que la requérante ne pourrait même pas prétendre à des dommages et intérêts, car l’acte prétendument illicite de la Commission ne lui causerait aucun préjudice.

32      La requérante fait valoir que les considérations de la Commission relatives à l’irrecevabilité pour défaut d’intérêt à agir concernent le fond de l’affaire, de sorte qu’elles sont sans rapport avec la question de la recevabilité du recours.

 Appréciation du Tribunal

33      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette personne a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de l’acte attaqué soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté (voir ordonnance du Tribunal du 30 avril 2007, EnBW Energie Baden-Württemberg/Commission, T‑387/04, Rec. p. II‑1195, point 96, et la jurisprudence citée).

34      Il y a lieu de constater que l’argumentation de la Commission relative au défaut d’intérêt à agir de la requérante se fonde sur la prémisse selon laquelle l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce serait applicable en l’espèce. En effet, il ressort expressément des écritures de la Commission que ce n’est que pour autant que le Tribunal doive considérer que l’offre de l’attributaire est contraire à l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce que cet intérêt à agir de la requérante ferait défaut.

35      Or, le Tribunal constate qu’il ressort des écritures de la Commission concernant le second moyen qu’elle conteste l’application, en l’espèce, de cette disposition. Dès lors, ainsi que le fait valoir la requérante, il convient de considérer que cette question de l’application de l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce relève de l’examen au fond de la demande en annulation.

36      Partant, en l’absence d’arguments pertinents exposés par la Commission à l’appui de ses allégations de défaut d’intérêt à agir, il y a lieu d’écarter cette fin de non-recevoir.

b)     Sur le défaut d’objet de la demande en annulation

 Arguments des parties

37      La Commission considère que la requérante ne réclame plus que des dommages et intérêts et que sa demande principale en annulation est devenue sans objet. En effet, le marché aurait déjà été exécuté partiellement, ce qui, au regard des conclusions de la requérante, impliquerait que, au titre du présent recours, elle a renoncé à sa demande d’annulation pour lui substituer une demande de dommages et intérêts.

38      La requérante réfute les arguments exposés par la Commission et conclut qu’elle conserve un intérêt à l’annulation de la décision attaquée.

 Appréciation du Tribunal

39      Selon la jurisprudence, pour qu’un requérant conserve au cours de l’instance un intérêt à l’annulation de l’acte attaqué, ladite annulation doit être susceptible, par elle-même, de produire des effets juridiques, qui peuvent consister, en particulier, à redresser les éventuelles conséquences préjudiciables résultant de cet acte ou d’éviter que l’illégalité alléguée ne se reproduise à l’avenir (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 26 avril 1988, Apesco/Commission, 207/86, Rec. p. 2151, point 16 ; arrêt du Tribunal du 25 mars 1999, Gencor/Commission, T‑102/96, Rec. p. II‑753, point 41, et ordonnance du Tribunal du 5 décembre 2007, Schering-Plough/Commission et EMEA, T‑133/03, non publiée au Recueil, point 31).

40      En l’espèce, s’agissant d’un accord-cadre, tel que celui en cause, susceptible de servir de modèle à la passation future de contrats analogues, il existe un intérêt à éviter que l’illégalité alléguée par la requérante ne se reproduise à l’avenir. Partant, c’est à tort que la Commission soutient que la demande en annulation est dépourvue d’objet.

41      Au regard des conclusions tirées aux points 36 et 40 ci-dessus, il y a lieu de déclarer la présente demande en annulation recevable.

2.     Sur le fond

42      À l’appui de sa demande d’annulation de la décision attaquée, la requérante avance deux moyens, tirés, en premier lieu, d’une violation de l’obligation de motivation et, en second lieu, de la violation des dispositions de l’article 55 de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil, du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (JO L 134, p. 114), ainsi que de l’article 139, paragraphe 1, et de l’article 146, paragraphe 4, des modalités d’exécution, lues conjointement avec les dispositions de l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce prohibant une vente à perte.

43      Il convient, dans un premier temps, afin de délimiter l’objet du présent recours, d’examiner le bien-fondé du second moyen.

a)     Sur le second moyen, tiré de la violation des dispositions de l’article 55 de la directive 2004/18 ainsi que de l’article 139, paragraphe 1, et de l’article 146, paragraphe 4, des modalités d’exécution, lues conjointement avec les dispositions de l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce

 Arguments des parties

44      Premièrement, la requérante fait valoir qu’elle a expressément attiré l’attention de la Commission, lors du dépôt de son offre, sur le fait qu’elle proposait, dans le cadre de la procédure de marché en cause, le pourcentage de réduction le plus élevé possible, soit 17,70 %. Le pourcentage maximal de cette réduction aurait été valable pour toutes les offres afférentes à la passation du marché en cause, y compris celle de l’attributaire. À l’appui de cette affirmation, la requérante se fonde sur une lettre du 29 octobre 2007 que lui a adressée le founisseur, jointe à son offre du 2 novembre 2007 (ci-après la « lettre du fournisseur »). La requérante soutient en outre que cette affirmation est confortée par le fait que trois autres soumissionnaires ont déposé une offre contenant une réduction de 17,70 %, ce dont la Commission avait connaissance.

45      Cependant, elle relève qu’il ressort des éléments du dossier que l’offre de l’attributaire comportait une proposition de réduction de 18,25 %, réduction qui était supérieure à celle accordée par le fournisseur à l’ensemble des revendeurs. Selon la requérante, une telle réduction est donc contraire à l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce, qui interdit les ventes à perte et qui, conformément au point 3.3 des spécifications techniques, s’applique en l’espèce. Dès lors, en raison du niveau de cette réduction proposée par l’attributaire, l’offre de ce dernier constituerait une offre anormalement basse au sens de l’article 139, paragraphe 1, et de l’article 146, paragraphe 4, des modalités d’exécution.

46      En conclusion, la requérante soutient que, en choisissant l’offre de l’attributaire, alors qu’elle constituait une offre anormalement basse, la Commission a violé l’article 55 de la directive 2004/18 ainsi que l’article 139, paragraphe 1, et l’article 146, paragraphe 4, des modalités d’exécution. Elle estime qu’une telle offre aurait dû être rejetée immédiatement par la Commission.

47      Deuxièmement, la Commission n’ayant pas contrôlé, malgré les informations communiquées par la requérante, si l’offre de l’attributaire contrevenait à l’interdiction des ventes à perte, elle aurait violé le principe de bonne administration, au motif qu’elle n’aurait pas examiné tous les éléments pertinents avec soin et impartialité.

48      Troisièmement, la requérante fait observer que la légalité du contrat conclu par la Commission avec l’attributaire pourra être contestée devant les juridictions belges, par toutes les parties intéressées, en vertu des articles 95 et 98 de la loi belge sur les pratiques du commerce ou des articles 6 et 1133 du code civil belge.

49      La Commission conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet du second moyen comme non fondé.

 Appréciation du Tribunal

–       Sur les branches du second moyen, tirées de la méconnaissance d’une directive et de la loi belge

50      En premier lieu, il convient de relever d’emblée que le second moyen est, en particulier, tiré de la violation de l’article 55 de la directive 2004/18. Or, la directive 2004/18 a pour destinataire les États membres qu’elle désigne et, partant, ne s’applique pas aux marchés publics passés, comme c’est le cas en l’espèce, par une institution communautaire. Dès lors, il convient d’écarter cette branche du second moyen comme inopérante.

51      En deuxième lieu, il convient de relever qu’il ressort des écritures de la requérante que le second moyen, d’une part, est pris, en substance, d’une violation des dispositions de droit communautaire applicables aux offres anormalement basses, à savoir l’article 139, paragraphe 1, et l’article 146, paragraphe 4, des modalités d’exécution, et, d’autre part, que c’est en lien avec ces dispositions du droit communautaire que la requérante fait référence aux dispositions de l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce.

52      En effet, d’une part, la requérante reproche explicitement à la Commission d’avoir violé lesdits articles des modalités d’exécution.

53      D’autre part, le Tribunal constate que la requérante assimile la vente à perte, au sens de l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce, aux offres anormalement basses, et ce à deux titres. Premièrement, elle soutient que l’offre de l’attributaire constitue tant une vente à perte qu’une offre anormalement basse, parce qu’elle a proposé une réduction d’un montant supérieur à celui de la réduction accordée par le fournisseur. Deuxièmement, elle considère que l’offre de l’attributaire, tant en ce qu’elle constitue une offre anormalement basse qu’une vente à perte, aurait dû être immédiatement écartée de la procédure de passation de marché en cause, et ce conformément aux dispositions de l’article 139, paragraphe 1, des modalités d’exécution.

54      En troisième lieu, il convient de rappeler que, ainsi que cela ressort des dispositions de l’article 100, paragraphe 1, du règlement financier, le choix de l’attributaire du marché doit être effectué dans le respect, d’une part, des critères de sélection et d’attribution et, d’autre part, des règles de passation des marchés. Il ressort également des dispositions de ce même article que les critères de sélection et d’attribution sont définis préalablement dans les documents d’appel à la concurrence.

55      Or, ainsi que rappelé au point 1 ci-dessus, la passation des marchés de fournitures de la Commission est assujettie aux seules dispositions du titre V de la première partie du règlement financier et du titre V de la première partie des modalités d’exécution.

56      En outre, force est de constater que l’article 139, paragraphe 1, et l’article 146, paragraphe 4, des modalités d’exécution, dont la requérante allègue la violation au titre du second moyen, font partie de la section 3, intitulée « Procédures de passation des marchés », du chapitre 1 du titre V de la première partie des modalités d’exécution.

57      Par conséquent, premièrement, les dispositions de l’article 139, paragraphe 1, et de l’article 146, paragraphe 4, des modalités d’exécution constituent des règles de passation des marchés au sens de l’article 100, paragraphe 1, du règlement financier. Partant, il y a lieu de considérer que, en substance, le second moyen est pris d’une violation des règles de passation des marchés.

58      Deuxièmement, le Tribunal constate que, ainsi que cela ressort du point 45 ci-dessus, afin d’étayer son affirmation selon laquelle l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce s’applique en l’espèce, la requérante se fonde sur les dispositions du point 3.3 des spécifications techniques.

59      Or, conformément aux dispositions de l’article 130, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 3, sous c), des modalités d’exécution, les spécifications techniques constituent un des éléments du cahier des charges, qui est, quant à lui, un document d’appel à la concurrence.

60      Dès lors, au regard de la conclusion tirée au point 57 ci-dessus, selon laquelle le second moyen soulevé à l’appui de la demande d’annulation de la décision attaquée est pris, en substance, d’une violation d’une règle de passation des marchés au sens de l’article 100, paragraphe 1, du règlement financier, c’est à tort que la requérante se prévaut d’une disposition des spécifications techniques de l’appel d’offres en cause, laquelle ne constitue pas une règle de passation des marchés, pour affirmer que l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce s’applique en l’espèce.

61      À titre surabondant, il y a lieu de préciser que, même à supposer que la requérante ait allégué, de manière autonome, une violation de l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce, un tel grief ne saurait être accueilli.

62      En effet, le Tribunal est compétent, dans le cadre d’un recours en annulation, pour se prononcer sur les recours pour incompétence, violation des formes substantielles, violation des traités ou de toute règle de droit relative à leur application ou détournement de pouvoir. Il en ressort que le Tribunal ne saurait traiter la prétendue violation de la législation belge comme une question de droit qui suppose un contrôle juridique illimité. En effet, un tel contrôle n’incombe qu’aux autorités belges (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 6 juillet 2000, AICS/Parlement, T‑139/99, Rec. p. II‑2849, point 40).

63      Toutefois, en vertu des principes de bonne administration et de coopération loyale entre les institutions de l’Union et les États membres, la Commission était tenue de s’assurer que les conditions prévues dans le présent appel d’offres n’incitaient pas les soumissionnaires potentiels à violer la législation nationale belge susceptible de s’appliquer au contrat en cause en l’espèce (voir, par analogie, arrêts du Tribunal AICS/Parlement, point 62 supra, point 41, et du 11 juin 2002, AICS/Parlement, T‑365/00, Rec. p. II‑2719, point 63), cette question relevant de l’appréciation des faits (arrêt du Tribunal du 11 juin 2002, AICS/Parlement, précité, point 63).

64      En l’espèce, le Tribunal constate que, à la suite de la lettre de la requérante du 2 novembre 2007, dans laquelle celle-ci attirait l’attention de la Commission sur le fait que son offre était conforme aux dispositions de l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce, la Commission a demandé à l’attributaire, par lettre du 3 décembre 2007, de confirmer que son offre respectait la législation applicable et, en particulier, qu’elle ne vendait pas à perte, ce que l’attributaire a confirmé par lettre du 4 décembre 2007. Ce faisant, il y a lieu de considérer qu’elle a veillé à ne pas l’inciter à violer la législation nationale belge susceptible de s’appliquer au contrat en cause en l’espèce.

65      En outre, le Tribunal considère que la requérante n’a pas démontré que l’offre de l’attributaire impliquait manifestement ou nécessairement une violation de l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce. En effet, la requérante se contente de supposer que l’attributaire avait bénéficié d’une remise identique à la sienne et se fonde uniquement, pour affirmer que l’offre de l’attributaire constituait une vente à perte au sens de l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce, sur la lettre du fournisseur. Selon la requérante, il ressortirait de ladite lettre que le pourcentage de réduction maximal accordé par le fournisseur pour l’ensemble des revendeurs, y compris l’attributaire, dans le cadre de la procédure d’appel d’offres en cause était de 17,70 %.

66      Cependant, il ne saurait être déduit de la lettre du fournisseur que ladite réduction proposée par la requérante dans son offre était valable pour tous les revendeurs du fournisseur.

67      En effet, aux termes des deux seuls paragraphes de ladite lettre, il est indiqué ce qui suit :

« Nous confirmons par la présente qu’en ce qui concerne l’appel d’offres mentionné en objet votre ristourne en tant que LAR pour la souscription d’un accord ‘Custom Enterprise’ est de 17,700 %.

La ristourne dont vous bénéficiez en tant que LAR dans le cadre de l’accord Select est mentionnée dans la liste de prix Microsoft Select. »

68      Il ressort des termes de la lettre du fournisseur, dont la requérante était le seul destinataire, que son auteur indiquait de manière claire le montant de la remise dont pouvait prétendre bénéficier la seule requérante. Cette présentation ne permet donc pas, faute d’autres éléments d’informations, de considérer que, comme le soutient la requérante, la remise indiquée était celle appliquée à l’ensemble des revendeurs.

69      En outre, il y a lieu de constater que l’affirmation de la requérante selon laquelle d’autres revendeurs auraient déposé une offre auprès de la Commission contenant un montant de réduction de 17,70 % constitue une simple allégation qui n’est étayée par aucun élément de preuve.

70      Dans ces conditions, à supposer que l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce soit applicable en l’espèce, la requérante n’a pas démontré que la Commission a commis une erreur manifeste dans son appréciation de la légalité de l’offre de l’attributaire au regard des dispositions dudit article.

–       Sur la branche du second moyen, tirée de la violation des modalités d’exécution

71      Il y a lieu d’examiner si, ainsi que le soutient la requérante, c’est à tort que la Commission n’a pas, au regard des informations dont elle disposait quant au caractère anormalement bas de l’offre de l’attributaire, écarté immédiatement cette dernière, sur le fondement des dispositions de l’article 139, paragraphe 1, et de l’article 146, paragraphe 4, des modalités d’exécution.

72      À cet égard, il ressort des dispositions de l’article 139, paragraphe 1, des modalités d’exécution que le pouvoir adjudicateur a l’obligation de permettre au soumissionnaire d’expliciter, voire de justifier, les caractéristiques de son offre avant de la rejeter, s’il estime qu’une offre est anormalement basse. Aussi, l’obligation de vérifier le sérieux d’une offre résulte de l’existence préalable de doutes quant à sa fiabilité, sachant en outre que cet article a pour objet principal de permettre à un soumissionnaire de ne pas être écarté de la procédure sans qu’il ait eu la possibilité de justifier la teneur de son offre qui apparaîtrait comme anormalement basse (arrêt du Tribunal du 6 juillet 2005, TQ3 Travel Solutions Belgium/Commission, T‑148/04, Rec. p. II‑2627, point 49).

73      Il convient également de rappeler que la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant aux éléments à prendre en considération en vue de la prise d’une décision de passer un marché sur appel d’offres et que le contrôle du Tribunal doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (voir arrêt TQ3 Travel Solutions Belgium/Commission, point 72 supra, point 47, et la jurisprudence citée).

74      En l’espèce, la seule information sur laquelle se fonde la requérante pour affirmer que l’offre de l’attributaire était anormalement basse est de nouveau la lettre du fournisseur. À ce titre, elle soutient que le pourcentage maximal de cette réduction aurait été valable pour toutes les offres afférentes à la passation du marché en cause, y compris celle de l’attributaire.

75      Or, au regard des considérations du Tribunal exposées aux points 65 à 68 ci-dessus, force est de constater qu’une telle affirmation n’est pas étayée par les termes de la lettre du fournisseur.

76      Dès lors, au regard du large pouvoir d’appréciation dont disposait la Commission quant aux éléments à prendre en considération dans le cadre de la procédure de passation d’un marché sur appel d’offres, c’est à tort que la requérante lui reproche de ne pas avoir considéré que l’offre de l’attributaire était anormalement basse et, partant, de ne pas l’avoir écartée comme telle, au regard des dispositions de l’article 139, paragraphe 1, des modalités d’exécution.

77      Cette conclusion ne saurait être modifiée au regard des deux arguments suivants également soulevés par la requérante à l’appui du second moyen.

78      Premièrement, s’agissant de l’argument soulevé par la requérante quant à la violation du principe de bonne administration, qui découlerait de la violation par la Commission de son obligation d’examen avec soin et impartialité de tous les éléments pertinents du cas d’espèce et, plus précisément, de l’absence de rejet de l’offre de l’attributaire en tant qu’offre anormalement basse, il suffit de constater que, nonobstant l’absence de qualification de ladite offre par la Commission d’offre anormalement basse, celle-ci a fait preuve de diligence dans l’examen de l’offre de l’attributaire. En effet, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 64 ci-dessus, dans sa lettre du 3 décembre 2007, la Commission a demandé à l’attributaire de confirmer que son offre respectait la législation applicable et, en particulier, qu’elle ne vendait pas à perte. Partant, en l’absence d’autres éléments soulevés par la requérante à l’appui de l’argument pris de la violation du principe de bonne administration quant à l’examen de l’offre de l’attributaire, il y a lieu de rejeter ce dernier comme non fondé.

79      Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante relatif à la possibilité de contestation éventuelle de la validité du contrat conclu entre la Commission et l’attributaire devant les juridictions belges, il convient de constater qu’il n’a pas trait à la légalité de la décision attaquée, intervenue dans le cadre de la procédure de passation de marché en cause, mais à la légalité du contrat qui en résultera. Il s’ensuit qu’il convient de rejeter cet argument.

80      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le second moyen.

b)     Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

 Arguments des parties

81      La requérante fait valoir que la décision attaquée n’est pas correctement motivée, tant quant à la forme que quant au fond.

82      Premièrement, la requérante fait observer qu’elle avait expressément attiré l’attention de la Commission, d’une part, quant à l’application de l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce à la procédure d’appel d’offres en cause et, d’autre part, quant au fait que, dans son offre, elle proposait le montant de réduction le plus élevé possible au vu de l’interdiction de vendre à perte prévue par cet article. Or, nonobstant l’obligation qui lie la Commission d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents du cas d’espèce, ni la décision attaquée ni le compte rendu de la réunion de débriefing ne contiendraient une motivation s’agissant de ce fait pertinent et il n’en ressortirait pas davantage que la Commission en a tenu compte. Partant, la décision attaquée serait motivée de manière trop étroite ou trop vague ou trop peu claire. La Commission aurait donc violé l’obligation générale de motivation et l’article 18 du code européen de bonne conduite administrative, approuvé par résolution du Parlement européen du 6 septembre 2001 (JO 2002, C 72 E, p. 331, ci-après le « code de bonne conduite »).

83      Deuxièmement, la requérante soutient que la Commission a également manqué à son obligation, prévue à l’article 18, paragraphe 2, du code de bonne conduite, de motiver individuellement la décision attaquée quant à l’application de l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce.

84      Troisièmement, il ne ressortirait pas de la motivation de la décision attaquée que le principe d’égalité de traitement, tel que visé à l’article 5 du code de bonne conduite, a effectivement été respecté par la Commission s’agissant de l’application de l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce. Partant, ladite motivation serait fondamentalement insuffisante.

85      Quatrièmement, la motivation de la décision attaquée ne permettrait pas de vérifier et de contrôler, conformément à l’article 4 du code de bonne conduite, si la législation applicable en l’espèce, à savoir le droit communautaire, complété par l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce, a effectivement été appliquée et respectée.

86      La Commission conteste les arguments de la requérante et conclut au rejet de ce moyen comme non fondé.

 Appréciation du Tribunal

87      En premier lieu, à l’appui du premier moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation, la requérante soulève, en substance, quatre arguments pris de ce que la décision attaquée ne contiendrait pas, premièrement, de motivation quant à l’interdiction de vendre à perte qui résulte des dispositions de l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce, deuxièmement, de motivation individuelle quant aux dispositions dudit article 40, troisièmement, d’élément permettant de constater que le principe d’égalité de traitement a effectivement été respecté s’agissant de l’application du même article 40 et, quatrièmement, d’élément permettant de vérifier et de contrôler si la législation communautaire, complétée par ledit article 40, a été effectivement appliquée et respectée.

88      Au regard de la conclusion tirée par le Tribunal au point 60 ci-dessus, selon laquelle l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce ne s’applique pas à la procédure d’appel d’offres en cause, il y a lieu d’emblée d’écarter les quatre arguments soulevés par la requérante en ce qu’ils tendent à démontrer que la décision attaquée viole l’obligation de motivation au regard de cet article 40.

89      En second lieu, il convient de relever que la requérante vise, d’une part, la violation de l’article 18 du code de bonne conduite et, d’autre part, la violation de l’obligation générale de motivation.

90      Il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que le code de bonne conduite n’est pas un texte règlementaire mais une résolution du Parlement apportant des modifications à un projet qui lui avait été soumis par le Médiateur européen et invitant la Commission à présenter une proposition législative à cet égard (ordonnance du Tribunal du 24 avril 2007, Gorostiaga Atxalandabaso/Parlement, T‑132/06, non publiée au Recueil, point 73). Partant, ledit code n’est pas un texte contraignant à l’égard de la Commission et la requérante ne peut faire valoir aucun droit sur le fondement de ce dernier.

91      Toutefois, bien que la requérante ne vise pas expressément l’article 253 CE, il y a lieu de considérer qu’il ressort de la requête qu’elle a entendu invoquer, en substance, l’obligation générale de motivation telle que prévue à cet article.

92      À titre principal, s’agissant de la question de savoir si la décision attaquée est conforme à l’obligation générale de motivation, telle qu’elle découle de l’article 253 CE, il convient, tout d’abord, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation dépend de la nature de l’acte en cause et du contexte dans lequel il a été adopté. La motivation doit faire apparaître de manière claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, de façon, d’une part, à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre leurs droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée et, d’autre part, à permettre au juge d’exercer son contrôle quant à la légalité de l’acte en cause (arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C‑350/88, Rec. p. I‑395, points 15 et 16 ; arrêts du Tribunal du 9 avril 2003, Forum des migrants/Commission, T‑217/01, Rec. p. II‑1563, point 68, et Deloitte Business Advisory/Commission, point 28 supra, point 45).

93      Ensuite, conformément à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier et de l’article 149, paragraphe 2, des modalités d’exécution, dans le cas d’espèce, la Commission devait communiquer à la requérante les motifs du rejet de son offre et en outre, celle-ci ayant fait une offre recevable, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire, dans un délai maximal de quinze jours calendaires à compter de la réception d’une demande écrite.

94      Il ressort d’une jurisprudence constante que cette façon de procéder, telle que décrite à l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier, faisant apparaître d’une façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, est conforme à la finalité de l’obligation de motivation inscrite à l’article 253 CE, telle que rappelée au point 92 ci-dessus (arrêt du Tribunal du 12 juillet 2007, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑250/05, non publié au Recueil, point 69 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 1er juillet 2008, AWWW/FEACVT, T‑211/07, non publié au Recueil, point 34, et la jurisprudence citée).

95      En l’espèce, il convient de constater que, dans sa lettre du 11 janvier 2008, la Commission a informé la requérante que son offre n’a pas été retenue, car elle ne présentait pas le meilleur rapport qualité/prix selon la formule d’attribution figurant dans le cahier des charges. Partant, il y a lieu de considérer que la requérante a été informée, conformément aux dispositions de l’article 100 du règlement financier et de l’article 149 des modalités d’exécution, des motifs exacts du rejet de son offre.

96      S’agissant de l’obligation incombant à la Commission de communiquer à la requérante les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire, il y a lieu de constater que, à la suite d’une demande de la part de la requérante, formulée conformément aux dispositions de l’article 149, paragraphe 3, troisième alinéa, des modalités d’exécution, dans son courriel daté du 16 janvier 2008, la Commission a organisé une réunion de débriefing, afin de donner à la requérante un aperçu des points forts et des points faibles de son offre par rapport à celle de l’attributaire.

97      En outre, il convient de relever que, par lettre datée du 29 janvier 2008, la Commission, d’une part, a indiqué à la requérante le nom de l’attributaire et, d’autre part, a communiqué, en annexe à cette lettre, un compte rendu de la réunion de débriefing. Ce dernier compte rendu se présente sous la forme de notes télégraphiques qui précisent les critères retenus pour l’évaluation technique de l’offre ainsi que les notes obtenues par l’offre de la requérante pour chacun de ces critères et la note globale qui en résulte. Il en ressort que l’offre de la requérante a été classée première à l’issue de l’évaluation technique. S’agissant de l’évaluation financière, il est précisé dans ledit compte rendu que cette dernière était basée sur la remise accordée par les soumissionnaires sur le prix des produits du fournisseur. À ce titre, il est indiqué que l’offre de la requérante a été classée deuxième avec une différence de 0,55 % par rapport au prix proposé dans l’offre de l’attributaire. Il ressort du compte rendu de la réunion de débriefing que, à la suite de l’application de la formule retenue à cet égard, l’offre de l’attributaire présentait le meilleur rapport qualité/prix par rapport à l’offre de la requérante, ce qui justifiait que l’offre de la première soit retenue.

98      Dans la mesure où l’obligation de motivation d’un acte dépend, comme cela a déjà été souligné au point 92 ci-dessus, du contexte dans lequel il a été adopté, il convient de considérer que, en l’espèce, les informations communiquées par la Commission à la requérante, à la suite du courriel de cette dernière daté du 16 janvier 2008, font apparaître de manière suffisamment claire et non équivoque son raisonnement. Dès lors, lesdites informations permettaient, d’une part, à la requérante de connaître les justifications de la mesure prise afin de pouvoir défendre ses droits et de vérifier si la décision attaquée est ou non bien fondée et, d’autre part, au juge communautaire d’exercer son contrôle quant à la légalité de ladite décision.

99      Partant, en l’espèce, la Commission a satisfait à l’obligation générale de motivation telle qu’elle découle de l’article 253 CE.

100    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le premier moyen.

101    Au regard des conclusions tirées aux points 80 et 100 ci-dessus, il convient de rejeter, dans son ensemble, la demande en annulation de la décision attaquée.

B –  Sur la demande en indemnité

1.     Arguments des parties

102    La requérante demande, à titre subsidiaire, dans le cas où l’objet du marché aurait déjà été exécuté ou, dans le cas où la décision ne pourrait plus être annulée, que lui soient accordés des dommages et intérêts, conformément aux articles 235 CE et 288 CE. En effet, la Commission aurait par son comportement illégal commis une faute mettant en jeu sa responsabilité. La requérante évalue le montant des dommages et intérêts ex aequo et bono à 654 962,38 euros, ce qui correspondrait au bénéfice brut qu’elle aurait réalisé si le marché lui avait été attribué. Tous les arguments, griefs et motifs exposés à l’appui du second moyen en annulation soutiendraient la demande en indemnité, demande qui serait donc suffisamment étayée.

103    La Commission soutient que la demande en indemnité doit, à tout le moins, être déclarée non fondée.

2.     Appréciation du Tribunal

104    À titre liminaire, il convient de considérer que le troisième chef de conclusions figurant dans la requête, tendant à ce que le Tribunal dise pour droit que le comportement illégal de la Commission constitue une faute mettant en jeu la responsabilité de la Commission, doit être interprété en combinaison avec le quatrième chef de conclusions, qui vise à ce que la Commission soit condamnée au paiement de dommages et intérêts. En effet, ainsi que cela ressort expressément des motifs exposés à titre subsidiaire par la requérante dans sa requête, sa demande en indemnité, sur le fondement des articles 235 CE et 288 CE, serait justifiée au regard du fait que la Commission a, par son comportement illégal, commis une faute mettant en jeu sa responsabilité.

105    À titre principal, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE pour comportement illicite de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché aux institutions, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir arrêt du Tribunal du 14 décembre 2005, FIAMM et FIAMM Technologies/Conseil et Commission, T‑69/00, Rec. p. II‑5393, point 85, et la jurisprudence citée).

106    Dans la mesure où ces trois conditions d’engagement de la responsabilité sont cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit pour rejeter un recours indemnitaire, sans qu’il soit dès lors nécessaire d’examiner les autres conditions (voir arrêt du Tribunal du 13 septembre 2006, CAS Succhi di Frutta/Commission, T‑226/01, Rec. p. II‑2763, point 27, et la jurisprudence citée).

107    En l’espèce, il convient de relever que, ainsi que cela ressort des motifs exposés aux points 71 à 80 ci-dessus, tous les arguments, griefs et motifs exposés par la requérante à l’appui du second moyen en annulation sur lequel elle se fonde pour étayer sa demande en indemnisation ont été examinés et rejetés. De même, ainsi que cela ressort des motifs exposés aux points 87 à 100 ci-dessus, tous les arguments exposés par la requérante à l’appui du premier moyen en annulation ont été examinés et rejetés. Enfin, il convient de constater que la requérante n’allègue aucune autre forme d’illégalité qui serait susceptible d’être prise en compte dans le cadre de l’examen de sa demande en indemnisation. Dans ces conditions, la responsabilité de la Communauté ne saurait donc être engagée sur le fondement d’une prétendue illégalité de la décision attaquée.

108    Partant, la première des trois conditions d’engagement de la responsabilité de la Communauté n’étant pas remplie, il convient de rejeter la demande en indemnité comme non fondée.

109    Il découle des conclusions tirées aux points 101 et 108 ci-dessus que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

110    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

111    En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      PC-Ware Information Technologies BV est condamnée aux dépens.

Pelikánová

Jürimäe

Soldevila Fragoso

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 mai 2010.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

A –  Réglementation communautaire

B –  Réglementation nationale

Faits à l’origine du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

A –  Sur la demande en annulation

1.  Sur la recevabilité de la demande en annulation

a)  Sur le défaut d’intérêt à agir de la requérante

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

b)  Sur le défaut d’objet de la demande en annulation

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

2.  Sur le fond

a)  Sur le second moyen, tiré de la violation des dispositions de l’article 55 de la directive 2004/18 ainsi que de l’article 139, paragraphe 1, et de l’article 146, paragraphe 4, des modalités d’exécution, lues conjointement avec les dispositions de l’article 40 de la loi belge sur les pratiques du commerce

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Sur les branches du second moyen, tirées de la méconnaissance d’une directive et de la loi belge

–  Sur la branche du second moyen, tirée de la violation des modalités d’exécution

b)  Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

B –  Sur la demande en indemnité

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

Sur les dépens


** Langue de procédure : le néerlandais.