Language of document : ECLI:EU:T:2006:10

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

12 janvier 2006 (*)

« Marque communautaire − Marque figurative comprenant l’élément verbal ‘quantum’ − Opposition du titulaire de la marque figurative nationale Quantième – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), article 15, paragraphe 2, et article 43, paragraphe 3, du règlement (CE) n° 40/94 »

Dans l’affaire T-147/03,

Devinlec Développement innovation Leclerc SA, établie à Toulouse (France), représentée par Me J.-P. Simon, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles)(OHMI), représenté par MM. J. Novais Gonçalves et A. Folliard-Monguiral, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

T.I.M.E. ART Uluslararasi Saat Ticareti ve diş Ticaret AŞ, établie à Istanbul (Turquie), représentée par Me F. Jacobacci, avocat,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l’OHMI du 30 janvier 2003 (affaire R 109/2002‑3), relative à une procédure d’opposition entre Devinlec Développement innovation Leclerc SA et T.I.M.E. ART Uluslararasi Saat Ticareti ve diş Ticaret AŞ,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. H. Legal, président, P. Mengozzi et Mme I. Wiszniewska‑Białecka, juges,

greffier : Mme B. Pastor, greffier adjoint,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 30 avril 2003,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 24 octobre 2003,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 28 octobre 2003,

à la suite de l’audience du 30 juin 2005,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 8 septembre 1997, la société T.I.M.E. ART Uluslararasi Saat Ticareti ve diş Ticaret AŞ (ci-après l’« intervenante ») a présenté, en vertu du règlement (CE) nº 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 14 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Montres, horloges, leurs mouvements et pièces, verres de montres/horloges, étuis pour montres/horloges, bracelets de montres, chaînes de montres, boîtiers pour montres et pour horloges ».

4        Le 17 août 1998, cette demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires nº 62/98.

5        Le 9 novembre 1998, la société Devinlec Développement innovation Leclerc SA (ci-après la « requérante ») a formé opposition à l’encontre de l’enregistrement de la marque demandée, en s’appuyant sur la marque figurative antérieure, enregistrée en France le 11 décembre 1987, sous le nº 1 555 274 et reproduite ci‑dessous :

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6        Les produits pour lesquels la marque antérieure est enregistrée correspondent à la description suivante, au sens de l’arrangement de Nice précité :

–        classe 14 : « Horloges et produits d’horlogerie ; bijouterie » ;

–        classe 18 : « Maroquinerie ».

7        L’opposition, fondée sur le motif relatif de refus figurant à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, était dirigée contre l’ensemble des produits visés par la demande d’enregistrement.

8        Le 10 mars 1999, l’intervenante, en application de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 40/94, a demandé à ce que la requérante rapporte la preuve de l’usage de la marque antérieure.

9        Afin de démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure, la requérante a présenté plusieurs objets et documents, notamment des montres, des factures, du matériel promotionnel, des articles de presse et une attestation sur l’honneur établie par son directeur.

10      L’ensemble de ces éléments a fait apparaître que la marque antérieure avait été utilisée en France pour des « montres et bracelets de montres » sous le signe figuratif reproduit ci-dessous :

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11      Par décision du 30 novembre 2001, la division d’opposition a statué sur l’opposition. D’une part, la division d’opposition a considéré que la requérante avait rapporté la preuve de l’usage de la marque antérieure, sans que cet usage sous le signe figuratif reproduit au point 10 ci-dessus ait altéré le caractère distinctif de la marque antérieure. D’autre part, elle a accueilli l’opposition au motif que les produits désignés par les marques en conflit étaient partiellement identiques et partiellement similaires et que les signes présentaient un degré suffisant de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle, de sorte qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

12      Le 29 janvier 2002, l’intervenante a formé un recours auprès de l’OHMI à l’encontre de la décision de la division d’opposition.

13      Par décision du 30 janvier 2003 (ci-après la « décision attaquée »), la troisième chambre de recours a annulé la décision de la division d’opposition et a, par conséquent, rejeté l’opposition. En substance, la chambre de recours a considéré que, malgré l’identité et la similitude des produits désignés par les marques en conflit, il fallait prendre en considération les circonstances dans lesquelles les produits désignés par la marque antérieure étaient commercialisés et le fait que les montres et bracelets de montres revêtus de cette marque étaient seulement vendus au consommateur final dans les centres commerciaux E. Leclerc. Dans ces conditions, la chambre de recours a estimé que les similitudes visuelle et phonétique entre les marques en conflit et leur possible allusion commune à la notion de quantité n’entraîneraient pas le consommateur moyen, s’il devait rencontrer la marque demandée sur des « montres, horloges, bracelets/chaînes de montres et boîtiers pour montres et pour horloges » dans des magasins autres que les centres commerciaux E. Leclerc, à considérer que les produits désignés par les marques en conflit proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées (points 39 et 40 de la décision attaquée).

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter la demande d’enregistrement de la marque demandée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens ;

–        condamner l’intervenante aux dépens de la procédure administrative devant l’OHMI.

15      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

16      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        annuler la décision attaquée pour autant qu’elle lui fait grief.

 En droit

17      À l’appui de son premier chef de conclusions, la requérante soulève deux moyens. Le premier moyen est tiré de la violation de la règle 50 du règlement (CE) nº 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement nº 40/94 (JO L 303, p. 1) Le second moyen est tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 et des « principes généraux du droit des marques ».

18      L’intervenante invoque, quant à elle, un moyen autonome d’annulation de la décision attaquée, tiré de la méconnaissance de l’article 15, paragraphe 2, et de l’article 43, paragraphe 3, du règlement nº 40/94.

19      Le Tribunal examinera d’abord le moyen autonome invoqué par l’intervenante, puis les second et premier moyens soulevés par la requérante.

 Sur le moyen autonome de l’intervenante, tiré de la violation de l’article 15, paragraphe 2, et de l’article 43, paragraphe 3, du règlement nº 40/94

 Arguments des parties

20      L’intervenante invite le Tribunal à constater que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que la marque antérieure, telle qu’elle avait été utilisée par la requérante, n’avait pas altéré le caractère distinctif du signe précédemment enregistré en France. Par voie de conséquence, l’intervenante demande aussi au Tribunal de déclarer que les preuves de l’usage sérieux de la marque antérieure, soumises par la requérante à l’OHMI durant la procédure administrative, étaient insuffisantes et que la chambre de recours a méconnu l’article 43, paragraphe 3, du règlement nº 40/94.

21      À l’audience, la requérante et l’OHMI ont soutenu que la décision attaquée devait être confirmée sur ce point.

 Appréciation du Tribunal

22      L’article 15 du règlement nº 40/94, intitulé « usage de la marque communautaire », énonce :

« 1. Si, dans un délai de cinq ans à compter de l’enregistrement, la marque communautaire n’a pas fait l’objet par le titulaire d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, ou si un tel usage a été suspendu pendant un délai ininterrompu de cinq ans, la marque communautaire est soumise aux sanctions prévues au présent règlement, sauf juste motif pour le non-usage.

2. Sont également considérés comme usage au sens du paragraphe 1 :

a)       l’emploi de la marque communautaire sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle celle-ci a été enregistrée ;

[…] »

23      L’article 43 du règlement nº 40/94, intitulé « examen de l’opposition », prévoit :

« 2. Sur requête du demandeur, le titulaire d’une marque communautaire antérieure qui a formé opposition, apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire, la marque communautaire antérieure a fait l’objet d’un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu’à cette date la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée. Si la marque communautaire antérieure n’a été utilisée que pour une partie des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée, elle n’est réputée enregistrée, aux fins de l’examen de l’opposition, que pour cette partie des produits ou services.

3. Le paragraphe 2 s’applique aux marques nationales antérieures visées à l’article 8, paragraphe 2, [sous] a), étant entendu que l’usage dans la Communauté est remplacé par l’usage dans l’État membre où la marque nationale antérieure est protégée.

[…] »

24      En l’espèce, il convient de rappeler que la décision attaquée a confirmé l’appréciation de la division d’opposition selon laquelle la requérante avait rapporté la preuve de l’usage sérieux de la marque nationale antérieure, conformément à l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 40/94, sans que le signe utilisé par la requérante, reproduit au point 10 ci-dessus, altère le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle avait été enregistrée en France, reproduite au point 5 ci-dessus. En particulier, la chambre de recours a relevé, au point 11 de la décision attaquée, que les différences dans la police de caractères et dans la stylisation de la lettre « q » de la marque antérieure n’en altéraient pas le caractère distinctif, puisqu’il résultait clairement des preuves fournies dans le cadre de la procédure d’opposition que cette lettre ne serait pas perçue de manière isolée du mot auquel elle appartenait et qui constituait l’élément essentiel de la marque antérieure. La chambre de recours a par ailleurs noté, au point 12 de la décision attaquée, que plusieurs coupures de presse et du matériel de promotion de la marque antérieure faisaient apparaître que la marque était également utilisée dans la forme sous laquelle elle avait été enregistrée et que la stylisation de la lettre « q » n’était pas mise en avant.

25      Cette appréciation doit être approuvée.

26      Tout d’abord, il convient de préciser que, en vertu de l’application combinée de l’article 15, paragraphe 2, sous a), et de l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 40/94, la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, nationale ou communautaire, qui fonde une opposition à l’encontre d’une demande de marque communautaire comprend également la preuve de l’utilisation de la marque antérieure sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de cette marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO AIRE), T‑156/01, Rec. p. II‑2789, point 44].

27      Ensuite, quant à la question de savoir si, en l’espèce, l’utilisation du signe reproduit au point 10 ci-dessus constitue, ainsi que l’allègue l’intervenante, un usage altérant le caractère distinctif de la marque nationale antérieure, force est de constater que tel n’est pas le cas.

28      Il convient de relever à cet égard que les seuls éléments qui différencient la marque nationale antérieure, telle qu’elle a été enregistrée, du signe utilisé par la requérante sont, d’une part, la stylisation de la lettre « q », suggérant le cadran d’une montre et, d’autre part, l’emploi des majuscules dans la désignation de l’élément verbal de la marque nationale antérieure.

29      Or, premièrement, s’il est vrai que la stylisation de la lettre « q » est plus marquée dans la représentation du signe utilisé que dans celle de la marque nationale antérieure, le caractère distinctif de la marque antérieure repose cependant toujours sur l’intégralité de l’élément verbal de cette marque. Au demeurant, il y a lieu de préciser que la stylisation de la lettre « q », suggérant, comme il vient d’être dit, le cadran d’une montre, ne présente pas un caractère particulièrement distinctif des produits de la classe 14, seuls produits pour lesquels la requérante a fourni des preuves de l’usage de la marque antérieure. Deuxièmement, en ce qui concerne l’emploi des majuscules, il suffit de relever que celui-ci est sans aucune originalité et n’altère pas non plus le caractère distinctif de la marque nationale antérieure.

30      Il s’ensuit que les éléments de preuve fournis par la requérante qui se réfèrent au signe reproduit au point 10 ci-dessus pour les produits de la classe 14 « montres et bracelets de montres » ont pu valablement être pris en considération par la chambre de recours aux fins d’apprécier si la requérante avait démontré l’usage sérieux de la marque nationale antérieure.

31      L’intervenante ne contestant pas l’appréciation de ces éléments de preuve par la chambre de recours, pas plus que l’appréciation de ceux rapportés par la requérante visant à démontrer que cette dernière avait également utilisé la marque antérieure nationale dans la forme sous laquelle elle avait été enregistrée, le moyen autonome de l’intervenante doit être rejeté.

 Sur le second moyen de la requérante, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 et des « principes généraux du droit des marques »

 Arguments des parties

32      La requérante conteste plusieurs des appréciations de la chambre de recours relatives à la comparaison des produits désignés par les marques en conflit, à la comparaison des signes en conflit et à l’absence de risque de confusion.

33      Premièrement, s’agissant de la comparaison des produits désignés par les marques en conflit, la requérante, sans contester l’identité et la similitude de ces derniers, soutient que, au point 30 de la décision attaquée, la chambre de recours s’est fondée sur un postulat factuel erroné. En effet, la requérante s’oppose à l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle les produits désignés par la marque antérieure ne seront pas commercialisés à côté des produits désignés par la marque demandée et ne seront pas vendus dans des magasins autres que les centres commerciaux E. Leclerc.

34      À cet égard, la requérante fait noter que cette affirmation semble se fonder, en particulier, sur l’attestation de son directeur, en date du 7 mai 1999, qu’elle avait fournie parmi les pièces visant à démontrer l’usage sérieux de la marque antérieure. Or, d’une part, selon la requérante, ni cette attestation ni les autres documents communiqués à l’OHMI ne permettent de conclure que les points de vente « Le Manège à Bijoux » des centres commerciaux E. Leclerc − qui commercialisent les produits désignés par la marque antérieure − ne commercialisent pas d’autres produits identiques ou similaires ou que la commercialisation des produits désignés par la marque antérieure sera toujours réservée à ces points de vente. D’autre part, la requérante rappelle que l’attestation précitée et les autres documents l’accompagnant ont été communiqués aux fins précises de la démonstration de l’usage sérieux de la marque antérieure entre 1993 et 1998, afin d’éviter le rejet de l’opposition. La requérante souligne qu’elle n’a pas été invitée par la chambre de recours à démontrer, par exemple, que les points de vente des centres commerciaux E. Leclerc pouvaient commercialiser des produits identiques ou similaires revêtus d’autres marques. Dans la mesure où la requérante affirme qu’une telle possibilité existe, elle se dit prête à fournir tout élément de preuve de nature à étayer son assertion.

35      Deuxièmement, quant à la comparaison des marques en conflit, la requérante fait remarquer, tout d’abord, que la chambre de recours s’est contredite dans son examen de la marque antérieure, puisqu’elle n’a pas effectué son appréciation par rapport à cette marque telle qu’elle a été utilisée, mais telle qu’elle a été enregistrée.

36      La requérante expose ensuite que la chambre de recours a commis plusieurs erreurs quant à la comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit.

37      Sur le plan visuel, si la requérante admet la similitude des préfixes « quant » retenue par la décision attaquée, elle fait noter toutefois que la chambre de recours a omis de constater que les signes en conflit avaient également en commun la lettre « m » et qu’il existait une ressemblance visuelle entre les lettres « i » de la marque antérieure et « u » de la marque demandée. La requérante soutient également que l’élément figuratif en forme de réveil situé au-dessus de l’élément verbal de la marque demandée – graphique, au demeurant, dépourvu de caractère distinctif pour les produits désignés par cette marque −, ne constitue pas un élément de différenciation visuelle entre les marques en conflit, contrairement à ce qu’a estimé la chambre de recours. D’ailleurs, si le public pertinent devait attacher une quelconque importance à cet élément figuratif, la requérante soutient que tel serait également le cas de la stylisation de la lettre « q » de la marque antérieure, telle qu’elle a été utilisée, qui évoque elle aussi un cadran de montre ou un réveil. Or, dans ces circonstances, ces éléments renforceraient la similitude visuelle entre les signes en conflit.

38      Du point de vue phonétique, si la requérante estime que c’est à juste titre que la chambre de recours a considéré qu’il existait une très grande similitude phonétique entre l’élément verbal de la marque demandée et celui de la marque antérieure, elle souligne néanmoins que la différence dans la prononciation des syllabes finales des marques en conflit (« tum » dans la marque demandée, « tième » dans la marque antérieure), mise en exergue par la chambre de recours, est de faible importance, en raison de la présence de la lettre « m », commune aux marques en conflit.

39      Sur le plan conceptuel, la requérante soutient que c’est à tort que la chambre de recours a considéré, aux points 37 et 38 de la décision attaquée, que les signes en conflit étaient différents. S’appuyant sur un sondage réalisé les 31 mai et 1er juin 2002 auprès d’un échantillon du public ciblé, annexé à la requête introductive d’instance, la requérante expose, d’une part, que le public ciblé ne connaît pas le sens précis des éléments verbaux des marques en conflit et, d’autre part, que, même parmi la fraction du public ciblé qui croit connaître le sens des éléments verbaux des marques en conflit, la majorité estime qu’ils font tous deux référence à une quantité. La requérante en déduit que cette circonstance renforce les similitudes entre les signes en conflit constatées sur les plans visuel et phonétique.

40      Troisièmement, s’agissant de l’appréciation de l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit, la requérante estime que la chambre de recours a méconnu le principe de l’interdépendance entre la similitude des marques et celle des produits qu’elles désignent. En particulier, elle soutient que la chambre a commis une erreur de droit en considérant que les conditions dans lesquelles les produits désignés par la marque antérieure étaient commercialisés à un moment donné constituaient un facteur pertinent dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion. À titre subsidiaire, elle invite le Tribunal à juger que la chambre de recours a accordé un poids trop important à ce facteur, compte tenu des similitudes entre les produits et les marques en conflit constatées dans la décision attaquée. Selon la requérante, la décision attaquée méconnaît à cet égard non seulement la jurisprudence communautaire, mais également les « principes fondamentaux du droit des marques », en particulier ceux de la cession d’une marque indépendamment de l’entreprise qui en est titulaire et de l’égalité de traitement entre les titulaires de marques. Quant à ce dernier « principe », la requérante précise que, si la marque antérieure avait eu moins de cinq ans d’existence au moment de la publication de la demande d’enregistrement, la requérante n’aurait pas eu à faire état de l’usage sérieux de cette marque et, par voie de conséquence, la chambre de recours n’aurait pas pu utiliser les éléments de preuve de l’usage de la marque antérieure qu’elle avait fournis au cours de la procédure administrative devant l’OHMI. Dans ces conditions, la requérante estime que la chambre de recours a réduit la portée de la protection de la marque antérieure.

41      L’OHMI rétorque, premièrement, qu’il n’est pas contesté que les produits désignés par les marques en conflit sont en partie identiques et en partie similaires.

42      Il souligne, deuxièmement, que le public concerné par rapport auquel l’appréciation de la comparaison des signes et du risque de confusion doit être réalisée est constitué, pour ce qui concerne les montres, horloges et bracelets/chaînes de montres, du consommateur moyen français, alors que, s’agissant des mouvements et pièces de montres et d’horloges, des verres de montres et d’horloges, ainsi que des étuis de montres et d’horloges, il inclut un public spécialisé qui fabrique ou répare les montres ou les horloges, les étuis, en particulier, n’étant généralement pas vendus séparément de la vente d’une montre ou d’une horloge.

43      Troisièmement, sur le plan de la comparaison des signes, l’OHMI considère qu’ils sont visuellement, phonétiquement et conceptuellement différents.

44      Du point de vue visuel, si l’OHMI admet que les éléments verbaux des signes en conflit partagent les cinq premières lettres (« quant »), il souligne toutefois que leurs lettres finales sont différentes, que les éléments verbaux sont de longueur différente, dans des polices de caractère différentes et que la marque demandée comprend également un élément figuratif qui ne saurait être ignoré, en dépit du fait qu’il posséderait un caractère distinctif intrinsèque contestable pour les produits désignés par la marque demandée. L’OHMI en conclut que les signes en conflit sont visuellement différents et peuvent être aisément distingués.

45      Sur le plan phonétique, l’OHMI soutient que le degré de similitude entre les signes en conflit, résultant de la présence de la syllabe commune « quant », est compensé par les différences qui existent entre les sons finaux des signes en conflit (« um » dans la marque demandée, « ième » dans la marque antérieure). L’OHMI relève à cet égard que les syllabes finales des signes en conflit se prononcent très différemment.

46      Sur le plan conceptuel, l’OHMI rappelle que les éléments verbaux des signes en conflit possèdent tous deux des significations différentes impliquant, par voie de conséquence, que ces derniers ne sauraient être considérés comme similaires sur ce plan. En particulier, l’OHMI est d’avis qu’il est très probable que le consommateur moyen comprendra le terme « quantième » de la marque antérieure comme la désignation numérique du jour d’un mois allant de un à trente et un. L’OHMI soutient que cette signification serait d’ailleurs répandue dans le commerce des montres, ainsi que l’attesteraient les pièces extraites de plusieurs sites internet francophones annexées à son mémoire en réponse. Partant, selon l’OHMI, soit le consommateur moyen connaîtra déjà la signification précitée soit il pourra en prendre connaissance par la notice accompagnant son achat ou en sollicitant un conseil du vendeur. Par ailleurs, l’OHMI ajoute qu’il convient de ne pas perdre de vue que le public concerné englobe des professionnels de l’industrie de la montre, lesquels comprendront sans nul doute la signification du terme « quantième ».

47      Selon l’OHMI, cette appréciation n’est pas infirmée par l’argument de la requérante, fondé sur le sondage d’opinion annexé à sa requête introductive d’instance, selon lequel le public concerné établirait un lien conceptuel entre les signes en conflit par une référence commune à la notion de quantité. Nonobstant diverses incertitudes relatives aux conditions dans lesquelles ce sondage a été mené, l’OHMI relève, en tout état de cause, qu’environ 11 % des personnes interrogées ont indiqué que le terme « quantum » se référait à la notion de quantité, alors qu’un peu plus de 28 % associait le terme « quantième » à cette notion. Or, de l’avis de l’OHMI, non seulement ces pourcentages ne sont pas concluants, mais, de plus, le sondage ne permet pas de savoir quelle proportion du public interrogé a répondu que les deux termes faisaient référence à la notion de quantité.

48      Quatrièmement, en ce qui concerne l’appréciation du risque de confusion, l’OHMI relève tout d’abord que, compte tenu du fait que les produits désignés par les marques en conflit ne sont pas achetés de manière régulière, le consommateur moyen accordera une attention particulière à tous les aspects de ces produits, y compris les marques dont ils sont pourvus. Ces achats s’effectuant après confrontation visuelle des produits et des marques, les différences visuelles entre les marques en conflit revêtiraient dès lors une importance particulière. L’OHMI soutient ensuite que la marque antérieure jouit d’un degré de protection intrinsèquement faible en France, dans la mesure où son élément verbal est communément utilisé pour décrire l’une des caractéristiques des produits en cause. Dans ces conditions, il estime qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les marques en conflit, indépendamment du fait de savoir si certains produits qu’elles désignent sont identiques ou fortement similaires. L’OHMI signale enfin que cette conclusion n’est pas remise en cause par l’erreur commise par la chambre de recours quant à la prise en compte par elle du facteur de la commercialisation particulière des produits désignés par la marque antérieure aux fins de l’appréciation du risque de confusion.

49      L’intervenante considère, en premier lieu, que c’est à tort que la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir examiné, aux fins de la comparaison des produits et des signes en conflit, la marque antérieure telle que protégée par son enregistrement en France et non pas telle qu’utilisée.

50      En deuxième lieu, l’intervenante s’oppose à l’affirmation de la requérante selon laquelle l’élément figuratif de la marque demandée serait dépourvu de caractère distinctif. En effet, selon l’intervenante, un tel élément, contrairement à un élément verbal, ne pourrait jamais être exclusivement descriptif. C’est donc à juste titre, de l’avis de l’intervenante, que la chambre de recours a pris en considération, dans la comparaison des signes en conflit, l’élément figuratif de la marque demandée.

51      À cet égard, l’intervenante estime que c’est à bon droit que la chambre de recours a exclu toute similitude visuelle entre les signes en conflit.

52      Quant à la comparaison phonétique des signes en conflit, l’intervenante soutient que la syllabe « quan », qui leur est commune, sera vraisemblablement prononcée de manière différente par le consommateur moyen de référence. De plus, la prononciation des syllabes finales radicalement différentes des signes en conflit serait accentuée par les règles de phonétique françaises. Par ailleurs, l’intervenante conteste les résultats du sondage d’opinion produit par la requérante, en particulier quant à son caractère véritablement représentatif et quant à l’absence d’indication du niveau d’éducation des personnes interrogées. Quant à ce dernier point, l’intervenante expose qu’une telle indication aurait été pertinente afin de savoir quelle proportion de consommateurs prononcerait l’élément verbal de la marque demandée en considération de l’origine latine du terme et donc de manière différente du vocable « quantième ».

53      Il s’ensuit, selon l’intervenante, que c’est à tort que la chambre de recours a pu estimer qu’existait une similitude phonétique entre les signes en conflit. Elle demande, en substance, au Tribunal de rectifier sur ce point cette erreur lui faisant grief.

54      Du point de vue conceptuel, l’intervenante rejette toute similitude entre les signes en conflit, se ralliant, en substance, aux arguments exposés par l’OHMI.

55      En troisième lieu, quant à l’absence de risque de confusion entre les marques en conflit, l’intervenante considère que la conclusion à laquelle est parvenue la chambre de recours est exacte. Si l’intervenante admet, à l’instar de la requérante, que la prise en compte des conditions de commercialisation d’un produit donné doit être faite par rapport à des situations objectives, elle soutient toutefois que c’est bien cette approche qui a été adoptée en l’espèce. En effet, de l’avis de l’intervenante, la marque antérieure appartient à la catégorie des « marques privées » (private labels) ou « marques de détaillant » (store brands) qui sont exclusivement conçues et utilisées par les chaînes de grande distribution. Les produits qu’elles désignent, poursuit-elle, doivent donc être considérés comme appartenant à une catégorie spécifique, en particulier en raison de leurs modalités de commercialisation, ce qui justifie l’approche de la chambre de recours.

56      Par ailleurs, l’intervenante soutient que le facteur relatif à la commercialisation des produits de la requérante n’a pas été pris en compte par la chambre de recours comme un contrepoids aux autres éléments retenus dans la décision attaquée, mais comme une simple circonstance permettant aux consommateurs de comprendre qu’ils ne trouveraient les produits désignés par la marque antérieure que dans les centres commerciaux E. Leclerc, à l’instar de tout produit revêtu d’une marque privée. En revanche, ces modalités générales de commercialisation des produits désignés par la marque antérieure influenceraient vraisemblablement l’attitude du consommateur moyen s’il était confronté aux produits désignés par la marque demandée dans d’autres points de vente. De plus, l’intervenante rejette l’allégation de la requérante selon laquelle la décision attaquée aurait méconnu les « principes généraux du droit des marques ».

57      Néanmoins, sans que cela n’influe sur la conclusion à laquelle est parvenue la chambre de recours, l’intervenante lui reproche de ne pas avoir suffisamment pris en considération, dans son appréciation globale, le caractère distinctif très faible de la marque antérieure. Selon l’intervenante, la reconnaissance de cette circonstance par la chambre de recours aurait suffi en soi à exclure tout risque de confusion entre les marques en conflit. Elle demande donc au Tribunal de constater l’erreur de droit qu’a commise la chambre de recours sur ce point.

 Appréciation du Tribunal

58      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée.

59      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance entre la similitude des signes et celle des produits ou services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 31 à 33, et la jurisprudence citée].

60      Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment de leurs éléments distinctifs et dominants [arrêt du Tribunal du 14 octobre 2003, Phillips-Van Heusen/OHMI
– Pash Textilvertrieb und Einzelhandel (BASS), T‑292/01, Rec. p. II‑4335, point 47, et la jurisprudence citée].

–        Sur le public pertinent

61      La marque nationale antérieure étant enregistrée en France, le public pertinent est donc le public français. Toutefois, l’OHMI et l’intervenante considèrent que, compte tenu des produits désignés par les marques en conflit, le public pertinent est composé, d’une part, du consommateur moyen et, d’autre part, de professionnels de l’industrie de la montre.

62      Il n’y a pas lieu de trancher cette question, dans la mesure où l’examen du risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen français est en l’espèce suffisant. En effet, si le risque de confusion est exclu dans l’esprit dudit consommateur moyen, comme l’a conclu la chambre de recours, cette circonstance suffit à rejeter le recours, puisque cette appréciation vaut a fortiori pour la fraction dite « professionnelle » du public pertinent, dont le degré d’attention est, par définition, plus élevé que celui du consommateur moyen. Ce n’est que dans l’éventualité où le Tribunal considérerait que c’est à tort que la chambre de recours a exclu le risque de confusion qu’il conviendrait, le cas échéant, de vérifier si un tel risque de confusion existe également pour les produits visés par la marque demandée et utilisés par ces professionnels.

63      Il convient toutefois de remarquer que, s’agissant de produits tels que ceux visés par les marques en conflit, qui ne sont pas achetés régulièrement et qui le sont généralement par l’intermédiaire d’un vendeur, le degré d’attention du consommateur moyen doit être considéré, ainsi que la chambre de recours l’a constaté à juste titre, comme supérieur au degré normal d’attention et, partant, comme plutôt élevé.

–        Sur la comparaison des produits

64      Il est constant que les produits désignés par les marques en conflit sont partiellement identiques et partiellement similaires, ainsi que l’a retenu la décision attaquée.

–        Sur la comparaison des signes en conflit

65      Avant d’examiner la comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit réalisée par la chambre de recours, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours aurait dû examiner la marque nationale antérieure, non pas telle qu’elle a été enregistrée, mais telle qu’elle a été utilisée sous le signe reproduit au point 10 ci-dessus.

66      En effet, il importe de rappeler que, dans le cadre des dispositions du règlement n° 40/94 régissant l’examen d’une opposition à l’enregistrement d’une marque communautaire, l’objectif de la démonstration de l’usage sérieux d’une marque nationale antérieure vise à permettre à son titulaire, sur requête expresse du demandeur de marque communautaire, de rapporter la preuve de l’utilisation effective et réelle de sa marque sur le marché au cours des cinq années qui ont précédé la publication de la demande de marque communautaire. Conformément à l’article 15, paragraphe 2, sous a), et à l’article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94, cette preuve vaut également dans le cas où le signe utilisé diffère de la marque antérieure, telle qu’elle a été enregistrée, par des éléments qui n’en altèrent pas le caractère distinctif. À défaut d’une telle démonstration, en particulier dans l’hypothèse où les éléments utilisés altèrent le caractère distinctif de la marque antérieure, ou à défaut de la démonstration de justes motifs de l’absence d’usage, l’opposition doit être rejetée. Ainsi, la démonstration de la preuve de l’usage sérieux d’une marque antérieure, dans le cadre d’une procédure d’opposition, n’a ni pour objet ni pour effet d’octroyer à son titulaire une protection pour un signe ou des éléments d’un signe qui n’ont pas été enregistrés. Admettre une argumentation inverse conduirait à élargir illégalement la protection dont bénéficie le titulaire d’une marque antérieure qui fonde une opposition à l’enregistrement d’une marque communautaire.

67      En l’espèce, la requérante ayant uniquement enregistré la marque antérieure qui est reproduite au point 5 ci-dessus, laquelle a fondé l’opposition sur laquelle a été amenée à se prononcer la chambre de recours dans la décision attaquée, seule cette marque dispose de la protection reconnue aux marques antérieures enregistrées. C’est donc également cette marque qui, aux fins de l’examen de l’opposition, devait être comparée à la marque demandée, ainsi que la division d’opposition et la chambre de recours l’ont fait à bon droit, pour les produits pour lesquels la preuve de l’usage sérieux avait été rapportée par la requérante, en l’occurrence les produits de la classe 14 « montres et bracelets de montres ».

68      Cela étant, il convient de vérifier la légalité de la décision attaquée quant à la comparaison visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit.

69      S’agissant de la comparaison visuelle, il y a lieu de rappeler que, aux points 31 à 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté ce qui suit :

« 31. Visuellement, la marque antérieure consiste dans le mot ‘quantième’ dans une police de caractères sans originalité particulière. La lettre ‘q’, qui apparaît quelque peu plus ronde que d’ordinaire, n’est toutefois pas bien différente de la lettre usuelle ‘q’. En effet, dans l’extrait du dictionnaire Larousse Anglais/Français 1995, que l’opposante a produit, la section contenant les mots débutant par cette lettre est introduite par la lettre q qui n’est pas bien différente de la lettre ‘q’ apparaissant dans la marque antérieure. La ligne noire au-dessus de la marque n’en fait pas partie. Rien dans la marque antérieure n’attire l’attention du public pertinent sur la lettre ‘q’ per se.

32.       S’agissant de la marque demandée, bien que [la division d’opposition, dans] la décision contestée, ait considéré qu’elle inclu[ait] un élément ressemblant à un cadran abstrait d’une horloge ou d’une montre sous la forme de la lettre ‘q’, elle a conclu que le mot ‘quantum’, qui n’[était] pas reproduit dans une police de caractères très originale, [en] constitu[ait] l’élément dominant. Il ressort clairement des brochures et des coupures de presse figurant dans le dossier qu’il n’est pas inhabituel que des signes apparaissant sur des montres comprennent un symbole centré au-dessus de l’élément verbal ou du nom, à l’instar de la marque demandée. Il n’est pas non plus inhabituel pour ce symbole d’inclure une reproduction fantaisiste de lettres qui véhicule une association immédiate à l’élément verbal ou au nom, comme dans le cas de la marque demandée. Il est probable que le consommateur moyen, qui est accoutumé à voir des logos disposés de la même manière, l’interprétera comme un logo fantaisiste et distinctif et non comme une simple horloge dépourvue de tout message quant à l’indication d’origine.

33. Visuellement, les marques sont similaires dans la mesure où elles contiennent chacune le préfixe ‘quant’. Elles se différencient dans la mesure où la marque demandée comprend un logo que le consommateur moyen percevra comme une représentation abrégée du mot ‘quantum’. Il est improbable que le consommateur moyen se concentre, au vu de la marque antérieure, sur la lettre ‘q’, puisqu’il n’y a pas de raison particulière pour que l’attention du consommateur soit attirée sur cette lettre ».

70      Il est constant que la chambre de recours a estimé qu’il n’y avait pas de similitude visuelle entre les signes en conflit.

71      Or, le Tribunal juge se trouver en présence d’une telle similitude.

72      Il convient de relever que, ainsi que la chambre de recours l’a indiqué à juste titre, les signes en conflit possèdent en commun le préfixe « quant ». En outre, ainsi que l’a mis en exergue la requérante, elles possèdent également la lettre « m » en commun. Du point de vue visuel, les éléments verbaux des marques en conflit partagent donc six lettres, dont les cinq premières de chaque signe. Si l’attention du consommateur est souvent attirée par la partie initiale des mots [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, non encore publié au Recueil, point 81], son attention visuelle peut tout aussi bien se focaliser sur les lettres finales des signes, compte tenu de la longueur limitée des signes en cause [voir arrêt du Tribunal du 6 juillet 2004, Grupo El Prado Cervera/OHMI − Héritiers Debuschewitz (CHUFAFIT), T‑117/02, non encore publié au Recueil, point 48]. En l’espèce, si l’élément verbal de la marque demandée est plutôt court, il convient de rappeler que sa lettre finale, à savoir la lettre « m », est identique à l’une des quatre lettres finales de la marque antérieure. Par ailleurs, ainsi que l’a relevé la chambre de recours, les polices de caractères des signes en conflit sont ordinaires. Visuellement, les éléments verbaux des signes en conflit sont donc similaires.

73      Il y a cependant lieu de vérifier si, comme le laisse entendre la chambre de recours, sans toutefois conclure clairement son raisonnement sur ce point, et comme le soutient l’intervenante dans ses écritures, la présence de l’élément figuratif au-dessus de l’élément verbal de la marque demandée permet d’écarter toute similitude visuelle entre les signes en conflit.

74      À cet égard, il convient de rappeler tout d’abord que, en principe, le public pertinent ne considérera pas un élément descriptif faisant partie d’une marque complexe comme l’élément distinctif et dominant de l’impression d’ensemble produite par celle-ci [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 3 juillet 2003, Alejandro/OHMI – Anheuser-Busch (BUDMEN), T‑129/01, Rec. p. II‑2251, point 53, et CHUFAFIT, point 72 supra, point 51].

75      En l’espèce, force est de constater que, à l’instar de ce qu’a admis l’OHMI, la reproduction d’un cadran de montre ou d’horloge ne présente pas un caractère distinctif particulier des produits pour lesquels l’intervenante demande l’enregistrement de la marque communautaire.

76      De plus, il y a lieu de rappeler que, s’agissant de l’appréciation du caractère dominant d’un ou plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, outre les qualités intrinsèques de chacun des composants, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI − Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 35].

77      Or, en l’espèce, il suffit de relever que l’élément figuratif est positionné au-dessus de l’élément verbal central de la marque demandée, sans que cette position permette toutefois de penser que cet élément puisse, du point de vue visuel, dominer l’image que gardera le public de la marque demandée. À cet égard, il convient de remarquer que le public pertinent sera, dans la grande majorité des cas, confronté à la marque demandée lors de l’achat de montres et que, en règle générale, les marques sont représentées sur leurs cadrans. Or, la taille de ces cadrans étant relativement petite, la représentation d’éléments figuratifs sera, sur le plan visuel, difficilement perceptible, dès lors que, comme en l’espèce, ces éléments ne sont pas positionnés de manière centrale dans la configuration de la marque complexe, mais se présentent au-dessus de l’élément verbal de la marque demandée.

78      Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que les signes en conflit sont similaires sur le plan visuel.

79      Quant à la comparaison phonétique des signes en conflit, la chambre de recours a effectué, au point 34 de la décision attaquée, l’appréciation suivante :

« Phonétiquement, puisque le symbole [figurant] dans la marque demandée sera probablement pris pour une abréviation fantaisiste du mot ‘quantum’, la marque demandée sera simplement prononcée ‘Quantum’. De plus, il est improbable que le public pertinent prononcera le mot correctement comme ‘kwantóm’ (voir le Robert électronique), en particulier parce que le mot est utilisé dans des contextes très spécifiques et que le public pertinent ne le percevra pas comme un mot latin. Dans la marque demandée, la syllabe ‘ quan ’ sera prononcée ‘ kan- ’, tout comme dans la marque antérieure. Il existe donc un certain degré de similitude phonétique, en dépit du fait que les terminaisons des signes (‘-tóm’ ou ‘-toum’ dans la marque demandée et ‘-tjem’ dans la marque antérieure) différeront probablement et que la marque antérieure est susceptible d’être prononcée en trois syllabes ».

80      Cette appréciation ne peut, en substance, être infirmée.

81      S’agissant de la prononciation, il est en effet peu réaliste de penser que le consommateur moyen français prononcera la marque demandée en référence à la prononciation latine du terme « quantum », à savoir « kwantóm ». À cet égard, il y a lieu de relever que le sondage produit par la requérante lors de la procédure administrative et annexé à sa requête introductive d’instance vient conforter cette appréciation. En effet, il résulte de ce sondage, réalisé auprès d’un échantillon représentatif de la population française de 984 personnes les 30 mai et 1er juin 2002, que 79,5 % des personnes interrogées ont prononcé la marque demandée soit comme « kantom », soit comme « kantoum ».

82      Sur ce point, ne saurait être accueilli le reproche de l’intervenante selon lequel ce sondage ne serait pas représentatif, en particulier en raison de l’absence de toute indication relative au niveau d’éducation des personnes interrogées, indication qui aurait été pertinente afin de savoir quelle proportion de consommateurs prononcerait l’élément verbal de la marque demandée en considération de l’origine latine du terme et donc de manière différente du vocable « quantième ». En effet, d’une part, l’intervenante n’étaye aucunement son allégation de l’absence de pertinence des résultats du sondage, alors qu’il apparaît que ce sondage a été réalisé sur la base d’une méthode et dans des conditions objectives. L’intervenante n’avance pas non plus les raisons pour lesquelles la chambre de recours aurait commis une erreur en se référant, dans la décision attaquée, aux résultats de ce sondage. D’autre part, l’échantillon de la population française étant, par définition, « représentatif » de cette population, le sondage a nécessairement pris en compte le niveau d’éducation de cette population, ainsi que le reflètent indirectement les tableaux relatifs à la structure de l’échantillon. Au demeurant, l’intervenante méconnaît le fait que le public pertinent est composé de consommateurs moyens français, dont on ne peut présupposer qu’ils possèdent une connaissance du latin et de la prononciation, au demeurant non uniforme, de termes latins.

83      Il s’ensuit que, en règle générale, le public pertinent prononcera la marque demandée comme « kantóm », voire « kantoum », alors qu’il prononcera généralement la marque antérieure comme « kantjεm », sans scinder cette prononciation en trois syllabes, ainsi que l’ont également mis en exergue les résultats du sondage précité.

84      Or, malgré la présence du son « o », voire « ou », dans la marque demandée et la présence du son « jε » dans la marque antérieure, les marques en conflit ont en commun, outre le son « kant », le son final de la lettre « m ».

85      Il y a donc lieu de conclure qu’il existe une similitude phonétique entre les signes en conflit.

86      S’agissant de la comparaison conceptuelle des signes en conflit, il convient de rappeler que la chambre de recours a précisé, aux points 35 à 38 de la décision attaquée, ce qui suit :

« 35. Conceptuellement, les marques ont des significations différentes. La signification du mot ‘quantum’ varie en fonction des domaines. En philosophie, il signifie une quantité finie et déterminée et, en sciences physiques, il se réfère à la valeur discrète à laquelle ou aux multiples de laquelle correspond une manifestation d’énergie. [Quantum d’action (…) Le quantum d’énergie électromagnétique est proportionnel à la fréquence de la radiation (il correspond à cette fréquence multipliée par la constante de Planck – elle-même parfois désignée sous le nom de quantum – voir le Robert électronique]. Selon ce dictionnaire, le mot [‘quantum’] se rencontre également dans le vocabulaire informatique comme ‘Quantum de temps : durée élémentaire maximale d’un programme, dans les systèmes en “temps partagé” d’un ordinateur’. De plus, il ressort clairement du dictionnaire Le Robert & Collins du management commercial financier économique juridique (1992) que le mot est utilisé dans le domaine juridique ou administratif dans le sens du montant de dommages (quantum des dommages et intérêts). Les domaines d’utilisation de ce mot étant spécifiques, le consommateur moyen ne possédera d’idée précise d’aucune des significations précitées, bien qu’il soit susceptible, à supposer qu’il ait étudié les sciences physiques même à un niveau élémentaire, de comprendre qu’il s’agit d’un terme scientifique.

36.       S’agissant du mot ‘quantième’, le Robert électronique le définit, premièrement, soit comme un adjectif, soit comme un adjectif interrogatif signifiant ‘quel rang ou quel ordre numérique’ [par exemple, ‘Je ne sais à la quantième visite ce fut (Furetière, Roman bourgeois, II). Le quantième êtes-vous ? Le sixième’] et, deuxièmement, comme un nom, qui signifie le jour du mois désigné par un chiffre de un à trente et un [de premier, deux (…), à trente ou trente et un. Le quantième, quel quantième sommes-nous ? – Date, jour (du mois) ; et aussi combien […] Cette montre marque les quantièmes]. Il ressort clairement des indications accompagnant ce mot et de l’avis du professeur Jean-Pierre Lassalle, produit par l’opposante, que seul l’adjectif est obsolète. Le nom, dans le second sens, n’est pas obsolète et décrit même l’indication du jour du mois sur les montres. Nonobstant cette circonstance, dans la mesure où ce terme n’est pas d’usage quotidien, le consommateur moyen n’en aura pas une compréhension immédiate. Néanmoins, si le consommateur moyen avait recours aux conseils d’un vendeur de montres, lequel, au contraire, pourrait avoir une compréhension précise de la signification de ce terme en tant qu’indication du mois figurant sur les montres et les horloges, il n’est pas exclu que le consommateur devienne informé de la signification précise de ce terme.

37.       Alors qu’il résulte du sondage produit par l’opposante qu’une partie des consommateurs moyens pourrait considérer que la marque demandée fait allusion à la notion de quantité, ces consommateurs sont moins nombreux que ceux qui percevraient la marque antérieure comme faisant référence à cette notion. Bien que de nombreux consommateurs soient susceptibles de revendiquer le fait qu’ils connaissent la signification du mot ‘quantième’, un nombre encore plus important donnera une signification au mot ‘quantum’. La proportion est plus importante dans le premier cas, puisque la racine ‘quanti-’ véhicule une association avec la notion de quantité. [En revanche], cela n’est pas évident dans le cas du préfixe ‘quant-’ [figurant] dans la marque demandée qui véhicule une association avec la préposition ‘quant’.

38.       Du point de vue des consommateurs qui comprennent la signification précise d’un ou des deux termes, que ce soit d’une manière précise ou allusive, les marques seront conceptuellement différentes. Du point de vue des consommateurs qui n’en comprennent pas le sens, le facteur conceptuel est d’une importance minime dans la comparaison [des signes en conflit] ».

87      Il convient de remarquer tout d’abord que la chambre de recours n’a pas clairement conclu à l’existence d’une différence conceptuelle entre les signes dans l’esprit du public pertinent.

88      Ensuite, il importe de relever que, d’une part, ainsi que la chambre de recours l’a constaté, la signification des éléments verbaux des signes en conflit ne sera pas immédiatement comprise par le consommateur moyen français, en particulier en raison des domaines techniques et spécialisés dans lesquels ces termes sont employés. Certes, il n’est pas exclu, comme l’indique la chambre de recours, que le consommateur moyen perçoive le mot « quantum » comme un terme scientifique. Toutefois, cela n’implique pas qu’il lui attribuera une signification particulière.

89      Néanmoins, ainsi que l’intervenante l’a indiqué à juste titre à l’audience, il convient également, dans ce contexte, d’attacher une certaine importance aux conditions objectives dans lesquelles les marques se présentent sur le marché [voir arrêts du Tribunal BUDMEN, point 74 supra, point 57, et du 6 octobre 2004, New Look/OHMI – Naulover (NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection), T‑117/03 à T‑119/03 et T‑171/03, non encore publié au Recueil, point 49], en particulier aux conditions de commercialisation des montres et des horloges. En effet, ces produits sont, en règle générale, commercialisés par l’intermédiaire d’un vendeur, lequel, notamment, prodiguera certains conseils à l’acheteur et lui présentera vraisemblablement les détails techniques et la conception du produit en question. Or, dans ces circonstances, il est possible que le consommateur moyen soit informé de la signification de l’élément verbal « quantième » figurant dans la marque antérieure, lequel est particulièrement usité dans l’industrie et le commerce des produits horlogers.

90      C’est aussi la raison pour laquelle, sur le plan conceptuel, il ne saurait être accordé aux résultats du sondage précité, produit par la requérante, autant d’importance que cette dernière le prétend. En effet, s’il est certes vrai que, sur le nombre de personnes interrogées ayant attribué une signification aux deux termes, plus de 69 % des citations du terme « quantième » et plus de 45 % des citations du terme « quantum » se sont référées à la notion de quantité, en revanche, ce sondage, effectué au domicile de chaque personne interrogée, n’a pas pris en compte les conditions objectives dans lesquelles les marques en conflit se présentent, ou se présenteraient, sur le marché.

91      Il s’ensuit que, si, en règle générale, le public concerné n’attribuera pas immédiatement une signification précise aux éléments verbaux des marques en conflit, il sera toutefois susceptible de donner un sens à l’élément verbal de la marque antérieure, compte tenu des conditions objectives dans lesquelles sont commercialisés les produits protégés par les marques en conflit. Partant, il existe une certaine différence conceptuelle entre les signes en conflit.

92      Il résulte de l’ensemble de ces développements que les signes en conflit sont similaires sur les plans visuel et phonétique et présentent des différences sur le plan conceptuel.

–        Sur le risque de confusion

93      Il y a lieu de rappeler que, en l’espèce, la chambre de recours a considéré qu’il n’existait pas de risque de confusion entre les marques en conflit sur la base du raisonnement développé aux points 39 et 40 de la décision attaquée.

94      Elle a ainsi fait état de l’analyse suivante :

« 39. […] [B]ien que les produits de la marque demandée soient identiques ou similaires, dans leur nature et leur destination, aux produits désignés par la marque antérieure et que les accessoires désignés par la marque demandée soient complémentaires dans leur nature et leur destination des produits de la marque antérieure, il ressort des circonstances de l’espèce que, dans la mesure où les montres revêtues de la marque antérieure sont uniquement vendues dans les centres de distribution E. Leclerc et que les montres pourvues d’autres marques ne sont pas vendues dans ces centres, les produits revêtus des marques [en conflit] ne seront pas vendus à côté les uns des autres ou dans les mêmes magasins.

40.       En prenant en considération les circonstances dans lesquelles les produits désignés par la marque antérieure ont été commercialisés et le fait que les montres et bracelets de montres revêtus de cette marque sont uniquement vendus au consommateur final dans les magasins E. Leclerc, la chambre de recours ne considère pas que les similitudes visuelle et phonétique entre les marques en conflit et leur possible allusion conceptuelle commune à la notion de quantité entraînera le consommateur moyen, s’il devait rencontrer la marque demandée sur des ‘montres, horloges, bracelets/chaînes de montres et boîtiers pour montres et pour horloges’ dans des magasins autres que les centres commerciaux E. Leclerc, à considérer que les produits désignés par les marques en conflit proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées. »

95      Cette argumentation ne saurait être retenue.

96      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’appréciation du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte et, notamment, entre la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et, s’agissant de l’application du règlement nº 40/94, arrêt GIORGIO BEVERLY HILLS, point 59 supra, point 32).

97      En l’espèce, il est constant que les produits désignés par les marques en conflit sont partiellement identiques et partiellement similaires. Il s’ensuit que, afin d’écarter le risque de confusion, cette identité et cette similitude doivent être compensées par un degré élevé de différence entre les signes. Ainsi qu’il a été rappelé plus haut, les signes en conflit sont visuellement et phonétiquement similaires, alors qu’ils présentent une certaine différence conceptuelle.

98      Certes, selon la jurisprudence, une différence conceptuelle entre des signes peut être de nature à neutraliser dans une large mesure les similitudes visuelle et phonétique entre ces signes (arrêt BASS, point 60 supra, point 54). Toutefois, selon cette même jurisprudence, une telle neutralisation requiert qu’au moins une des marques en cause ait, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public est susceptible de la saisir immédiatement.

99      Or, en l’espèce, ainsi qu’il a été relevé plus haut, il est exclu que le public pertinent saisisse immédiatement la signification déterminée tant de l’élément verbal « quantième » de la marque antérieure que de l’élément verbal « quantum » de la marque demandée.

100    Dans ces conditions, la différence conceptuelle entre les signes en conflit n’est pas de nature à neutraliser dans une large mesure les similitudes visuelle et phonétique relevées entre ces mêmes signes.

101    La chambre de recours a toutefois considéré que les modalités particulières de commercialisation des produits désignés par la marque antérieure permettaient d’exclure tout risque de confusion entre les marques en conflit.

102    À cet égard, il convient d’écarter, par principe, à l’instar de ce que soutiennent la requérante et l’OHMI, la prise en compte de ce critère dans le cadre de l’examen du risque de confusion.

103    Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, le poids respectif à accorder aux aspects visuel, phonétique ou conceptuel de signes en conflit peut varier en fonction des conditions objectives dans lesquelles les marques peuvent se présenter sur le marché (voir arrêts BUDMEN, point 74 supra, point 57, et NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection, point 89 supra, point 49). Il importe de relever à cet égard que doivent être prises comme référence les modalités de commercialisation « normales » des produits désignés par les marques en conflit, c’est-à-dire celles auxquelles il est normal de s’attendre pour la catégorie des produits désignés par les marques en cause. Il s’agit, en l’espèce, pour les montres et bracelets de montres, de conditions qui présupposent, en règle générale, l’achat par l’intermédiaire d’un vendeur, sans que le consommateur puisse avoir accès directement, en libre-service, à ces produits.

104    La prise en compte des conditions objectives de commercialisation des produits désignés par les marques en conflit se justifie pleinement. En effet, il y a lieu de rappeler que l’examen du risque de confusion auquel les instances de l’OHMI sont amenées à procéder est un examen prospectif. Or, les modalités de commercialisation particulières des produits désignés par les marques pouvant varier dans le temps et suivant la volonté des titulaires de ces marques, l’analyse prospective du risque de confusion entre deux marques, qui poursuit un but d’intérêt général, à savoir celui que le public pertinent ne puisse courir le risque d’être induit en erreur à propos de l’origine commerciale des produits en cause, ne saurait dépendre des intentions commerciales, réalisées ou non, et par nature subjectives, des titulaires des marques.

105    En revanche, il y a lieu de souligner que les instances de l’OHMI sont habilitées à prendre en considération les modalités objectives de commercialisation des produits, en particulier dans la perspective de déterminer le poids respectif à accorder aux aspects visuel, phonétique et conceptuel des marques en conflit. Ainsi, si un produit désigné par une marque donnée est uniquement vendu sur commande orale, les aspects phonétiques du signe en question revêtiront nécessairement une plus grande importance dans l’esprit du public pertinent que les aspects visuels (voir, en ce sens, arrêt NLSPORT, NLJEANS, NLACTIVE et NLCollection, point 89 supra, point 49).

106    À cet égard, le Tribunal ne saurait souscrire à la thèse de l’intervenante selon laquelle la chambre de recours a bien pris en compte, en l’espèce, les conditions objectives de commercialisation des produits de la requérante dans la mesure où ces produits sont désignés par une catégorie de marques sui generis, à savoir les marques privées ou les marques de détaillant. En effet, cette prétention méconnaît, d’une part, le fait que les produits revêtus de la marque antérieure ne se présentent pas dans les rayons des centres commerciaux E. Leclerc, mais dans des points de vente spécialisés qui peuvent être situés dans la galerie commerciale les entourant et, d’autre part, la circonstance que, y compris dans les centres commerciaux, les marques de détaillant coexistent sur le marché avec d’autres marques, désignant des produits identiques ou similaires, d’autres titulaires.

107    Il s’ensuit que, en prenant en considération, dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion entre les marques en conflit, les modalités spécifiques de commercialisation des produits désignés par la marque antérieure, nécessairement limitées dans le temps et dépendantes de la seule stratégie commerciale du titulaire de cette marque, la chambre de recours a commis une erreur de droit.

108    Pour l’ensemble de ces raisons, c’est à tort que la chambre de recours a écarté l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit dans l’esprit du consommateur moyen français.

109    Cette appréciation n’est pas infirmée par l’argument de l’OHMI et de l’intervenante selon lequel la marque antérieure ne peut jouir que d’une protection limitée au motif de son faible caractère distinctif.

110    En effet, s’il est vrai que le risque de confusion est d’autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s’avère important (arrêt de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, Rec. p. I‑6191, point 24), en l’espèce, l’identité et la similitude des produits désignés par les marques en conflit, associées aux similitudes visuelle et phonétique des signes qu’elles comportent, sans que ces similitudes puissent être neutralisées dans une large mesure par la différence conceptuelle entre lesdits signes, suffisent à créer un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, dans l’esprit du consommateur moyen français. Le risque de confusion constituant la condition spécifique de la protection de la marque antérieure, cette protection s’applique indépendamment de la question de savoir si la marque antérieure jouit uniquement d’un faible caractère distinctif.

111    Enfin, s’agissant de l’absence alléguée de risque de confusion dans la fraction du public pertinent constitué de professionnels, il convient de relever que les accessoires, mentionnés dans la classe 14 parmi les produits pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé, ne sont pas strictement limités à leur utilisation par ces spécialistes et ne sauraient être dissociés des autres produits pour lesquels la marque communautaire est demandée. Dès lors, la constatation de l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du consommateur moyen français suffit pour considérer qu’il existe un risque de confusion entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent.

112    Il convient donc d’accueillir le second moyen tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 et, sans qu’il soit besoin d’examiner le premier moyen invoqué par la requérante, de faire droit aux conclusions en annulation de cette dernière.

113    Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur le deuxième chef de conclusions de la requérante visant à refuser l’enregistrement de la marque communautaire demandée, l’OHMI devant, en tout état de cause, conformément à l’article 63, paragraphe 6, du règlement nº 40/94, prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du juge communautaire.

 Sur les dépens

114    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, la requérante a conclu à la condamnation de l’OHMI aux dépens de la présente instance. L’OHMI ayant succombé, il y a donc lieu de faire droit aux conclusions de la requérante et de le condamner aux dépens exposés par celle-ci dans la procédure devant le Tribunal.

115    En outre, la requérante a conclu à la condamnation de l’intervenante aux dépens qu’elle a exposés dans la procédure administrative devant l’OHMI. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 136, paragraphe 2, du règlement de procédure, les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il n’en va toutefois pas de même des frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’opposition. Partant, la demande de la requérante tendant à ce que l’intervenante, ayant succombé en ses conclusions, soit condamnée aux dépens de la procédure administrative devant l’OHMI ne peut être accueillie que s’agissant des seuls dépens indispensables exposés par la requérante aux fins de la procédure devant la chambre de recours.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la troisième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 30 janvier 2003 (affaire R 109/2002‑3) est annulée.

2)      L’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante dans la procédure devant le Tribunal.

3)      L’intervenante supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la requérante dans la procédure devant la chambre de recours.

Legal

Mengozzi

Wiszniewska-Białecka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 janvier 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       H. Legal


* Langue de procédure : l’anglais.