Language of document :

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

21 mars 2018 (*)

« Fonction publique – Bénéficiaire d’une pension de survie – Sécurité sociale – Rejet d’une demande d’autorisation préalable visant à obtenir le remboursement de certains frais médicaux – Nouvelle demande – Acte purement confirmatif – Délai de recours – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑574/17,

UD, représentée par Mes S. Orlandi et T. Martin, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. T. Bohr et M. Mensi, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision de la Commission refusant d’accorder à la requérante l’autorisation préalable pour obtenir le remboursement de certains frais médicaux,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de MM. M. Prek (rapporteur), président, F. Schalin et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, UD, est le conjoint survivant d’un ancien fonctionnaire de la Commission européenne.

2        Le 12 août 2014, la requérante avait présenté au bureau liquidateur d’Ispra (Italie) une demande tendant à la prise en charge d’une intervention, prévue pour le 26 août 2014, de cystoscopie et d’injections du produit botox afin de traiter une incontinence urinaire. La période concernée par cette demande a été fixée par le bureau liquidateur comme allant du 26 juin au 31 décembre 2014.

3        S’agissant d’un traitement non prévu par la décision de la Commission du 2 juillet 2007, portant fixation des dispositions générales d’exécution relatives au remboursement des frais médicaux, le bureau liquidateur a décidé de soumettre le dossier au conseil médical. Dans l’avis du 2 octobre 2014, le conseil médical a relevé que le traitement par botox dans cette indication n’était pas validé scientifiquement, que d’autres modalités de traitement étaient disponibles et valides et qu’une hospitalisation n’était pas nécessaire pour ce type de traitement. Il en a conclu que le remboursement demandé n’était pas justifié.

4        Par décision du 29 octobre 2014, le bureau liquidateur a refusé la demande d’autorisation préalable pour le remboursement des frais liés au traitement concerné en indiquant que le traitement par botox dans cette indication n’était pas validé scientifiquement.

5        Le 20 mars 2015, la requérante a introduit, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), une réclamation pour contester cette décision. La réclamation a été rejetée par décision du 7 juillet 2015. Dans cette décision, il a été constaté que la réclamation était irrecevable du fait qu’elle avait été introduite au-delà du délai de trois mois prescrit au même article 90, paragraphe 2, du statut. Quant au fond, l’AIPN, répondant à titre surabondant, a fait référence à l’avis du conseil médical du 2 octobre 2014 et a également indiqué que, à la suite de la réclamation introduite par la requérante, le dossier avait été de nouveau soumis au médecin-conseil qui avait émis un deuxième avis négatif concernant le remboursement du traitement concerné. Notamment, celui-ci a indiqué que, même si le traitement s’était avéré efficace dans certains cas, il exigeait, selon les publications scientifiques, d’autres études à grande échelle pour que sa validité scientifique puisse être confirmée et que, pour autant que la validité ne pouvait être définitivement prouvée de façon concluante en général et plus spécifiquement pour la pathologie dont la requérante souffrait, le traitement ne pouvait pas être considéré comme fonctionnel. La réclamation de la requérante a par conséquent été rejetée.

6        La requérante n’a pas introduit de recours contre ce refus dans les délais prévus à cet effet.

7        Le 28 octobre 2016, la requérante a introduit une nouvelle demande d’autorisation préalable visant un remboursement des frais liés à ce même traitement du 26 août 2014 de l’incontinence urinaire par le produit botox. La requérante a produit des informations complémentaires avec cette nouvelle demande, à savoir des courriers de deux médecins datés, respectivement, du 10 décembre 2015 et du 2 mai 2016.

8        Le 2 novembre 2016, le bureau liquidateur d’Ispra a adopté une nouvelle décision de refus concernant la demande de la requérante (ci-après l’« acte attaqué ») pour le motif suivant : « Après examen de la nouvelle documentation médicale envoyée, on confirme l’avis précédent, en accord avec l’avis du [c]onseil [m]édical du [2 octobre] 2014 : le traitement par [botox] dans cette indication n’est pas validé scientifiquement ».

9        Le 30 janvier 2017, la requérante a introduit une réclamation contre la décision du 2 novembre 2016. Le 15 mai 2017, l’AIPN a rejeté cette réclamation comme irrecevable.

 Procédure et conclusions des parties

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 août 2017, la requérante a introduit le présent recours.

11      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 10 novembre 2017, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

12      La requérante a présenté ses observations sur l’exception d’irrecevabilité par acte déposé au greffe le 8 janvier 2018.

13      Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’acte attaqué ;

–        condamner la Commission aux dépens.

14      Dans l’exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant manifestement irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

15      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        condamner la Commission aux dépens.

 En droit

16      Aux termes de l’article 130, paragraphes 1 et 7, du règlement de procédure, si la partie défenderesse le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. En l’espèce, la Commission ayant demandé qu’il soit statué sur l’irrecevabilité, le Tribunal s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide de statuer sans poursuivre la procédure.

17      À l’appui de l’exception d’irrecevabilité, la Commission soutient que le recours est irrecevable, car l’acte attaqué serait un acte purement confirmatif de la décision du 29 octobre 2014 (voir point 4 ci-dessus) qui serait devenue définitive. En effet, l’objet de la décision de refus en cause dans la présente affaire serait exactement le même que celui de la demande initiale du 12 août 2014, puisqu’il concernerait la même pathologie et la même période de traitement. En outre, les documents fournis par la requérante dans le cadre de sa deuxième demande ne sauraient être qualifiés de faits substantiels.

18      Dans les observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante soutient que le recours est recevable. En effet, la Commission aurait bien procédé à une nouvelle appréciation des faits sur la base des nouveaux documents qu’il a soumis et se serait donc bien livrée à un réexamen de la décision du 29 octobre 2014. L’argumentation de la Commission serait donc inopérante. En tout état de cause, l’exception d’irrecevabilité soulevée ne serait pas fondée, car les documents présentés contiendraient bien des éléments nouveaux et substantiels. Dans la décision du 29 octobre 2014, le médecin-conseil n’aurait pas été en mesure d’exclure définitivement la fonctionnalité du traitement en cause en 2014, mais aurait indiqué que des études scientifiques étaient nécessaires pour confirmer son efficacité. Or, ce serait sur le fondement de la documentation présentée par la requérante que le conseil médical aurait rendu un avis favorable quant à la possibilité d’obtenir le remboursement du traitement le 1er décembre 2016.

19      Selon une jurisprudence constante, un recours en annulation formé contre un acte purement confirmatif d’une décision antérieure non attaquée dans les délais est irrecevable (arrêt du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, EU:T:2001:42, points 40 et 44 et jurisprudence citée). Un acte est considéré comme purement confirmatif d’une décision antérieure s’il ne contient aucun élément nouveau par rapport à la décision antérieure et n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation du destinataire de cette décision (voir ordonnance du 26 octobre 2016, Edeka-Handelsgesellschaft Hessenring/Commission, T‑611/15, non publiée, EU:T:2016:643, point 28 et jurisprudence citée).

20      Cette jurisprudence vise à assurer le respect des délais de recours ainsi que l’autorité de la chose jugée et, partant, à protéger le principe de sécurité juridique. En effet, les règles concernant les délais de recours sont d’ordre public et doivent être appliquées par le juge de l’Union de manière à assurer la sécurité juridique ainsi que l’égalité des justiciables devant la loi afin d’éviter toute discrimination ou traitement arbitraire dans l’administration de la justice (voir ordonnance du 26 octobre 2016, Edeka-Handelsgesellschaft Hessenring/Commission, T‑611/15, non publiée, EU:T:2016:643, point 29 et jurisprudence citée).

21      En revanche, l’existence de faits nouveaux et substantiels peut justifier la présentation d’une demande tendant au réexamen d’une décision antérieure devenue définitive. Toutefois, lorsque la demande de réexamen n’est pas fondée sur des faits nouveaux et substantiels, le recours contre la décision refusant de procéder au réexamen sollicité doit être déclaré irrecevable. Selon une jurisprudence constante, un fait est substantiel lorsqu’il est susceptible de modifier de façon substantielle la situation juridique telle qu’elle a été prise en compte par les auteurs de l’acte antérieur, c’est-à-dire notamment en modifiant de façon substantielle les conditions qui ont régi l’acte antérieur. Tel est le cas d’un élément suscitant des doutes quant au bien-fondé de la solution adoptée par ledit acte [voir ordonnance du 13 juillet 2017, myToys.de/EUIPO – Laboratorios Indas (myBaby), T‑519/15, non publiée, EU:T:2017:502, point 41 et jurisprudence citée].

22      En outre, un acte est confirmatif d’une décision antérieure s’il ne contient aucun élément nouveau en ce qui concerne la raison pour laquelle la demande concernée avait été refusée (voir, en ce sens, ordonnance du 26 octobre 2016, Edeka-Handelsgesellschaft Hessenring/Commission, T‑611/15, non publiée, EU:T:2016:643, point 37 et jurisprudence citée).

23      En l’espèce, en premier lieu, il est constant que les parties dans les deux procédures (voir points 4 à 9 ci-dessus) étaient les mêmes.

24      En deuxième lieu, les objets des deux procédures se recoupent en ce que la requérante avait présenté une demande tendant à la prise en charge d’une intervention de cystoscopie et d’injections du produit botox du 26 août 2014. La période concernée par ces procédures, telle qu’arrêtée par le bureau liquidateur et non contestée par la requérante était par conséquent la même, à savoir la période allant du 26 juin au 31 décembre 2014 (voir points 2 et 7 ci-dessus).

25      En troisième lieu, la motivation fournie par le bureau liquidateur dans l’acte attaqué est, en substance, identique à celle de la décision du 29 octobre 2014, à savoir que le traitement par botox dans l’indication concernée n’était pas validé scientifiquement.

26      À cet égard, la requérante soutient que l’acte attaqué reflétait un réexamen de la décision du 29 octobre 2014 et qu’il avait pour objet de répondre aux documents présentés par la requérante qu’il convient de qualifier de nouveaux et substantiels.

27      Cette argumentation doit être rejetée. Certes, l’acte attaqué indique expressément que la « nouvelle documentation médicale envoyée » avait été examinée (voir point 8 ci-dessus). Cependant, il ne saurait être déduit de cette mention que l’acte attaqué constitue un réexamen de la situation juridique de la requérante. En effet, si cette mention fait état du fait que le bureau liquidateur avait bien vérifié que la documentation présentée par la requérante était susceptible de modifier de façon substantielle la situation juridique telle qu’elle avait été prise en compte pour l’adoption de la décision du 29 octobre 2014, il ne saurait en être déduit que le bureau liquidateur avait, sur la base de cette documentation, effectivement réexaminé la situation juridique de la requérante. Il convient d’observer à cet égard que, après mention de ladite documentation, le bureau liquidateur a simplement confirmé l’avis adopté dans la première procédure en revoyant explicitement à l’avis du conseil médical du 2 octobre 2014 et à la motivation de la décision du 29 octobre 2014. Force est également de relever que, dans l’acte attaqué, le bureau liquidateur n’a avancé aucune nouvelle justification pour refuser le remboursement demandé.

28      Quant au prétendu caractère nouveau et substantiel de la documentation présentée par la requérante, celle-ci consiste en deux courriers de médecins portant leurs avis sur l’efficacité et la fonctionnalité de l’usage du botox dans le traitement administré à la requérante, l’un des deux courriers faisant référence au fait que l’usage de la toxine botulique dans les cas d’incontinence urinaire d’urgence chez les femmes était recommandé par l’association européenne d’urologie (voir point 7 ci-dessus). Or, d’une part, il convient d’observer que ces courriers sont datés, respectivement, du 10 décembre 2015 et du 2 mai 2016 et sont donc postérieurs à la période de traitement concernée en l’espèce. D’autre part, et ainsi que le soutient la Commission, les avis concernés des médecins qui y sont contenus ne se rapportent aucunement à la situation scientifique concernant la fonctionnalité du traitement pendant la période concernée par la demande de prise en charge, à savoir en 2014.

29      Il s’ensuit que les avis des médecins concernés ne sauraient être qualifiés de faits substantiels. Dès lors, au vu de la jurisprudence citée au point 21 ci-dessus, la Commission n’était pas tenue de réexaminer la situation juridique de la requérante telle qu’elle avait été prise en compte dans le cadre de la première procédure.

30      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de conclure que l’acte attaqué constitue un acte purement confirmatif de la décision du 29 octobre 2014 laquelle est devenue définitive faute d’avoir fait l’objet d’un recours dans le délai requis (voir points 5 et 6 ci-dessus). Dès lors, l’exception d’irrecevabilité formulée par la Commission doit être accueillie et le présent recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

31      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      UD est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Fait à Luxembourg, le 21 mars 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. Prek


*      Langue de procédure : le français.