Language of document : ECLI:EU:T:2023:171

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

29 mars 2023 (*)

« Dumping – Importations de certains tubes et tuyaux sans soudure en fer (à l’exclusion de la fonte) ou en acier (à l’exclusion de l’acier inoxydable), de section circulaire et d’un diamètre extérieur excédant 406,4 mm, originaires de Chine – Institution d’un droit antidumping définitif – Lien de causalité – Article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement (UE) 2016/1036 – Erreur manifeste d’appréciation »

Dans l’affaire T‑500/17 RENV,

Hubei Xinyegang Special Tube Co. Ltd, établie à Huangshi (Chine), représentée par Mes E. Vermulst et J. Cornelis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. T. Maxian Rusche et Mme K. Blanck, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

ArcelorMittal Tubular Products Roman SA, établie à Roman  (Roumanie),

Válcovny trub Chomutov a.s., établie à Chomutov (République  tchèque),

Vallourec Deutschland GmbH, établie à Düsseldorf (Allemagne),

représentées par Me G. Berrisch, avocat,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mmes M. J. Costeira, présidente, M. Kancheva (rapporteure) et E. Tichy-Fisslberger, juges,

greffier : Mme M. Zwozdziak-Carbonne, administratrice,

vu l’arrêt de la Cour du 20 janvier 2022,

vu les observations des intervenantes déposées au greffe du Tribunal le 21 mars 2022,

vu les observations de la Commission déposées au greffe du Tribunal le 30 mars 2022,

à la suite de l’audience du 18 novembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Hubei Xinyegang Special Tube Co. Ltd, demande l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2017/804 de la Commission, du 11 mai 2017, instituant un droit antidumping définitif sur les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure en fer (à l’exclusion de la fonte) ou en acier (à l’exclusion de l’acier inoxydable), de section circulaire et d’un diamètre extérieur excédant 406,4 mm, originaires de la République populaire de Chine (JO 2017, L 121, p. 3, ci-après le « règlement attaqué »), en tant qu’il la concerne.

 Antécédents du litige

2        Le 13 février 2016, à la suite d’une plainte déposée par le comité de défense de l’industrie des tubes en acier sans soudure de l’Union européenne, la Commission européenne a publié un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de certains tubes et tuyaux sans soudure en fer (à l’exclusion de la fonte) ou en acier (à l’exclusion de l’acier inoxydable), de section circulaire et d’un diamètre extérieur excédant 406,4 mm, originaires de la République populaire de Chine (JO 2016, C 58, p. 30).

3        L’enquête sur les pratiques de dumping et sur le préjudice lié a porté sur la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2015 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des tendances pertinentes aux fins de l’évaluation du préjudice a couvert la période comprise entre le 1er janvier 2012 et la fin de la période d’enquête (ci-après la « période considérée »).

4        La requérante, une société établie en Chine, qui produit et exporte vers l’Union européenne certains tubes et tuyaux sans soudure en fer (à l’exclusion de la fonte) ou en acier (à l’exclusion de l’acier inoxydable), de section circulaire et d’un diamètre extérieur excédant 406,4 mm, originaires de Chine (ci-après le « produit considéré »), a été sélectionnée pour faire partie de l’échantillon des producteurs-exportateurs.

5        Le 11 novembre 2016, la Commission a adopté le règlement (UE) 2016/1977, instituant un droit antidumping provisoire sur les importations du produit considéré (JO 2016, L 305, p. 1, ci-après le « règlement provisoire »).

6        Le 11 mai 2017, la Commission a adopté le règlement attaqué.

7        Le règlement attaqué est notamment fondé sur l’article 9, paragraphe 4, du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base »).

8        L’article 1er du règlement attaqué prévoit l’imposition d’un droit antidumping définitif sur les importations du produit considéré. Le taux du droit antidumping, s’agissant des produits fabriqués par la requérante, s’élève à 54,9 %.

 Procédures antérieures devant le Tribunal et la Cour

9        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 7 août 2017, la requérante a introduit un recours, enregistré sous le numéro T‑500/17, tendant à l’annulation du règlement attaqué.

10      Par ordonnance du 24 janvier 2018, le président de la septième chambre du Tribunal a admis ArcelorMittal Tubular Products Roman SA, Válcovny trub Chomutov a.s. et Vallourec Deutschland GmbH à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

11      Par arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, ci-après l’« arrêt initial », EU:T:2019:691), le Tribunal a accueilli la seconde branche du premier moyen ainsi que le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base et de l’article 3.5 de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103), figurant à l’annexe I A de l’accord instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) (JO 1994, L 336, p. 3) et annulé, en conséquence, le règlement attaqué, sans examiner le troisième moyen ni le quatrième moyen du recours.

12      En ce qui concerne la première branche du premier moyen, le Tribunal avait jugé que, contrairement à ce que la requérante faisait valoir, la Commission n’avait pas commis d’erreur de droit en décidant d’analyser, dans le cadre de la détermination de l’existence d’un préjudice, la sous-cotation des prix sur la base de la période d’enquête, à savoir l’année 2015 (arrêt initial, points 48 à 52).

13      S’agissant de la seconde branche du premier moyen, le Tribunal avait jugé, en substance, que, d’une part, en ne procédant pas à une analyse segment par segment du marché, en sus de la comparaison par « numéro de contrôle de produit » (ci-après le « NCP ») et, d’autre part, en ne tenant pas compte de 17 types de produits de la catégorie du produit considéré fabriqués par les producteurs de l’Union, la Commission n’avait pas tenu compte de l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation des prix et de l’effet des importations en dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, en violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base (arrêt initial, points 53 à 80).

14      En ce qui concerne le deuxième moyen, le Tribunal a jugé dans l’arrêt initial, en substance, que, dès lors qu’il avait été constaté dans le cadre du premier moyen que la Commission n’avait pas tenu compte de tous les éléments pertinents aux fins de la détermination de la sous-cotation des prix et de l’effet des importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, il y avait lieu de considérer que la conclusion de la Commission relative à l’existence d’un lien de causalité, au sens de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base, reposait sur une base factuelle incomplète, de sorte que la Commission n’avait pas tenu compte, dans l’analyse du lien de causalité, de l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce (arrêt initial, points 82 à 89).

15      Par requête déposée au greffe de la Cour le 4 décembre 2019, la Commission a, en vertu de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, formé un pourvoi contre l’arrêt initial.

16      Au soutien de son pourvoi, la Commission invoquait six moyens, tirés, le premier, de ce que le Tribunal avait jugé à tort qu’elle était tenue d’effectuer une analyse de la sous-cotation des prix par segment de marché, le deuxième, de ce que le Tribunal avait jugé à tort que la méthode des NCP n’était pas adéquate pour tenir compte de la segmentation du marché, le troisième, d’une erreur d’interprétation de l’obligation de motivation et de la dénaturation des éléments de preuve commises par le Tribunal, le quatrième, d’une interprétation erronée de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, le cinquième, d’une violation de l’article 17 de ce règlement et, le sixième, d’une erreur de droit, en ce que le Tribunal avait exercé un contrôle juridictionnel trop intensif lors de son examen de l’analyse de la sous-cotation des prix effectuée par la Commission.

17      La Cour, dans son arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube (C‑891/19 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2022:38), a jugé que les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens du pourvoi, ainsi que le sixième moyen du pourvoi, pris dans sa troisième branche, étaient fondés (arrêt sur pourvoi, point 172). En conséquence, la Cour a annulé l’arrêt initial, sans examiner le cinquième moyen, ni les première et deuxième branches du sixième moyen du pourvoi. La Cour a ensuite statué définitivement sur le premier moyen et le deuxième moyen du recours en les rejetant comme non fondés et a renvoyé l’affaire devant le Tribunal pour que celui-ci statue sur le troisième moyen et le quatrième moyen du recours (arrêt sur pourvoi, point 175).

 Conclusions des parties après renvoi

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué dans la mesure où il la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      La Commission et les intervenantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

20      Les troisième et quatrième moyens du recours, qui n’ont pas été examinés par le Tribunal dans l’arrêt initial, sont tirés, respectivement, d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’établissement du lien de causalité, au sens de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base et d’une violation de l’« obligation de diligence et de bonne administration ».

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans l’établissement du lien de causalité, au sens de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base

21      Le troisième moyen est articulé en deux branches. Dans le cadre de la première branche, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’imputation « positive » du préjudice subi par l’industrie de l’Union aux importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping. Dans le cadre de la seconde branche, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant, au terme de l’appréciation de l’imputation « négative », que le lien de causalité entre le préjudice subi par l’industrie de l’Union et les importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping n’avait pas été rompu par les autres facteurs de préjudice reconnus par la Commission.

 Sur la recevabilité du troisième moyen

22      Les intervenantes contestent la recevabilité du présent moyen en ce que la requérante n’aurait pas satisfait dans la requête à son obligation de démontrer que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’établissement du lien de causalité, au sens de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base.

23      À cet égard, il y a lieu de relever que la preuve à apporter concernant une éventuelle erreur manifeste d’appréciation de la Commission relève de l’examen du fond du moyen avancé au soutien du recours. Dès lors, l’argument avancé par les intervenantes, visant à soutenir que la requérante n’aurait pas apporté une telle preuve, ne saurait conduire à considérer que le présent moyen serait irrecevable. Il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir avancée par les intervenantes à l’égard du troisième moyen.

 Sur le bien-fondé du troisième moyen

24      Il ressort de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base que les institutions doivent démontrer que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice important à l’industrie de l’Union, compte tenu de leur volume ou de leur prix. Cette analyse, dite d’imputation, n’est toutefois pas suffisante pour conclure à l’existence d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice subi par l’industrie de l’Union. En effet, il ressort de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base que lesdites institutions doivent également, d’une part, examiner tous les autres facteurs connus qui causent un préjudice à l’industrie de l’Union, au même moment que les importations faisant l’objet d’un dumping, et, d’autre part, faire en sorte que le préjudice causé par ces autres facteurs ne soit pas imputé auxdites importations. Ces autres facteurs, examinés dans le cadre de l’analyse dite de non-imputation, comprennent notamment le volume et le prix des importations ne faisant pas l’objet d’un dumping (arrêt du 11 juillet 2017, Viraj Profiles/Conseil, T‑67/14, non publié, EU:T:2017:481, point 40).

25      À cet égard, il appartient aux institutions de l’Union de vérifier si les effets de ces autres facteurs n’ont pas été de nature à rompre le lien de causalité entre, d’une part, les importations en cause et, d’autre part, le préjudice subi par l’industrie de l’Union. Il leur appartient également de vérifier que le préjudice imputable à ces autres facteurs n’entre pas en ligne de compte dans la détermination du préjudice au sens de l’article 3, paragraphe 7, du règlement de base, et que, par conséquent, le droit antidumping imposé n’excède pas ce qui est nécessaire pour éliminer le préjudice causé par les importations faisant l’objet d’un dumping. Toutefois, si les institutions de l’Union constatent que, en dépit de tels facteurs, le préjudice causé par les importations faisant l’objet d’un dumping est important, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, du règlement de base, le lien de causalité entre ces importations et le préjudice subi par l’industrie de l’Union peut en conséquence être établi (arrêt du 19 décembre 2013, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, C‑10/12 P, non publié, EU:C:2013:865, points 24 et 25).

26      Selon une jurisprudence constante, la question de savoir si l’industrie de l’Union a subi un préjudice et si celui-ci est imputable aux importations faisant l’objet d’un dumping ainsi que celle de savoir si d’autres facteurs connus ont contribué au préjudice subi par l’industrie de l’Union supposent l’évaluation de questions économiques complexes pour lesquelles les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation. Il en résulte que le contrôle du juge de l’Union sur les appréciations des institutions doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 11 juillet 2017, Viraj Profiles/Conseil, T‑67/14, non publié, EU:T:2017:481, point 42 et jurisprudence citée). Ce contrôle juridictionnel limité n’implique cependant pas que le juge de l’Union s’abstienne de contrôler l’interprétation, par les institutions, de données de nature économique. En particulier, il appartient au Tribunal de vérifier non seulement l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (arrêt du 29 janvier 2014, Hubei Xinyegang Steel/Conseil, T‑528/09, EU:T:2014:35, point 53).

27      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’apprécier les arguments de la requérante.

–       Sur l’erreur manifeste d’appréciation de la Commission dans l’analyse de l’imputation « positive » aux importations en dumping du préjudice subi par l’industrie de l’Union

28      La requérante soutient que les importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping n’ont pas causé de préjudice important à l’industrie de l’Union. En effet, premièrement, il ressortirait des chiffres produits par la Commission que, au cours de la période considérée, à savoir de 2012 à 2015, il n’y avait pas de corrélation entre, d’une part, l’évolution des prix et des volumes d’importation des produits chinois faisant l’objet d’un dumping et, d’autre part, l’évolution de la rentabilité de l’industrie de l’Union. Deuxièmement, même en tenant compte de la période considérée dans son ensemble, la baisse des prix, des volumes de vente ainsi que de la rentabilité de l’industrie de l’Union au cours de cette période ne pourrait pas s’expliquer par les prix de vente et les volumes d’importation des produits chinois faisant l’objet d’un dumping, car ces derniers seraient restés stables au cours de cette même période. Troisièmement, la requérante conteste la conclusion de la Commission selon laquelle les mauvaises performances de l’industrie de l’Union au cours de la période considérée s’expliquent par la pression constante sur les prix, au motif qu’elle ne tient pas compte de la segmentation du marché pendant la période considérée.

29      La Commission et les intervenantes contestent les arguments de la requérante.

30      À cet égard, premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de l’absence de corrélation entre, d’une part, l’évolution des prix et des volumes d’importation des produits chinois faisant l’objet d’un dumping et, d’autre part, la rentabilité de l’industrie de l’Union, il convient de relever qu’il ressort des considérants 54 et 72 du règlement provisoire et des considérants 90, 91 et 123 du règlement attaqué que les indicateurs repris dans le tableau ci-après ont évolué de la manière suivante pendant la période considérée :


2012

2013

2014

2015 (Période d’enquête)

Prix de vente moyen de l’industrie de l’Union dans l’Union (en EUR/tonne)

1 839

1 679

1 773

1 584

Volume des ventes de l’industrie de l’Union (en tonnes)

132 241

119 894

95 054

100 975

Rentabilité des ventes de l’industrie de l’Union dans l’Union (en pourcentage du chiffre d’affaires)

+5,7

-2,0

-3,2

-7,6

Part de marché de l’industrie de l’Union (en pourcentage)

75

70

61

64

Prix de vente moyen des importations en provenance de la République populaire de Chine (en EUR/tonne)

1 096

1 079

1 037

1 099

Volume des ventes des importations en provenance de la République populaire de Chine (en tonnes)

39 195

35 337

41 590

42 539

Parts de marché des importations en provenance de la République populaire de Chine (en pourcentage)

22,2

20,6

26,8

26,8


31      Il ressort de ce tableau que, comme le relève la requérante, la rentabilité de l’industrie de l’Union a diminué fortement entre 2012 et 2013, passant de +5,7 % à -2 %, alors que le volume des importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping diminuait sur cette même période. Il ressort également de ce tableau que la rentabilité de l’industrie de l’Union a diminué moins fortement de 2013 à 2014, passant de -2 % à -3,2 %, alors même que le volume des importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping augmentait fortement. De même, l’industrie de l’Union a connu une nouvelle baisse importante de sa rentabilité entre 2014 et 2015, passant de -3,2 % à -7,6 %, alors que l’augmentation du volume des importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping était plus limitée qu’entre 2013 et 2014. Il ressort également de ce tableau que les prix des importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping ont augmenté entre 2014 et 2015, alors même que la rentabilité de l’industrie de l’Union diminuait fortement sur cette même période.

32      La requérante remet en cause, au-delà des considérations examinées ci-dessus, la méthode consistant, pour la Commission, à fonder ses conclusions sur la comparaison entre les données caractérisant le début et la fin de la période considérée.

33      La Commission a précisé au considérant 107 du règlement attaqué les raisons qui l’ont conduite à adopter cette méthode de la façon suivante :

« La Commission a convenu que tous les indicateurs de préjudice n’attestent pas, en glissement annuel, une corrélation avec l’évolution des importations en provenance de Chine. Toutefois, les effets sont retardés d’une année sur l’autre, dans la mesure où les prix et les relations commerciales s’adaptent au renforcement de la concurrence déloyale. Étant donné que les importations en provenance de Chine se font par l’intermédiaire de négociants, l’enquête menée auprès des importateurs indépendants a révélé qu’il y avait un décalage temporel important entre le moment de la commande des produits en provenance de Chine et leur livraison à l’utilisateur final, décalage qui résulte du temps nécessaire à la production, au transport, à l’entreposage au niveau du négociant et à la livraison finale. L’incidence globale de ces importations à bas prix ne peut donc être observée que pour l’ensemble de la période considérée. »

34      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’idée sous-tendant la fixation d’une « période considérée » est de permettre à la Commission d’examiner une période plus longue que celle couverte par l’enquête proprement dite, de manière à fonder son analyse sur des tendances réelles et virtuelles requérant, pour pouvoir être identifiées, une durée suffisamment longue (voir, en ce sens, arrêt du 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C‑69/89, EU:C:1991:186, point 87).

35      C’est précisément ce qu’a fait la Commission, en l’espèce, en ne limitant pas son analyse aux développements intervenus au cours d’une ou de deux années, mais en examinant les tendances sur une période plus longue [voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2014, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑643/11, EU:T:2014:1076, point 145 (non publié)]. Elle est ainsi parvenue à la conclusion que les importations faisant l’objet d’un dumping en provenance de Chine ont augmenté, passant de 39 195 tonnes à 42 539 tonnes pendant la période considérée, que les prix moyens des importations en provenance de Chine sont restés constamment inférieurs aux prix de vente moyens de l’industrie de l’Union et qu’à la suite d’une sous-cotation des prix de l’industrie de l’Union, les importations chinoises ont vu leur part de marché progresser de 22,2 % à 26,8 %, tandis que la part de marché de l’industrie de l’Union a diminué, ce qui ressort d’ailleurs des indicateurs économiques repris au point 30 ci-dessus.

36      En définitive, la requérante, dès lors qu’elle conteste la possibilité pour la Commission de se fonder sur le début et sur la fin de la période considérée, met en cause un choix méthodologique effectué par cette institution.

37      Or, la jurisprudence reconnaît aux institutions de l’Union, sur ce type de questions, une large marge d’appréciation, de sorte qu’il incombe à la partie requérante, aux fins de contester la légalité de l’acte attaqué à cet égard, de démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation (arrêt du 14 mars 2007, Aluminium Silicon Mill Products/Conseil, T‑107/04, EU:T:2007:85, point 71).

38      En l’espèce, force est de constater que, par son argumentation, la requérante n’apporte pas d’éléments permettant de constater l’existence d’une telle erreur, mais propose plutôt une interprétation alternative de l’évolution des indicateurs économiques (voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C‑659/13 et C‑34/14, EU:C:2016:74, point 172).

39      Il convient dès lors de rejeter comme non fondé l’argument de la requérante tiré de l’absence de corrélation au cours de la période considérée entre, d’une part, l’évolution des prix et des volumes de vente ainsi que de la rentabilité de l’industrie de l’Union et, d’autre part, l’évolution des prix et des volumes d’importation des produits chinois faisant l’objet d’un dumping.

40      Deuxièmement, il convient de rejeter l’argument de la requérante selon lequel, même en tenant compte de l’ensemble de la période considérée, la baisse des prix et des volumes de vente ainsi que de la rentabilité de l’industrie de l’Union ne peut pas s’expliquer par l’évolution des prix de vente des produits chinois faisant l’objet d’un dumping, ni par celle des volumes d’importation desdits produits, car ceux-ci seraient restés stables au cours de cette même période.

41      En effet, d’une part, il convient de relever que, aux considérants 134 et 135 du règlement attaqué, la Commission a expressément distingué les différentes causes de préjudice en indiquant que les importations faisant l’objet d’un dumping avaient clairement causé un préjudice par la sous-cotation des prix de l’industrie de l’Union et, partant, par la pression à la baisse exercée sur les prix de vente sur le marché de l’Union, alors que les autres facteurs de préjudice, qui n’étaient pas liés à une sous-cotation des prix de vente de l’industrie de l’Union et dont l’impact cumulé a été marginal, avaient été à l’origine d’une baisse des volumes des ventes de l’industrie de l’Union. Il s’ensuit que l’affirmation de la requérante selon laquelle le volume des importations des produits chinois faisant l’objet d’un dumping ne pourrait pas expliquer la baisse des volumes des ventes de l’industrie de l’Union au cours de la période considérée doit être rejetée comme inopérante.

42      D’autre part, il convient de relever que, contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des indicateurs économiques repris au point 30 ci-dessus que les importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping ne sont pas restées stables au cours de la période considérée, mais que, après avoir diminué en 2013, elles ont, en 2014, dépassé leur niveau de 2012, puis continué à augmenter en 2015. Il importe, en outre, de souligner que, ainsi qu’il ressort également des indicateurs économiques repris au point 30 ci-dessus, si les prix des produits chinois faisant l’objet d’un dumping ont légèrement baissé en 2013 et en 2014 avant de retrouver leur niveau du début de la période considérée en 2015, ils sont restés au cours de cette même période très inférieurs aux prix de vente de l’industrie de l’Union. Or, ces deux facteurs combinés constituent une explication plausible à la baisse des prix de vente de l’industrie de l’Union et à la baisse de sa rentabilité au cours de la période considérée.

43      Troisièmement, s’agissant de l’argument de la requérante d’après lequel la conclusion selon laquelle l’industrie de l’Union a subi un préjudice important en raison d’une pression constante sur les prix, exercée par les importations chinoises faisant l’objet de dumping, ne tient pas compte de la segmentation du marché sur l’ensemble de la période considérée, à savoir de 2012 à 2015, il importe de souligner que les éléments de preuve de l’existence d’un préjudice, y compris ceux relatifs à l’effet des importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, sont pris en compte dans le cadre de l’analyse menée par la Commission concernant le lien de causalité, visé à l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base.

44      Ainsi, il existe un rapport entre la détermination de la sous-cotation des prix et, d’une façon plus générale, de l’effet des importations en dumping sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union, au titre de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, et l’établissement d’un lien de causalité, au titre de l’article 3, paragraphe 6, du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 30 novembre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil et Commission, T‑107/08, EU:T:2011:704, point 59).

45      Toutefois, d’une part, il convient de rappeler que, dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a rejeté définitivement les arguments avancés par la requérante à l’appui du premier moyen du recours, relatifs à une prétendue erreur de la Commission dans l’analyse de la sous-cotation des prix selon la méthode des NCP pour l’année 2015 et la prétendue nécessité d’une analyse complémentaire visant à tenir compte de la segmentation du marché afin de vérifier l’existence de ladite sous-cotation.

46      En premier lieu, la Cour a relevé que, s’agissant de l’analyse de la sous-cotation des prix, le Tribunal n’avait pas constaté que la Commission, en appliquant la méthode des NCP, avait commis une erreur manifeste d’appréciation des faits en ce qu’elle n’avait pas tenu compte de la segmentation du marché du produit considéré (arrêt sur pourvoi, points 103 et 104). La Cour a précisé à cet égard que le premier chiffre de chaque NCP se référait au segment duquel relevait le type de produit considéré et que la Commission avait comparé, NCP par NCP, les prix des importations faisant l’objet d’un dumping et les prix des producteurs de l’Union. Ainsi, selon la Cour, en appliquant la méthode des NCP, la Commission a bien pris en compte les segments du marché du produit considéré aux fins, notamment, de l’analyse de la sous-cotation des prix et, par conséquent, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation lors de la mise en œuvre de cette analyse (arrêt sur pourvoi, points 105 et 106).

47      En second lieu, la Cour a relevé qu’il découlait des données fournies par la Commission en réponse à la demande du Tribunal que l’utilisation de la méthode des NCP avait permis de constater que les importations en dumping et les produits vendus par l’industrie de l’Union étaient tout à fait comparables sur les trois segments du marché et que la sous-cotation des prix avait eu lieu sur chacun de ces trois segments, de sorte qu’il n’existait pas, dans le cas d’espèce, de situation de segmentation caractérisée telle que celle en cause dans le rapport de l’organe d’appel de l’OMC dans le différend « Chine – Mesures imposant des droits antidumping sur les tubes, sans soudure, en acier inoxydable haute performance “HP-SSST” en provenance du Japon » (WT/DS 454/AB/R et WT/DS 460/AB/R, rapport du 14 octobre 2015) et dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil (T‑35/01, EU:T:2004:317) (arrêt sur pourvoi, point 110), invoqués par la requérante.

48      La Cour a jugé que, dans ces conditions, si, au vu des principes rappelés aux points 77 à 80 de l’arrêt sur pourvoi, une analyse complémentaire de la sous-cotation des prix consistant à comparer les prix dans chaque segment en sus de l’analyse effectuée sur la base de la méthode des NCP, soit une comparaison NCP par NCP, pouvait s’imposer à la Commission dans certaines circonstances exceptionnelles d’une segmentation caractérisée du produit en cause impliquant des variations de prix importantes entre les segments de marché, même si un large pouvoir d’appréciation devait être réservé à cette institution pour définir la méthode précise pour analyser la sous-cotation des prix, une telle analyse complémentaire n’était, en tout état de cause, pas requise en l’espèce au vu des données fournies par la Commission sur demande expresse du Tribunal après l’audience devant celui-ci (arrêt sur pourvoi, point 111).

49      La Cour a ajouté que, d’une part, s’agissant en particulier de l’existence de différences de prix importantes entre les trois segments de marché, il ressortait des considérants 24 et 108 du règlement attaqué que, en l’occurrence, celles-ci étaient surtout liées à l’utilisation, pour les produits relevant du secteur de la production d’électricité, d’aciers fortement alliés alors que, pour la fabrication des produits relevant des deux autres secteurs, des aciers non alliés étaient utilisés et que, d’autre part, en appliquant la méthode des NCP, les différences de coûts et de prix liées aux aciers alliés et fortement alliés avaient été prises en compte dans les comparaisons en raison de la construction des NCP, en particulier la première caractéristique prise en compte dans le NCP, à savoir le type de produit, faisant la distinction entre aciers non alliés, aciers alliés et aciers fortement alliés (arrêt sur pourvoi, points 112 et 113).

50      La Cour en a conclu que, en l’espèce, ces différences de prix entre différents segments du marché du produit considéré ayant déjà été prises en compte dans le cadre, notamment, de l’analyse de la sous-cotation des prix selon la méthode des NCP, celles-ci n’imposaient pas à la Commission d’effectuer une analyse supplémentaire par segment de marché (arrêt sur pourvoi, point 114).

51      En outre, en ce qui concerne les années 2012 à 2014, il y a lieu de relever que, contrairement à ce que soutient la Commission, l’argument de la requérante selon lequel les statistiques commerciales sur lesquelles la Commission s’est appuyée ne tenaient pas compte de la segmentation du marché, n’a pas été soulevé pour la première fois à l’audience, mais figurait déjà au point 99 de la requête. Il s’ensuit que cet argument ne saurait être rejeté comme irrecevable au motif qu’il ne remplirait pas les conditions établies par les dispositions combinées de l’article 76, sous d), et de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

52      Ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 34 ci-dessus, l’idée sous-tendant la fixation d’une « période considérée » est de permettre à la Commission d’examiner une période plus longue que celle couverte par l’enquête proprement dite, de manière à fonder son analyse sur des tendances réelles et virtuelles requérant, pour pouvoir être identifiées, une durée suffisamment longue, ce qui ressort d’ailleurs du considérant 18 du règlement provisoire.

53      La méthode choisie par la Commission pour apprécier les tendances pertinentes au cours de la période précédant la période d’enquête relève, ainsi qu’il a déjà été également rappelé au point 37 ci-dessus, de la large marge d’appréciation dont bénéficient les institutions de l’Union à cet égard.

54      En l’espèce, il convient de relever que la Commission s’est appuyée, s’agissant des indicateurs économiques pour les années 2012 à 2014, sur les statistiques commerciales fournies par Eurostat, qui ne sont pas contestées par la requérante.

55      La requérante se borne à soutenir à cet égard, en substance, que, dans la mesure où ces statistiques ne tenaient pas compte de la gamme de produits, ainsi que la Commission l’a reconnu au considérant 58 du règlement provisoire et au considérant 109 du règlement attaqué, elles ne permettaient pas de connaître la situation sur les différents segments du marché. Il ne pourrait donc pas être déduit de ces statistiques que les prix des importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping ont été inférieurs à ceux de l’industrie de l’Union sur les trois segments du marché identifiés au cours des trois années qui ont précédé la période d’enquête.

56      À cet égard, il importe de souligner que, ainsi qu’il a été rappelé au point 47 ci-dessus, dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a constaté qu’il ressortait de l’analyse NCP par NCP que, au cours de la période d’enquête, la sous-cotation des prix par les importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping avait eu lieu sur les trois segments du marché identifiés.

57      Or, la requérante n’apporte aucun argument, y compris en ce qui concerne ses propres exportations sur le marché de l’Union, permettant de démontrer que la situation était différente au cours des trois années qui ont précédé la période d’enquête.

58      Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la requérante ne démontre pas que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation en fondant sa conclusion selon laquelle l’industrie de l’Union a été soumise à une pression constante sur les prix au cours de la période considérée sur le constat, au terme d’une analyse NCP par NCP, de l’existence d’une sous-cotation pour l’année 2015 ainsi que sur les statistiques commerciales fournies par Eurostat pour les années 2012 à 2014.

59      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la requérante reste en défaut de démontrer que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’analyse de l’imputation positive aux importations en dumping du préjudice subi par l’industrie de l’Union.

60      Partant, il convient de rejeter la première branche du troisième moyen comme non fondée.

–       Sur l’erreur manifeste d’appréciation de la Commission dans l’analyse de la non-imputation du préjudice à d’autres facteurs que les importations chinoises

61      La requérante indique que la Commission devait établir quel aurait été le préjudice subi par l’industrie de l’Union en l’absence des importations en dumping. Dans ce cadre, la requérante soutient que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en concluant que trois facteurs n’avaient pas rompu le lien de causalité.

62      En premier lieu, la requérante évoque les mauvais résultats à l’exportation de l’industrie de l’Union qui expliqueraient davantage, compte tenu de l’ampleur des pertes de volume des ventes qu’ils représentent, le préjudice subi par l’industrie de l’Union à cet égard que les importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping. Les arguments avancés par la Commission dans le règlement attaqué, pour justifier que cette situation ne rompait pas le lien de causalité, seraient infondés. D’une part, une réaffectation au sein de l’Union des ventes perdues à l’exportation aurait entraîné une baisse des prix moyens même en l’absence des importations chinoises. La requérante précise à cet égard que les pertes de volume des ventes liées aux autres facteurs de préjudice se traduiraient in fine par des baisses de prix pour l’industrie de l’Union. D’autre part, s’agissant de l’ajustement opéré par la Commission dans le cadre du calcul de la marge de préjudice, la requérante souligne que ce calcul poursuit une finalité différente de celle de l’analyse des autres facteurs dans le cadre du lien de causalité.

63      En deuxième lieu, la requérante évoque les importations en provenance d’autres pays tiers et relève que celles-ci ont augmenté davantage que les importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping. La stabilité des parts de marché des autres importations, en termes absolus, ne serait pas déterminante dès lors que leur évolution montrerait une augmentation. Par ailleurs, la constatation de la Commission que le prix moyen des autres importations aurait augmenté serait manifestement inexacte. Enfin, l’argument de la Commission selon lequel le prix des autres importations aurait été supérieur au prix des importations chinoises ne tiendrait pas compte des différents segments de marché. Or, les importations chinoises se concentreraient sur le segment de la construction, qui se caractériserait par des prix inférieurs.

64      En troisième lieu, la requérante évoque la contraction de la demande et relève que la demande s’est principalement contractée dans le segment pétrolier et gazier. La demande dans le segment de la construction, sur lequel s’effectuerait l’essentiel des importations chinoises, aurait quant à elle augmenté. La Commission, compte tenu des faits de l’espèce, aurait dû conclure que la contraction de la demande était suffisamment importante pour rompre le lien de causalité.

65      La requérante ajoute qu’elle admet que, dans le cadre de l’analyse de non-imputation, la simple présence d’autres facteurs de préjudice ne signifie pas nécessairement que le lien de causalité est rompu. Toutefois, la requérante souligne que la Commission doit démontrer que les importations en dumping causent un préjudice important. Or, en l’espèce, la requérante soutient avoir démontré que l’effet des importations des produits chinois faisant l’objet d’un dumping était limité à 4 % des pertes de volumes de production de l’industrie de l’Union. Le reste des pertes, à savoir 96 %, proviendrait des autres facteurs de préjudice.

66      La Commission et les intervenantes contestent les arguments de la requérante.

67      À cet égard, premièrement, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les pertes de volume des ventes de l’industrie de l’Union s’expliquent davantage par les mauvaises performances de l’industrie de l’Union à l’exportation que par les importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a déjà été relevé au point 41 ci-dessus, aux considérants 134 et 135 du règlement attaqué, la Commission a expressément distingué les différentes causes de préjudice en indiquant que les importations faisant l’objet d’un dumping avaient clairement causé un préjudice par la sous-cotation des prix de l’industrie de l’Union et, partant, par la pression à la baisse exercée sur les prix de vente sur le marché de l’Union, alors que les autres facteurs de préjudice, qui n’étaient pas liés à une sous-cotation des prix de vente de l’industrie de l’Union et dont l’impact cumulé était marginal, avaient été à l’origine d’une baisse des volumes des ventes de l’industrie de l’Union.

68      En outre, il convient de relever que la requérante n’avance aucun élément de preuve à l’appui de l’affirmation selon laquelle le préjudice causé par la baisse des volumes des ventes de l’industrie de l’Union liée aux autres facteurs ayant contribué au préjudice a nécessairement eu un impact sur la baisse des prix de l’industrie de l’Union.

69      De plus, il importe de souligner, à l’instar de la Commission, que, à supposer que la baisse des volumes de ventes de l’industrie de l’Union ait entraîné une pression à la baisse sur les prix de l’industrie de l’Union, cette circonstance n’est pas, en elle-même, de nature à remettre en cause le constat de l’existence de la sous-cotation des prix des importations chinoises du produit considéré au sens de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base, de sorte que l’argument de la requérante doit, à cet égard, être rejeté comme inopérant.

70      Par ailleurs, et en tout état de cause, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas du considérant 116 du règlement attaqué que l’ajustement des coûts relatifs aux pertes de volume des ventes à l’exportation de l’industrie de l’Union aurait uniquement été réalisé dans le cadre du calcul de la marge de préjudice. En effet, il ressort du considérant 116 du règlement attaqué, ainsi que des considérants 81, 84, 90 et 91 de ce même règlement, que le coût représenté par les pertes de volume des ventes à l’exportation pour l’industrie de l’Union a été exclu du calcul de la rentabilité des ventes de cette dernière pour la période considérée, dans le cadre de la détermination de l’existence du préjudice. Il s’ensuit que le préjudice constaté par la Commission ne tenait pas compte des coûts supplémentaires induits par les mauvaises performances de l’industrie de l’Union à l’exportation.

71      Il convient donc de rejeter l’argument de la requérante selon lequel le préjudice subi par l’industrie de l’Union s’expliquerait davantage par les mauvaises performances de cette dernière à l’exportation que par les importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping.

72      Deuxièmement, s’agissant des importations en provenance de pays tiers autres que la République populaire de Chine, il convient de relever que, si, comme le soutient la requérante et comme l’a d’ailleurs constaté la Commission au considérant 120 du règlement attaqué, celles-ci ont augmenté au cours de la période considérée, leurs prix de vente moyens étaient très supérieurs aux prix de vente des importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping pendant cette même période, ainsi que cela ressort des indicateurs économiques figurant au considérant 123 de ce même règlement.

73      À cet égard, il y a lieu de relever que l’argument de la requérante selon lequel ce constat ne tiendrait pas compte du fait que les importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping se concentrent dans le secteur à bas prix de la construction a été contredit par les données versées au dossier par la Commission à partir desquelles la Cour a constaté que les importations chinoises étaient réparties sur les trois segments du marché identifiés (arrêt sur pourvoi, point 85). En outre, il convient de relever que, même en excluant les chiffres relatifs aux importations en provenance des États-Unis afin de tenir compte de leur manque de fiabilité comme le suggère la requérante, la diminution des prix des importations en provenance des pays tiers autres que la République populaire de Chine ne semble pas de nature à avoir pu causer un préjudice à l’industrie de l’Union. En effet, d’après les données fournies par la requérante au point 133 de la requête, les prix en question sont restés très largement supérieurs aux prix de vente de l’industrie de l’Union pendant toute la durée de la période considérée. De même, il y a lieu de relever que la part de marché des importations en provenance de pays tiers autres que la République populaire de Chine a certes connu une augmentation au cours de la période considérée. Toutefois, force est de constater que, d’une part, cette part de marché est restée faible en passant de 3 % à 9,5 % et, d’autre part, cette augmentation était comparable à celle connue par la part de marché des importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping, qui est passée de 22,2 % à 26,8 %.

74      Il convient donc de rejeter également l’argument de la requérante selon lequel le lien de causalité entre le préjudice subi par l’industrie de l’Union et les importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping aurait été rompu par l’effet préjudiciable des importations en provenance de pays tiers autres que la République populaire de Chine.

75      Troisièmement, la requérante soutient que la contraction de la demande aurait pu rompre le lien de causalité, car celle-ci résultait essentiellement d’une crise dans le secteur pétrolier et gazier, dans lequel l’industrie de l’Union était concentrée. En effet, selon la requérante, le maintien des volumes des ventes des importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping pourrait s’expliquer par le fait que le secteur de la construction dans lequel elles étaient concentrées n’avait pas été affecté par la contraction de la demande. Toutefois, cette argumentation se heurte, encore une fois, au constat, établi par la Cour dans l’arrêt sur pourvoi, que les importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping et les ventes de l’industrie de l’Union étaient présentes de façon équivalente sur les trois segments du marché identifiés pendant la période d’enquête (arrêt sur pourvoi, point 85). Il s’ensuit que la requérante ne saurait valablement soutenir que la contraction de la demande aurait rompu le lien de causalité entre le préjudice subi et les importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping.

76      Quatrièmement, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de ce que les importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping ne seraient à l’origine que de 4 % de la perte de production de l’industrie de l’Union, il y a lieu de relever que ce constat est dénué de pertinence en l’espèce, dès lors que le préjudice identifié par la Commission dans le règlement attaqué concerne la diminution des prix de vente et des parts de marché de l’industrie de l’Union.

77      Il ressort des considérations qui précèdent que la requérante n’a pas démontré que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation dans l’analyse de la non-imputation du préjudice subi par l’industrie de l’Union à d’autres facteurs que les importations en dumping.

78      Partant, il y a lieu de rejeter la seconde branche du troisième moyen comme non fondée.

79      En conséquence, le troisième moyen du recours doit être rejeté comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l« obligation de diligence et de bonne administration »

80      La requérante soutient que, en s’abstenant de procéder à une analyse par segment de marché pour déterminer le préjudice et le lien de causalité, la Commission a manqué à son « obligation de diligence et de bonne administration ». En particulier, la requérante fait valoir qu’elle a, avec l’association représentative des producteurs chinois, attiré l’attention de la Commission pendant la procédure sur l’importance de l’existence de différents segments de marché et qu’elle a demandé de procéder à une analyse du préjudice et du lien de causalité pour ce qui était des branches d’activités. Certes, la Commission ne serait pas obligée d’effectuer une analyse segment par segment. Toutefois, le Tribunal aurait déjà jugé qu’une telle analyse pouvait s’avérer nécessaire (arrêt du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil, T‑35/01, EU:T:2004:317). La requérante renvoie, en outre, au rapport de l’organe d’appel dans le différend « Chine – Mesures imposant des droits antidumping sur les tubes, sans soudure, en acier inoxydable haute performance “HP-SSST” en provenance du Japon » (voir point 47 ci-dessus).

81      La Commission et les intervenantes soutiennent que, eu égard au rejet par la Cour dans l’arrêt sur pourvoi de l’argument de la requérante selon lequel la Commission était tenue de procéder, en sus de l’analyse NCP par NCP, à une analyse segment par segment de marché dans le cadre de la détermination du préjudice, le quatrième moyen du recours devrait être rejeté dès lors qu’il repose sur ce même argument.

82      La Commission et les intervenantes contestent, en tout état de cause, les arguments de la requérante.

83      En réponse à une question du Tribunal, la requérante a précisé à l’audience du 18 novembre 2022 que, eu égard à l’arrêt sur pourvoi, son quatrième moyen portait seulement sur l’analyse du lien de causalité, au titre de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base, et non sur l’existence d’une sous-cotation, au titre de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du même règlement.

84      Il y a lieu de rappeler que, lorsque les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives revêt une importance d’autant plus fondamentale et que, parmi ces garanties, figurent notamment l’obligation, pour l’institution compétente, d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, le droit de l’administré de faire connaître son point de vue ainsi que de voir motiver la décision de façon suffisante. Dans ce contexte, il appartient au juge de l’Union de s’assurer que les institutions ont tenu compte de toutes les circonstances pertinentes et qu’elles ont évalué les éléments du dossier avec toute la diligence requise (arrêt du 13 juillet 2006, Shandong Reipu Biochemicals/Conseil, T‑413/03, EU:T:2006:211, points 63 et 64).

85      À cet égard, il convient de relever que le quatrième moyen, tel que précisé par la requérante à l’audience, est étroitement lié à l’argument avancé au soutien du troisième moyen, selon lequel la Commission aurait été tenue de procéder à une analyse par segment de marché dans le cadre de la vérification du lien de causalité entre le préjudice subi par l’industrie de l’Union et les importations de produits chinois faisant l’objet d’un dumping pendant la période considérée, au titre de l’article 3, paragraphes 6 et 7, du règlement de base. Toutefois, cet argument ayant été rejeté dans le cadre de l’examen du troisième moyen, aux points 43 à 58 et 72 à 75 ci-dessus, et la requérante n’ayant avancé aucun autre argument au soutien du quatrième moyen, ce dernier ne peut qu’être rejeté comme non fondé.

86      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

87      En application de l’article 219 du règlement de procédure, le Tribunal statue, dans les décisions rendues après annulation et renvoi, sur les dépens relatifs, d’une part, aux procédures engagées devant le Tribunal et, d’autre part, à la procédure de pourvoi devant la Cour.

88      Dans la mesure où, dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a annulé l’arrêt initial et réservé les dépens, il appartient au Tribunal de statuer, dans le présent arrêt, sur l’ensemble des dépens afférents aux procédures engagées devant lui ainsi que sur les dépens afférents à la procédure de pourvoi dans l’affaire C‑891/19 P.

89      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et les intervenantes, conformément aux conclusions de celles-ci, dans la procédure initiale devant le Tribunal, dans la procédure devant la Cour et dans la présente procédure après renvoi.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Hubei Xinyegang Special Tube Co. Ltd supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, par ArcelorMittal Tubular Products Roman SA, par Válcovny trub Chomutov a.s. et par Vallourec Deutschland GmbH dans les procédures devant la Cour dans l’affaire C891/19 P et dans les procédures devant le Tribunal dans les affaires T500/17 et T500/17 RENV.

Costeira

Kancheva

Tichy-Fisslberger

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 mars 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.