Language of document : ECLI:EU:T:2002:301

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

5 décembre 2002 (1)

«Marque communautaire - Syntagme REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS - Motif absolu de refus - Caractère distinctif - Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94»

Dans l'affaire T-130/01,

Sykes Enterprises, Incorp., établie à Tampa, Floride (États-Unis), représentée par Me E. Körner, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. J. Crespo Carrillo, en qualité d'agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la troisième chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 7 mars 2001 (affaire R 504/2000-3), concernant l'enregistrement du syntagme REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. R. M. Moura Ramos, président, J. Pirrung et A. W. H. Meij, juges,

greffier: Mme D. Christensen, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 11 juin 2001,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 7 septembre 2001,

à la suite de l'audience du 1er octobre 2002,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

1.
    Le 11 janvier 1999, la requérante a présenté une demande de marque verbale communautaire à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après «l'Office») en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié.

2.
    La marque dont l'enregistrement est demandé est le syntagme REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS.

3.
    Les services pour lesquels l'enregistrement de la marque est demandé relèvent des classes 35, 37 et 42 au sens de l'arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes à la description suivante:

«Télémarketing» relevant de la classe 35;

«Entretien de matériel informatique» relevant de la classe 37;

«Services d'assistance technique destinés à l'industrie informatique, à savoir services d'assistance technique destinés aux utilisateurs de logiciels et de matériel informatique; services informatiques, à savoir programmation pour ordinateurs, conception et développement de logiciels, développement d'applications logicielles, conseils en matière de traitement de l'information, exploitation et entretien de systèmes pour des tiers; services d'assistance en matière de tests fonctionnels d'ordinateurs destinés aux producteurs et aux utilisateurs de logiciels; services d'aide à la clientèle, à savoir fourniture d'informations concernant les ordinateurs via un centre d'appel téléphonique spécialisé dans les services à la clientèle; services de conversion de bases de données; services de rédaction personnalisée, d'édition et de traduction de textes pour l'information de tiers en matière de produits, à savoir documentation d'utilisation et de référence, documentation relative à l'entretien et développement d'informations relatives à ces produits et publiées par le biais d'un réseau informatique; services de navigation» relevant de la classe 42.

4.
    Par décision du 15 mars 2000, l'examinateur a rejeté la demande au titre de l'article 38 du règlement n° 40/94 au motif que le syntagme demandé n'était pas distinctif au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

5.
    Le 12 mai 2000, la requérante a formé un recours auprès de l'Office, au titre de l'article 59 du règlement n° 40/94, contre la décision de l'examinateur.

6.
    Par décision du 7 mars 2001 (ci-après la «décision attaquée»), la troisième chambre de recours a rejeté le recours.

7.
    En substance, la chambre a considéré que le syntagme demandé ne peut remplir la fonction essentielle d'une marque dans la mesure où il constitue un slogan communément utilisé dans le secteur concerné et sera perçu par le public pertinent comme une simple formule promotionnelle et non comme l'indication de l'origine commerciale des services.

Conclusions des parties

8.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    ordonner à l'Office de publier la demande de marque;

-    condamner l'Office aux dépens.

9.
    L'Office conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    rejeter le recours;

-    condamner la requérante aux dépens.

10.
    Lors de l'audience, la requérante a renoncé à sa conclusion visant à ce qu'il plaise au Tribunal ordonner à l'Office de publier la demande de marque.

En droit

11.
    À l'appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique tiré de la violation de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

Arguments des parties

12.
    La requérante estime, en premier lieu, contrairement à la chambre de recours, que, si la marque demandée est certes un slogan, celui-ci ne fait passer aucun message. Ainsi, pour expliquer le sens du slogan qui consiste en quatre mots, la chambre de recours doit utiliser entre douze et dix-neuf mots, ce qui montre bien le caractère unique de ce slogan.

13.
    Elle fait valoir, en deuxième lieu, que les deux significations du slogan données par la chambre de recours ne sont pas les seules possibles. En effet, les personnes dont la langue maternelle est l'anglais perçoivent dans la marque demandée d'autres significations que celles qui sont perceptibles pour les personnes qui se limitent à comprendre la langue anglaise.

14.
    La requérante remarque, en troisième lieu, qu'une demande d'enregistrement analogue à celle en cause a été publiée par l'Office des brevets du Royaume-Uni et que celui-ci n'a pas soulevé d'objections alors qu'il applique les mêmes standards relatifs au caractère distinctif de la marque demandée que l'Office. À cet égard, elle ajoute que sa marque a été enregistrée aux États-Unis et au Canada et a présenté, à l'audience, les certificats d'enregistrement de cette marque dans ces pays ainsi qu'au Royaume-Uni. Par ailleurs, la requérante a avancé, à l'audience, que l'Office a enregistré des marques comparables à celle faisant l'objet de sa demande, telles que «real people. real solutions. real estate» et «People and Solutions».

15.
    L'Office admet que les slogans sont des signes aptes à exercer la fonction de marque. Toutefois, il fait valoir que le slogan «Real People, Real Solutions» est utilisé par de nombreuses entreprises dans le domaine d'activité de la requérante, ce qui amène à la conclusion que ce slogan ne sera pas perçu comme une marque indiquant l'origine commerciale des services en cause. De plus, le slogan indique la nature des solutions offertes et des personnes qui les fournissent ou des personnes auxquelles elles sont destinées.

16.
    En ce qui concerne les marques demandées ou enregistrées auprès des offices nationaux, l'Office fait valoir qu'il n'est pas lié par des enregistrements éventuellement effectués selon des critères différents des siens. Quant à ses décisions, l'Office a expliqué, à l'audience, qu'il ne peut se prononcer ou faire des comparaisons sur des enregistrements effectués au vu des circonstances de chaque espèce.

Appréciation du Tribunal

17.
    Aux termes de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sont refusées à l'enregistrement «les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif».

18.
    Les signes dépourvus de caractère distinctif visés par l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 sont incapables d'exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d'identifier l'origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui achète le produit ou le service désigné par la marque de faire, lors d'une acquisition ultérieure, le même choix si l'expérience s'avère positive ou de faire un autre choix si elle s'avère négative.

19.
    L'enregistrement d'une marque composée de signes ou d'indications qui sont par ailleurs utilisés en tant que slogans publicitaires, indications de qualité ou expressions incitant à acheter les produits ou les services visés par cette marque n'est pas exclu, en tant que tel, en raison d'une telle utilisation (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 4 octobre 2001, Merz & Krell, C-517/99, Rec. p. I-6959, point 40).

20.
    Cependant, un signe qui remplit d'autres fonctions que celle de la marque n'est distinctif au sens de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 que s'il peut être perçu d'emblée comme une indication de l'origine commerciale des produits ou services visés afin de permettre au public pertinent de distinguer sans confusion possible les produits ou services du titulaire de la marque de ceux qui ont une autre provenance commerciale.

21.
    Le caractère distinctif d'un signe ne peut être apprécié que, d'une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l'enregistrement est demandé et, d'autre part, par rapport à la perception qu'en a le public pertinent.

22.
    À titre liminaire, il y a lieu de relever, en l'espèce, que la chambre de recours a constaté que le syntagme REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS, en tant que tel ou selon des variantes très proches, est communément utilisé dans le secteur d'activité de la requérante. À cet égard, il convient de rappeler qu'un signe qui est communément utilisé ne permet pas au consommateur de distinguer, de façon immédiate et certaine, les produits ou les services du titulaire de la marque constitué par ce signe de ceux des autres entreprises [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Rewe-Zentral/OHMI (LITE), T-79/00, Rec. p. II-705, points 33 et 35].

23.
    Néanmoins, cette constatation ne saurait être tirée des seuls éléments que contient la décision à ce sujet. En effet, il n'est pas possible au vu de cette dernière de déterminer si les exemples du syntagme relevés par la chambre concernent, d'une part, des utilisations antérieures ou postérieures à la date de dépôt de la demande de marque et, d'autre part, éventuellement, des utilisations effectuées par des tiers avec l'autorisation de la requérante. Dès lors, le fait que le syntagme soit communément utilisé à l'égard des services revendiqués ne saurait servir, en l'espèce, à justifier la constatation de l'absence de caractère distinctif du syntagme en cause.

24.
    Il y a lieu de relever, d'abord, en ce qui concerne le public pertinent, que les services en cause sont destinés à un public particulier, utilisateur de produits et de services liés à l'informatique. Dès lors, le niveau d'attention de ce public sera relativement élevé à l'égard de signes, et notamment des marques, susceptibles de lui indiquer une origine commerciale lui garantissant que le produit ou le service qu'il achète est compatible avec son équipement informatique (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, Rec. p. I-3819, point 26). En revanche, ce niveau pourra être relativement faible à l'égard d'indications à caractère exclusivement promotionnel qui ne sont pas déterminantes pour un public avisé.

25.
    En ce qui concerne la perception du syntagme REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS par le public pertinent, il y a lieu de relever que la chambre de recours a constaté que le slogan est composé de mots communs qui sont compris par ce public comme une simple formule promotionnelle et non une indication de l'origine commerciale des services en cause.

26.
    À cet égard, force est de constater que, si le syntagme n'a pas de sens descriptif exclusif et direct, il est toutefois composé par une organisation de mots qui, prise dans son ensemble, a un sens autonome. Ainsi, le syntagme est facilement compris comme signifiant que les services de la requérante consistent dans la fourniture de solutions pragmatiques conçues par et pour des personnes réelles.

27.
    En ce qui concerne l'argument de la requérante selon lequel il faut utiliser douze ou dix-neuf mots pour expliciter le slogan, il suffit, pour l'écarter, de constater que ces mots ne servent que pour transposer les deux idées susmentionnées qui y sont contractées dans une phrase linguistiquement correcte. De même, l'argument selon lequel le slogan n'est pas un message complet doit être écarté dès lors qu'il a été constaté ci-dessus que le slogan porte une signification directement compréhensible. Quant aux exemples avancés à l'audience par la requérante selon lesquels le slogan a d'autres sens que ceux donnés par la chambre, il convient de constater que, en réalité, toutes ces significations sont similaires et ne diffèrent pas du sens commun des vocables contenus dans le slogan. De plus, il n'a pas été indiqué quelle autre signification que celle susvisée pourrait être comprise par le public pertinent, y compris celui de langue maternelle anglaise, et si cette autre signification pourrait être utilisée autrement que dans le cadre de fonctions promotionnelles ou publicitaires.

28.
    En outre, le syntagme REAL PEOPLE, REAL SOLUTIONS ne possède pas d'éléments qui pourraient, au-delà de sa signification promotionnelle évidente, permettre au public pertinent de mémoriser facilement et immédiatement le syntagme en tant que marque distinctive pour les services désignés. Même dans l'hypothèse où le syntagme serait utilisé seul, sans autre signe ou marque, le public pertinent ne pourrait, sans en avoir été averti préalablement, le percevoir autrement que dans son sens promotionnel.

29.
    En effet, dans la mesure où le public pertinent est peu attentif à l'égard d'un signe qui ne lui donne pas d'emblée une indication sur la provenance et/ou la destination de ce qu'il souhaite acheter, mais plutôt une information exclusivement promotionnelle et abstraite, il ne s'attardera ni à rechercher les différentes fonctions éventuelles du syntagme ni à le mémoriser en tant que marque.

30.
    Dès lors, il y a lieu de conclure que le syntagme sera perçu en premier lieu par le public pertinent comme un slogan promotionnel, en raison de son sens intrinsèque, plutôt que comme une marque.

31.
    Enfin, quant aux arguments de la requérante tirés de demandes nationales et de décisions antérieures de l'Office, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, d'une part, le régime communautaire des marques est autonome et, d'autre part, la légalité des décisions des chambres de recours s'apprécie uniquement sur la base du règlement n° 40/94 et non sur la base d'une pratique décisionnelle antérieure de l'Office [voir arrêts du Tribunal du 16 février 2000, Procter & Gamble/OHMI (Forme d'un savon), T-122/99, Rec. p. II-265, points 60 et 61; du 5 décembre 2000, Messe München/OHMI (electronica), T-32/00, Rec. p. II-3829, point 47, et du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T-106/00, Rec. p. II-723, point 66]. Dès lors, l'Office n'est lié ni par les enregistrements nationaux ni par ses décisions antérieures. De surcroît, ainsi que l'Office l'a fait valoir à juste titre, ne sauraient être retenues comme pertinentes la référence à un enregistrement auprès d'un office national postérieur au rejet par l'examinateur de la demande d'enregistrement ou la référence à des enregistrements auprès de l'Office qui pourraient être remis en cause ultérieurement devant les instances chargées du contrôle de leur légalité.

32.
    Au vu de l'ensemble des considérations précédentes, le moyen tiré de la violation de l'article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 doit être rejeté. Dès lors, le recours doit être rejeté comme non fondé.

Sur les dépens

33.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombée, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l'Office, conformément aux conclusions de celui-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La partie requérante est condamnée aux dépens.

Moura Ramos
Pirrung
Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 5 décembre 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. M. Moura Ramos


1: Langue de procédure: l'anglais.