Language of document : ECLI:EU:T:2002:316

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

12 décembre 2002 (1)

«Marque communautaire - Procédure d'opposition - Marque antérieure verbale HIWATT - Demande de marque communautaire verbale HIWATT - Preuve de l'usage sérieux de la marque antérieure - Article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n° 40/94 et règle 22 du règlement (CE) n° 2868/95»

Dans l'affaire T-39/01,

Kabushiki Kaisha Fernandes, établie à Tokyo (Japon), représentée par Mes R. Hacon, N. Phillips et I. Wood, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme S. Laitinen, en qualité d'agent,

partie défenderesse,

l'intervenant devant le Tribunal étant

Richard John Harrison, demeurant à Doncaster, South Yorkshire (Royaume-Uni), représenté par MM. M. Edenborough, barrister, et S. Pilling, solicitor,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 4 décembre 2000 (affaire R 116/2000-1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. M. Vilaras, président, Mme V. Tiili et M. P. Mengozzi, juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 20 février 2001,

vu le mémoire en réponse de l'OHMI, déposé au greffe du Tribunal le 15 juin 2001,

vu le mémoire en réponse de la partie intervenante, déposé au greffe du Tribunal le 7 juin 2001,

à la suite de l'audience du 10 juillet 2002,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Aux termes de l'article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié:

«2. Sur requête du demandeur, le titulaire d'une marque communautaire antérieure qui a formé opposition apporte la preuve que, au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire, la marque communautaire antérieure a fait l'objet d'un usage sérieux dans la Communauté pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l'opposition est fondée, ou qu'il existe de justes motifs pour le non-usage, pour autant qu'à cette date la marque antérieure était enregistrée depuis cinq ans au moins. À défaut d'une telle preuve, l'opposition est rejetée. Si la marque communautaire antérieure n'a été utilisée que pour une partie des produits et services pour lesquels elle est enregistrée, elle n'est réputée enregistrée, aux fins de l'examen de l'opposition, que pour cette partie des produits ou services.

3. Le paragraphe 2 s'applique aux marques nationales antérieures [...], étant entendu que l'usage dans la Communauté est remplacé par l'usage dans l'État membre où la marque nationale antérieure est protégée.»

2.
    La règle 22 du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d'application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), dispose:

«1. Si l'opposant doit, en vertu de l'article 43, paragraphes 2 ou 3, du règlement, apporter la preuve de l'usage de la marque [...], l'Office l'invite à le faire dans un délai qu'il lui impartit. Si l'opposant ne fournit pas cette preuve dans le délai imparti, l'Office rejette l'opposition.

2. Les indications et les preuves à produire afin de prouver l'usage de la marque comprennent des indications sur le lieu, la durée, l'importance et la nature de l'usage qui a été fait de la marque antérieure pour les produits et services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l'opposition est fondée, ces indications devant être fournies, preuves à l'appui, conformément au paragraphe 3.

3. Ces preuves se limitent, de préférence, à la production de pièces justificatives comme, par exemple, des emballages, des étiquettes, des barèmes de prix, des catalogues, des factures, des photographies, des annonces dans les journaux, ainsi qu'aux déclarations écrites visées à l'article 76, paragraphe 1, [sous] f), du règlement.

4. Si les preuves produites conformément aux paragraphes 1, 2 et 3 ne sont pas rédigées dans la langue de la procédure d'opposition, l'Office peut inviter l'opposant à fournir, dans le délai qu'il lui est imparti, une traduction dans cette langue.»

Antécédents du litige

3.
    Le 29 octobre 1996, Richard John Harrison a présenté une demande de marque communautaire à l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) en vertu du règlement n° 40/94.

4.
    La marque dont l'enregistrement est demandé est le vocable HIWATT.

5.
    Les produits pour lesquels l'enregistrement est demandé relèvent de la classe 9 au sens de l'arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante: «amplificateurs et haut-parleurs; unités d'effets sonores électriques; pièces et parties constitutives de tous les produits précités».

6.
    Le 16 mars 1998, la demande de marque a été publiée dans le Bulletin des marques communautaires n° 18/98.

7.
    Le 27 avril 1998, la requérante a formé opposition à la demande de marque communautaire. Les marques antérieures invoquées à l'appui de l'opposition sont les enregistrements allemand n° 1129761, français n° 1674997 et italien n° 18651 C/89 du vocable HIWATT enregistré pour des produits qui relèvent de la classe 9 au sens de l'arrangement de Nice et les marques notoires HIWATT en Allemagne, en France et en Italie. Les produits pour lesquels la marque antérieure allemande n° 1129761 est enregistrée relèvent de la classe 9 au sens de l'arrangement de Nice et correspondent à la description suivante: «appareils et instruments techniques et électroniques (tous inclus en classe 9); appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images; haut-parleurs, amplificateurs et microphones». Les motifs invoqués à l'appui de l'opposition sont ceux visés par l'article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 40/94.

8.
    Sur requête du demandeur de la marque communautaire, la requérante a été invitée à apporter la preuve de l'usage sérieux des marques antérieures en vertu de l'article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 et de la règle 22, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95.

9.
    Dans le délai imparti par l'OHMI afin de prouver l'usage sérieux des marques antérieures, la requérante a présenté plusieurs documents, à savoir une facture faisant apparaître une expédition des produits HIWATT de la Corée vers l'Italie, datée du 2 décembre 1998; des extraits du catalogue universel Fernandes Guitars en langue anglaise présentant un amplificateur HIWATT et mentionnant une adresse au Japon; divers extraits d'une brochure de la Musikmesse/ProLight & Sound de Francfort-sur-le-Main de 1999 et 2000; la couverture et des pages intérieures du catalogue officiel de la Musikmesse/ProLight+Sound de 1997, qui cite, parmi les exposants de ladite foire, la requérante et la société HIWATT Amplification International; un catalogue HIWATT en langue anglaise daté de 1997 présentant des amplificateurs HIWATT et mentionnant une adresse aux États-Unis.

10.
    Par décision du 23 novembre 1999, la division d'opposition a rejeté l'opposition au titre de l'article 43, paragraphe 2, du règlement n° 40/94, au motif que ni l'existence de marques notoires ni l'usage sérieux des marques enregistrées ont été prouvés.

11.
    Le 19 janvier 2000, un recours a été formé auprès des chambres de recours de l'OHMI, au titre de l'article 59 du règlement n° 40/94, contre la décision de la division d'opposition.

12.
    Le recours a été rejeté par décision de la première chambre de recours du 4 décembre 2000 (ci-après la «décision attaquée»), qui a été notifiée à la requérante le 14 décembre 2000.

13.
    La chambre de recours a considéré que les preuves soumises par la requérante sont insuffisantes pour démontrer l'usage sérieux des marques antérieures HIWATT en France, en Allemagne ou en Italie.

Conclusions des parties

14.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    annuler la décision attaquée;

-    ordonner à l'OHMI de rejeter la marque demandée;

-    condamner l'OHMI aux dépens.

15.
    L'OHMI conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     rejeter la demande de la requérante;

-     condamner la requérante aux dépens.

16.
    La partie intervenante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-     confirmer les décisions de l'OHMI;

-    ordonner à l'OHMI de poursuivre la procédure d'enregistrement;

-     statuer sur les dépens.

En droit

Sur les demandes des parties requérante et intervenante visant à ce que le Tribunal ordonne à l'OHMI d'adopter un comportement déterminé

17.
    Par leurs deuxièmes chefs de conclusions, la requérante et la partie intervenante demandent au Tribunal, respectivement, d'ordonner à l'OHMI de rejeter la marque demandée et d'enjoindre à celui-ci de poursuivre la procédure d'enregistrement.

18.
    À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l'article 63, paragraphe 6, du règlement n° 40/94, l'OHMI est tenu de prendre les mesures que comporte l'exécution de l'arrêt du juge communautaire. Dès lors, il n'appartient pas au Tribunal d'adresser à l'OHMI une injonction. Il incombe à celui-ci de tirer les conséquences du dispositif et des motifs du présent arrêt. Les deuxièmes chefs de conclusions de la requérante et de la partie intervenante sont donc irrecevables [arrêts du Tribunal du 31 janvier 2001, Mitsubishi HiTec Paper Bielefeld/OHMI (Giroform), T-331/99, Rec. p. II-433, point 33, et du 27 février 2002, Eurocool Logistik/OHMI (EUROCOOL), T-34/00, p. II-683, point 12].

Sur la demande en annulation

19.
    La requérante a déclaré, lors de l'audience, ne contester la décision attaquée que pour autant que cette dernière ne reconnaît pas l'usage sérieux de la marque antérieure allemande n° 1129761 HIWATT. À l'appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique tiré de la violation de l'article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94.

Arguments des parties

20.
    La requérante fait valoir que, même si la chambre de recours a justement défini la notion d'usage sérieux d'une marque (au point 25 de la décision attaquée), cette définition n'a pas été correctement appliquée en l'espèce.

21.
    En ce qui concerne le catalogue d'amplificateurs HIWATT, présenté, selon elle, aux foires de Francfort-sur-le-Main au cours des années 1993 à 1997, la requérante considère que la chambre de recours, au point 27 de la décision attaquée, a refusé d'en tenir compte au motif qu'il est rédigé en langue anglaise, ce qui constitue un critère surprenant. Selon la requérante, la foire Musikmesse/ProLight & Sound de Francfort-sur-le-Main dans laquelle les catalogues ont été distribués est une foire internationale et, donc, il semble logique que la plupart des exposants, sinon tous, offre leurs catalogues en anglais. En outre, le fait que le nom de la foire Musikmesse/ProLight & Sound ne soit pas imprimé dans lesdits catalogues n'est pas non plus surprenant puisqu'il n'existe aucune obligation tendant à faire imprimer sur les prospectus le nom de la foire où ils seront distribués.

22.
    Par conséquent, la requérante soutient que la chambre de recours a, à tort, ignoré que, selon toutes probabilités, l'usage normal par la partie opposante, aux foires de Francfort-sur-le-Main tenues entre 1993 et 1997, des catalogues démontre un usage sérieux de la marque antérieure pour commercialiser des amplificateurs.

23.
    La requérante affirme qu'il ressort clairement des éléments de preuve présentés qu'une entreprise dénommée HIWATT Amplification International disposait d'un stand à la foire de Francfort-sur-le-Main en 1997 et que, cette entreprise était étroitement liée à la partie requérante, étant donné qu'elles avaient les mêmes adresse et numéro de télécopie. À ce propos, la requérante fait observer qu'il est plus que vraisemblable que HIWATT Amplification International a fait usage de la marque HIWATT, pour des amplificateurs, sur son stand lors de cette foire commerciale et ceci avec son consentement. Dès lors, la requérante considère qu'il serait étonnant de penser qu'une telle utilisation de la marque constitue un usage artificiel, réalisé dans le seul but de préserver l'enregistrement de celle-ci.

24.
    La requérante conclut que la chambre de recours devait tenir compte de tous ces éléments qui démontrent l'usage sérieux de la marque allemande HIWATT au cours de la période de cinq ans qui précèdent la publication de la demande de marque contestée.

25.
    L'OHMI relève qu'il n'est pas satisfait au critère d'un usage sérieux de la marque par un usage fictif, c'est-à-dire un usage tendant uniquement au maintien des droits de la marque. Le caractère sérieux de l'usage dépend de l'appréciation de l'ensemble des faits propres à chaque affaire. La preuve de l'usage sérieux de la marque antérieure peut être établie lorsqu'il est démontré que toutes les conditions prévues par la règle 22, paragraphe 2, du règlement n° 2868/95 sont remplies sur la base de l'ensemble des pièces justificatives soumises à cet égard.

26.
    S'agissant de documents soumis par la requérante, l'OHMI considère, premièrement, que, même si le catalogue HIWATT de 1997 décrit effectivement la nature de l'usage, il ne satisfait pas aux autres critères prévus par la règle 22, paragraphe 2, du règlement n° 2868/95 et notamment à ceux relatifs à la durée, au lieu ou à l'importance de l'usage. Quant à la langue dans laquelle le catalogue a été rédigé, à savoir l'anglais, il considère que ce fait a eu une influence minimale sur la décision de rejeter l'opposition.

27.
    Deuxièmement, l'OHMI considère que le catalogue de la Musikmesse/ProLight & Sound de Francfort-sur-le-Main de 1997 ne fait qu'indiquer que la requérante et la société HIWATT Amplification International y étaient présentes. En revanche, il ne fournit aucune indication concernant les produits exposés, la marque apposée, la durée ou la portée de l'usage.

28.
    L'OHMI fait valoir qu'il ne peut pas établir l'existence d'un usage sérieux d'une marque par des probabilités, mais qu'il doit examiner si la preuve de l'usage a été apportée. Ainsi, il affirme que, si la requérante avait fait un usage sérieux de sa marque en Allemagne, rien ne l'aurait empêché de lui transmettre des pièces autres que celles concernant sa présence à la Musikmesse/ProLight & Sound de Francfort-sur-le-Main.

29.
    L'OHMI conclut que les éléments de preuve, soumis par la requérante, ne sont pas de nature à prouver l'usage de la marque allemande HIWATT et que, dès lors, la décision attaquée est correcte quant à son raisonnement et à sa conclusion.

30.
    La partie intervenante soutient qu'un usage sérieux signifie plus qu'un usage symbolique. Elle considère que la division d'opposition et la chambre de recours ont tiré en l'espèce la conclusion qui s'imposait au regard des faits, à savoir que la requérante n'a pas démontré l'usage de la marque antérieure.

31.
    La partie intervenante fait valoir que la requérante n'a pas présenté de preuves de l'utilisation de la marque HIWATT apposée sur les produits visés par l'enregistrement allemand et qu'elle n'a pas produit une seule facture d'un produit vendu en Allemagne. Ainsi, la partie intervenante considère que la requérante n'a fourni aucune des preuves normalement attendues au soutien de la démonstration d'un usage sérieux.

32.
    En ce qui concerne le catalogue d'amplificateurs HIWATT, la partie intervenante maintient que l'absence de tout cachet de la Musikmesse/ProLight & Sound sur les catalogues est un indice de ce qu'ils n'ont pas été distribués dans le cadre de cette foire.

33.
    En outre, la partie intervenante estime que la coïncidence selon laquelle la requérante et la société HIWATT Amplification International ont les mêmes adresse et numéro de télécopie ne saurait en rien démontrer que cette dernière fait usage de la marque en cause avec le consentement de la première ou qu'il existe un lien entre elles. En tout état de cause, la partie intervenante souligne qu'aucune preuve n'a été apportée quant à l'usage par HIWATT Amplification International de la marque antérieure.

Appréciation du Tribunal

34.
    En vertu du neuvième considérant du règlement n° 40/94, il n'est justifié de protéger des marques antérieures que dans la mesure où ces marques sont effectivement utilisées. En conformité avec ce considérant, l'article 43, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 40/94 prévoit que le demandeur d'une marque communautaire peut requérir la preuve que la marque antérieure a fait l'objet d'un usage sérieux sur le territoire sur lequel elle est protégée au cours des cinq années qui précèdent la publication de la demande de marque communautaire ayant fait l'objet d'une opposition. Ainsi, si l'opposant ne prouve pas que la marque antérieure en cause a été effectivement utilisée sur le marché concerné, cette marque ne peut justifier le refus d'enregistrement d'une marque communautaire.

35.
    À titre liminaire, il y a lieu de constater que le règlement n° 40/94 ne contient pas de définition de la notion d'usage sérieux d'une marque. La chambre de recours, au point 25 de la décision attaquée, affirme qu'il convient de distinguer l'usage sérieux de l'usage fictif. Selon la décision attaquée, l'usage sérieux suppose une utilisation réelle de la marque aux fins de commercialiser les produits ou les services en question, par opposition à une utilisation artificielle uniquement destinée à conserver l'inscription de la marque sur le registre prévu à cet effet.

36.
    Il convient de relever, tout d'abord, qu'un usage sérieux suppose une utilisation réelle de la marque sur le marché concerné aux fins d'identifier des produits ou des services. Ainsi, il y a lieu de considérer qu'un usage sérieux s'oppose à tout usage minimal et insuffisant pour considérer qu'une marque est réellement et effectivement utilisée sur un marché déterminé. À cet égard, même si le titulaire a l'intention d'utiliser de façon réelle sa marque, si cette dernière n'est pas objectivement présente sur le marché d'une façon effective, constante dans le temps et stable dans la configuration du signe, de sorte qu'elle ne peut pas être perçue par les consommateurs comme étant une indication de l'origine des produits ou des services en cause, il n'y a pas usage sérieux de la marque.

37.
    Partant, un usage sérieux d'une marque ne s'oppose pas seulement à une utilisation artificielle destinée à conserver la marque enregistrée; cet usage suppose que la marque soit présente sur une partie substantielle du territoire sur lequel elle est protégée en exerçant notamment la fonction essentielle qui lui est propre, à savoir celle d'identifier l'origine commerciale du produit ou du service afin de permettre au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d'une acquisition ultérieure, le même choix, si l'expérience s'avère positive ou de faire un autre choix si elle s'avère négative [arrêt du Tribunal du 27 février 2002, Rewe-Zentral/OHMI (LITE), T-79/00, Rec. p. II-705, point 26].

38.
    Quant aux critères d'appréciation de cet usage sérieux, il y a lieu de prendre en considération les faits et les circonstances propres au cas d'espèce au regard du libellé de la règle 22, paragraphe 2, du règlement n° 2868/95, selon lequel les indications et les preuves destinées à caractériser l'usage de la marque doivent porter sur le lieu, la durée, l'importance et la nature de cet usage.

39.
    Il y a lieu d'examiner si la requérante a prouvé devant l'OHMI l'usage sérieux de la marque HIWATT en Allemagne au cours des cinq années qui ont précédé la publication de la demande de marque communautaire, à savoir entre le 16 mars 1993 et le 16 mars 1998, aux fins d'identifier les produits visés par l'enregistrement allemand n° 1129761 [appareils et instruments techniques et électroniques (tous inclus en classe 9); appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images; haut-parleurs, amplificateurs et microphones].

40.
    S'agissant des documents qu'elle a produits en tant que preuve de l'usage, la requérante n'a expressément fait référence dans ses écrits qu'au catalogue des produits HIWATT de 1997 et aux documents concernant la Musikmesse/ProLight & Sound de Francfort-sur-le-Main.

41.
    En ce qui concerne le catalogue HIWATT, il convient de constater qu'il ne contient pas tous les éléments nécessaires pour prouver l'usage de la marque antérieure. En effet, le document en question est un prospectus concernant les amplificateurs HIWATT, rédigé en langue anglaise et daté de 1997, selon lequel les produits sont fabriqués aux États-Unis («made in USA») et qui mentionne une adresse aux États-Unis. En revanche, il ne contient aucun élément susceptible de démontrer la commercialisation des produits sur le marché allemand. La requérante maintient qu'elle a distribué les catalogues en cause à la Musikmesse/ProLight & Sound de Francfort-sur-le-Main durant les années 1993 à 1997, mais elle n'a présenté aucune preuve le démontrant.

42.
    À cet égard, le seul fait prouvé par ce catalogue est l'existence d'amplificateurs portant la marque HIWATT. Cependant, ce document ne fournit aucune preuve démontrant que ces catalogues ont été mis à la disposition du public allemand ou que les amplificateurs en question ont été commercialisés ou exposés en Allemagne.

43.
    S'agissant du catalogue officiel de la Musikmesse/ProLight & Sound de Francfort-sur-le-Main de 1997 produit par la requérante pour prouver sa présence ainsi que celle d'une société nommée HIWATT Amplification International à cette foire, il ne démontre pas que les produits HIWATT ont été exposés ou offerts à la vente dans le cadre de cette foire. En tout état de cause, ce document ne suppose qu'une présence sporadique et occasionnelle de ces sociétés sur le marché allemand, mais en aucune manière leur présence continue sur ledit marché.

44.
    Dès lors qu'il n'est pas démontré que des produits sous la marque HIWATT ont été exposés ou commercialisés lors de cette foire, le fait que la société HIWATT Amplification International a fait un usage de la marque allemande HIWATT de la requérante avec le consentement de cette dernière, tacite ou non, est sans pertinence. En outre, l'utilisation du signe HIWATT comme dénomination sociale ne peut pas être considérée comme un usage de celui-ci en tant que marque pour identifier les produits visés par l'enregistrement allemand.

45.
    Partant, la présence de la requérante et de la société HIWATT Amplification International à la Musikmesse/ProLight & Sound de Francfort-sur-le-Main de 1997 ne peut être considérée que comme un indice de leur possible intention d'entrer sur le marché allemand, ce qui ne prouve pas une utilisation constante, stable et réelle de la marque HIWATT par la requérante capable de caractériser un usage sérieux de cette marque.

46.
    Enfin, la requérante affirme à plusieurs reprises qu'il est plus que vraisemblable que la marque antérieure a été utilisée sérieusement soit par elle-même soit par HIWATT Amplification International avec son consentement. La requérante considère qu'il serait étonnant de penser qu'une telle utilisation de la marque constitue un usage artificiel, réalisé uniquement dans le but de préserver l'enregistrement de celle-ci.

47.
    À cet égard, il y a lieu de considérer que l'usage sérieux d'une marque ne peut pas être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné.

48.
    Il résulte de tout ce qui précède que les documents que la requérante a présentés à l'OHMI à l'appui de sa démonstration d'un usage sérieux de la marque HIWATT ne comprennent pas les indications prévues par la règle 22, paragraphe 2, du règlement n° 2868/95, à savoir le lieu, la durée, l'importance et la nature de l'usage de la marque antérieure.

49.
    Étant donné que la requérante n'a pas démontré un usage même minime en Allemagne entre le 16 mars 1993 et le 16 mars 1998 de sa marque allemande n° 1129761 HIWATT pour les produits pour lesquels cette marque est enregistrée, il y a lieu de considérer que c'est à bon droit que la chambre de recours a estimé que l'usage sérieux de ladite marque n'a pas été prouvé.

50.
    Il y a lieu de conclure que le recours doit être rejeté.

Sur les dépens

51.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l'OHMI et par la partie intervenante, conformément aux conclusions de ceux-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante est condamnée aux dépens.

Vilaras
Tiili
Mengozzi

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 décembre 2002.

Le greffier

Le président

H. Jung

M. Vilaras


1: Langue de procédure: l'anglais.