Language of document : ECLI:EU:T:2010:36

ARRÊT DU 11. 2. 2010 – AFFAIRE T‑289/08

DEUTSCHE BKK / OHMI (DEUTSCHE BKK)

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre) 

11 février 2010 (*)

« Marque communautaire – Demande de marque communautaire verbale Deutsche BKK – Motifs absolus de refus − Caractère descriptif et absence de caractère distinctif – Absence de caractère distinctif acquis par l’usage − Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 3, du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), et paragraphe 3, du règlement (CE) n° 207/2009] − Article 73 et article 74, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 40/94 (devenus article 75 et article 76, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 207/2009) »

Dans l’affaire T‑289/08,

Deutsche Betriebskrankenkasse (Deutsche BKK), établie à Wolfsburg (Allemagne), représentée par Mes H.‑P. Schrammek, C. Drzymalla et S. Risthaus, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme B. Schmidt, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 29 mai 2008 (affaire R 318/2008‑4), concernant une demande d’enregistrement de la marque verbale Deutsche BKK comme marque communautaire,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. M. Vilaras (rapporteur), président, M. Prek et V. M. Ciucă, juges,

greffier : M. N. Rosner, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 29 juillet 2008,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 24 novembre 2008,

à la suite de l’audience du 10 septembre 2009,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 4 novembre 2005, la requérante, la Deutsche Betriebskrankenkasse (Deutsche BKK), a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal Deutsche BKK.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 36, 41 et 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 36 : « Assurances, en particulier assurances maladie et assurances de soins de longue durée pour personnes dépendantes » ;

–        classe 41 : « Édition d’imprimés ; organisation et tenue de manifestations d’information, en particulier dans le domaine de la promotion de la santé ; organisation et tenue de manifestations de formation et de formation continue, y compris de cours par correspondance ; conseils en formation et formation continue ; conseils en matière de cure thermale ; services d’organisation des loisirs, y compris organisation et tenue de manifestations sportives et de loisirs ; production de programmes cinématographiques, télévisés et radiophoniques et de programmes d’information et de divertissement sur des supports d’images et de sons » ;

–        classe 44 : « Services de soins de santé et de beauté, y compris services de maisons de convalescence, de rétablissement et de cure et services médicaux ; conseils en rapport avec des mesures de promotion professionnelle de la santé et leur mise en oeuvre (compris dans la classe 44) ».

4        Par lettre du 21 février 2006, l’examinateur a émis des objections à l’enregistrement de la marque demandée, fondées sur l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 [devenu article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 207/2009].

5        Par lettre du 19 juin 2006, la requérante a produit des documents complémentaires et invoqué, à titre subsidiaire, l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 (devenu article 7, paragraphe 3, du règlement n° 207/2009).

6        Par lettre du 16 octobre 2006, l’examinateur a continué d’émettre des objections à l’enregistrement de la marque demandée.

7        Par lettre du 12 juin 2007, la requérante a produit des documents complémentaires.

8        Par décision du 7 décembre 2007, l’examinateur a rejeté la demande de marque pour tous les services visés dans cette demande en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, au motif que la marque demandée était descriptive de ceux-ci, et en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement, pour défaut de caractère distinctif. En ce qui concerne l’article 7, paragraphe 3, du même règlement, l’examinateur a considéré que la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage n’était pas rapportée.

9        Le 5 février 2008, la requérante a formé un recours, au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009), contre la décision de l’examinateur.

10      Dans son recours, la requérante a maintenu que la marque demandée était suffisamment distinctive et non descriptive et, à titre subsidiaire, a renvoyé aux documents complémentaires présentés au cours de la procédure de recours, qui démontreraient le caractère distinctif acquis par l’usage. La requérante a également produit, à titre d’indice décisif, selon elle, de l’acquisition du caractère distinctif par l’usage, une enquête du Deutscher Industrie- und Handelskammertag (association des chambres de commerce et d’industrie allemandes) (ci-après l’« enquête DIHK »).

11      Par décision du 29 mai 2008 (ci‑après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En substance, la chambre de recours a considéré que les motifs absolus de refus énoncés à l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94 étaient applicables en l’espèce et qu’il n’était pas établi que la marque demandée avait acquis, selon l’article 7, paragraphe 3, du même règlement, un caractère distinctif après l’usage qui en avait été fait.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      À l’appui de son recours, la requérante invoque quatre moyens.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 73 du règlement n° 40/94

15      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir rejeté les documents produits par elle dans le cadre de la procédure de recours comme insuffisants, sans lui avoir donné au préalable, comme la chambre de recours y serait obligée, la possibilité de formuler des observations. L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

16      À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon l’article 73, deuxième phrase, du règlement n° 40/94 (devenu article 75, deuxième phrase, du règlement n° 207/2009), les décisions de l’OHMI ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position.

17      Conformément à cette disposition, une chambre de recours de l’OHMI ne peut fonder sa décision que sur des éléments de fait ou de droit sur lesquels les parties ont pu présenter leurs observations [arrêt de la Cour du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, Rec. p. I‑10107, point 42 ; arrêts du Tribunal du 13 juillet 2005, Sunrider/OHMI (TOP), T‑242/02, Rec. p. II‑2793, point 59, et du 20 novembre 2007, Tegometall International/OHMI – Wuppermann (TEK), T‑458/05, Rec. p. II‑4721, point 43].

18      Ladite disposition consacre, dans le cadre du droit des marques communautaires, le principe général de protection des droits de la défense [arrêts du Tribunal du 15 septembre 2005, Citicorp/OHMI (LIVE RICHLY), T‑320/03, Rec. p. II‑3411, point 21, et TEK, point 17 supra, point 44]. En vertu de ce principe général, les destinataires des décisions des autorités publiques qui affectent de manière sensible leurs intérêts doivent être mis en mesure de faire connaître utilement leur point de vue (arrêt de la Cour du 23 octobre 1974, Transocean Marine Paint/Commission, 17/74, Rec. p. 1063, point 15 ; arrêts LIVE RICHLY, précité, point 22, et TEK, point 17 supra, point 44).

19      Par ailleurs, selon la jurisprudence, si le droit d’être entendu, tel que consacré par l’article 73, deuxième phrase, du règlement n° 40/94, s’étend à tous les éléments de fait ou de droit ainsi qu’aux éléments de preuve qui constituent le fondement de la décision de la chambre de recours, il ne s’applique toutefois pas à la position finale que l’administration entend adopter [arrêts du Tribunal du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (Salvita), T‑303/03, Rec. p. II‑1917, point 62 ; du 5 avril 2006, Kachakil Amar/OHMI (Ligne longitudinale terminée en triangle), T‑388/04, non publié au Recueil, point 20, et TEK, point 17 supra, point 45].

20      En l’espèce, la requérante ayant produit elle-même les documents en question devant la chambre de recours, elle a pu, évidemment, prendre position sur ceux-ci ainsi que sur leur pertinence. Dans ces conditions, la chambre de recours n’était pas tenue d’entendre la requérante au sujet de l’appréciation des éléments de fait sur laquelle elle a choisi de fonder sa décision (voir, en ce sens, arrêt Salvita, point 19 supra, point 62).

21      Il convient, dès lors, de rejeter le premier moyen.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 74, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 40/94

22      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir mené son propre examen d’office des faits mais d’avoir essayé, sur la base de ses propres suppositions, d’établir quelle était l’opinion concrète du public pertinent. L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

23      Selon l’article 74, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 40/94 (devenu article 76, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 207/2009), « [a]u cours de la procédure, l’[OHMI] procède à l’examen d’office des faits ».

24      Pour autant que le présent moyen vise l’examen par la chambre de recours des motifs absolus de refus, en particulier du motif tiré de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, il convient de relever que la chambre de recours était parfaitement en mesure, sur la base du dossier et sans investigations complémentaires, de se prononcer sur la question de savoir si la marque demandée, examinée en chacun de ses éléments « deutsche » et « bkk » ainsi que globalement, était descriptive des services visés dans la demande de marque.

25      Pour autant que le présent moyen vise l’examen par la chambre de recours de la question du caractère distinctif acquis par l’usage, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, en ce qui concerne l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, il n’existe, certes, pas de règle disposant que l’examen par l’OHMI est limité aux faits invoqués par les parties, contrairement à ce que prévoit l’article 74, paragraphe 1, in fine, du même règlement (devenu article 76, paragraphe 1, in fine, du règlement n° 207/2009) concernant les motifs relatifs de refus. Néanmoins, en l’absence d’une allégation du demandeur de marque relative au caractère distinctif de celle-ci acquis par l’usage, l’OHMI se trouve dans l’impossibilité matérielle de tenir compte du fait que la marque demandée a acquis un tel caractère. Dès lors, il y a lieu de considérer que, en vertu du principe ultra posse nemo obligatur (à l’impossible nul n’est tenu) et nonobstant la règle consacrée à l’article 74, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 40/94, selon laquelle l’OHMI « procède à l’examen d’office des faits », celui-ci n’est tenu d’examiner des faits susceptibles de conférer à la marque demandée un caractère distinctif acquis par l’usage, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, que si le demandeur les a invoqués [arrêts du Tribunal du 12 décembre 2002, eCopy/OHMI (ECOPY), T‑247/01, Rec. p. II‑5301, point 47, et du 10 novembre 2004, Storck/OHMI (Forme d’une papillote), T‑402/02, Rec. p. II‑3849, point 96].

26      De la même manière, l’OHMI n’est obligé de tenir compte d’un élément de preuve susceptible d’être pertinent dans l’appréciation de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage que si le demandeur de marque l’a produit durant la procédure administrative devant l’OHMI [arrêts du Tribunal ECOPY, point 25 supra, point 48 ; du 29 avril 2004, Eurocermex/OHMI (Forme d’une bouteille de bière), T‑399/02, Rec. p. II‑1391, point 52, et du 15 décembre 2005, BIC/OHMI (Forme d’un briquet à pierre), T‑262/04, Rec. p. II‑5959, point 72].

27      En l’espèce, il est constant que la requérante a produit devant l’OHMI des éléments de preuve visant à démontrer le caractère distinctif de la marque demandée acquis par l’usage, sur lesquels la chambre de recours a fondé son appréciation. Dans ces conditions, aucune obligation supplémentaire ne pesait sur les instances de l’OHMI, et notamment pas celle d’instruire davantage le dossier sur ce point en vue de pallier l’absence éventuelle de force probante des éléments de preuve fournis par la requérante (voir, en ce sens, arrêt Forme d’une papillote, point 25 supra, point 97).

28      Il résulte des considérations qui précèdent que le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement n° 40/94

29      La requérante fait valoir, s’agissant de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, que la chambre de recours n’a pas correctement apprécié la compréhension par le public pertinent de la marque demandée. Compte tenu des habitudes en matière de marque dans le secteur des assurances en Allemagne, ce public percevrait spontanément comme une indication d’origine commerciale la combinaison, couramment pratiquée, du terme « bkk » avec un nom d’entreprise ou une dénomination géographique. En outre, le motif absolu de refus ne serait pas établi pour les services demandés relevant des classes 41 et 44. S’agissant de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, la chambre de recours se serait fondée sur l’affirmation inexacte que la marque demandée est descriptive. L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

30      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, sont refusées à l’enregistrement « les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci ». En outre, l’article 7, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 (devenu article 7, paragraphe 2, du règlement n° 207/2009) énonce que « [l]e paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de la Communauté ».

31      Selon la jurisprudence, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 empêche que les signes ou indications visés par celui-lui soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Cette disposition poursuit ainsi un but d’intérêt général, lequel exige que de tels signes ou indications puissent être librement utilisés par tous [arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Ellos/OHMI (ELLOS), T‑219/00, Rec. p. II‑753, point 27, et du 27 novembre 2003, Quick/OHMI (Quick), T‑348/02, Rec. p. II‑5071, point 27 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C‑363/99, Rec. p. I‑1619, point 54].

32      En outre, sont visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 les signes incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service, afin de permettre ainsi au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne, de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix, si l’expérience s’avère positive, ou de faire un autre choix, si elle s’avère négative (arrêts ELLOS, point 31 supra, point 28, et Quick, point 31 supra, point 28).

33      En effet, les signes et les indications visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94 sont ceux qui peuvent servir, dans un usage normal du point de vue du public pertinent, pour désigner soit directement, soit par la mention d’une de ses caractéristiques essentielles, le produit ou le service pour lequel l’enregistrement est demandé [voir arrêt du Tribunal du 22 juin 2005, Metso Paper Automation/OHMI (PAPERLAB), T‑19/04, Rec. p. II‑2383, point 24, et la jurisprudence citée].

34      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public concerné de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques (voir arrêt PAPERLAB, point 33 supra, point 25, et la jurisprudence citée).

35      La combinaison de termes descriptifs est elle-même en principe descriptive des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé, sauf si, en raison du caractère inhabituel de la combinaison, le signe en cause crée une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des indications apportées par les éléments qui le composent, de sorte qu’il prime la somme desdits éléments [arrêt du Tribunal du 8 juillet 2004, Telepharmacy Solutions/OHMI (TELEPHARMACY SOLUTIONS), T‑289/02, Rec. p. II‑2851, point 49 ; voir également, par analogie, arrêt de la Cour du 12 février 2004, Campina Melkunie, C‑265/00, Rec. p. I‑1699, point 43].

36      Le caractère descriptif d’une marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement du signe est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception du public pertinent qui est constitué par le consommateur de ces produits ou de ces services [arrêts du Tribunal ELLOS, point 31 supra, point 29 ; Quick, point 31 supra, point 29 ; du 7 juin 2005, Münchener Rückversicherungs-Gesellschaft/OHMI (MunichFinancialServices), T‑316/03, Rec. p. II‑1951, point 27, et du 14 juin 2007, Europig/OHMI (EUROPIG), T‑207/06, Rec. p. II‑1961, point 30].

37      Enfin, selon une jurisprudence constante, le régime communautaire des marques est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. Par conséquent, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque communautaire ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation communautaire pertinente. Dès lors, l’OHMI et, le cas échéant, le juge communautaire, ne sont pas liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre, voire d’un pays tiers, admettant le caractère enregistrable de ce même signe en tant que marque nationale [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 27 février 2002, Streamserve/OHMI (STREAMSERVE), T‑106/00, Rec. p. II‑723, point 47 ; du 5 juin 2002, Hershey Foods/OHMI (Kiss Device with plume), T‑198/00, Rec. p. II‑2567, point 32, et du 9 octobre 2002, Glaverbel/OHMI (Surface d’une plaque de verre), T‑36/01, Rec. p. II‑3887, point 34].

38      En l’espèce et comme l’a relevé la chambre de recours (point 12 de la décision attaquée), les services visés dans la demande de marque, qui sont des services d’assurance, en particulier d’assurance maladie et d’assurance de soins de longue durée pour personnes dépendantes (classe 36), ainsi que différents services pouvant être associés à ces services d’assurance (classes 41 et 44), intéressent, à titre principal, le consommateur final. La chambre de recours a, en outre, relevé que les professionnels – médecins, pharmaciens, hôpitaux, centres de cures – sont également concernés par ces services, dans la mesure où ils interviennent dans leur fourniture.

39      Par ailleurs, la marque demandée est constituée de l’adjectif allemand « deutsche », écrit avec une majuscule, suivi du groupe de trois lettres « bkk » qui est l’abréviation courante, en Allemagne et dans le contexte réglementaire propre à cet État membre, de « Betriebskrankenkasse » (caisse d’assurance maladie d’entreprise).

40      Il s’ensuit que, comme l’a considéré la chambre de recours (point 13, in fine, de la décision attaquée), le public pertinent pour l’appréciation de l’existence d’un caractère descriptif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, est le public allemand et, en premier lieu, au sein de ce public, le consommateur final.

41      S’agissant, premièrement, du terme « bkk » et ainsi que cela a été indiqué au point 39 ci-dessus, ce terme renvoie, dans le contexte allemand, à « Betriebskrankenkasse » et désigne donc un type particulier de caisse d’assurance maladie légale allemande. « bkk » apparaît donc comme clairement descriptif, pour le public pertinent, de l’espèce des services d’assurance visés dans la demande de marque.

42      À l’encontre de cette appréciation, la requérante prétend, en substance, que, du fait d’une réforme de l’assurance maladie en Allemagne ayant abouti à ce que les caisses d’assurance maladie d’entreprise peuvent désormais proposer leurs services à tous les consommateurs et pas seulement aux employés d’une entreprise déterminée, le terme « bkk » ne pourrait demeurer descriptif des caisses d’assurance maladie d’entreprise au sens traditionnel du terme – c’est-à-dire de caisse fournissant ses services exclusivement aux employés d’une entreprise déterminée – que lorsque ce terme est utilisé en combinaison avec un nom d’entreprise. Selon la requérante, lorsque ce serait une dénomination géographique – laquelle ne renverrait, par définition, à aucune entreprise en particulier – qui serait associée au terme « bkk », ce dernier ne pourrait pas être descriptif de la notion traditionnelle de caisse d’assurance maladie d’entreprise.

43      Cette argumentation de la requérante ne saurait prospérer. En effet, si, du fait de la réforme susvisée, il peut effectivement se faire que le terme figure désormais dans la dénomination commerciale de caisses d’assurance maladie qui ne sont pas ou plus des caisses d’assurance maladie d’entreprise au sens traditionnel du terme, il n’en reste pas moins que le groupe de lettres « bkk », en tant qu’abréviation courante de « Betriebskrankenkasse » continue, qu’il soit employé en association avec un nom d’entreprise ou avec une dénomination géographique ou de fantaisie, de renvoyer le public pertinent à l’activité et aux services d’assurance maladie et que, ce faisant, ce terme « bkk » demeure descriptif de l’espèce des services d’assurance visés dans la demande de marque.

44      C’est donc à juste titre que la chambre de recours, aux points 14 à 16 et 19 de la décision attaquée, a conclu au caractère descriptif du terme « bkk ».

45      S’agissant, deuxièmement, de l’autre élément composant la marque demandée, à savoir le terme allemand « deutsche », il n’est pas contestable que ce terme est descriptif, pour le public pertinent, de la provenance géographique des services visés dans la demande de marque.

46      S’agissant, troisièmement, de la question de savoir si le signe verbal résultant de l’association de l’adjectif « deutsche », écrit avec une majuscule, avec le terme « bkk », est dépourvu de caractère descriptif, c’est à juste titre que la chambre de recours, au point 17 de la décision attaquée, a considéré que le recours à la majuscule, s’agissant du signe Deutsche BKK utilisé isolément, n’est pas grammaticalement incorrect et ne confère donc à la marque demandée aucun élément d’originalité. Au demeurant, la requérante, si elle rappelle, dans la requête, avoir soulevé un argument à cet égard devant l’OHMI, ne réitère pas cet argument dans la partie de la requête consacrée aux moyens du recours.

47      Il résulte des considérations qui précèdent que, comme l’a constaté la chambre de recours (point 19 de la décision attaquée), la marque demandée, qui consiste dans la combinaison des deux éléments descriptifs « deutsche » et « bkk » et qui ne comporte aucun caractère inhabituel de nature à créer un écart perceptible par rapport à la simple somme de ces éléments, est elle-même, considérée dans son ensemble, descriptive pour le public pertinent tant de l’espèce que de la provenance géographique des services d’assurance visés dans la demande de marque.

48      S’agissant de la question de savoir si, au-delà de ces services d’assurance, la marque demandée est également descriptive des autres services visés dans la demande de marque et relevant des classes 41 et 44, il convient de constater, à l’instar de la chambre de recours (point 19, in fine, de la décision attaquée), que ces derniers services, parmi lesquels figurent, notamment, l’édition d’imprimés, l’organisation de manifestations d’information, en particulier dans le domaine de la promotion de la santé, les conseils en matière de cure thermale, la production de programmes audiovisuels, ou encore les services de soins de santé et de beauté, y compris les services de maisons de convalescence, sont tous susceptibles d’être fournis en relation avec les services d’assurance maladie et d’assurance de soins de longue durée pour personnes dépendantes visés dans la demande de marque, de sorte qu’il existe un lien étroit entre ces différents services. Comme le relève l’OHMI dans le mémoire en réponse, ce lien étroit est d’ailleurs confirmé par la déclaration du BKK Bundesverband (fédération des caisses d’assurance maladie d’entreprise) du 18 avril 2007, selon laquelle, en substance, il est typique, de la part des caisses d’assurance maladie allemandes, de fournir, à côté de leurs services d’assurance, des services d’information et de promotion de la santé.

49      La requérante n’ayant procédé à aucune limitation de sa demande de marque aux fins d’exclure du champ de cette demande les services visés relevant des classes 41 et 44 en ce qu’ils sont liés aux services d’assurance visés et relevant de la classe 36, c’est à juste titre que la chambre de recours a constaté que la marque demandée était descriptive, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, non seulement de ces services d’assurance, mais aussi des autres services visés dans la demande de marque.

50      Cette conclusion relative au caractère descriptif de la marque demandée n’est pas remise en cause par la référence opérée par la requérante à des habitudes en matière de marque dans le secteur de l’assurance maladie en Allemagne, selon lesquelles de nombreuses marques consisteraient dans une combinaison du terme « bkk » avec une dénomination géographique. En effet, cette référence à des habitudes en matière de marque ne retire rien au fait que la marque demandée peut être utilisée à des fins descriptives et qu’elle doit, donc, eu égard à l’objectif d’intérêt général sous-tendant le motif absolu de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, et conformément à la jurisprudence mentionnée au point 31 ci-dessus, demeurer librement utilisable par tous les opérateurs.

51      Il convient d’ajouter que cet argument de la requérante, fondé sur les habitudes en matière de marque et, donc, sur des exemples de signes voisins utilisés comme marques, repose implicitement mais nécessairement sur la prémisse d’une utilisation de la marque demandée comme marque, c’est-à-dire, par exemple, en tête de documents commerciaux, ou avec une police ou une taille de caractères différente de celle du reste du texte, ou avec n’importe quel autre élément de présentation suggérant que le signe est employé dans une fonction d’indication d’origine commerciale. Or, force est de constater que cette prémisse du raisonnement de la requérante méconnaît le cadre de l’examen mené au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, dans la mesure où cet examen a pour objet de déterminer le caractère descriptif d’un signe pris en lui-même et où le motif absolu de refus prévu par cette disposition vise précisément, selon la jurisprudence rappelée au point 31 ci-dessus, à garantir que les signes concernés puissent être librement utilisés par tous.

52      C’est donc à juste titre que, aux points 21 à 24 de la décision attaquée, la chambre de recours, laquelle n’est, selon la jurisprudence citée au point 37 ci-dessus, pas liée par les décisions et les prises de position adoptées au niveau national, a considéré que les éléments produits par la requérante s’agissant des habitudes en matière de marque, notamment la déclaration du BKK Bundesverband du 18 avril 2007, ou encore les enregistrements nationaux de marques comportant le terme « deutsche » ou de marques associant le terme « bkk » à une dénomination géographique, ne permettaient pas de conclure à l’absence de caractère descriptif de la marque demandée au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94.

53      S’agissant du grief tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, il convient de le rejeter, dès lors que, ainsi que l’a rappelé la chambre de recours (point 25 de la décision attaquée) et conformément à une jurisprudence constante, une marque verbale descriptive, comme en l’espèce, des caractéristiques de produits ou de services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement n° 40/94, est, de ce fait, nécessairement dépourvue de caractère distinctif au regard de ces mêmes produits ou services, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du même règlement [arrêt Koninklijke KPN Nederland, point 31 supra, point 86 ; arrêts du Tribunal du 14 avril 2005, Celltech/OHMI (CELLTECH), T‑260/03, Rec. p. II‑1215, point 23 ; du 10 octobre 2006, PTV/OHMI (map&guide), T‑302/03, Rec. p. II‑4039, point 34, et EUROPIG, point 36 supra, point 47, et la jurisprudence citée].

54      Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94

55      La requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas pris en considération ou n’a pas correctement apprécié toutes les circonstances de l’implantation de la marque demandée, desquelles il ressortirait que cette marque aurait acquis un caractère distinctif par l’usage. L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

56      Conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, les motifs absolus de refus d’enregistrement prévus au paragraphe 1, sous b) et c), de cet article ne sont pas applicables si la marque a acquis pour les produits ou services pour lesquels est demandé l’enregistrement un caractère distinctif après l’usage qui en a été fait.

57      En premier lieu, l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque exige qu’au moins une fraction significative du public pertinent identifie grâce à la marque les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée. Toutefois, les circonstances dans lesquelles la condition liée à l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage peut être regardée comme satisfaite ne sauraient être établies seulement sur la base de données générales et abstraites, telles que des pourcentages déterminés [voir arrêts du Tribunal Forme d’une bouteille de bière, point 26 supra, point 42, et du 10 novembre 2004, Storck/OHMI (Forme d’un bonbon), T‑396/02, Rec. p. II‑3821, point 56, et la jurisprudence citée].

58      En deuxième lieu, pour faire accepter l’enregistrement d’une marque en vertu de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94, le caractère distinctif acquis par l’usage de cette marque doit être démontré dans la partie substantielle de la Communauté où elle en était dépourvue au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), de ce même règlement (voir arrêts Forme d’une bouteille de bière, point 26 supra, point 43, et Forme d’un bonbon, point 57 supra, point 57, et la jurisprudence citée).

59      En troisième lieu, il convient de tenir compte, aux fins de l’appréciation, dans un cas d’espèce, de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, de facteurs tels que, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de l’usage de cette marque, l’importance des investissements faits par l’entreprise pour la promouvoir, les déclarations de chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles ainsi que des sondages d’opinion (voir arrêts Forme d’une bouteille de bière, point 26 supra, point 44, et Forme d’un bonbon, point 57 supra, point 58, et la jurisprudence citée).

60      En quatrième lieu, l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage doit avoir eu lieu antérieurement au dépôt de la demande de marque (arrêt de la Cour du 11 juin 2009, Imagination Technologies/OHMI, C‑542/07 P, non encore publié au Recueil, point 60 ; voir également arrêt Forme d’une bouteille de bière, point 26 supra, point 45, et la jurisprudence citée).

61      Il convient, enfin, de rappeler que la fonction essentielle de la marque étant de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 28 ; du 4 octobre 2001, Merz & Krell, C‑517/99, Rec. p. I‑6959, point 22, et du 29 avril 2004, Björnekulla Fruktindustrier, C‑371/02, Rec. p. I‑5791, point 20), la perception des consommateurs ou des utilisateurs finaux joue, en général, un rôle déterminant, car tout le processus de commercialisation a pour objectif l’acquisition du produit par ces derniers et le rôle des intermédiaires consiste autant à déceler et à anticiper la demande de ce produit qu’à l’amplifier ou à l’orienter [arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, Glaverbel/OHMI (Texture d’une surface de verre), T‑141/06, non publié au recueil, point 23 ; voir également, par analogie, arrêt Björnekulla Fruktindustrier, précité, point 24].

62      Ainsi, et comme le relève la chambre de recours au point 28 de la décision attaquée, les éléments produits aux fins de la preuve du caractère distinctif acquis par l’usage ne sauraient être relatifs uniquement aux modalités et à l’intensité de l’usage, mais doivent surtout concerner la perception du signe par le public pertinent, public dans l’esprit duquel ce signe, à la suite de l’usage qui en a été fait, doit être perçu comme une indication d’origine commerciale. En effet, les éléments relatifs aux modalités et à l’intensité de l’usage ne sont pas de nature, en tant que tels, à démontrer que le public visé par les produits et les services en cause perçoit le signe comme une indication d’origine commerciale. Ces éléments ne peuvent être considérés que comme des preuves secondaires venant corroborer, le cas échéant, les preuves directes relatives à la perception du signe par le public pertinent (voir, en ce sens, arrêt Texture d’une surface de verre, point 61 supra, points 41 et 42).

63      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, la chambre de recours a enfreint l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 en estimant que, faute d’éléments de preuve suffisants d’un caractère distinctif acquis par l’usage à la date du dépôt de la demande de marque, la marque demandée ne pouvait pas être enregistrée en vertu de cette disposition.

64      Ainsi que le relève la chambre de recours, la période pertinente, postérieurement à la constitution de la requérante au début de l’année 2003, pour l’appréciation du caractère distinctif acquis par l’usage, s’est achevée le 4 novembre 2005, date du dépôt de la demande de marque (point 29 de la décision attaquée). C’est donc à bon droit que la chambre de recours a écarté comme dénués de pertinence les éléments de preuve relatifs à un usage de la marque demandée après la date du dépôt de la demande de marque.

65      S’agissant, plus particulièrement, de l’argument de la requérante selon lequel le document de l’AKAD Fachhochschule Pinnenberg, produit devant la chambre de recours sous l’intitulé « Markenwerte gesetzlicher Krankenkassen in Deutschland » (valeurs des marques des caisses de maladie légales en Allemagne), aurait à tort été écarté comme chronologiquement non pertinent, il convient de le rejeter.

66      En effet, c’est à juste titre que la chambre de recours, au point 29 de la décision attaquée, a constaté que ce document, daté de mars 2007, comportait uniquement une enquête comparée de la valeur économique des marques de différentes caisses d’assurance maladie, parmi lesquelles la requérante. Cette enquête, qui examine les marques comparées à la date de sa réalisation et accorde une attention particulière à leurs perspectives de développement, ne fournit aucun élément précis s’agissant de la question, seule en cause en l’espèce, de l’acquisition, à la date du dépôt de la demande de marque, d’un caractère distinctif par l’usage. En outre et comme le relève l’OHMI devant le Tribunal, ce document ne fournit aucune information précise concernant la méthodologie suivie pour l’enquête et la sélection des personnes interrogées dans ce cadre.

67      La requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir pris en considération les déclarations du Bundesversicherungsamt (Office fédéral des assurances sociales) et du BKK Bundesverband. Il convient, cependant, de relever que ces déclarations datent de février et d’avril 2007 et ne donnent pas d’éléments d’information sur la perception, par le public pertinent, de la marque demandée à la date du dépôt de la demande de marque. Elles ne portent que sur la propre perception, par ces deux organismes, de cette marque en 2007 et sont donc dénuées de pertinence pour l’appréciation, en l’espèce, de l’application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94. En outre, le fait qu’il ressorte de ces déclarations que seule la requérante utilise le signe Deutsche BKK en Allemagne ne prouve nullement que la marque demandée a acquis un caractère distinctif par l’usage dès novembre 2005. C’est donc à juste titre que la chambre de recours, qui n’a, au demeurant, pas méconnu ces déclarations (voir points 5, 13, 15, 21 et 29 de la décision attaquée), ne les a pas comptées au nombre des éléments pertinents pour l’examen de l’application de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

68      Par ailleurs, c’est à tort que la requérante fait valoir, en substance, que ses contacts avec l’examinateur l’auraient fondée à s’attendre, sur la base des preuves produites devant lui, à une appréciation positive de la demande d’enregistrement.

69      En effet, il ne ressort nullement du dossier, en particulier des courriers de l’examinateur à la requérante des 21 février et 16 octobre 2006, que l’examinateur aurait donné à celle-ci une quelconque assurance quant à une décision positive de l’OHMI sur la demande de marque. Ainsi, dans son courrier du 16 octobre 2006, l’examinateur indiquait que les documents produits en relation avec l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94 étaient recevables mais non suffisants et qu’il apprécierait que d’autres éléments de preuve, par exemple des déclarations de tiers, soient fournis. Une telle indication n’impliquait nullement que la fourniture par la requérante de telles déclarations de tiers garantirait l’enregistrement de la marque demandée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 3, du règlement n° 40/94.

70      En tout état de cause, la requérante a pu, dans le cadre de son recours introduit au titre des articles 57 à 62 du règlement n° 40/94 devant la chambre de recours, contester le refus de l’examinateur d’enregistrer la marque demandée et rapporter tous éléments de preuve complémentaires.

71      La requérante conteste les appréciations contenues aux points 30 à 32 de la décision attaquée, par lesquelles la chambre de recours a estimé, en substance, que les informations de la requérante relatives au nombre de ses affiliés (770 000 affiliés, correspondant à 1,1 million d’assurés, soit un allemand sur 80) et à sa position sur la liste des caisses d’assurance maladie légales (15e place) n’étaient pas suffisantes pour prouver le caractère distinctif acquis par l’usage. En effet, selon la chambre de recours, ces chiffres refléteraient une activité qui ciblerait surtout un public constitué par les employés des trois entreprises fondatrices de la requérante et ne prouveraient pas que, au-delà de ce public restreint, une partie importante des consommateurs allemands identifierait la marque demandée comme une marque.

72      À l’encontre de ces appréciations de la chambre de recours, la requérante fait valoir que le nombre d’affiliés et d’assurés ne peut, en tant que tel, donner qu’une indication de la connaissance de la marque demandée par le public pertinent. En effet, tout assuré allemand, bien que lié à une seule assurance maladie, connaîtrait cependant une multitude d’entreprises d’assurance pour en avoir entendu parler par ses proches, ses employeurs, ou encore par la presse. Le public pertinent aurait donc une connaissance générale des plus grands assureurs.

73      De plus, l’affirmation de la chambre de recours, selon laquelle seulement 1/80e de la population entrerait en contact avec la marque demandée, serait inexacte, dès lors qu’il conviendrait également de tenir compte, au-delà des affiliés et des assurés de la requérante, de l’ensemble des salariés des entreprises fondatrices, soit 966 645 personnes, lesquels devraient être ajoutés aux assurés de la requérante non liés à ces entreprises.

74      S’agissant du premier argument, relatif au fait que tout assuré connaîtrait forcément une multitude d’entreprises d’assurance et que le public pertinent connaîtrait donc les plus grands assureurs, force est de constater que la requérante procède par voie d’affirmations générales et non étayées et que cet argument doit être écarté. En tout état de cause et à supposer même qu’une telle connaissance par le public pertinent des plus grands assureurs du secteur de l’assurance maladie puisse être présumée sans autre élément, il n’en reste pas moins que, selon le dossier, la requérante n’apparaît qu’en 15e position parmi les entreprises d’assurance maladie légales – c’est-à-dire sans même prendre en compte le secteur de l’assurance maladie privée – et que cette position n’apparaît pas comme celle existant à la date du dépôt de la demande de marque, le 4 novembre 2005, mais comme celle existant au 1er octobre 2006 (voir déclaration du Bundesversicherungsamt du 6 février 2007).

75      S’agissant du second argument, relatif au fait qu’il serait inexact que seulement 1/80e de la population (soit 1,1 million de personnes, dont 770 000 affiliés parmi lesquels 30 % sont salariés des entreprises fondatrices) serait en contact avec la requérante, il convient de relever que, même en prenant en compte, comme le demande la requérante, les salariés de ses trois entreprises fondatrices [ce qui implique d’ajouter au nombre de 1,1 million le total des salariés desdites entreprises (966 645 personnes) en déduisant – pour ne pas les compter deux fois – ceux de ces salariés qui sont affiliés à la requérante (30 % de 770 000)], ce ne serait que 1,836 million de personnes qui seraient en contact avec la requérante, soit, tout au plus, 1/48e de la population allemande. Force est de constater que ce ratio n’introduit, concrètement, aucune différence significative par rapport au ratio mentionné au point 31 de la décision attaquée. Quant à l’affirmation selon laquelle le changement de raison sociale de la requérante aurait constitué matière à discussion auprès d’un nombre important d’assurés, faisant prétendument connaître la marque demandée à tous les assurés, à leurs familles et à leurs cercles de connaissance, il s’agit, là encore, d’une affirmation générale et non étayée.

76      En ce qui concerne les mesures publicitaires prises par la requérante, la chambre de recours, au point 33 de la décision attaquée, a relevé que les mesures invoquées par la requérante devant l’OHMI se limitaient, pour l’essentiel, à son autopromotion interne, puisque les pages Internet et les périodiques concernés s’adressaient essentiellement aux personnes déjà affiliées. La chambre de recours a relevé que la requérante a prétendu avoir mené quelques campagnes d’annonces d’importance limitée, mais qu’elle n’aurait à son actif aucune campagne d’annonce importante de niveau national, diffusée dans des médias nationaux, telle que des publicités télévisées. La requérante n’aurait pas produit d’exemples de la version originale des annonces parues dans les journaux, mais uniquement le texte de l’annonce lui-même. En tout état de cause, la plupart des mesures publicitaires alléguées auraient été réalisées dans la région de Wolfsburg et de Brunswick, Wolfsburg étant le siège de l’entreprise Volkswagen. Dans ses annonces, la requérante se qualifierait d’ailleurs de « partenaire de la Poste, de Telekom et de Volkswagen ».

77      Dans son recours, la requérante n’oppose aucune contestation sérieuse aux appréciations de la chambre de recours rappelées ci-dessus et relatives à l’importance limitée, notamment au plan géographique, des actions publicitaires de la requérante ou encore relatives au fait que les informations fournies ne permettent pas de tirer de conclusions pertinentes sur la fréquence concrète des actions en cause et le public censé avoir été touché.

78      La seule critique de la requérante vise le rejet par la chambre de recours des éléments relatifs à son site Internet. Force est, cependant, de relever, à l’instar, en substance, de la chambre de recours, qu’un site Internet, en ce qu’il ne touche, par hypothèse, que les personnes qui prennent l’initiative de s’y connecter, ne saurait être assimilé à une campagne publicitaire. Quant à la référence par la requérante au nombre prétendument important de connexions à son site Internet, celle-ci ne fournit aucune précision à cet égard ni ne renvoie à des pièces du dossier.

79      La requérante s’appuie également sur l’enquête DIHK pour prétendre que, à tout le moins, le caractère distinctif acquis par l’usage de la marque demandée ressortirait de cette enquête et que la chambre de recours, aux points 34 à 41 de la décision attaquée, aurait mal interprété ce document.

80      Selon la requérante, cette enquête attesterait d’une assimilation du signe Deutsche BKK à son entreprise par plus de 50 % des personnes interrogées. Les doutes exprimés par la chambre de recours quant à la valeur probante de cette enquête seraient non fondés. La chambre de recours aurait commis une erreur en affirmant, au point 41 de la décision attaquée, que plus de 50 % des personnes interrogées ne percevraient pas cette désignation comme celle d’une entreprise déterminée. En particulier, la chambre de recours aurait dû déduire de ce pourcentage les réponses des personnes interrogées ayant perçu Deutsche BKK comme renvoyant à plusieurs entreprises.

81      Le Tribunal considère que ces critiques ne remettent pas en cause l’exactitude de la position de la chambre de recours, selon laquelle l’enquête DIHK n’est pas un élément probant s’agissant de l’acquisition, par la marque demandée, d’un caractère distinctif par l’usage auprès du public pertinent.

82      En effet et ainsi que la chambre de recours l’a relevé, en substance, au point 35 de la décision attaquée, l’enquête DIHK est, en soi, d’une valeur probante limitée, dans la mesure où elle ne vise nullement le consommateur moyen allemand, mais uniquement les professionnels (voir, à cet égard, la jurisprudence citée au point 61 ci-dessus). S’il est certes vrai que les professionnels font aussi partie du public pertinent, il n’en reste pas moins que ce public est composé, pour l’essentiel, du consommateur moyen allemand.

83      De plus, l’enquête DIHK, en ce qu’elle a été menée en 2007, fournit des informations sur la perception de la marque demandée par une partie du public pertinent à une date postérieure à celle du dépôt de la demande de marque. La pertinence de cette enquête, s’agissant de la perception de la marque demandée au stade du dépôt de la demande de marque, s’en trouve donc encore réduite. Cette pertinence est d’autant plus réduite que, du fait de la constitution de la requérante au début de l’année 2003, la période d’usage de la marque demandée avant le dépôt de la demande d’enregistrement était, de toute manière, courte.

84      En outre, force est de constater que les conclusions de l’enquête DIHK s’avèrent défavorables à la thèse de la requérante.

85      En effet, l’enquête DIHK, menée sous la forme d’un questionnaire adressé à 6 050 destinataires, a suscité 1 375 réponses. Elle a visé uniquement des professionnels susceptibles, du fait de leur activité (services du personnel de grandes entreprises, assureurs, services administratifs d’établissement médicaux et de retraite, pharmacies), d’avoir une bonne connaissance du secteur de l’assurance maladie et de ses acteurs.

86      Cette sélection initiale des destinataires de l’enquête a, en outre, été affinée par le biais d’une première question, qui a permis de ne retenir, pour la suite du sondage, parmi les 1 375 réponses reçues, que les 1 277 réponses émanant de professionnels confirmant avoir une connaissance du secteur de l’assurance, en particulier de l’assurance maladie et de l’assurance dépendance.

87      Au sein de ce groupe de professionnels se déclarant expressément concernés par le secteur des assurances, une sélection additionnelle a été opérée par le biais d’une deuxième question, portant sur le point de savoir si le professionnel sondé connaissait le signe Deutsche BKK dans le contexte des services d’assurance maladie et d’assurance dépendance. 1 020 professionnels ont répondu positivement à cette deuxième question et 257 négativement.

88      Ce n’est qu’à ce groupe restreint de 1 020 professionnels qu’il a été demandé de répondre à une troisième question du questionnaire, à savoir :

« Le syntagme Deutsche BKK est-il, à votre avis, dans le cadre de services d’assurance :

3.1. une référence au fait que les produits proviennent d’une entreprise bien déterminée (si vous la connaissez, veuillez en indiquer le nom) ;

3.2. une référence au fait que les produits proviennent de plusieurs entreprises différentes (si vous les connaissez, veuillez en indiquer les noms) ;

3.3. n’est pas une référence au fait que les produits proviennent d’une entreprise déterminée. »

89      Le choix 3.1 a été retenu par 469 professionnels, le choix 3.2 par 235 professionnels et le choix 3.3 par 316 professionnels (point 40, première phrase, de la décision attaquée et tableau joint à l’enquête DIHK).

90      Il ressort de ce qui précède que, sur les 1 277 professionnels ayant pourtant expressément confirmé, dans leur réponse au questionnaire, avoir une connaissance du secteur des assurances, 257 (soit 20 %) ne connaissaient pas le signe Deutsche BKK dans le contexte des produits et des services d’assurance et 316 (soit 25 %) le connaissaient dans ce contexte, mais sans le percevoir comme une indication d’origine commerciale.

91      Cette proportion de 45 % au total, issue des 1 277 professionnels évoqués au point 86 ci-dessus, s’avère donc même supérieure au pourcentage de 30 % mentionné par la chambre de recours au point 40, deuxième phrase, de la décision attaquée, lequel pourcentage de 30 % est fondé, de façon indûment limitative, sur les seuls 1 020 professionnels mentionnés au point 87 ci-dessus et ayant déclaré connaître le signe Deutsche BKK dans le contexte des produits et des services d’assurance. Il n’y a en effet aucune raison de ne pas prendre en compte les 257 professionnels ayant déclaré ne pas connaître le signe Deutsche BKK dans le contexte des produits et des services d’assurance.

92      Quant aux 235 professionnels (soit 18 % de 1 277) ayant fait le choix 3.2, s’il est vrai que la chambre de recours n’aurait pas dû les compter tous au nombre des professionnels ne percevant pas la marque demandée comme une indication d’origine commerciale (point 40, deux dernières phrases, de la décision attaquée), dès lors que, comme le relève en substance la requérante, une partie d’entre eux, en assortissant le choix 3.2. de l’indication de noms de caisses d’assurance maladie, a exprimé percevoir la marque demandée comme une marque « faîtière » née du rapprochement de plusieurs caisses d’assurance maladie, il n’en reste pas moins qu’une autre partie de ces 235 professionnels n’a assorti le choix 3.2 d’aucune indication supplémentaire et qu’il n’est pas permis de conclure, à l’égard de cette dernière partie des professionnels, qu’elle percevait nécessairement la marque demandée comme une indication d’origine commerciale.

93      Il ressort des considérations qui précèdent que ce n’est pas moins de 45 % des 1 277 professionnels sondés et revendiquant expressément une familiarité avec le secteur de l’assurance maladie et de l’assurance dépendance qui ont, en 2007, exprimé ne pas percevoir la marque demandée comme une indication d’origine commerciale et que, à ces 45 %, doit être ajoutée au moins une partie des 18 % de professionnels ayant fait le choix 3.2.

94      Compte tenu de ce résultat et eu égard au fait que, au-delà des professionnels, c’est le consommateur moyen allemand, bien moins informé, qui constitue l’essentiel du public pertinent pour les services visés dans la demande de marque, les résultats de l’enquête DIHK, loin de constituer une preuve de l’acquisition par la marque demandée d’un caractère distinctif par l’usage, font plutôt douter de cette acquisition.

95      Il résulte des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu que la preuve d’un caractère distinctif acquis par l’usage à la date du dépôt de la demande de marque n’était pas rapportée. Il convient, dans ces conditions, de rejeter le quatrième moyen.

96      Aucun des moyens invoqués par la requérante n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

97      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’OHMI, conformément aux conclusions de celui-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Deutsche Betriebskrankenkasse (Deutsche BKK) est condamnée aux dépens.

Vilaras

Prek

Ciucă

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 février 2010.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.