Language of document : ECLI:EU:T:2023:441

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

26 juillet 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative RADA PERFUMES – Marques de l’Union européenne figuratives antérieures PRADA – Marque de l’Union européenne figurative antérieure PRADA MILANO DAL 1913 – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑439/22,

Rada Perfumery SRL, établie à Cluj-Napoca (Roumanie), représentée par Me E.-M. Dicu, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. A. Ringelhann et T. Frydendahl, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Prada SA, établie à Luxembourg (Luxembourg), représentée par Me G. Casucci, avocat,

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. Kornezov (rapporteur), président, G. De Baere et D. Petrlík, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Rada Perfumery SRL, demande l’annulation et la réformation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 12 avril 2022 (affaire R 1610/2021-2) (ci-après la « décision attaquée »).

I.      Antécédents du litige

2        Le 22 janvier 2020, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe figuratif suivant :

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3        La marque demandée désignait les produits et les services relevant des classes 3 et 35 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Cosmétiques et produits cosmétiques ; huiles parfumées pour la fabrication de produits cosmétiques ; parfums ; huiles pour la parfumerie ; huiles essentielles naturelles ; mélanges d’huiles essentielles ; déodorants corporels [parfumerie] ; produits de parfumerie synthétiques ; produits de parfumerie » ;

–        classe 35 : « Services de publicité en matière de produits de parfumerie ; recherche commerciale dans le domaine des cosmétiques, des produits de parfumerie et de beauté ; préparation de matériel de promotion et de commercialisation pour le compte de tiers ; fourniture de conseils relatifs à des produits de consommation dans le domaine des cosmétiques ; services de vente au détail en ligne de cosmétiques ; services de vente au détail de produits cosmétiques par correspondance ; services de vente en gros concernant les préparations de parfums ».

4        Le 4 mai 2020, l’intervenante, Prada SA, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était notamment fondée sur les marques de l’Union européenne antérieures suivantes :

–        la marque de l’Union européenne figurative no 11918331 désignant les produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Produits de parfumerie ; parfums », reproduite ci-après :

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–        la marque de l’Union européenne figurative no 12443362 désignant les services de la classe 35 et correspondant à la description suivante : « Regroupement, pour le compte de tiers, d’une multitude de produits, en particulier vêtements, chaussures, chapeaux, sacs, articles de maroquinerie, cosmétiques, parfums, montures de lunettes, lunettes de soleil, téléphones cellulaires, horloges, bijoux, imitations de bijoux, livres, revues, articles de sport, de manière à permettre aux clients de voir et d’acheter facilement lesdits produits, à l’exclusion de leur transport », reproduite ci-après :

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–        la marque de l’Union européenne figurative no 13400635 désignant les produits de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices ; eau de Cologne ; eau de lavande ; eau de Cologne ; adhésifs à usage cosmétique ; assouplissants pour la lessive ; aromates [huiles essentielles] ; bâtons d’encens ; maquillage ; cire à épiler ; faux cils ; poudre pour le visage ; teintures pour cheveux ; colorants à usage cosmétique ; cosmétiques pour animaux ; crèmes cosmétiques ; crème pour blanchir la peau ; décolorants à usage cosmétique ; déodorants [parfumerie] ; gels de massage autres qu’à usage médical ; spray pour les cheveux ; vernis à ongles ; laits de toilette ; après-rasage ; lotions capillaires ; lotions à usage cosmétique ; brillant à lèvres ; mascara ; masques cosmétiques ; crayons pour les sourcils ; crayons pour les sourcils ; huiles de toilette ; huiles essentielles ; huiles à usage cosmétique ; coton à usage cosmétique ; pierre ponce ; pommades à usage cosmétique ; pots-pourris odorants ; produits cosmétiques pour le bronzage de la peau ; préparations cosmétiques pour le bain ; produits lavants ou déodorants pour la toilette intime ; préparations cosmétiques amincissantes ; produits cosmétiques pour les soins de la peau ; dépilatoires ; parfums ; maquillage ; bains de bouche à usage non médical ; produits pour le soin des ongles ; produits de rasage ; produits de toilette ; produits pour parfumer le linge ; produits démaquillants ; parfums ; parfums d’ambiance ; rouge à lèvres ; sels de bain à usage non médical ; savons ; savons désodorisants ; savon désinfectant ; shampooings ; shampooings pour animaux de compagnie ; shampooings secs ; talc pour la toilette ; teintures cosmétiques ; lingettes imprégnées de lotions cosmétiques ; faux ongles », reproduite ci-après :

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6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        Le 4 août 2021, la division d’opposition a partiellement fait droit à l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 pour tous les produits de la marque demandée relevant de la classe 3 et pour les services de la classe 35 correspondant à la description suivante : « Services de vente au détail en ligne de cosmétiques ; services de vente au détail de produits cosmétiques par correspondance ; services de vente en gros concernant les préparations de parfums », au motif qu’il existait un risque de confusion. Elle a rejeté l’opposition pour les autres services visés par la marque demandée.

8        Le 20 septembre 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition en tant que cette dernière avait accueilli l’opposition pour les produits et les services relevant des classes 3 et 35 mentionnés au point 7 ci-dessus.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif qu’il existait un risque de confusion au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

II.    Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter l’opposition ;

–        faire droit à la demande d’enregistrement de la marque demandée.

11      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens qu’il a exposés, en cas de convocation des parties à une audience.

12      L’intervenante conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ou non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur le troisième chef de conclusions de la requérante

13      En ce qui concerne le troisième chef de conclusions de la requérante, il y a lieu de relever que celui-ci tend à ce que le Tribunal fasse droit à la demande d’enregistrement de la marque, afin que celle-ci soit enregistrée, et peut être compris comme visant à ce que le Tribunal réforme la décision attaquée au sens de l’article 72, paragraphe 3, du règlement 2017/1001, en adoptant la décision que la chambre de recours aurait dû prendre, conformément aux dispositions dudit règlement. Or, les instances de l’EUIPO compétentes en la matière n’adoptent pas de décision formelle constatant l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne qui pourrait faire l’objet d’un recours. Par conséquent, la chambre de recours n’est pas compétente pour connaître d’une demande visant à ce qu’elle enregistre une marque de l’Union européenne. Dans ces circonstances, il n’appartient pas davantage au Tribunal de connaître d’une demande de réformation visant à ce qu’il modifie la décision d’une chambre de recours en ce sens [voir, en ce sens, arrêt du 12 avril 2011, Euro-Information/OHMI (EURO AUTOMATIC PAYMENT), T‑28/10, EU:T:2011:158, point 13 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le troisième chef de conclusions pour cause d’incompétence.

B.      Sur le fond

14      La requérante invoque, en substance, un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. Elle conteste les conclusions de la chambre de recours concernant, premièrement, la comparaison des produits et des services visés par les marques en conflit, deuxièmement, la comparaison desdites marques et, troisièmement, l’appréciation globale du risque de confusion.

1.      Sur la recevabilité des éléments de preuve produits pour la première fois devant le Tribunal

15      L’EUIPO conteste la recevabilité des annexes A.5 à A.11 de la requête, en ce que celles-ci n’auraient pas été déposées dans le cadre de la procédure administrative.

16      Un recours porté devant le Tribunal en vertu de l’article 72, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours. Dans le cadre dudit règlement, en application de son article 95, ce contrôle doit se faire au regard du cadre factuel et juridique du litige tel qu’il a été porté devant la chambre de recours [voir arrêt du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, EU:T:2005:29, point 17 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que le Tribunal ne saurait annuler ou réformer la décision objet du recours pour des motifs qui apparaîtraient postérieurement à son prononcé (arrêts du 11 mai 2006, Sunrider/OHMI, C‑416/04 P, EU:C:2006:310, point 55, et du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, EU:C:2007:162, point 53).

17      Dès lors, la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des preuves présentées pour la première fois devant lui. En effet, l’admission de ces preuves est contraire à l’article 188 du règlement de procédure du Tribunal, selon lequel les mémoires des parties ne peuvent pas modifier l’objet du litige devant la chambre de recours. Partant, les preuves produites pour la première fois devant le Tribunal doivent être déclarées irrecevables, sans qu’il soit nécessaire de les examiner [voir arrêt du 14 mai 2009, Fiorucci/OHMI – Edwin (ELIO FIORUCCI), T‑165/06, EU:T:2009:157, point 22 et jurisprudence citée].

18      En l’espèce, il y a lieu de constater que les annexes A.5 à A.11 à la requête sont produites pour la première fois devant le Tribunal, à l’exception de deux documents compris dans l’annexe A.8, à savoir, la copie de la carte d’identité de l’une des actionnaires de la requérante et les statuts de cette dernière, lesquels ont quant à eux été produits devant la division d’opposition. Partant, les annexes A.5 à A.11 à la requête doivent être considérées comme irrecevables, à l’exception des deux éléments susmentionnés ayant déjà été produits devant la division d’opposition.

2.      Sur le bien-fondé du moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

19      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire dans lequel la marque antérieure est protégée. Ce risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

20      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celles des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

a)      Sur le public pertinent

21      En l’espèce, la chambre de recours a constaté que le territoire pertinent était celui de l’Union européenne et que les produits et les services concernés s’adressaient à la fois au grand public et à un public professionnel. Elle a ensuite considéré que le niveau d’attention du public pertinent à l’égard des produits compris dans la classe 3 était « au moins moyen ». Quant aux services de vente au détail en ligne de cosmétiques et aux services de vente au détail de produits cosmétiques par correspondance, compris dans le classe 35, la chambre de recours a conclu à un niveau d’attention moyen. S’agissant des services de vente en gros, compris dans la classe 35, la chambre de recours a considéré qu’ils s’adressaient principalement à un public de professionnels, qui ferait preuve d’un niveau d’attention élevé. En outre, la chambre de recours a indiqué qu’elle fondait son analyse sur la partie francophone du public pertinent. Enfin, elle a rappelé que, s’agissant de l’appréciation du risque de confusion, le public ayant le niveau d’attention le moins élevé devait être pris en considération.

22      Ces considérations de la chambre de recours ne sont pas contestées par la requérante.

b)      Sur la comparaison des produits et des services

23      La chambre de recours a constaté que les produits et les services concernés se chevauchaient et étaient donc identiques.

24      Premièrement, la requérante soutient que les parfums qu’elle commercialise sont des parfums orientaux ayant une composition, des bouteilles, une odeur et un emballage différents de ceux des produits couverts par les marques antérieures. En effet, les divers aspects des produits commercialisés par la requérante renvoient, selon elle, au monde arabe tandis que ceux de l’intervenante sont conditionnés dans des flacons « européens » et « élégants » contenant des inscriptions en français ou en anglais.

25      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

26      Il est de jurisprudence constante que, aux fins de l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion, seule la description des produits et des services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé est pertinente, l’utilisation, envisagée ou effectuée, de cette marque ne pouvant être prise en compte, dès lors que l’enregistrement ne comporte pas une limitation en ce sens [voir arrêt du 27 janvier 2021, Turk Hava Yollari/EUIPO – Sky (skylife), T‑382/19, non publié, EU:T:2021:45, point 36 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 17 janvier 2012, Kitzinger/OHMI – Mitteldeutscher Rundfunk et Zweites Deutsches Fernsehen (KICO), T‑249/10, non publié, EU:T:2012:7, point 23 et jurisprudence citée].

27      En l’espèce, il convient de constater que les produits et les services visés par la marque demandée, mentionnés au point 7 ci-dessus, soit figurent à l’identique dans la liste des produits et des services couverts par les marques antérieures, soit sont inclus dans la description des produits ou des services desdites marques. Dès lors que seule la description des produits et des services est pertinente, les arguments de la requérante, fondés sur la composition, l’odeur ou l’emballage des produits qu’elle commercialise, sont donc inopérants aux fins de déterminer la similitude des produits et des services concernés.

28      Deuxièmement, la requérante fait valoir que le seul fait que les produits et les services en conflit appartiennent à la même classe ne permet pas, en vertu de l’article 33, paragraphe 7, du règlement 2017/1001, de conclure qu’ils sont similaires. Toutefois, force est de constater que la chambre de recours n’a pas conclu à l’identité des produits et des services en cause sur la seule base de leur appartenance à la même classe. En effet, elle les a examinés selon leur description, conformément à la jurisprudence citée au point 26 ci-dessus, et a notamment souligné que les produits couverts par les marques antérieures, par exemple les produits de parfumerie et les parfums, étaient décrits de manière si large qu’ils incluaient les produits pertinents de toute origine géographique ou ethnique.

29      Troisièmement, la requérante allègue que le public pertinent à prendre en considération lors de l’analyse de la comparaison des produits et des services en cause étant celui faisant preuve du niveau d’attention le moins élevé, soit en l’espèce celui ayant un niveau d’attention moyen, aucune similitude ne peut être retenue entre les produits ou les services en cause. Or, il convient de relever que, d’une part, il ressort de la décision attaquée que c’est précisément ce niveau d’attention qui a été pris en considération par la chambre de recours et, d’autre part, la requérante ne produit aucun élément permettant de démontrer que, au regard de ce niveau d’attention, le public pertinent ne perçoit pas les produits et les services en cause comme étant identiques.

30      Par conséquent, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu que les produits et les services en conflit étaient identiques.

c)      Sur la comparaison des signes

31      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

32      À titre liminaire, il convient de constater que les marques antérieures nos 11918331 et 12443362 (ci-après, prises ensemble, les « deux premières marques antérieures ») sont composées du seul élément verbal « prada », en lettres majuscules stylisées. La marque antérieure no 13400635 (ci-après la « troisième marque antérieure ») est composée de ce même élément verbal, en dessous duquel figure l’élément verbal « milano » en plus petit et en majuscules, l’élément verbal « dal 1913 » inscrit au centre d’un élément figuratif représentant une bannière et un élément figuratif représentant un blason. La marque demandée est composée de l’élément verbal « rada » en lettres majuscules stylisées en dessous duquel figure, en plus petit, l’élément verbal « perfumes », en fines lettres majuscules. Deux traits ou tirets rouges figurent à gauche et à droite de ce dernier élément.

1)      Sur les éléments distinctifs et dominants des marques en conflit

33      La chambre de recours a considéré que les deux premières marques antérieures étaient composées d’un seul élément verbal, à savoir « prada », la stylisation de ce dernier ne jouant, selon elle, qu’un rôle décoratif, que, concernant la troisième marque antérieure, ledit élément verbal constituait l’élément dominant et que les éléments additionnels, à savoir « milano », « dal 1913 » ainsi que le blason et la bannière, revêtaient un caractère faible, descriptif ou non-distinctif. En particulier, si le terme « milano » était associé à la ville italienne, l’élément « dal 1913 » serait perçu par la plupart des consommateurs comme signifiant « depuis 1913 », c’est-à-dire comme la date de création de l’activité commerciale de l’intervenante, le blason et la bannière ayant, quant à eux, un rôle décoratif. En ce qui concerne la marque demandée, la chambre de recours a considéré, d’une part, que l’élément verbal « rada » constituait son élément dominant et que, d’autre part, l’élément verbal « perfumes » était descriptif des produits et des services visés par cette marque, en raison de sa proximité orthographique avec le terme français « parfums ». Selon la chambre de recours, les deux traits ou tirets placés de part et d’autre de cet élément étaient, par ailleurs, dépourvus de caractère distinctif, dès lors qu’ils ne revêtaient qu’un caractère décoratif.

34      La requérante ne conteste pas ces considérations de la chambre de recours.

2)      Sur la comparaison visuelle

35      La chambre de recours a indiqué que, sur le plan visuel, les signes en conflit coïncidaient par la succession des lettres « r », « a », « d » et « a » et que cette coïncidence concernait, à la fois, l’élément dominant et le plus distinctif de la marque demandée, quatre lettres sur cinq de l’élément unique des deux premières marques antérieures ainsi que l’élément dominant de la troisième marque antérieure. En outre, elle a considéré que, dès lors que les autres éléments de la marque demandée et de la troisième marque antérieure n’étaient dotés que d’un caractère distinctif faible, voire étaient dépourvus d’un tel caractère, la marque demandée présentait un degré de similitude visuelle élevé avec les deux premières marques antérieures et un degré de similitude visuelle moyen avec la troisième marque antérieure.

36      La requérante fait valoir que les aspects graphiques des signes en conflit diffèrent largement en ce qu’il n’existe, selon elle, aucune similitude entre les polices de caractères utilisées et que la marque demandée et la troisième marque antérieure sont accompagnées d’éléments verbaux et graphiques permettant de les différencier. Elle précise, à cet égard, que la marque demandée est composée de l’élément verbal supplémentaire « perfumes », tandis que la troisième marque antérieure comporte les éléments verbaux « milano » et « dal 1913 » ainsi que les éléments figuratifs représentant un blason et une bannière.

37      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

38      Premièrement, comme l’a relevé à juste titre la chambre de recours, les marques en conflit ont en commun la succession des lettres « r », « a », « d » et « a », qui constituent l’intégralité de l’élément le plus distinctif et dominant de la marque demandée ainsi que quatre des cinq lettres de l’unique élément des deux premières marques antérieures et l’élément dominant de la troisième marque antérieure.

39      Deuxièmement, quant à l’argument de la requérante, tiré des différences de polices de caractères utilisées dans les marques en conflit, il convient de relever que les éléments verbaux « prada » et « rada » sont chacun représentés, dans l’ensemble des marques en conflit, en lettres majuscules écrites en caractère gras et espacées les unes des autres. Si les polices de caractères utilisées dans lesdites marques ne sont pas identiques, elles ne sont ni particulièrement fantaisistes ni inhabituelles, de sorte que leurs différences ainsi relevées par la requérante n’ont qu’une incidence marginale sur la comparaison visuelle desdites marques.

40      Troisièmement, comme cela a été relevé à juste titre par la chambre de recours, dont le raisonnement est repris au point 33 ci-dessus, en ce qui concerne l’élément verbal « perfumes » de la marque demandée et les éléments verbaux « milano » et « dal 1913 » de la troisième marque antérieure, il convient de rappeler qu’ils sont descriptifs.

41      Partant, les différences qui existent entre les signes, à savoir la présence d’une lettre « p » supplémentaire au début des marques antérieures, de l’élément verbal « perfumes », des deux traits ou tirets rouges placés de part et d’autre de cet élément dans la marque demandée et des polices de caractères différentes utilisées dans lesdites marques, ne sont pas suffisantes pour écarter le degré élevé de similitude visuelle existant entre la marque demandée et les deux premières marques antérieures. En ce qui concerne la troisième marque antérieure, en raison de la présence des éléments verbaux « milano » et « dal 1913 » ainsi que des éléments figuratifs représentant un blason et une bannière, lesquels sont absents dans la marque demandée, la similitude entre celles-ci n’est que moyenne.

42      Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu, d’une part, à l’existence d’un degré de similitude visuelle élevé entre la marque demandée et les deux premières marques antérieures et, d’autre part, à un degré de similitude moyen entre la marque demandée et la troisième marque antérieure.

3)      Sur la comparaison phonétique

43      La chambre de recours a conclu à l’existence d’un degré de similitude phonétique élevé entre les signes en conflit, indiquant qu’ils coïncidaient par la prononciation de la succession des lettres « r », « a », « d » et « a ». Elle a également souligné que la différence phonétique entre les éléments « prada » et « rada » était faible, dès lors que la lettre « p » était une lettre sourde, et qu’il était peu probable que le public pertinent prononce les autres éléments figurant dans la marque demandée et la troisième marque antérieure.

44      La requérante fait valoir que la première lettre des marques antérieures, à savoir la lettre « p », établit une distinction évidente entre les signes en conflit en ce que, dans les marques antérieures, cette lettre est « sonore » et que, suivie de la consonne « r », elle transforme l’élément « prada » en un « mot fort ». Au contraire, l’élément « rada », composé de deux consonnes et deux voyelles, apparaît, selon la requérante, comme un « mot faible, mais mélodieux ».

45      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

46      Premièrement, ainsi que la chambre de recours l’a à juste titre relevé, sans que cela soit contesté par la requérante, il convient de constater que l’élément verbal « perfumes », présent dans la marque demandée, et les éléments « milano » et « dal 1913 » présents dans la troisième marque antérieure, sont peu susceptibles d’être prononcés par le public pertinent, dans la mesure où ils occupent une place secondaire par rapport aux éléments « prada » et « rada », sont écrits en lettres de petite taille et sont descriptifs des produits et des services en cause.

47      Deuxièmement, il y a lieu de considérer que, nonobstant la différence liée à la présence de la lettre « p » au début des marques antérieures, la succession des lettres « r », « a », « d » et « a », commune aux signes en conflit, est prononcée de la même manière dans lesdits signes. À cet égard, la requérante n’étaye pas l’argument tiré du fait que la lettre « p » transformerait l’élément « prada » en un « mot fort », à la différence de l’élément « rada », qui serait un mot « faible ». Elle n’explicite pas non plus ce qu’elle entend par un « mot fort » ou un « mot faible » et comment la seule présence de la lettre « p » dans les marques antérieures est de nature, selon elle, à neutraliser la similitude phonétique résultant de la prononciation identique de la succession des lettres « r », « a », « d » et « a ». Partant, il convient de relever que la similitude phonétique entre les éléments « prada » et « rada » est élevée, la lettre « p » étant une consonne sourde.

48      C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a conclu à l’existence d’une similitude phonétique élevée entre les marques en conflit.

4)      Sur la comparaison conceptuelle

49      La chambre de recours a, tout d’abord, indiqué que les éléments « prada » et « rada » étaient dépourvus de signification pour la majorité du public francophone et que, dans cette mesure, la comparaison conceptuelle n’était pas possible et restait neutre. Elle a ensuite ajouté que l’élément verbal supplémentaire « perfumes » de la marque demandée et les éléments verbaux « milano » et « dal 1913 » ainsi que les éléments figuratifs représentant un blason et une bannière de la troisième marque antérieure étaient descriptifs et dépourvus de caractère distinctif. Partant, elle a considéré que les différences conceptuelles fondées sur ces éléments n’étaient pas particulièrement importantes dans l’appréciation globale du risque de confusion.

50      La requérante fait valoir que l’élément « prada » fait référence au nom du fondateur des marques antérieures, tandis que le mot « rada » fait référence au prénom de la fondatrice de la marque demandée. À cet égard, elle ajoute que l’intervenante est notoirement connue sur le marché de luxe et que « rada » est un nom ou un prénom commun dans certains pays européens. Dès lors, l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle les éléments « prada » et « rada » sont dépourvus de signification pour le public francophone est, selon la requérante, erronée.

51      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

52      Il convient de relever, à l’instar de la chambre de recours, que l’élément « prada », présent dans les marques antérieures, n’a pas de signification conceptuelle claire pour une partie significative du public pertinent. En effet, même si cet élément correspond au nom du fondateur desdites marques, rien n’indique qu’une partie significative du public pertinent peut associer ledit élément à un nom de famille et que, dans sa perception, ce même élément a un contenu sémantique clair.

53      Il en va de même pour l’élément verbal « rada » de la marque demandée. En effet, la requérante n’a pas établi que le prénom ou le nom Rada était courant ou connu du public francophone. Ainsi, elle n’a avancé aucun élément permettant de conclure qu’une partie significative dudit public associerait le terme « rada » au nom ou au prénom d’une personne et encore moins au prénom de la fondatrice de la marque.

54      Partant, il y a lieu de considérer que l’élément verbal « prada » des marques antérieures et l’élément verbal « rada » de la marque demandée sont dépourvus de signification claire pour le public pertinent. Il s’ensuit que, dans la mesure où les deux premières marques antérieures sont uniquement composées de l’élément verbal « prada », elles sont dépourvues, aux yeux du public pertinent, de signification sémantique.

55      Toutefois, aux fins de la comparaison conceptuelle des marques en conflit, il convient également de prendre en considération les autres éléments de la marque demandée et de la troisième marque antérieure. En effet, bien que l’élément verbal « perfumes », compris dans la marque demandée, et les éléments verbaux « milano » et « dal 1913 », compris dans la troisième marque antérieure, constituent des éléments auxquels le public pertinent n’accordera que peu d’importance, ceux-ci ont un impact sur l’appréciation de la comparaison conceptuelle des signes en conflit et doivent donc être pris en considération [voir, en ce sens, arrêt du 9 novembre 2022, Financiere Batteur/EUIPO – Leno Beauty (by L.e.n.o beauty), T‑779/21, non publié, EU:T:2022:693, point 50]. À ce titre, comme la chambre de recours l’a constaté, l’élément verbal « perfumes » est facilement compris par le public pertinent, en raison de sa proximité orthographique avec le terme français « parfums ». L’élément « milano » est associé par le public pertinent à la ville italienne, tandis que l’élément « dal 1913 » est facilement compris par celui-ci comme signifiant « depuis 1913 ».

56      Partant, dès lors que la marque demandée présente une certaine signification sémantique grâce à son élément verbal « perfumes » et que les marques antérieures sont soit dépourvues de toute signification aux yeux du public pertinent soit pourvues d’une signification sémantique différente du fait des éléments « milano » et « dal 1913 », il convient de considérer que les marques en cause présentent des différences sur le plan conceptuel [voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2017, RP Technik/EUIPO – Tecnomarmi (RP ROYAL PALLADIUM), T‑768/15, non publié, EU:T:2017:630, points 88 et 89].

d)      Sur l’appréciation globale du risque de confusion

57      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

58      Premièrement, la requérante fait valoir que, l’intervenante étant notoirement connue sur le marché, il est certain que le public pertinent a connaissance du fait que la marque antérieure désigne son fondateur et que le prénom ou le nom Rada est courant dans certains pays européens. Partant, toute confusion entre les marques en conflit est, selon elle, exclue. Deuxièmement, la requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a privé d’effet juridique le « droit fondamental » garantissant à une personne de pouvoir utiliser son prénom ou son nom dans le cadre de son activité commerciale, conformément à l’article 4 et à l’article 14, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001. Troisièmement, la requérante allègue que la chambre de recours aurait dû prendre en considération le fait qu’une marque verbale RADA avait déjà été enregistrée pour les classes 35 et 43 au niveau national et était utilisée depuis 2015 et que cette marque était notoirement connue en Roumanie. Elle souligne également que, lors de l’enregistrement de cette marque en Roumanie, l’intervenante n’a pas formé d’opposition, alors même qu’elle avait déjà enregistré les marques antérieures et que celles-ci bénéficiaient également d’une protection en Roumanie.

59      L’EUIPO et l’intervenante contestent l’argumentation de la requérante.

60      En l’espèce, ainsi que la chambre de recours l’a relevé à juste titre, le public pertinent a un niveau d’attention au moins moyen, les produits et les services en cause sont identiques, le degré de similitude visuelle entre les marques en conflit varie de moyen à élevé, tandis que le degré de similitude phonétique entre lesdites marques est élevé. En outre, comme cela a été constaté aux points 54 à 56 ci-dessus, les marques en conflit sont différentes conceptuellement. À ce dernier égard, il convient toutefois de noter que, en raison du degré de similitude visuelle et phonétique entre ces marques et du caractère distinctif faible des éléments de différenciation, les différences conceptuelles entre lesdites marques ne suffisent pas pour remettre en question l’appréciation de la chambre de recours. C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que cette dernière a conclu qu’il existait un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

61      Cette conclusion n’est pas remise en cause par les arguments de la requérante.

62      En premier lieu, la requérante fait valoir qu’aucune confusion n’est envisageable du fait de la notoriété des marques antérieures et, en particulier, du fait que celles-ci font référence au nom de leur fondateur.

63      Certes, des différences conceptuelles séparant les marques en conflit peuvent être de nature à neutraliser dans une large mesure les similitudes visuelles et phonétiques existant entre ces marques. Une telle neutralisation, toutefois, requiert qu’au moins une des marques en cause ait, dans la perspective du public pertinent, une signification claire et déterminée, de sorte que ce public est susceptible de la saisir immédiatement, et que l’autre marque n’ait pas une telle signification ou qu’elle ait une signification entièrement différente [voir arrêt du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, EU:T:2004:79, point 93 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 12 janvier 2006, Ruiz-Picasso e.a./OHMI, C‑361/04 P, EU:C:2006:25, point 20].

64      Toutefois, ainsi qu’il a été constaté aux points 52 et 53 ci-dessus, la requérante n’a pas établi qu’une partie significative du public pertinent avait connaissance du fait que l’élément verbal « prada » des marques antérieures faisait référence au nom de leur fondateur et, encore moins, qu’une telle signification était claire et déterminée dans l’esprit dudit public, de sorte que ce public était susceptible de la saisir immédiatement. Il en va de même en ce qui concerne la signification de la marque demandée.

65      En second lieu, la requérante fait valoir que toute personne est libre d’utiliser son prénom ou son nom dans le cadre de son activité commerciale et que le « droit au nom » est un « droit fondamental de la personne ». Ainsi, selon elle, en accueillant l’opposition, l’EUIPO a privé d’effet juridiques l’article 4 et l’article 14, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, qui confèrent à toute personne le droit d’enregistrer son prénom en tant que marque de l’Union européenne.

66      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en vertu de l’article 4 du règlement 2017/1001, peuvent constituer des marques de l’Union européenne tous les signes, notamment les mots, y compris les noms de personnes, à condition, notamment, qu’ils soient propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.

67      Toutefois, il est de jurisprudence constante qu’aucun droit inconditionnel à l’enregistrement d’un nom de famille ou d’un prénom en tant que marque de l’Union européenne n’est prévu par le règlement 2017/1001 ou par la jurisprudence [voir arrêt du 16 décembre 2020, Production Christian Gallimard/EUIPO – Éditions Gallimard (PCG CALLIGRAM CHRISTIAN GALLIMARD), T‑863/19, non publié, EU:T:2020:632, point 131 et jurisprudence citée].

68      Par ailleurs, l’article 14 du règlement 2017/1001 dispose qu’une marque de l’Union européenne « ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires […] de son nom ou de son adresse, lorsque le tiers est une personne physique », à condition qu’un tel usage soit fait « conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale ». Cette disposition vise précisément à garantir qu’une marque ne puisse pas servir de fondement pour interdire à une personne physique d’utiliser son nom.

69      Ainsi, il suffit de constater qu’il ressort clairement du libellé de cette disposition, intitulée « Limitation des effets de la marque de l’Union européenne », que celle-ci ne vise qu’à permettre, sous certaines conditions, l’usage par un tiers de son nom patronymique, et non l’enregistrement de ce dernier en tant que marque de l’Union européenne (voir arrêt du 16 décembre 2020, PCG CALLIGRAM CHRISTIAN GALLIMARD, T‑863/19, non publié, EU:T:2020:632, point 130).

70      Partant, le refus d’enregistrement de la marque demandée est sans préjudice de la possibilité pour le titulaire de celle-ci d’utiliser son nom dans la vie des affaires, dans le respect des conditions énoncées à l’article 14 du règlement 2017/1001. Toutefois, une telle possibilité ne revient pas à permettre l’enregistrement de ce nom en tant que marque de l’Union européenne conférant un droit exclusif, en méconnaissance des marques antérieures (voir, en ce sens, arrêt du 16 décembre 2020, PCG CALLIGRAM CHRISTIAN GALLIMARD, T‑863/19, non publié, EU:T:2020:632, point 132).

71      En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante, tiré de l’enregistrement en 2015 d’une marque nationale verbale RADA, qui serait notoirement connue en Roumanie, il convient de relever que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué d’un ensemble de règles et poursuivant des objectifs qui lui sont spécifiques, son application étant indépendante de tout système national. En conséquence, le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit être apprécié que sur le fondement de la réglementation pertinente. L’EUIPO et, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont pas liés, même s’ils peuvent les prendre en considération, par des décisions intervenues à l’échelle des États membres, voire d’un pays tiers, et aucune disposition du règlement 2017/1001 n’oblige l’EUIPO ou, sur recours, le Tribunal à parvenir à des résultats identiques à ceux atteints par les administrations ou les juridictions nationales dans une situation similaire [voir arrêt du 15 juillet 2015, Australian Gold/OHMI – Effect Management & Holding (HOT), T‑611/13, EU:T:2015:492, point 60 et jurisprudence citée].

72      Le fait que la marque nationale verbale RADA a été enregistré en Roumanie est donc dénué de pertinence quant à la question de savoir s’il existe un risque de confusion, au sens du règlement 2017/1001, entre les marques en conflit. Par suite, l’éventuelle renommée de cette marque nationale en Roumanie est également dénuée de pertinence.

73      Enfin, la requérante indique qu’elle est titulaire de la marque nationale verbale RADA, enregistrée et utilisée en Roumanie depuis 2015, que l’intervenante ne s’est pas opposée à l’enregistrement de celle-ci, alors que les marques antérieures étaient déjà enregistrées, et que cette « passivité » de l’intervenante vient à l’appui de son argumentation en ce qui concerne l’absence de risque de confusion.

74      À cet égard, il convient de rappeler que s’il n’est pas exclu que la coexistence sur un marché déterminé de deux marques puisse éliminer, dans certains cas, le risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, encore faut-il que certaines conditions soient réunies [voir, en ce sens, arrêts du 2 octobre 2013, Cartoon Network/OHMI – Boomerang TV (BOOMERANG), T‑285/12, non publié, EU:T:2013:520, point 55, et du 21 décembre 2021, Worldwide Spirits Supply/EUIPO – Melfinco (CLEOPATRA QUEEN), T‑870/19, non publié, EU:T:2021:919, points 40 et 41].

75      Une telle éventualité ne saurait ainsi être prise en considération que si, à tout le moins, au cours de la procédure concernant des motifs relatifs de refus devant l’EUIPO, le demandeur de la marque de l’Union européenne a dûment démontré que ladite coexistence reposait sur l’absence d’un risque de confusion, dans l’esprit du public pertinent, entre les marques antérieures dont il se prévaut et la marque antérieure de l’intervenante qui fonde l’opposition, sous réserve que les marques antérieures en cause et les marques en conflit soient identiques (arrêts du 2 octobre 2013, BOOMERANG, T‑285/12, non publié, EU:T:2013:520, point 55, et du 21 décembre 2021, CLEOPATRA QUEEN, T‑870/19, non publié, EU:T:2021:919, point 42).

76      Partant, il appartient à la requérante de prouver non seulement la coexistence des marques, mais encore que cette coexistence était due à l’absence de risque de confusion, et ce par la production d’éléments de preuve tels que des sondages d’opinion, des déclarations d’associations de consommateurs ou autres [voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 2017, AIA/EUIPO – Casa Montorsi (MONTORSI F. & F.), T‑389/16, EU:T:2017:492, point 71], cette démonstration pouvant être opérée au moyen d’un faisceau d’indices [voir arrêt du 28 avril 2021, West End Drinks/EUIPO – Pernod Ricard (The King of SOHO), T‑31/20, non publié, EU:T:2021:217, point 129 et jurisprudence citée]. À cet égard, sont particulièrement pertinents les éléments attestant de la connaissance de chacune des marques en cause par le public pertinent avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2021, CLEOPATRA QUEEN, T‑870/19, non publié, EU:T:2021:919, point 44).

77      Or, en l’espèce, le Tribunal constate que la requérante n’a produit, au cours de la procédure administrative ou devant lui, aucun élément de preuve visant à démontrer que la supposée coexistence était due à l’absence de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent et non à d’autres raisons. À cet égard, la simple abstention de la part de l’intervenante de s’opposer à l’utilisation de la marque nationale de la requérante pourrait s’expliquer par toute une série de raisons n’impliquant pas nécessairement, faute de preuve en ce sens, qu’elle aurait considéré qu’il n’existait pas de risque de confusion dans l’esprit du public pertinent. Il convient donc de constater que la requérante n’a pas démontré l’existence de ce critère [voir, en ce sens, arrêt du 5 mai 2015, Skype/OHMI – Sky et Sky IP International (SKYPE), T‑183/13, non publié, EU:T:2015:259, point 62].

78      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen unique invoqué par la requérante au soutien de ses conclusions aux fins d’annulation de la décision attaquée et de rejet de l’opposition doit être rejeté ainsi que, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par l’intervenante et sur ses arguments relatifs à la renommée des marques antérieures tirés de l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001.

IV.    Sur les dépens

79      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

80      En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière. En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’en cas de convocation des parties à une audience, il convient, en l’absence d’organisation d’une telle audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Rada Perfumery SRL est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par Prada SA.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Kornezov

De Baere

Petrlík

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juillet 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.