Language of document : ECLI:EU:T:2023:519

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

6 septembre 2023 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Document préparatoire d’une réunion du FCR – AECG entre le Canada, d’une part, et l’Union européenne et ses États membres, d’autre part – Refus partiel d’accès – Exception relative à la protection de l’intérêt public en matière de relations internationales – Obligation de motivation – Obligation de procéder à un examen concret »

Dans l’affaire T‑643/21,

Foodwatch eV, établie à Berlin (Allemagne), représentée par Mes R. Klinger, C. Douhaire et S. Ernst, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Erlbacher et Mme C. Ehrbar, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de M. L. Truchot (rapporteur), président, Mmes R. Frendo et T. Perišin, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Foodwatch eV, demande l’annulation de la décision C(2021) 5963 final de la Commission européenne, du 5 août 2021, rejetant sa demande confirmative d’accès (ci-après la « décision attaquée ») dans la mesure où elle refuse l’accès à un document concernant la préparation de la réunion qui s’est tenue au sein du Forum de coopération en matière de réglementation (FCR) les 3 et 4 février 2020 (ci-après le « document litigieux »).

 Antécédents du litige

2        Le FCR a été institué par l’accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada, d’une part, et l’Union européenne et ses États membres, d’autre part (JO 2017, L 11, p. 23, ci-après l’« accord »), signé à Bruxelles le 30 octobre 2016.

3        L’accord, en tant qu’accord de libre-échange, prévoit, outre des dispositions relatives à la réduction des droits de douane et des obstacles non tarifaires affectant le commerce des biens et des services, des règles en matière, notamment, d’investissements, de marchés publics, de concurrence, de protection de la propriété intellectuelle et de développement durable.

4        L’accord n’a pas encore été conclu, au sens de l’article 218, paragraphe 6, TFUE. La décision (UE) 2017/37 du Conseil, du 28 octobre 2016, relative à la signature, au nom de l’Union européenne, de l’accord (JO 2017, L 11, p. 1), énonce, à cet égard, à son considérant 2, qu’il convient de signer l’accord « sous réserve de l’accomplissement des procédures requises pour sa conclusion à une date ultérieure » et dispose, à son article 1er, que « la signature, au nom de l’Union, de l’[accord] est autorisée, sous réserve de sa conclusion ».

5        De nombreuses dispositions de l’accord sont cependant appliquées à titre provisoire en vertu de la décision (UE) 2017/38 du Conseil, du 28 octobre 2016, relative à l’application provisoire de l’accord (JO 2017, L 11, p. 1080). Tel est le cas de son chapitre vingt-et-un, intitulé « Coopération en matière de réglementation ». 

6        Le 11 décembre 2020, la requérante a demandé l’accès à plusieurs documents relatifs, notamment, à la réunion mentionnée au point 1 ci-dessus (ci-après la « réunion de février 2020 »).

7        Par décision du 19 avril 2021, la Commission a accordé l’accès aux documents demandés, en refusant néanmoins l’accès à certaines parties du document litigieux, sur le fondement, notamment, de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43). Cette disposition prévoit que les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation porterait atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales.

8        Dans la décision attaquée, la Commission a également refusé l’accès à certaines parties d’un second document, dont l’objet était de communiquer diverses informations au co-président pour l’Union européenne en vue d’une réunion du Forum de la société civile, autre forum instauré par l’accord. Le refus d’accès à l’intégralité de ce second document n’est cependant pas contesté dans le cadre du présent recours.

9        Le 6 mai 2021, la requérante a adressé une demande confirmative à la Commission par laquelle elle a notamment contesté le refus de lui donner accès au texte complet du document litigieux, en tant que ce refus se fondait sur l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001 (ci-après la « demande confirmative »).

10      Le 5 août 2021, la Commission a adopté la décision attaquée par laquelle elle a rejeté la demande confirmative.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans la mesure où elle concerne le document litigieux ;

–        condamner la Commission aux dépens.

12      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

13      Au soutien du présent recours, la requérante invoque quatre moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001, le deuxième, de la violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, le troisième, de la violation de l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001 et, le quatrième, de la violation de l’obligation de motivation. 

14      Il convient d’examiner, d’abord, le quatrième moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation, puis les autres moyens du recours.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

15      La requérante  soutient que la décision attaquée n’est pas suffisamment motivée.

16      Elle fait valoir que la Commission, dans chacun des motifs sur lesquels elle se fonde dans la décision attaquée (voir points 32 à 34 ci-après), ne se penche pas sur le contenu concret du document litigieux, pas plus que sur son contexte, et s’en tient à des considérations abstraites.

17      La requérante précise qu’il est difficile de déterminer quelles parties de la motivation de la décision attaquée se réfèrent à quels documents et, au sein du document litigieux, à quels extraits occultés.

18      Elle ajoute qu’il n’apparaît pas qu’une motivation plus concrète aurait conduit à la divulgation du contenu protégé du document litigieux.

19      La Commission conteste les arguments de la requérante.

20      Ainsi qu’il ressort d’une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 80 ; voir, également, arrêt du 27 février 2018, CEE Bankwatch Network/Commission, T‑307/16, EU:T:2018:97, point 80 et jurisprudence citée).

21      S’agissant du contexte dans lequel l’acte contesté a été adopté, lorsqu’une réponse de l’institution confirme le rejet d’une demande d’accès aux documents sur le fondement des mêmes motifs que dans la décision initiale, il convient d’examiner le caractère suffisant de la motivation à la lumière de l’ensemble des échanges ayant eu lieu entre l’institution et le demandeur en tenant compte des informations que ce dernier avait à sa disposition quant à la nature et au contenu des documents sollicités. Si le contexte dans lequel la décision a été prise peut alléger les exigences de motivation qui sont à la charge de l’institution, il peut aussi, en revanche, les accroître dans certaines circonstances. Tel est le cas lorsque, dans la demande confirmative, le requérant invoque des éléments susceptibles de remettre en cause le bien-fondé du premier refus. Dans ces circonstances, l’obligation de motivation à laquelle est tenue l’institution lui impose de répondre à une demande confirmative en indiquant les motifs pour lesquels ces éléments ne sont pas de nature à modifier sa décision. À défaut, le demandeur ne serait pas en mesure de comprendre les raisons pour lesquelles l’auteur de la réponse à la demande confirmative a décidé de maintenir les mêmes motifs pour confirmer le refus (arrêt du 6 avril 2000, Kuijer/Conseil, T‑188/98, EU:T:2000:101, points 44 à 46).

22      En outre, lorsqu’une institution décide de refuser l’accès à un document dont la communication lui a été demandée, il lui incombe, en principe, dès lors qu’elle considère que ce document concerne un intérêt protégé par une exception prévue à l’article 4 du règlement no 1049/2001, de fournir des explications quant au point de savoir de quelle manière l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à cet intérêt (arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 49, et du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑852/16, EU:T:2018:71, point 37).

23      Il convient toutefois de relever que, s’il incombe à l’institution de fournir des explications suffisantes quant au point de savoir de quelle manière l’accès au document en cause pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception, prévue à l’article 4 du règlement no 1049/2001, invoquée par cette institution, la brièveté de la motivation peut être justifiée par la nécessité de ne pas porter atteinte aux intérêts sensibles que protège notamment l’exception au droit d’accès instituée par l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001, en dévoilant des informations que cette exception vise précisément à protéger (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 82).

24      En effet, l’institution peut ne pas être en mesure d’indiquer les raisons justifiant la confidentialité à l’égard d’un document sans divulguer le contenu de ce dernier et, partant, priver l’exception de sa finalité essentielle (arrêt du 24 mai 2011, NLG/Commission, T‑109/05 et T‑444/05, EU:T:2011:235, point 82).

25      L’institution doit donc s’abstenir de faire état d’éléments qui porteraient indirectement atteinte à l’intérêt que protège l’exception, prévue à l’article 4 du règlement no 1049/2001, invoquée par cette institution (arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 83).

26      C’est au regard des considérations exposées aux points 20 à 25 ci-dessus qu’il convient d’examiner le présent moyen.

27      En l’occurrence, il convient de relever que les motifs qui sous-tendent la décision attaquée y sont clairement exposés.

28      Tout d’abord, la Commission indique, dans la décision attaquée, l’exception sur laquelle elle fonde son refus, à savoir l’exception relative à l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales, visée à l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001. Elle rappelle également la jurisprudence relative à cette disposition et, notamment, l’arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil (C‑266/05 P, EU:C:2007:75).

29      Ensuite, s’agissant des circonstances entourant l’adoption du document litigieux, la Commission indique que plusieurs discussions et échanges avec le Canada ayant lieu dans le cadre des comités relatifs à l’application de l’accord sont en cours et que ces discussions ont trait au choix des sujets qui doivent être couverts par ces comités, notamment par le FCR.

30      La Commission ajoute que, lorsqu’elle participe à des comités relatifs à l’application de l’accord, elle doit, premièrement, rassembler les informations nécessaires auprès des services concernés et des autres parties prenantes au sein de l’Union européenne aux fins de préparer la position qu’elle défendra au cours de la négociation, deuxièmement, accéder à des informations sur la position de négociation du Canada, troisièmement, préparer les arguments qui seront présentés lors de la réunion pour défendre les intérêts de l’Union et pour répondre aux éventuels intérêts opposés provenant du Canada et, quatrièmement, élaborer une stratégie relative aux éventuels compromis à trouver aux fins de progresser sur les sujets les plus importants en discussion.

31      En outre, quant aux motifs invoqués pour fonder le refus d’accès à certains extraits du document litigieux, la Commission estime que la divulgation desdits extraits aurait pour conséquence de rendre publiques des considérations internes à son organisation, à la fois évolutives et préparatoires, portant sur ses orientations stratégiques relatives aux sujets en cours de discussion.

32      Selon elle, premièrement, une telle divulgation pourrait faire échouer les échanges en cours concernant la mise en œuvre de l’accord.

33      Deuxièmement, les informations figurant dans les extraits en cause pourraient être utilisées par des États tiers pour exercer des pressions indues sur la Commission en faveur de leurs propres intérêts, ce qui limiterait la marge de négociation de l’Union et mettrait en péril sa position sur la scène internationale.

34      Troisièmement, certains extraits du document litigieux auxquels l’accès est refusé contiendraient des évaluations internes et sensibles des positions du Canada qui auraient été partagées en toute confiance dans le cadre du FCR, ainsi que du Comité du commerce et du développement durable de l’accord. Si ces extraits étaient divulgués, la coopération avec le Canada pourrait être menacée.

35      Il en résulte que la motivation de la décision attaquée fait apparaître de façon suffisamment claire et non équivoque le raisonnement de la Commission. Elle permet ainsi à la requérante de connaître les justifications de cette décision et au Tribunal d’exercer son contrôle.

36      Enfin, selon la jurisprudence citée au point 21 ci-dessus, il convient de prendre en compte, aux fins de déterminer le niveau d’exigence en matière de motivation des décisions refusant l’accès au public d’un document, les arguments figurant dans la demande confirmative. Or, en l’espèce, la demande confirmative se borne à procéder à un rappel de la jurisprudence et à constater qu’il ne serait toujours pas évident, au vu de la première décision de refus, de comprendre en quoi la connaissance par des tiers des informations figurant dans les extraits en cause pourrait être utilisée pour exercer une pression injustifiée sur la Commission. Compte tenu du caractère très général de cette argumentation, la motivation figurant dans la décision attaquée est suffisamment détaillée.

37      Il convient d’ajouter, en premier lieu, que l’absence d’identification par la Commission du contenu des extraits qui pourrait être révélé par une éventuelle divulgation, est justifiée par la nécessité de ne pas dévoiler des informations dont la protection est visée par l’exception invoquée, relative à la protection de l’intérêt public en matière de relations internationales (arrêts du 19 mars 2020, ClientEarth/Commission, C‑612/18 P, non publié, EU:C:2020:223, points 43 et 44, et du 12 septembre 2013, Besselink/Conseil, T‑331/11, non publié, EU:T:2013:419, point 106).

38      En deuxième lieu, eu égard à la même nécessité pour l’institution de s’abstenir de faire état d’éléments qui porteraient atteinte à l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales, la Commission n’était pas tenue d’identifier, pour chacun des trois motifs de la décision attaquée rappelés aux points 32 à 34 ci-dessus, les extraits du document en cause auxquels chaque motif s’applique.

39      En troisième lieu, s’il est vrai qu’une motivation commune a été retenue par la Commission pour justifier le refus d’accès aux extraits tant du document litigieux que de l’autre document mentionné au point 8 ci-dessus, les deux documents en cause ont un objet similaire et donc des caractéristiques substantielles proches qui permettent de conclure, en l’absence d’élément invoqué par la requérante démontrant la nécessité d’une motivation différenciée, que la motivation commune ainsi retenue est suffisante (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2017, Evropaïki Dynamiki/Parlement, T‑136/15, EU:T:2017:915, point 48).

40      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la Commission a, dans la décision attaquée, exposé de façon suffisamment détaillée les éléments de fait et de droit ainsi que l’ensemble des considérations qui l’ont conduite à refuser l’accès au document litigieux.

41      Dès lors, il convient d’écarter le quatrième moyen.

 Sur les premier, deuxième et troisième moyens, tirés respectivement de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001, et de la violation des paragraphes 6 et 7 dudit article 

42      Dans le cadre du premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001, la requérante soutient que le risque d’atteinte à l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales de l’Union, qui résulterait de la divulgation des extraits occultés du document litigieux, est purement hypothétique.

43      Par la première branche du premier moyen, la requérante conteste que la divulgation du document litigieux puisse porter atteinte aux relations internationales.

44      Elle soutient, en premier lieu, que les échanges se déroulant au sein du FCR ne concernent pas la négociation d’un traité international, mais sa mise en œuvre. En outre, les travaux du FCR se limiteraient à l’échange d’informations, à la comparaison des approches et à l’examen des possibilités de coopération. Ils auraient donc un caractère volontaire et n’emporteraient pas de conséquences contraignantes. Ainsi, l’exception relative aux relations internationales ne serait pas applicable au document litigieux, lequel a été rédigé dans le cadre de ces travaux.

45      En deuxième lieu, la requérante estime que le risque d’atteinte aux relations internationales n’est plus plausible d’un point de vue temporel, dès lors que le document litigieux a pour objet la préparation de la réunion de février 2020. Selon elle, il est donc impossible de dire dans quelle mesure le document serait encore susceptible de porter atteinte aux relations internationales à l’heure actuelle, d’autant plus qu’une autre réunion du FCR a eu lieu en février 2021.

46      La requérante ajoute que plusieurs documents contenant des informations relatives aux négociations en cours devant le FCR ont été publiés depuis la réunion de février 2020 et que, nécessairement, certaines des informations occultées dans le document litigieux sont, dès lors, devenues depuis accessibles au public.

47      Elle produit, en annexe à sa réplique, quatre documents : premièrement, le compte rendu de la réunion de février 2020, deuxièmement, le compte rendu de la réunion suivante du FCR, qui s’est tenue les 9 et 10 février 2021, troisièmement, un document du 6 août 2021, relatif au FCR, intitulé « Plan de travail » et, quatrièmement, un document de novembre 2021, également relatif au FCR, intitulé « Rapport sur d’autres points d’intérêt ».

48      En troisième lieu, selon la requérante, les parties déjà accessibles du document litigieux ne permettraient pas de déterminer dans quelle mesure la divulgation des extraits occultés serait susceptible de porter atteinte aux relations internationales.

49      Par les deuxième et troisième branches du premier moyen, la requérante soutient que la Commission n’a pas établi par quels États tiers et dans quel contexte les informations occultées pourraient être utilisées au détriment de l’Union ni pour quelle raison il existerait un risque non hypothétique de détérioration des relations entre les deux parties du fait de la divulgation de positions de négociation canadiennes.

50      À cet égard, au soutien du caractère hypothétique de l’existence d’un risque pour les relations internationales, la requérante invoque l’emploi du conditionnel par la Commission dans la décision attaquée.

51      Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante se fonde sur une violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, lequel prévoit que, si une partie seulement du document auquel l’accès est demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions prévues à l’article 4 dudit règlement, les autres parties du document sont divulguées.

52      Dans le cadre du troisième moyen, la requérante invoque une violation de l’article 4, paragraphe 7, première phrase, du règlement no 1049/2001, lequel prévoit que les exceptions prévues à l’article 4 dudit règlement s’appliquent uniquement au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard au contenu du document.

53      La Commission conteste les arguments avancés par la requérante.

54      L’argumentation de la requérante se compose, en substance, des trois griefs suivants, qu’il convient d’examiner successivement :

–        défaut d’applicabilité au document litigieux de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001, relative à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales (premier grief de la première branche du premier moyen) ;

–        absence de plausibilité, du fait du temps écoulé, d’un risque d’atteinte raisonnablement prévisible et non purement hypothétique à l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales (deuxième grief de la première branche du premier moyen et troisième moyen) ;

–        absence de risque d’atteinte raisonnablement prévisible et non purement hypothétique à l’intérêt public, en ce qui concerne les relations internationales, résultant d’une divulgation des extraits auxquels un refus d’accès a été opposé par la Commission (deuxième et troisième branches du premier moyen, troisième grief de la première branche du premier moyen et deuxième moyen).

 Sur le premier grief, tiré du défaut d’applicabilité au document litigieux de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001, relative à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales

55      Le premier grief de la requérante comprend deux séries d’arguments. La première est tirée de ce que les échanges se déroulant au sein du FCR ne concernent pas la négociation d’un traité international, mais sa mise en œuvre. Par conséquent, ces échanges ne relèveraient pas du domaine des relations internationales. La seconde est tirée de ce que, eu égard à l’objet et aux fonctions du FCR, la divulgation de documents produits dans le cadre de son activité ne pourrait porter atteinte à l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales.

–       Sur la première série d’arguments, tirée de ce que les échanges au sein du FCR sont relatifs à la mise en œuvre d’un traité international et ne relèvent pas du domaine des relations internationales

56      Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection de l’intérêt public, en ce qui concerne les relations internationales.

57      Il y a lieu de relever que le critère énoncé à l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001 est formulé en des termes très généraux (voir, en ce sens, arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 36).

58      Ainsi, il ne ressort pas du libellé de la disposition précitée que l’exception prévue pour les relations internationales ne s’appliquerait qu’à la négociation des accords internationaux et non à leur mise en œuvre (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2020, Bronckers/Commission, T‑166/19, EU:T:2020:557, point 70).

59      Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la requérante, le document litigieux, qui a pour objet de communiquer diverses informations au co-président pour l’Union européenne en vue de la réunion de février 2020, à laquelle ont participé les représentants des deux parties à l’accord, à savoir un État tiers et une institution de l’Union, relève du domaine des relations internationales, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001.

60      La première série d’arguments invoquée par la requérante doit donc être écartée.

–       Sur la seconde série d’arguments, tirée de ce que la divulgation de documents produits dans le cadre de l’activité du FCR ne pourrait pas porter atteinte à l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales

61      Selon la requérante, la divulgation des documents produits dans le cadre de l’activité du FCR, à supposer même que ces documents relèvent du domaine des relations internationales, ne serait pas susceptible de porter atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales. En effet, dans le cadre des travaux du FCR, seraient en cause de simples échanges volontaires n’emportant pas de conséquences contraignantes pour les parties à l’accord.

62      À cet égard, il convient de relever, d’une part, que l’article 21.6 de l’accord ne confère pas au FCR une compétence pour adopter des actes contraignants. Seul le comité mixte de l’accord, lequel supervise les travaux de tous les comités spécialisés (article 26.1, paragraphe 4, de l’accord), dont le FCR fait partie (article 26.2, paragraphe 1, sous h), de l’accord), dispose d’une telle compétence. C’est ce que prévoit l’article 26.3, paragraphe 1, de l’accord, aux termes duquel le comité mixte dispose, en vue d’atteindre les objectifs de cet accord, du pouvoir décisionnel pour toute question dans les cas prévus par ledit accord.

63      D’autre part, l’article 21.2 de l’accord, qui concerne les principes relatifs à la coopération en matière de réglementation dans le cadre de l’accord, prévoit, notamment, que la capacité de chaque partie à mener à bien ses propres activités réglementaires, législatives et politiques n’est pas limitée et que les activités de coopération en matière de réglementation sont entreprises sur une base volontaire.

64      Toutefois, il y a lieu de rappeler que la jurisprudence a déjà reconnu la nature particulièrement sensible et essentielle de l’intérêt protégé par l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001 (voir arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 35). Cela est corroboré par le fait que les exceptions énoncées à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001 sont rédigées en des termes impératifs en ce que les institutions sont obligées de refuser l’accès aux documents relevant de ces exceptions obligatoires lorsque la preuve des circonstances visées par lesdites exceptions est rapportée, sans qu’il soit nécessaire de mettre en balance la protection de l’intérêt public avec celle qui résulterait d’autres intérêts (voir arrêt du 25 novembre 2020, Bronckers/Commission, T‑166/19, EU:T:2020:557, point 35 et jurisprudence citée).

65      En outre, les critères énoncés à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001 sont très généraux, un refus d’accès devant en effet être opposé, ainsi qu’il ressort des termes de cette disposition, lorsque la divulgation du document concerné porterait « atteinte » à la protection de l’« intérêt public » en ce qui concerne notamment les « relations internationales » et non uniquement, tel que cela avait été proposé au cours de la procédure législative ayant conduit à l’adoption de ce règlement, lorsqu’une atteinte « significative » à cette protection est effectivement constatée (voir arrêt du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑852/16, EU:T:2018:71, point 39 et jurisprudence citée).

66      Or, il ne ressort pas du libellé de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001 que le champ d’application de cette exception se limiterait aux seuls échanges emportant des conséquences contraignantes pour les parties à un accord international. La requérante n’a d’ailleurs fourni aucun élément probant au soutien d’une telle interprétation.

67      Ainsi, la simple circonstance que des échanges relevant du domaine des relations internationales, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001, soient volontaires et n’emportent pas de conséquences contraignantes ne permet pas d’exclure l’application de l’exception prévue à cet article.

68      La seconde série d’arguments invoquée par la requérante doit donc être écartée.

69      Compte tenu de l’ensemble des considérations exposées aux points 56 à 68 ci-dessus, le premier grief doit être écarté.

 Sur le deuxième grief, tiré de l’absence de plausibilité, du fait du temps écoulé, d’un risque d’atteinte raisonnablement prévisible et non purement hypothétique à l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales

70      Au soutien du deuxième grief, la requérante invoque les dispositions de l’article 4, paragraphe 7, première phrase, du règlement no 1049/2001, lequel prévoit que les exceptions prévues à l’article 4 dudit règlement s’appliquent uniquement au cours de la période durant laquelle la protection se justifie eu égard au contenu du document.

71      La requérante estime que le risque d’atteinte aux relations internationales n’est plus plausible dans la mesure où la réunion de février 2020 et une autre réunion postérieure à cette dernière ont eu lieu depuis que le document litigieux a été rédigé.

72      À cet égard, dans le contexte de négociations ayant lieu dans le cadre d’un traité international, où les questions qui sont abordées au cours d’une réunion font l’objet de discussions qui se poursuivent lors des réunions suivantes jusqu’à ce que les parties aient abouti à un accord, la seule circonstance que la réunion de février 2020 ou qu’une ou plusieurs réunions ultérieures du FCR aient déjà eu lieu à la date d’adoption de la décision attaquée ne suffit pas pour conclure à une absence de risque d’atteinte à l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales.

73      Toutefois, au soutien de ses allégations, la requérante produit, en annexe à la réplique, les comptes rendus de la réunion de février 2020 et de la réunion des 9 et 10 février 2021, ainsi qu’un plan de travail daté du 6 août 2021 et un rapport relatif à « d’autres points d’intérêt », daté du mois de novembre 2021. En outre, dans le cadre de sa réponse à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal, la requérante présente deux nouveaux rapports relatifs à des points d’intérêt, publiés le 3 janvier 2023.

74      Selon la requérante, il peut être déduit de ces documents que les négociations relatives à certains domaines abordés dans le document litigieux ont considérablement progressé ou se sont achevées depuis la réunion de février 2020, de sorte que le risque d’atteinte aux relations internationales n’est plus plausible d’un point de vue temporel.

75      Il convient d’apprécier si de tels documents, produits pour la première fois au stade de la réplique et dans le cadre de la réponse à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal, peuvent être pris en compte par le Tribunal aux fins de l’analyse du deuxième grief.

76      À cet égard, en premier lieu, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires. L’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure précise que les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

77      En l’espèce, alors que la requête date du 5 octobre 2021, la requérante ne justifie pas la raison pour laquelle le compte rendu de la réunion de février 2020, celui de la réunion des 9 et 10 février 2021 et le plan de travail du 6 août 2021, n’ont été produits qu’au stade de la réplique.

78      En réponse à la mesure d’organisation de la procédure du Tribunal portant sur la recevabilité de ces documents, tant la Commission que la requérante ont confirmé que ceux-ci étaient accessibles au public à la date de l’introduction du recours. Pour autant, selon la requérante, cette circonstance ne fait pas obstacle à leur recevabilité, étant donné que lesdits documents visent à contester les arguments présentés par la Commission au point 22 de son mémoire en défense.

79      Certes, l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure doit être lu à la lumière de l’article 92, paragraphe 7, dudit règlement, qui prévoit expressément que la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve restent réservées. Par conséquent, ainsi qu’il résulte d’une jurisprudence constante, la preuve contraire et l’ampliation des offres de preuve fournies à la suite d’une preuve contraire de la partie adverse ne sont pas visées par la règle de forclusion prévue par l’article 85, paragraphe 2, de ce règlement (voir, en ce sens, arrêt du 18 septembre 2017, Uganda Commercial Impex/Conseil, T‑107/15 et T‑347/15, non publié, EU:T:2017:628, point 72 et jurisprudence citée).

80      Toutefois, il suffit de constater que les documents en cause se limitent à étayer un argument d’ores et déjà exposé aux points 23 et 36 de la requête et qui n’était, à ce stade, soutenu par aucun élément de preuve. La requérante ne justifie pas, d’ailleurs, les raisons pour lesquelles ces documents ont été présentés tardivement, alors qu’ils auraient déjà pu l’être lors du dépôt de la requête. En outre, contrairement à ce qu’avance la requérante, lesdits documents ne tendent pas à infirmer des éléments de preuve contraires qui auraient été produits par la Commission dans son mémoire en défense.

81      Par conséquent, il y a lieu de déclarer irrecevables les trois documents visés au point 77 ci-dessus, en application des dispositions de l’article 85, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure.

82      En second lieu, il y a lieu de rappeler que, en vertu d’une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté. Il en résulte que l’appréciation du bien-fondé de l’application de l’une des exceptions prévues à l’article 4 du règlement no 1049/2001 doit se faire au regard des faits existant à la date de l’adoption de la décision refusant l’accès aux documents sur la base de cette exception. (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2019, HTTS/Conseil, C‑123/18 P, EU:C:2019:694, point 37 et jurisprudence citée, et du 28 septembre 2022, Agrofert/Parlement, T‑174/21, EU:T:2022:586, point 66 et jurisprudence citée).

83      Il en résulte que les actes postérieurs à l’adoption d’une décision ne peuvent affecter la validité de celle-ci (voir arrêt du 28 janvier 2021, Qualcomm et Qualcomm Europe/Commission, C‑466/19 P, EU:C:2021:76, point 82 et jurisprudence citée).

84      Ainsi, la date du 5 août 2021, à laquelle la décision attaquée a été adoptée, est seule pertinente en l’espèce afin de déterminer si le recours à l’exception fondée sur l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001 était justifié.

85      Or, il y a lieu de relever que le rapport du mois de novembre 2021 relatif à « d’autres points d’intérêt » ainsi que les deux rapports publiés le 3 janvier 2023 sont postérieurs à l’adoption de la décision attaquée, de sorte que ces documents ne sauraient être pris en compte aux fins d’apprécier la légalité de cette décision, sans qu’il soit par ailleurs nécessaire de statuer sur leur recevabilité.

86      Le deuxième grief doit donc être écarté.

 Sur le troisième grief, tiré de l’absence de risque d’atteinte raisonnablement prévisible et non purement hypothétique à l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales, d’une divulgation des extraits auxquels un refus d’accès a été opposé

87      Le présent grief est fondé sur une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001 et de l’article 4, paragraphe 6, dudit règlement.

88      S’agissant, en premier lieu, de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001, la requérante soutient que, à supposer même que l’exception prévue par cette disposition soit applicable à un document produit dans le cadre de l’activité du FCR, le risque que le document litigieux porte, en l’espèce, atteinte à l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales est purement hypothétique.

89      À cet égard, premièrement, il convient de rappeler que la nature particulièrement sensible et essentielle des intérêts protégés par l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001, combinée au caractère obligatoire du refus d’accès devant, aux termes de ladite disposition, être opposé par l’institution lorsque la divulgation au public d’un document porterait atteinte auxdits intérêts, confère à la décision devant ainsi être prise par l’institution un caractère complexe et délicat nécessitant un degré de prudence tout particulier. Une telle décision requiert dès lors de reconnaître une marge d’appréciation à cette institution. La nécessité d’une telle prudence est confirmée par le fait que les exceptions énoncées à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001 sont rédigées en des termes imposant aux institutions de refuser l’accès aux documents relevant de ces exceptions lorsque la preuve des circonstances visées par lesdites exceptions est rapportée, sans qu’il soit nécessaire de mettre en balance la protection de l’intérêt public et un intérêt général supérieur (arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, points 35 et 36 ; voir, également, arrêt du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑852/16, EU:T:2018:71, point 38 et jurisprudence citée).

90      De plus, il importe de rappeler que les critères énoncés à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001 sont très généraux (voir points 57 et 65 ci-dessus). Un refus d’accès doit être opposé, ainsi qu’il ressort des termes de cette disposition, lorsque la divulgation du document concerné porterait « atteinte » à la protection de l’« intérêt public », en ce qui concerne les « relations internationales » et non uniquement, tel que cela avait été proposé au cours de la procédure législative ayant conduit à l’adoption de ce règlement, lorsqu’une atteinte « significative » à cette protection est effectivement constatée (arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, points 37 et 38 ; voir, également, arrêt du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑852/16, EU:T:2018:71, point 39 et jurisprudence citée).

91      Ainsi, le principe d’interprétation stricte des exceptions visées à l’article 4 du règlement no 1049/2001 ne s’oppose pas à ce que, s’agissant des exceptions relatives à l’intérêt public visées au paragraphe 1, sous a), de cet article, l’institution dispose d’une large marge d’appréciation aux fins de déterminer si la divulgation au public d’un document porterait atteinte aux intérêts protégés par cette disposition (arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 34 ; voir, également, arrêt du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑852/16, EU:T:2018:71, point 40 et jurisprudence citée).

92      Le contrôle de légalité exercé par le Tribunal sur l’appréciation visant à déterminer si la divulgation au public d’un document porterait atteinte aux intérêts protégés par l’article 4 paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001 doit donc être limité à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation et de détournement de pouvoir (arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 34 ; voir, également, arrêt du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑852/16, EU:T:2018:71, point 40 et jurisprudence citée).

93      Pour que le Tribunal conclue à une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001, il doit donc être en mesure de constater que c’est manifestement à tort que l’institution a considéré que la divulgation du document en cause porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par cette disposition.

94      À cet égard, la Cour a précisé que l’institution doit fonder le refus qu’elle oppose à une demande d’accès sur l’existence d’un risque d’atteinte raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 43 ; voir, également, arrêt du 28 novembre 2013, Jurašinović/Conseil, C‑576/12 P, EU:C:2013:777, point 45 et jurisprudence citée).

95      Deuxièmement, il y a lieu de rappeler que, pour les raisons exposées aux points 23, 24, 37 et 38 ci-dessus, relatives à la nécessité de ne pas divulguer le contenu du document auquel l’accès a été refusé, l’institution peut ne pas être en mesure de développer de manière détaillée les motifs de son refus tant dans la décision contestée que dans ses écritures. De son côté, la partie requérante n’est pas en mesure de préciser les termes de sa contestation, dès lors qu’elle n’a pas accès au contenu du document en cause.

96      Eu égard à la limitation, à la fois, de l’obligation de motivation de l’institution et du droit de la partie requérante d’exposer ses moyens et arguments, inhérente à la nature particulière d’un recours dirigé contre une décision fondée sur les dispositions du règlement no 1049/2001, il appartient au Tribunal d’apprécier in concreto la légalité du refus d’accès, le cas échéant, en ordonnant la production du document dont la divulgation a été refusée (voir, en ce sens, arrêt du 25 novembre 2020, Bronckers/Commission, T‑166/19, EU:T:2020:557, points 81 et 82).

97      Troisièmement, il y a lieu de rappeler, s’agissant de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001, que, lors d’échanges relevant du domaine des relations internationales, l’indispensable coopération entre les participants aux échanges dépend, dans une large mesure, de l’existence d’un climat de confiance mutuelle. Or, un certain niveau de discrétion permet de garantir cette confiance mutuelle et le développement d’un débat libre et efficace (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2013, In ‘t Veld/Commission, T‑301/10, EU:T:2013:135, point 119). C’est au regard de cette exigence de discrétion que doit être apprécié le droit pour l’institution de divulguer les informations communiquées en toute confiance aux représentants de l’Union par leurs partenaires.

98      En outre, toute forme d’échange relevant du domaine des relations internationales, au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001, implique un certain nombre de considérations tactiques de la part des représentants des États et institutions participant aux échanges en cause. De même, les positions prises par ces représentants sont, par hypothèse, susceptibles d’évoluer en fonction du cours des échanges, des concessions et des compromis consentis dans ce cadre. Ainsi, la divulgation au public des positions de l’Union, alors même que celles des autres parties demeureraient secrètes, pourrait avoir pour conséquence d’affecter négativement sa capacité de négociation (voir, en ce sens, arrêt du 19 mars 2013, In ‘t Veld/Commission, T‑301/10, EU:T:2013:135, point 125).

99      S’agissant, en second lieu, de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, les parties du document litigieux accessibles au public ne permettraient pas, selon la requérante, de déterminer dans quelle mesure la divulgation des extraits occultés serait susceptible de porter atteinte aux relations internationales. Ainsi, la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001 entraînerait également une violation de l’article 4, paragraphe 6, de ce règlement.

100    À cet égard, il convient de rappeler que l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001 prévoit que, si une partie seulement du document auquel l’accès est demandé est concernée par une ou plusieurs des exceptions prévues à l’article 4 dudit règlement, les autres parties du document sont divulguées.

101    En particulier, l’institution concernée doit accorder un accès partiel si le but poursuivi par cette institution, lorsqu’elle refuse l’accès au document, peut être atteint dans l’hypothèse où cette institution se limiterait à occulter les passages qui peuvent porter atteinte à l’intérêt public protégé (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2018, ClientEarth/Commission, T‑644/16, non publié, EU:T:2018:429, point 83 et jurisprudence citée).

102    C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner si le refus de procéder à la divulgation totale du document litigieux est justifié.

103    En l’espèce, la Commission a accordé un accès partiel au document litigieux, en occultant douze extraits dudit document sur le fondement des motifs rappelés aux points 32 à 34 ci-dessus.

104    À la suite d’une mesure d’instruction adoptée en vertu de l’article 91, sous c), du règlement de procédure, la Commission a transmis au Tribunal l’intégralité du document litigieux. Conformément à l’article 104 dudit règlement, ce document n’a pas été communiqué à la requérante.

105    Tout d’abord, il convient de relever que, comme le souligne la Commission dans ses écritures, le document litigieux est une note d’information interne. Un tel document, par sa nature, ne contient pas de positions officielles de l’Union, mais est destiné, en abordant le contenu des sujets qui seront discutés et la stratégie de négociation envisagée, à préparer les représentants de l’Union à une discussion avec leurs homologues canadiens.

106    En particulier, il ressort de l’examen des extraits occultés du document litigieux que ceux-ci contiennent, premièrement, des informations de nature préparatoire destinées à une diffusion exclusivement interne. Figure notamment, dans certains desdits extraits, une appréciation des résultats auxquels est parvenu le FCR dans les domaines concernés par la coopération en matière de réglementation.

107    Or, la divulgation au public de ce type d’informations pourrait conduire les agents de la Commission à s’autocensurer à l’avenir dans des documents à usage interne destinés à préparer les représentants de cette institution aux échanges au sein du FCR. À cet égard, aux fins de permettre auxdits représentants de dialoguer le plus efficacement possible avec leurs homologues canadiens, un débat libre au sein de la Commission, incluant tous les sujets pertinents, doit être possible (voir point 97 ci-dessus). Ainsi, la limitation de la faculté pour les agents de la Commission de s’exprimer librement et exhaustivement dans des documents à usage interne pourrait avoir une incidence sur le succès des échanges au sein du FCR.

108    La Commission a donc pu, sans entacher sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation, se fonder sur le motif mentionné au point 32 ci-dessus, à savoir le risque de faire échouer les échanges en cours concernant la mise en œuvre de l’accord, pour refuser de donner accès à de tels extraits.

109    Deuxièmement, certains extraits occultés du document litigieux contiennent des informations ayant trait à la position de l’Union dans des échanges en cours au sein du FCR. Sont notamment précisés, dans ces extraits, les objectifs poursuivis par la Commission ainsi que certains aspects de sa stratégie de négociation dans les domaines concernés par la coopération en matière de réglementation.

110    Dès lors que la divulgation du contenu de ces extraits impliquerait de révéler les positions de l’Union, ce qui pourrait avoir pour conséquence d’affecter négativement sa capacité de négociation (voir point 98 ci-dessus), cette divulgation pourrait nuire au succès des discussions au sein du FCR.

111    En outre, il ne peut être exclu que la divulgation desdits extraits puisse conduire à des pressions indues exercées par des États tiers sur la Commission afin d’influencer les positions défendues par cette institution dans le cadre du FCR.

112    Par conséquent, la Commission a pu, sans entacher sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation, se fonder sur les motifs mentionnés aux points 32 et 33 ci-dessus pour refuser d’accorder un accès à de tels extraits.

113    Troisièmement, il y a lieu de souligner que certains des extraits occultés incluent des informations qui concernent le Canada et, en particulier, les positions défendues par cet État dans le cadre du FCR.

114    Ainsi, la divulgation de ces éléments impliquerait de révéler des informations susceptibles de mettre en péril le climat de confiance qui doit exister entre l’Union et le Canada et, par conséquent, le succès des échanges en cours concernant la mise en œuvre de l’accord. En effet, la divulgation unilatérale par l’une des parties de la position défendue par une autre partie peut être de nature à entamer sérieusement, dans le chef de celle-ci, le climat de confiance mutuelle indispensable dans le contexte délicat des relations internationales.

115    Par conséquent, la Commission a pu, sans entacher sa décision d’une erreur manifeste d’appréciation, se fonder sur le motif mentionné au point 34 ci-dessus, à savoir le risque de porter atteinte à la coopération avec le Canada, pour refuser de donner accès à ces extraits.

116    Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient la requérante, le refus opposé par la Commission à la divulgation du contenu des extraits en cause repose sur l’existence d’un risque d’atteinte raisonnablement prévisible et non purement hypothétique à l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales.

117    Par ailleurs, il convient d’ajouter que le Tribunal, pas plus que l’institution (voir point 95 ci-dessus), n’est en mesure, sans révéler le contenu des extraits en cause, d’apporter des explications plus détaillées que celles fournies ci-dessus pour justifier sa conclusion selon laquelle le refus de divulguer ces extraits n’est pas manifestement erroné (voir, en ce sens, arrêt du 7 février 2018, Access Info Europe/Commission, T‑851/16, EU:T:2018:69, points 121 à 123). Il en va d’autant plus ainsi, en l’espèce, au vu de la brièveté des extraits occultés par la Commission.

118    Enfin, en ce qui concerne l’argument de la requérante tiré de l’emploi du conditionnel par la Commission dans la décision attaquée (voir point 50 ci-dessus), un tel argument, purement formel, ne permet pas de conclure à l’existence d’une erreur manifeste quant à l’appréciation au fond des éléments pris en compte par la Commission dans la décision attaquée.

119    À cet égard, l’emploi du conditionnel par l’institution ne permet pas de conclure à une violation des exigences découlant de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001 (arrêt du 25 novembre 2020, Bronckers/Commission, T‑166/19, EU:T:2020:557, point 60).

120    Il résulte des considérations exposées aux points 103 à 119 ci-dessus que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que la Commission a refusé, dans la décision attaquée, d’accorder l’accès au document litigieux dans sa totalité.

121    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’il convient d’écarter le troisième grief et de rejeter le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

122    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

123    La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Foodwatch eV est condamnée aux dépens.

Truchot

Frendo

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 septembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.