Language of document : ECLI:EU:T:1999:92

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

4 mai 1999 (1)

«Procédure disciplinaire — Sanction de rétrogradation — Recours en annulation»

Dans l'affaire T-242/97,

M. Z., fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles, représenté par Me Jean-Noël Louis, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 30, rue de Cessange,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par M. Hans Krück, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg au secrétariat général du Parlement européen, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande visant à l'annulation de la décision du secrétaire général du Parlement européen du 28 octobre 1996 infligeant au requérant la sanction disciplinaire de la rétrogradation,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, J. Pirrung et M. Vilaras, juges,

greffier: Mme B. Pastor, administrateur principal

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 25 novembre 1998

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige, procédure et conclusions des parties

Événements antérieurs à la procédure disciplinaire en cause

1.
    Le requérant, M. Z., est entré au service du Parlement européen en 1977. A l'époque des faits litigieux (1988 — 1995), il était responsable du service «courrier des membres» relevant de la direction générale du greffe et des services généraux (DG I) à Bruxelles. Il a été nommé commis principal de grade C 1 à compter du 1er mai 1989.

2.
    En 1993, Mme A., qui travaillait dans le service du requérant, a déposé à l'encontre de ce dernier auprès de la direction générale du greffe une plainte, notamment pour harcèlement sexuel. En conséquence, le directeur général du greffe a procédé à des investigations. Dans une note du 16 septembre 1993, il a conclu qu'aucun des griefs formulés n'avait «pu rencontrer des éléments de preuve susceptibles de leur donner un fondement».

3.
    En décembre 1994, MM. XB., C. et D., les trois fonctionnaires appartenant au service du requérant et subordonnés à ce dernier, ont adressés à l'encontre de celui-ci au président du comité du personnel du Parlement plusieurs accusations relatives à son comportement dans ses relations professionnelles.

4.
    A cette époque, le service du courrier dirigé par le requérant comprenait en plus des trois fonctionnaires susmentionnés plusieurs agents de sécurité, parmi lesquels M. YB. (fils de M. XB.), qui étaient mis à la disposition du Parlement.

5.
    A la suite de la plainte déposée en décembre 1994, le secrétaire général du Parlement, par note du 27 janvier 1995, a chargé le directeur du personnel d'effectuer une enquête administrative.

6.
    Le rapport d'enquête du 2 juin 1995, qui couvre aussi les reproches faits au requérant par la première plainte de 1993 (voir ci-dessus point 2), a retenu à la charge de celui-ci les griefs suivants:

—    comportement vexatoire envers des agents placés sous son autorité;

—    harcèlement sexuel;

—    commerce de véhicules d'occasion sans autorisation préalable et utilisation des moyens de l'institution (téléphone, garage) à ces fins;

—    désorganisation du service «courrier des membres»;

—    soustraction d'une partie du courrier.

Ce rapport a recommandé au secrétaire général l'ouverture d'une procédure disciplinaire.

7.
    Le 7 juillet 1995, le requérant auquel avaient été communiqués les griefs susmentionnés, a été entendu par l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN»), conformément à l'article 87, deuxième alinéa, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»). Le procès-verbal de l'audition a été soumis au requérant, qui a présenté ses observations écrites par lettre du 20 juillet 1995.

8.
    Le 31 août 1995, l'AIPN a décidé d'entamer une procédure disciplinaire à l'encontre du requérant et de saisir le conseil de discipline. En même temps, le requérant a été suspendu de ses fonctions sans réduction de sa rémunération, en vertu de l'article 88, premier et deuxième alinéas, du statut.

Procédure disciplinaire et judiciaire

9.
         Le 31 août 1995, l'AIPN a transmis le dossier administratif au conseil de discipline. Le requérant, quant à lui, s'est adressé audit conseil, par lettre du 11 décembre 1995, par laquelle il a critiqué le rapport d'enquête du 2 juin 1995 (voir ci-dessus point 6). Le conseil a procédé, en présence du requérant et de son défenseur, à des auditions de témoins entre le 18 décembre 1995 et le 23 avril 1996. Il a entendu le requérant et son défenseur le 25 juillet 1996.

10.
    Le 3 septembre 1996, le conseil de discipline a rendu son avis motivé. L'avis rappelle, tout d'abord, les principaux griefs soulevés par l'AIPN (voir ci-dessus point 6). Ensuite, le conseil de discipline

«considère, concernant les faits,

I -    En général

g.    que le conseil a été informé par certains témoins qu'une plainte devant la justice belge a été introduite contre eux en relation avec leur témoignage

dans cette affaire, ce qui a entraîné des réticences chez ces témoins lors de leur déposition devant le conseil,

h.    que le conseil estime qu'il ressort du témoignage du médecin de l'institution, étant une personne indépendante, qu'il existait au sein du service du courrier de graves problèmes humains et de gestion susceptibles de nuire à la santé des fonctionnaires travaillant dans ce service,

i.    que le conseil rappelle que le médecin conseil a pris contact avec la hiérarchie, avant même l'ouverture d'une procédure disciplinaire, pour attirer son attention sur le climat néfaste qui régnait au sein de ce service,

II —    En relation avec le comportement vexatoire

j.    qu'il est établi, sur la base de témoignages concordants, que M. Z. a, pendant une longue période allant approximativement de l'année 1988 à l'année 1995, exercé ses fonctions en adoptant un comportement vexatoire et une conduite arbitraire — justifiés seulement par ses goûts personnels — envers certaines personnes du service et d'autres fonctionnaires, notamment Mme A., M. XB., Mme F. et Mme G.,

k.    qu'il est établi, sur la base de témoignages concordants, qu'il a toléré que M. XB. se livre au ”jeu du chien”, à savoir se mettre à quatre pattes et imiter les aboiements d'un chien, puis a même par la suite exercé des pressions répétées sur ce dernier pour l'obliger de manière humiliante à continuer ce ”jeu”,

l.    qu'il est établi, sur la base de témoignages, notamment celui de M. YB., qu'il a procédé à l'attouchement des fesses et du sexe de M. XB., ce qui constituait, de l'avis même de ce dernier, un acte de harcèlement sexuel et est considéré par le conseil comme un comportement vexatoire très grave,

III —     En relation avec le harcèlement sexuel

m.    qu'il est établi, sur la base des témoignages concordants de Mme G. et de Mme F., que M. Z. a eu un comportement intimidant et insultant envers Mme A. et Mme F., dans la mesure où il leur a très souvent fait des remarques de nature sexuelle, insultantes, voire dégradantes, qu'il leur a montré des dessins faits par lui-même à connotation sexuelle et de nature insultante, notamment envers Mme A. et son mari, et qu'il s'est adressé à elles de manière vulgaire, leur exprimant ouvertement ses désirs sexuels,

n.    que le conseil a pris acte des tentatives de la défense d'invalider le témoignage de Mme A. sur le harcèlement sexuel et que le conseil est d'avis que ce témoignage peut être exclu, compte tenu de l'existence des témoignages mentionnés ci-avant;

o.    qu'il est établi, sur la base du témoignage de Mme G., qu'il a menacé Mme A. de la défavoriser professionnellement, si elle n'acceptait pas ses avances sexuelles,

p.    que le moyen de défense avancé par M. Z. selon lequel il aurait eu une liaison amoureuse avec Mme A. relève avant tout de la vie privée des intéressés et n'excuse nullement les actes décrits ci-dessus sous m et o;

q.    que l'accusation faite par Mme A. disant que M. Z. l'a attendue à la porte des toilettes, a baissé son pantalon et lui a montré son sexe, l'invitant instamment à le toucher, en lui promettant de la laisser en paix pendant six mois, est extrêmement grave, mais n'est pas susceptible d'être vérifiée,

IV —    En relation avec le commerce de véhicules d'occasion et l'utilisation des moyens de l'institution

r.    qu'il n'est pas établi que le nombre de voitures vendues par le fonctionnaire incriminé excède ce qui est considéré comme normal dans la vie privée des fonctionnaires, mais que des indices concordants, et notamment les témoignages de M. XB. et M. C., apportent la preuve qu'il a utilisé les infrastructure (fax et téléphone) du Parlement européen pour se livrer — pendant les heures de travail — à la recherche de voitures anciennes ou de pièces de voitures anciennes, d'une manière excédant ce qui est raisonnable,

V —    En relation avec la désorganisation du service du courrier des membres

s.    que s'il n'y a pas eu désorganisation totale du service du courrier des membres, il ressort néanmoins de témoignages concordants que les relations humaines sur le lieu de travail étaient empoisonnées par le comportement du fonctionnaire incriminé envers ses subordonnés, mais que ce point a déjà été abordé sous II,

t.    que le conseil a pris note que la hiérarchie, s'appuyant principalement sur l'absence de plaintes répétées de la part des députés, est d'avis que le service du courrier a fonctionné de façon acceptable, mais qu'il ressort cependant des témoignages entendus que des plaintes ont été déposées par les députés,

u.    qu'il y a de surcroît eu des problèmes dans l'organisation du service, ainsi que le montrent plusieurs témoignages, dus en partie aux caprices fréquents du fonctionnaire incriminé,

v.    que le fonctionnement du service aurait certainement été meilleur si M. Z. s'était acquitté de ses tâches avec plus de sérieux et s'il avait fait rapport à sa hiérarchie, ce qu'il admet ne pas avoir fait,

VI —    En relation avec la soustraction d'une partie du courrier

w.    qu'il existe des indices du rejet d'une partie du courrier, sans qu'il y ait possibilité d'établir ni l'ampleur ni la responsabilité de tels agissements de façon claire et conséquente,

est d'avis

VII —    Comportement vexatoire

1.     que M. Z. aurait dû savoir que les agissements mentionnés sous j, k et l sont de nature à porter directement atteinte à la dignité de sa fonction [et] sont extrêmement graves [...]

VIII —    Harcèlement sexuel

2.    qu'en relation avec l'accusation et les faits établis sous m, il subsiste un doute sur la réaction de Mme A. dont devrait bénéficier le fonctionnaire incriminé, mais que les actes mentionnés sous o constituent un cas de harcèlement sexuel [...]

IX —     Commerce de véhicules d'occasion et utilisation des moyens de l'institution

3.    que l'accusation concernant le commerce de véhicules d'occasion n'est pas retenue, mais que l'utilisation des infrastructures et du temps de travail dévolus au Parlement européen constitue une infraction au statut [...]

X —    Désorganisation du service du courrier des membres

4.     que les faits établis sous t, u et v montrent que le fonctionnaire incriminé ne s'est pas acquitté de ses tâches [...] et que ce fait, bien que la responsabilité de la hiérarchie soit partiellement engagée, lui est imputable;

XI —    Soustraction d'une partie du courrier

5.     que les faits mentionnés sous w n'appellent pas de remarques supplémentaires;

XII —    et

6.     [...]

7.    [...]

8.    que le cumul des faits repris ci-dessus justifie une sanction très grave;

9.    [...]

    et pour ces motifs propose, à la majorité,

    d'appliquer la sanction de l'article 86, paragraphe 2, lettre f, du statut des fonctionnaires, sans réduction ou suppression du droit à pension d'ancienneté.»

11.
    Après avoir entendu le requérant le 3 octobre 1996, conformément à l'article 7, troisième alinéa, de l'annexe IX du statut, l'AIPN a adopté, le 28 octobre 1996, la décision disciplinaire suivante (ci-après «décision attaquée»):

    «Le secrétaire général,

    [...]

    considérant que la procédure disciplinaire basée sur une enquête contradictoire ordonnée par le conseil de discipline en vertu de l'article 6 de l'annexe IX du statut a établi les faits selon lesquels M. Z., pendant une longue période entre 1988 et 1995, a exercé ses fonctions en adoptant un comportement vexatoire et une conduite arbitraire envers certaines personnes de son service; qu'il a eu un comportement intimidant et insultant dans la mesure où très souvent ses remarques avaient un caractère sexuel et dégradant; qu'il a provoqué des problèmes dans l'organisation de son service, problèmes dus en partie à ses caprices fréquents; et qu'il a, dans l'exercice d'une activité extérieure, utilisé les infrastructures de l'institution pour se livrer pendant les heures de travail à la recherche de voitures anciennes et de pièces de voitures anciennes, d'une manière excédant ce qui est tolérable;

    considérant que l'enquête administrative préalable ainsi que l'enquête contradictoire ordonnée par le conseil de discipline ont démontré l'indignité du comportement tant verbal que gestuel, répété pendant une période de plusieurs années, de M. Z. dans l'exercice de ses fonctions et la vulgarité que son attitude imprimait à l'ensemble de son service; qu'il est à l'origine d'actes et d'attitudes vexatoires à l'égard des fonctionnaires placés sous son autorité; que ce comportement porte atteinte à la dignité de la femme et de l'homme au travail [...];

    considérant l'exercice par l'intéressé d'une activité extérieure sans autorisation préalable et l'utilisation des moyens de l'institution à cette fin;

    considérant que ces faits sont restés incontestés par l'intéressé au cours de la procédure disciplinaire et qu'ils constituent un manquement aux obligations auxquelles le fonctionnaire est tenu en vertu des articles 11, 12, 21, 1er et 2ème alinéas, et 27 et 28 du statut des fonctionnaires;

    considérant toutefois le grade de l'intéressé au regard des responsabilités exercées ainsi que le caractère positif de l'appréciation portée par ses supérieurs hiérarchiques sur ses prestations dans ses rapports de notation établis pendant la période de référence, alors que les faits leur étaient partiellement connus;

    considérant que ces éléments constituent des circonstances atténuantes pour les faits reprochés à l'intéressé et qu'il y a lieu dans ces conditions d'atténuer la sanction de révocation proposée par le conseil de discipline;

décide:

    [...] M. Z. est rétrogradé au grade C 5, échelon 1.

[ ...]»

12.
    La décision attaquée a été transmise au requérant par lettre de l'AIPN du même jour qui explique, notamment, les circonstances atténuantes accordées par le fait que ses fonctions dépassaient manifestement son grade et ses capacités ainsi que par ses notations positives. L'AIPN souligne que c'est pour ces raisons qu'il a décidé de ne pas le révoquer, mais de limiter sa sanction à une rétrogradation.

13.
    Le requérant a eu connaissance de la décision attaquée le 30 octobre 1996. Le 30 janvier 1997, il a formé contre elle une réclamation qui a fait l'objet d'une réponse explicite de rejet le 20 mai 1997.

14.
    A la suite de la décision attaquée, le requérant a été muté à une autre direction générale, mutation qu'il n'a pas contestée.

15.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 août 1997, le requérant a introduit le présent recours.

16.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures préalables d'instruction ou d'organisation de la procédure.

Conclusions des parties

17.
    Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision attaquée du 28 octobre 1996;

—    condamner la partie défenderesse aux dépens.

18.
    Le Parlement conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    déclarer le recours pour partie irrecevable;

—    le déclarer non fondé pour le surplus;

—    statuer sur les dépens conformément aux dispositions applicables du règlement de procédure.

Sur le fond

19.
    Il convient de souligner que le statut confie à l'AIPN et au conseil de discipline la responsabilité exclusive de la mise en oeuvre d'une procédure disciplinaire. Aucune disposition du régime disciplinaire établi par le statut ne permet qu'une telle procédure soit refaite par le Tribunal de sa propre initiative et indépendamment des moyens valablement soulevés par la partie requérante. Même en matière disciplinaire — laquelle ne saurait être assimilée à une procédure pénale (voir, en ce sens, l'arrêt du Tribunal du 16 juillet 1998, Y/Parlement, T-144/96, RecFP p. II-1153, point 38) —, le contrôle de légalité exercé par le juge communautaire dans le cadre du contentieux en annulation se limite donc à vérifier, au seul regard des moyens avancés, la légalité du déroulement de la procédure disciplinaire ainsi que la réalité, la portée et la gravité des faits retenus par l'AIPN aux fins de la sanction disciplinaire attaquée.

20.
    Dans le cas d'espèce, le Tribunal constate que le dossier constitué par les mémoires des parties et les pièces jointes en annexe à ceux-ci, comporte tous les éléments nécessaires afin que le litige puisse être tranché.

21.
    Il est vrai que le requérant a déclaré à l'audience que le Tribunal aurait lui-même dû consulter l'ensemble du dossier administratif et disciplinaire en possession du Parlement. A cet égard, il y a toutefois lieu de relever que ce n'est qu'à la suite de demandes présentées en temps utile par le requérant et visant à éclairer des points de fait ou de droit pertinents pour l'examen des moyens soulevés que le Tribunal aurait pu être amené à inviter le Parlement à déposer ce dossier en partie ou en totalité. Or, de telles demandes n'ont pas été formulées au cours de la procédure écrite, bien que le requérant ait obtenu accès à l'intégralité dudit dossier. La remarque globale faite par le requérant en ce sens lors de l'audience ne saurait remédier à cette carence.

22.
    Il convient d'ajouter que les constatations factuelles figurant dans la décision attaquée et dans l'avis du conseil de discipline sont largement basées sur des témoignages tous contenus dans le dossier disciplinaire du Parlement. Or, le requérant s'est abstenu de contester, pièces à l'appui, ces témoignages concrets, de relever des contradictions entre certains témoignages individuels ou de faire valoir que l'AIPN ou le conseil de discipline a méconnu le sens d'une ou de plusieurs dépositions. En outre, il n'a pas demandé, en application de l'article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure, que des témoins soient entendus par le Tribunal pour réfuter des reproches retenus à sa charge.

23.
    C'est à la lumière de ces considérations qu'il y a lieu d'examiner les deux moyens que le requérant invoque à l'appui de son recours.

24.
    Le premier moyen, articulé en plusieurs branches, est tiré de la violation des règles de bonne conduite, des droits de la défense et, notamment, de l'article 7, paragraphes 1 et 3, de l'annexe IX du statut. Le second moyen, également articulé en plusieurs branches, est pris d'une erreur manifeste d'appréciation, de la violation du principe de proportionnalité, d'un détournement de procédure et d'une insuffisance de motivation.

25.
         Compte tenu des circonstances du cas d'espèce, le Tribunal estime opportun de regrouper ces moyens et d'examiner, tout d'abord, les moyens tirés de plusieurs irrégularités dans le déroulement des procédures prédisciplinaire, disciplinaire et administrative litigieuses. Ensuite, seront examinés les moyens tirés du contenu prétendument illégal de la décision attaquée.

Quant aux moyens tirés de plusieurs irrégularités dans le déroulement des procédures prédisciplinaire, disciplinaire et administrative litigieuses

Sur le moyen pris de ce que le résultat de l'enquête administrative de 1993 aurait dû faire obstacle à l'ouverture de la procédure disciplinaire litigieuse

— Arguments des parties

26.
         Le requérant soutient que le résultat de l'enquête menée par l'administration en 1993 aurait dû empêcher l'AIPN d'ouvrir en 1995 la procédure disciplinaire litigieuse. En effet, la plainte pour harcèlement sexuel aurait déjà fait l'objet de l'enquête de 1993, à l'issue de laquelle l'AIPN a conclu à l'absence de fondement, notamment en raison du refus des prétendues victimes de confirmer par écrit les plaintes formulées contre le requérant. A défaut d'une nouvelle plainte directe de la part de la prétendue victime dudit comportement, le conseil de discipline aurait été saisi de faits qui ont déjà été examinés et tranchés par l'AIPN.

27.
    Le Parlement soutient que l'argumentation relative à l'instruction interne de 1993 est dénuée de pertinence pour la présente affaire. Le fait qu'une première enquête n'ait pas démontré le bien-fondé de certains reproches n'empêcherait pas l'AIPN d'entamer des investigations complémentaires.

— Appréciation du Tribunal

28.
    Comme le Parlement l'a relevé à juste titre, le simple fait qu'une enquête purement administrative n'ait pas démontré le bien-fondé de certains reproches adressés à un fonctionnaire ne peut pas empêcher l'AIPN d'entamer, à tout moment et de sa propre initiative, une nouvelle enquête suivie d'une procédure disciplinaire au titre de l'annexe IX du statut. En effet, aucune disposition statutaire ne prévoit, à cet égard, un délai de prescription qui s'opposerait à l'ouverture d'une procédure disciplinaire (arrêt du Tribunal du 17 octobre 1991, De Compte/Parlement, T-26/89, Rec. p. II-781, points 68 et 88) ou une autorité de la chose jugée qui ferait obstacle à une telle procédure. Cette absence de réglementation contraste, de manière

significative, avec le régime disciplinaire proprement dit qui prévoit à l'article 11 de l'annexe IX du statut pour la seule procédure disciplinaire au sens formel quecelle-ci ne peut être rouverte par l'AIPN qu'en présence de faits nouveaux. Il s'ensuit que la procédure disciplinaire litigieuse pouvait être entamée nonobstant les résultats de l'enquête administrative de 1993, d'autant plus qu'il ressort du dossier que, entre la fin de cette dernière et le début de la procédure disciplinaire, sont apparus des faits nouveaux.

29.
    Il convient d'ajouter que, en l'espèce, la procédure prédisciplinaire de 1995 couvrait un champ de griefs beaucoup plus vaste ainsi qu'un nombre de témoins beaucoup plus élevé que l'enquête de 1993. Dans ces circonstances, l'AIPN n'a pas excédé ses pouvoirs lorsqu'elle a décidé, sur la base des éléments qu'elle avait alors en sa possession, de saisir le conseil de discipline, composé paritairement des représentants de l'institution et du personnel (article 5 de l'annexe II du statut) et agissant donc comme organe tiers par rapport au requérant et à l'AIPN (arrêt du Tribunal du 19 mars 1998, Tzoanos/Commission, T-74/96, RecFP p. II-343, point 340).

30.
    Cette analyse n'est pas infirmée par le fait que les plaintes qui ont provoqué l'ouverture de la procédure disciplinaire ont été déposées, non par les victimes directes du comportement reproché, mais par des tiers. En effet, une procédure ouverte sur la base d'informations dont l'origine n'a pas été révélée est régulière à condition que ne soit pas affectée la possibilité pour la personne concernée de faire connaître son point de vue sur la réalité ou la portée des faits retenus (ordonnance de la Cour du 16 juillet 1998, N/Commission, C-252/97 P, Rec. p. I-4871, point 44).

31.
    Il résulte de ce qui précède que le moyen doit être écarté.

Sur le moyen pris du dépassement d'un délai raisonnable

— Arguments des parties

32.
    Le requérant soutient que le Parlement a violé l'article 7, paragraphes 1 et 3, de l'annexe IX du statut en ne respectant pas un délai raisonnable entre les différents actes de poursuite. Il souligne que la non-observation des délais fixés par ces dispositions statutaires peut entraîner l'annulation de la décision prise hors délai (arrêt De Compte/Parlement, précité, point 88, et arrêt du Tribunal du 26 janvier 1995, D/Commission, T-549/93, RecFP p. II-43, point 25).

33.
    Le requérant rappelle que, en l'espèce, la procédure disciplinaire a été entamée à la suite des plaintes déposées contre lui par trois fonctionnaires qui n'étaient pas victimes des comportements dénoncés. De l'avis du requérant, le nombre restreint des plaignants, l'absence de plaintes de la part des prétendues victimes et les contradictions dans les différents témoignages auraient dû amener le conseil de

discipline à clôturer rapidement la procédure. Or, ni l'AIPN ni le conseil de discipline n'auraient agi de sorte que chaque acte de poursuite intervienne dans un délai raisonnable par rapport à l'acte précédent. La longueur excessive de la procédure disciplinaire ne pourrait pas être justifiée par le nombre des témoins, les témoins entendus à la seule initiative du conseil de discipline ayant tous été des témoins à charge.

34.
    Le requérant affirme que, dès le 15 juillet 1993, ses supérieurs hiérarchiques ont été informés des faits incriminés et qu'ils ont estimé que les griefs portés contre lui n'étaient pas fondés. Ce ne serait que le 27 janvier 1995, soit 18 mois plus tard, que l'AIPN a décidé d'ouvrir une nouvelle enquête. En outre, l'AIPN n'expliquerait pas pourquoi les conclusions de l'enquête ne lui ont été transmises que le 2 juin 1995. De même, aucune explication ne serait fournie pour justifier le délai de trois mois mis par l'AIPN pour adopter sa décision de saisir le conseil de discipline. Le conseil de discipline ne justifierait pas davantage pour quelle raison il n'a rendu son avis que plus d'un an après sa saisine.

35.
    Afin de préciser ces affirmations, le requérant renvoie à un tableau (joint à la requête) comportant les noms de treize témoins, les dates de leur audition par le conseil de discipline, les dates de rédaction, de signature et de réception par ses soins du procès-verbal ainsi qu'une colonne indiquant le «retard à la réception». De l'avis du requérant, ce tableau démontre que des délais anormalement longs se sont écoulés.

36.
    Le Parlement soutient que le dépassement des délais prévus par l'article 7 de l'annexe IX du statut n'est pas sanctionné par la nullité des actes pris hors délai. Par ailleurs, en l'espèce, la procédure disciplinaire aurait revêtu un caractère particulièrement complexe: il y aurait eu un grand nombre de témoins à entendre et il aurait été difficile de rédiger les procès-verbaux des différentes réunions. Le Parlement ajoute que le nombre de treize témoins entendus a été convenu avec l'avocate représentant le requérant pendant la procédure disciplinaire, Me Van de Walle.

37.
    Le Parlement souligne encore les difficultés et les contraintes auxquelles le conseil de discipline a été confronté, du fait qu'il a dû se réunir dans les trois lieux de travail de l'institution, à savoir à Bruxelles, à Strasbourg et à Luxembourg. Bien que sachant l'affectation à Luxembourg de cinq des six participants aux travaux du conseil, l'avocate du requérant aurait quand même demandé que les réunions du conseil se tiennent à Bruxelles. Le Parlement se réunissant pendant les sessions parlementaires ordinaires à Strasbourg et les autres travaux des personnes impliquées devant continuer, il aurait été impossible de planifier les réunions de façon plus rapide. De plus, il y aurait eu au moins deux demandes de report de réunions, présentées par l'avocate du requérant. Enfin, malgré plusieurs demandes de la part du conseil de discipline, la première défense écrite aurait seulement été présentée le 11 décembre 1995.

38.
    En ce qui concerne les dates de rédaction et de réception des procès-verbaux mentionnées en annexe à la requête, le Parlement considère qu'elles ne sont pas tout à fait exactes. En effet, les procès-verbaux auraient été rédigés bien plus rapidement, mais certains témoins auraient souhaité des modifications dactylographiées, et ceci parfois plusieurs fois, avant de signer.

— Appréciation du Tribunal

39.
    Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence de la Cour (arrêts du 4 février 1970, Van Eick/Commission, 13/69, Rec. p. 3, points 3 et suivants, du 29 janvier 1985, F/Commission, 228/83, Rec. p. 275, point 30, et du 19 avril 1988, M./Conseil, 175/86 et 209/86, Rec. p. 1891, point 16), les délais prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut ne sont pas péremptoires, mais constituent des règles de bonne administration dont la non-observation peut engager la responsabilité de l'institution concernée pour le préjudice éventuellement causé aux intéressés, sans affecter, à elle seule, la validité de la sanction disciplinaire infligée après leur expiration.

40.
    S'il est vrai que le Tribunal a jugé, dans les deux arrêts De Compte/ Parlement et D/Commission, précités, que le dépassement desdits délais «est également susceptible d'entraîner la nullité de l'acte pris hors délai», cette jurisprudence ne saurait être interprétée comme sanctionnant par une annulation automatique tout dépassement de délai. Par ailleurs, dans les deux affaires, le Tribunal s'est précisément abstenu de prononcer une annulation (voir, en ce sens, aussi l'arrêt du Tribunal du 18 décembre 1997, Daffix/Commission, T-12/94, RecFP p. II-1197, points 130 à 133).

41.
    Il résulte de ce qui précède que seule la réunion de conditions particulières peut avoir pour effet d'affecter, dans des cas spécifiques, la validité d'une sanction disciplinaire infligée hors délai. Or, le requérant se limite à démontrer qu'il y a eu effectivement dépassement de délai. Le Parlement, en revanche, expose, sans être contredit par le requérant, la complexité de la procédure disciplinaire qui s'est déroulée en l'espèce, le nombre élevé — d'ailleurs convenu avec l'avocate du requérant — des témoins entendus ainsi que les difficultés et les contraintes auxquelles le conseil de discipline a été confronté (voir ci-dessus points 37 et 38).

42.
    Il y a lieu d'ajouter que, au moment où l'AIPN a décidé d'ouvrir une procédure disciplinaire à l'encontre du requérant, ce dernier a été suspendu de ses fonctions sans réduction de sa rémunération. Après l'adoption de la décision attaquée, il a été muté à une autre direction générale. Tout au long de la procédure disciplinaire, le requérant conservait donc ses droits pécuniaires au titre de son grade C 1 sans devoir se présenter dans son ancien service, ce qui lui a permis de se soustraire, sans pertes financières, d'une atmosphère qui pouvait être devenue difficile pour lui. Au terme de cette procédure, grâce à sa mutation, il n'a pas été tenu de

retourner dans son service, mais a eu la chance d'entrer dans un nouvel entourage professionnel et de se bâtir une nouvelle réputation.

43.
    Dans ces conditions, le dépassement des délais prévus à l'article 7 de l'annexe IX du statut ne justifie pas en l'espèce l'annulation de la décision attaquée. Par conséquent, le moyen doit être rejeté.

Sur les moyens pris de certaines irrégularités des procédures prédisciplinaire et disciplinaire, notamment d'une violation des droits de la défense

— Arguments des parties

44.
    Le requérant relève que les procès-verbaux d'audition des témoins ne mentionnent que les réponses de ces derniers, à l'exclusion des questions qui leur ont été posées. En outre, six des treize procès-verbaux d'audition ne lui auraient été communiqués qu'à l'état de «projet» non signé. La version définitive relue et corrigée des déclarations de plusieurs témoins ne lui aurait donc jamais été transmise; il s'agirait notamment des procès-verbaux d'audition de MM. XB., D. et H. ainsi que de Mmes F. et I. Par conséquent, l'AIPN fonderait sa décision sur des procès-verbaux signés et corrigés non communiqués au requérant, et cela en violation des droits de la défense.

45.
    Dans sa réplique, le requérant dénonce la violation manifeste, tout au long de l'enquête prédisciplinaire, de son droit à un procès équitable. En effet, l'administration aurait refusé de l'informer sur les griefs de harcèlement sexuel retenus à sa charge, alors que le secrétaire général du Parlement aurait fait des déclarations publiques au sujet de cette affaire et informé la presse de sa décision de lui infliger une sanction disciplinaire. Ce faisant, le secrétaire général aurait manifestement préjugé. Dès lors, il n'aurait plus été en mesure de prendre une décision disciplinaire dans le respect des garanties conférées par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après «Convention des droits de l'homme»).

46.
    En ce qui concerne plus particulièrement l'enquête prédisciplinaire, le requérant indique, dans sa réplique, que son avocate, par lettres des 28 février et 23 mai 1995, a demandé que son client soit informé des faits précis qui lui étaient reprochés. Or, le directeur du personnel chargé par l'AIPN de l'enquête prédisciplinaire aurait refusé de lui communiquer les griefs précis au motif qu'il s'agissait de faits revêtant un caractère confidentiel. Le Parlement n'aurait donc pas fourni au requérant le minimum d'informations indispensables à sa défense. Les griefs retenus à sa charge ne lui auraient été notifiés qu'au début du mois de septembre 1995, après la saisine du conseil de discipline.

47.
    Toujours dans sa réplique, le requérant se plaint d'une autre violation de ses droits de la défense consistant dans le refus de procéder à l'audition des témoins qu'ilaurait désignés par le conseil de discipline.

48.
    Le conseil de discipline et l'AIPN auraient, de plus, rejeté les témoignages du directeur général du greffe et de M. H., à l'époque des faits chef du service du requérant, ce que celui-ci qualifie de détournement de procédure: l'AIPN n'aurait pas tenu compte de la note établie le 15 juillet 1993 par M. H. dans laquelle il indique qu'il avait l'«intime conviction d'avoir participé à l'instruction d'une affaire qui relève du dépit amoureux et de la malveillance qui l'accompagnent». Or, le conseil de discipline aurait estimé que «le moyen de défense avancé par M. Z. selon lequel il aurait eu une liaison amoureuse avec Mme A. relève avant tout de la vie privée des intéressés et n'excuse nullement les actes décrits ci-dessus sous m et o». Le requérant considère donc que le conseil de discipline fonde son avis exclusivement sur de simples déclarations.

49.
    Le requérant fait valoir, par ailleurs, que certains faits qui lui ont été reprochés, à savoir un comportement vexatoire envers des fonctionnaires et agents placés sous son autorité, un prétendu commerce de voitures d'occasion, la désorganisation du service et la soustraction d'une partie du courrier, n'ont à aucun moment été situés dans le temps.

50.
    A l'audience, le requérant a déclaré qu'il aurait dû avoir, tout comme le Tribunal, accès à l'ensemble du dossier administratif. Or, il y aurait certains éléments à décharge essentiels, dont toute l'enquête de 1993, auxquels il n'aurait pas eu accès, bien que les personnes chargées de cette enquête se soient appuyées sur ces éléments pour classer ce dossier sans suite.

51.
    De même, le requérant a fait valoir que le Parlement ne disposait pas des outils appropriés pour pouvoir procéder à une instruction disciplinaire approfondie. Il aurait donc dû déposer plainte auprès des juridictions nationales afin que celles-ci fassent la lumière et que l'AIPN puisse, ensuite, s'appuyer sur des éléments sérieux. Renvoyant à sa réplique, le requérant a rappelé qu'il avait déposé, lui-même, une plainte pour diffamation auprès des autorités judiciaires belges. Or, le parquet belge n'aurait pas pu instruire ce dossier puisque l'administration du Parlement n'a levé ni son immunité, ni celle des trois fonctionnaires qui avaient déposé plainte contre lui. Le Parlement se serait donc opposé à ce que la lumière soit faite par des juges professionnels.

52.
    Le Parlement affirme que les dépositions signées de Mme I. et de MM. D. et H. ont été envoyées à l'avocate du requérant entre le 11 et le 25 juin 1996 et que celle de M. XB. a été distribuée lors de la réunion du conseil de discipline du 21 mars 1996. En ce qui concerne la déposition signée de Mme F., l'avocate du requérant reconnaîtrait elle-même dans une lettre du 5 juin 1996 avoir reçu les procès-verbaux des réunions y afférentes. De l'avis du Parlement, le fait que sur certaines des dépositions figure l'indication «projet» ne s'oppose pas à ce qu'il s'agisse là de documents définitifs: la signature par le témoin rendrait définitif ce qui, au moment de l'envoi à l'intéressé, se trouvait encore au stade de projet.

53.
    Le Parlement souligne que l'avocate du requérant a reçu le 4 juillet 1996, donc avant sa défense finale, un exemplaire complet de tous les procès-verbaux paraphés par le secrétaire du conseil de discipline. Par conséquent, le requérant aurait pu demander des exemplaires supplémentaires si cela avait été nécessaire. Le requérant aurait bénéficié d'un accès au dossier complet, en dernier lieu le 20 août 1997, lorsqu'il a fait consulter, par son avocat, à Bruxelles, son dossier individuel et le dossier du conseil de discipline. Ce dossier aurait compris tant les documents relatifs à l'enquête administrative de 1993 que ceux relatifs à l'enquête administrative de début 1995, laquelle a amené l'AIPN à ouvrir la procédure disciplinaire proprement dite.

54.
    Le Parlement soutient que l'argumentation relative au déroulement de l'enquête prédisciplinaire est irrecevable. En effet, il n'y aurait aucune trace de cette argumentation, ni dans la réclamation, ni dans la requête.

55.
    Par ailleurs, le requérant aurait bénéficié d'une procédure disciplinaire équitable. De plus, le renvoi général à la Convention des droits de l'homme serait inopérant (arrêt De Compte/Parlement, précité, point 94).

56.
    En ce qui concerne l'allégation selon laquelle le conseil de discipline aurait refusé d'entendre des témoins désignés par le requérant, le Parlement souligne que le requérant n'a pas formulé de demande en ce sens lors de la réunion du conseil prévue pour prendre une éventuelle décision sur les témoins à décharge (procès-verbal du 20 novembre 1995, joint en annexe I à la duplique).

— Appréciation du Tribunal

57.
    Le requérant allègue, en premier lieu, le caractère irrégulier de certains procès-verbaux d'audition de témoins en reprochant à l'AIPN d'avoir fondé sa décision sur ces procès-verbaux établis en violation des droits de la défense. Force est de constater que ce moyen a été mentionné pour la première fois dans la requête. Il en va de même pour les moyens dirigés contre le déroulement de la procédure prédisciplinaire, en ce que le requérant, d'une part, se serait vu refuser la communication d'informations sur les faits retenus à sa charge et, d'autre part, aurait fait l'objet d'un préjugé manifeste en violation de la Convention des droits de l'homme. Le même constat vaut, enfin, pour les moyens tirés de ce que le conseil de discipline aurait refusé, en violation des droits de la défense, d'entendre des témoins à décharge désignés par le requérant et de ce que certains griefs disciplinaires n'auraient pas été situés dans le temps.

58.
         En ce qui concerne l'ensemble de ces allégations, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, la procédure précontentieuse a pour objet d'aboutir à un règlement amiable des différends surgis entre les fonctionnaires et l'administration et, pour qu'une telle procédure puisse atteindre son objectif, il faut que l'AIPN soit en mesure de connaître, de façon suffisamment précise, les critiques formulées par les intéressés à l'encontre de la décision contestée. Par conséquent, tout chef de contestation qui n'a pas été invoqué dans la réclamation

précontentieuse, alors que l'intéressé a été mis en mesure de le formuler, doit être rejeté comme irrecevable (arrêts du Tribunal du 29 mars 1990, Alexandrakis/Commission, T-57/89, Rec. p. II-143, points 8 et 9, du 27 novembre 1990, Kobor/Commission, T-7/90, Rec. p. II-721, points 34 et 35, et du 28 mai 1997, Burban/Parlement, T-59/96, RecFP, p. II-331, points 31 et 33). Pour autant que cette question de recevabilité n'a pas été soulevée par la partie défenderesse, le Tribunal peut l'examiner d'office en vertu de l'article 113 du règlement de procédure, étant donné qu'il s'agit d'une question d'ordre public (arrêt Alexandrakis/Commission, précité, point 8).

59.
    En l'espèce, la réclamation introduite par le requérant ne mentionne ni les reproches susmentionnés, ni aucun élément dont le Parlement aurait pu déduire, même en s'efforçant d'interpréter la réclamation dans un esprit d'ouverture, que le requérant entendait s'en prévaloir (arrêt Alexandrakis/Commission, précité, point 10).

60.
    Il convient de préciser que rien ne permet de conclure — le requérant n'a d'ailleurs présenté aucun argument en ce sens — qu'il était objectivement empêché, quand il se proposait d'introduire sa réclamation en janvier 1997, d'alléguer utilement les irrégularités en question, à défaut d'avoir pu en prendre connaissance en temps utile. En effet, ainsi que le Parlement l'a relevé sans être contredit, d'une part, l'avocate représentant le requérant au cours de la procédure disciplinaire a reçu, en juillet 1996, tous les procès-verbaux du conseil de discipline et, d'autre part, l'avocat le représentant devant le Tribunal a obtenu, à sa demande, accès à l'intégralité des dossiers de 1993, de 1995 et de 1996. Il faut en déduire que le principe d'égalité des armes consacré par la jurisprudence a été respecté en l'espèce (arrêt du Tribunal du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T-30/91, Rec. p. II-1775, point 83) et que le requérant a pu prendre connaissance de tous les éléments sur lesquels la décision attaquée a été fondée. Rien ne laisse supposer qu'un tel accès aurait été refusé avant la rédaction de la réclamation. Dans l'hypothèse où l'introduction de cette dernière n'aurait pas été précédée d'une consultation du dossier complet, le requérant doit lui-même en assumer la responsabilité.

61.
    Pour autant que le requérant a déclaré à l'audience que le Tribunal aurait lui-même dû avoir accès à l'ensemble du dossier administratif, il importe de rappeler qu'il n'incombait pas au Tribunal, en l'absence de demandes présentées en temps utile par le requérant en ce sens (voir ci-dessus point 21), de refaire, d'office et sur le fondement du dossier administratif, la procédure disciplinaire litigieuse.

62.
    Il convient d'ajouter que, aux termes de l'article 64, paragraphes 3, sous d), et 4, du règlement de procédure, le requérant aurait pu demander au Tribunal d'ordonner au Parlement de produire certains documents qui étaient en sa possession. Néanmoins, pour permettre au Tribunal de déterminer s'il était utile au bon déroulement de la procédure d'ordonner la production de tels documents,

le requérant aurait dû identifier les documents sollicités et fournir au Tribunal au moins un minimum d'éléments accréditant l'utilité de ces documents pour les besoins de l'instance (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe GmbH/Commission, C-185/95 P, non encore publié au Recueil, points 93 et 94). Or, de telles précisions n'ont pas été fournies par le requérant.

63.
    Quant aux moyens que le requérant a avancés pour la première fois dans sa réplique, il y a lieu de constater qu'ils sont irrecevables à un titre supplémentaire. Le requérant ayant eu accès au dossier complet avant l'introduction de sa requête, ces moyens portant sur des irrégularités de ce dossier ne sauraient aucunement être considérés comme s'étant révélés en cours d'instance. Il s'agit donc de nouveaux moyens présentés tardivement au sens de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure. Il en va de même, et à plus forte raison, en ce qui concerne l'argumentation, présentée par le requérant pour la première fois à l'audience, selon laquelle, d'une part, le Parlement aurait dû déposer plainte auprès des autorités nationales compétentes et, d'autre part, le Parlement aurait fait échec à l'instruction de sa plainte pour diffamation par le parquet belge.

64.
    Le requérant reproche également au conseil de discipline et à l'AIPN d'avoir rejeté le témoignage prétendument déposé en sa faveur par le directeur général du greffe. Toutefois, il suffit de constater que le réquérant n'a fourni aucune précision à propos de ce témoignage, ni quant à son contenu ni quant à sa date. Le requérant n'a même pas indiqué si ce témoignage avait eu lieu au cours de l'enquête administrative de 1993 ou des procédures prédisciplinaire ou disciplinaire de 1995 et 1996. Dans ces circonstances, le Parlement pouvait se limiter, pour réfuter l'affirmation du requérant, à alléguer que le conseil de discipline n'avait aucunement rejeté le témoignage du directeur général, mais qu'il l'avait pris en considération dans son appréciation globale. Par ailleurs, le requérant n'a pas contesté cette réfutation.

65.
    Quant au témoignage de M. H., le requérant a précisé qu'il s'agissait là d'une note établie le 15 juillet 1993. Il suffit donc de rappeler que l'enquête purement administrative organisée en 1993 est remise en cause par les résultats de la procédure disciplinaire proprement dite (voir ci-dessus point 29). Dans la mesure où le requérant conteste, dans ce contexte, les constatations faites sous m et o de l'avis de conseil de discipline, ce grief sera examiné ci-après dans le cadre de la question de savoir si l'AIPN est parvenue à établir la réalité des faits qui lui sont reprochés.

66.
    Il s'ensuit que les moyens pris de certaines irrégularités formelles des procédures prédisciplinaire et disciplinaire, notamment d'une violation des droits de la défense, doivent être écartés.

67.
    Par conséquent, le premier groupe de moyens tirés de plusieurs irrégularités dans le déroulement des procédures prédisciplinaire, disciplinaire et administrative litigieuses doit être rejeté dans son ensemble.

Quant aux moyens tirés du contenu prétendument illégal de la décision attaquée

Sur les moyens pris de la constatation erronée que le requérant n'avait pas contesté les faits reprochés

— Arguments des parties

68.
    Le requérant relève qu'il a formellement contesté les faits reprochés. A cet effet, son avocate aurait déposé, le 11 décembre 1995, une note de 21 pages réfutant point par point les accusations et les témoignages retenus contre lui (annexe 8 à la requête). Dans ce contexte, le requérant répète que la plupart des accusations ont été portées non pas par les prétendues victimes des agissements reprochés, mais par des tiers et que les «victimes» soit ne les ont pas confirmées, soit n'ont pas été interrogées à ce sujet, soit les ont formellement contestées.

69.
     A cet égard, il affirme, premièrement, que divers procès-verbaux font état de ce qu'il faisait régner un «climat de terreur» au sein du service courrier (procès-verbal du 10 février 1995 de la réunion du 30 janvier 1995 organisée dans le cadre de l'enquête administrative). Or, concernant ce prétendu climat de terreur, M. D. aurait déclaré, lors de son audition du 21 mars 1996, que «ce n'était pas de la terreur, non, mais l'anarchie».

70.
    Dans sa réplique, le requérant relève que ledit climat a exclusivement résulté du fait de la désorganisation générale du service en raison du manque notoire de personnel qualifié pour y faire face. Cette situation serait la faute de l'administration elle-même qui aurait dû prendre, en temps utile, les mesures nécessaires pour empêcher pareille dégradation au sein du service. Le requérant en conclut que, indépendamment de son comportement éventuellement inapproprié, l'AIPN a commis une erreur d'appréciation manifeste en retenant à sa charge les problèmes d'organisation du service courrier.

71.
    A l'audience, le requérant a encore fait état d'une carte postale qui lui aurait été adressée par Mme A. en 1993 et d'une télécopie qui lui aurait été adressée par MM. XB., D. et C. en 1991. Il a affirmé que la teneur amicale de ces messages excluait toute idée d'un climat de terreur qu'il aurait fait régner au sein de son service.

72.
    Deuxièmement, quant à la prétendue désorganisation du service du courrier des membres, il souligne, que le conseil de discipline a lui-même reconnu, au point t de son avis, avoir pris note «que la hiérarchie, s'appuyant principalement sur l'absence de plaintes répétées de la part des députés, est d'avis que le service du courrier a fonctionné de façon acceptable».

73.
    Troisièmement, sur la prétendue soustraction d'une partie du courrier destiné aux parlementaires, le conseil de discipline aurait relevé, au point w de son avis, «qu'il existe des indices du rejet d'une partie du courrier, sans qu'il y ait possibilité

d'établir ni l'ampleur ni la responsabilité de tels agissements de façon claire et conséquente». Le requérant en déduit que la procédure a été initiée à la suite de plaintes provenant, non pas des destinataires du courrier prétendument détourné, mais de tiers. L'administration n'aurait apparemment pas jugé utile d'entendre les victimes directes des agissements reprochés au requérant, ni de vérifier le bien-fondé de sa défense selon laquelle il est de pratique habituelle que le courrier refusé par les parlementaires retourne au service, qui doit procéder à sa destruction. Or, en l'absence de règlement quant à la procédure à suivre en cas de refus de courrier, le requérant aurait été livré à lui-même et tenu d'adopter, de sa propre initiative, des mesures propres à éviter le stockage illimité d'envois non retirés.

74.
    Quant à l'accusation de commerce de voitures, le requérant renvoie, quatrièmement, au témoignage de Mme F. qui a affirmé qu'un certain «Monsieur J. a également été associé à ce commerce et avait des ennuis avec la Police en raison d'un véhicule que Monsieur Z. avait garé près de chez lui et qu'on ne pouvait plus déplacer». Or, le conseil de discipline n'aurait pas procédé à l'interrogatoire de M. J. pour vérifier le bien-fondé de ces accusations.

75.
    Concernant l'accusation d'avoir vendu un véhicule à M. B., le requérant relève, cinquièmement, qu'aucune preuve n'a été avancée par le prétendu acheteur. Par ailleurs, le conseil de discipline aurait retenu, au point r de son avis, qu'«il n'est pas établi que le nombre de voitures vendues par le fonctionnaire incriminé excède ce qui est considéré comme normal dans la vie privée des fonctionnaires».

76.
    Le Parlement souligne que les trois premiers considérants de la décision attaquée, qui en constituent le fondement, résument les faits constatés lors de la procédure disciplinaire. Ni le requérant ni son avocate n'aurait nié, au cours de la procédure disciplinaire, certains points de l'accusation. Quant au «climat de terreur» dans le service du requérant, le Parlement déclare que ni la décision attaquée ni l'avis du conseil de discipline ne mentionne un tel climat. Selon le Parlement, le reste de l'argumentation du requérant dans ce contexte est contradictoire, dénué de pertinence ou tardif.

— Appréciation du Tribunal

77.
    A l'appui de son affirmation selon laquelle il a formellement contesté les faits reprochés, le requérant se réfère, en premier lieu, à une note déposée le 11 décembre 1995. Afin de déterminer la signification de cette note de contestation, il convient de retracer le déroulement de la procédure litigieuse. A cet égard, il y a lieu de rappeler que, le 31 août 1995, l'administration a transmis au conseil de discipline le dossier concernant le requérant, ce dossier étant essentiellement constitué par le rapport d'enquête du 2 juin 1995 qui comportait 16 pages et auquel étaient jointes 102 pages de dépositions fournies par 21 personnes. Ce n'est que le 18 décembre 1995 que le conseil de discipline a procédé à sa première

audition de témoins, suivie des auditions du 31 janvier, du 5 mars et du 23 avril 1996.

78.
    Il s'ensuit que la note de contestation du 11 décembre 1995 invoquée par le requérant ne pouvait pas être dirigée contre les travaux du conseil de discipline lui-même, ces travaux n'ayant pas encore commencé à cette date. La note devait nécessairement se limiter aux activités déployées antérieurement par l'administration, notamment au rapport d'enquête du 2 juin 1995 lequel constituait le point de départ de la procédure disciplinaire. Or, les résultats de la phase prédisciplinaire, purement administrative, sont remis en cause par ceux auxquels est parvenu le conseil de discipline — organe paritaire et neutre par rapport à l'administration (voir ci-dessus point 29) — au terme de la procédure disciplinaire contradictoire proprement dite. Le requérant n'invoquant aucune note ou déposition qu'il aurait présentée au cours de la procédure disciplinaire afin de contester les témoignages effectués devant le conseil de discipline ou les constatations auxquelles ce dernier est parvenu, le renvoi à la note du 11 décembre 1995 doit être rejeté comme inopérant.

79.
    Le requérant affirme, ensuite, que «la plupart des accusations» ont été portées non pas par les prétendues victimes des agissements reprochés mais par des tiers et que les victimes, soit ne les ont pas confirmées, soit n'ont pas été interrogées à ce sujet, soit les ont formellement contestées. Il suffit de comparer ces allégations imprécises avec les constatations factuelles figurant dans l'avis du conseil de discipline et dans la décision attaquée pour conclure que le requérant n'a avancé aucun élément concret de nature à renverser les constatations faites par le conseil de discipline et par l'AIPN.

80.
    Quant aux différents points particuliers soulevés par le requérant à l'appui de ce moyen, il convient de souligner, tout d'abord, que le prétendu reproche d'un «climat de terreur» qu'il aurait fait régner au sein de son service ne se trouve ni dans l'avis du conseil de discipline ni dans la décision attaquée. Par conséquent, toute l'argumentation développée par le requérant à cet égard doit être rejetée comme inopérante. Ni le conseil de discipline ni l'AIPN n'ayant retenu un tel reproche, il n'importe pas, pour le contrôle de la légalité de la décision attaquée, que l'un ou l'autre des témoins entendus au cours de la procédure disciplinaire ait fait état, à tort ou à raison, d'un tel climat.

81.
    Le requérant se réfère également, dans sa réplique, à la prétendue désorganisation générale du service, imputable à sa seule hiérarchie, qui aurait provoqué ledit climat de terreur. Cette argumentation relève, en vérité, du moyen tiré d'une coresponsabilité de l'administration. Elle doit, dès lors, être écartée du présent contexte.

82.
    En ce qui concerne, deuxièmement, le point soulevé par le requérant au sujet de la désorganisation du service du courrier, l'argument tiré du point t de l'avis de

conseil de discipline ne saurait être retenu, puisque le requérant a procédé à une lecture sélective et erronée de ce texte. Il n'a invoqué que le passage dans lequel le conseil de discipline «a pris note que la hiérarchie, s'appuyant principalement sur l'absence de plaintes répétées de la part des députés, est d'avis que le service du courrier a fonctionné de façon acceptable», tout en omettant de citer le passage subséquent dans lequel le conseil de discipline prend soin de relever «qu'il ressort, cependant, des témoignages entendus que des plaintes ont été déposées par les députés». Ainsi, le conseil de discipline, en se fondant sur les résultats de la procédure disciplinaire, réfute le point de vue défendu par la hiérarchie du requérant. Or, cette réfutation n'a pas été remise en question, en tant que telle, par le requérant, ni la constatation de portée plus générale du conseil de discipline sous «X. Désorganisation du service du courrier des membres 4. que les faits sous t, u et v montrent que le fonctionnaire incriminé ne s'est pas acquitté de ses tâches».

83.
    Dans la mesure où le requérant critique, troisièmement, le point w de l'avis du conseil de discipline, relatif à la soustraction d'une partie du courrier, il y a lieu de constater, d'une part, qu'il n'a pas nié, devant le Tribunal, avoir procédé, de temps en temps, à la destruction de courrier; il a même souligné qu'un tel «traitement» du courrier était nécessaire pour éviter l'encombrement du service. D'autre part, les faits mentionnés au point w n'ont été reprochés au requérant, ni par le conseil de discipline qui n'en fait pas état dans les parties XI et XII de son avis, ni par la décision attaquée qui, dans son premier considérant, se réfère généralement aux«problèmes dans l'organisation [du] service [du requérant], problèmes dus en partie à ses caprices fréquents». Ce passage se réfère manifestement aux seuls points t, u et v de l'avis du conseil de discipline, intitulés «désorganisation du service du courrier des membres». Il résulte de ce qui précède que l'argument relatif au point w doit, en tout état de cause, être rejeté comme inopérant.

84.
    Le requérant fait aussi grief au Parlement de ne pas s'être intéressé à un certain M. J. au cours de la procédure litigieuse. Il suffit de rappeler que la procédure disciplinaire a été dirigée contre le seul requérant. Dès lors, le comportement de M. J. ne serait pertinent pour l'examen de la légalité de la décision attaquée que dans la mesure où le Parlement aurait mis à la charge du requérant des responsabilités qui incombaient, en fait, à cette tierce personne (voir, en ce sens, l'arrêt Tzoanos/Commission, précité, point 358). Or, tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce, le requérant n'ayant d'ailleurs présenté aucune affirmation en ce sens. Par conséquent, cet argument ne saurait être retenu.

85.
    Enfin, quant à la vente d'une voiture à M. B., le Parlement l'a considérée, à juste titre, comme dénuée de pertinence. En effet, ce n'est pas la vente d'une voiture particulière à un acheteur déterminé qui a été retenue à l'encontre du requérant, mais — ainsi qu'il ressort du point r de l'avis du conseil de discipline — le fait d'avoir utilisé les infrastructures (fax et téléphone) du Parlement pour le commerce de véhicules d'occasion.

86.
         Il résulte de ce qui précède que les moyens visant la contestation des faits reprochés doivent être rejetés.

Sur les moyens pris du non-établissement de la réalité des faits reprochés

— Arguments des parties

87.
    Le requérant estime que le Parlement a commis une erreur d'appréciation en considérant les faits retenus à sa charge comme suffisamment établis pour justifier la sanction disciplinaire litigieuse. La décision attaquée aurait été adoptée en méconnaissance flagrante des incohérences entachant la procédure d'enquête et notamment de nombreuses contradictions dans les témoignages; en tout état de cause, elle aurait été adoptée essentiellement sur la base de témoignages indirects et de rumeurs non confirmées par des preuves tangibles. Il ajoute que le conseil de discipline a fondé son avis exclusivement sur de simples déclarations sans aucun commencement de preuves.

88.
    Il souligne, en outre, les contradictions manifestes entre les griefs retenus par l'avis du conseil de discipline et la décision attaquée, d'une part, et les excellents rapports de notation dont il a fait l'objet, notamment, pour la période 1993/1994, d'autre part. Ces rapports ne contiendraient aucune critique relative à son comportement dans le service. Il y aurait lieu de constater, dès lors, l'assentiment formel de sa hiérarchie à sa façon de diriger le service courrier.

89.
    Le requérant renvoie, enfin, à la décision explicite de rejet de sa réclamation qui comporte le passage suivant: «Si vous avez contesté l'accusation de harcèlement sexuel, en revanche vous n'avez jamais nié avoir eu le comportement qui vous est reproché et qui seul a justifié votre rétrogradation, comportement qualifié par le conseil de discipline et par [l'AIPN] de vexatoire, insultant, dégradant, arbitraire». Il en conclut que seul le grief tiré d'un prétendu comportement vexatoire envers ses collègues a été retenu par l'AIPN pour l'adoption de la décision attaquée. Ainsi, le Parlement aurait reconnu que tous les autres griefs avaient été abandonnés faute de preuves. Or, les principales victimes de ce prétendu comportement vexatoire seraient Mme A., dont le témoignage a été reconnu comme peu fiable par le conseil de discipline, et M. XB., qui a nié lors de son audition les agissements dont il aurait été victime.

90.
    A cet égard, le requérant précise que M. XB. a déclaré, lors de son audition du 14 février 1995, qu'il avait joué à imiter le chien à deux reprises, alors que l'ensemble des témoignages laisse penser qu'il s'agissait d'un jeu quotidien. Par ailleurs, M. XB. aurait formellement nié que le requérant ait procédé à des attouchements sexuels.

91.
    Le conseil de discipline aurait rejeté le témoignage de la prétendue victime du harcèlement sexuel, Mme A., en raison de la relation amoureuse alléguée par le

requérant. Le conseil de discipline aurait, toutefois, refusé de vérifier les éléments de preuve avancés par le requérant pour sa défense. En revanche, sans donner la moindre justification, il aurait retenu le seul témoignage de Mme G., laquelle n'a jamais travaillé dans le service du requérant, pour fonder la soi-disant menace de défavoriser professionnellement Mme A., si cette dernière n'acceptait pas les avances sexuelles de celui-ci. Cette décision serait incohérente dans la mesure où le conseil de discipline a écarté le grief de harcèlement sexuel sur la base, notamment, du témoignage de la même Mme G. et de la relation amoureuse entre les protagonistes. Ce serait donc à tort que l'AIPN a retenu ce grief, pourtant écarté par le conseil de discipline, pour justifier la sanction disciplinaire attaquée.

92.
    A l'audience, le requérant a ajouté que Mme A. lui donnait régulièrement les clés de sa maison, lorsqu'elle était en vacances, ce qui prouverait qu'elle n'était aucunement terrorisée par lui. En outre, Mme A. appartiendrait à une famille belge de grande renommée et d'influence considérable; son mari serait avocat. Ces éléments familiaux suffiraient, à eux seuls, à démontrer que Mme A. n'était pas une personne démunie face à des pressions exercées sur elle.

93.
    Dans sa réplique, le requérant se réfère, encore, à plusieurs témoignages de MM. K., B., C. et D. Il considère que ces témoignages démontrent la faiblesse des accusations retenues par le conseil de discipline et par l'AIPN.

94.
    Le Parlement soutient que la requête comporte toute une série d'allégations incompréhensibles (voir ci-dessus point 87) qui doivent être qualifiées d'irrecevables, étant donné qu'elles ne lui permettent pas de préparer sa défense.

95.
    Pour autant que le requérant entend tirer argument de la décision explicite de rejet de sa réclamation, le Parlement souligne que l'objet de la présente affaire est le seul acte faisant grief, à savoir la décision attaquée, et non pas la décision du 20 mai 1997 contenant le rejet explicite de la réclamation. Par ailleurs, le comportement vexatoire du requérant à l'égard de ses subordonnés aurait été d'une telle gravité qu'il aurait suffi, à lui seul, à justifier la décision disciplinaire finalement prise.

96.
    Le Parlement admet qu'il existe une certaine contradiction entre le résultat de la procédure disciplinaire et la notation du requérant pour la période 1993/1994. Il estime toutefois que cette contradiction n'est pas pertinente pour la présente affaire.

97.
    Enfin, dans la mesure où le requérant tente de minimiser l'importance du «jeu du chien» en se référant au témoignage de M. XB., le Parlement rétorque que ce n'est pas le témoignage de la seule personne concernée par un traitement humiliant qui compte, mais l'appréciation qu'a eue le conseil de discipline de ce comportement.

— Appréciation du Tribunal

98.
    Il y a lieu de constater que le requérant présente, dans sa requête, une série d'allégations générales (voir ci-dessus point 87) qui, ainsi que le Parlement l'a remarqué avec raison, ne sont étayées par aucune indication précise de faits ni par aucun élément de preuve sous la forme, par exemple, d'un renvoi à des notes, dépositions ou procès-verbaux rédigés au cours de la procédure disciplinaire ou à d'autres éléments de preuve. Par conséquent, de simples allégations ne sont pas de nature à remettre en question les constatations factuelles effectuées par le conseil de discipline et par l'AIPN au terme de la procédure disciplinaire et fondées notamment sur des témoignages concrets.

99.
    Il en va de même pour ce qui est des déclarations de MM. K., B., C. et D. invoquées par le requérant dans sa réplique (voir ci-dessus point 93). Le requérant cite dans quatre résumés très brefs (une seule page au total) les déclarations prétendument faites par M. K. au sujet de la plainte de MM. B., C. et D., par M. B. concernant le trafic de voitures, la soustraction de courrier et le «jeu du chien», par M. C. relatives au harcèlement sexuel, au commerce de voitures et au climat de terreur ainsi que par M. D. à propos du «jeu du chien», au harcèlement sexuel, au commerce de voitures et à la soustraction du courrier des députés. Aucune de ces prétendues déclarations n'est rattachée au dossier administratif, prédisciplinaire ou disciplinaire et le requérant n'a versé aucun procès-verbal d'audition au dossier juridictionnel afin d'établir leur authenticité. Le requérant n'a pas non plus proposé au Tribunal d'entendre ces personnes. L'argument du requérant tiré desdites déclarations doit, dès lors, être écarté.

100.
    Quant aux contradictions entre les rapports de notation du requérant et le résultat de la procédure disciplinaire litigieuse, il y a lieu de relever, ainsi qu'il a été constaté ci-dessus (point 29), que le conseil de discipline constitue un organe neutre vis-à-vis du fonctionnaire concerné et de l'administration. En outre, l'AIPN compétente en matière disciplinaire n'est pas identique à la hiérarchie immédiate du fonctionnaire noté, c'est-à-dire aux premier et second notateurs. Enfin, la procédure disciplinaire devant le conseil de discipline, sur la base de laquelle l'AIPN adopte sa décision finale, se déroule selon des règles formelles qui assurent le respect du principe du contradictoire. Il résulte de ce qui précède que les rapports de notation du requérant ne sauraient suffire à remettre en cause les faits établis par le conseil de discipline.

101.
         En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que l'AIPN a effectivement tenu compte des rapports de notation du requérant, et cela en faveur de ce dernier au titre de circonstances atténuantes. En effet, eu égard au «caractère positif de l'appréciation portée par ses supérieurs hiérarchiques sur ses prestations dans ses rapports de notation établis pendant la période de référence, alors que les faits leur étaient partiellement connus», elle a atténué la sanction de révocation proposée par le conseil de discipline (cinquième considérant de la décision attaquée). Par

conséquent, l'argumentation du requérant relative à ses rapports de notation ne saurait être accueillie.

102.
    Dans la mesure où le requérant allègue une contradiction entre la décision attaquée et la décision du 20 mai 1997 portant rejet de sa réclamation, en ce que cette dernière décision aurait abandonné tous les griefs à l'exception de celui tiré d'un comportement vexatoire envers ses collègues, il s'avère, à la lecture de la décision du 20 mai 1997, que la réclamation du requérant a été entièrement rejetée. Par conséquent, la décision attaquée a été maintenue dans sa totalité. Dans cette optique, le passage invoqué par le requérant — «le comportement qui vous est reproché et qui seul a justifié votre rétrogradation, comportement qualifié [...] de vexatoire, insultant, dégradant, arbitraire» — peut être interprété en ce sens que, même si les faits reprochés au requérant n'avaient consisté qu'en ce seul comportement, la sanction disciplinaire aurait pu être la même puisque la gravitéde ce comportement était considérée comme suffisante. Ainsi, cette prise de position ne démontre pas un abandon des autres griefs retenus à l'encontre du requérant mais plutôt la clémence de l'AIPN qui s'est contentée d'une rétrogradation, bien que le comportement vexatoire du requérant n'ait pas été l'unique grief retenu à sa charge.

103.
    Il convient d'ajouter que le présent recours n'a pas été formellement dirigé contre la réclamation. Par conséquent, c'est à plus forte raison que trouve application la jurisprudence selon laquelle le recours, même dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le Tribunal du seul acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (arrêt du 10 décembre 1992, Williams/Cour des comptes, T-33/91, Rec. p. II-2499, point 23). Or, l'acte faisant grief, à savoir la décision attaquée, ne s'est pas contenté de retenir à l'encontre du requérant le seul grief tiré de son comportement vexatoire. Il s'ensuit que l'argumentation du requérant doit être écartée.

104.
    Le requérant conteste encore la gravité de son comportement envers M. XB. Dans la mesure où il invoque notamment une déclaration de ce dernier du 14 février 1995, il suffit de rappeler que cette déclaration a été faite lors de la procédure prédisciplinaire dont les résultats sont remis en cause par les constatations du conseil de discipline (voir ci-dessus point 29). Or, le conseil de discipline a estimé que le «jeu du chien» avait eu lieu plus de deux fois en retenant d'autres témoignages que celui du second protagoniste de ce jeu, M. XB., qui avait un intérêt compréhensible à minimiser sa participation à ces pratiques humiliantes. Le requérant n'a avancé aucun élément susceptible d'établir que ces autres témoignages n'étaient pas dignes de foi. Quant aux attouchements sexuels, ils sont démontrés par les témoignages de MM. XB. et YB., joints en annexes III et V au mémoire en défense. L'argumentation du requérant sur ces points ne saurait, dès lors, non plus être retenue.

105.
    Pour autant que le requérant souligne le caractère peu fiable du témoignage de Mme A., il suffit de rappeler que ni le conseil de discipline ni l'AIPN n'a retenu ce

témoignage contre lui. L'argumentation du requérant est donc dénuée de pertinence.

106.
    Enfin, quant à la prétendue incohérence dans les constatations du conseil de discipline relatives au harcèlement sexuel envers Mme A., il y a lieu de souligner que l'avis du conseil de discipline, comme il ressort de son point m, n'est pas fondé sur le seul témoignage de Mme G., mais fait état de «témoignages concordants de Mme G. et de Mme F.» en ce qui concerne le comportement intimidant et insultant à connotation sexuelle du requérant envers Mmes A. et F.. Si le conseil de discipline estime donc, sous VIII, 2, que, «en relation avec l'accusation et les faits établis sous m, il subsiste un doute sur la réaction de Mme A. dont devrait bénéficier le fonctionnaire incriminé», cette réserve ne concerne pas le reproche, formulé sous m, à l'égard de Mme F.

107.
    Il convient d'ajouter que le reproche mentionné sous o, selon lequel le requérant «a menacé Mme A. de la défavoriser professionnellement, si elle n'acceptait pas ses avances sexuelles», est, certes, basé sur le seul témoignage de Mme G. Le requérant n'a toutefois ni établi, devant le Tribunal, que Mme G. avait menti, ni exposé les raisons pour lesquelles elle aurait fait une déposition mensongère. Il n'a notamment pas demandé, en application de l'article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure, que Mme A. soit entendue comme témoin pour réfuter la version des faits relatée par Mme G. ou que cette dernière comparaisse également comme témoin devant le Tribunal. Il s'ensuit que l'argumentation du requérant sur ce point ne saurait davantage être retenue.

108.
    En tout état de cause, la décision attaquée, qui fait seul l'objet du présent recours, ne retient nulle part le terme «harcèlement sexuel» et ne reproche pas expressément au requérant d'avoir menacé Mme A. de la défavoriser professionnellement si elle n'acceptait pas ses avances sexuelles. Cette décision se limite à retenir les griefs, couverts par les témoignages concordants de Mme G. et de Mme F., selon lesquels le requérant a eu «un comportement intimidant et insultant dans la mesure où très souvent ses remarques avaient un caractère sexuel et dégradant». L'AIPN a donc considérablement atténué les reproches formulés par le conseil de discipline sous la rubrique du harcèlement sexuel.

109.
    Il résulte de ce qui précède que les moyens pris du non-établissement de la réalité des faits reprochés et de l'absence de détermination temporelle de certains de ces faits doivent être rejetés.

Sur les moyens pris d'une coresponsabilité de l'administration et du caractère excessif de la sanction disciplinaire infligée

— Arguments des parties

110.
         Le requérant reproche à l'AIPN de l'avoir affecté à un emploi ne correspondant ni à son grade ni à sa formation et à son expérience professionnelle. Bien qu'informée dès 1993 des problèmes de fonctionnement au service courrier, l'AIPN n'aurait adopté aucune mesure propre à y remédier. Le requérant aurait joué le rôle de bouc émissaire d'un service dont la structure imposée par la hiérarchie ne pouvait engendrer que frustration et révolte au sein du personnel. Par conséquent, le requérant, qui n'avait été informé de quelque reproche que ce soit, n'aurait pu remettre spontanément en question sa manière d'assumer ses responsabilités qui relevaient normalement de la compétence de fonctionnaires de la catégorie supérieure. Ce serait donc en violation flagrante de l'article 24 du statut que l'AIPN ne lui a assuré ni la formation ni l'encadrement indispensables. Le requérant en conclut que, eu égard aux circonstances largement atténuantes retenues en sa faveur, le Parlement ne justifie pas la sévérité de la décision attaquée.

111.
    A l'audience, le requérant a encore souligné la gravité de la sanction infligée, en soutenant qu'une telle sanction extrêmement lourde ne pouvait être prononcée que si l'AIPN était parvenue à établir formellement la matérialité des faits reprochés, ce qui, de l'avis du requérant, n'avait pas été le cas en l'espèce.

112.
    Le Parlement rétorque que les qualifications professionnelles du requérant n'ont pas fait l'objet de la procédure disciplinaire. Cette dernière aurait concerné le comportement critiquable que le requérant a démontré à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. Si l'AIPN a pu surestimer les capacités du requérant pour exercer ses fonctions, elle l'aurait, toutefois, directement rattaché à un administrateur qualifié qui était l'assistant du directeur général et qui avait des responsabilités hiérarchiques dans le service du courrier. Par ailleurs, l'AIPN aurait considéré que la responsabilité de la hiérarchie du requérant dans la désorganisation du service était partiellement engagée, ce qui constituait des circonstances atténuantes pour le requérant.

— Appréciation du Tribunal

113.
    Il y a lieu de rappeler que la réalité des faits retenus à la charge du requérant a été établie et que les arguments du requérant ont été rejetés. Or, selon une jurisprudence constante, lorsque la réalité des faits retenus à la charge du fonctionnaire est établie, le choix de la sanction disciplinaire adéquate appartient à la seule AIPN, le juge communautaire ne pouvant censurer ce choix, à moins que la sanction infligée ne soit manifestement disproportionnée par rapport aux faits relevés (voir, par exemple, l'arrêt Tzoanos/Commission, précité, point 352, et l'arrêt du Tribunal du 17 février 1998, E/CES, T-183/96, RecFP p. II-159, point 58). Il est également de jurisprudence bien établie que la détermination de la sanction est fondée sur une évaluation globale par l'AIPN de tous les faits concrets et les circonstances propres à chaque cas individuel, les articles 86 à 89 du statut ne prévoyant pas de rapport fixe entre les différentes sortes de manquements commis par les fonctionnaires et ne précisant pas dans quelle mesure l'existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit intervenir dans le choix de la

sanction. Le Tribunal en a déduit que son examen se trouve limité à la question de savoir si la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes par l'AIPN a été effectuée de façon proportionnée, étant précisé que, lors de cet examen, le Tribunal ne peut pas se substituer à l'AIPN quant aux jugements de valeur portés à cet égard par celle-ci (arrêt Tzoanos/Commission, précité, point 352, et la jurisprudence citée).

114.
    Ceci étant relevé, il convient de constater que le requérant ne reproche pas à l'administration d'avoir directement ou indirectement participé aux actes concrètement retenus à sa charge par le conseil de discipline et par l'AIPN, à savoir au comportement vexatoire (notamment au «jeu du chien») et au commerce de voitures. Il ne fait grief à sa hiérarchie que de l'avoir placé dans une situation qui lui aurait permis de se livrer à ces agissements et d'avoir toléré que cette situation perdure plusieurs années, sans lui assurer l'encadrement nécessaire à l'exercice de ses fonctions.

115.
    Cela est également vrai pour autant que la décision attaquée reproche au requérant d'avoir «provoqué des problèmes dans l'organisation de son service, problèmes dus en partie à ses caprices fréquents». En effet, le requérant ne conteste pas avoir été, à l'époque en cause, le responsable direct du service concerné. Il ne nie pas davantage qu'il y a eu, dans sa sphère de responsabilité, des problèmes d'organisation «dus à ses caprices fréquents». L'éventuelle responsabilité de ses supérieurs hiérarchiques, au titre d'une absence de contrôle et d'intervention afin d'assurer le bon fonctionnement du service, n'est pas susceptible d'exonérer le requérant de sa propre responsabilité ( voir, en ce sens, l'arrêt Tzoanos/Commission, précité, point 330).

116.
    A la lumière des principes jurisprudentiels susmentionnés, il s'avère donc que le moyen tiré d'une certaine coresponsabilité de l'administration dans les manquements commis par le requérant ne porte pas sur la réalité de ces manquements, mais se confond, au titre d'éventuelles circonstances atténuantes, avec la question de la proportionnalité de la sanction disciplinaire litigieuse. Dès lors, il suffit de rappeler que l'AIPN a effectivement tenu compte, précisément à ce titre, du fait que les manquements commis par le requérant étaient partiellement connus de ses supérieurs hiérarchiques. Pour cette raison, l'AIPN a atténué la sanction de révocation proposée par le conseil de discipline; en outre, l'AIPN a pris en considération, également au titre de circonstances atténuantes, «le grade de l'intéressé au regard des responsabilités exercées» (cinquième et sixième considérants de la décision attaquée). Par ailleurs, en rétrogradant le requérant du grade C 1, échelon 8, au grade C 5, échelon 1, l'AIPN n'a pas procédé à la rétrogradation la plus sévère possible, soit au grade D 4, échelon 1.

117.
    Dans ces circonstances, le requérant n'est parvenu à présenter aucun élément susceptible d'établir une erreur manifeste, un détournement de pouvoir ou le caractère manifestement disproportionné de la sanction infligée par rapport aux

faits relevés à sa charge. Par conséquent, les moyens pris d'une coresponsabilité de l'administration et d'une violation du principe de proportionnalité ne sauraient être accueillis.

118.
    Par conséquent, le second groupe de moyens tirés du contenu prétendument illégal de la décision attaquée doit être rejeté dans son ensemble.

119.
    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

120.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en ses moyens et le Parlement ayant conclu à ce que le Tribunal statue sur les dépens comme de droit, chacune des parties supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)     Chacune des parties supportera ses propres dépens.

Vesterdorf
Pirrung
Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 mai 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: le français.