Language of document : ECLI:EU:T:2023:706

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

8 novembre 2023 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises en raison de la situation en Biélorussie – Gel des fonds – Restrictions en matière d’admission sur le territoire des États membres – Maintien du nom du requérant sur les listes des personnes, des entités et des organismes concernés – Erreur d’appréciation »

Dans l’affaire T‑245/21,

Mikalai Mikalevich Varabei, demeurant à Novopolotsk (Biélorussie), représenté par Mes G. Kremslehner, H. Kühnert et P. Doralt, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes T. Haas et S. Van Overmeire, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, J. Laitenberger et Mme M. Stancu (rapporteure), juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

vu la mesure d’organisation de la procédure du 13 octobre 2022 et la réponse du requérant déposée au greffe du Tribunal les 15 novembre 2022 et 7 mars 2023,

à la suite de l’audience du 7 mars 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, M. Mikalai Mikalevich Varabei, demande l’annulation de la décision (PESC) 2021/353 du Conseil, du 25 février 2021, modifiant la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2021, L 68, p. 189), et du règlement d’exécution (UE) 2021/339 du Conseil, du 25 février 2021, mettant en œuvre l’article 8 bis du règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2021, L 68, p. 29), en tant que ces actes (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») le concernent.

 Antécédents du litige

2        Le requérant est un homme d’affaires en Biélorussie.

3        La présente affaire s’inscrit dans le cadre des mesures restrictives adoptées, depuis 2004, en raison de la situation en Biélorussie en ce qui concerne la démocratie, l’État de droit et les droits de l’homme. Ainsi qu’il ressort des considérants de la décision d’exécution (PESC) 2020/2130 du Conseil, du 17 décembre 2020, mettant en œuvre la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2020, L 426 I, p. 14) et du règlement d’exécution (UE) 2020/2129 du Conseil, du 17 décembre 2020, mettant en œuvre l’article 8 bis, paragraphe 1, du règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2020, L 426 I, p. 1), elle est plus spécifiquement liée à l’intensification de la violation persistante des droits de l’homme ainsi que de la répression exercée de manière brutale à l’encontre des opposants au régime du président Lukashenko à la suite des élections présidentielles du 9 août 2020, lesquelles ont été jugées incompatibles avec les normes internationales par l’Union européenne.

4        Le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 18 mai 2006, sur le fondement des articles [75 et 215 TFUE], le règlement (CE) no 765/2006, concernant des mesures restrictives à l’encontre du président Lukashenko et de certains fonctionnaires de Biélorussie (JO 2006, L 134, p. 1), et, le 15 octobre 2012, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2012/642/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2012, L 285, p. 1).

5        Le critère sur le fondement duquel ont été adoptées les mesures restrictives individuelles à l’égard du requérant est prévu, d’une part, à l’article 3, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642 et, d’autre part, à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de ladite décision, de même qu’à l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 765/2006, dans leurs versions en vigueur au moment de l’adoption des actes attaqués.

6        L’article 3, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642 prévoit l’interdiction d’entrée et de passage en transit sur le territoire de l’Union européenne aux personnes qui profitent du régime du président Lukashenko ou le soutiennent.

7        L’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642 et l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 765/2006, la dernière disposition renvoyant à la première, prévoient le gel de tous les fonds et ressources économiques des personnes physiques ou morales, entités ou organismes qui profitent du régime  du président Lukashenko  ou le soutiennent, ainsi que des personnes morales, entités ou organismes qu’ils détiennent ou contrôlent.

8        Par la décision d’exécution 2020/2130 et le règlement d’exécution 2020/2129, le nom du requérant a été inscrit sur les listes des personnes, entités et organismes visés par les mesures restrictives qui figurent à l’annexe de la décision 2012/642 et à l’annexe I du règlement no 765/2006 (ci-après, prises ensemble, les « listes en cause »).

9        Dans ces actes, le Conseil a justifié l’adoption des mesures restrictives visant le requérant en l’identifiant comme « [h]omme d’affaires, copropriétaire [de Bremino‑Grupp] » et par les motifs suivants :

« Il est l’un des principaux hommes d’affaires opérant en Biélorussie, avec des intérêts financiers dans les secteurs du pétrole, du transit de charbon et de la banque, notamment.

Il est copropriétaire [de Bremino‑Grupp], société qui a bénéficié d’allègements fiscaux et d’autres formes de soutien de la part de l’administration biélorusse.

À ce titre, il tire profit du régime [du président Lukashenko] et le soutient ».

10      Par lettre du 8 février 2021, le requérant a demandé au Conseil de lui communiquer tous les documents et éléments de preuve étayant ladite inscription.

11      Le 18 février 2021, le Conseil a communiqué au requérant les documents portant respectivement les références WK 13842/2020 INIT, WK 14796/2020 EXT 4 et WK 2134/2021 INIT.

12      Par les actes attaqués, les mesures restrictives appliquées au requérant ont été maintenues jusqu’au 28 février 2022, les motifs justifiant ce maintien étant les suivants :

« Il est l’un des principaux hommes d’affaires opérant en Biélorussie, avec des intérêts financiers dans les secteurs du pétrole, du transit de charbon et de la banque, notamment.

Il est copropriétaire [de Bremino‑Grupp], société qui a bénéficié d’allègements fiscaux et d’autres formes de soutien de la part de l’administration biélorusse.

Il tire donc profit du régime [du président Lukashenko] et le soutient ».

13      Par lettre du 26 février 2021, le Conseil a informé le requérant de l’adoption des actes attaqués.

 Conclusions des parties

14      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués en tant qu’ils le concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

15      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les actes attaqués en tant qu’ils concernent le requérant, ordonner le maintien des effets de la décision 2021/353 jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2021/339 prenne effet.

 En droit

 Sur le moyen unique tiré d’erreurs d’appréciation

16      Dans le cadre de son moyen unique, le requérant fait valoir, en substance, que ni les allégations du Conseil relatives à ses activités dans divers secteurs économiques en Biélorussie ni celles visant la société à responsabilité limitée de droit biélorusse Bremino‑Grupp ne démontrent qu’il tire profit du régime du président Lukashenko et le soutient. Interrogé à cet égard lors de l’audience, le requérant a précisé qu’il n’entendait pas invoquer de moyen tiré d’une insuffisance de motivation des actes attaqués en ce qu’ils le concernent, et que ses arguments se rattachent plutôt à une insuffisance de preuves.

17      Le Conseil conteste l’argumentation du requérant.

18      À titre liminaire, il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige notamment que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne ou d’une entité sur les listes de personnes visées par des mesures restrictives, le juge de l’Union s’assure que cette décision, qui revêt une portée individuelle pour cette personne ou cette entité, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

19      Il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée).

20      C’est, en effet, à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

21      Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

22      Une telle appréciation doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 12 février 2020, Kanyama/Conseil, T‑167/18, non publié, EU:T:2020:49, point 93 et jurisprudence citée).

23      En outre, le juge de l’Union peut aussi se fonder, tant à charge qu’à décharge, sur un élément produit par le requérant au cours de la procédure judiciaire. En effet, le fait qu’un élément ait été communiqué en tant qu’élément à décharge par la personne visée par les mesures restrictives n’empêche pas que cet élément lui soit éventuellement opposé pour constater le bien-fondé des motifs sous-tendant les mesures restrictives prises à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑166/18, non publié, EU:T:2020:50, point 124 et jurisprudence citée).

24      Enfin, quant à la fiabilité et à la force probante des éléments de preuve, y compris ceux provenant de sources numériques, il convient de rappeler que l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de libre appréciation des preuves et que le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 224, et du 12 février 2020, Kande Mupompa/Conseil, T‑170/18, EU:T:2020:60, point 107 (non publié)].

25      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de vérifier si, en l’espèce, les motifs de maintien du nom du requérant sur les listes en cause reposent sur un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir qu’il tire profit du régime du président Lukashenko et le soutient.

26      Ainsi qu’il ressort des points 8 à 12 ci-dessus, le nom du requérant a été inscrit et, ensuite, maintenu sur les listes en cause au motif qu’il est l’un des principaux hommes d’affaires opérant en Biélorussie qui, d’une part, a notamment des intérêts financiers dans les secteurs du pétrole, du transit de charbon et de la banque et, d’autre part, est copropriétaire de Bremino‑Grupp, société qui a bénéficié d’allègements fiscaux et d’autres formes de soutien de la part de l’administration biélorusse, et que, à ce titre, il tire profit du régime du président Lukashenko et le soutient.

27      Il convient donc d’examiner si les éléments factuels fondant le motif susmentionné sont établis et si le Conseil n’a pas commis d’erreur d’appréciation en retenant, sur la base desdits éléments, que, au moment de l’adoption des actes attaqués, le requérant tirait profit du régime du président Lukashenko et soutenait celui-ci au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous b), et de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642 ainsi que de l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 765/2006.

 Sur l’appréciation selon laquelle le requérant serait l’un des principaux hommes d’affaires opérant en Biélorussie, avec des intérêts financiers notamment dans les secteurs du pétrole, du transit de charbon et de la banque

28      Il importe de souligner, d’abord, que le requérant ne conteste pas être un important homme d’affaires en Biélorussie ayant des intérêts financiers notamment dans les secteurs du pétrole, du transit de charbon et de la banque. Toutefois, il fait valoir, en substance, que ses intérêts financiers dans les secteurs du pétrole, du transit de charbon et de la banque en Biélorussie ne justifient pas la conclusion selon laquelle il tire profit du régime du président Lukashenko et le soutient. En effet, ses activités économiques dans lesdits domaines, soit auraient beaucoup diminué au fil du temps, soit auraient toujours été réduites.

29      En ce qui concerne l’ampleur des intérêts financiers du requérant dans lesdits secteurs, en premier lieu, il convient de relever que, dans le secteur du pétrole, il exerce ses activités principalement par l’intermédiaire de son entreprise Interservice, dont il ne conteste pas être le propriétaire.

30      Ainsi qu’il ressort de l’entretien donné par le requérant au média « tut.by » en avril 2019, qui a donné lieu à l’article présenté en tant qu’élément de preuve no 4 du document WK 2134/2021 INIT, Interservice est active dans le secteur de l’importation et l’exportation du pétrole en Biélorussie depuis plus de 20 ans et elle était, comme le requérant l’a déclaré dans ledit entretien, « plus active dans ses activités » à la date de cet entretien. En outre, les éléments de preuve nos 5 et 8 du même document attestent que, depuis 2012, Interservice détient également une raffinerie de pétrole en Biélorussie. Enfin, ainsi qu’il ressort des éléments de preuve nos 4 et 7 du document WK 2134/2021 INIT, Interservice est propriétaire de l’entreprise Oil Bitumen Plant et détient 75 % des actions de l’entreprise New Oil Company.

31      L’entreprise New Oil Company, dont 75 % des actions sont détenues par Interservice et 25 % par les chemins de fer biélorusses et la Banque de développement de Biélorussie, a conclu un partenariat public-privé avec l’entreprise d’État Belarusian Oil Company, détentrice jusqu’alors du monopole des exportations de produits pétroliers issus des raffineries nationales biélorusses Naftan et Mozyr. En effet, il ressort des éléments de preuve présentés par le Conseil, en particulier d’un article de presse du 16 octobre 2020 présenté à titre d’élément de preuve no 7 dans le document WK 2134/2021 INIT, que New Oil Company a été autorisée à exporter de tels produits en partenariat avec Belarusian Oil Company. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient le requérant, New Oil Company ne saurait être considérée comme ayant une activité d’exportation de produits pétroliers « très limitée » en Biélorussie.

32      L’entreprise Oil Bitumen Plant a acquis une part majoritaire, à hauteur de 51 %, du capital de l’oléoduc « Samara – direction ouest » reliant la Russie à l’Ukraine via la Biélorussie, en partie détenu par la société ukrainienne PrykarpatZakhidTrans. Cette acquisition a été autorisée en mars 2019 et était destinée à faciliter davantage le transport du pétrole depuis les raffineries nationales biélorusses Mozyr et Naftan vers l’Ukraine ainsi que vers d’autres pays d’Europe dans le futur, ainsi qu’il ressort des affirmations du requérant dans l’entretien mentionné au point 30 ci-dessus.

33      À cet égard, le requérant soutient qu’il n’était plus impliqué, à la date des actes attaqués, dans l’oléoduc « Samara – direction ouest », en raison de la réquisition de ce dernier par l’État ukrainien. Toutefois, il convient de constater que l’article de presse qu’il a présenté en annexe C.6 à la réplique n’étaye pas cette allégation. En effet, cet article daté du 24 février 2021 fait référence à la décision de réquisitionner « une partie » de l’oléoduc et mentionne uniquement la société ukrainienne PrykarpatZakhidTrans, sans aucune mention de la partie du capital appartenant à Oil Bitumen Plant. En outre, il y a lieu de relever que l’article mentionne des mesures prises par les autorités ukrainiennes en vue de transférer l’ensemble de l’installation dudit oléoduc sous le contrôle d’une entreprise publique ukrainienne, sans toutefois préciser la date à laquelle devrait intervenir un tel transfert. Enfin, et en tout état de cause, il importe de constater que, même si l’allégation du requérant selon laquelle il n’était plus impliqué, à la date des actes attaqués, dans l’oléoduc « Samara – direction ouest » était étayée par les éléments de preuve qu’il a présentés, cela ne permettrait pas de conclure que le Conseil a commis une erreur d’appréciation en considérant que le requérant avait des intérêts financiers dans le secteur du pétrole, dès lors que, ainsi qu’il ressort des points 30 et 31 ci-dessus, ses intérêts dans ce secteur ne se limitent pas à l’implication d’Oil Bitumen Plant dans ledit oléoduc.

34      Dès lors, les éléments de preuve du Conseil démontrent que les activités du requérant dans le secteur du pétrole en Biélorussie ne sont pas réduites. En effet, contrairement à ce qu’allègue le requérant, non seulement Interservice ne s’est pas retirée du secteur de l’importation et de l’exportation de pétrole en Biélorussie, mais, au contraire, par le biais de sa participation dans d’autres entreprises, Interservice, et donc le requérant, a davantage développé l’ampleur, déjà importante, de ses activités dans le secteur du pétrole.

35      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’allégation du requérant relative aux pertes qu’Interservice aurait subies entre janvier 2020 et juin 2021.

36      En effet, d’une part, force est de constater que les comptes de profits et de pertes d’Interservice, produits par le requérant en annexes C.1 et C.2 à la réplique pour les périodes allant, respectivement, de janvier à décembre 2020 et de janvier à juin 2021 ne sont pas pertinents, dès lors que ces comptes concernent uniquement les activités de cette entreprise dans le commerce de gros de charbon et de lignite. Or, ainsi qu’il ressort des points 31 à 34 ci-dessus, Interservice exerce également des activités dans le secteur du pétrole par le biais de sa participation dans les entreprises Oil Bitumen Plant et New Oil Company.

37      D’autre part, la fiabilité des documents présentés par le requérant à l’appui de ses allégations est également affaiblie dans la mesure où les informations contenues dans les différentes rubriques de ces documents ne se corroborent pas. Ainsi, le requérant affirme que les recettes d’Interservice, en 2020, se seraient élevées à environ 49,85 millions de roubles biélorusses (BYN) (soit 17,95 millions d’euros) et qu’elle aurait enregistré des pertes d’exploitation d’environ 27,37 millions de BYN (soit 9,86 millions d’euros). Toutefois, il convient de constater que le premier montant mentionné par le requérant correspond, dans le compte de profits et de pertes d’Interservice de l’année 2020, aux recettes provenant exclusivement des ventes de produits, de biens, de travaux et de services alors que le second figure sous la rubrique « bénéfice (perte) des activités continues ». Le même constat est valable pour le rapport du compte de profits et de pertes d’Interservice pour la période allant de janvier à juin 2021.

38      En deuxième lieu, en ce qui concerne le secteur du transit de charbon, le requérant indique que ses activités se limitent au commerce international de charbon par l’intermédiaire d’Interservice, laquelle aurait expédié uniquement 11,8 % du volume total de transit de charbon vers la Biélorussie ou à travers la Biélorussie.

39      Toutefois, les éléments de preuve présentés par le Conseil démontrent que les activités du requérant dans le secteur du transit de charbon comprennent également celles de la société BelKazTrans, dont il est l’unique propriétaire, et que cette société est l’intermédiaire entre les fournisseurs de charbon non résidents de la Biélorussie et la compagnie nationale des chemins de fer biélorusses.

40      En effet, il ressort de déclarations faites directement par BelKazTrans, et citées par l’article de presse publié le 17 décembre 2019 sur le site Internet « naviny.by », qui constitue l’élément de preuve no 3 du document WK 13842/2020 INIT, que, depuis octobre 2019, tout le transit de charbon sur le territoire de Biélorussie, en provenance et vers l’extérieur de ce pays, passe par cette entreprise, qui a un contrat direct avec les chemins de fer biélorusses. À ce titre, BelKazTrans est en mesure de régler toutes les questions pour les sociétés étrangères, notamment russes, ukrainiennes ou polonaises. À cet égard, ainsi que le déclare le directeur de BelKazTrans lui-même, cette société agit en tant que « régulateur » de ce transit sur le territoire de la Biélorussie.

41      Il s’ensuit que le rôle de la société du requérant BelKazTrans dans le transit de charbon en Biélorussie, tel qu’il est décrit par son propre représentant, implique, sinon un contrôle total par le biais d’un monopole, à tout le moins un certain degré de contrôle pour exercer une régulation de ce secteur. Or, une telle régulation ne pourrait être permise sans une certaine proximité avec la compagnie nationale des chemins de fer biélorusses, ce qui est également confirmé par la description de la relation contractuelle avec cette dernière, faite par BelKazTrans elle-même.

42      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par l’affirmation du requérant selon laquelle BelKazTrans serait uniquement une société de transit parmi d’autres en Biélorussie. En effet, les documents produits par le requérant en annexe à la requête et à la réplique ne soutiennent pas cette allégation.

43      Premièrement, les annexes A.13 et A.14 à la requête, à savoir deux calculs différents de coûts de transport d’un wagon de charbon du Kazakhstan à l’Ukraine, qui indiquent que l’itinéraire du transit de charbon via la Biélorussie est le moins cher, ne sont pas de nature à démontrer que BelKazTrans ne détient aucun contrôle sur le transit de charbon sur le territoire biélorusse. En outre, la fiabilité de ces éléments de preuve est affaiblie dans la mesure où, ainsi que le requérant l’indique, lesdits documents ont été générés par le requérant lui-même sur un logiciel russe de calcul de tarifs ferroviaires. Quant à l’accord général applicable entre les chemins de fer biélorusses et ses partenaires contractuels, produit en annexe A.15 à la requête et accessible publiquement sur Internet, il convient de constater, contrairement à ce que soutient le requérant, que ce document sous forme de contrat standardisé, qui ne mentionne pas BelKazTrans, ne saurait établir que cette dernière a souscrit à des tarifs de transport standards avec cette compagnie publique.

44      Deuxièmement, les informations figurant dans le tableau produit en annexe C.9 à la réplique sur la livraison de charbon en Ukraine, indiquent certes que, pendant huit mois au cours de l’année 2021, 18 885 wagons de charbon ont été expédiés depuis la Biélorussie vers l’Ukraine et que parmi ces wagons, 526 ont été expédiés par BelKazTrans en tant qu’expéditeur et société de transit. Toutefois, contrairement aux allégations du requérant, d’une part, ces chiffres ne permettent pas de déduire que BelKazTrans n’aurait été responsable, pendant cette période, que de l’expédition de 2,8 % de l’ensemble du charbon expédié en Ukraine, dès lors que, ainsi que le Conseil l’indique à juste titre, l’inclusion des volumes de charbon pour lesquels BelKazTrans a agi en tant que société de transit uniquement augmente significativement ce pourcentage à 23 % des expéditions de charbon depuis la Biélorussie vers ce pays. D’autre part, dans la mesure où les éléments de preuve examinés au point 40 ci-dessus ne visent pas spécifiquement le rôle de BelKazTrans dans le transit de charbon depuis la Biélorussie vers l’Ukraine sur une période déterminée en 2021, mais dans le transit de charbon passant par la Biélorussie en général, la pertinence dudit tableau produit en annexe C.9 à la réplique est, au demeurant, limitée.

45      En troisième lieu, en ce qui concerne le secteur de la banque, il y a lieu de relever que le requérant ne conteste pas qu’il exerce des activités dans ce secteur par le biais d’Absolutbank, une banque privée dont il est actionnaire majoritaire. Ainsi que le requérant l’indique sans être contredit par les éléments de preuve présentés par le Conseil, en termes de valeur totale des actifs, Absolutbank est la 20ème banque en Biélorussie.

46      Compte tenu de ce qui précède, il convient de conclure que les activités du requérant dans les secteurs du pétrole, du transit du charbon et de la banque n’étaient pas réduites à la date de l’adoption des actes attaqués.

47      Partant, le Conseil n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que le requérant était l’un des principaux hommes d’affaires opérant en Biélorussie, avec des intérêts financiers notamment dans les secteurs du pétrole, du transit de charbon et de la banque.

 Sur l’appréciation selon laquelle le requérant serait copropriétaire du groupe BreminoGrupp, société qui aurait bénéficié d’allègements fiscaux et d’autres formes de soutien de la part de l’administration biélorusse

48      D’emblée, il convient de constater qu’il ressort des écritures du Conseil que les allègements fiscaux et d’autres formes de soutien de la part de l’administration biélorusse visés par le motif d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause sont ceux accordés à Bremino‑Grupp en tant que gérante de la zone économique spéciale « Bremino-Orsha » (ci-après la « ZES Bremino-Orsha ») située dans la région de Vitebsk (Biélorussie). Cette zone qui consiste en un complexe industriel et logistique multimodal est la deuxième des six zones économiques spéciales existant actuellement en Biélorussie.

49      À cet égard, premièrement, il convient de relever que le requérant reconnaît être copropriétaire de Bremino‑Grupp, dont il détient un tiers des actions. Deuxièmement, il ne conteste pas que Bremino‑Grupp gère la ZES Bremino-Orsha et que celle-ci est soumise à un régime juridique spécial, notamment en ce qui concerne en particulier le régime fiscal sur son territoire. En revanche, le requérant estime, en substance, que ce régime spécial ne justifie pas la conclusion selon laquelle Bremino‑Grupp aurait bénéficié d’allègements fiscaux et d’autres formes de soutien de la part de l’administration biélorusse. En effet, le régime juridique spécial de la ZES Bremino-Orsha aurait été établi, comme pour toute autre ZES, dans le but d’attirer les investissements dans la région de Vitebsk où cette zone se situe. Ainsi, les avantages fiscaux seraient accordés à tous les résidents de la ZES Bremino-Orsha et ne révéleraient donc aucun avantage sélectif en faveur de Bremino‑Grupp, les légères différences dans les avantages accordés à cette dernière s’expliquant par son rôle dans ladite zone.

50      Toutefois, il importe de souligner qu’il ressort des éléments de preuve produits par le Conseil que le décret no 106, du 21 mars 2019, du président de la Biélorussie « [s]ur la création de la [ZES Bremino‑Orsha] » (ci-après le « décret no 106 de 2019 ») instaure un régime juridique spécial applicable à la ZES Bremino‑Orsha et prévoit de multiples dérogations fiscales sur le territoire de cette zone pour une période de 50 ans. Selon ce régime, outre les exonérations dont bénéficient tous les résidents de ladite zone, Bremino‑Grupp bénéficie d’avantages spécifiques en tant que société gérante de cette zone, notamment une exonération d’impôt sur le revenu et de TVA jusqu’en 2033 et une exonération d’impôt foncier pendant toute la période d’existence de la ZES Bremino‑Orsha. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient le requérant, ces avantages fiscaux octroyés à Bremino‑Grupp par le décret no 106 de 2019 sur le territoire de la ZES Bremino-Orsha revêtent un caractère sélectif pour Bremino‑Grupp.

51      L’allégation du requérant selon laquelle Bremino‑Grupp n’aurait pas bénéficié de ces avantages, étant donné qu’elle n’aurait jamais réalisé de bénéfices en tant que gérante de la ZES Bremino-Orsha, n’est pas de nature à remettre en cause cette conclusion. En effet, d’une part, cette allégation n’est étayée par aucun élément de preuve et, d’autre part, il est d’importance secondaire de savoir si et quand ces avantages ont été effectivement utilisés. Leur seule instauration par le décret no 106 de 2019 suffit pour conclure que ces avantages révèlent un accord de la part du régime du président Lukashenko.

52      Quant à l’argument du requérant selon lequel les avantages fiscaux accordés à la gérante de la ZES Bremino-Orsha seraient moins attractifs que ceux accordés au gérant de la ZES Industrial Park Great Stone, il convient de constater que cet argument est dénué de pertinence, dès lors que, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 22 ci-dessus, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues.

53      Par ailleurs, et en tout état de cause, la circonstance que les noms d’autres sociétés gérantes d’autres zones économiques spéciales en Biélorussie ayant reçu des avantages fiscaux encore plus importants ne figuraient pas sur les listes en cause ne saurait être de nature à mettre en doute la conclusion mentionnée au point 50 ci-dessus, dès lors que le principe d’égalité de traitement doit se concilier avec le principe de légalité, selon lequel nul ne peut invoquer, à son profit, une illégalité commise en faveur d’autrui (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2017, BelTechExport/Conseil, T‑765/15, non publié, EU:T:2017:669, point 96 et jurisprudence citée).

54      En outre, plusieurs éléments de preuve produits dans le dossier attestent que la désignation de Bremino‑Grupp en tant que gérante de la ZES Bremino-Orsha a été soutenue par l’administration biélorusse. Ainsi, plusieurs éléments de preuve provenant de sources différentes et présentés par le Conseil concordent sur le fait que le projet de la création de cette zone a été présenté personnellement au président Lukashenko par les propriétaires de Bremino‑Grupp.

55      Le soutien de la part de l’administration biélorusse est, d’ailleurs, confirmé par les éléments de preuve présentés par le requérant.

56      En effet, à cet égard, il convient de noter que le requérant reconnaît que l’initiative de la création de la ZES Bremino-Orsha a appartenu à Bremino‑Grupp, qui a pris contact à cette fin avec l’administration de la région de Vitebsk, et que cette administration a entrepris les démarches administratives nécessaires afin que la zone soit créée. Qui plus est, il ressort du procès-verbal de la réunion du 17 avril 2014 entre les représentants de Bremino‑Grupp et ceux de la région de Vitebsk, produit en annexe A.19 à la requête et sur lequel le Tribunal peut se fonder, conformément à la jurisprudence citée au point 23 ci-dessus, que la ZES Bremino-Orsha a été créée et conçue de manière à correspondre aux propositions de Bremino‑Grupp et a été entièrement adaptée à son projet d’investissement dans la construction d’un complexe logistique multimodal.

57      Partant, le requérant ne démontre pas que le Conseil a commis une erreur d’appréciation en retenant que Bremino‑Grupp, dont il est l’un des copropriétaires, aurait bénéficié d’allègements fiscaux et d’autres formes de soutien de la part de l’administration biélorusse.

 Sur le point de savoir si les faits établis par le Conseil démontrent que le requérant tire profit du régime du président Lukashenko ou soutient celui-ci

58      Il ressort des points 47 et 57 ci-dessus que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a pu considérer que le requérant est l’un des principaux hommes d’affaires opérant en Biélorussie avec des intérêts notamment dans les secteurs du pétrole, du transit du charbon et de la banque, et que Bremino‑Grupp, dont le requérant est l’un des copropriétaires, a bénéficié d’allègements fiscaux et d’autres formes de soutien de la part de l’administration biélorusse.

59      Pour établir que ces éléments justifient l’adoption des mesures restrictives à l’égard du requérant dans les actes attaqués, le Conseil se réfère au document WK 14796/2020 EXT 4 et fait valoir que, dans un pays comme la Biélorussie, des activités de l’ampleur de celle du requérant, dans de multiples secteurs et qui s’inscrivent dans la durée, compte tenu, en outre, des contacts du requérant avec le régime, ne sont pas possibles sans l’aval de ce dernier.

60      À cet égard, il convient de constater que le fait d’être l’un des principaux hommes d’affaires en Biélorussie, pris isolément, ne suffit pas à établir que le requérant entretient de bons contacts avec les autorités publiques et que ses activités sont révélatrices d’une proximité avec le régime du président Lukashenko. En effet, à la date de l’adoption des actes attaqués, ni la décision 2012/642 ni le règlement no 765/2006 n’avaient instauré de présomption de soutien au régime de Loukachenko à l’encontre des femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Biélorussie.

61      Toutefois, cet aspect ne saurait être écarté dans l’appréciation d’ensemble des différents éléments pertinents qui justifieraient le fait que le requérant soit considéré comme une personne qui tire profit du régime du président Lukashenko ou le soutient (voir, en ce sens, arrêt du 12 mai 2015, Ternavsky/Conseil, T‑163/12, non publié, EU:T:2015:271, point 121).

62      À cet égard, premièrement, il convient de noter l’ampleur des activités du requérant, qui couvrent plusieurs secteurs importants de l’économie biélorusse, à savoir, notamment, les secteurs du pétrole, du transit du charbon, de la banque, du transport et de la logistique.

63      S’agissant du secteur du pétrole en particulier, outre le fait que celui-ci est un secteur fortement réglementé en Biélorussie ainsi que l’admet le requérant lui-même, il ressort des éléments de preuve présentés par le Conseil que les relations avec la Russie dans ce domaine, comprenant l’achat de pétrole russe, constituent la base de la prospérité économique biélorusse. Par ailleurs, la réexportation de pétrole et de produits pétroliers russes, notamment vers l’Ukraine, représente 70 % du commerce biélorusse.

64      Deuxièmement, il y a lieu de constater que les circonstances dans lesquelles le requérant développe ses activités, notamment dans les secteurs du pétrole, du transit de charbon et dans la ZES Bremino-Orsha, sont révélatrices de sa proximité avec le régime du président Lukashenko et de ses bons contacts avec les entreprises et les autorités publiques.

65      En effet, ainsi qu’il ressort des points 31 et 41 ci-dessus, dans les secteurs du pétrole et du transit de charbon, la plupart des activités des entreprises du requérant sont exercées dans le cadre de partenariats avec des entreprises publiques telles que Belarusian Oil Company, la Banque de développement de Biélorussie et les chemins de fer biélorusses, ces deux dernières entreprises publiques étant également actionnaires de New Oil Company ensemble avec Interservice. Il en va de même en ce qui concerne la ZES Bremino-Orsha, ainsi que cela ressort du point 54 ci-dessus.

66      Ces partenariats ont permis aux entreprises du requérant, non seulement de développer davantage l’ampleur de leurs activités dans les secteurs du pétrole, du transit de charbon et du transport et de la logistique, mais aussi de bénéficier du droit d’exercer le contrôle du transit de charbon en Biélorussie, dans le cas de BelKazTrans, et du droit d’exportation, notamment vers l’Ukraine, de produits pétroliers issus des raffineries nationales Naftan et Mozyr en partenariat avec Belarusian Oil Company, dans le cas de New Oil Company. Quant à la ZES Bremino-Orsha, outre le soutien accordé par l’administration biélorusse en vue de la création de cette zone conformément au projet proposé par Bremino‑Grupp, le partenariat avec les autorités publiques a permis à cette dernière d’obtenir des avantages fiscaux spécifiques par le décret no 106 de 2019 approuvé, qui plus est, par le président Lukashenko lui-même.

67      Troisièmement, les éléments indiqués aux points 62 à 66 ci-dessus doivent être pris en considération également à la lumière des conditions dans lesquelles des activités économiques sont exercées en Biélorussie.

68      En effet, les pièces produites par le Conseil au sujet des conditions dans lesquelles des activités économiques sont exercées en Biélorussie peuvent être prises en compte dans le cadre de l’examen des éléments de preuve non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent, conformément à la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus.

69      En l’espèce, les éléments de preuve présentés par le Conseil relatifs à la situation économique en Biélorussie démontrent que, sous le régime du président Lukashenko, l’économie biélorusse se caractérise par le contrôle exercé par le régime tant sur le secteur public que sur le secteur privé et par un système qui récompense la loyauté envers le régime.

70      À cet égard, l’article publié le 10 juin 2020 sur le site Internet « currenttime.tv » et produit en tant qu’élément de preuve no 2, le rapport de l’Institut finnois des affaires internationales publié en septembre 2020 et présenté en tant qu’élément de preuve no 5 dans le document WK 13842/2020 INIT ainsi que plusieurs éléments de preuve du document WK 14796/2020 EXT 4, à savoir l’article publié sur le site Internet « cepa.org » le 30 juillet 2020, l’article publié sur le site Internet « naviny.belsat.eu » le 15 octobre 2015, l’article publié sur le site Internet « news.tut.by » le 13 décembre 2016, l’article publié sur le site Internet « en.belapan.by » le 9 juillet 2020, ainsi que l’article publié sur le site Internet « russian.rt.com » le 22 mars 2016, concordent sur le fait que l’exercice d’activités économiques significatives n’est possible qu’avec l’aval du régime du président Lukashenko. Parmi ces articles, celui publié sur le site Internet « currenttime.tv » ainsi que le rapport de l’Institut finnois des affaires internationales mentionnent le requérant comme l’un des hommes d’affaires dont les activités bénéficient d’un tel aval.

71      Il ressort également de ces éléments de preuve que les activités des hommes d’affaires biélorusses les plus influents dépendent fortement du régime du président Lukashenko et que, pour acquérir une telle position, il est nécessaire d’appartenir à un groupe restreint de personnes de confiance proches de celui-ci. Par ailleurs, la perte du soutien du président Lukashenko entraîne non seulement une perte d’influence, mais également des répressions pouvant viser les individus considérés par ce dernier comme ne faisant plus partie de ces personnes de confiance. L’article publié sur le site Internet « currenttime.tv » mentionne le requérant comme faisant partie du groupe restreint de personnes de confiance du président Lukashenko.

72      Le requérant fait valoir que certaines des pièces du dossier du Conseil sont sans rapport avec lui et ne pourraient pas, en tout état de cause, soutenir la conclusion selon laquelle il tire profit du régime du président Lukashenko et le soutient. En particulier, le requérant fait valoir que, s’il peut être déduit notamment de l’article publié sur le site Internet « news.tut.by » mentionné au point 70 ci-dessus que certains « oligarques » ont tiré profit de leur affiliation politique au régime du président Lukashenko, cette conclusion ne s’appliquerait pas au requérant, étant donné qu’il n’a jamais occupé de fonctions publiques.

73      Toutefois, il ressort dudit article que l’évolution du système politique autocratique en Biélorussie a produit son propre type d’hommes d’affaires étroitement associés aux autorités – les « oligarques biélorusses » – dont la proximité avec le régime s’exprime non seulement par « des attributs politiques et sociaux » en exerçant des fonctions publiques telles que député, sénateur, ou membre d’un parti progouvernemental, mais également par la participation à des projets rentables dans le cadre de partenariats public-privé.

74      En outre, ainsi qu’indiqué aux points 70 et 71 ci-dessus, plusieurs éléments de preuve relatifs à la situation économique en Biélorussie mentionnent spécifiquement le requérant comme faisant partie du groupe restreint de personnes de confiance du président Lukashenko et l’un des hommes d’affaires dont les activités bénéficient de l’aval du régime de ce dernier.

75      Au vu de tout ce qui précède, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a considéré que, dans le contexte décrit aux points 69 à 74 ci-dessus, la circonstance que le requérant est l’un des principaux hommes d’affaires en Biélorussie qui a des intérêts financiers notamment dans les secteurs du pétrole, du transit de charbon et de la banque, et qui est copropriétaire de Bremino‑Grupp, société qui a bénéficié d’allègements fiscaux et d’autres formes de soutien de la part de l’administration biélorusse, constituent un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir que le requérant tire profit du régime du président Lukashenko et le soutient.

76      Partant, le moyen unique doit être rejeté et, par conséquent, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

77      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux du Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Mikalai Mikalevich Varabei est condamné aux dépens.

Svenningsen

Laitenberger

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 novembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.