Language of document : ECLI:EU:C:2023:940

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

30 novembre 2023 (*)

« Pourvoi – Enquête de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) – Communication de l’OLAF aux autorités douanières nationales – Rapport d’enquête de l’OLAF – Accès au dossier de l’OLAF – Règlement (UE, Euratom) no 883/2013 – Règlement (CE) no 1049/2001 – Recours en annulation – Recevabilité – Recours en indemnité – Illégalité du comportement allégué »

Dans l’affaire C‑787/22 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 29 décembre 2022,

« Sistem ecologica » production, trade and services d.o.o. Srbac, établie à Srbac (Bosnie-Herzégovine), représentée par Mes D. Diris et D. Rjabynina, advocaten,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par M. J. Baquero Cruz, Mme F. Blanc et M. T. Materne, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. Z. Csehi, président de chambre, MM. I. Jarukaitis et D. Gratsias (rapporteur), juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, « Sistem ecologica » production, trade and services d.o.o. Srbac demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 19 octobre 2022, Sistem ecologica/Commission (T‑81/21, ci‑après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:641), par lequel celui‑ci a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation du rapport final d’enquête adopté par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) le 8 décembre 2020 (ci-après le « rapport final »), ainsi que des décisions de l’OLAF qui figureraient dans une communication adressée le 9 juin 2020 aux États membres (ci-après la « communication du 9 juin 2020 ») et dans des lettres de l’OLAF des 25 novembre, 27 novembre, 8 décembre ainsi que du 21 décembre 2020 et, d’autre part, à la réparation du préjudice qu’elle aurait subi.

 Le cadre juridique

 Le droit international

2        L’accord de stabilisation et d’association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la Bosnie-et-Herzégovine, d’autre part (JO 2015, L 164, p. 2, ci‑après l’« accord UE‑BiH), a été signé le 16 juin 2008 à Luxembourg et approuvé au nom de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique par la décision (UE, Euratom) 2015/998 du Conseil et de la Commission, du 21 avril 2015 (JO 2015, L 164, p. 548). Aux termes de l’article 2 de cette décision, le président du Conseil de l’Union européenne procède, au nom de l’Union, à la notification suivante :

« À la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, [...] les références à la “Communauté européenne” dans le texte de cet accord s’entendent, le cas échéant, comme faites à “l’Union européenne” ».

3        Il ressort du préambule dudit accord que, dans le texte de ce dernier, le terme « Communauté » désigne tant la « Communauté européenne », à laquelle s’est substituée l’Union, que la « Communauté européenne de l’énergie atomique ».

4        Intitulé « Douanes », l’article 97 de l’accord UE-BiH énonce :

« Les parties établissent une coopération dans ce domaine, en vue de garantir le respect des dispositions à arrêter dans le domaine commercial et de rapprocher le régime douanier de la Bosnie-et-Herzégovine de celui de la Communauté, contribuant ainsi à ouvrir la voie aux mesures de libéralisation prévues par le présent accord et à rapprocher progressivement la législation douanière de la Bosnie‑et‑Herzégovine de l’acquis.

La coopération tient dûment compte des domaines prioritaires de l’acquis communautaire dans le domaine douanier.

Les règles de l’assistance administrative mutuelle entre les parties dans le domaine douanier sont énoncées dans le protocole no 5. »

5        L’article 124 de cet accord dispose, à son paragraphe 1 :

« Dans les domaines couverts par le présent accord et sans préjudice de toute disposition particulière qui y figure :

a)      le régime appliqué par la Bosnie-et-Herzégovine à l’égard de la Communauté ne peut donner lieu à aucune discrimination entre les États membres, leurs ressortissants ou leurs sociétés ; 

[...] »

6        Intitulé « Définitions », l’article 1er du protocole no 5 relatif à l’assistance administrative mutuelle en matière douanière, annexé audit accord (ci‑après le « protocole no 5 »), prévoit :

« Aux fins du présent protocole, on entend par :

[...]

b)      “autorité requérante”, une autorité administrative compétente qui a été désignée à cette fin par une partie et qui formule une demande d’assistance sur la base du présent protocole ;

c)      “autorité requise”, une autorité administrative compétente qui a été désignée à cette fin par une partie et qui reçoit une demande d’assistance sur la base du présent protocole ;

[...] »

7        L’article 7 de ce protocole, intitulé « Exécution des demandes », est libellé comme suit :

« 1.      Pour répondre à une demande d’assistance, l’autorité requise procède, dans les limites de sa compétence et de ses ressources, comme si elle agissait pour son propre compte ou à la demande d’autres autorités de la même partie, en fournissant les renseignements dont elle dispose déjà et en procédant ou faisant procéder aux enquêtes appropriées. Cette disposition s’applique également à toute autre autorité à laquelle la demande a été adressée par l’autorité requise lorsque celle‑ci ne peut pas agir seule.

2.      Les demandes d’assistance sont satisfaites conformément aux dispositions légales ou réglementaires de la partie requise.

[...]

4.      Des fonctionnaires d’une partie dûment habilités à cette fin peuvent, avec l’accord de l’autre partie et dans les conditions fixées par cette dernière, participer aux enquêtes menées sur le territoire de l’autre partie. »

 Le droit de l’Union

 Le règlement (CE, Euratom) no 2988/95

8        L’article 9, paragraphe 1, du règlement (CE, Euratom) n o2988/95 du Conseil, du 18 décembre 1995, relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes (JO 1995, L 312, p. 1), dispose :

« Sans préjudice des contrôles effectués par les États membres conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives nationales et sans préjudice des contrôles effectués par les institutions communautaires conformément aux dispositions du traité [FUE], et notamment de son article [287], la Commission [européenne] fait procéder, sous sa responsabilité, à la vérification :

a)      de la conformité des pratiques administratives avec les règles communautaires ;

b)      de l’existence des pièces justificatives nécessaires et leur concordance avec les recettes et dépenses des Communautés visées à l’article 1er ;

c)      des conditions dans lesquelles sont assurées et vérifiées ces opérations financières. »

 Le règlement (Euratom, CE) no 2185/96

9        L’article 2 du règlement (Euratom, CE) n o2185/96 du Conseil, du 11 novembre 1996, relatif aux contrôles et vérifications sur place effectués par la Commission pour la protection des intérêts financiers des Communautés européennes contre les fraudes et autres irrégularités (JO 1996, L 292, p. 2), dispose :

« La Commission peut procéder à des contrôles et vérifications sur place en application du présent règlement :

–        soit en vue de la recherche d’irrégularités graves ou transnationales ou d’irrégularités dans lesquelles sont susceptibles d’être impliqués des opérateurs économiques agissant dans plusieurs États membres,

–        soit, en vue de la recherche d’irrégularités, lorsque la situation dans un État membre exige dans un cas particulier le renforcement des contrôles et vérifications sur place afin d’améliorer l’efficacité de la protection des intérêts financiers et, ainsi, d’assurer un niveau de protection équivalent au sein de la Communauté,

–        soit à la demande de l’État membre intéressé. »

10      L’article 8, paragraphe 1, de ce règlement énonce :

« Les informations communiquées ou obtenues en vertu du présent règlement, sous quelque forme que ce soit, sont couvertes par le secret professionnel et bénéficient de la protection accordée aux informations analogues par la loi nationale de l’État membre qui les a reçues et par les dispositions correspondantes applicables aux institutions communautaires.

Ces informations ne peuvent être communiquées à des personnes autres que celles qui, au sein des institutions communautaires ou des États membres, sont, par leurs fonctions, appelées à en connaître, ni être utilisées par les institutions communautaires à d’autres fins que celles d’assurer une protection efficace des intérêts financiers des Communautés dans tous les États membres. [...] »

 Le règlement (CE) no 515/97

11      L’article 17, paragraphe 2, du règlement (CE) no 515/97 du Conseil, du 13 mars 1997, relatif à l’assistance mutuelle entre les autorités administratives des États membres et à la collaboration entre celles-ci et la Commission en vue d’assurer la bonne application des réglementations douanière et agricole (JO 1997, L 82, p. 1), dispose que la Commission communique aux autorités compétentes de chaque État membre, dès qu’elle en dispose, toutes informations de nature à leur permettre d’assurer le respect des réglementations douanière et agricole.

 Le règlement (CE) no 1049/2001

12      Intitulé « Exceptions », l’article 4 du règlement (CE) n o1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), prévoit, à son paragraphe 2, que les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection, notamment, des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

13      Aux termes de l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement, « [e]n cas de refus total ou partiel [opposé à une demande d’accès aux documents], le demandeur peut adresser, dans un délai de quinze jours ouvrables suivant la réception de la réponse de l’institution, une demande confirmative tendant à ce que celle-ci révise sa position ».

 Le règlement (UE, Euratom) no 883/2013

14      Les considérants 10, 12, 18, 23, 31 et 47 du règlement (UE, Euratom) no 883/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 11 septembre 2013, relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) et abrogeant le règlement (CE) no 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil et le règlement (Euratom) no 1074/1999 du Conseil (JO 2013, L 248, p. 1), sont ainsi libellés :

« (10)      L’efficience opérationnelle de l’[OLAF] dépend fortement de la coopération avec les États membres. Il convient que les États membres identifient leurs autorités compétentes pouvant offrir à l’[OLAF] l’assistance requise dans l’exercice de ses fonctions. Dans les cas où un État membre n’a pas mis en place, au niveau national, un service spécialisé ayant pour mission de coordonner la protection des intérêts financiers de l’Union et la lutte contre la fraude, un service (le service de coordination antifraude) devrait être désigné pour faciliter une coopération et un échange d’information efficaces avec l’[OLAF].

[...]

(12)      Les enquêtes devraient être conduites conformément aux traités, [...] ainsi que dans le plein respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et notamment du principe d’équité, du droit pour les personnes impliquées de s’exprimer sur les faits qui les concernent, et du principe selon lequel seuls les éléments ayant une valeur probante peuvent fonder les conclusions d’une enquête. À cet effet, les institutions, organes et organismes devraient prévoir les conditions et modalités selon lesquelles les enquêtes internes doivent être exécutées. 

[...]

(18)      Les enquêtes devraient être exécutées sous l’autorité du directeur général, en toute indépendance par rapport aux institutions, organes et organismes et par rapport au comité de surveillance. [...]

[...]

(23)      Les garanties de procédure et les droits fondamentaux des personnes concernées et des témoins devraient être respectés sans discrimination à tout moment et à tous les stades des enquêtes externes et internes, notamment lors de la communication d’informations sur des enquêtes en cours. [...] 

[...]

(31)      Il incombe aux autorités compétentes des États membres ou aux institutions, organes ou organismes, selon le cas, de décider des suites à donner aux enquêtes terminées, sur la base des rapports d’enquête finals établis par l’[OLAF].

[...]

(47)      Le directeur général devrait mettre en place un mécanisme interne de conseil et de contrôle, y compris un contrôle de légalité, concernant en particulier l’obligation de respecter les garanties de procédure et les droits fondamentaux des personnes concernées et le droit national des États membres concernés. »

15      L’article 1er du règlement no 883/2013, intitulé « Objectif et fonctions », dispose, à son paragraphe 1 :

« En vue de renforcer la lutte contre la fraude, la corruption et toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (ci-après dénommées collectivement “Union” lorsque le contexte le nécessite), l’[OLAF] exerce les compétences d’enquête conférées à la Commission par :

a)      les actes de l’Union concernés ; et

b)      les accords de coopération et d’assistance mutuelle pertinents conclus par l’Union avec des pays tiers et des organisations internationales. »

16      Aux termes de l’article 2 de ce règlement, intitulé « Définitions » :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

4.      “enquêtes administratives” (ci-après dénommées “enquêtes”), tout contrôle, toute vérification ou action entrepris par l’[OLAF], conformément aux articles 3 et 4, en vue d’atteindre les objectifs définis à l’article 1er et d’établir, le cas échéant, le caractère irrégulier des activités contrôlées ; ces enquêtes n’affectent pas le pouvoir des autorités compétentes des États membres d’engager des poursuites pénales ;

5.      “personne concernée”, toute personne ou tout opérateur économique soupçonné de fraude, de corruption ou de toute autre activité illégale portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union et faisant de ce fait l’objet d’une enquête de la part de l’[OLAF] ;

[...] »

17      L’article 3 dudit règlement, intitulé « Enquêtes externes », énonce, à son paragraphe 1 :

« L’[OLAF] exerce la compétence conférée à la Commission par le règlement [no 2185/96] pour effectuer les contrôles et vérifications sur place dans les États membres et, conformément aux accords de coopération et d’assistance mutuelle et à tout autre instrument juridique en vigueur, dans les pays tiers et auprès d’organisations internationales.

Dans le cadre de sa fonction d’enquête, l’[OLAF] effectue les contrôles et vérifications prévus par l’article 9, paragraphe 1, du règlement [no 2988/95] et, conformément aux accords de coopération et d’assistance mutuelle et à tout autre instrument juridique en vigueur, dans les pays tiers et auprès d’organisations internationales. »

18      L’article 7 du même règlement, intitulé « Exécution des enquêtes », prévoit, à son paragraphe 7 :

« En cas de besoin, il appartient aux autorités compétentes des États membres, à la demande de l’[OLAF], de prendre les mesures conservatoires appropriées prévues par le droit national, notamment pour sauvegarder les éléments de preuve. »

19      L’article 9 du règlement no 883/2013, intitulé « Garanties de procédure », est libellé comme suit :

« 1.      L’[OLAF] enquête à charge et à décharge. Les enquêtes sont conduites de façon objective et impartiale, dans le respect du principe de la présomption d’innocence et des garanties de procédure exposées dans le présent article.

2.      L’[OLAF] peut entendre une personne concernée ou un témoin à tout moment de l’enquête. Toute personne entendue a le droit de ne pas s’incriminer.

[...]

L’[OLAF] établit un compte rendu de l’entretien et permet à la personne entendue d’y avoir accès afin que la personne entendue puisse soit approuver le compte rendu, soit y apporter des observations. L’[OLAF] remet à la personne concernée une copie du compte rendu.

[...]

4.      [...] une fois que l’enquête a été achevée et avant que les conclusions se rapportant nommément à une personne concernée n’aient été tirées, cette dernière se voit accorder la possibilité de présenter ses observations sur les faits la concernant.

À cette fin, l’[OLAF] envoie à la personne concernée une invitation à présenter ses observations par écrit ou lors d’un entretien avec le personnel désigné par l’[OLAF]. Cette invitation comprend un résumé des faits concernant la personne concernée [...] et précise le délai fixé pour envoyer des observations, lequel ne peut être inférieur à dix jours ouvrables à compter de la date de réception de l’invitation à s’exprimer. Ce délai de préavis peut être réduit avec le consentement exprès de la personne concernée ou pour des raisons dûment motivées par l’urgence de l’enquête. Le rapport d’enquête final fait état de telles observations.

[...] »

20      L’article 10 de ce règlement, intitulé « Confidentialité et protection des données », prévoit, à son paragraphe 1, que les informations transmises ou obtenues dans le cadre des enquêtes externes, sous quelque forme que ce soit, sont protégées par les dispositions pertinentes.

21      L’article 11 dudit règlement, intitulé « Rapport d’enquête et suites à donner aux enquêtes », dispose, à ses paragraphes 1 et 7 :

« 1.      À l’issue d’une enquête effectuée par l’[OLAF], un rapport est établi sous l’autorité du directeur général. Ce rapport fait le point sur la base juridique de l’enquête, les phases procédurales qui ont été suivies, les faits constatés et leur qualification juridique préliminaire, l’incidence financière estimée des faits constatés, le respect des garanties de procédure conformément à l’article 9 ainsi que les conclusions de l’enquête.

Le rapport est accompagné des recommandations du directeur général sur les suites qu’il convient ou non de donner à l’enquête. Ces recommandations indiquent, le cas échéant, les mesures disciplinaires, administratives, financières et/ou judiciaires que doivent prendre les institutions, les organes ou les organismes ainsi que les autorités compétentes des États membres concernés et précisent en particulier le montant estimé des recouvrements et la qualification juridique préliminaire des faits constatés.

[...]

7.      [...] si, à l’issue d’une enquête, aucune charge ne peut être retenue contre la personne concernée, le directeur général clôt l’enquête portant sur cette personne et l’en informe dans un délai de dix jours ouvrables.

[...] »

22      En vertu de l’article 12, paragraphe 1, du même règlement, l’OLAF peut transmettre aux autorités compétentes des États membres concernés des informations obtenues au cours d’enquêtes externes, en temps opportun pour leur permettre d’y réserver les suites appropriées conformément à leur droit national. Cet article 12, paragraphe 2, premier alinéa, précise que le directeur général de l’OLAF transmet aux autorités judiciaires de l’État membre concerné les informations obtenues par l’OLAF, au cours d’enquêtes internes, sur des faits relevant de la compétence d’une autorité judiciaire nationale.

23      L’article 17, intitulé « Directeur général », du règlement no 883/2013 énonce, à ses paragraphes 3 et 7 :

« 3.      Le directeur général ne sollicite ni n’accepte d’instructions d’aucun gouvernement ni d’aucune institution, d’aucun organe ni organisme, dans l’accomplissement de ses devoirs relatifs à l’ouverture et à l’exécution des enquêtes externes et internes et relatifs à l’établissement des rapports établis à la suite de celles-ci. [...] 

[...]

7.      Le directeur général met en place une procédure interne de consultation et de contrôle, y compris un contrôle de la légalité, ayant trait notamment au respect des garanties de procédure et des droits fondamentaux des personnes concernées ainsi que du droit national des États membres concernés, [...] »

 Les antécédents du litige

24      Les antécédents du litige figurent aux points 2 à 21 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.

25      Une analyse de l’évolution des importations de biodiésel dans l’Union depuis l’année 2015 a conduit l’OLAF à soupçonner l’existence de fraudes concernant, notamment, les importations de biodiésel dans l’Union présentées comme relatives à du biodiésel produit à base d’huiles de cuisson usagées en provenance de la Bosnie-Herzégovine, susceptibles de bénéficier de droits de douane préférentiels de 0 %, alors qu’elles proviendraient, en réalité, des États-Unis et auraient dû être soumises à des droits conventionnels, antidumping et compensateurs. Sur la base de ces soupçons, l’OLAF et les autorités douanières croates ont procédé à des contrôles aléatoires du contenu de certains conteneurs en provenance des États-Unis et à destination de la Bosnie-Herzégovine, présentés comme transportant des « huiles de cuisson usagées ». Ces contrôles auraient démontré qu’il s’agissait, en réalité, de biodiésel dans des proportions allant de 93,5 à 97,4 %.

26      Le 23 août 2019, l’OLAF a ouvert une enquête portant, notamment, sur une éventuelle fraude aux droits conventionnels, compensateurs et antidumping institués sur les importations de biodiésel dans l’Union.

27      Le 4 septembre 2019, l’OLAF a, d’une part, envoyé aux États membres une communication au titre du règlement no 515/97, par laquelle il informait ceux-ci de ses soupçons de fraude et demandait leur assistance et, d’autre part, demandé l’assistance des autorités des États-Unis au titre de l’accord de coopération douanière et d’assistance mutuelle en matière douanière entre la Communauté européenne et les États-Unis d’Amérique (JO 1997, L 222, p. 17).

28      Le 18 septembre 2019, l’OLAF a sollicité la coopération des autorités de la Bosnie-Herzégovine en application du protocole no 5. À la suite de cette demande, l’OLAF ainsi que des représentants de certains États membres ont participé, du 2 au 6 décembre 2019, à une mission d’enquête en Bosnie-Herzégovine et, à ce titre, ont pris part à un contrôle sur place conduit par l’autorité de Bosnie-Herzégovine chargée de la fiscalité indirecte (ci-après l’« ABFI »), dans les locaux de la requérante, le 4 décembre 2019 (ci-après le « contrôle du 4 décembre 2019 »).

29      Au titre du règlement no 515/97, l’OLAF a adressé aux États membres la communication du 9 juin 2020, par laquelle il leur a transmis les résultats préliminaires de son enquête. Il y indiquait que la requérante était la société exportatrice de biodiésel présente en Bosnie‑Herzégovine et qu’aucune production de biodiésel n’avait lieu en Bosnie‑Herzégovine, le biodiésel importé ayant pour origine réelle les États-Unis. Il demandait aux États membres concernés, au vu des délais de prescription, de prendre de manière urgente toutes les mesures conservatoires appropriées pour protéger les intérêts financiers de l’Union, en appliquant les dispositions pertinentes du code des douanes de l’Union et de ses règlements d’exécution.

30      À la suite de cette communication, les autorités douanières belges ont imposé à un importateur de biodiésel, à titre de mesures conservatoires, le paiement d’un montant de 3 026 388,74 euros, correspondant aux droits conventionnels, compensateurs et antidumping applicables à une importation de biodiésel en provenance des États‑Unis. Cet importateur a introduit des actions judiciaires contre la requérante devant les juridictions néerlandaises et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

31      Par une lettre du 7 octobre 2020, l’OLAF a, conformément à l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 883/2013, invité la requérante à présenter, par écrit et dans un délai de dix jours ouvrables, ses observations sur les faits la concernant, tels qu’exposés dans un résumé joint à cette lettre. La requérante a présenté ses observations le 16 octobre 2020. Elle a contesté le bien-fondé des allégations de l’OLAF et a, en outre, soutenu que les garanties de procédure prévues par ce règlement n’avaient pas été respectées. Elle a, notamment, fait valoir que l’OLAF aurait dû lui permettre de présenter ses observations avant d’adopter ses conclusions et de les communiquer aux autorités nationales.

32      Le 27 octobre 2020, la requérante a demandé à l’OLAF la communication de certains documents figurant dans son dossier ainsi que la tenue d’une réunion. Le 25 novembre 2020, l’OLAF a refusé d’accéder à la demande de la requérante, aux motifs que le règlement no 883/2013 n’accordait pas à la personne concernée un droit d’accès au dossier et qu’il avait été estimé approprié de lui donner la possibilité de présenter ses observations par écrit. Il a, en outre, offert à la requérante une possibilité additionnelle de présenter des observations écrites, jusqu’au 30 novembre 2020.

33      Le 27 novembre 2020, le directeur général de l’OLAF a répondu à la réclamation de la requérante qui aurait figuré dans ses observations du 16 octobre 2020. Il a, notamment, fait valoir que la Commission ou l’OLAF n’étaient pas tenus de permettre à la personne concernée de faire valoir son point de vue avant qu’une communication aux autorités nationales compétentes ne soit effectuée au titre de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 515/97.

34      Le 8 décembre 2020, l’OLAF a adopté le rapport final, dans lequel il a retenu, d’une part, que les exportations « d’huiles de cuisson usagées » des États-Unis vers les Pays-Bas étaient constituées, en réalité, de biodiésel et, d’autre part, que le biodiésel exporté par la requérante, bien qu’il ait été déclaré comme ayant comme origine la Bosnie‑Herzégovine, provenait, en réalité, des États-Unis, ce qui était constitutif d’une fraude aux droits conventionnels, compensateurs et antidumping applicables. Le même jour, il a clôturé son enquête et adressé des recommandations de suivi.

35      Le 14 décembre 2020, la requérante a adressé à l’OLAF une réclamation portant sur la violation de ses garanties procédurales au cours de l’enquête. Le 21 décembre 2020, le directeur de l’OLAF lui a répondu que cette réclamation ne serait pas instruite, la présentation d’une réclamation n’étant plus possible une fois l’enquête clôturée. Il a ajouté que la requérante avait eu la possibilité de s’exprimer au cours de la procédure et qu’une réclamation précédente avait fait l’objet d’une instruction.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

36      Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 3 février 2021, la requérante a introduit un recours tendant, premièrement, à l’annulation de la « décision » de l’OLAF figurant dans la communication du 9 juin 2020, deuxièmement, à ce que soit déclaré illégal le fait que l’OLAF n’a pas pris à son égard les mesures prévues par la réglementation pertinente, à savoir lui notifier la décision d’ouvrir des enquêtes ou des investigations la concernant individuellement, l’informer des enquêtes ou des investigations susceptibles de l’impliquer personnellement et lui permettre de s’exprimer sur l’ensemble des faits la concernant avant que des conclusions la concernant individuellement ne soient tirées de ces enquêtes ou de ces investigations, troisièmement, à l’annulation de la décision de l’OLAF du 25 novembre 2020 de rejet de sa demande d’accès au dossier de l’enquête, quatrièmement, à l’annulation de la décision prise par l’OLAF le 25 novembre 2020 de considérer les observations qu’elle avait présentées le 16 octobre 2020 comme étant une réclamation, cinquièmement, à l’annulation de la décision de l’OLAF du 27 novembre 2020 de rejet de cette prétendue réclamation, sixièmement, à l’annulation de la décision prise par l’OLAF le 8 décembre 2020 de clore l’enquête la concernant, septièmement, à l’annulation de la décision prise par l’OLAF le 21 décembre 2020 de ne pas considérer ses « plaintes » du 14 décembre 2020 comme étant des « plaintes », huitièmement, à ce qu’il soit déclaré que les informations et les données la concernant ainsi que tout élément de preuve pertinent transmis aux autorités nationales, y compris le « rapport de mission de l’OLAF du 16 janvier 2020 », la communication du 9 juin 2020 et le rapport final, constituent des preuves irrecevables, neuvièmement, à ce que toutes les procédures d’investigation menées dans le cadre de l’enquête de l’OLAF à la suite des décisions susmentionnées soient déclarées illégales, dixièmement, à ce que les conclusions tirées de ces procédures soient déclarées illégales, onzièmement, à ce que toutes les informations transmises aux autorités nationales, notamment la communication du 9 juin 2020 et le rapport final, soient déclarées illégales ainsi que, douzièmement, à ce que la Commission soit condamnée à lui verser la somme de 3 026 388,74 euros en réparation du préjudice dû au comportement illégal de l’OLAF et du préjudice causé à ses activités professionnelles et à sa réputation. Dans sa réplique, la requérante a demandé au Tribunal d’ordonner à la Commission de lui verser, à titre subsidiaire, la somme de 1 000 000 euros au titre des frais de justice provisoirement évalués et une indemnisation pour le préjudice subi, établie par le Tribunal ex aequo et bono.

37      En premier lieu, il ressort des points 27 à 29 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré qu’il n’était pas compétent pour connaître des deuxième et huitième à onzième chefs de conclusions de la requérante, au motif que ceux‑ci tendaient à ce qu’il prononce un arrêt déclaratoire.

38      En deuxième lieu, au point 38 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé, à titre liminaire, que, bien que, dans ses chefs de conclusions, la requérante ne demandât pas formellement l’annulation du rapport final, il ressortait d’une lecture d’ensemble de la requête que la requérante contestait la légalité de l’enquête diligentée par l’OLAF, laquelle avait abouti à l’adoption de ce rapport, si bien que le recours devait être compris comme étant également dirigé contre ledit rapport. Après cette observation liminaire, le Tribunal a examiné, aux points 39 à 47 de cet arrêt, les demandes d’annulation du rapport final ainsi que de la décision de clôture de l’enquête prise par l’OLAF le 8 décembre 2020 et rejeté ces demandes comme étant irrecevables. En substance, le Tribunal a considéré que le rapport final et les recommandations qui lui étaient associées ne liaient pas leurs destinataires, dès lors qu’il appartient, selon le cas, aux autorités compétentes des États membres ou aux institutions, aux organes ou aux organismes de l’Union, de décider des suites à donner aux enquêtes terminées de l’OLAF, sur le fondement des rapports d’enquête finals établis par cet office. Quant à la clôture de l’enquête, le Tribunal a jugé qu’elle ne disposait pas de portée autonome par rapport au rapport final.

39      Au point 48 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, pour des motifs analogues à ceux retenus à l’égard du rapport final et de la clôture de l’enquête, il devait être considéré que l’ensemble des actes adoptés par l’OLAF au titre de son enquête étaient également insusceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation. Après avoir examiné, respectivement aux points 49 à 52, 53 à 55 et 56 à 64 de cet arrêt, la recevabilité des chefs de conclusions en annulation de la requérante dirigés contre, premièrement, la communication du 9 juin 2020, deuxièmement, les lettres de l’OLAF des 25 et 27 novembre 2020 ainsi que du 21 décembre 2020 et, troisièmement, la lettre de l’OLAF du 25 novembre 2020, le Tribunal a conclu, au point 65 dudit arrêt, que le recours de la requérante, en ce qu’il était fondé sur l’article 263 TFUE, devait être rejeté comme étant irrecevable, dès lors qu’il était dirigé contre des actes insusceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation.

40      En troisième lieu, aux points 66 à 183 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné les conclusions indemnitaires de la requérante et a conclu, au point 184 de cet arrêt, qu’elles devaient être rejetées comme étant non fondées, sans qu’il fût nécessaire de se prononcer sur la recevabilité des conclusions additionnelles en indemnité présentées par la requérante au stade de la réplique. En substance, le Tribunal a considéré qu’aucun des douze moyens soulevés par la requérante dans son recours ne permettait d’établir l’existence d’un comportement illégal de l’OLAF. À cet égard, le Tribunal a, plus particulièrement, examiné, premièrement, aux points 74 à 88 dudit arrêt, l’argumentation avancée par la requérante dans le cadre de ses troisième, quatrième et douzième moyens, relatifs à de prétendues illégalités entachant le contrôle du 4 décembre 2019, deuxièmement, aux points 89 à 116 du même arrêt, l’argumentation avancée par la requérante dans le cadre de ses cinquième, huitième et douzième moyens, relatifs à une prétendue violation de ses droits de la défense, troisièmement, aux points 124 à 152 de l’arrêt attaqué, l’argumentation avancée par la requérante dans le cadre de ses premier et dixième moyens, relatifs à une prétendue violation des principes de transparence, d’indépendance et de diligence, quatrièmement, aux points 153 à 163 de cet arrêt, l’argumentation avancée par la requérante dans le cadre de son deuxième moyen, relatif à une prétendue partialité du directeur général de l’OLAF, cinquièmement, aux points 164 à 173 dudit arrêt, l’argumentation avancée par la requérante dans le cadre de ses sixième et septième moyens, relatifs à la divulgation d’informations dans la presse ainsi que, sixièmement, aux points 174 à 180 du même arrêt, l’argumentation avancée par la requérante dans le cadre de son onzième moyen, relatif à une insuffisance de motivation.

 Les conclusions de la requérante devant la Cour

41      La requérante demande à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué et de condamner la Commission aux dépens.

42      La Commission n’a pas déposé de mémoire en réponse dans le délai prévu à l’article 172 du règlement de procédure de la Cour.

 Sur le pourvoi

43      À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque sept moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 263 TFUE, des règlements nos 883/2013 et 1049/2001 ainsi que d’un défaut de motivation et d’une contradiction de motifs dans le cadre de l’examen de la recevabilité du recours en annulation, le deuxième, d’une violation de l’article 124 de l’accord UE-BiH, de l’article 7, paragraphes 2 et 4, du protocole no 5, de l’article 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la « Charte »), lu en combinaison avec l’article 51 de celle-ci ainsi que du règlement no 883/2013, le troisième, d’une violation du droit de ne pas s’incriminer, le quatrième, d’une violation du règlement no 883/2013 en ce qui concerne le mécanisme interne de consultation et de contrôle de l’OLAF, le cinquième, d’un défaut de motivation et d’une contradiction de motifs, en ce qui concerne le droit d’être entendu, le sixième, d’un défaut de motivation en ce qui concerne l’impartialité du directeur général de l’OLAF ainsi que, le septième, d’une violation des droits de la défense et d’une contradiction de motifs en ce qui concerne les prélèvements effectués par les autorités douanières croates à la demande de l’OLAF.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 263 TFUE, des règlements nos 883/2013 et 1049/2001 ainsi que d’un défaut de motivation et d’une contradiction de motifs dans le cadre de l’examen de la recevabilité du recours en annulation

 Argumentation de la requérante

44      Le premier moyen se subdivise en trois branches.

45      Par la première branche de son premier moyen, la requérante conteste les points 50 et 52 de l’arrêt attaqué. Selon elle, en ce qu’il a jugé irrecevable sa demande d’annulation de la communication du 9 juin 2020, le Tribunal a commis une erreur de droit ou, à titre subsidiaire, s’est fondé sur des motifs qui sont en contradiction avec ceux de l’ordonnance du 13 avril 2011, Planet/Commission (T‑320/09, EU:T:2011:172). À l’instar de ce qui aurait été le cas dans l’affaire ayant donné lieu à cette ordonnance, il ressortirait implicitement de l’article 7 du règlement no 883/2013 que les autorités nationales ont le devoir de prendre des mesures conservatoires à la demande de l’OLAF, comme ce dernier l’aurait demandé de manière expresse dans cette communication. Les demandes de l’OLAF figurant dans la communication du 4 septembre 2019, mentionnée au point 27 du présent arrêt, et dans celle du 9 juin 2020 affecteraient nécessairement les relations entre l’OLAF et les autorités nationales, de telle sorte que ces communications auraient, dans les faits, produit des effets en dehors de l’OLAF et placé la requérante dans une situation défavorable par rapport à sa situation antérieure.

46      Par la deuxième branche de son premier moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal s’est fondé sur des motifs contradictoires. D’une part, aux points 40 à 42 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait jugé que le rapport final qui ne lie pas ses destinataires ne constitue pas un acte attaquable au moyen d’un recours en annulation, dès lors que la qualité d’acte attaquable dépend non pas de l’importance éventuelle d’un acte dans la pratique, mais seulement de la question de savoir s’il produit ou non des effets juridiques obligatoires. D’autre part, au point 47 dudit arrêt, le Tribunal aurait jugé que la clôture de l’enquête de l’OLAF ne disposait pas d’une portée autonome par rapport au rapport final, de telle sorte que les chefs de conclusions présentés à l’égard de cette clôture étaient également irrecevables.

47      Ainsi, selon la requérante, le Tribunal a fait dépendre le caractère attaquable de la décision de clôture de l’enquête de l’OLAF de celui du rapport final, alors qu’il avait affirmé que ce caractère ne devait dépendre que de la question de savoir si cette décision produisait ou non des effets juridiques obligatoires.

48      La requérante fait valoir que ladite décision diffère substantiellement du rapport final, dans la mesure où les autorités nationales et les institutions, les organes ou les organismes de l’Union ne sont pas compétents pour décider du caractère complet d’une enquête de l’OLAF, ni de la réouverture de celle‑ci, une telle décision ne pouvant être prise que par l’OLAF lui-même. En outre, une décision de clore l’enquête empêcherait la requérante de soumettre à l’OLAF des preuves contraires, d’être entendue par celui-ci et, plus généralement, d’exercer ses droits de la défense. Par conséquent, cette décision produirait nécessairement des effets juridiques obligatoires.

49      Par la troisième branche de son premier moyen, la requérante conteste les points 60 à 65 de l’arrêt attaqué. Sur le fondement des points 73 à 75 de l’arrêt du 13 janvier 2022, Dragnea/Commission (C‑351/20 P, EU:C:2022:8), la requérante fait valoir que l’OLAF aurait dû examiner sa demande d’accès à certains documents figurant dans le dossier de l’OLAF au regard du règlement no 1049/2001 et qu’il était donc tenu de l’informer de son droit de présenter une demande confirmative, au titre de l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement. En l’absence d’une telle information, la requérante aurait considéré que l’OLAF avait définitivement arrêté sa position de refuser l’accès demandé, de telle sorte que la lettre de celui‑ci du 25 novembre 2020 devait être considérée comme un acte définitif, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

50      La conclusion du Tribunal selon laquelle aucun droit d’accès au dossier n’était prévu par le règlement no 883/2013 et une demande d’accès aux documents au titre du règlement no 1049/2001 était nécessairement vouée à l’échec, l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, relative aux activités d’inspection, d’enquête et d’audit, étant applicable, serait en contradiction avec la jurisprudence citée au point 41 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la notion d’acte attaquable par la voie du recours en annulation dépend non pas de l’importance que l’acte contesté peut revêtir en pratique, mais seulement de la question de savoir s’il produit ou non des effets juridiques obligatoires.

 Appréciation de la Cour

–       Sur la première branche du premier moyen

51      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, un recours en annulation peut être formé, sur le fondement de l’article 263, premier alinéa, TFUE, contre toute disposition ou mesure adoptée par les institutions, les organes ou les organismes de l’Union, quelle qu’en soit la forme, qui vise à produire des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts d’une personne physique ou morale, en modifiant de façon caractérisée la situation juridique de celle-ci (arrêts du 11 novembre 1981, IBM/Commission, 60/81, EU:C:1981:264, point 9, et du 21 janvier 2021, Allemagne/Esso Raffinage, C‑471/18 P, EU:C:2021:48, point 63).

52      Par la première branche de son premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, qu’il découle de l’article 7 du règlement no 883/2013 qu’une communication de l’OLAF, telle que la communication du 9 juin 2020, produit des effets juridiques obligatoires, de telle sorte qu’elle constitue un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

53      À cet égard, il y a lieu de relever que, au point 51 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que la communication du 9 juin 2020 s’inscrivait dans la mise en œuvre par l’OLAF de son obligation, au titre de l’article 17, paragraphe 2, du règlement no 515/97, de communiquer aux autorités compétentes de chaque État membre, dès qu’il en dispose, toutes informations de nature à leur permettre d’assurer le respect des réglementations douanière et agricole et que cette communication était également rattachable à l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 883/2013, aux termes duquel « [l’OLAF] peut transmettre aux autorités compétentes des États membres concernés des informations obtenues au cours d’enquêtes externes, en temps opportun pour leur permettre d’y réserver les suites appropriées conformément à leur droit national ».

54      En revanche, le Tribunal n’a pas évoqué l’article 7, paragraphe 7, du règlement no 883/2013, qui prévoit que, en cas de besoin, il appartient aux autorités compétentes des États membres, à la demande de l’OLAF, de prendre les mesures conservatoires appropriées prévues par le droit national, notamment pour sauvegarder les éléments de preuve.

55      Toutefois, à supposer que la communication du 9 juin 2020 puisse, comme le prétend la requérante, être comprise comme comportant une demande de l’OLAF au titre de l’article 7, paragraphe 7, du règlement no 883/2013, une telle circonstance ne permet pas de conclure que cette communication constitue un acte produisant des effets juridiques obligatoires, susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, au titre de l’article 263 TFUE.

56      En effet, il peut être déduit de la référence, figurant à l’article 7, paragraphe 7, du règlement no 883/2013, aux mesures « prévues par le droit national » que ces mesures ne peuvent être adoptées par l’État membre concerné que si les conditions prévues pour leur adoption par le droit national sont remplies. Il ne saurait, dès lors, être considéré qu’une demande de l’OLAF au titre de cette disposition impose à l’État membre concerné un « devoir » d’adopter, en toute hypothèse, lesdites mesures. Une telle demande doit plutôt être comprise comme une invitation, adressée par l’OLAF à l’État membre concerné, à vérifier, sur la base des éléments et des informations communiqués par cet office, si les conditions justifiant l’adoption d’une mesure conservatoire prévue par le droit national de cet État membre sont remplies. Ce n’est que si tel s’avère être le cas que ledit État membre adoptera la mesure sollicitée. La personne concernée pourra, le cas échéant, contester cette mesure devant les juridictions nationales, auxquelles il appartiendra, en cas de besoin, de saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel.

57      Par ailleurs, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 50 de l’arrêt attaqué, qu’aucun parallèle ne pouvait être établi entre l’affaire dont il était saisi et celle ayant donné lieu à l’ordonnance du 13 avril 2011, Planet/Commission (T‑320/09, EU:T:2011:172). Ainsi qu’il ressort du point 44 de l’arrêt du 19 décembre 2012, Commission/Planet (C‑314/11 P, EU:C:2012:823), par lequel la Cour a rejeté le pourvoi introduit contre cette ordonnance, la conclusion du Tribunal, selon laquelle le signalement de la société en cause dans la seconde affaire avait entraîné une modification caractérisée de la situation juridique de cette société, reposait sur une vérification des circonstances particulières de cette affaire.

58      Or, ainsi que le Tribunal l’a, en substance, jugé au point 50 de l’arrêt attaqué, ces circonstances ne présentent aucune similitude avec celles de la présente affaire. Dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 13 avril 2011, Planet/Commission (T‑320/09, EU:T:2011:172), le signalement en cause impliquait l’existence d’un devoir, pour le fonctionnaire compétent de la Commission, de prendre des mesures de vigilance renforcées à l’égard de la société faisant l’objet de ce signalement, dans le contexte de la négociation, entre cette société et la Commission, d’une convention de subvention. Ainsi qu’il ressort plus particulièrement des points 48 à 54 de l’arrêt du 19 décembre 2012, Commission/Planet (C‑314/11 P, EU:C:2012:823), ledit signalement avait affecté la marge de négociation de ladite société, qui s’était vu imposer des conditions supplémentaires pour pouvoir conclure cette convention avec la Commission et, partant, s’était trouvée, à partir du signalement contesté, dans une situation différente de sa situation antérieure.

59      En revanche, à la différence de la conclusion d’un contrat, dont les termes dépendent, en définitive, de l’accord des parties contractantes que chacune d’entre elles peut donner ou refuser librement, la communication du 9 juin 2020 ne pouvait avoir pour effet que d’inciter, le cas échéant, certains États membres à adopter des mesures prévues par leur droit national, et ce uniquement s’ils estimaient, sur la base des informations et des éléments communiqués par l’OLAF, que les conditions prévues par ce droit pour l’adoption de telles mesures étaient remplies. En outre, comme il a déjà été relevé au point 56 du présent arrêt, la personne visée par de telles mesures peut les contester devant les juridictions nationales et, dans ce contexte, invoquer tout argument ou élément de preuve pertinent, susceptible de remettre en cause les informations ou les éléments communiqués par l’OLAF.

60      Dans ces conditions, le fait, invoqué par la requérante, que la communication du 9 juin 2020 a affecté de manière négative ses relations avec les autorités nationales, à supposer qu’il ait été établi, ne suffisait pas à considérer que cette communication pouvait faire l’objet d’un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE. De telles conséquences négatives éventuelles résulteraient non pas de ladite communication, en tant que telle, mais des éléments et des preuves communiqués, dans la mesure où ceux‑ci impliqueraient le droit ou l’obligation, pour les autorités concernées, d’adopter des mesures prévues par leur droit national. En outre, à la différence d’un fonctionnaire de la Commission confronté à un signalement comme celui en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 13 avril 2011, Planet/Commission (T‑320/09, EU:T:2011:172), les autorités nationales ne se trouvent pas dans un rapport de subordination hiérarchique à l’OLAF et ne sont tenues d’agir, à la suite des communications de ce dernier, que si les conditions prévues par les dispositions applicables de leur droit national sont réunies.

61      Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que la première branche du premier moyen n’est pas fondée et qu’elle doit, par conséquent, être écartée.

–       Sur la deuxième branche du premier moyen

62      Par la deuxième branche de son premier moyen, la requérante fait valoir, en substance, que la clôture de l’enquête de l’OLAF la concernant a produit, à son égard, des effets juridiques obligatoires, en ce qu’elle l’a privée de la possibilité de communiquer à l’OLAF des preuves contraires et d’exercer ses droits de la défense. Selon la requérante, le Tribunal a omis de tenir compte, au point 47 de l’arrêt attaqué, de ces effets juridiques obligatoires découlant de la clôture de l’enquête, ce qui serait en contradiction avec les points 40 à 42 de cet arrêt, dont il ressort que le caractère attaquable d’un acte ne dépend que de la question de savoir s’il produit ou non de tels effets.

63      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, au point 38 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, bien que la requérante n’ait pas formellement demandé l’annulation du rapport final, son recours devait être compris comme étant également dirigé contre ce rapport. Dans ces conditions, aux points 39 à 46 de cet arrêt, le Tribunal a examiné la recevabilité du recours de la requérante, en ce que celui‑ci tendait à l’annulation dudit rapport. Le Tribunal a relevé, au point 40 dudit arrêt, que le rapport final d’une enquête de l’OLAF et les recommandations qui lui sont associées ne lient pas leurs destinataires, dès lors qu’il appartient aux autorités compétentes des États membres ou aux institutions, aux organes ou aux organismes de l’Union, selon le cas, de décider des suites à donner aux enquêtes terminées, ainsi que le rappelle le considérant 31 du règlement no 883/2013. Tout en admettant, au point 39 du même arrêt, que ce rapport et ces recommandations pouvaient avoir une incidence pratique considérable sur les procédures administratives et judiciaires susceptibles d’être diligentées contre la requérante, le Tribunal a souligné, au point 41 de l’arrêt attaqué, que la notion d’acte attaquable par la voie du recours en annulation dépend non pas de l’importance que l’acte contesté peut revêtir en pratique, mais seulement de ses éventuels effets juridiques obligatoires. C’est ainsi que, aux points 42 et 46 de cet arrêt, le Tribunal a conclu respectivement que ledit rapport ne constituait pas un acte attaquable et que le recours de la requérante devait être rejeté comme étant irrecevable, pour autant qu’il était dirigé contre le même rapport.

64      Au point 47 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté que cette conclusion devait être étendue à la clôture de l’enquête de l’OLAF, au motif que celle‑ci ne disposait pas d’une portée autonome par rapport au rapport final, dès lors qu’il ressortait, selon le Tribunal, de l’article 11, paragraphes 1 et 7, du règlement no 883/2013 que l’adoption du rapport final constituait l’une des causes de clôture d’une enquête de l’OLAF.

65      Contrairement à ce que prétend la requérante, les considérations du Tribunal exposées au point 47 de l’arrêt attaqué ne sont ni entachées d’une erreur de droit ni en contradiction avec les points 40 à 42 de cet arrêt.

66      Premièrement, c’est à juste titre que le Tribunal a considéré qu’un rapport d’enquête de l’OLAF ne produisait pas d’effets juridiques obligatoires. Tout comme une communication de l’OLAF et pour des motifs analogues à ceux exposés au point 56 du présent arrêt, un rapport d’enquête de l’OLAF n’impose pas aux autorités nationales auxquelles il est transmis une obligation d’adopter certaines mesures. Ces autorités n’adopteront des mesures à la suite de la communication de ce rapport que si elles estiment que leur adoption est justifiée, au regard des dispositions applicables du droit national concerné ainsi que des éléments et des preuves évoqués dans ledit rapport.

67      Deuxièmement, c’est également à juste titre que, au regard du libellé de l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 883/2013, le Tribunal a, en substance, conclu que la clôture d’une enquête à la suite de l’adoption, par l’OLAF, d’un rapport d’enquête final constituait non pas une décision de l’OLAF ayant une portée autonome par rapport à ce dernier, mais la conséquence inéluctable et automatique de cette adoption.

68      Troisièmement, enfin, contrairement aux allégations de la requérante, il n’existe aucune contradiction entre, d’une part, les points 40 à 42 de l’arrêt attaqué et, d’autre part, le point 47 de celui‑ci. En invoquant cette prétendue contradiction, la requérante fait valoir, en substance, que la clôture de l’enquête aurait produit des effets juridiques obligatoires à son égard, dès lors qu’elle l’aurait privée de son « droit » de présenter à l’OLAF des arguments et des preuves supplémentaires.

69      Force est toutefois de constater que le règlement no 883/2013 ne prévoit pas le droit, pour une « personne concernée », telle que la requérante, de produire, de manière continue et à sa guise, des arguments et des preuves « supplémentaires » dans le cadre d’une enquête conduite par l’OLAF. L’article 9, paragraphe 4, de ce règlement prévoit seulement le droit, pour une telle personne, de se voir accorder la possibilité de présenter ses observations sur les faits la concernant avant que les conclusions se rapportant à cette personne n’aient été tirées et, dès lors, avant l’adoption, par l’OLAF, de son rapport d’enquête final.

70      Ainsi qu’il ressort des points 11 et 12 de l’arrêt attaqué, non contestés par la requérante dans le cadre du présent pourvoi, l’OLAF s’est effectivement conformé à l’obligation lui incombant en vertu de cette disposition d’inviter la requérante à présenter ses observations sur les faits la concernant, si bien que la clôture de l’enquête n’a privé cette dernière d’aucun droit dont elle disposait auparavant.

71      Par conséquent, il y a lieu d’écarter la deuxième branche du premier moyen comme étant non fondée.

–       Sur la troisième branche du premier moyen

72      Par la troisième branche de son premier moyen, la requérante conteste les motifs exposés aux points 60 à 65 de l’arrêt attaqué, sur la base desquels le Tribunal a rejeté comme étant irrecevable son recours en annulation, pour autant que celui‑ci visait la lettre de l’OLAF du 25 novembre 2020, par laquelle ce dernier avait rejeté sa demande tendant à la communication de certains documents figurant dans le dossier de l’enquête.

73      Au point 48 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que, « pour des raisons analogues » à celles exposées aux points 38 à 47 de cet arrêt, il devait « être considéré que l’ensemble des actes adoptés par l’OLAF au titre de son enquête [étaient], également, insusceptibles de faire l’objet d’un recours en annulation ».

74      S’agissant, plus particulièrement, de la lettre de l’OLAF du 25 novembre 2020, le Tribunal a relevé, au point 56 de l’arrêt attaqué, que le recours introduit contre celle‑ci ne saurait être déclaré recevable, au motif que cette lettre s’apparenterait à un refus de faire droit à une demande effectuée au titre du règlement no 1049/2001. Après avoir résumé, aux points 57 à 59 de cet arrêt, les enseignements résultant des points 63, 64, 67 à 72, 73, 75 et 76 de l’arrêt du 13 janvier 2022, Dragnea/Commission (C‑351/20 P, EU:C:2022:8), le Tribunal a constaté, au point 60 de l’arrêt attaqué, qu’un raisonnement reposant sur l’obligation pour l’OLAF d’examiner d’office la demande d’accès au dossier qui lui a été adressée au titre du règlement no 883/2013 également sous la qualification de demande d’accès aux documents au titre du règlement no 1049/2001 ne saurait être étendu à une situation dans laquelle cette seconde qualification ne pourrait, en toute hypothèse, aboutir à la divulgation des documents sollicités.

75      Il ressort des points 61 à 63 de l’arrêt attaqué que, selon le Tribunal, tel est le cas lorsque la demande est présentée au cours de l’enquête par une « personne concernée », au sens de l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 883/2013, dans la mesure où l’article 9 de ce règlement ne prévoit aucun droit d’accès au dossier pour une telle personne. Le Tribunal en a déduit, au point 64 de l’arrêt attaqué, que, lorsque l’OLAF a refusé de faire droit à une demande d’accès au dossier, présentée par une personne concernée au cours de l’enquête, une demande d’accès aux documents fondée sur le règlement no 1049/2001 serait, nécessairement, vouée à l’échec, l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, visant la protection des activités d’inspection, d’enquête et d’audit, ayant, alors, vocation à s’appliquer.

76      Or, comme la requérante le fait valoir en substance, les motifs de l’arrêt attaqué résumés aux deux points précédents du présent arrêt ne justifient pas la conclusion selon laquelle la lettre de l’OLAF du 25 novembre 2020 ne constitue pas un acte susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation et sont, en partie, en contradiction avec les motifs énoncés aux points 63 à 76 de l’arrêt du 13 janvier 2022, Dragnea/Commission (C‑351/20 P, EU:C:2022:8).

77      En premier lieu, dans la mesure où cette lettre revêt un caractère négatif, elle doit être appréciée en fonction de la nature de la demande à laquelle elle constitue une réponse (voir, en ce sens, arrêts du 8 mars 1972, Nordgetreide/Commission, 42/71, EU:C:1972:16, point 5, ainsi que du 24 novembre 1992, Buckl e.a./Commission, C‑15/91 et C‑108/91, EU:C:1992:454, point 22).

78      À cet égard, certes, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, si une institution de l’Union concernée n’est pas en mesure de donner suite à une demande qui lui a été adressée, dès lors qu’il n’existe aucune disposition lui permettant d’adopter une décision dans le sens souhaité par l’auteur de la demande, la lettre par laquelle, à titre de courtoisie, l’auteur de la demande est informé de cette impossibilité ne saurait être assimilée à la communication d’une décision au sens de l’article 263 TFUE (arrêt du 15 septembre 2022, PNB Banka/BCE, C‑326/21 P, EU:C:2022:693, point 93 et jurisprudence citée). Toutefois, en l’espèce, il ne fait pas de doute que l’OLAF est compétent pour décider de communiquer, ou non, des documents figurant dans le dossier d’une de ses enquêtes à une personne qui lui en fait la demande.

79      En second lieu, il ressort des points 63 à 76 de l’arrêt du 13 janvier 2022, Dragnea/Commission (C‑351/20 P, EU:C:2022:8), d’une part, que, lorsqu’une personne saisit l’OLAF d’une demande d’accès aux documents au titre du règlement no 883/2013, cet office est tenu d’examiner cette demande également au regard du règlement no 1049/2001, et ce même si ladite demande est fondée exclusivement sur le règlement no 883/2013, sans viser le règlement no 1049/2001, et, d’autre part, que, si l’OLAF omet d’informer cette personne de son droit de présenter une demande confirmative au titre de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, ladite personne est fondée à considérer que l’OLAF a définitivement fixé sa position consistant à refuser sa demande d’accès aux documents, si bien que la lettre par laquelle l’OLAF l’informe de son refus d’accéder à cette demande est susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

80      Contrairement à ce que le Tribunal a jugé, ces considérations valent également dans l’hypothèse où une demande d’accès aux documents émane d’une « personne intéressée », au sens de l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 883/2013, dans la mesure où ni ce règlement ni l’arrêt du 13 janvier 2022, Dragnea/Commission (C‑351/20 P, EU:C:2022:8), n’opèrent de distinction à cet égard.

81      En effet, il serait paradoxal que, à la différence de toute autre personne, une personne intéressée, au sens de cette disposition, ne puisse bénéficier d’un éventuel droit d’accès aux documents au titre du règlement no 1049/2001.

82      En outre, l’éventualité, évoquée par le Tribunal, qu’une demande d’accès aux documents de l’OLAF se heurte à l’exception relative aux documents dont la divulgation porterait atteinte à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit, prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001, concerne le bien-fondé du refus de faire droit à une demande d’accès aux documents, et non pas le caractère attaquable de la décision de ne pas faire droit à cette demande.

83      Il s’ensuit qu’il y a lieu d’accueillir la troisième branche du premier moyen et d’annuler l’arrêt attaqué, en ce que le Tribunal a rejeté comme étant irrecevable le recours de la requérante, pour autant que celui‑ci tendait à l’annulation de la lettre de l’OLAF du 25 novembre 2020 refusant à la requérante l’accès à certains documents du dossier de cet office.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 124 de l’accord UEBiH, de l’article 7, paragraphes 2 et 4, du protocole no 5, de l’article 21 de la Charte, lu en combinaison avec l’article 51 de celle-ci, ainsi que du règlement no 883/2013

 Argumentation de la requérante

84      La requérante conteste les points 82 à 87 de l’arrêt attaqué, relatifs aux illégalités alléguées entachant le contrôle du 4 décembre 2019. Elle fait valoir que l’interprétation et l’application, par le Tribunal, de l’article 7, paragraphes 2 et 4, du protocole no 5 sont entachées d’une erreur de droit, en ce que le Tribunal a considéré que ce contrôle ne pouvait pas être à l’origine d’un comportement illégal imputable à l’OLAF.

85      En premier lieu, la requérante soutient que le Tribunal a interprété l’article 7, paragraphe 2, du protocole no 5 en ce sens que l’application des droits fondamentaux et des garanties procédurales conférées à une personne par le droit de l’Union est écartée lorsque cette personne réside ou est établie en dehors du territoire de l’Union ou lorsque l’OLAF conduit une enquête en dehors de ce territoire. Une telle interprétation constituerait une violation du principe de non-discrimination, expressément visé aux considérants 10, 12 et 23 du règlement no 883/2013. Elle violerait également l’article 124 de l’accord UE‑BiH, ainsi que l’article 21 de la Charte, lu conjointement avec l’article 51 de celle‑ci. Par ailleurs, l’article 7, paragraphe 2, du protocole no 5 se limiterait à prévoir que les demandes d’assistance sont satisfaites conformément aux dispositions légales ou réglementaires de la partie requise, sans indiquer que seules ces dispositions sont applicables.

86      En second lieu, la requérante fait valoir que l’interprétation, par le Tribunal, de l’article 7, paragraphe 4, du protocole no 5 viole l’article 17 du règlement no 883/2013, lu à la lumière du considérant 18 de ce règlement. En outre, cet article 7, paragraphe 4, n’impliquerait pas un transfert, à la partie sur le territoire de laquelle une enquête est menée, de la responsabilité pour des erreurs commises par les fonctionnaires de l’autre partie, qui ont participé à cette enquête, surtout lorsque ces erreurs sont survenues en dehors des limites et des conditions fixées par cette première partie. Par conséquent, ledit article 7, paragraphe 4, n’exonérerait pas l’OLAF de sa responsabilité pour des violations de dispositions de la Charte ou du règlement no 883/2013, commises dans le cadre d’enquêtes conduites en dehors du territoire de l’Union ou à l’égard de personnes concernées résidant ou établies en dehors de ce territoire.

87      À titre subsidiaire, la requérante fait valoir que le Tribunal aurait dû soit vérifier lui‑même si la légalité du contrôle du 4 décembre 2019 avait été contestée devant les juridictions nationales de la Bosnie-Herzégovine, soit donner à la requérante la possibilité de démontrer qu’une telle procédure était en cours, ce qui était effectivement le cas. À défaut d’avoir procédé à une telle vérification et d’avoir donné à la requérante cette possibilité, le Tribunal était, selon la requérante, dans l’incapacité d’établir que ce contrôle n’était pas à l’origine d’illégalités imputables à l’OLAF ou que l’OLAF était en droit d’y faire référence dans le rapport final.

 Appréciation de la Cour

88      Il y a lieu de relever que les points 82 à 87 de l’arrêt attaqué, visés par le deuxième moyen, s’insèrent dans la partie de cet arrêt consacrée à l’examen des prétendues illégalités entachant le contrôle du 4 décembre 2019, invoquées par la requérante à l’appui des conclusions indemnitaires de son recours. En particulier, il ressort des points 74 à 77 de l’arrêt attaqué que, dans le cadre des troisième, quatrième et douzième moyens de son recours, la requérante a fait valoir que, lors de ce contrôle, effectué sous la direction de l’OLAF, les règles pertinentes du droit de l’Union, notamment les articles 7 et 9 du règlement no 883/2013, n’avaient pas été respectées.

89      Aux points 82 et 83 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, conformément à l’article 7, paragraphe 2, du protocole no 5, la conduite du contrôle du 4 décembre 2019 relevait de la responsabilité de l’ABFI, en dépit de la présence de fonctionnaires de l’OLAF, et que la légalité de ce contrôle était régie non pas par le droit de l’Union, mais par le droit de la Bosnie‑Herzégovine. Le Tribunal en a déduit, aux points 84 et 85 de cet arrêt, que la légalité dudit contrôle était une question relevant du droit de la Bosnie‑Herzégovine, que le juge de l’Union n’était pas compétent pour contrôler, et qu’il appartenait à la requérante de contester la légalité du même contrôle devant les juridictions nationales de la Bosnie‑Herzégovine. Le Tribunal a ajouté, au point 86 dudit arrêt, que les contrôles sur place, selon qu’ils sont conduits dans un État membre ou dans un pays tiers, ne relèvent pas de situations comparables, si bien que l’argument de la requérante tiré d’une violation du principe de non‑discrimination ne pouvait pas être suivi. Sur la base de ces considérations, le Tribunal a conclu, au point 87 du même arrêt, que le contrôle du 4 décembre 2019 ne pouvait pas être à l’origine d’illégalités imputables à l’OLAF.

90      La requérante conteste ces appréciations du Tribunal en faisant valoir, en substance, que c’est à tort et en violation du protocole no 5, du règlement no 883/2013 ainsi que du principe de non‑discrimination que le Tribunal a écarté l’application, à l’égard de personnes résidant ou établies en dehors du territoire de l’Union, des droits fondamentaux et des garanties procédurales consacrés par le droit de l’Union.

91      Force est de constater qu’une telle argumentation procède d’une lecture erronée de l’arrêt attaqué.

92      Certes, le juge de l’Union est compétent, conformément à l’article 268 et à l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour connaître de conclusions indemnitaires, telles que celles présentées devant le Tribunal par la requérante, tendant à la réparation d’un préjudice prétendument subi du fait du comportement de fonctionnaires de l’OLAF, y compris lorsque ceux‑ci participent à un contrôle effectué par les autorités d’un pays tiers. En outre, le seul fait qu’un tel contrôle est régi par le droit du pays tiers concerné ne dispense pas ces fonctionnaires de l’obligation de respecter les dispositions pertinentes du droit de l’Union, dont celles visant à protéger les droits fondamentaux et à conférer à la personne concernée par le contrôle certaines garanties procédurales.

93      Toutefois, en l’espèce, la requérante n’a pas invoqué, à l’appui des conclusions indemnitaires de son recours, un comportement spécifique, prétendument contraire au droit de l’Union, des fonctionnaires de l’OLAF ayant participé au contrôle du 4 décembre 2019, comme le confirme, d’ailleurs, le résumé de l’argumentation présentée par la requérante devant le Tribunal figurant aux points 74 à 77 de l’arrêt attaqué. La requérante alléguait plutôt, ainsi que cela est indiqué au point 75 de cet arrêt, que ce contrôle avait été effectué sous la direction de l’OLAF, de telle sorte que les prétendues illégalités affectant ledit contrôle seraient, par voie de conséquence, imputables à cet office.

94      Par ailleurs, il ressort du point 82 dudit arrêt que le Tribunal a, en substance, considéré que le contrôle du 4 décembre 2019 avait été effectué sous la direction non pas de l’OLAF, mais de l’ABFI, comme le prévoit le protocole no 5. Il s’agit là d’une appréciation factuelle ne pouvant, sauf en cas de dénaturation des faits et des preuves, nullement alléguée par la requérante en l’espèce, être remise en cause dans le cadre d’un pourvoi. C’est dans ce contexte que s’insère la considération, figurant au point 84 du même arrêt, selon laquelle le juge de l’Union n’est pas compétent pour contrôler la légalité d’un tel contrôle.

95      Il s’ensuit que la requérante effectue une lecture erronée de l’arrêt attaqué lorsqu’elle allègue que le Tribunal a jugé que les droits fondamentaux et les garanties procédurales prévues par le droit de l’Union ne pouvaient pas être invoqués, à l’égard des fonctionnaires de l’OLAF, par une personne résidente ou établie dans un pays tiers. En effet, un tel motif ne figure pas dans cet arrêt.

96      L’argument avancé à titre subsidiaire par la requérante, selon lequel le Tribunal aurait dû vérifier si elle avait contesté, devant les juridictions compétentes de la Bosnie‑Herzégovine, la légalité du contrôle du 4 décembre 2019, ne saurait non plus prospérer. Une telle vérification par le Tribunal n’était pas nécessaire, dès lors que le sort d’un éventuel recours introduit par la requérante devant les juridictions de la Bosnie‑Herzégovine n’aurait eu aucune influence sur le bien‑fondé des conclusions indemnitaires qu’elle a présentées devant le Tribunal.

97      En effet, à supposer que l’ABFI ait conduit le contrôle du 4 décembre 2019 de manière contraire au droit de la Bosnie‑Herzégovine, cette seule circonstance ne saurait, en tout état de cause, engager la responsabilité non contractuelle de l’Union.

98      Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du droit de ne pas s’incriminer

 Argumentation de la requérante

99      La requérante fait valoir qu’il résulte des arguments qu’elle a avancés dans le cadre du deuxième moyen que l’interprétation par le Tribunal de l’article 7, paragraphes 2 et 4, du protocole no 5 constitue aussi une violation du droit de ne pas s’incriminer, consacré à l’article 9, paragraphe 2, du règlement no 883/2013, à l’article 48, paragraphe 1, de la Charte et à l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950. Il ressortirait des motifs exposés aux points 84 à 88 de l’arrêt attaqué que ce droit ne s’applique qu’aux enquêtes effectuées sur le territoire de l’Union ou aux personnes résidant ou établies sur ce territoire. Il en résulterait une limitation illégale dudit droit.

 Appréciation de la Cour

100    Il suffit de relever que, tout comme le deuxième moyen, qui vise les mêmes motifs de l’arrêt attaqué, le troisième moyen procède d’une lecture erronée de cet arrêt.

101    En effet, le Tribunal n’a pas considéré que le droit de ne pas s’incriminer ne s’applique qu’aux enquêtes effectuées sur le territoire de l’Union et qu’il ne peut être invoqué que par les personnes résidant ou établies sur ce territoire. Ainsi qu’il ressort des points 93 et 94 du présent arrêt, le Tribunal a, plutôt, considéré que le contrôle du 4 décembre 2019 avait été effectué par l’ABFI et sous sa responsabilité, de telle sorte que d’éventuelles illégalités commises lors de ce contrôle, y compris une violation du droit de ne pas s’incriminer, ne sauraient engager la responsabilité non contractuelle de l’Union, la requérante n’ayant invoqué aucun comportement spécifique des fonctionnaires de l’OLAF ayant participé audit contrôle qui constituerait une violation de son droit de ne pas s’incriminer.

102    Par conséquent, le troisième moyen doit être écarté comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du règlement no 883/2013 en ce qui concerne le mécanisme interne de consultation et de contrôle de l’OLAF

 Argumentation de la requérante

103    La requérante fait valoir que, en affirmant, au point 111 de l’arrêt attaqué, que le règlement no 883/2013 ne prévoyait pas qu’une personne intéressée puisse introduire une réclamation quant à la manière dont les garanties de procédure visées à l’article 9 de ce règlement avaient été appliquées, le Tribunal a commis une erreur de droit. En effet, une procédure de réclamation aurait été instituée en application de l’article 17, paragraphe 7, dudit règlement, lu à la lumière du considérant 47 du même règlement.

 Appréciation de la Cour

104    Le point 111 de l’arrêt attaqué fait partie des motifs pour lesquels le Tribunal a rejeté l’argument de la requérante, avancé à l’appui de ses conclusions indemnitaires, selon lequel l’OLAF avait violé son droit d’être entendue, du fait du refus du directeur général de l’OLAF d’instruire la réclamation de la requérante du 14 décembre 2020. Le Tribunal y a relevé que le règlement no 883/2013, dans sa version applicable à l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, ne prévoyait pas qu’une personne intéressée, au sens de ce règlement, puisse introduire une réclamation quant à la manière dont les garanties de procédure visées à l’article 9 dudit règlement avaient été appliquées et qu’une telle possibilité avait été instaurée par l’OLAF lui‑même. Le Tribunal a ajouté, au point 112 dudit arrêt, que l’OLAF n’avait pas méconnu les règles qu’il s’était fixées en refusant d’instruire cette réclamation de la requérante, dès lors que ces règles excluaient toute possibilité d’introduire une réclamation après la clôture de l’enquête concernée.

105    Or, l’argumentation avancée par la requérante dans le cadre de son quatrième moyen, à la supposer fondée, ne saurait justifier l’annulation de l’arrêt attaqué.

106    En effet, même à admettre, comme le fait valoir, en substance, la requérante, qu’il ressortît de l’article 17, paragraphe 7, du règlement no 883/2013, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, l’existence d’une obligation, pour le directeur général de l’OLAF, de prévoir qu’une personne concernée, au sens de ce règlement, puisse introduire une réclamation quant à la manière dont les garanties procédurales prévues par ledit règlement avaient été appliquées, il n’en reste pas moins qu’il incomberait au directeur général de l’OLAF de fixer les modalités d’introduction et d’examen d’une telle réclamation. Dans ce contexte, le directeur général de l’OLAF pouvait prévoir qu’aucune réclamation ne pouvait être introduite après la clôture d’une enquête, et ce d’autant plus que, à ce stade tardif, l’examen d’une réclamation serait dénué de pertinence, l’OLAF ayant déjà terminé son enquête et transmis le rapport final à ses destinataires.

107    À cet égard, il y a lieu d’ajouter qu’une personne concernée par une enquête de l’OLAF, telle que la requérante, peut invoquer d’éventuelles violations, par l’OLAF, des garanties procédurales prévues à l’article 9 du règlement no 883/2013 devant les destinataires du rapport d’enquête concerné. Il incombe alors à ces destinataires, lors de l’examen des suites à donner à ce rapport, de vérifier si de telles violations ont effectivement été commises et, dans l’affirmative, d’une part, d’en tenir compte lors de l’appréciation de la fiabilité des constatations de l’OLAF ainsi que des éléments et des preuves qu’il a recueillis et, d’autre part, de prendre, le cas échéant, les mesures appropriées pour y remédier.

108    Il ressort des considérations qui précèdent que le quatrième moyen doit être écarté comme étant inopérant.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’un défaut de motivation et d’une contradiction de motifs, en ce qui concerne le droit d’être entendu 

 Argumentation de la requérante

109    En premier lieu, la requérante fait valoir que l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motivation, dès lors que le Tribunal a omis de répondre à son argument selon lequel son droit d’être entendue a été violé en raison du fait que l’OLAF ne l’a entendue qu’après avoir transmis la communication du 9 juin 2020 aux États membres, ce qui aurait eu pour conséquence qu’elle n’a pas été informée en temps utile et de manière efficace de tous les éléments du dossier, pour pouvoir se défendre en toute connaissance de cause.

110    En second lieu, la requérante fait valoir qu’il existe une contradiction, entre, d’une part, les points 95 et 110 de l’arrêt attaqué, dont il ressort que, selon le Tribunal, l’OLAF n’est tenu d’entendre la personne concernée qu’au terme de son enquête et non pas au cours de celle‑ci, et, d’autre part, les points 112 et 156 de cet arrêt, dont il ressort que la procédure de réclamation de l’OLAF ne s’applique pas aux enquêtes closes, de telle sorte que ce n’est qu’au cours de l’enquête que la personne concernée peut introduire une réclamation et être entendue. Selon la requérante, il s’ensuit que les considérations du Tribunal concernant, d’une part, le droit de la requérante d’être entendue et, d’autre part, son droit d’introduire une réclamation sont intrinsèquement contradictoires et que, par conséquent, le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, au point 113 dudit arrêt, que l’OLAF n’avait pas méconnu le droit de la requérante d’être entendue.

 Appréciation de la Cour

111    Il convient de constater que le cinquième moyen s’articule en deux branches. Par la première branche de ce moyen, la requérante reproche au Tribunal, en substance, une violation de l’obligation de motivation, dès lors qu’il n’aurait pas répondu à son argument tiré d’une prétendue violation, par l’OLAF, de son droit d’être entendue, en raison du fait que l’OLAF ne l’a pas entendue avant de transmettre aux États membres la communication du 9 juin 2020.

112    Cette première branche doit être écartée comme étant non fondée. En effet, le Tribunal a évoqué cet argument à deux reprises, aux points 94 et 100 de l’arrêt attaqué. Aux points 94 à 99 de cet arrêt, il a exposé les motifs pour lesquels, selon lui, l’OLAF avait respecté l’obligation, découlant de l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 883/2013, d’entendre la requérante au terme de son enquête et non pas au cours de celle‑ci. Puis, aux points 101 à 110 dudit arrêt, le Tribunal a exposé les motifs pour lesquels il a considéré qu’une obligation, pour l’OLAF, d’entendre la requérante préalablement à la communication du 9 juin 2020 ne découlait pas non plus de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte. Partant, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le Tribunal a répondu audit argument et a exposé à suffisance de droit, dans l’arrêt attaqué, les motifs pour lesquels il a considéré qu’il ne pouvait pas être accueilli.

113    Par la seconde branche de son cinquième moyen, la requérante invoque une contradiction entre, d’une part, les points 95 et 110 de l’arrêt attaqué, dont il ressort que, selon le Tribunal, l’OLAF n’est tenu d’entendre une personne concernée qu’au terme de son enquête et non pas au cours de celle‑ci, et, d’autre part, les points 112 et 156 de cet arrêt, dont il ressort que la procédure de réclamation de l’OLAF ne s’applique pas aux enquêtes closes, de telle sorte que ce n’est qu’au cours de l’enquête qu’une personne concernée peut introduire une réclamation.

114    Or, ces deux considérations ne sont pas contradictoires. En effet, il y a lieu de distinguer la faculté, pour une personne concernée, d’introduire, au cours d’une enquête, une réclamation pour faire valoir d’éventuelles irrégularités ou des violations de ses droits résultant de la manière dont l’enquête a été conduite de l’obligation, pour l’OLAF, découlant de l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 883/2013, d’entendre cette personne au terme de son enquête. Cette obligation est indépendante de l’exercice, par ladite personne, de cette faculté.

115    Il s’ensuit que la seconde branche du cinquième moyen et, partant, ce moyen dans son intégralité doivent être écartés comme étant non fondés.

 Sur le sixième moyen, tiré d’un défaut de motivation en ce qui concerne l’impartialité du directeur général de l’OLAF

 Argumentation de la requérante

116    La requérante fait valoir que le Tribunal a méconnu l’article 41 de la Charte et violé l’obligation de motivation, dès lors que, au point 161 de l’arrêt attaqué, il a jugé, sans citer une jurisprudence pertinente, que l’exigence d’impartialité n’imposait pas que l’exercice du droit d’être entendu se fasse devant une autorité différente, ou entièrement autonome, de celle ayant conduit l’enquête et qu’il a rejeté son argument selon lequel l’OLAF avait violé cette exigence, consacrée à l’article 41 de la Charte, dans la mesure où le directeur général de l’OLAF, qui conduisait l’enquête concernant la requérante, n’avait pas fait preuve de l’impartialité requise dans l’examen des réclamations introduites par celle‑ci.

 Appréciation de la Cour

117    Il y a lieu de relever que les points 161 et 162 de l’arrêt attaqué, visés par le sixième moyen, figurent dans la partie de cet arrêt consacrée à l’examen du deuxième moyen du recours de la requérante devant le Tribunal, tiré de la prétendue partialité du directeur général de l’OLAF.

118    Plus particulièrement, ainsi qu’il ressort du point 157 dudit arrêt, les motifs exposés à ces points 161 et 162 concernent la question d’une éventuelle partialité du directeur de l’OLAF en ce qui concerne l’examen de la réclamation qui aurait figuré dans les observations de la requérante du 16 octobre 2020, à laquelle le directeur général de l’OLAF a répondu le 27 novembre 2020.

119    Comme il ressort du point 153 de l’arrêt attaqué, la requérante faisait valoir devant le Tribunal que le directeur général de l’OLAF ne pouvait être considéré comme impartial à l’occasion de l’examen des réclamations de la requérante, dès lors qu’il était impliqué dans les enquêtes concernant celle‑ci. Au point 161 de cet arrêt, le Tribunal a écarté cet argument, en affirmant que l’exigence d’impartialité n’impose pas que l’exercice du droit d’être entendu se fasse devant une autorité différente, ou entièrement autonome, de celle ayant conduit l’enquête. Il a ajouté, au point 162 dudit arrêt, que la requérante n’avait apporté aucun élément de preuve susceptible de démontrer, dans son cas particulier, un élément objectif, tel un conflit d’intérêts, de nature à faire naître un doute légitime, aux yeux des tiers, quant à l’impartialité du directeur de l’OLAF.

120    Dès lors que la requérante invoque l’article 41 de la Charte, il y a lieu de rappeler que cet article prévoit, à son paragraphe 1, que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement par les institutions, les organes et les organismes de l’Union.

121    L’exigence d’impartialité comporte deux composantes, à savoir, d’une part, l’impartialité subjective, en vertu de laquelle aucun membre de l’institution concernée ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, et, d’autre part, l’impartialité objective, conformément à laquelle cette institution doit offrir des garanties suffisantes pour exclure tout doute légitime quant à un éventuel préjugé. En outre, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’une connaissance préalable des faits par ceux qui sont appelés à participer à l’adoption d’une décision judiciaire ou administrative ne constitue pas, à elle seule, une circonstance susceptible d’entacher cette décision d’un vice de procédure revêtant la forme d’un défaut d’impartialité (arrêt du 21 octobre 2021, Parlement/UZ, C‑894/19 P, EU:C:2021:863, points 54 et 55).

122    Au regard de cette jurisprudence, c’est sans méconnaître l’article 41 de la Charte que le Tribunal a pu juger, aux points 161 et 162 de l’arrêt attaqué, en substance, que le fait que le directeur général de l’OLAF, par la nature de ses fonctions, était « impliqué » dans l’enquête menée par l’OLAF à l’égard de la requérante ne suffisait pas à démontrer un manque d’impartialité de ce directeur général et que, dès lors, à défaut, pour la requérante, de produire des éléments de preuve additionnels susceptibles de faire naître un doute légitime à cet égard, l’argument de la requérante, tiré de la prétendue partialité du directeur de l’OLAF, devait être rejeté.

123    La requérante fait encore valoir que le Tribunal a violé l’obligation de motivation, au motif qu’il n’a cité aucune jurisprudence à l’appui des considérations exposées aux points 161 et 162 de l’arrêt attaqué. À cet égard, il suffit de relever que cette obligation n’impose nullement au Tribunal de citer de la jurisprudence à l’appui de chacune de ses considérations.

124    Il en résulte que le sixième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

 Sur le septième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense ainsi que d’une contradiction de motifs, en ce qui concerne les prélèvements effectués par les autorités douanières croates à la demande de l’OLAF

 Argumentation de la requérante

125    La requérante conteste les points 182 et 183 de l’arrêt attaqué, en faisant valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, en ce qui concerne l’interprétation des droits de la défense, consacrés à l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 883/2013, ou, à titre subsidiaire, que cet arrêt est entaché d’une contradiction de motifs.

126    La requérante rappelle que, après avoir examiné les nouveaux éléments de preuve qu’elle avait présentés le 20 janvier 2022, le Tribunal a affirmé, au point 182 de l’arrêt attaqué, que, contrairement à ce qu’avait retenu l’OLAF, neuf, et non huit, conteneurs en provenance des États-Unis et à destination de la Bosnie-Herzégovine avaient fait l’objet de vérifications dans le cadre des contrôles mentionnés au point 25 du présent arrêt. Le Tribunal aurait néanmoins considéré, au point 183 de l’arrêt attaqué, que l’imprécision quant au nombre de conteneurs vérifiés était dépourvue d’incidence, l’ensemble des vérifications ayant abouti à la même conclusion, à savoir la présence de biodiésel en lieu et place des « huiles de cuisson usagées » déclarées.

127    Or, selon la requérante, conformément à l’article 9, paragraphe 1, du règlement no 883/2013, l’OLAF aurait dû lui communiquer l’ensemble des éléments matériels en sa possession. En s’abstenant de le faire et en induisant en erreur tant la requérante que l’ensemble des États membres quant au nombre exact des prélèvements effectués, l’OLAF aurait violé les droits de la défense de la requérante. En ne constatant pas une telle violation, le Tribunal aurait commis une erreur de droit.

128    À titre subsidiaire, la requérante fait valoir que les considérations du Tribunal figurant aux points 182 et 183 de l’arrêt attaqué sont en contradiction avec celles, figurant aux points 44, 55 et 107 de cet arrêt, dont il ressort qu’une éventuelle violation des droits de la requérante au cours de l’enquête de l’OLAF devait être portée devant les juridictions nationales, qui pouvaient être amenées à saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel. En effet, aux points 182 et 183 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait lui‑même procédé à une appréciation des éléments de preuve produits par la requérante.

 Appréciation de la Cour

129    Il y a lieu de relever que, après avoir exposé, au point 181 de l’arrêt attaqué, que la requérante n’avait pas démontré que l’une des conditions cumulatives dont dépend l’engagement de la responsabilité extracontractuelle de l’Union, à savoir, ainsi qu’il ressort du point 70 de cet arrêt, celle tenant à l’illégalité du comportement reproché à l’OLAF, était satisfaite, le Tribunal a ajouté, au point 182 dudit arrêt, que cette conclusion n’était pas infirmée par la prise en compte des nouveaux éléments de preuve présentés devant le Tribunal par la requérante le 20 janvier 2022, relatifs aux prélèvements réalisés par les autorités croates à la demande de l’OLAF sur certains conteneurs en provenance des États-Unis et à destination de la Bosnie-Herzégovine.

130    Le Tribunal a relevé qu’il ressortait de ces éléments que neuf conteneurs, et non pas huit, avaient fait l’objet de vérifications par les autorités douanières croates. Il a, toutefois, ajouté que, sans qu’il fût nécessaire de s’interroger sur la recevabilité desdits éléments, il suffisait de souligner que l’imprécision quant au nombre de conteneurs vérifiés était dépourvue d’incidence, l’ensemble des vérifications ayant abouti à la même conclusion, à savoir la présence de biodiésel en lieu et place des « huiles de cuisson usagées » déclarées.

131    La requérante fait valoir que le Tribunal a omis de constater une violation de ses droits de la défense, résultant du fait que l’OLAF ne lui a pas communiqué l’ensemble des éléments matériels en sa possession et l’a induite en erreur quant au nombre exact des prélèvements effectués.

132    Toutefois, il ne ressort pas de l’arrêt attaqué que, devant le Tribunal, la requérante avait invoqué une violation de ses droits de la défense, au motif que l’OLAF aurait omis de l’informer qu’un neuvième conteneur avait fait l’objet de vérifications lors des contrôles mentionnés au point 25 du présent arrêt. Par ailleurs, la lecture de la requête devant le Tribunal, qui figure dans le dossier de première instance transmis à la Cour en application de l’article 167, paragraphe 2, du règlement de procédure, confirme qu’un tel moyen ou argument n’a pas été invoqué devant le Tribunal.

133    La lettre de la requérante du 20 janvier 2022, qui accompagnait les éléments de preuve visés aux points 182 et 183 de l’arrêt attaqué et qui figure aussi dans ce dossier, indiquait que ces éléments étaient avancés à l’appui des premier, deuxième, sixième, douzième et quatorzième moyens du recours de la requérante devant le Tribunal.

134    Or, seul le douzième moyen de ce recours était tiré d’une violation des droits de la défense de la requérante, mais pour des motifs différents, résumés au point 91 de l’arrêt attaqué.

135    Il s’ensuit que, sous couvert d’une prétendue erreur de droit commise par le Tribunal, la requérante entend soulever, pour la première fois au stade du pourvoi, un moyen nouveau, non soulevé devant le Tribunal.

136    En vertu d’une jurisprudence bien établie, la compétence de la Cour dans le cadre de l’examen d’un pourvoi est limitée à l’appréciation en droit de la solution qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant les premiers juges. Une partie ne saurait donc soulever pour la première fois devant la Cour un moyen qu’elle n’a pas soulevé devant le Tribunal, dès lors que cela reviendrait à lui permettre de saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal (arrêt du 2 février 2023, Espagne e.a./Commission, C‑649/20 P, C‑658/20 P et C‑662/20 P, EU:C:2023:60, point 29 ainsi que jurisprudence citée).

137    Il s’ensuit que, pour autant que le septième moyen concerne une prétendue violation des droits de la défense de la requérante, résultant du fait que l’OLAF n’avait pas informé cette dernière que les vérifications en cause portaient non pas sur huit, mais sur neuf conteneurs, il doit être écarté comme étant irrecevable.

138    La requérante invoque également une contradiction dans les motifs de l’arrêt attaqué, en raison du fait que, aux points 182 et 183 de cet arrêt, le Tribunal a examiné lui‑même les éléments de preuve qu’elle a présentés, alors qu’il ressort des points 44, 55 et 107 dudit arrêt que le point de savoir si une éventuelle violation des droits de la requérante au cours de l’enquête de l’OLAF a affecté la validité du rapport final devait être portée devant les juridictions nationales, qui pouvaient saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel à ce sujet.

139    À cet égard, il suffit de relever que ces deux parties de l’arrêt attaqué ne sont pas contradictoires. La possibilité pour la requérante d’inviter les juridictions nationales à interroger la Cour sur la validité du rapport final au regard, notamment, d’une violation alléguée de ses droits de la défense, à laquelle le Tribunal a fait allusion aux points 44, 55 et 107 de l’arrêt attaqué, n’implique nullement que le Tribunal n’était pas en droit d’apprécier des éléments de preuve produits devant lui par la requérante à l’appui de sa demande indemnitaire.

140    Il s’ensuit que le septième moyen doit être rejeté comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

141    Dans ces conditions, il y a lieu d’annuler l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal a rejeté comme étant irrecevable le recours de la requérante, pour autant que celui‑ci tendait à l’annulation de la lettre de l’OLAF du 25 novembre 2020 refusant à la requérante l’accès à certains documents du dossier de cet office et qu’il a statué sur les dépens afférents à cette partie du recours, ainsi que de rejeter le pourvoi pour le surplus.

 Sur le recours devant le Tribunal

142    Conformément à l’article 61, premier alinéa, deuxième phrase, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour peut, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

143    En l’espèce, eu égard, notamment, à la circonstance que le recours en annulation introduit par la requérante dans l’affaire T‑81/21 est fondé sur des moyens ayant fait l’objet d’un débat contradictoire devant le Tribunal et dont l’examen ne nécessite d’adopter aucune mesure supplémentaire d’organisation de la procédure ou d’instruction du dossier, la Cour estime que ce recours est en état d’être jugé et qu’il y a lieu de statuer définitivement sur celui-ci, dans la limite du litige dont elle reste saisie, à savoir la demande d’annulation de la lettre de l’OLAF du 25 novembre 2020 refusant à la requérante l’accès à certains documents du dossier de cet office (voir, par analogie, arrêt du 2 septembre 2021, Ja zum Nürburgring/Commission, C‑647/19 P, EU:C:2021:666, point 112 et jurisprudence citée).

144    À l’appui de cette demande, la requérante a invoqué douze moyens devant le Tribunal. Toutefois, seuls le huitième moyen, tiré d’une violation de l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte, le neuvième moyen, tiré d’une violation du règlement no 1049/2001, et le onzième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, concernent ladite demande.

 Sur le onzième moyen

145    Par le onzième moyen de son recours, qu’il convient d’examiner en premier lieu, la requérante reproche, en substance, à l’OLAF de ne pas avoir motivé suffisamment son refus de lui accorder un accès au dossier de l’enquête. Selon la requérante, l’OLAF n’a pas exposé les motifs précis de ce refus et s’est limité à invoquer, de manière générale, des motifs de confidentialité et de secret professionnel.

146    Ces arguments ne sauraient prospérer. Il ressort de la lecture de la lettre de l’OLAF du 25 novembre 2020 que cet office a exposé à suffisance de droit les motifs pour lesquels il estimait ne pas être en mesure de faire droit à la demande de la requérante de se voir communiquer certains documents figurant dans son dossier.

147    En substance, l’OLAF a relevé que le règlement no 883/2013 n’accordait pas aux personnes concernées par une enquête un droit d’accès au dossier et que l’absence d’un tel accès ne constituait pas une violation de l’article 41, paragraphe 2, de la Charte. Il a ajouté qu’accorder un tel accès pourrait porter atteinte au travail de l’OLAF et a rappelé que, en cas de transmission d’informations, par l’OLAF, aux autorités nationales, des droits additionnels sont reconnus à ces personnes, y compris le droit d’avoir accès au dossier.

148    Une telle motivation permettait à la requérante de comprendre les motifs du rejet de sa demande et, le cas échéant, d’en contester le bien‑fondé. Partant, il convient de constater que l’OLAF a respecté l’obligation de motivation, si bien que le onzième moyen du recours de la requérante doit être rejeté.

 Sur le huitième moyen

149    Par le huitième moyen de son recours, la requérante fait valoir que, en rejetant sa demande d’accès au dossier, l’OLAF a violé son droit, consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte, d’avoir accès au dossier qui la concerne.

150    Selon la jurisprudence de la Cour, le respect des droits de la défense, consacré à l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, constitue un droit fondamental faisant partie intégrante de l’ordre juridique de l’Union. Ce droit comporte le droit de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard et le droit d’accès au dossier dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 98 et 99).

151    La Cour a jugé que l’article 9, paragraphe 4, du règlement no 883/2013, qui prévoit l’obligation pour l’OLAF, une fois son enquête achevée et avant que des conclusions se rapportant nommément à une personne concernée n’aient été tirées, d’accorder à cette personne la possibilité de présenter ses observations sur les faits la concernant, met en œuvre le droit, consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, de toute personne d’être entendue avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2021, Cour des comptes/Pinxten, C‑130/19, EU:C:2021:782, points 167 et 168).

152    Toutefois, s’agissant de la possibilité d’une personne concernée par une enquête de l’OLAF d’avoir accès au dossier de celui‑ci, il convient de rappeler, d’une part, que, en vertu de l’article 10 du règlement no 883/2013, lu en combinaison avec l’article 8, paragraphe 1, du règlement no 2185/96, les informations transmises ou obtenues dans le cadre des enquêtes externes de l’OLAF revêtent un caractère confidentiel et, d’autre part, que, abstraction faite du droit de la personne concernée d’avoir accès au compte-rendu de son entretien avec l’OLAF, afin de l’approuver ou d’y apporter des observations, conformément à l’article 9, paragraphes 2 et 4, du règlement no 883/2013, aucun droit d’accès au dossier de cette personne n’est prévu par ce dernier règlement.

153    À cet égard, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort tant de l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte que de la jurisprudence citée au point 150 du présent arrêt, le droit d’accès de toute personne au dossier qui la concerne doit être exercé dans le respect des intérêts légitimes de la confidentialité ainsi que du secret professionnel et des affaires.

154    Il doit également être tenu compte du fait qu’une enquête de l’OLAF aboutissant à l’adoption, par ce dernier, d’un rapport d’enquête n’implique pas, par elle‑même, l’adoption de mesures individuelles qui affectent défavorablement une personne déterminée, au sens de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte. Plus particulièrement, l’article 11, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 883/2013 prévoit que le rapport de l’OLAF est accompagné de simples « recommandations » du directeur général de l’OLAF, à l’attention des institutions, des organes ou des organismes de l’Union ainsi que des autorités compétentes des États membres concernés. En effet, ainsi qu’il ressort du point 66 du présent arrêt, un rapport d’enquête de l’OLAF ne produit pas d’effets juridiques obligatoires.

155    Il ne saurait, dès lors, être considéré que l’article 41, paragraphe 2, sous b), de la Charte impose de donner à toute personne concernée par une enquête de l’OLAF un accès au dossier de celui‑ci, avant même l’adoption du rapport final de l’OLAF.

156    En effet, à ce stade précoce, avant que la personne concernée n’ait fait l’objet de mesures concrètes l’affectant défavorablement, ou même de recommandations la concernant, il peut s’avérer difficile, voire impossible, de concilier un tel accès avec l’obligation du respect de la confidentialité, qui pèse sur l’OLAF en vertu des dispositions mentionnées au point 152 du présent arrêt.

157    En outre, il importe de relever qu’une institution, un organe ou un organisme de l’Union qui entend donner suite à des recommandations de l’OLAF par l’adoption de mesures individuelles susceptibles d’affecter défavorablement une personne est tenu de respecter, au préalable, les droits de la défense de cette personne, consacrés à l’article 41, paragraphe 2, de la Charte, dont le droit d’accès au dossier fait partie.

158    Quant aux États membres, il résulte, certes, du libellé de l’article 41 de la Charte que celui-ci ne leur est pas adressé (arrêt du 17 juillet 2014, YS e.a., C‑141/12 et C‑372/12, EU:C:2014:2081, point 67). Il n’en reste pas moins que, selon la jurisprudence de la Cour, l’obligation de respecter les droits de la défense des destinataires de décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts pèse aussi, en principe, sur les administrations des États membres lorsqu’elles prennent des mesures entrant dans le champ d’application du droit de l’Union (arrêt du 10 septembre 2013, G. et R., C‑383/13 PPU, EU:C:2013:533, point 35). 

159    Il doit être ajouté que le respect des droits de la défense d’une personne concernée par une enquête de l’OLAF doit être apprécié de façon globale, de telle sorte que, si une telle personne a pu exercer de manière effective ces droits avant l’adoption d’un acte qui l’affecte défavorablement, le fait qu’elle ait été empêchée de les exercer effectivement au stade de l’enquête de l’OLAF ne démontre pas, en tant que tel, que ses droits de la défense ont été violés (voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2021, Cour des comptes/Pinxten, C‑130/19, EU:C:2021:782, points 170 à 173).

160    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de conclure que c’est à bon droit et sans méconnaître l’article 41, paragraphe 2, de la Charte que l’OLAF a considéré qu’il n’était pas tenu d’accorder à la requérante un accès aux documents, figurant dans le dossier de cet office, dont elle avait sollicité la communication le 27 octobre 2020.

161    Partant, le huitième moyen du recours de la requérante n’est pas fondé et doit être rejeté.

 Sur le neuvième moyen

162    Le neuvième moyen du recours de la requérante est avancé à titre subsidiaire et est tiré d’une violation du règlement no 1049/2001.

163    Tout en reconnaissant que l’exception, prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, de ce règlement, relative aux documents dont la divulgation porterait atteinte à la protection des objectifs d’inspection, d’enquête et d’audit, était susceptible de s’appliquer et que l’OLAF aurait pu se fonder, à cet égard, sur une présomption générale telle que celle reconnue par la Cour au point 61 de l’arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, EU:C:2010:376), la requérante estime que les documents dont elle a demandé la divulgation n’étaient pas couverts par une telle présomption, dès lors que son avocat aurait dû être mis en mesure de protéger ses droits de la défense à l’égard de l’OLAF, des autorités des États membres ainsi que de ses clients.

164    À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001 prévoit que les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

165    Or, il y a lieu de reconnaître, sur la base du point 61 de l’arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, EU:C:2010:376), l’existence d’une présomption générale selon laquelle la divulgation des documents du dossier d’une enquête conduite par l’OLAF porterait, en principe, atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête, au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001.

166    En l’espèce, il convient, en premier lieu, de constater que la demande de la requérante du 27 octobre 2020, visant la communication de certains documents figurant dans le dossier de l’OLAF, n’indiquait nullement qu’elle était présentée au titre du règlement no 1049/2001. Toutefois, pour les motifs exposés aux points 79 à 81 du présent arrêt et conformément à ce que la Cour a jugé aux points 63 à 76 de l’arrêt du 13 janvier 2022, Dragnea/Commission (C‑351/20 P, EU:C:2022:8), l’OLAF devait examiner cette demande au regard non seulement du règlement no 883/2013, mais également du règlement no 1049/2001.

167    En second lieu, il y a lieu de relever que, bien que la lettre de l’OLAF du 25 novembre 2020, par laquelle cet office a rejeté ladite demande, ne se réfère pas de manière explicite au règlement no 1049/2001 et, plus particulièrement, à l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, de celui‑ci, aux termes de cette lettre, l’OLAF a estimé qu’« accorder l’accès aux documents qui sont dans le dossier de l’OLAF ou émis par l’OLAF lui‑même dans ce cadre pourrait, en effet, être préjudiciable au travail de l’[OLAF] ».

168    Il en ressort que l’OLAF a, en substance, considéré que la divulgation des documents demandés par la requérante porterait atteinte à la protection des objectifs de son enquête, au sens de l’article 4, paragraphe 2, troisième tiret, du règlement no 1049/2001. Partant, le refus de l’OLAF de communiquer à la requérante les documents demandés par celle‑ci le 27 octobre 2020 ne constitue pas une violation du règlement no 1049/2001, étant rappelé que l’OLAF pouvait se fonder, à cet égard, sur la présomption générale mentionnée au point 165 du présent arrêt.

169    L’argument de la requérante, selon lequel les documents demandés ne seraient pas couverts par cette présomption générale, au motif qu’ils étaient demandés par son avocat, afin de protéger les droits de la défense de la requérante, témoigne d’une compréhension erronée de la jurisprudence issue de l’arrêt du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau (C‑139/07 P, EU:C:2010:376), et ne saurait être admis.

170    Certes, il ressort du point 62 de cet arrêt que la présomption générale reconnue par la Cour au point 61 dudit arrêt n’exclut pas le droit pour les intéressés de démontrer qu’un document donné dont la divulgation est demandée n’est pas couvert par cette présomption générale ou qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement nº 1049/2001.

171    Toutefois, la requérante n’invoque aucun argument susceptible de démontrer que les documents dont elle a demandé la divulgation n’étaient pas couverts par ladite présomption générale ou qu’il existait un intérêt public supérieur justifiant leur divulgation. Elle se limite à faire valoir que ces documents ont été demandés par son avocat, qui en aurait besoin pour pouvoir assurer la protection de ses droits de la défense.

172    À cet égard, il suffit de relever que, pour déterminer si un document relève de l’une des exceptions au droit d’accès aux documents prévues à l’article 4, paragraphes 1 à 3, du règlement no 1049/2001, seul importe le contenu du document demandé, l’identité du demandeur et l’usage qu’il compte faire de ce document, s’il en obtient la divulgation, ne pouvant justifier l’application de l’une de ces exceptions (arrêt du 29 octobre 2020, Intercept Pharma et Intercept Pharmaceuticals/EMA, C‑576/19 P, EU:C:2020:873, points 36 et 37).

173    Partant, il y a lieu de rejeter le neuvième moyen du recours de la requérante comme étant non fondé et, par voie de conséquence, ce recours, pour autant qu’il vise l’annulation de la lettre de l’OLAF du 25 novembre 2020.

 Sur les dépens

174    Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

175    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

176    La requérante ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés dans le cadre de la procédure de première instance, afférents à la partie du recours tendant à l’annulation de la lettre de l’OLAF du 25 novembre 2020 refusant à la requérante l’accès à certains documents du dossier de cet office. S’agissant des dépens afférents au présent pourvoi, dans la mesure où la Commission n’a pas déposé de mémoire en réponse dans le délai prévu, il y a lieu de décider que la requérante supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :

1)      L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 19 octobre 2022, Sistem ecologica/Commission (T81/21, EU:T:2022:641), est annulé, en ce que le Tribunal a rejeté comme étant irrecevable le recours de « Sistem ecologica » production, trade and services d.o.o. Srbac, pour autant que ce recours tendait à l’annulation de la lettre de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) du 25 novembre 2020 refusant à « Sistem ecologica » production, trade and services d.o.o. Srbac l’accès à certains documents du dossier de cet office et qu’il a statué sur les dépens afférents à cette partie dudit recours.

2)      Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

3)      La demande d’annulation de la lettre de l’OLAF du 25 novembre 2020 refusant à « Sistem ecologica » production, trade and services d.o.o. Srbac l’accès à certains documents du dossier de cet office est rejetée.

4)      « Sistem ecologica » production, trade and services d.o.o. Srbac est condamnée aux dépens exposés dans le cadre de la procédure de première instance, afférents à la partie du recours tendant à l’annulation de la lettre de l’OLAF du 25 novembre 2020 refusant à « Sistem ecologica » production, trade and services d.o.o. Srbac l’accès à certains documents du dossier de cet office. Elle supporte ses propres dépens afférents au présent pourvoi.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.