Language of document : ECLI:EU:T:2012:492

Affaire T‑362/06

Ballast Nedam Infra BV

contre

Commission européenne

« Concurrence — Ententes — Marché néerlandais du bitume routier — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE — Amendes — Preuve de l’infraction — Gravité de l’infraction — Imputabilité du comportement infractionnel — Droits de la défense — Production de moyens nouveaux en cours d’instance — Pleine juridiction »

Sommaire — Arrêt du Tribunal (sixième chambre) du 27 septembre 2012

1.      Concurrence — Procédure administrative — Communication des griefs — Contenu nécessaire — Décision de la Commission constatant une infraction — Décision non identique à la communication des griefs — Absence d’indication claire de la qualité retenue pour mettre en cause une entreprise — Violation des droits de la défense

(Art. 81 CE et 82 CE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 27, § 1)

2.      Concurrence — Procédure administrative — Décision de la Commission constatant une infraction — Preuve de l’infraction et de sa durée à la charge de la Commission — Portée de la charge probatoire — Degré de précision exigé des éléments de preuve retenus par la Commission — Faisceau d’indices — Contrôle juridictionnel — Portée

(Art. 81 CE et 82 CE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 2)

3.      Concurrence — Procédure administrative — Décision de la Commission constatant une infraction consistant en la conclusion d’un accord anticoncurrentiel — Décision s’appuyant sur des preuves documentaires — Absence d’intérêt commercial dudit accord pour une entreprise sanctionnée — Absence d’incidence

(Art. 81, § 1, CE)

4.      Ententes — Accords entre entreprises — Preuve de l’infraction — Appréciation de la valeur probante des différents éléments de preuve — Critères

(Art. 81, § 1, CE)

5.      Ententes — Interdiction — Exemption — Obligation de l’entreprise d’établir le bien-fondé de sa demande — Décision de la Commission rejetant une demande d’exemption — Obligation de motivation — Portée

(Art. 81, § 3, CE)

6.      Ententes — Interdiction — Exemption — Champ d’application — Accords de coopération horizontale — Accords d’achat ayant pour objet de restreindre la concurrence sur les prix — Appréciation au regard des principes énoncés dans les lignes directrices — Prise en compte obligatoire des effets réels sur le marché — Absence

(Art. 81, § 1 et 3, CE ; communication de la Commission 2001/C 3/02, points 18, 124 et 133)

7.      Ententes — Atteinte à la concurrence — Critères d’appréciation — Objet anticoncurrentiel — Constatation suffisante — Constatation n’étant pas subordonnée à l’obligation d’apporter la preuve de l’existence d’inconvénients pour les consommateurs finals — Appréciation en fonction du contenu de l’accord et du contexte économique

(Art. 81, § 1, CE)

8.      Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l’infraction — Pouvoir d’appréciation de la Commission — Appréciation selon la nature de l’infraction — Infractions très graves — Entente horizontale sur les prix et application, à l’égard de partenaires commerciaux, de conditions inégales à des prestations équivalentes — Appréciation globale

(Art. 81, § 1, CE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 ; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1)

9.      Ententes — Accords entre entreprises — Participation prétendument sous contrainte — Circonstance ne constituant pas un fait justificatif pour une entreprise n’ayant pas fait usage de la possibilité de dénonciation auprès des autorités compétentes

(Art. 81, § 1, CE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 7)

10.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l’infraction — Appréciation selon la nature de l’infraction — Infractions très graves — Nécessité de déterminer leur impact et leur étendue géographique — Absence

(Art. 81, § 1, CE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 23, § 2 ; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

11.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Répartition des entreprises concernées dans différentes catégories — Conditions — Respect des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité — Prise en compte du chiffre d’affaires des entreprises — Pouvoir d’appréciation de la Commission

(Art. 81, § 1, CE ; règlements du Conseil no 17, art. 15, § 2, et no 1/2003, art. 23, § 2 ; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A, al. 6 et 7)

12.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Nécessité d’opérer une différenciation entre les entreprises impliquées dans une même infraction en fonction de leur chiffre d’affaires global ou sur le marché du produit en cause — Absence

(Art. 81, § 1, CE ; règlements du Conseil no 17, art. 15, § 2, et no 1/2003, art. 23, § 2 ; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A, al. 6)

13.    Procédure juridictionnelle — Requête introductive d’instance — Exigences de forme — Exposé sommaire des moyens invoqués — Production de moyens nouveaux en cours d’instance — Prise en compte dans le cadre de l’exercice du pouvoir de pleine juridiction — Conditions

[Règlement de procédure du Tribunal, art. 44, § 1, c), et 48, § 2]

14.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Pouvoir d’appréciation de la Commission — Contrôle juridictionnel — Compétence de pleine juridiction du Tribunal — Prise en compte des lignes directrices pour le calcul des amendes — Limites

(Art. 81, § 1, CE ; art. 261 TFUE ; règlement du Conseil no 1/2003, art. 31 ; communications de la Commission 98/C 9/03 et 2006/C 210/02)

1.      Dans le cadre d’une procédure pour violation des règles de concurrence, le respect des droits de la défense exige que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction au traité. De même, eu égard à son importance, la communication des griefs doit préciser sans équivoque la personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes et être adressée à cette dernière. Il importe également que la communication des griefs indique en quelle qualité une entreprise se voit reprocher les faits allégués.

La décision de la Commission ne doit pas nécessairement être une copie exacte de la communication des griefs. Dès lors, ce n’est que si la décision finale met à la charge des entreprises concernées des infractions différentes de celles visées dans la communication des griefs ou retient des faits différents qu’une violation des droits de la défense devra être constatée. Tel n’est pas le cas lorsque les différences alléguées entre la communication des griefs et la décision finale ne portent pas sur des comportements autres que ceux sur lesquels les entreprises concernées s’étaient déjà expliquées et qui, partant, sont étrangers à tout nouveau grief.

La Commission ne satisfait pas à ses obligations lorsqu’elle n’indique pas dans la communication des griefs en quelle qualité une entreprise se voit reprocher une infraction et que, aux termes de la communication des griefs, cette entreprise ne peut prévoir que la Commission entend lui imputer, dans sa décision finale, l’infraction en se fondant sur son implication directe dans les activités de l’entente et sur sa qualité de société mère en raison de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante sur le comportement de sa filiale, qu’il lui appartient de renverser. Dès lors que la communication des griefs ne permet pas à l’entreprise de prendre connaissance du grief tiré de son implication indirecte dans les activités de l’entente, celle-ci n’est pas mise en mesure d’assurer utilement sa défense à cet égard au cours de la procédure administrative.

Les simples circonstances selon lesquelles, d’une part, la Commission a indiqué, de manière générale, dans la communication des griefs, qu’elle tiendrait les sociétés mères responsables pour le comportement de leurs filiales et, d’autre part, l’entreprise savait qu’elle était la société mère à 100 % de sa filiale, ne sauraient suffire à considérer que la Commission s’est acquittée de son obligation d’indiquer dans la communication des griefs en quelle qualité l’entreprise se voit reprocher les faits allégués.

(cf. points 22-23, 29-31)

2.      Voir le texte de la décision.

(cf. point 44)

3.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 45, 74)

4.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 58-60)

5.      Voir le texte de la décision.

(cf. point 82)

6.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 83-84)

7.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 87-88, 90)

8.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 98-100, 102-103, 106)

9.      Voir le texte de la décision.

(cf. point 104)

10.    Voir le texte de la décision.

(cf. points 111-114)

11.    Voir le texte de la décision.

(cf. points 119, 121-123, 125)

12.    Voir le texte de la décision.

(cf. point 124)

13.    Il ressort des dispositions combinées de l’article 44, paragraphe 1, sous c), et de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal que la requête introductive d’instance doit contenir l’objet du litige ainsi que l’exposé sommaire des moyens invoqués et que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

Dans l’exercice de ses pouvoirs de pleine juridiction, le juge de l’Union doit cependant pouvoir accueillir de nouveaux moyens ou arguments, dès lors qu’ils sont opérants aux fins de son office et qu’ils ne sont pas fondés sur un motif d’illégalité différent de ceux soulevés dans la requête.

(cf. points 137-138)

14.    En matière de concurrence, le Tribunal n’est pas lié par les calculs de la Commission ni par ses lignes directrices lorsqu’il statue en vertu de sa compétence de pleine juridiction, mais il doit effectuer sa propre appréciation, en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce. Toutefois, l’exercice d’une compétence de pleine juridiction ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant des amendes qui leur sont infligées, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l’article 81 CE. Si le Tribunal entend ainsi s’écarter spécifiquement, à l’égard d’une entreprise, de la méthode de calcul utilisée par la Commission à l’égard de l’ensemble de ces entreprises, il lui appartient de motiver ce choix.

(cf. point 143)