Language of document : ECLI:EU:C:2006:593

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

21 septembre 2006 (*)


Table des matières


Les faits à l’origine du litige

Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

Les conclusions des parties devant la Cour

Les moyens du pourvoi

Sur le pourvoi

Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe du délai raisonnable

Argumentation des parties

– Sur la première branche du premier moyen, relative à la distinction entre les deux phases de la procédure administrative

– Sur la deuxième branche du premier moyen, relative à la durée excessive de la procédure administrative

– Sur la troisième branche du premier moyen, relative à la violation des droits de la défense

Appréciation de la Cour

Sur le deuxième moyen, tiré de la prétendue mise à l’écart de la preuve à décharge postérieure à la lettre d’avertissement

Argumentation des parties

Appréciation de la Cour

– Observations liminaires

– Examen du deuxième moyen

Sur le troisième moyen, tiré de la participation de TU aux infractions relevées par la Commission

Sur la première branche du troisième moyen, relative à la participation de TU au régime collectif d’exclusivité

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur la deuxième branche du troisième moyen, relative à la participation de TU à l’élargissement du régime collectif d’exclusivité

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur la troisième branche du troisième moyen, relative à la participation de TU à l’infraction en matière de prix

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur le quatrième moyen, tiré de la détermination de la durée des infractions imputées à TU par la Commission

Sur la première branche du quatrième moyen, relative à la durée du régime collectif d’exclusivité

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur la deuxième branche du quatrième moyen, relative à la durée de l’infraction en matière de fixation des prix

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur la troisième branche du quatrième moyen, relative à la durée des infractions imputées à TU

– Argumentations des parties

– Appréciation de la Cour

Sur le cinquième moyen, relatif à la demande de réduction du montant de l’amende

Sur la première branche du cinquième moyen, relative à la réduction du montant de l’amende en raison de la détermination prétendument erronée de la durée des infractions imputées à TU

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur la deuxième branche du cinquième moyen, relative à la réduction du montant de l’amende en raison de la durée excessive de la procédure administrative

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur la troisième branche du cinquième moyen, relative à la détermination du montant de l’amende eu égard à la participation de TU aux infractions visées dans la décision litigieuse

– Argumentation des parties

– Appréciation de la Cour

Sur les dépens

«Pourvoi – Ententes – Marché de l’électrotechnique aux Pays‑Bas – Association nationale de grossistes – Accords et pratiques concertées ayant pour objet un régime collectif d’exclusivité et la fixation des prix – Amendes»

Dans l’affaire C‑113/04 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 26 février 2004,

Technische Unie BV, établie à Amstelveen (Pays‑Bas), représentée par Mes P. Bos et C. Hubert, advocaten,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant:

Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied, établie à La Haye (Pays‑Bas), représentée par Me E. Pijnacker Hordijk, advocaat,

partie requérante en première instance,

Commission des Communautés européennes, représentée par M. W. Wils, en qualité d’agent, assisté de Me H. Gilliams, advocaat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

CEF City Electrical Factors BV, établie à Rotterdam (Pays‑Bas),

CEF Holdings Ltd, établie à Kenilworth (Royaume‑Uni),

représentées par Mes C. Vinken‑Geijselaers, J. Stuyck et M. Poelman, advocaten, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. P. Jann, président de chambre, M. K. Schiemann (rapporteur), Mme N. Colneric, MM. E. Juhász et E. Levits, juges,

avocat général: Mme J. Kokott,

greffier: Mme M. Ferreira, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 22 septembre 2005,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 8 décembre 2005,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, Technische Unie BV (ci‑après «TU») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission (T‑5/00 et T‑6/00, Rec. p. II‑5761, ci‑après l’«arrêt attaqué»), ou, à tout le moins, l’annulation de cet arrêt en ce qui concerne l’affaire T‑6/00, par lequel le Tribunal a rejeté son recours tendant à l’annulation de la décision 2000/117/CE de la Commission, du 26 octobre 1999, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE [Affaire IV/33.884 – Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie (FEG et TU)] (JO 2000, L 39, p. 1, ci‑après la «décision litigieuse»).

 Les faits à l’origine du litige

2        Le 18 mars 1991, la société CEF Holdings Ltd, grossiste en matériel électrotechnique établie au Royaume‑Uni, ainsi que sa filiale CEF City Electrical Factors BV, créée aux fins de l’implantation de ladite société sur le marché néerlandais (ci‑après conjointement dénommées la «CEF»), ont saisi la Commission des Communautés européennes d’une plainte portant sur les problèmes d’approvisionnement auxquels elles étaient confrontées aux Pays‑Bas.

3        Cette plainte visait trois associations d’entreprises actives sur le marché électrotechnique néerlandais. Outre la Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied (Association fédérative néerlandaise pour le commerce de gros dans le domaine électrotechnique, ci‑après la «FEG»), il s’agissait de la Nederlandse Vereniging van Alleenvertegenwoordigers op Elektrotechnisch Gebied (Association néerlandaise des représentants exclusifs dans le domaine électrotechnique, ci‑après la «NAVEG») et de l’Unie van de Elektrotechnische Ondernemers (Union des entreprises électrotechniques, ci‑après l’«UNETO»).

4        Dans ladite plainte, la CEF reprochait à ces trois associations et à leurs membres d’avoir conclu des accords collectifs d’exclusivité réciproque à tous les niveaux de la filière de distribution du matériel électrotechnique aux Pays‑Bas, ce qui aurait rendu quasi impossible l’implantation sur le marché néerlandais d’un grossiste en matériel électrotechnique qui n’était pas membre de la FEG. Ainsi, les fabricants et leurs agents ou importateurs n’auraient livré du matériel électrotechnique qu’aux membres de la FEG et les installateurs ne se seraient approvisionnés qu’auprès de ceux‑ci.

5        Par la suite, en 1991 et en 1992, la CEF a élargi la portée de sa plainte de manière à dénoncer des accords passés entre la FEG et ses membres concernant les prix et les réductions de prix, des accords visant à l’empêcher de participer à certains projets ainsi que des accords verticaux sur les prix entre certains fabricants de matériel électrotechnique et les grossistes membres de la FEG.

6        Après avoir envoyé, le 16 septembre 1991, une lettre d’avertissement à la FEG et aux membres de celle‑ci (ci‑après la «lettre d’avertissement») ainsi que plusieurs demandes de renseignements à cette dernière et après des vérifications effectuées par ses services ayant pour objet les prétendues concertations pratiquées par les membres de la FEG, la Commission a, le 3 juillet 1996, communiqué ses griefs à la FEG et à sept des membres de celle‑ci, parmi lesquels figurait TU. Une audition s’est déroulée le 19 novembre 1997, en présence de tous les destinataires de la communication des griefs ainsi que de la CEF.

7        Le 26 octobre 1999, la Commission a adopté la décision litigieuse dans laquelle il est constaté que:

–        la FEG a enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE en mettant en œuvre, sur la base d’un accord conclu avec la NAVEG, ainsi que sur la base de pratiques concertées avec des fournisseurs non représentés au sein de cette dernière association, un régime collectif d’exclusivité visant à empêcher les livraisons aux entreprises n’appartenant pas à la FEG (article 1er de la décision litigieuse);

–        la FEG a enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE en restreignant, directement et indirectement, la faculté de ses membres de fixer leurs prix de vente de manière libre et indépendante, et cela sur la base des décisions contraignantes sur les prix fixes et en matière de publications, au moyen de la diffusion auprès de ses membres de recommandations portant sur les prix bruts et nets ainsi que par la mise à disposition de ses membres d’un forum leur permettant de mener des discussions sur les prix et les rabais (article 2 de la décision litigieuse);

–        TU a enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE en participant activement aux infractions mentionnées aux articles 1er et 2 de la décision litigieuse (article 3 de cette décision).

8        Des amendes d’un montant de 4,4 millions d’euros et de 2,15 millions d’euros ont été infligées respectivement à la FEG et à TU pour les infractions mentionnées au point précédent (article 5 de la décision litigieuse).

9        Eu égard à la durée considérable de la procédure (102 mois), la Commission a toutefois, de sa propre initiative, décidé de réduire le montant des amendes de 100 000 euros. La décision litigieuse énonce à cet égard:

«(152) [...] La Commission admet que la durée de la procédure dans la présente affaire, qui a débuté en 1991, a été considérable. Les causes de cette situation sont diverses et sont à la fois imputables à la Commission et aux parties. Dans la mesure où un reproche peut être adressé à la Commission sur ce point, celle-ci reconnaît sa responsabilité à cet égard.

(153)          Pour ce motif, la Commission ramène le montant de l’amende [de 4,5 millions] à 4,4 millions d’euros pour la FEG et [de 2,25 millions] à 2,15 millions d’euros pour TU.»

 Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

10      Par requête déposée au Tribunal le 14 janvier 2000 (T‑6/00), TU a introduit un recours visant à obtenir, à titre principal, l’annulation la décision litigieuse, à titre subsidiaire, l’annulation de l’article 5, paragraphe 2, de celle‑ci et, à titre encore plus subsidiaire, la réduction du montant de l’amende qui lui a été infligée à 1 000 euros.

11      Par requête déposée au Tribunal le même jour (T‑5/00), la FEG a introduit un recours ayant le même objet que celui de TU.

12      Par ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 16 octobre 2000, la CEF a été admise à intervenir dans le litige au soutien des conclusions de la Commission.

13      Les recours de la FEG et de TU, qui ont été joints aux fins de la procédure orale et de l’arrêt, ont été rejetés par l’arrêt attaqué. Ces dernières ont été condamnées à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission et par les parties intervenantes en première instance dans chacune des affaires que les requérantes avaient respectivement introduites.

 Les conclusions des parties devant la Cour

14      Dans son pourvoi, TU conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        annuler l’arrêt attaqué et statuer elle‑même sur la demande d’annulation de la décision litigieuse; à titre subsidiaire, annuler ledit arrêt et renvoyer l’affaire devant le Tribunal de première instance;

–        annuler tout ou partie de la décision litigieuse en tant qu’elle vise TU ou, statuant à nouveau, décider une réduction substantielle du montant de l’amende qui lui a été infligée;

–        condamner la Commission aux dépens de l’instance, y compris ceux afférents à la procédure devant le Tribunal.

15      La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        rejeter le pourvoi dans son intégralité comme irrecevable ou, à tout le moins, comme non fondé;

–        condamner TU aux dépens.

 Les moyens du pourvoi

16      À l’appui de son pourvoi, TU invoque cinq moyens tirés de:

–        la violation du droit communautaire et/ou de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci‑après la «CEDH»), ou, à tout le moins, de la motivation incompréhensible de l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal a jugé que le dépassement du délai raisonnable ne saurait justifier l’annulation de la décision litigieuse ou une réduction supplémentaire de l’amende;

–        la violation de l’obligation de motivation, en tant que l’arrêt attaqué est entaché d’une contradiction interne en raison de l’ambiguïté qui caractérise l’importance accordée par le Tribunal à la date de notification de la lettre d’avertissement;

–        d’une erreur de droit ou d’une motivation incompréhensible de l’arrêt attaqué dans la mesure où le Tribunal a jugé que c’est à juste titre que la Commission a pu rendre TU responsable des infractions visées aux articles 1er et 2 de la décision litigieuse;

–        d’une erreur de droit ou d’une motivation incompréhensible de l’arrêt attaqué en tant que le Tribunal a considéré chacune des infractions visées aux articles 1er et 2 de la décision litigieuse comme des infractions continues qui ont été commises pendant les périodes envisagées et en tant qu’il a retenu, en outre, les mêmes périodes que celles se rapportant aux infractions précitées pour calculer la durée de l’infraction visée à l’article 3 de ladite décision;

–        d’une erreur de droit en ce que, en dépit de l’appréciation erronée de la durée des infractions et de la méconnaissance du principe du délai raisonnable, le Tribunal a omis d’accorder une réduction supplémentaire du montant de l’amende ou, à tout le moins, a motivé de façon insuffisante cette appréciation.

 Sur le pourvoi

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe du délai raisonnable

 Argumentation des parties

17      Dans le cadre de son premier moyen, TU reproche au Tribunal d’avoir enfreint le droit communautaire et/ou la CEDH ou, à tout le moins, d’avoir motivé l’arrêt attaqué de manière incompréhensible en ce qu’il a jugé que le dépassement du délai raisonnable ne pouvait justifier l’annulation de la décision litigieuse ou une réduction supplémentaire du montant de l’amende qui lui a été infligée. Ce moyen comporte trois branches.

–       Sur la première branche du premier moyen, relative à la distinction entre les deux phases de la procédure administrative

18      TU reproche au Tribunal d’avoir jugé, aux points 78 et 79 de l’arrêt attaqué, que la prolongation de la phase de la procédure administrative antérieure à la communication des griefs n’était pas susceptible de porter atteinte aux droits de la défense puisque, dans une procédure en matière de politique communautaire de la concurrence, les intéressés ne font l’objet d’aucune accusation formelle jusqu’à la réception de la communication des griefs. Le Tribunal aurait ainsi, à tort, écarté 57 mois de la procédure administrative en appréciant le caractère raisonnable du délai.

19      TU fait valoir que, pour déterminer si le principe du délai raisonnable a été respecté, il convient de considérer aussi bien la durée totale de la procédure administrative que les différentes étapes de celle‑ci. Elle estime que, en établissant une distinction entre les deux phases de ladite procédure et en considérant que la phase antérieure à la communication des griefs était «non pertinente» pour apprécier le caractère raisonnable du délai, le Tribunal a agi d’une manière incompatible avec le droit communautaire.

20      Par ailleurs, le Tribunal aurait méconnu la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en relevant, aux points 79 et 80 de l’arrêt attaqué, que la date officielle de réception de la communication des griefs devait être considérée comme étant le moment à compter duquel les intéressés font l’objet d’une accusation formelle et celui de l’engagement de la procédure au titre de l’article 3 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204), et que, dans les affaires pénales comme celle en l’espèce, le délai raisonnable, visé à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, courait à partir de ce moment.

21      Or, TU soutient que, dans les circonstances spécifiques du cas d’espèce, le «moment de l’accusation formelle» coïncide non pas avec la réception de la communication des griefs, mais avec celle de la lettre d’avertissement ou bien avec la première demande de renseignements.

22      La Commission, quant à elle, fait valoir que la première branche du premier moyen invoqué par TU repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Selon elle, au point 77 de celui‑ci, le Tribunal a constaté que la première phase de la procédure administrative avait eu une durée déraisonnablement excessive; il a donc tenu compte de la première phase de ladite procédure dans son appréciation du caractère raisonnable ou non du délai qui s’est écoulé entre les premiers actes de cette procédure et l’adoption de la décision litigieuse.

23      La Commission soutient que le Tribunal, en considérant que tant la première que la seconde phase de la procédure administrative avaient pris un temps excessif et en examinant par la suite si un tel dépassement du délai raisonnable avait porté atteinte aux droits de la défense de TU, a procédé d’une manière conforme à la jurisprudence de la Cour selon laquelle une durée déraisonnable des différentes phases de l’enquête n’emporte pas automatiquement une violation de principe du délai raisonnable. Il serait également nécessaire que les entreprises concernées démontrent que cette durée déraisonnable a porté atteinte aux droits de la défense (arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, points 173 à 178).

24      Dans la présente affaire, selon la Commission, TU n’a pas apporté une preuve convaincante de son affirmation selon laquelle la durée excessive de la procédure administrative a porté atteinte aux droits de la défense.

25      La Commission souligne également qu’il ressort des points 87 à 92 de l’arrêt attaqué que le Tribunal, lors de l’examen de la question de savoir si la durée déraisonnable de la procédure administrative qu’il a constatée avait nui aux droits de la défense de TU, a fait porter son analyse tant sur la première que sur la seconde phase de la procédure administrative.

26      À titre subsidiaire, la Commission fait observer que la question de savoir si c’est la date de la communication des griefs ou celle de la réception de la lettre d’avertissement qui doit être prise en considération pour la mise en accusation de TU, au sens de l’article 6 de la CEDH, est dénuée d’importance dès lors que la simple lecture des points 76 à 85 de l’arrêt attaqué montre clairement que le Tribunal a examiné la question du respect du principe du délai raisonnable au regard tant de la première phase de la procédure administrative, qui a commencé avec la réception de la lettre d’avertissement, que de la seconde phase de cette procédure.

27      La Commission propose donc de rejeter la première branche du premier moyen comme non fondée.

–       Sur la deuxième branche du premier moyen, relative à la durée excessive de la procédure administrative

28      TU fait valoir que le Tribunal a omis de constater certains manquements de la Commission. Notamment, la communication des griefs n’aurait été envoyée à la FEG et à ses membres que 57 mois après l’envoi de la lettre d’avertissement. Ainsi, selon TU, la Commission a longtemps laissé les intéressées dans l’incertitude quant aux actions pouvant être engagées à leur encontre.

29      La longueur de la procédure administrative aurait dû conduire le Tribunal à admettre à première vue l’existence d’un manquement au principe du délai raisonnable. Indépendamment de la question de savoir si les droits de la défense de TU ont effectivement été méconnus, un dépassement aussi sérieux dudit délai aurait dû permettre au Tribunal de conclure que la décision litigieuse n’aurait pas dû être adoptée comme telle, aucun intéressé n’étant censé se trouver dans l’incertitude durant une aussi longue période.

30      La Commission rappelle qu’il est de jurisprudence constante que la durée déraisonnablement longue de la procédure administrative ne peut donner lieu à l’annulation de la décision de la Commission que si les entreprises concernées démontrent que le dépassement du délai raisonnable a porté atteinte aux droits de la défense. Cette question aurait été vérifiée par le Tribunal aux points 87 à 93 de l’arrêt attaqué, aux termes desquels il a conclu qu’il n’existait aucune preuve d’atteinte aux intérêts de TU.

31      La Commission fait valoir que l’affirmation selon laquelle le Tribunal aurait omis de constater plusieurs violations du délai raisonnable vise à remettre en cause une appréciation factuelle portée par cette juridiction et, dès lors, elle est manifestement irrecevable.

–       Sur la troisième branche du premier moyen, relative à la violation des droits de la défense

32      TU soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit ou, à tout le moins, a motivé l’arrêt attaqué de manière incompréhensible en ce qu’il a déclaré que les droits de la défense de TU n’avaient pas été affectés par la durée déraisonnablement longue de la procédure administrative (point 79 de l’arrêt attaqué, lu en combinaison avec les points 93 et 94 de celui‑ci).

33      Elle allègue par ailleurs que les droits de la défense ont été affectés au cours de la phase précédant la réception de la communication des griefs. Elle fait notamment état des conséquences défavorables auxquelles elle a été confrontée sur le plan de la collecte des preuves en raison de ladite durée.

34      TU considère qu’elle a été privée de la possibilité de faire une recherche fructueuse des preuves. En raison de l’écoulement d’un laps de temps trop important, il aurait été de plus en plus difficile de rassembler les preuves à décharge exigées d’elle, alors qu’elle aurait agi en respectant le devoir général de prudence incombant à toute entreprise, comme le Tribunal l’a indiqué au point 87 de l’arrêt attaqué.

35      La Commission estime, quant à elle, à titre principal, que la troisième branche du premier moyen vise à remettre en cause l’appréciation factuelle que le Tribunal a effectuée aux points 87 à 93 de l’arrêt attaqué et elle est donc manifestement irrecevable.

36      À titre subsidiaire, la Commission critique l’argument de TU selon lequel la durée excessivement longue de l’enquête n’aurait pas permis à cette société de mener convenablement ses recherches en matière de preuves. À cet égard, la Commission rappelle que ces arguments ont été soumis par TU au Tribunal qui les a rejetés aux points 87 et 88 de l’arrêt attaqué. Les conclusions auxquelles le Tribunal est parvenu dans ces points ne seraient nullement réfutées par TU.

37      La CEF fait également valoir, dans sa réponse à la communication du pourvoi, que le premier moyen de TU repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Dans le cadre de l’appréciation du délai raisonnable, le Tribunal aurait à bon droit porté son examen sur la période débutant à la date de la demande de renseignements, à savoir le 25 juillet 1991.

38      En ce qui concerne le délai raisonnable et la violation des droits de la défense, la CEF se réfère au point 49 de l’arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission (C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417), pour soutenir que le Tribunal n’a pas appliqué une notion juridique erronée en estimant que, quoique la première phase de la procédure administrative ait été d’une durée excessive, le principe du délai raisonnable n’a pas été méconnu à défaut de la preuve d’une violation des droits de la défense.

39      En tout état de cause, la CEF estime qu’il s’agit, en l’espèce, de constatations de fait du Tribunal qui ne peuvent faire l’objet d’un réexamen par la Cour. Le premier moyen devrait donc être rejeté comme irrecevable ou, en tout état de cause, comme non fondé.

 Appréciation de la Cour

40      L’observation d’un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général du droit communautaire dont la juridiction communautaire assure le respect (arrêts du 18 mars 1997, Guérin automobiles/Commission, C‑282/95 P, Rec. p. I‑1503, points 36 et 37, ainsi que Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, points 167 à 171).

41      Il convient de vérifier si le Tribunal a commis une erreur de droit en rejetant les arguments tirés de la prétendue violation de ce principe par la Commission.

42      Contrairement à ce que prétend TU, le Tribunal a opéré, aux fins de l’application du principe du délai raisonnable, une distinction entre les deux phases de la procédure administrative, à savoir la phase d’instruction antérieure à la communication des griefs et celle correspondant au reste de la procédure administrative (voir point 78 de l’arrêt attaqué).

43      Cette manière de procéder est tout à fait conforme à la jurisprudence de la Cour. Ainsi, aux points 181 à 183 de l’arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, la Cour a notamment jugé que la procédure administrative peut donner lieu à l’examen de deux périodes successives, chacune de celles‑ci répondant à une logique interne propre. La première période, qui s’étend jusqu’à la communication des griefs, a pour point de départ la date à laquelle la Commission, faisant usage des pouvoirs que lui a conférés le législateur communautaire, prend des mesures impliquant le reproche d’avoir commis une infraction et doit permettre à celle‑ci de prendre position sur l’orientation de la procédure. La seconde période, quant à elle, s’étend de la communication des griefs à l’adoption de la décision finale. Elle doit permettre à la Commission de se prononcer définitivement sur l’infraction reprochée.

44      Ayant établi la distinction entre les deux phases de la procédure administrative, le Tribunal a procédé à l’examen du caractère excessif ou non de la durée de chacune d’elles.

45      En ce qui concerne la première phase, le Tribunal a constaté, au point 77 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait attendu plus de trois ans après avoir adressé une demande de renseignements à TU le 25 juillet 1991, au titre de l’article 11 du règlement nº 17, pour effectuer les premières vérifications sur place. Le Tribunal a admis qu’une telle durée est excessive et résulte d’une inaction imputable à la Commission.

46      En ce qui concerne la seconde phase de la procédure administrative, le Tribunal a relevé, au point 85 de l’arrêt attaqué, qu’il s’était écoulé environ 23 mois entre l’audition des parties et la décision litigieuse, une telle durée revêtant un caractère considérable, sans qu’il soit possible d’en imputer la responsabilité à TU et à la FEG. Le Tribunal en a conclu que la Commission avait excédé le délai normalement nécessaire à l’adoption de ladite décision.

47      La constatation de la durée excessive de la procédure, sans qu’il soit possible d’imputer la responsabilité de cette durée à TU ou à la FEG, n’étant pas, en soi, suffisante pour conclure à la violation du principe de délai raisonnable, le Tribunal a apprécié l’incidence d’une telle durée sur les droits de la défense de TU. La prémisse, pour une telle approche, découle du point 74 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a jugé que le dépassement du délai raisonnable ne peut constituer un motif d’annulation que dans le cas d’une décision constatant des infractions, dès lors qu’il a été établi que la violation de ce principe a porté atteinte aux droits de la défense des entreprises concernées. En dehors de cette hypothèse spécifique, le non‑respect de l’obligation de statuer dans un délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative au titre du règlement n° 17.

48      Le recours à ce critère, aux fins de la constatation d’une violation du principe du délai raisonnable, est tout à fait légitime. En effet, au point 49 de l’arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, dans le cadre de l’appréciation de la durée de la procédure devant le Tribunal, la Cour a jugé que l’indice selon lequel la durée de la procédure a eu une incidence sur la solution du litige peut aboutir à l’annulation de l’arrêt attaqué. La même approche se retrouve dans le raisonnement suivi par le Tribunal lorsque celui‑ci a considéré que la durée excessive de la procédure devant la Commission devait entraîner l’annulation de la décision litigieuse si les droits de la défense de TU ont été compromis, hypothèse dans laquelle il y a nécessairement incidence possible sur l’issue de la procédure.

49      Par conséquent, il convient d’apprécier l’analyse du Tribunal de la prétendue méconnaissance, dans ce contexte, des droits de la défense de TU.

50      Il ressort de l’arrêt attaqué que cette analyse se limite à l’appréciation de l’incidence sur l’exercice des droits de la défense de TU de la durée excessive de la seconde phase de la procédure administrative. Notamment, au point 93 dudit arrêt, le Tribunal a conclu que l’allongement excessif de la procédure administrative après l’audition n’avait pas affecté les droits de la défense de TU et de la FEG.

51      Pour ce qui est de la phase d’instruction antérieure à la communication des griefs, le Tribunal a relevé, au point 79 de l’arrêt attaqué, que la seule prolongation de cette phase de la procédure administrative n’était pas, en soi, susceptible de porter atteinte aux droits de la défense puisque TU et la FEG ne faisaient l’objet d’aucune accusation formelle jusqu’à la réception de la communication des griefs.

52      Cette conclusion est correcte dans la mesure où le Tribunal a considéré que ce n’était qu’après l’envoi de la communication des griefs que TU et la FEG ont été officiellement informées des infractions que la Commission leur reprochait à la suite de ses propres investigations. L’idée qui sous‑tend le raisonnement du Tribunal est que c’est uniquement lors de la seconde phase de la procédure administrative que les entreprises concernées peuvent pleinement faire valoir les droits de la défense, ce qui n’est pas le cas pendant la phase antérieure à la communication des griefs en raison de l’absence de formulation, par la Commission, des reproches quant aux prétendues infractions constatées par celle‑ci.

53      Toutefois, la constatation faite par le Tribunal au point 79 de l’arrêt attaqué ne tient pas compte de l’éventualité selon laquelle la durée excessive de la phase d’instruction aurait pu avoir une incidence sur l’exercice des droits de la défense par TU au cours de la seconde phase de la procédure administrative, à savoir après l’envoi de la communication des griefs.

54      La durée excessive de la première phase de la procédure administrative peut avoir une incidence sur les possibilités futures de défense des entreprises concernées, notamment en diminuant l’efficacité des droits de la défense lorsque ceux‑ci sont invoqués dans la seconde phase de la procédure. En effet, ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 123 de ses conclusions, plus il s’écoule de temps entre une mesure d’enquête telle que, en l’espèce, l’envoi de la lettre d’avertissement et la communication des griefs, plus il devient probable que d’éventuelles preuves à décharge quant aux infractions reprochées dans cette communication ne pourront plus être recueillies ou ne le seront qu’avec difficulté, en particulier en ce qui concerne les témoins à décharge, notamment du fait des changements susceptibles d’intervenir dans la composition des organes dirigeants des entreprises concernées et des mouvements affectant les autres personnels de celles‑ci. Dans son analyse du principe du délai raisonnable, le Tribunal n’a pas suffisamment pris en considération cet aspect de la mise en œuvre dudit principe.

55      Le respect des droits de la défense, principe dont le caractère fondamental a été souligné à maintes reprises par la jurisprudence de la Cour (voir, notamment, arrêt du 9 novembre 1983, Michelin/Commission, 322/81, Rec. p. 3461, point 7) revêtant une importance capitale dans les procédures telles que celle en l’espèce, il importe d’éviter que ces droits puissent être irrémédiablement compromis en raison de la durée excessive de la phase d’instruction et que cette durée soit susceptible de faire obstacle à l’établissement de preuves visant à réfuter l’existence de comportements de nature à engager la responsabilité des entreprises concernées. Pour cette raison, l’examen de l’éventuelle entrave à l’exercice des droits de la défense ne doit pas être limité à la phase même dans laquelle ces droits produisent leur plein effet, à savoir la seconde phase de la procédure administrative. L’appréciation de la source de l’éventuel affaiblissement de l’efficacité des droits de la défense doit s’étendre à l’ensemble de cette procédure en se référant à la durée totale de celle‑ci.

56      Ainsi, le Tribunal a commis une erreur de droit en tant que, dans l’arrêt attaqué, il a limité la portée de l’examen de la prétendue violation des droits de la défense en raison de la durée excessive de la procédure administrative à la seule seconde phase de celle‑ci. Il a omis d’examiner si la durée excessive, imputable à la Commission, de la totalité de la procédure administrative, y compris la phase antérieure à la communication des griefs, était susceptible d’affecter les possibilités futures de défense de la FEG et de TU et si, notamment, cette dernière avait établi ce fait de manière concluante.

57      Il en résulte que le premier moyen de TU doit être accueilli dans la mesure où il est fondé sur une erreur de droit dans l’application du principe du délai raisonnable. En conséquence, l’arrêt attaqué doit être annulé partiellement, pour autant qu’il a jugé que l’allongement de la première phase de la procédure administrative n’était pas en soi susceptible de porter atteinte aux droits de la défense de TU.

58      En vertu de l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors soit statuer elle‑même définitivement sur le litige, lorsque celui‑ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

59      En l’espèce, la question de la prétendue méconnaissance des droits de la défense, examinée au regard de la durée excessive de la procédure administrative, ayant été débattue en première instance et TU ayant ainsi eu la possibilité de faire valoir ses arguments à cet égard, la Cour est en mesure de se prononcer sur le fond.

60      Dans son recours devant le Tribunal, TU soutient que la durée excessive de la procédure administrative a eu une incidence sur l’exercice des droits de la défense et, dès lors, sur l’issue de la procédure engagée à son encontre. Elle aurait été entravée dans sa défense déjà à l’époque de la réception de la communication des griefs.

61      Il convient donc de vérifier si TU a démontré à suffisance de droit que, à la date de la communication des griefs, à savoir le 3 juillet 1996, elle a éprouvé des difficultés pour se défendre contre les allégations de la Commission, difficultés qui auraient été la conséquence de la durée excessive de la procédure administrative.

62      En premier lieu, TU observe que les infractions que la Commission a retenues dans la décision litigieuse sont principalement fondées sur des comptes rendus de discussions entre des représentants de la FEG, de la NAVEG et de TU. Or, dans un certain nombre de cas, les employés de cette dernière ayant participé à l’époque à ces discussions ne travailleraient plus depuis longtemps dans cette entreprise. Ainsi, les participants aux assemblées régionales de la FEG, MM. Van Hulten, de Beun, Romein et Van Wingen, auraient quitté TU depuis quelques années soit parce qu’ils ont fait valoir leur droit à une pension de retraite, soit en raison du fait qu’ils sont tombés malades. Quant à M. Coppoolse, qui est visé aux points 65 et 69 des motifs de ladite décision en tant que président de la FEG au sein de laquelle il représentait TU, il ne travaillerait plus dans cette société depuis 1989 ni même dans l’entreprise Schotman, qui est la société mère de TU, depuis le 1er juin 1992.

63      TU soutient que, en l’absence de ces personnes, il ne saurait raisonnablement être exigé qu’elle reconstitue le contexte exact des discussions qui ont eu lieu à l’époque, afin de se défendre contre les reproches formulés par la Commission dans la communication des griefs.

64      À cet égard, il y a lieu de relever que, dans son recours devant le Tribunal, TU a omis de préciser la date à laquelle lesdites personnes ont quitté cette entreprise et les circonstances qui seraient de nature à établir que, le 3 juillet 1996, il n’était plus possible d’obtenir des renseignements auprès de ces personnes. Les arguments invoqués par TU en ce qui concerne les raisons pour lesquelles il aurait été crucial de se rapprocher desdites personnes pour l’exercice des droits de la défense sont également imprécis. TU n’indique pas quels sont les griefs spécifiques retenus par la Commission dans la décision litigieuse qui auraient pu être réfutés grâce à l’intervention de ces personnes.

65      En second lieu, TU invoque onze comptes rendus de réunions sur lesquels la Commission se serait fondée pour constater l’existence d’un régime collectif d’exclusivité. Parmi les personnes présentes à certaines de ces réunions, trois d’entre elles, à savoir MM. Vos (entretien entre TU et l’entreprise Holec), Van der Kaay (présent à l’assemblée de la région «Zuid‑Nederland» de la FEG du 14 février 1990) et Van Nieuwenhof (présent à l’assemblé de la même région du 28 mai 1991), ne pourraient plus être mises à contribution par TU.

66      TU soutient que même si elle était en mesure de solliciter le concours des intéressés, il serait tout de même impossible de reconstituer des discussions cinq à huit ans après qu’elles ont eu lieu.

67      À cet égard, il convient de rappeler que la communication des griefs a été envoyée à TU le 3 juillet 1996. Or, celle‑ci n’indique pas la date de départ des trois personnes concernées ni la raison pour laquelle le fait que ces dernières ne peuvent plus être sollicitées serait de nature à compromettre sa défense à l’encontre des griefs de la Commission.

68      En outre, il est constant que, au moins en ce qui concerne l’assemblée de la région «Zuid‑Nederland» de la FEG du 14 février 1990, TU était représentée non seulement par M. Van der Kaay, mais aussi par d’autres personnes représentant cette société et pour lesquelles aucune indisponibilité n’est invoquée par cette dernière.

69      Il ressort de tout ce qui précède que TU n’est pas parvenue à établir, en se fondant sur des éléments de preuve convaincants, que la méconnaissance des droits de la défense a pu résulter de la durée excessive de la phase de la procédure administrative antérieure à la communication des griefs et que, à la date à laquelle celle‑ci est intervenue, ses possibilités de se défendre efficacement étaient, de ce fait, déjà compromises.

70      L’argumentation de TU n’est pas de nature à établir la réalité d’une violation des droits de la défense, laquelle doit être examinée en fonction de circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce.

71      Ainsi, le moyen soulevé par TU au soutien de son recours devant le Tribunal, tiré d’une violation du principe du délai raisonnable, n’est pas fondé et doit, dès lors, être rejeté.

72      Par conséquent, le recours de TU devant le Tribunal, en tant qu’il est fondé sur ledit moyen, doit lui‑même être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la prétendue mise à l’écart de la preuve à décharge postérieure à la lettre d’avertissement

 Argumentation des parties

73      TU considère qu’il existe une contradiction interne dans les motifs de l’arrêt attaqué et, par voie de conséquence, un défaut de motivation de celui‑ci en raison de l’ambiguïté qui caractérise l’importance que le Tribunal a accordée à la date de notification de la lettre d’avertissement.

74      D’une part, le Tribunal aurait considéré, au point 79 de l’arrêt attaqué, que la notification de la communication des griefs a constitué la date à compter de laquelle TU a été mise formellement en accusation. Il ressortirait de cette considération que TU n’avait pas à se défendre jusqu’à cette date, puisque aucune accusation formelle n’avait encore été formulée à son encontre. Par conséquent, le Tribunal n’aurait pas pris en compte la période antérieure à la communication des griefs pour apprécier si la Commission avait respecté le principe du délai raisonnable avant d’adopter la décision litigieuse.

75      D’autre part, il découlerait des points 196 et 208 de l’arrêt attaqué que le Tribunal aurait considéré que TU était matériellement en état d’accusation à compter de la réception de la lettre d’avertissement ou, à tout le moins, de celle de la première demande de renseignements. Ainsi, le Tribunal aurait, sans aucune explication, écarté la preuve à décharge correspondant à la période postérieure à la réception de ladite lettre.

76      Selon TU, l’arrêt attaqué est entaché d’une insuffisance grave de motivation et le Tribunal a commis une violation des droits de la défense.

77      La Commission, quant à elle, fait valoir que le deuxième moyen invoqué par TU au soutien de son pourvoi repose sur deux prémisses inexactes.

78      En premier lieu, le Tribunal aurait pris en considération la période antérieure à la communication des griefs dans son appréciation du caractère raisonnable du délai qui s’est écoulé entre les premiers actes de la procédure administrative et l’adoption de la décision litigieuse.

79      En second lieu, la Commission fait valoir que le Tribunal a examiné les pièces et arguments invoqués par TU et a constaté qu’ils n’avaient pas la valeur probante que celle‑ci entendait leur attribuer. Selon elle, le Tribunal, dans son appréciation, a également attaché de l’importance à la circonstance que les documents sur lesquels se fonde TU n’ont été rédigés qu’après que tous les intéressés eurent été informés de l’ouverture d’une procédure administrative par la Commission.

80      Cette dernière estime que ce moyen vise à soumettre à la Cour l’appréciation factuelle portée par le Tribunal sur la valeur probante des pièces du dossier et, en conséquence, il doit être écarté comme irrecevable.

 Appréciation de la Cour

–       Observations liminaires

81      Il convient de rappeler les limites du contrôle juridictionnel exercé par la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

82      Il résulte des articles 225 CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 225 CE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir, notamment, arrêts Baustahlgewebe/Commission, précité, point 23, et du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C‑551/03 P, non encore publié au Recueil, point 51).

83      La Cour n’est donc pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit et les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêts précités Baustahlgewebe/Commission, point 24, et General Motors/Commission, point 52).

84      Par ailleurs, il convient de rappeler que la question de savoir si la motivation d’un arrêt du Tribunal est contradictoire ou insuffisante est une question de droit pouvant, en tant que telle, être invoquée dans le cadre d’un pourvoi (arrêts du 7 mai 1998, Somaco/Commission, C‑401/96 P, Rec. p. I‑2587, point 53, et du 13 décembre 2001, Cubero Vermurie/Commission, C‑446/00 P, Rec. p. I‑10315, point 20).

85      Quant à l’obligation de motivation, il ressort d’une jurisprudence constante qu’elle n’impose pas au Tribunal d’effectuer un exposé qui suivrait de manière exhaustive et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les mesures en question ont été prises et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec. p. I‑123, point 372).

–       Examen du deuxième moyen

86      Dans la mesure où, par son deuxième moyen, TU cherche à démontrer que la motivation de l’arrêt attaqué relative au rejet de la valeur probante de certaines pièces est insuffisante, voire contradictoire, ce moyen est recevable.

87      Dans le cadre de leurs recours devant le Tribunal, TU et la FEG ont contesté les éléments retenus par la Commission, dans la décision litigieuse, à titre d’exemples de mise en œuvre d’un gentlemen’s agreement conclu entre la NAVEG et la FEG au sujet de l’approvisionnement des membres de cette dernière (ci‑après le «gentlemen’s agreement»). Dans ce cadre, ont été invoquées, notamment, deux lettres de Spaanderman Licht, qui est une entreprise membre de la NAVEG.

88      Aux points 196 et 208 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a procédé à l’examen de la valeur probante de ces lettres.

89      En ce qui concerne notamment la lettre du 14 août 1991, le Tribunal a, audit point 196, apprécié sa valeur probante en mettant les termes de cette lettre en balance avec le contexte dans lequel celle‑ci avait été rédigée. En premier lieu, il a relevé que cette lettre avait été adressée à la NAVEG en réponse à une question émise par cette dernière deux jours auparavant. Ce serait donc la NAVEG qui aurait pris l’initiative d’interroger Spaanderman Licht sur les motifs l’ayant amenée à ne pas approvisionner la CEF. En second lieu, le Tribunal a indiqué que cette lettre était postérieure aux demandes de renseignements adressées par la Commission à la FEG et à TU le 25 juillet 1991 et que, de ce fait, elle était dépourvue de caractère convaincant.

90      S’agissant de la lettre adressée le 22 mai 1991 à la CEF par Spaanderman Licht, le Tribunal a constaté que cette dernière s’était bornée à indiquer qu’elle ne souhaitait pas étendre son réseau de revendeurs. Le Tribunal a toutefois relevé que cette lettre avait été rédigée alors que l’enquête de la Commission était déjà en cours.

91      Ainsi, il découle des points 196 et 208 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a motivé de manière suffisante le caractère non convaincant desdites lettres et leur rejet en tant que preuve à décharge.

92      Quant à la prétendue contradiction de motifs de l’arrêt attaqué alléguée par TU, il convient de constater que, comme l’a relevé Mme l’avocat général au point 27 de ses conclusions, en l’absence d’un quelconque lien logique entre l’appréciation du caractère raisonnable de la durée de la procédure administrative et celle de la valeur probante des pièces soumises au Tribunal en tant que preuve, ledit arrêt ne contient aucune contradiction.

93      Par ailleurs, la valeur probante, qu’il appartient au seul Tribunal d’apprécier, des éléments soumis à ce dernier par les parties en tant que preuve ne dépend pas nécessairement de l’étape de la procédure administrative au cours de laquelle ils ont été rédigés. Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 28 de ses conclusions, cette valeur probante doit être vérifiée en tenant compte de toutes les circonstances de l’espèce. Or, il ressort des points 196 et 208 de l’arrêt attaqué que le fait que la Commission avait déjà commencé son enquête n’est pas le seul facteur déterminant pour lequel le Tribunal a rejeté, notamment, les lettres des 22 mai et 14 août 1991 de Spaanderman Licht comme n’étant pas susceptibles de remettre en cause les preuves apportées par la Commission au sujet de la mise en œuvre du gentlemen’s agreement. Dès lors, lesdits points 196 et 208 ne sauraient être interprétés en ce sens qu’aucune valeur probante ne saurait, par nature, être attribuée à une pièce rédigée alors que l’enquête de la Commission est déjà en cours.

94      Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen invoqué au soutien du pourvoi comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré de la participation de TU aux infractions relevées par la Commission

95      TU reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit ou, à tout le moins, d’avoir motivé l’arrêt attaqué de manière incompréhensible en tant qu’il a jugé, aux points 367 et 379 de l’arrêt attaqué, que la Commission était fondée à reprocher à TU d’avoir participé activement aux infractions relatives au régime collectif d’exclusivité et aux accords sur les prix de la FEG. Le troisième moyen comporte trois branches.

 Sur la première branche du troisième moyen, relative à la participation de TU au régime collectif d’exclusivité

–       Argumentation des parties

96      Par cette branche de son troisième moyen, TU fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit ou, à tout le moins, a motivé l’arrêt attaqué de manière incompréhensible en considérant qu’elle avait pris une part active au régime collectif d’exclusivité se présentant sous la forme du gentlemen’s agreement.

97      En premier lieu, le Tribunal n’aurait pas pris en considération les règles de fonctionnement interne de la FEG ni le régime législatif néerlandais applicable en matière d’associations.

98      TU rappelle à cet égard qu’elle a soutenu devant le Tribunal que, en droit, elle ne pouvait exercer aucune influence sur les décisions de la FEG. Elle indique que, en dépit de cette affirmation, le Tribunal a jugé, au point 352 de l’arrêt attaqué, que n’étaient pertinentes ni les objections qu’elle avait soulevées au sujet de la thèse de la Commission selon laquelle TU avait eu un rôle important dans le régime collectif d’exclusivité ni celles tirées des règles de fonctionnement interne de la FEG et de la législation néerlandaise en matière d’associations.

99      L’appréciation du Tribunal à ce sujet serait incompréhensible puisqu’il aurait considéré, au point 356 de l’arrêt attaqué, que ces mêmes règles de fonctionnement interne de la FEG étaient effectivement pertinentes aux fins de l’appréciation du rôle de TU dans la conduite des affaires de cette association.

100    À cet égard, la Commission fait valoir que cette prétendue contradiction entre les points 352 et 356 de l’arrêt attaqué repose sur une interprétation erronée dudit arrêt.

101    Ainsi, selon la Commission, au point 352 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que TU ne pouvait s’abriter derrière les dispositions littérales des règles de fonctionnement interne de la FEG ou les dispositions de la législation néerlandaise régissant le droit des associations pour soutenir qu’elle n’a pas participé aux infractions constatées. La Commission fait valoir que le Tribunal a souligné qu’il fallait uniquement tenir compte de ce qui s’était réellement passé et non de ce qui était formellement possible ou autorisé.

102    Par ailleurs, au point 356 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait estimé, en se fondant précisément sur une appréciation du rôle effectif joué dans les affaires de la FEG par TU, que cette dernière avait effectivement participé au régime collectif d’exclusivité.

103    En deuxième lieu, TU qualifie d’incompréhensible le raisonnement suivi par le Tribunal au point 353 de l’arrêt attaqué, dans lequel se trouve confirmé le critère appliqué par la Commission dans la décision litigieuse, à savoir la coïncidence des intérêts de la FEG et de TU. Selon celle‑ci, le fait qu’elle est l’une des plus importantes entreprises membres de la FEG ne démontre pas l’existence d’«une convergence d’intérêts naturelle» entre elle‑même et cette association.

104    Le critère fondé sur la coïncidence des intérêts n’étant pas pertinent en l’occurrence, le Tribunal aurait dû rechercher l’existence d’une volonté commune entre TU et la FEG.

105    À cet égard, la Commission soutient que la constatation du Tribunal relative à la convergence des intérêts entre la FEG et TU n’est pas exclusivement fondée sur le fait que cette dernière était l’un des plus grands et des principaux membres de la FEG. Selon elle, il ressort du point 356 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a également pris en considération le fait que, pendant plusieurs années, un représentant de TU a siégé au conseil d’administration de la FEG, assurant même pendant un certain temps la présidence de cet organe, et que ladite société était fortement représentée dans diverses commissions de produits.

106    La Commission critique également la thèse de TU selon laquelle le Tribunal aurait été tenu d’examiner l’existence d’un «concours de volontés» entre TU et la FEG. Selon elle, le Tribunal a vérifié si TU avait participé au régime collectif d’exclusivité et en a conclu que tel était le cas, ce qui suffit pour lui imputer une infraction.

107    En troisième lieu, TU se réfère à la constatation faite par le Tribunal au point 356 de l’arrêt attaqué, selon laquelle elle «est une des plus grandes entreprises membres de la FEG» et que «[c’]est à ce titre que certains de ses dirigeants ou employés ont siégé au conseil d’administration de la FEG et participé aux délibérations des organes de cette association entre 1985 et 1995», et elle estime qu’une telle constatation est insuffisante pour établir si elle a «activement» participé à l’infraction visée à l’article 1er de la décision litigieuse.

108    En l’espèce, la Commission aurait dû rechercher si TU avait, d’une quelconque autre manière, manifesté son approbation du comportement de «son» représentant au conseil d’administration de la FEG et, partant, son approbation de la politique de cette dernière ainsi que de l’exécution de cette politique. La Commission n’aurait pas fait une telle démarche et le Tribunal aurait donc porté une appréciation juridique erronée sur ce point.

109    La Commission fait valoir à cet égard que TU méconnaît manifestement toutes les preuves que le Tribunal a analysées aux points 356 à 361 de l’arrêt attaqué. Elle rappelle que le Tribunal a constaté, auxdits points, la participation de TU au gentlemen’s agreement, celle‑ci ayant non seulement assisté aux réunions pendant lesquelles cet accord avait été discuté sans prendre ses distances à l’égard d’un tel accord, mais ayant aussi été directement impliquée dans l’élaboration et la mise en œuvre de cet accord, en tant que membre du conseil d’administration de la FEG.

110    Il en résulterait que le Tribunal, lors de son appréciation de l’imputabilité à TU de sa participation au régime collectif d’exclusivité, a appliqué un critère juridique correct.

–       Appréciation de la Cour

111    Par cette première branche du troisième moyen, TU conteste, en substance, les critères juridiques sur lesquels le Tribunal s’est fondé pour apprécier les éléments de preuve apportés par la Commission pour établir la participation de TU au régime collectif d’exclusivité. L’appréciation de l’imputabilité de l’infraction à une entreprise constituant une question de droit, il incombe à la Cour d’examiner si le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que la Commission avait pu à bon droit estimer que TU avait participé de manière active à un tel comportement anticoncurrentiel.

112    En outre, dans le cadre de cette branche du troisième moyen, TU critique la prétendue insuffisance de motivation de plusieurs points de l’arrêt attaqué consacrés à sa participation au régime collectif d’exclusivité.

113    Il s’ensuit que la première branche du troisième moyen est recevable.

114    Selon la jurisprudence constante de la Cour, il suffit que la Commission démontre que l’entreprise concernée a participé à des réunions au cours desquelles des accords de nature anticoncurrentielle ont été conclus, sans s’être opposée à ceux‑ci de manière manifeste, pour prouver à suffisance de droit la participation de cette entreprise à l’entente. Lorsqu’il est établi qu’une entreprise a pris part à de telles réunions, il lui incombe d’avancer des indices de nature à établir que cette participation était dépourvue de tout esprit anticoncurrentiel, en démontrant qu’elle avait indiqué à ses concurrents qu’elle participait à ces réunions dans une optique différente de la leur (voir arrêts du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni, C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125, point 96, et Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 155).

115    Il ressort des points 359 à 361 de l’arrêt attaqué que ce sont ces principes qui ont servi de fondement à l’appréciation du Tribunal concernant la preuve apportée par la Commission à l’appui de sa constatation relative à la participation de TU au régime collectif d’exclusivité. Dans son examen, le Tribunal n’est nullement parti de la prémisse selon laquelle l’affiliation d’une entreprise à une association professionnelle impliquerait automatiquement que les différents comportements infractionnels de celle‑ci doivent être imputés à cette entreprise. À cet égard, il ressort clairement du point 355 dudit arrêt que le Tribunal a appliqué le critère de la participation personnelle à la réalisation de l’infraction.

116    Le Tribunal a constaté, au point 357 de l’arrêt attaqué, que la Commission avait recueilli des indices probants de l’existence du gentlemen’s agreement. Selon le Tribunal, la Commission a rassemblé des indices documentaires de contacts entre la FEG et la NAVEG au cours desquels le gentlemen’s agreement avait été évoqué. Ces pièces couvrent une période qui s’ouvre le 11 mars 1986 par une réunion entre le conseil d’administration de la NAVEG et celui de la FEG. La Commission a également retenu les propos échangés au cours des réunions de ces mêmes conseils d’administration qui se sont tenues les 28 février 1989 et 25 octobre 1991, ainsi qu’une lettre de la FEG à la NAVEG du 18 novembre 1991.

117    En ce qui concerne la participation personnelle de TU au gentlemen’s agreement, le Tribunal a constaté, au point 358 de l’arrêt attaqué, que, parmi les réunions des conseils d’administration de la FEG et de la NAVEG invoquées par la Commission, si TU n’était ni présente ni représentée à celle du 28 février 1989, la FEG a toutefois dressé un compte rendu de cette réunion. Le Tribunal a par ailleurs relevé que la présence de TU à d’autres réunions (les 11 mars 1986 et 25 octobre 1991) ainsi que sa représentation au conseil d’administration de la FEG en 1991 ne sont pas contestées.

118    Au point 360 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu que, en l’absence d’une preuve de distanciation et, à plus forte raison, en vertu de sa participation en sa qualité de membre du conseil d’administration de la FEG, TU devait être considérée comme ayant participé au gentlemen’s agreement.

119    Il en résulte que le Tribunal n’a pas commis une erreur de droit lors de son appréciation de la participation de TU au régime collectif d’exclusivité.

120    Il convient également d’examiner les arguments invoqués par TU pour soutenir que certains points de l’arrêt attaqué relatifs à sa participation au régime collectif d’exclusivité comportent une motivation insuffisante.

121    En premier lieu, s’agissant de l’argument de TU relatif à la prétendue contradiction entre les points 352 et 356 de l’arrêt attaqué, il résulte d’une lecture attentive de ceux‑ci qu’ils ne sont entachés d’aucune contradiction.

122    Ainsi, il ressort du point 350 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a procédé à l’examen des griefs invoqués par TU pour réfuter les preuves de sa participation active aux infractions, et ce afin de trancher la question de savoir si la Commission avait établi à suffisance de droit la participation de cette société aux infractions visées aux articles 1er et 2 de la décision litigieuse.

123    Pour ce qui est de la participation de TU au régime collectif d’exclusivité, le Tribunal a rejeté, au point 352 de l’arrêt attaqué, l’argumentation selon laquelle cette société ne pouvait pas exercer d’influence sur les décisions de la FEG. Le Tribunal a constaté que les arguments de TU relatifs aux règles de fonctionnement interne de la FEG et à la législation néerlandaise en matière de droit des associations n’étaient pas pertinents. Selon lui, il importe de déterminer si TU a participé au gentlemen’s agreement et non de savoir si les statuts de la FEG ou ladite législation lui permettaient une telle participation.

124    Ce raisonnement est fondé à bon droit sur la nécessité de démontrer si la participation de TU au gentlemen’s agreement a effectivement eu lieu et non si une telle participation était simplement possible.

125    Et c’est précisément en ayant recours à un tel raisonnement que le Tribunal a considéré, dans le cadre de l’examen de la question de savoir si TU avait effectivement participé au régime collectif d’exclusivité, qu’était pertinent le fait que certains des dirigeants et des employés de TU avaient siégé au conseil d’administration de la FEG et s’est référé, au point 356 de l’arrêt attaqué, aux statuts de cette dernière pour rappeler que cet organe assure la direction générale de l’association.

126    L’arrêt attaqué n’est donc entaché d’aucune contradiction de motifs à cet égard.

127    En second lieu, en ce qui concerne la critique du point 353 de l’arrêt attaqué, il convient de relever que la constatation par le Tribunal de la convergence des intérêts de la FEG et de TU n’est pas exclusivement fondée sur le fait que cette dernière était l’une des plus importantes entreprises membres de la FEG. En effet, il ressort du point 356 dudit arrêt que le Tribunal a également pris en considération le fait que, durant plusieurs années, un représentant de TU avait siégé au conseil d’administration de ladite association, que ce représentant avait assuré pendant un certain temps la présidence de cet organe et que TU était fortement représentée dans diverses commissions de produits.

128    En ce qui concerne la prétendue nécessité, pour le Tribunal, d’examiner l’existence d’une volonté commune entre TU et la FEG, il convient de constater que, dans la mesure où le Tribunal a vérifié si TU avait effectivement participé au gentlemen’s agreement et a conclu que tel était le cas, la condition à laquelle est subordonnée l’imputation de cette infraction à ladite entreprise est remplie.

129    Au vu de ce qui précède, la première branche du troisième moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la deuxième branche du troisième moyen, relative à la participation de TU à l’élargissement du régime collectif d’exclusivité

–       Argumentation des parties

130    TU fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit ou, à tout le moins, a motivé l’arrêt attaqué de manière incompréhensible en appréciant si elle avait activement participé aux pratiques concertées de la FEG ou, du moins, des membres de cette association – et, dans l’affirmative, pendant combien de temps – pratiques visant à obtenir l’adhésion d’entreprises non membres de la NAVEG au gentlemen’s agreement.

131    Il n’aurait été tenu aucun compte du fait que TU avait fait pression pour la dernière fois le 2 juillet 1991 sur un fabriquant non membre de la NAVEG afin qu’il ne livre pas de matériel électrotechnique à des entreprises non membres de la FEG. Ainsi, TU fait valoir qu’il est erroné d’affirmer implicitement, comme l’a fait le Tribunal, qu’elle a activement contribué à l’infraction visée à l’article 1er de la décision litigieuse après le 2 juillet 1991 ou que, à tout le moins, l’arrêt attaqué est motivé de manière insuffisante sur ce point. Postérieurement à ladite date, la Commission n’aurait relevé aucune activité de la part de TU en ce sens.

132    À cet égard, la Commission fait valoir que TU cherche à remettre en cause l’appréciation factuelle du Tribunal concernant la date du 2 juillet 1991 et que, selon une jurisprudence constante, un participant à un accord prohibé est considéré comme responsable de cet accord jusqu’à ce qu’il se distancie publiquement de son contenu, ce que TU n’a jamais fait.

133    À titre tout à fait subsidiaire, la Commission fait observer que TU ignore la constatation faite par le Tribunal au point 366 de l’arrêt attaqué, selon laquelle TU a exercé des pressions sur des entreprises n’appartenant pas à la NAVEG, non seulement à titre individuel, mais également, par la suite, «de concert avec d’autres membres de la FEG». Cette constatation constituerait une raison supplémentaire de tenir TU pour responsable de l’infraction durant toute la période au cours de laquelle celle‑ci a été commise.

–       Appréciation de la Cour

134    Pour autant que la deuxième branche du troisième moyen conteste, en substance, les critères juridiques sur le fondement desquels le Tribunal a examiné les preuves fournies par la Commission pour établir la participation de TU à l’élargissement du régime collectif d’exclusivité, cette branche est recevable.

135    Toutefois, elle méconnaît les conclusions auxquelles est parvenu le Tribunal aux points 365 à 376 de l’arrêt attaqué.

136    Ainsi, au point 365 dudit arrêt, le Tribunal a constaté que TU était l’un des principaux membres de la FEG et que, à ce titre, elle avait été représentée au conseil d’administration de celle‑ci de manière continue entre 1985 et 1995, à l’exception toutefois de l’année 1990. Le Tribunal a relevé en outre que, en cette qualité, TU avait directement participé à l’élaboration de la politique de la FEG et/ou avait été informée des discussions entre cette association et la NAVEG concernant le régime collectif d’exclusivité, sans jamais avoir cherché à s’en distancier publiquement.

137    Au point 366 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté qu’il ressortait à suffisance de droit des preuves examinées par la Commission aux points 53 à 70 des motifs de la décision litigieuse que TU avait joué un rôle particulièrement important dans la pratique concertée consistant à étendre le régime collectif d’exclusivité à certains fournisseurs n’appartenant pas à la NAVEG. Le Tribunal a constaté que TU, tant à titre individuel que de concert avec d’autres membres de la FEG, avait exercé des pressions sur ces entreprises afin qu’elles n’approvisionnent pas les grossistes non affiliés à cette dernière avec lesquels ils se trouvaient en concurrence.

138    Le fait d’avoir exercé de telles pressions ayant été constaté par le Tribunal au titre de son appréciation souveraine des faits, qui ne peut pas faire l’objet de réexamen dans le cadre d’un pourvoi et dont l’exactitude matérielle n’est pas contestée par TU, il convient de conclure que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que c’est à juste titre que la Commission avait retenu la participation de TU à l’élargissement du régime collectif d’exclusivité, au-delà du 2 juillet 1991, le Tribunal s’étant fondé pour aboutir à une telle conclusion sur l’appréciation du rôle personnel joué par TU dans cette infraction. Par ailleurs, aucun défaut de motivation ne saurait être constaté à cet égard.

139    Dans ces circonstances, il convient de rejeter la deuxième branche du troisième moyen comme non fondée.

 Sur la troisième branche du troisième moyen, relative à la participation de TU à l’infraction en matière de prix

–       Argumentation des parties

140    TU fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit ou, à tout le moins, a motivé l’arrêt attaqué de manière incompréhensible en tant qu’il a estimé que c’était à bon droit que la Commission avait pu la rendre responsable de l’infraction visée à l’article 2 de la décision litigieuse en ce qui concerne les accords sur les prix, en raison de sa participation active à ces accords.

141    TU critique l’affirmation du Tribunal, au point 371 de l’arrêt attaqué, selon laquelle «TU ne saurait prétendre que, par sa nature, l’infraction visée à l’article 2 de la décision [litigieuse] ne concerne que la FEG et ne peut, par conséquent, lui être imputée».

142    TU reproche au Tribunal d’avoir implicitement considéré qu’elle avait participé à une pratique concertée en appliquant deux décisions contraignantes, l’une sur les prix fixes et l’autre sur les publications. Elle déduit du point 376 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a estimé que le simple fait, pour TU, d’être membre de la FEG suffisait à la rendre responsable de l’infraction.

143    TU fait valoir que le fait d’être membre d’une association d’entreprises enfreignant les règles en matière de concurrence ne suffit pas, en tant que tel, pour imputer cette infraction à ce membre. Selon elle, il faut qu’il y ait, en l’occurrence, une activité individuelle susceptible d’être prouvée et dont il puisse être déduit que le membre de l’association en question a manifesté sa volonté de participer à l’infraction en question.

144    En ne recherchant pas dans quelle mesure TU avait effectivement été impliquée dans l’infraction visée à l’article 2 de la décision litigieuse, le Tribunal aurait commis une erreur de droit ou, à tout le moins, motivé l’arrêt attaqué de manière incompréhensible sur ce point.

145    À cet égard, la Commission fait valoir que la troisième branche du troisième moyen repose sur une lecture erronée du point 371 de l’arrêt attaqué.

146    Selon elle, le Tribunal a rappelé, audit point 371, que l’article 3 de la décision litigieuse tenait TU pour responsable des infractions en raison, notamment, de sa participation active à celles‑ci. La Commission souligne que, au point 349 dudit arrêt, le Tribunal a rejeté l’argument de TU selon lequel les infractions lui étaient imputées pour la seule raison qu’elle était membre de la FEG. Ce rejet aurait été explicité aux points 351 à 379 du même arrêt, dans lesquels le Tribunal aurait jugé, sur la base des preuves disponibles – et non pas uniquement sur le fondement de la seule affiliation de TU à la FEG – que les deux infractions constatées dans ladite décision pouvaient être imputées à TU.

–       Appréciation de la Cour

147    Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 51 de ses conclusions, le Tribunal ne s’est nullement fondé sur la prémisse selon laquelle TU devrait être automatiquement, en tant que membre de la FEG, tenue pour responsable du comportement illicite de cette dernière.

148    Au contraire, les points 375 à 379 de l’arrêt attaqué sont consacrés à l’examen, par le Tribunal, de la participation personnelle et active de TU à l’infraction relative à la fixation des prix.

149    Par conséquent, aucune erreur de droit ne peut être reprochée au Tribunal. Par ailleurs, l’arrêt attaqué est suffisamment motivé à cet égard.

150    Il découle de ce qui précède que la troisième branche du troisième moyen doit être écartée comme non fondée et, partant, celui‑ci doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la détermination de la durée des infractions imputées à TU par la Commission

151    Par son quatrième moyen, qui comporte trois branches, TU soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit ou, à tout le moins, a motivé de manière insuffisante l’arrêt attaqué en ce qui concerne la durée de chacune des infractions continues visées aux articles 1er et 2 de la décision litigieuse. Les mêmes périodes auraient été retenues à tort pour calculer la durée de l’infraction visée à l’article 3 de la même décision.

152    TU critique le point 413 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a considéré «que les durées des éléments constitutifs des infractions visées aux articles 1er et 2 de la décision [litigieuse] étaient de huit, quinze, neuf, quatre et six ans».

 Sur la première branche du quatrième moyen, relative à la durée du régime collectif d’exclusivité

–       Argumentation des parties

153    TU soutient que le Tribunal a jugé à tort que l’infraction visée à l’article 1er de la décision litigieuse était, par nature, continue et qu’elle s’était poursuivie du 11 mars 1986 au 25 février 1994 inclus. À cet égard, TU renvoie au point 406 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a jugé que les infractions visées aux articles 1er et 2 de la décision litigieuse revêtaient «par nature» un caractère continu, au motif que «[l]es incidents relatifs à l’extension du régime collectif d’exclusivité et l’envoi de recommandations en matière de prix par la FEG ne constituent pas des infractions autonomes; il s’agit d’éléments constitutifs des infractions». Le Tribunal se serait fondé, à tort, sur des «indices», faute de disposer de preuves directes à cet effet.

154    Par ailleurs, TU estime que, au point 408 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’a pas explicité la raison pour laquelle il pouvait néanmoins être question d’un régime collectif d’exclusivité convenu entre la FEG et la NAVEG au cours de la période du 11 mars 1986 au 25 février 1994, en l’absence de preuves de l’existence d’un tel régime pendant certaines périodes comprises entre ces deux dates. Ainsi, l’existence d’une telle infraction ne reposerait sur aucune preuve:

–        au cours de la période comprise entre le 11 mars 1986, date de la réunion au cours de laquelle la FEG et la NAVEG ont parlé pour la première fois d’«accords entre les deux associations», et le 28 février 1989, date à laquelle les conseils d’administration des deux associations ont, pour la première fois depuis ladite réunion, évoqué le gentlemen’s agreement;

–        au cours de la période comprise entre le 18 novembre 1991, date à laquelle la FEG a correspondu elle‑même pour la dernière fois avec la NAVEG, et le 25 février 1994, date à laquelle cette dernière a souligné pour la dernière fois l’existence du régime collectif d’exclusivité entre la FEG et la NAVEG.

155    TU considère qu’une telle circonstance est contraire aux règles présidant à l’administration de la preuve. Selon elle, une infraction peut être réputée se poursuivre pendant une période couvrant plusieurs années s’il est démontré que, au cours de celles‑ci, les entreprises concernées ont continué à être animées d’une volonté commune au sujet de l’objet de l’infraction et que celle‑ci a effectivement continué d’exister ou, à tout le moins, d’être mise en œuvre.

156    Le Tribunal aurait donc appliqué un critère erroné en matière de preuve.

157    En ce qui concerne le quatrième moyen dans son intégralité, la Commission estime qu’il est irrecevable dans la mesure où il conteste l’appréciation factuelle du Tribunal selon laquelle les actes et comportements restrictifs de la concurrence constatés avaient un but commun et constituaient par conséquent une infraction unique.

158    À titre subsidiaire, en ce qui concerne la première branche du quatrième moyen, la Commission fait valoir que le point 406 de l’arrêt attaqué, critiqué par TU, énonce clairement que la qualification des pratiques constatées dans la décision litigieuse comme étant des «infractions continues» n’est nullement motivée par une référence au rapport entre les différents actes restrictifs de la concurrence, mais est fondée sur la nature des infractions qui ont trait à des accords conclus pour une durée indéterminée et à des actes tendant à la mise en œuvre ou à l’extension de ces accords.

159    S’agissant de l’argument de TU relatif à la durée du régime collectif d’exclusivité et à la prétendue absence de preuve quant à son existence pendant de longues périodes, la Commission se réfère aux points 90, 406 et 411 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a jugé à plusieurs reprises que l’infraction devait être qualifiée de «continue». Or, dans le cas d’un accord conclu pour une durée indéterminée, la Commission n’aurait pas, en raison précisément de la nature de cet accord, à démontrer son existence à tout moment donné.

160    La Commission conclut que, étant donné que les infractions reprochées ont été qualifiées de «continues» par le Tribunal, ce qui constitue une constatation de fait, et qu’aucun participant au régime collectif d’exclusivité ne s’est expressément distancié de celui‑ci, c’est à juste titre que le Tribunal a considéré que la Commission n’avait pas à produire de preuves supplémentaires pour établir l’existence de l’accord à un moment quelconque des périodes mentionnées par TU.

–       Appréciation de la Cour

161    Dans le cadre de cette première branche du quatrième moyen, TU soutient, en substance, que le Tribunal s’est fondé sur des critères juridiques erronés pour apprécier la preuve apportée par la Commission à l’appui de sa constatation relative à la durée du régime collectif d’exclusivité auquel il est reproché à TU d’avoir pris part. Dans cette mesure, cette branche du quatrième moyen porte sur une question de droit dont la Cour peut être saisie dans le cadre d’un pourvoi et, partant, elle doit être considérée comme recevable.

162    L’existence du gentlemen’s agreement ayant été contestée par la FEG et TU, le Tribunal a considéré, au point 141 de l’arrêt attaqué, qu’il convenait d’apprécier si, dans la décision litigieuse, la Commission s’était acquittée de la charge de la preuve qui lui incombait lorsqu’elle a conclu qu’il y avait des preuves de l’existence de ce gentlemen’s agreement à compter du 11 mars 1986. Le Tribunal a indiqué que cette appréciation reposait sur une évaluation globale de l’ensemble des preuves et indices pertinents.

163    Ayant examiné la genèse et la mise en œuvre dudit gentlemen’s agreement, le Tribunal a relevé, au point 210 de l’arrêt attaqué, que, au terme d’une appréciation globale, TU et la FEG n’étaient pas parvenues à remettre en cause le caractère convaincant, objectif et concordant des indices retenus par la Commission dans la décision litigieuse.

164    Dans le cadre du présent pourvoi, TU conteste, notamment, le caractère approprié de la référence aux «indices» en tant que preuve de l’existence et de la durée du régime collectif d’exclusivité.

165    Cet argument ne saurait être accueilli. La Cour a déjà jugé que, dans la plupart des cas, l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de la concurrence (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 57).

166    Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 64 de ses conclusions, de tels indices et coïncidences permettent de révéler non seulement l’existence de comportements ou d’accords anticoncurrentiels, mais également la durée d’un comportement anticoncurrentiel continu et la période d’application d’un accord conclu en violation des règles de concurrence.

167    À la lumière de cette jurisprudence, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en tant qu’il a fondé son appréciation de l’existence d’un régime collectif d’exclusivité ainsi que de la durée de celui‑ci sur «une évaluation globale de l’ensemble des preuves et indices pertinents». La question de savoir quelle valeur probante a été attribuée par le Tribunal à chaque élément de ces preuves et indices apportés par la Commission constitue toutefois une question d’appréciation de fait qui échappe, en tant que telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

168    Dans le cadre de cette première branche du quatrième moyen, TU reproche également au Tribunal d’avoir ignoré l’absence de preuve quant à l’existence d’un régime collectif d’exclusivité au cours de certaines périodes déterminées.

169    Il convient de préciser à cet égard que, au point 406 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que la Commission avait rapporté la preuve de l’existence d’une infraction continue au cours de la période comprise entre 1986 et 1994. Le fait qu’une telle preuve n’a pas été apportée pour certaines périodes déterminées ne fait pas obstacle à ce que l’infraction soit regardée comme constituée durant une période globale plus étendue que celles‑ci dès lors qu’une telle constatation repose sur des indices objectifs et concordants. Dans le cadre d’une infraction s’étendant sur plusieurs années, le fait que les manifestations de l’entente interviennent à des périodes différentes, pouvant être séparées par des laps de temps plus ou moins longs, demeure sans incidence sur l’existence de cette entente, pour autant que les différentes actions qui font partie de cette infraction poursuivent une seule finalité et s’inscrivent dans le cadre d’une infraction à caractère unique et continu.

170    Or, au point 342 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que le régime collectif d’exclusivité et les pratiques relatives à la fixation des prix poursuivaient un même objet anticoncurrentiel, qui consistait à maintenir les prix à un niveau supraconcurrentiel, d’une part, en diminuant la compétitivité des entreprises cherchant à opérer sur le marché de la distribution en gros de matériel électrotechnique aux Pays‑Bas et à rivaliser ainsi avec les membres de la FEG, sans être affiliées à cette association et, d’autre part, en coordonnant partiellement leur politique de prix.

171    Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 61 de ses conclusions, il résulte de cette constatation du Tribunal que chacune desdites infractions, à savoir le régime collectif d’exclusivité et les pratiques concertées en matière de prix, visait cet objectif unique.

172    En outre, il convient de souligner que, au point 408 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a explicité de manière détaillée les indices qui ont permis à la Commission de déterminer la durée du régime collectif d’exclusivité. Ce point est libellé comme suit:

«S’agissant de l’infraction visée à l’article 1er de la décision [litigieuse], la Commission n’a pas été en mesure de déterminer précisément la date à laquelle le régime collectif d’exclusivité a été conclu. Néanmoins, elle a pu rapporter la preuve de l’existence de ce régime à partir de la réunion du 11 mars 1986, au cours de laquelle les conseils d’administration de la FEG et de la NAVEG ont évoqué le gentlemen’s agreement. La Commission a également retenu plusieurs indices postérieurs à cette réunion sur la base desquels elle a estimé que le gentlemen’s agreement continuait d’être appliqué par les membres de la NAVEG (voir, décision [litigieuse], considérants 47 à 49). La Commission a par ailleurs relevé plusieurs indices démontrant que les membres de la NAVEG avaient suivi les conseils de leur association, en exécution du gentlemen’s agreement (décision [litigieuse], considérants 50 à 52). Le dernier de ces indices est le compte rendu d’une réunion interne de la société Hemmink du 25 février 1994, au cours de laquelle ce membre de la NAVEG a indiqué avoir refusé de fournir un grossiste n’appartenant pas à la FEG. Quant aux pressions exercées, notamment par TU, sur des fabricants n’appartenant pas à la NAVEG pour qu’ils ne livrent pas à des grossistes non membres de la FEG, il est également constant qu’elles ont eu lieu durant une période de douze mois à compter du mois de juillet 1990.»

173    L’appréciation par le Tribunal de la preuve apportée par la Commission quant à la durée du régime collectif d’exclusivité étant fondée sur des critères juridiques corrects et les points de l’arrêt attaqué relatifs à cette question étant suffisamment motivés, la première branche du quatrième moyen doit être écartée comme non fondée.

 Sur la deuxième branche du quatrième moyen, relative à la durée de l’infraction en matière de fixation des prix

–       Argumentation des parties

174    TU soutient que le Tribunal a jugé à tort, au point 406 de l’arrêt attaqué, que l’infraction en matière de fixation des prix visée à l’article 2 de la décision litigieuse était, par nature, continue et qu’elle a duré du 21 décembre 1988 au 24 avril 1994 inclus.

175    TU critique notamment le fait que le Tribunal a considéré les éléments ayant conduit à la constatation de l’infraction visée à l’article 2 de la décision litigieuse non pas en tant qu’ils constituaient des infractions indépendantes, mais comme les éléments d’une seule et unique infraction. Elle souligne que, de manière concomitante, le Tribunal a toutefois déclaré que ces éléments avaient eu une durée très différente, à savoir 15, 9, 4 et 6 ans, ainsi que cela ressort du point 413 de l’arrêt attaqué.

176    TU considère qu’un examen plus attentif de ces «éléments» révèle qu’ils sont entièrement hétérogènes. Le Tribunal aurait dû examiner chaque élément séparément à la lumière des critères d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, et notamment, au regard du critère de l’incidence sur les échanges entre États membres.

177    La Commission estime, quant à elle, que cette branche du quatrième moyen est fondée sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. Elle fait valoir que la constatation du Tribunal au point 406 dudit arrêt, relative au caractère continu de l’infraction en matière de fixation des prix, repose sur la nature de l’infraction. En effet, celle‑ci consiste en des décisions contraignantes arrêtées pour une durée indéterminée ainsi que sur de nombreux actes et comportements qui tendaient tous à maintenir artificiellement les prix sur le marché néerlandais à un niveau élevé, et ce pour une durée indéterminée.

–       Appréciation de la Cour

178    Une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux‑mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition. Lorsque les différentes actions s’inscrivent dans un «plan d’ensemble», en raison de leur objet identique faussant le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun, la Commission est en droit d’imputer la responsabilité de ces actions en fonction de la participation à l’infraction considérée dans son ensemble (voir arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 258).

179    Il découle de l’arrêt attaqué que c’est précisément un tel raisonnement qui sous‑tend la qualification, par le Tribunal, des pratiques concertées en matière de prix en tant qu’elles constituent une seule infraction continue.

180    Notamment, au point 342 dudit arrêt, le Tribunal a constaté que le régime collectif d’exclusivité et les pratiques relatives à la fixation des prix poursuivaient un même objet anticoncurrentiel consistant à maintenir les prix à un niveau supraconcurrentiel, d’une part, en diminuant la compétitivité des entreprises qui cherchent à opérer sur le marché de la distribution en gros de matériel électrotechnique aux Pays‑Bas et à rivaliser ainsi avec les membres de la FEG, sans être affiliées à cette association d’entreprises, et, d’autre part, en coordonnant partiellement leur politique de prix.

181    Ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 61 de ses conclusions, il résulte également d’une telle constatation que chacune des infractions en soi, à savoir le régime collectif d’exclusivité et les pratiques concertées en matière de prix, visait cet objectif unique.

182    Le point 406 de l’arrêt attaqué, lu à la lumière de la constatation faite par le Tribunal audit point 342, ne révèle donc aucune erreur de droit ni aucun défaut de motivation de cet arrêt.

183    En outre, il convient de rappeler que, aux fins de l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, la prise en considération des effets concrets d’un accord est superflue, dès lors qu’il apparaît que celui‑ci a pour objet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l’intérieur du marché commun (arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, point 261).

184    Ayant constaté l’objet anticoncurrentiel des pratiques concertées relatives à la fixation des prix, le Tribunal n’était donc nullement tenu de procéder à l’examen de leurs effets concrets sur le marché.

185    Il résulte de ce qui précède que la deuxième branche du quatrième moyen doit être rejetée comme non fondée.

 Sur la troisième branche du quatrième moyen, relative à la durée des infractions imputées à TU

–       Argumentations des parties

186    TU fait valoir que si les première et deuxième branches du quatrième moyen devaient être accueillies, la durée de l’infraction visée à l’article 3 de la décision litigieuse devrait a fortiori être réduite en conséquence.

187    La Commission renvoie à son argumentation relative auxdites branches du quatrième moyen et conclut que la troisième branche de celui‑ci et, avec elle, l’ensemble de ce moyen doivent être rejetés comme irrecevables ou, à tout le moins, comme non fondés.

–       Appréciation de la Cour

188    Les première et deuxième branches du moyen ayant été rejetées, il convient de conclure que la troisième branche du quatrième moyen ne saurait prospérer.

 Sur le cinquième moyen, relatif à la demande de réduction du montant de l’amende

189    Selon TU, le Tribunal a commis une erreur de droit, en tant que, nonobstant l’appréciation inexacte de la durée des infractions et la méconnaissance du principe du délai raisonnable par la Commission, il a refusé d’accorder une réduction supplémentaire du montant de l’amende ou, à tout le moins, l’arrêt attaqué est‑il insuffisamment motivé à cet égard. Ce moyen comporte trois branches.

 Sur la première branche du cinquième moyen, relative à la réduction du montant de l’amende en raison de la détermination prétendument erronée de la durée des infractions imputées à TU

–       Argumentation des parties

190    TU soutient que, selon l’article 15 du règlement n° 17, pour déterminer le montant de l’amende que la Commission impose à une entreprise au titre d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, il y a lieu de prendre en considération la gravité et la durée de celle‑ci. Elle fait valoir que la communication de la Commission relative aux lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA, publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 14 janvier 1998 (JO C 9, p. 3), prévoit la possibilité de diminuer le montant de base de l’amende lorsque des circonstances atténuantes particulières le justifient.

191    TU estime que la Commission et le Tribunal n’ont pas tenu compte de ces règles lorsqu’ils ont fixé le montant de l’amende et qu’ils ont ainsi enfreint le droit communautaire ou, à tout le moins, le principe de motivation et celui de proportionnalité en ce qui concerne la fixation dudit montant. En effet, la Commission aurait retenu une durée erronée de l’infraction en déterminant le montant de l’amende et le Tribunal aurait motivé de manière insuffisante son refus d’accorder une diminution supplémentaire de ce montant.

192    TU estime que les infractions qu’elle est présumée avoir commises ne pouvant en effet être considérées comme constituant une seule infraction continue, il ne saurait être soutenu que la durée de l’infraction, au titre de laquelle les amendes ont été infligées, a couru sur une période de huit années. Contrairement à ce qui a été jugé par la Cour au point 258 de l’arrêt Aalborg Portland e.a./Commission, précité, il ne saurait être question, en l’espèce, d’un «plan d’ensemble».

193    La Commission fait valoir, à titre principal, que le cinquième moyen est manifestement irrecevable. Le Tribunal aurait considéré, aux points 436 à 438 de l’arrêt attaqué, que, à la lumière des circonstances spécifiques de la présente affaire, une nouvelle réduction du montant de l’amende n’était pas justifiée. En vertu de la jurisprudence constante de la Cour (arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, précité, point 614), il n’appartiendrait pas à cette dernière de substituer son appréciation à celle du Tribunal statuant sur le montant des amendes.

194    À titre subsidiaire, la Commission renvoie, s’agissant du «plan d’ensemble» dont l’existence est contestée par TU, au point 342 de l’arrêt attaqué, dans lequel le Tribunal a relevé que les deux infractions poursuivaient un même objet anticoncurrentiel.

195    La Commission conclut donc que la première branche du cinquième moyen est manifestement non fondée.

–       Appréciation de la Cour

196    Il convient de rappeler que le Tribunal est seul compétent pour contrôler la façon dont la Commission a apprécié dans chaque cas particulier la gravité des comportements illicites. Dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, d’une part, d’examiner dans quelle mesure le Tribunal a pris en considération, d’une manière juridiquement correcte, tous les facteurs essentiels pour apprécier la gravité d’un comportement déterminé à la lumière des articles 81 CE et 15 du règlement n° 17 et, d’autre part, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués au soutien de la demande de suppression de l’amende ou de réduction du montant de celle‑ci (voir, notamment, arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, point 128).

197    En l’espèce, il est constant que TU n’a fourni aucun élément susceptible de démontrer que le Tribunal n’aurait pas pris en considération, d’une manière juridiquement correcte, tous les facteurs essentiels pour apprécier la gravité du comportement reproché à la lumière des articles 81 CE et 15 du règlement n° 17. Ladite entreprise n’allègue pas non plus que le Tribunal n’a pas répondu à suffisance de droit à l’ensemble de ses arguments tendant à la suppression de l’amende ou à la réduction du montant de celle‑ci.

198    En outre, il est manifeste que la première branche du cinquième moyen est directement liée aux arguments invoqués par TU à l’appui de son quatrième moyen, selon lesquels le Tribunal aurait commis une erreur de droit en ce qu’il a considéré comme convaincante la preuve apportée par la Commission quant à la durée des infractions constatées dans la décision litigieuse. Étant donné que ces arguments ont été rejetés dans le cadre de l’examen de ce quatrième moyen, il convient, par conséquent, de rejeter la première branche du cinquième moyen.

 Sur la deuxième branche du cinquième moyen, relative à la réduction du montant de l’amende en raison de la durée excessive de la procédure administrative

–       Argumentation des parties

199    TU fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit dans la détermination du montant de l’amende lui ayant été infligée ou, à tout le moins, a motivé de manière insuffisante l’arrêt attaqué sur ce point, alors qu’il aurait dû réduire ce montant en raison de la durée excessive de la procédure administrative.

200    TU reproche au Tribunal d’avoir jugé, aux points 77 et 85 de l’arrêt attaqué, que la Commission était responsable des manquements au principe du caractère raisonnable du délai et d’avoir pourtant affirmé, au point 438 dudit arrêt, que la FEG et TU «n’ont apporté aucun élément justifiant que le Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, envisage d’accorder une réduction supplémentaire du montant de l’amende». Une telle appréciation serait motivée de manière incompréhensible.

201    La Commission fait valoir que l’arrêt attaqué est motivé de manière claire et circonstanciée sur la question du rapport entre la durée de la procédure administrative et la réduction supplémentaire du montant de l’amende infligée à TU. D’une part, la Commission indique que le Tribunal a constaté, aux points 87 à 93 dudit arrêt, que TU n’a pas été gênée dans sa défense par le dépassement du délai raisonnable. D’autre part, le Tribunal aurait examiné si les circonstances particulières de l’affaire justifiaient une réduction supplémentaire du montant de l’amende et aurait constaté, à cet égard, ainsi qu’il ressort du point 438 du même arrêt, que TU n’avait apporté aucun élément justifiant une telle réduction.

–       Appréciation de la Cour

202    Ainsi qu’il ressort des points 152 et 153 des motifs de la décision litigieuse, cités au point 9 du présent arrêt, la Commission, en réduisant le montant des amendes, a pris en compte la durée excessive, qui lui est imputable, de la procédure administrative.

203    Au point 438 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que «la Commission a, de sa propre initiative, réduit l’amende. La possibilité d’accorder une telle réduction s’inscrit dans le cadre de l’exercice des prérogatives de la Commission. Les requérantes n’ont apporté aucun élément justifiant que le Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, envisage d’accorder une réduction supplémentaire du montant de l’amende. Par conséquent, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande des requérantes à cet égard».

204    Cette constatation ne contient aucune erreur de droit.

205    Par ailleurs, la présente branche du cinquième moyen est directement liée aux arguments invoqués par TU à l’appui de son premier moyen, selon lesquels le Tribunal aurait commis une erreur de droit en ce qu’il a considéré que le dépassement du délai raisonnable ne justifiait pas l’annulation de la décision litigieuse. Le moyen tiré de la violation du principe du délai raisonnable n’ayant pas été accueilli, ce qui ressort, d’une part, de la partie non annulée de l’arrêt attaqué et, d’autre part, de l’appréciation de la Cour lorsqu’elle a statué sur ledit moyen, il convient de rejeter cette branche du cinquième moyen.

 Sur la troisième branche du cinquième moyen, relative à la détermination du montant de l’amende eu égard à la participation de TU aux infractions visées dans la décision litigieuse

–       Argumentation des parties

206    TU fait valoir que le Tribunal, en déterminant le montant de l’amende infligée à TU, a motivé de manière insuffisante son appréciation selon laquelle ce montant est raisonnable par rapport à celui de l’amende infligée à la FEG (points 431 à 433 de l’arrêt attaqué).

207    La Commission renvoie, à cet égard, aux points 416 à 438 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a examiné et rejeté de façon motivée tous les arguments tendant à la réduction du montant de l’amende.

208    La Commission conclut que la troisième branche du cinquième moyen est irrecevable et, en tout état de cause, non fondée et qu’il en est de même de celui‑ci dans son intégralité.

209    La CEF fait également valoir que le cinquième moyen n’est pas recevable étant donné qu’il s’agit, en l’espèce, de constatations de fait du Tribunal qui ne peuvent pas faire l’objet d’un réexamen dans le cadre du présent pourvoi.

–       Appréciation de la Cour

210    S’agissant du prétendu caractère disproportionné du montant de l’amende, il importe de rappeler qu’il n’appartient pas à la Cour, lorsqu’elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d’un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de sa pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles‑ci, du droit communautaire (arrêts du 17 juillet 1997, Ferriere Nord/Commission, C‑219/95 P, Rec. p. I‑4411, point 31, et Baustahlgewebe/Commission, précité, point 129).

211    Il s’ensuit que cette branche du cinquième moyen doit être déclarée irrecevable dans la mesure où elle a pour objet un réexamen général du montant des amendes infligées par la Commission (voir arrêt Baustahlgewebe/Commission, précité, point 129).

212    En outre, la lecture attentive de cette branche du cinquième moyen fait apparaître qu’elle est liée aux arguments invoqués par TU à l’appui de son troisième moyen, selon lesquels le Tribunal aurait commis une erreur de droit en tant qu’il a considéré que c’est à juste titre que la Commission avait pu rendre cette entreprise personnellement responsable des infractions visées aux articles 1er et 2 de la décision litigieuse. Le troisième moyen ayant été rejeté, il convient, en tout état de cause, de rejeter la troisième branche du cinquième moyen comme non fondée.

213    Il résulte de ce qui précède que le cinquième moyen doit être rejeté dans son intégralité, en partie comme irrecevable et en partie comme non fondé.

 Sur les dépens

214    Aux termes de l’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé et lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle‑même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, dudit règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. TU ayant succombé en ses moyens, à l’exception de celui tiré de la méconnaissance du principe du délai raisonnable, lequel est toutefois rejeté par la Cour, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente procédure. S’agissant des dépens liés aux procédures de première instance ayant abouti à l’arrêt attaqué, il y a lieu de décider que, nonobstant l’annulation partielle de celui‑ci, ils sont maintenus à la charge de TU conformément aux modalités définies au point 3 du dispositif dudit arrêt.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

1)      L’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission (T‑5/00 et T‑6/00), est annulé en tant seulement que le Tribunal a omis, dans le cadre de l’examen du moyen tiré de la violation du principe du délai raisonnable, de vérifier si la durée excessive, imputable à la Commission des Communautés européennes, de la totalité de la procédure administrative, y compris la phase antérieure à la communication des griefs, était susceptible d’affecter les possibilités futures de défense de Technische Unie BV.

2)      Le pourvoi est rejeté pour le surplus.

3)      Le recours introduit par Technische Unie BV devant le Tribunal de première instance, en tant qu’il est partiellement fondé sur le moyen tiré d’une violation du principe du délai raisonnable, est rejeté.

4)      Technische Unie BV est condamnée aux dépens de la présente procédure. Les dépens liés aux procédures de première instance ayant abouti à l’arrêt du 16 décembre 2003, Nederlandse Federatieve Vereniging voor de Groothandel op Elektrotechnisch Gebied et Technische Unie/Commission (T‑5/00 et T‑6/00), sont maintenus à la charge de Technische Unie BV conformément aux modalités déterminées au point 3 du dispositif dudit arrêt.

Signatures


** Langue de procédure: le néerlandais.