Language of document : ECLI:EU:C:2006:594

ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)

21 septembre 2006 (*)

«Pourvoi – Ententes – Article 81 CE – Accords de distribution – Pratiques concertées – Notification – Formulaire A/B – Demande d’exemption – Rejet – Durée de l’examen de la procédure de notification – Droits de la défense – Présomption d’innocence – Plainte – Infraction – Interdiction générale de ventes passives – Limitation des sources d’approvisionnement – Moyens et arguments nouveaux – Amendes – Lignes directrices – Gravité de l’infraction – Durée – Circonstances atténuantes – Pourvoi incident – Circonstances aggravantes»

Dans l’affaire C-167/04 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 5 avril 2004,

JCB Service, représentée par Mes E. Morgan de Rivery et E. Friedel, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission des Communautés européennes, représentée par M. A. Whelan, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (deuxième chambre),

composée de M. C. W. A. Timmermans, président de chambre, M. J. Makarczyk, Mme R. Silva de Lapuerta, MM. P. Kūris et G. Arestis (rapporteur), juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 19 octobre 2005,

ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 15 décembre 2005,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, la société JCB Service demande l’annulation totale ou partielle de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 13 janvier 2004, JCB Service/Commission (T-67/01, Rec. p. II-49, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a partiellement fait droit à son recours tendant à l’annulation de la décision 2002/190/CE de la Commission, du 21 décembre 2000, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (affaire COMP.F.1/35.918 – JCB) (JO 2002, L 69, p. 1, ci-après la «décision litigieuse»).

 Le cadre juridique

2        L’article 2 du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d’application des articles [81] et [82] du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après le «règlement n° 17»), prévoit que la Commission des Communautés européennes peut constater, sur demande des entreprises et associations d’entreprises intéressées, qu’il n’y a pas lieu pour elle, en fonction des éléments dont elle a connaissance, d’intervenir à l’égard d’un accord, d’une décision ou d’une pratique en vertu de l’article 81, paragraphe 1, CE ou 82 CE.

3        Selon l’article 3, paragraphe 1, du même règlement, si la Commission constate, sur demande ou d’office, une infraction aux dispositions de l’article 81 CE ou 82 CE, elle peut obliger par voie de décision les entreprises intéressées à mettre fin à l’infraction constatée.

4        L’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 17 prévoit que les accords, les décisions et les pratiques concertées visés à l’article 81, paragraphe 1, première phrase, CE, intervenus après l’entrée en vigueur de ce règlement et en faveur desquels les intéressés désirent se prévaloir des dispositions de l’article 81, paragraphe 3, CE doivent être notifiés à la Commission.

5        Selon l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 27 de la Commission, du 3 mai 1962, premier règlement d’application du règlement n° 17 du Conseil en date du 6 février 1962 (Forme, teneur et autres modalités des demandes de notifications) (JO 1962, 35, p. 1118), tel que modifié par le règlement (CEE) n° 1133/68 de la Commission, du 26 juillet 1968 (JO L 189, p. 1, ci-après le «règlement n° 27»), les demandes prévues à l’article 2 du règlement n° 17 et concernant l’application de l’article 81, paragraphe 1, CE ainsi que les notifications prévues à l’article 4 de ce dernier règlement doivent être présentées au moyen d’un formulaire A/B et doivent contenir les renseignements demandés dans ce formulaire.

6        L’article 15 du règlement n° 17 relatif aux amendes prévoit:

«[...]

2.       La Commission peut, par voie de décision, infliger aux entreprises et associations d’entreprises des amendes de mille unités de compte au moins et d’un million d’unités de compte au plus, ce dernier montant pouvant être porté à dix pour cent du chiffre d’affaires réalisé au cours de l’exercice social précédent par chacune des entreprises ayant participé à l’infraction, lorsque, de propos délibéré ou par négligence:

a)       elles commettent une infraction aux dispositions de l’article [81], paragraphe 1, ou de l’article [82] du traité, ou

b)       elles contreviennent à une charge imposée en vertu de l’article 8, paragraphe 1.

Pour déterminer le montant de l’amende, il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci.

[...]

5.       Les amendes prévues au paragraphe 2, [sous] a), ne peuvent pas être infligées pour des agissements:

         a) postérieurs à la notification à la Commission et antérieurs à la décision par laquelle elle accorde ou refuse l’application de l’article [81], paragraphe 3, du traité, pour autant qu’ils restent dans les limites de l’activité décrite dans la notification [...]»

7        La communication de la Commission, du 14 janvier 1998, intitulée «Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15 paragraphe 2 du règlement n° 17 et de l’article 65 paragraphe 5 du traité CECA» (JO 1998, C 9, p. 3, ci-après les «lignes directrices»), énonce notamment:

«Les principes posés par les […] lignes directrices devraient permettre d’assurer la transparence et le caractère objectif des décisions de la Commission tant à l’égard des entreprises qu’à l’égard de la Cour de justice, tout en affirmant la marge discrétionnaire laissée par le législateur à la Commission pour la fixation des amendes dans la limite de 10 % du chiffre d’affaires global des entreprises. Cette marge devra toutefois s’exprimer dans une ligne politique cohérente et non discriminatoire adaptée aux objectifs poursuivis dans la répression des infractions aux règles de concurrence.

La nouvelle méthodologie applicable pour le montant de l’amende obéira dorénavant au schéma suivant, qui repose sur la fixation d’un montant de base auquel s’appliquent des majorations pour tenir compte des circonstances aggravantes et des diminutions pour tenir compte des circonstances atténuantes.»

8        Aux termes du point 1 des lignes directrices, le montant de base de l’amende est déterminé en fonction de la gravité et de la durée de l’infraction, seuls critères retenus à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17.

9        En ce qui concerne l’évaluation du caractère de la gravité de l’infraction, selon ces mêmes lignes directrices, doivent être pris en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné.

10      À cet égard, le point 1, A, desdites lignes distingue les infractions en infractions peu graves, graves et très graves. Pour les infractions très graves, le même point précise qu’il s’agit pour l’essentiel de restrictions horizontales de type «cartels de prix» et de quotas de répartition des marchés, ou autres pratiques portant atteinte au bon fonctionnement du marché intérieur, telles que celles visant à cloisonner les marchés nationaux, ou d’abus caractérisés de position dominante d’entreprises en situation de quasi-monopole.

11      S’agissant de la durée de l’infraction, au point 1, B, des lignes directrices, une distinction est faite entre les infractions de courte durée – en général inférieure à un an – qui n’entraînent pas une majoration de l’amende de base, les infractions de moyenne durée – en général de un à cinq ans – et celles de longue durée – en général au-delà de cinq ans – pour lesquelles le montant de l’amende peut être fixé pour chaque année à 10 % du montant retenu pour la gravité de l’infraction.

12      Le point 2 de ces lignes directrices prévoit l’augmentation du montant de base au titre des circonstances aggravantes, telles que notamment les mesures de rétorsion sur d’autres entreprises en vue de faire «respecter» les décisions ou les pratiques infractionnelles. La diminution du montant de base pour des circonstances atténuantes particulières est également envisagée au point 3 desdites lignes directrices.

 Les faits à l’origine du litige

13      JCB Service est une société de droit anglais, détenue par la société Transmissions and Engineering Services Netherlands BV. Elle possède et contrôle directement ou indirectement les sociétés du groupe JCB, lequel compte 28 sociétés au nombre desquelles figurent, notamment, JC Bamford Excavators, JCB Sales, JCB SA, JCB Germany et JCB Spain. Le groupe JCB produit et commercialise des engins de chantier, des équipements de déblaiement et de construction ainsi que des machines agricoles et des pièces détachées afférentes à ces différents produits.

14      Le réseau de distribution du groupe JCB est structuré sur une base nationale au moyen d’une filiale par État membre (Royaume de Belgique, République fédérale d’Allemagne, Royaume d’Espagne, République française, République italienne et Royaume des Pays-Bas) ou d’un importateur exclusif.

15      Deux sociétés du groupe JCB (JC Bamford Excavators et JCB Sales) ont notifié à la Commission au mois de juin 1973, selon le formulaire A/B établi en application du règlement nº 27, plusieurs accords standard de distribution, à conclure avec les distributeurs ou les revendeurs principaux liés au groupe. Ces accords concernaient des États membres du marché commun, à l’exception de la République française. Des sociétés du groupe JCB ont également notifié des accords applicables dans d’autres États qui, depuis lors, sont devenus des États membres de l’Union européenne, à savoir la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Finlande et le Royaume de Suède ou, de l’Espace économique européen (EEE), à savoir la République d’Islande et le Royaume de Norvège.

16      Les accords en question ont été enregistrés par les services de la Commission le 30 juin 1973.

17      Par lettre du 27 octobre 1975, la direction générale (DG) «Concurrence» de la Commission a indiqué à JCB Sales que les accords notifiés comportaient plusieurs restrictions contrevenant aux dispositions de l’article 81 CE et a demandé qu’ils soient amendés. La Commission a centré son attention sur les accords intéressant le marché commun, indiquant, pour les autres accords, qu’ils ne paraissaient pas susceptibles d’affecter le commerce entre les États membres.

18      Lors d’une réunion, le 18 décembre 1975, entre les membres de la DG «Concurrence» et JCB Service, cette dernière avait apporté des versions remaniées des accords concernant le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et d’autres États membres du marché commun à l’époque des faits, à l’exception de la République française.

19      Par lettre du 13 janvier 1976, la Commission a accusé réception de ces nouvelles versions et a indiqué à JCB Sales que certaines incompatibilités précédemment signalées étaient résolues, tandis que d’autres demeuraient. En outre, elle a demandé des précisions sur plusieurs clauses de ces accords.

20      JCB Sales a répondu à cette demande par lettre du 11 mars 1976 et a fourni des informations détaillées quant aux prétendues incompatibilités résiduelles identifiées par la Commission dans sa lettre du 13 janvier 1976.

21      En outre, lors d’une réunion qui s’est tenue le 18 mars 1976, JCB Service a communiqué certains éléments d’information complémentaires à la Commission sans toutefois fournir une nouvelle version des accords en question.

22      À la même date, JCB Service a également communiqué une copie d’un accord qu’elle avait conclu avec sa filiale française JCB SA et qui était similaire des accords déjà notifiés.

23      Le dossier de notifications du groupe JCB n’a pas connu d’évolution jusqu’au 6 mars 1980, date à laquelle JCB Sales a adressé à la Commission l’accord standard conclu avec les distributeurs établis au Royaume-Uni qui succédait aux accords notifiés en 1973 et en 1975, venus à expiration, et qui ne comportait, selon cette société, que des modifications mineures.

24      Par lettre du 29 décembre 1995, JCB Sales a envoyé à la Commission un autre accord standard conclu avec les distributeurs du Royaume-Uni, destiné à remplacer l’accord notifié en 1980.

25      Les deux accords susmentionnés n’ont pas été notifiés à la Commission au moyen du formulaire A/B et celle-ci n’a pas réagi à l’envoi de ces accords.

26      Un jugement du tribunal de commerce de Paris (France), du 11 décembre 1995, a partiellement débouté la filiale de JCB Service en France, JCB SA, de l’action en concurrence déloyale que cette dernière, se déclarant importateur exclusif des produits du groupe JCB en France, avait engagée, le 28 novembre 1990, contre la société Central Parts SA (ci-après «Central Parts»), laquelle se procurait au Royaume-Uni des pièces détachées de ce groupe en vue de les revendre en France. JCB SA avait accusé Central Parts d’utiliser sans autorisation l’enseigne «JCB» et la mention «distributeur agréé». Ce jugement a, par la suite, été infirmé par un arrêt de la cour d’appel de Paris (France) du 8 avril 1998, au motif que Central Parts avait commis des actes de concurrence déloyale envers JCB SA.

27      Le 15 février 1996, Central Parts a déposé plainte auprès de la Commission au sujet des pratiques commerciales de la société JCB Grande-Bretagne concernant la distribution de ses produits.

28      Pour vérifier et compléter les renseignements en sa possession, la Commission a procédé, en vertu de l’article 14, paragraphe 3, du règlement n° 17, à une vérification dans les locaux de JCB Service, de sa filiale française, JCB SA, et de deux de ses concessionnaires au Royaume-Uni, à savoir Gunn JCB Ltd, établi à Altrincham, et Watling JCB Ltd, établi à Leicester.

29      Le 24 mars 1998, la Commission a adressé à JCB Bamford Excavators une première communication des griefs, qui ne tenait pas compte de la notification des accords effectuée en 1973, ce que l’intéressée a relevé, le 6 juillet 1998, dans ses observations écrites en réponse à la communication des griefs, puis lors de son audition par les services de la Commission, le 16 octobre 1998.

30      Une seconde communication des griefs, prenant en compte cette notification des accords en 1973, a été adressée à JCB Service, le 30 juillet 1999, à laquelle JCB Bamford Excavators a répondu par des déclarations écrites, le 13 décembre 1999, suivies de déclarations orales lors d’une audition tenue en janvier 2000.

 La décision litigieuse et la procédure devant le Tribunal

31      Le 21 décembre 2000, la Commission a adopté la décision litigieuse. Après avoir rappelé le cadre factuel pertinent en l’espèce, la Commission s’est prononcée, en premier lieu, sur la violation par JCB Service et ses filiales de l’article 81, paragraphe 1, CE (cent trente-septième à cent quatre-vingt-seizième considérant de la décision litigieuse).

32      À cet égard, la Commission a examiné si les accords litigieux ont eu pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence. Après avoir apprécié l’objet et l’effet restrictifs des accords et des pratiques en cause dans leur ensemble, la Commission a considéré qu’il existait en l’espèce un cloisonnement des marchés nationaux et une protection territoriale absolue. Eu égard à la position de JCB Service et de ses filiales sur les marchés en cause et à la nature même des restrictions qui impliquent le cloisonnement des marchés entre plusieurs États membres par une protection territoriale absolue et la fixation des prix, la Commission a précisé que la restriction du jeu de la concurrence et les effets probables sur le commerce entre États membres sont sensibles.

33      En particulier, en ce qui concerne la question de savoir si les accords litigieux ont pour objet ou pour effet de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence, la Commission a estimé, au cent quarantième considérant de la décision litigieuse, que JCB Service et ses concessionnaires ont appliqué divers accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou effet individuel de restreindre la concurrence dans différents États membres, au sens de l’article 81 CE. Il s’agit d’éléments d’un plus vaste accord restrictif de la concurrence, au sens de cet article, qui régit la distribution des machines et des pièces du groupe JCB dans la Communauté européenne.

34      Ces éléments qui, selon la Commission, n’ont pas besoin d’être définis plus précisément comme des accords ou des pratiques concertées dans la mesure où ils tombent sous le coup de l’article 81, paragraphe 1, CE sont les suivants:

–        interdiction ou restriction pour les concessionnaires du groupe JCB de vendre en dehors des territoires qui leur ont été concédés, et notamment dans d’autres États membres, en couvrant les ventes actives et passives, à des utilisateurs finals et à des revendeurs, agréés et non agréés;

–        imposition d’une commission de service après-vente sur les ventes réalisées par les concessionnaires en dehors de leurs territoires respectifs, et notamment dans d’autres États membres;

–        application, au Royaume-Uni en tout cas, du système de rémunération appelé «soutien commercial des opérations multiples» qui fait dépendre les réductions accordées aux concessionnaires de la destination des ventes et les limite aux ventes aux utilisateurs finals;

–        détermination des prix de revente ou de détail ou des remises sur les produits achetés au groupe JCB en vue de leur revente par des concessionnaires de ce groupe, et

–        obligation pour les concessionnaires d’acheter exclusivement, auprès du groupe JCB, toutes leurs machines et pièces destinées à la revente, avec interdiction, notamment, d’acheter auprès de concessionnaires d’autres États membres.

35      Quant à l’objet et à l’effet restrictifs des différents éléments des accords dans leur ensemble, la Commission a estimé, au cent quatre-vingtième considérant de la décision litigieuse, que le contexte des différences de prix et de bénéfices entre les États membres pour les machines et les pièces du groupe JCB explique l’intérêt de celui-ci et de certains de ses concessionnaires à cloisonner les marchés nationaux et à fixer les prix de revente ou les remises à l’intérieur du marché commun afin d’empêcher les acheteurs de tirer parti de grandes différences de prix dans la Communauté.

36      Au cent quatre-vingt-unième considérant de cette décision, la Commission a précisé que l’ensemble des restrictions établies par l’accord entre le groupe JCB et ses concessionnaires poursuit invariablement l’objet du cloisonnement des marchés nationaux à l’intérieur du marché commun afin d’assurer une protection territoriale absolue.

37      Au cent quatre-vingt-deuxième considérant de la décision litigieuse, la Commission a estimé que, par leur nature même, les modalités concernant les remises à appliquer ainsi que l’objectif d’optimiser les marges brutes, décidé par le groupe JCB et ses concessionnaires britanniques, faussent et harmonisent les prix du marché sur tous les territoires. Selon elle, il en est de même du soutien financier particulier offert en France par le groupe JCB aux concessionnaires qui étaient en concurrence avec des revendeurs parallèles.

38      Par ailleurs, la Commission a relevé, au cent quatre-vingt-cinquième considérant de la décision litigieuse, que la disponibilité d’un territoire comme condition préalable, et donc comme restriction, pour devenir concessionnaire du groupe JCB, n’a pas de rapport direct avec la qualité du service à apporter. Le distributeur implanté dans une région où un concessionnaire du groupe JCB opère à l’entière satisfaction de celui-ci n’a aucune chance de devenir concessionnaire de ce groupe, quels que puissent être son potentiel ou ses réels mérites. Par suite de cette limitation, le nombre des concessionnaires et la concurrence qui en découle sont quantitativement limités par la condition qu’un territoire doit leur être attribué. Cette limitation prévue par le système de distribution sélective du groupe JCB, qui n’est ni d’une nature qualitative ni fixée uniformément pour tous les revendeurs potentiels, peut tomber sous le coup de l’article 81, paragraphe 1, CE.

39      De surcroît, selon le cent quatre-vingt-septième considérant de la décision litigieuse, les concessionnaires britanniques qui sont empêchés de vendre des machines neuves à des revendeurs non agréés sont également priés de payer une commission de service après-vente sur les ventes effectuées en dehors de leur territoire. Cette commission est destinée à maintenir le niveau de qualité du service après-vente du groupe JCB, tout en dédommageant le concessionnaire local pour le coût de la prestation de services pour une machine qu’il n’a pas vendue.

40      Dans ces conditions, aux termes du cent quatre-vingt-huitième considérant de la décision litigieuse, l’interdiction de vendre des machines directement ou indirectement à des revendeurs non agréés établis dans d’autres États membres va au-delà du but consistant à assurer un niveau élevé de qualité du service après-vente et a pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence.

41      Selon le cent quatre-vingt-neuvième considérant de la décision litigieuse, les effets de cloisonnement du marché produits par la conjonction de l’exclusivité territoriale qui restreint la vente transfrontalière et de clauses sélectives sont accrus par trois autres restrictions, à savoir, premièrement, l’interdiction ou la restriction des approvisionnements croisés au sein du réseau officiel, deuxièmement, la commission de service après-vente perçue sur les ventes effectuées en dehors du territoire attribué et, troisièmement, au Royaume-Uni, le système de soutien commercial des opérations multiples.

42      Dans ce contexte, la Commission a, en premier lieu, conclu, au cent quatre-vingt-onzième considérant, de la décision litigieuse que les objets et les effets restrictifs des différents éléments de l’accord se complètent pour empêcher ou restreindre les importations ou les exportations à l’intérieur et à l’extérieur du réseau de distribution du groupe JCB afin d’assurer une protection territoriale absolue. La conjonction de la distribution sélective (interdiction de vendre à des revendeurs non agréés) prévue dans les accords de concession du groupe JCB avec, tout d’abord, les trois catégories de restrictions susmentionnées, ensuite, les autres restrictions qui harmonisent artificiellement les prix et les remises sur différents territoires et, enfin, la protection territoriale qui restreint les ventes passives, a manifestement pour objet le cloisonnement anticoncurrentiel des marchés nationaux de la Communauté et, par conséquent, tombe sous le coup de l’article 81, paragraphe 1, CE.

43      En deuxième lieu, la Commission a examiné si les conditions exigées à l’article 81, paragraphe 3, CE étaient remplies et a conclu que tel n’était pas le cas en l’espèce (cent quatre-vingt-dix-septième à deux cent vingt-deuxième considérant de la décision litigieuse).

44      En troisième lieu, après avoir considéré qu’elle ne possède aucune preuve qu’il a été mis un terme à l’infraction aux dispositions de l’article 81 CE et après avoir constaté que le groupe JCB nie l’existence de cette infraction, la Commission a, conformément à l’article 3, paragraphe 1, du règlement n° 17, estimé, au deux cent vingt-quatrième considérant de la décision litigieuse, qu’il y a lieu de demander au groupe JCB de mettre un terme à ladite infraction.

45      En dernier lieu, la Commission s’est prononcée sur l’amende à infliger. À cet égard, et avant de se prononcer sur cette amende, la Commission a constaté, au deux cent vingt-huitième considérant de la décision litigieuse, que seuls les accords notifiés le 30 juin 1973 au moyen du formulaire A/B avaient été dûment notifiés. Dès lors, selon elle, les autres accords communiqués à la Commission sans faire usage de ce formulaire ne peuvent pas être pris en considération dans le cadre de l’application de l’article 15, paragraphe 5, du règlement n° 17.

46      En ce qui concerne le montant de l’amende à infliger, la Commission a rappelé, au deux cent quarante-septième considérant de la décision litigieuse, que doivent être prises en considération la gravité et la durée de l’infraction, tout en tenant compte, le cas échéant, de circonstances aggravantes et atténuantes.

47      À cet égard, et en ce qui concerne, tout d’abord, la gravité de l’infraction, la Commission a estimé, au deux cent cinquante et unième considérant de la décision litigieuse, que les infractions commises étaient «très graves» et, à ce titre, elle a fixé l’amende à 25 millions d’euros.

48      En ce qui concerne ensuite la durée de l’infraction, la Commission a indiqué, au deux cent cinquante-deuxième considérant de cette décision, que les preuves démontrent que les différents éléments des infractions ont été en vigueur de 1988 à 1998.

49      Dans ces conditions, la Commission a précisé, au deux cent cinquante-troisième considérant de la décision litigieuse, que la période de onze ans au cours de laquelle au moins un élément de ces accords et pratiques a été appliqué doit être considérée comme une période de longue durée. Puis, elle a conclu, au deux cent cinquante-quatrième considérant de cette décision, que le montant de base de l’amende résultant de la gravité et de la durée de l’infraction devait être fixé à 38 750 000 euros.

50      Enfin, en prenant en compte une circonstance aggravante, à savoir la sanction pécuniaire appliquée à un distributeur à titre de représailles pour des ventes réalisées hors territoire, la Commission a majoré de 864 000 euros l’amende infligée en précisant, au deux cent cinquante-septième considérant, qu’il n’existe pas de circonstances atténuantes susceptibles d’être prises en compte. Ainsi, le montant total de l’amende infligée par la Commission, en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n° 17, s’élevait à 39 614 000 euros.

51      Cela étant rappelé, la décision litigieuse comprend notamment les dispositions suivantes:

«Article premier

JCB Service et ses filiales ont enfreint les dispositions de l’article 81 du traité CE, en concluant avec des concessionnaires des accords ou des pratiques concertées dont l’objet est de restreindre la concurrence à l’intérieur du marché commun afin de cloisonner les marchés nationaux et d’assurer une protection absolue sur des territoires exclusifs en dehors desquels les concessionnaires sont empêchés de réaliser des ventes actives, et qui comportent les éléments suivants:

a)       restrictions des ventes passives des concessionnaires établis au Royaume-Uni, en Irlande, en France et en Italie, qui comprennent les ventes aux revendeurs non agréés, aux utilisateurs finals ou aux concessionnaires en dehors des territoires exclusifs, et notamment dans d’autres États membres;

b)       restrictions des sources d’approvisionnement concernant les achats de produits contractuels par des concessionnaires établis en France et en Italie, qui empêchent les approvisionnements réciproques entre concessionnaires;

c)       fixation des remises ou des prix de revente applicables par les concessionnaires établis au Royaume-Uni et en France;

d)       imposition de commissions de service après-vente sur les ventes à d’autres États membres effectuées par des concessionnaires établis en dehors des territoires exclusifs du Royaume-Uni, sur l’initiative de JC Bamford Excavators Ltd ou d’autres filiales de JCB Service et conformément aux barèmes fixés par ces sociétés, rendant ainsi la rémunération des concessionnaires tributaire de la destination géographique des ventes;

e)       suppression de réductions selon que les ventes au Royaume-Uni sont effectuées sur ou en dehors des territoires exclusifs ou que les concessionnaires sur le territoire desquels les produits contractuels sont utilisés parviennent à un accord avec les concessionnaires vendeurs, rendant ainsi la rémunération des concessionnaires tributaire de la destination géographique des ventes.

Article 2

La demande d’exemption présentée par JC Bamford Excavators Ltd le 30 juin 1973 est rejetée.

Article 3

Dès la notification de la présente décision, JCB Service et ses filiales mettent fin aux infractions constatées à l’article 1er. JCB Service ou ses filiales, et notamment JC Bamford Excavators Ltd, doivent, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision:

a)       informer leurs concessionnaires établis dans la Communauté qu’ils peuvent effectuer des ventes passives à des utilisateurs finals et à des concessionnaires;

b)       modifier les [accords] conclus avec leurs concessionnaires en autorisant les ventes passives à des revendeurs non agréés à l’intérieur des territoires exclusifs d’autres concessionnaires et les ventes actives et passives à des revendeurs non agréés à l’intérieur de leur propre territoire, ou en autorisant les ventes actives et passives par ces concessionnaires à d’autres concessionnaires, à des utilisateurs finals ou à leurs agents dûment mandatés en dehors de leur territoire exclusif;

c)       modifier les [accords] conclus avec leurs concessionnaires en Italie et en France en autorisant les achats de produits contractuels auprès d’autres concessionnaires établis dans la Communauté et informer en conséquence tous les concessionnaires établis dans la Communauté;

d)       informer leurs concessionnaires établis dans la Communauté que les demandes émanant de filiales cherchant à obtenir des commissions de service après-vente des concessionnaires sans avoir la preuve d’un désaccord entre les concessionnaires concernés sont réputées non avenues et doivent être ignorées;

e)       informer leurs concessionnaires établis au Royaume-Uni que les remises prévues au titre du soutien commercial des opérations multiples sont accordées indépendamment du fait que les ventes aient été effectuées sur le territoire des concessionnaires ou en dehors ou qu’un accord ait été passé avec d’autres concessionnaires en dehors de ce territoire;

f)       faire parvenir à la Commission des copies de la correspondance et des [accords] modifiés susmentionnés.

Article 4

Une amende de 39 614 000 euros est infligée à JCB Service en raison des infractions constatées à l’article 1er, exception faite des restrictions imposées à la vente à des revendeurs non agréés au Royaume-Uni, pour lesquelles aucune amende n’est infligée.»

52      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 mars 2001 (affaire T‑67/01), JCB Service a introduit, sur le fondement de l’article 230 CE, à titre principal, une demande d’annulation de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, une demande d’annulation partielle de la même décision et de réduction concomitante de l’amende qui lui a été infligée.

53      Par le point 1 du dispositif de l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé les articles 1er, sous c) à e), et 3, sous d) et e), de la décision litigieuse. En outre, aux termes du point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, le montant de l’amende infligée à JCB Service à l’article 4 de cette décision a été ramené à 30 millions d’euros. Enfin, selon le point 4 dudit dispositif, le recours de JCB Service est rejeté pour le surplus.

 Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

54      Dans son pourvoi, JCB Service conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        annuler en totalité l’arrêt attaqué dans la mesure où il ne respecte pas la législation communautaire en portant atteinte aux droits de JCB Service de se défendre;

–        annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où, d’une part, il condamne une restriction prétendument générale des ventes passives par les concessionnaires établis au Royaume-Uni, en Irlande, en France et en Italie, ainsi qu’une prétendue restriction aux sources d’approvisionnement des distributeurs implantés en France et en Italie, qui faisaient obstacle aux approvisionnements croisés entre distributeurs, et, d’autre part, il inflige une amende à JCB Service en raison de ces prétendues infractions;

–        statuer définitivement dans l’affaire T-67/01 conformément à l’article 61 du statut de la Cour de justice et, à ce titre, annuler, en tout ou en partie, la décision litigieuse et, dans l’exercice de sa plénitude de compétence, annuler ou réduire l’amende de 30 millions d’euros infligée à JCB Service par le Tribunal dans l’arrêt attaqué;

–        conformément à l’article 69 du règlement de procédure, condamner la Commission aux dépens tant devant le Tribunal que devant la Cour;

–        subsidiairement, dans le cas où la Cour ne statuerait pas dans la présente affaire, réserver les dépens et renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour réexamen, conformément à l’arrêt de la Cour.

55      Dans son mémoire en réponse présenté le 23 juin 2004, en application de l’article 115, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans lequel elle a également formé un pourvoi incident contre l’arrêt attaqué, la Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

–        rejeter le pourvoi dans son ensemble;

–        annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où celui-ci a réduit l’amende du montant infligé pour tenir compte de la circonstance aggravante (864 000 euros) et, à cet égard, majorer l’amende fixée par l’arrêt attaqué du montant correspondant;

–        condamner JCB Service aux dépens de l’instance.

56      Par lettre du 26 juillet 2004, JCB Service a, conformément à l’article 117, paragraphe 1, du règlement de procédure, demandé l’autorisation de déposer un mémoire en réplique.

57      Par décision du 5 août 2004, le président de la Cour a autorisé le dépôt d’un mémoire en réplique dans lequel JCB Service a maintenu les conclusions relatives au pourvoi principal et a demandé à la Cour de rejeter le pourvoi incident.

 Sur le pourvoi principal

58      À l’appui de ses conclusions tendant à l’annulation de l’arrêt attaqué, JCB Service avance trois moyens. Le premier est tiré d’une violation des droits de la défense, le deuxième d’une violation de l’article 81 CE et le troisième d’une violation de l’article 15 du règlement nº 17.

 Sur le premier moyen

59      Ce premier moyen se divise en deux branches. JCB Service invoque, d’une part, la durée excessive de la procédure qui s’est déroulée devant la Commission portant atteinte aux droits de la défense et, d’autre part, la méconnaissance par le Tribunal de son droit au bénéfice de la présomption d’innocence. Chacune de ces deux branches énonce elle-même des griefs distincts.

 Sur la première branche

60      Il convient de relever que le Tribunal a, tout d’abord, rappelé, au point 36 de l’arrêt attaqué, la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle l’observation d’un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général du droit communautaire dont la juridiction communautaire assure le respect (voir, arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec. p. I‑8375, points 167 à 171).

61      Ensuite, et avant de prendre position sur les arguments avancés par JCB Service, le Tribunal a établi, au point 37 de l’arrêt attaqué, une distinction entre les deux procédures administratives en cause, à savoir, d’une part, l’examen des accords notifiés en 1973, auquel l’article 2 de la décision litigieuse rejetant la demande d’exemption a mis un terme, et, d’autre part, l’instruction de la plainte introduite en 1996, dont les conclusions sont tirées par les autres articles du dispositif de la décision litigieuse, relatifs à l’infraction.

62      En ce qui concerne la procédure qui a suivi la notification de 1973, le Tribunal a constaté, au point 38 de l’arrêt attaqué, que la Commission a classé en 1992 les accords notifiés sans prendre de décision et que seule la réponse de JCB Bamford Excavators à la première communication des griefs a conduit la défenderesse à réexaminer ces accords dans le cadre de l’instruction de la plainte.

63      Au même point de l’arrêt attaqué, le Tribunal a observé que «la durée de 27 ans de cette procédure méconnaît l’obligation faite à l’administration de prendre une position et de clore une procédure ouverte dans un délai raisonnable», tout en précisant, cependant, que, «pour regrettable que soit cette méconnaissance, elle n’a pu avoir d’incidence ni sur la légalité du rejet de la demande d’exemption ni sur la régularité de la procédure de constatation de l’infraction».

64      Dans ces conditions, le Tribunal a indiqué, au point 40 de l’arrêt attaqué, que la violation du principe du délai raisonnable, à la supposer établie, ne justifierait l’annulation d’une décision prise à l’issue d’une procédure administrative en matière de concurrence qu’en tant qu’elle emporterait également une violation des droits de la défense de l’entreprise concernée. En effet, lorsqu’il n’est pas établi que l’écoulement excessif du temps a affecté la capacité des entreprises concernées de se défendre effectivement, le non-respect du principe du délai raisonnable est sans incidence sur la validité de la procédure administrative.

65      Au point 42 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a également considéré que JCB Service n’a pas fait valoir que la longueur du délai aurait eu pour conséquence une irrégularité procédurale particulière et qu’elle s’est bornée à faire valoir que le comportement de la Commission était révélateur d’une mauvaise gestion du dossier. Aucune conséquence, selon le Tribunal, ne pourrait donc être tirée, aux fins de l’examen des conclusions en annulation, du délai écoulé depuis les notifications effectuées en 1973.

66      En ce qui concerne l’instruction de la plainte dont la Commission a été saisie le 15 février 1996, le Tribunal a constaté, au point 43 de l’arrêt attaqué, que la durée totale de la procédure, de 4 ans, 10 mois et 6 jours, n’apparaît pas excessive compte tenu de la complexité de l’affaire, qui concerne plusieurs États membres et porte sur cinq chefs d’infraction, et de la nécessité d’établir une seconde communication des griefs.

67      En outre, le Tribunal a relevé, au point 45 de l’arrêt attaqué, que JCB Service n’a pas soutenu que l’inobservation alléguée d’un délai raisonnable par la Commission dans l’instruction de la plainte aurait entraîné, en l’espèce, une méconnaissance des droits de la défense. Le Tribunal a ajouté: «comme cela a été confirmé à l’audience, JCB Service se borne à soutenir que la longueur de la procédure révèle la partialité et la mauvaise gestion du dossier par la Commission et démontre de ce fait l’illégalité de la décision attaquée. Dans ces conditions, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le caractère prétendument excessif du délai d’instruction de la plainte, force est de constater que le moyen tel qu’il est formulé est non susceptible d’aboutir à l’annulation totale ou partielle du dispositif de la décision attaquée.»

68      Enfin, le Tribunal a conclu, au point 46 de l’arrêt attaqué, que le moyen invoqué par JCB Service n’est pas susceptible d’affecter la légalité de la décision litigieuse, tant en ce qui concerne la demande d’exemption qu’en ce qui concerne l’infraction, et qu’il doit être écarté comme inopérant.

69      En premier lieu, JCB Service reproche au Tribunal d’avoir rejeté le premier moyen avancé au soutien du recours formé contre la décision litigieuse et tiré du manquement de la Commission à son obligation d’agir dans un délai raisonnable, sans s’être prononcé sur la violation des droits de la défense qu’elle avait cependant expressément invoquée. Elle fait, par ailleurs, valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte d’une atteinte objective aux droits de la défense qui résulterait, selon elle, du seul constat de la durée manifestement excessive de la procédure dans son ensemble.

70      À cet égard, il y a lieu de rappeler, ainsi qu’il ressort des points 32 et 33 de l’arrêt attaqué, que JCB Service a soutenu devant le Tribunal que la Commission a manqué à son obligation d’agir dans un délai raisonnable qui résulte tant d’un principe général du droit communautaire que de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la «CEDH»). Selon JCB Service, les accords relatifs à son système de distribution avaient été notifiés depuis le 30 juin 1973 et la Commission a clos cette procédure 27 ans plus tard en rejetant la demande d’exemption. En outre, selon cette même société, la procédure d’infraction engagée à la suite de la plainte de Central Parts a duré près de cinq ans, délai également déraisonnable.

71      Il convient de constater que, contrairement à la thèse soutenue par JCB Service, celle-ci a, de façon assez générale, invoqué devant le Tribunal une violation de ses droits de la défense en relation avec la durée prétendument excessive des deux procédures administratives (notification et infraction) sans toutefois préciser in concreto en quoi sa capacité à défendre sa position, étape par étape, avait été affectée dans l’une ou l’autre procédure.

72      En particulier, en ce qui concerne la procédure de notification, JCB Service s’est limitée à dénoncer le délai excessivement long de cette procédure. Le Tribunal a, à juste titre, considéré, au point 39 de l’arrêt attaqué, que le seul fait d’avoir été adoptée au-delà d’un délai raisonnable ne saurait rendre illégale une décision prise par la Commission à la suite de la notification d’un accord.

73      Par ailleurs, ce seul retard n’a pas été préjudiciable aux intérêts de JCB Service. En effet, après la notification des accords en 1973 et pendant toute la période écoulée jusqu’à l’adoption de la décision litigieuse, JCB Service bénéficiait des dispositions de l’article 15, paragraphe 5, du règlement n° 17.

74      Quant à la partie de la décision litigieuse qui a constaté l’infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE et a infligé une amende à JCB Service, il convient de rappeler que le Tribunal a mis en exergue le fait que JCB Service s’est bornée à défendre la thèse selon laquelle la longueur de la procédure aurait révélé la partialité et la mauvaise gestion du dossier par la Commission et, partant, aurait suffi à démontrer l’illégalité de la décision litigieuse.

75      Force est donc de constater que le Tribunal a pu étayer son raisonnement sans méconnaître le droit communautaire et sans dénaturer les arguments de JCB Service.

76      JCB Service soutient, cependant, avoir été privée de son droit de faire sanctionner la passivité de la Commission dans le contexte d’un recours en carence en vertu de l’article 232 CE et, en tout état de cause, de défendre sa position contre tout point de vue erroné de la Commission dans le cadre du dialogue procédural ouvert entre un notifiant et la Commission ainsi que dans celui de la procédure d’infraction.

77      À supposer que JCB Service puisse invoquer les arguments susmentionnés devant la Cour, il y a lieu de préciser que l’exercice de ses droits de la défense ne saurait être affecté par le long délai qui s’est écoulé entre la notification des accords en 1973 et l’adoption de la décision litigieuse. En effet, durant cette période, JCB Service pouvait, d’une part, introduire un recours en carence contre la Commission afin que cette dernière statue sur la demande d’exemption litigieuse et, d’autre part, notifier à la Commission au moyen du formulaire A/B les accords ou les pratiques dans lesquels elle était engagée. Or, tel n’a pas été le cas en l’espèce.

78      Il s’ensuit que JCB Service ne saurait, en tout état de cause, alléguer la violation de ses droits de la défense dans le cadre de la procédure de notification.

79      Quant à la procédure d’infraction, il y a lieu de relever que JCB Service n’a avancé aucun argument concret pour démontrer la violation de ses droits de la défense dans le contexte du traitement de la plainte de Central Parts par les services de la Commission. En outre, JCB Service n’a pas contesté devant la Cour les motifs du rejet par le Tribunal de son grief tiré d’une méconnaissance par la Commission de son droit d’accéder à des pièces versées au dossier utiles à sa défense.

80      Dès lors, il convient d’écarter cet argument et de déclarer le premier grief présenté par JCB Service comme non fondé.

81      En second lieu, JCB Service fait grief au Tribunal d’avoir commis une erreur d’appréciation en ne sanctionnant pas la distinction qu’opère la Commission dans la décision litigieuse entre la procédure de notification et la procédure d’infraction. Une telle distinction serait sans aucun fondement et viserait à nier l’impact négatif que la durée excessive du processus décisionnel a eu sur la totalité de l’affaire en cause.

82      Il convient de constater que, même si, formellement, la décision litigieuse n’opère pas de distinction entre la procédure de notification et la procédure d’infraction, il résulte clairement de cette décision que l’appréciation de la Commission porte séparément sur la demande d’exemption et sur la procédure d’infraction.

83      Tout d’abord, en ce qui concerne la partie de la décision litigieuse relative au rejet de la demande d’exemption de 1973, il ressort clairement des cent quatre-vingt-dix-septième à deux cent vingt-deuxième considérants de cette décision que, avant de rejeter la demande d’exemption, la Commission a examiné si cette demande pouvait être accordée au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE ou sous les régimes des règlements pris en application de cet article, à savoir les règlements (CEE) n° 1983/83 de la Commission, du 22 juin 1983, concernant l’application de l’article [81] paragraphe 3 du traité à des catégories d’accords de distribution exclusive (JO L 173, p. 1), (CE) n° 1475/95 de la Commission, du 28 juin 1995, concernant l’application de l’article [81] paragraphe 3 du traité à des catégories d’accords de distribution et de service de vente et d’après-vente de véhicules automobiles (JO L 145, p. 25, ci-après le «règlement n° 1475/95»), et (CE) n° 2790/1999 de la Commission, du 22 décembre 1999, concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, du traité à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées (JO L 336, p. 21).

84      Il en va de même, ensuite, pour ce qui concerne la partie de la décision litigieuse constatant l’infraction. En effet, ainsi qu’il ressort des cent quarantième à cent soixante-dixième considérants de la décision litigieuse, l’appréciation de la Commission est fondée sans ambiguïté sur des accords de JCB Service ou des clauses de ceux-ci n’ayant pas fait l’objet d’une notification régulière, à savoir une notification au moyen du formulaire A/B prévu par le règlement n° 27. En outre, il résulte de la décision litigieuse que la Commission a pris en considération des comportements de JCB Service, qui n’étaient pas liés aux accords notifiés en 1973.

85      Sur ce point, JCB Service a, néanmoins, soutenu devant le Tribunal et dans le cadre de la présente procédure que les modifications ultérieures des accords notifiés en 1973, bien que communiquées à la Commission sans le formulaire A/B, devaient, eu égard aux circonstances de l’espèce, être prises en considération et bénéficier des dispositions de l’article 15, paragraphe 5, du règlement n° 17.

86      Une telle allégation doit, en tout état de cause, être écartée. En effet, il convient de rappeler que l’utilisation du formulaire A/B susmentionné est obligatoire et constitue une condition préalable indispensable à la validité de la notification (voir, arrêt du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, points 61 et 62).

87      C’est donc à bon droit que le Tribunal a constaté, au point 41 de l’arrêt attaqué, que, en ce qui concerne la décision concluant à l’existence d’une infraction, celle-ci prend soin de ne pas se fonder sur des éléments qui ont fait l’objet d’une notification et veille à établir que les pratiques reprochées à JCB Service s’écartent des stipulations des accords notifiés. C’est également à juste titre qu’il a conclu que l’ancienneté de la notification des accords ne saurait affecter la régularité de la procédure d’infraction fondée sur d’autres éléments que ceux qui ont été notifiés.

88      Enfin, s’agissant de l’amende infligée par la Commission à JCB Service, il résulte sans aucune ambiguïté de cette décision et, notamment, de ses deux cent vingt-septième et deux cent vingt-huitième considérants, que les accords de 1973, qui ont été notifiés conformément aux exigences formelles du règlement n° 27, ont été exclus de l’appréciation de la Commission pour l’évaluation du montant de l’amende à infliger.

89      Il résulte de ce qui précède qu’il convient d’écarter le second grief soulevé par JCB Service et, partant, de déclarer la première branche du présent moyen comme non fondée.

 Sur la seconde branche

90      Il convient de préciser que le Tribunal a rappelé, au point 50 de l’arrêt attaqué, que le principe de la présomption d’innocence fait partie de l’ordre juridique communautaire et s’applique aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence visant des entreprises et susceptibles d’aboutir au prononcé d’amendes ou d’astreintes (arrêts du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I-4287, points 149 et 150, ainsi que Montecatini/Commission, C‑235/92 P, Rec. p. I‑4539, points 175 et 176).

91      À la lumière de cette jurisprudence, le Tribunal a considéré, au point 53 de l’arrêt attaqué, que le seul fait que la Commission a adopté deux communications des griefs successives ne peut suffire à établir que le principe de présomption d’innocence a été violé.

92      Dans le même point, le Tribunal a ajouté qu’une présomption générale de culpabilité de l’entreprise en cause ne pourrait être éventuellement imputée à la Commission que si les constatations de fait opérées par elle dans la décision litigieuse n’étaient pas étayées par les éléments de preuve qu’elle a produits.

93      Or, compte tenu de l’existence d’une note datée du 16 mai 1995 du directeur du service des ventes, envoyée aux dirigeants des sociétés du groupe JCB, qui indique que l’interdiction des importations parallèles serait contraire aux décisions de la Commission et à la jurisprudence de la Cour, le Tribunal a constaté, au point 54 de l’arrêt attaqué, que JCB Service ne peut prétendre avoir ignoré les exigences du droit communautaire de la concurrence, ce dont témoigne, au demeurant, la notification de ses accords dès l’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté.

94      Dans le même contexte, à propos d’une lettre du 13 avril 1995 de Berkeley JCB à JCB Sales, le Tribunal a estimé, au point 55 de l’arrêt attaqué, que cette correspondance fait état de sollicitations dont ce distributeur pourrait faire l’objet à la fois de la part d’utilisateurs finals et d’agents, en ajoutant que, à supposer que la Commission ait fait une interprétation erronée de ce membre de phrase, en indiquant dans la décision attaquée qu’étaient désignés des utilisateurs finals étrangers et leurs agents dûment mandatés, cette éventuelle inexactitude ne démontrerait pas en elle-même une attitude partiale, mais révélerait tout au plus une mauvaise compréhension du document.

95      En outre, le Tribunal a estimé, au point 56 de l’arrêt attaqué, à propos d’un arrêt de la cour d’appel de Paris du 8 avril 1998 et d’un arrêt du tribunal de commerce de Nîmes (France) du 22 juin 1999, que le fait que l’auteur de la plainte dans une procédure d’application du règlement n° 17 ait pu, éventuellement, avoir un comportement répréhensible pour lequel il a été condamné par une décision de justice est sans incidence sur la réalité des infractions retenues à l’encontre de JCB Service, qui en sont, de surcroît, distinctes.

96      Enfin, à propos de l’enregistrement d’un entretien qui a eu lieu le 6 novembre 1996 dans les locaux du distributeur agréé Watling JCB entre des agents de la DG «Concurrence» et des responsables de ce distributeur, le Tribunal a considéré, au point 58 de l’arrêt attaqué, que, dans la description fournie par l’entretien des rapports entre le groupe JCB et l’un de ses distributeurs agréés, aucun élément ne peut être clairement isolé comme étant constitutif d’une preuve, négative ou positive, du caractère infractionnel des pratiques du réseau de distribution. Selon le Tribunal, il ne paraît pas possible d’affirmer que c’est afin de supprimer une preuve à décharge que la Commission a écarté le document de son examen des éléments de l’infraction.

97      Selon JCB Service, l’arrêt attaqué porterait atteinte au principe de la présomption d’innocence, qui suppose que tout doute raisonnable quant aux éléments de preuve doit profiter à la personne incriminée. À cet égard, le Tribunal aurait commis des erreurs d’appréciation manifestes en raison du manquement à son obligation de tenir compte de certains éléments de preuve que JCB Service avait présentés et de les examiner, dans le contexte d’autres éléments de preuve, de manière à se fonder sur un faisceau d’indices solides, précis et cohérents. En outre, le Tribunal aurait été amené à rejeter ou à méconnaître indûment des éléments de preuve qui confirmeraient, selon JCB Service, la violation par la Commission du principe de la présomption d’innocence.

98      En particulier, JCB Service soutient, en premier lieu, que le traitement du dossier dans la présente affaire par l’établissement des deux communications des griefs est révélateur de la partialité de la Commission et, partant, la violation du principe de la présomption d’innocence est fondée. Dans ces conditions, JCB Service fait valoir, en substance, que c’est à tort que le Tribunal a constaté, au point 53 de l’arrêt attaqué, que le seul fait que la Commission a adopté deux communications des griefs successives ne peut suffire à établir que le principe en cause en l’espèce n’a pas été respecté.

99      À cet égard, il y a lieu de relever que l’établissement d’une communication des griefs par la Commission ne peut en aucun cas être considéré comme une preuve de présomption de la culpabilité de l’entreprise concernée. Dans le cas contraire, l’ouverture de toute procédure en la matière serait potentiellement susceptible de porter atteinte au principe de la présomption d’innocence.

100    En outre, il convient de rappeler que la première communication des griefs ne tenait pas compte de la notification effectuée en 1973, ce que JCB Service a relevé, le 6 juillet 1998, dans ses observations écrites en réponse à cette communication, puis lors de son audition par les services de la Commission, le 16 octobre 1998. C’est donc dans ce contexte, et afin de corriger les omissions de la première communication, que la Commission a adopté, à la suite des observations de JCB Service, la seconde communication des griefs.

101    Il s’ensuit que, contrairement aux allégations de JCB Service en l’espèce, l’établissement des deux communications de griefs successives dans le contexte mentionné au point précédent ne saurait en aucun cas constituer un élément établissant la violation du principe de la présomption d’innocence.

102    Dès lors, il convient d’écarter le premier grief soulevé par JCB Service comme non fondé.

103    En deuxième lieu, JCB Service fait grief au Tribunal de ne pas sanctionner les appréciations de la Commission fondées sur des documents internes provenant de JCB Service, tels que la lettre du 13 avril 1995 de Berkeley JCB à JCB Sales, la note du 16 mai 1995 et le compte rendu de l’échange de vues avec Watling JCB, qui a eu lieu le 6 novembre 1996. Selon JCB Service, la Commission a examiné ces documents avec partialité, en négligeant les éléments à décharge et présumant sa culpabilité.

104    Dans ce contexte, JCB Service soutient, également, que c’est à tort que le Tribunal, à l’instar de la Commission, a écarté ou méconnu certaines décisions des juridictions ou des autorités nationales qui étaient révélatrices de la validité des accords que JCB Service avait conclus ainsi que de leur mise en œuvre, à savoir les décisions de la cour d’appel de Paris du 8 avril 1998, du tribunal de commerce de Nîmes du 22 juin 1999, du conseil français de la concurrence du 20 juillet 2001 et de l’autorité irlandaise de la concurrence du 22 septembre 1994.

105    Il convient de constater d’emblée que, même si elle invoque formellement des erreurs d’appréciation ou de motivation, JCB Service, cherche, en substance, à remettre en cause l’appréciation des faits effectuée par le Tribunal et, notamment, à contester la valeur probante de certains faits et documents ayant amené ce dernier à conclure que la Commission ne s’est pas montrée partiale envers elle.

106    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il résulte des articles 225 CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice que le Tribunal est seul compétent, d’une part, pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et, d’autre part, pour apprécier ces faits. Lorsque le Tribunal a constaté ou apprécié les faits, la Cour est compétente pour exercer, en vertu de l’article 225 CE, un contrôle sur la qualification juridique de ces faits et les conséquences de droit qui en ont été tirées par le Tribunal (voir, arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 23, et du 6 avril 2006, General Motors/Commission, C‑551/03 P, non encore publié au Recueil, point 51).

107    En outre, il résulte de la jurisprudence que la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit ainsi que les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (voir, arrêts Baustahlgewebe/Commission, précité, point 24; du 14 juillet 2005, Rica Foods/Commission, C‑40/03 P, Rec. p. I‑6811, point 60; General Motors/Commission, précité, point 52, et du 18 mai 2006, Archer Daniels Midland et Archer Daniels Midland Ingredients/Commission, C‑397/03 P, non encore publié au Recueil, point 85).

108    Il y a également lieu de rappeler qu’une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (arrêt General Motors/Commission, précité, point 54).

109    Force est de constater que l’appréciation du Tribunal, figurant aux points 54 à 59 de l’arrêt attaqué, constitue une appréciation des faits qui ne peut être mise en cause dans le cadre d’un pourvoi, JCB Service n’ayant pas démontré que le Tribunal avait dénaturé le contenu des pièces du dossier qui lui ont été soumises. En effet, le Tribunal s’est limité à examiner si le traitement par la Commission de ces preuves pouvait être qualifié de partial, pour conclure que tel n’a pas été le cas en l’espèce.

110    Dès lors, ces premiers arguments avancés par JCB Service dans le cadre du deuxième grief doivent être rejetés comme irrecevables.

111    JCB Service invoque, également dans le cadre de ce grief, une décision du conseil français de la concurrence du 20 juillet 2001 et une décision de l’autorité irlandaise de la concurrence du 22 septembre 1994, qui lui seraient favorables.

112    En ce qui concerne la première des décisions mentionnées au point précédent, à supposer qu’elle puisse être invoquée en l’espèce, force est de constater qu’elle est postérieure à la décision litigieuse. Partant, elle ne saurait, à elle seule, remettre en cause la légalité de l’arrêt attaqué ni la décision litigieuse.

113    Quant à la décision de ladite autorité irlandaise de la concurrence, il y a lieu de relever qu’elle n’a pas été invoquée devant le Tribunal dans le contexte d’une violation du principe de la présomption d’innocence.

114    Dans ces conditions, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour un moyen et des arguments qu’elle n’a pas soulevés devant le Tribunal reviendrait à l’autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et arguments débattus devant les premiers juges (voir, arrêt du 30 mars 2000, VBA/VGB e.a., C‑266/97 P, Rec. p. I‑2135, point 79).

115    Dès lors, les allégations de JCB Service fondées sur la décision de l’autorité irlandaise de la concurrence doivent également être écartées comme irrecevables.

116    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter le deuxième grief soulevé par JCB Service comme irrecevable.

117    En dernier lieu, JCB Service soutient que le Tribunal a indûment méconnu, dans l’arrêt attaqué, certains éléments de preuve qui faisaient apparaître une violation du principe de la présomption d’innocence, à savoir une télécopie du 2 juin 1997 et un mémoire du 26 janvier 1996 émanant du directeur du marketing de JCB Sales.

118    En ce qui concerne le mémoire du 26 janvier 1996, il y a lieu de relever que, à l’instar de la décision de l’autorité irlandaise de la concurrence, il n’a pas non plus été invoqué devant le Tribunal dans le contexte de la violation du principe de la présomption d’innocence et, partant, ainsi qu’il résulte du point 114 du présent arrêt, l’argument tiré de ce mémoire doit être écarté comme irrecevable.

119    Quant à la télécopie du 2 juin 1997, envoyée par un fonctionnaire de la DG «Concurrence», à un représentant de Central Parts, qui faisait apparaître la prétendue intention des services de la Commission de collecter des éléments à charge dirigés contre JCB Service, il convient de constater que, en tout état de cause, les allégations tirées de cette télécopie ne sont pas de nature à établir que le Tribunal aurait dénaturé les preuves qui lui ont été soumises.

120    À cet égard, il y a lieu d’observer que ladite télécopie a été envoyée à un représentant de la partie plaignante, Central Parts, le 2 juin 1997, donc plus de six mois après l’inspection menée par les services de la Commission, le 5 novembre 1996, dans les locaux des sociétés du groupe JCB et de ses concessionnaires au Royaume-Uni. Dans de telles circonstances, le fait qu’un fonctionnaire de la Commission, qui a participé, selon les dires de JCB Service, à l’instruction de la plainte de Central Parts, puisse avoir un avis sur le classement de cette plainte ou l’ouverture de la procédure d’infraction ne saurait permettre de conclure au traitement partial de l’affaire en cause par les services de la Commission et, partant, à la violation du principe de la présomption d’innocence.

121    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à juste titre que le Tribunal a conclu, au point 60 de l’arrêt attaqué, qu’il ne ressort pas de la conduite de la procédure administrative que la Commission a interprété les documents et les faits de façon tendancieuse ou biaisée ni montré un comportement partial à l’égard de la demanderesse au pourvoi.

122    Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter le dernier grief soulevé par JCB Service et la seconde branche du présent moyen ainsi que, partant, le premier moyen dans son ensemble comme partiellement irrecevable et partiellement non fondé.

 Sur le deuxième moyen

123    Ce deuxième moyen se divise en deux branches. JCB Service soutient, que le Tribunal a violé, d’une part, l’article 81, paragraphe 1, CE et, d’autre part, l’article 81, paragraphe 3, CE en refusant d’annuler la décision litigieuse pour autant que celle-ci rejette la demande d’exemption présentée par JCB Service en 1973. Chacune de ces deux branches énonce elle-même des griefs distincts.

 Sur la première branche

124    JCB Service fait grief au Tribunal d’avoir commis des erreurs de droit en ce qui concerne, d’une part, le premier élément de l’infraction énoncé à l’article 1er, sous a), de la décision litigieuse et relatif aux restrictions des ventes passives par les concessionnaires du groupe JCB situés au Royaume-Uni, en Irlande et en France auprès des distributeurs non agréés, des utilisateurs finals ou des distributeurs établis en dehors des territoires exclusifs et, notamment, dans d’autres États membres et, d’autre part, le deuxième élément de l’infraction énoncé au même article, sous b), de cette décision et relatif aux restrictions des sources d’approvisionnement imposées aux concessionnaires établis en France ainsi qu’en Italie et interdisant les approvisionnements réciproques entre eux.

–        Sur le premier élément de l’infraction relatif aux restrictions de ventes passives des concessionnaires établis au Royaume-Uni, en Irlande et en France

125    En ce qui concerne, premièrement, le Royaume-Uni, le Tribunal a relevé, au point 86 de l’arrêt attaqué, que les accords notifiés concernant les distributeurs et les revendeurs principaux de l’État membre en question contiennent, dans leur rédaction modifiée en 1975, une clause 4. Cette clause, prévoyant une interdiction de vendre à des agents non agréés, ne comportait pas d’interdiction générale de vendre à des revendeurs finals ni à des agents agréés en dehors du territoire concédé. Toutefois, elle a été interprétée par la Commission comme emportant une interdiction générale des ventes hors territoire.

126    À cet égard, et après avoir examiné au point 88 de l’arrêt attaqué divers documents, à savoir une lettre adressée le 26 octobre 1992 par Watling JCB au secrétaire du Queen’s Award Office, un courrier de Berkeley JCB à JCB Sales du 13 avril 1995, une lettre du 21 novembre 1995 de TC Harrison JCB et une lettre de Gunn JCB à JCB Sales, le Tribunal a constaté que les documents en cause établissaient, d’une façon concordante, que des distributeurs ont estimé que leur accord avec le groupe JCB les obligeait à des pratiques commerciales restrictives et ont adopté en conséquence le comportement correspondant. En outre, le Tribunal a précisé que, au-delà de l’interdiction de vendre à des agents non agréés contenue dans la clause 4 de l’accord en question, les distributeurs concernés se sont comportés comme s’ils étaient soumis à une interdiction plus générale de vendre en dehors de leur territoire, notamment à l’exportation.

127    À la lumière de ces constatations, le Tribunal a conclu, au point 89 de l’arrêt attaqué, que, au Royaume-Uni, des pratiques restrictives distinctes du contenu des accords notifiés ont été mises en œuvre et que, dès lors, le premier élément de l’infraction relatif aux restrictions des ventes passives est établi.

128    JCB Service soutient que, à la suite d’une analyse des faits manifestement erronée, le Tribunal a commis une erreur de droit en sanctionnant une obligation faite à un distributeur de ne pas vendre de produits en gros en vue de leur revente à des distributeurs non agréés, obligation qui était contenue dans la clause 4 de l’accord en question.

129    Il convient de constater d’emblée que, par son grief, JCB Service se borne à contester globalement l’appréciation des faits et des éléments de preuve opérée par le Tribunal au point 88 de l’arrêt attaqué, ainsi que la conclusion qui figure au point 89 du même arrêt, en soutenant, en substance, que le Tribunal aurait dû aboutir à la conclusion opposée compte tenu des faits de l’espèce. Toutefois, JCB Service n’invoque aucun argument sérieux permettant de conclure que le Tribunal a dénaturé le contenu des pièces du dossier qui lui ont été soumises ou commis une erreur de droit.

130    Dans ces conditions, et conformément à la jurisprudence citée aux points 106 à 108 du présent arrêt, il convient de rejeter le premier argument du premier grief comme irrecevable.

131    Deuxièmement, en ce qui concerne l’Irlande, le Tribunal a relevé, au point 90 de l’arrêt attaqué, que les accords standard notifiés ne comportaient pas de clause interdisant les ventes en gros à des agents non agréés de la nature de celles examinées s’agissant du Royaume-Uni, mais que l’accord conclu par JCB Sales en 1992 avec Earthmover Commercial Industrial (ECI) JCB, son distributeur pour l’Irlande, contenait une clause 4, relative aux ventes en gros, qui était analogue aux clauses 4 des accords concernant les distributeurs et les revendeurs principaux du Royaume-Uni. Selon le même point de l’arrêt attaqué, l’accord en question n’a pas été notifié.

132    À cet égard, et après avoir examiné divers documents sur lesquels la Commission a fondé sa décision, à savoir une télécopie de JCB Sales à JCB SA, du 31 janvier 1995, et deux autres télécopies d’ECI JCB à JCB Sales du 31 janvier et du 30 mars 1995, le Tribunal a considéré, au point 92 de l’arrêt attaqué, que, dans le contexte de stipulations contractuelles identiques en l’espèce à celles du Royaume-Uni, mais non notifiées, les éléments de fait qui lui ont été soumis, corroborés par le comportement général de limitation des ventes hors territoire dans le reste du réseau de distribution du groupe JCB, sont de nature à établir l’élément de l’infraction, à savoir des restrictions imposées aux ventes passives hors territoire.

133    JCB Service soutient que, contrairement à ce qui résulte des points 90 et 91 de l’arrêt attaqué, la clause 4 de l’accord de distribution relatif à l’Irlande n’enfreint pas l’article 81 CE. À cet égard, elle fait valoir que l’interdiction des ventes contenue dans l’accord conclu en 1992 avec les distributeurs et les revendeurs en Irlande est rédigée dans des termes identiques à ceux de la clause 4 des versions des accords concernant le Royaume-Uni. Compte tenu du fait que le Tribunal a considéré, au point 86 de l’arrêt attaqué, que cette clause concernant les accords applicables au Royaume-Uni n’enfreint pas l’article 81 CE, il est sans importance que l’accord relatif à l’Irlande, comportant la même clause, n’a pas été notifié à la Commission. En outre, JCB Service soutient que les pièces mentionnées au point 92 de l’arrêt attaqué ont été analysées de manière manifestement erronée par le Tribunal.

134    Il convient de constater, d’une part, que, contrairement à l’allégation de JCB Service, le Tribunal n’a pas considéré, au point 86 de l’arrêt attaqué, que la clause 4 des versions des accords avec les distributeurs et les revendeurs au Royaume-Uni ne soulève pas de problème au regard de l’article 81, paragraphe 1, CE. En effet, le Tribunal a relevé que, malgré le fait que l’accord applicable au Royaume-Uni ne comportait pas d’interdiction générale de vente, la clause en question a été interprétée par les distributeurs comme emportant une interdiction générale des ventes hors territoire.

135    D’autre part, et eu égard à la jurisprudence citée au point 86 du présent arrêt, il y a lieu de rappeler que, pour qu’une notification d’un accord soit valide au regard de l’article 81 CE, elle doit être effectuée au moyen du formulaire A/B. En l’espèce, il est constant que l’accord conclu en 1992 par JCB Service et applicable en Irlande n’a jamais été notifié à la Commission.

136    Il résulte de ce qui précède que le deuxième argument du premier grief avancé par JCB Service est dépourvu de tout fondement et, partant, il doit être écarté.

137    Quant à la prétendue appréciation erronée des pièces examinées par le Tribunal au point 92 de l’arrêt attaqué, il convient de constater que, par son grief, JCB Service conteste l’appréciation des faits et des éléments de preuve opérée par le Tribunal sans invoquer d’arguments permettant de conclure que le Tribunal a dénaturé le contenu des pièces du dossier qui lui ont été soumises ou commis une erreur de droit.

138    Dans ces conditions et conformément à la jurisprudence citée aux points 106 à 108 du présent arrêt, il convient également d’écarter cet argument comme irrecevable.

139    Troisièmement, en ce qui concerne la France, le Tribunal a relevé, au point 96 de l’arrêt attaqué, que l’accord standard de concession datant de 1991 comporte, à son article 2, une clause d’exclusivité réciproque qui interdit, notamment, au concessionnaire de vendre, de diffuser ou de promouvoir directement ou indirectement les produits et les pièces du groupe JCB en dehors du territoire concédé. Selon le même point de l’arrêt attaqué, cet accord non notifié interdit les ventes actives et, par sa rédaction même, comporte aussi une interdiction des ventes passives en dehors du territoire concédé.

140    Après avoir examiné les documents sur lesquels la Commission s’est appuyée dans la décision litigieuse pour démontrer l’existence des restrictions reprochées, à savoir une télécopie du 21 juin 1988 de JCB SA à un concessionnaire agréé, une lettre du 10 janvier 1995 de JCB SA à la société Philippe MPT et une lettre du 31 janvier 1996 adressée à JCB SA par Pinault Équipement, le Tribunal a constaté, au point 98 de l’arrêt attaqué, que lesdits documents confirment dans une large mesure les pratiques restrictives et de cloisonnement du marché qui sont inscrites dans l’accord standard de concession.

141    À cet égard, JCB Service soutient que le Tribunal s’est rallié à une analyse manifestement erronée de l’article 2 de l’accord concernant la France en indiquant que celui-ci «interdit les ventes actives et par sa rédaction même comporte aussi une interdiction des ventes passives en dehors du territoire concédé». En outre, selon JCB Service, le Tribunal aurait invoqué des éléments de preuve manifestement non pertinents afin de prouver la restriction alléguée.

142    Il y a lieu de constater que la décision litigieuse n’est pas fondée sur une prétendue interdiction expresse figurant dans l’accord de concession lui-même, mais sur l’application effective qui en est faite. Cette conclusion ressort des cent onzième à cent quatorzième considérants de la décision litigieuse et, en particulier, du cent quarante-sixième considérant de cette décision dans lequel la Commission a constaté que «[l’accord] entre [le groupe] JCB et ses concessionnaires, tel qu’il est effectivement appliqué, limite ou empêche ces derniers de vendre en dehors du territoire qui leur a été concédé».

143    Dans ces conditions, la validité de la décision litigieuse ne saurait en rien être affectée. Il s’ensuit que l’argument avancé en l’espèce par JCB Service est inopérant et, partant, il doit être écarté.

144    Quant aux arguments de JCB Service selon lesquels le Tribunal aurait invoqué des preuves non pertinentes pour fonder l’existence de l’infraction, à savoir une télécopie du 21 juin 1988 envoyée par JCB SA à un concessionnaire et une lettre du 31 janvier 1996 envoyée par Pinault Équipement à JCB SA, il convient de constater que JCB Service conteste une nouvelle fois les appréciations factuelles du Tribunal sur l’existence des pratiques interdites sans démontrer la moindre dénaturation des preuves.

145    Le constat est le même s’agissant des exportations parallèles sur l’ensemble du marché géographique concerné, en ce qui concerne l’argument selon lequel le Tribunal aurait, aux points 106 et 107 de l’arrêt attaqué, apprécié de manière erronée des pièces qu’il a examinées, à savoir une lettre du 2 juin 1992, que JCB Sales a adressée à Watling JCB, et deux télécopies, des 11 et 15 mai 1995, de la filiale allemande JCB Germany.

146    En effet, au point 107 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a souverainement considéré, sans procéder à aucune dénaturation, d’une part, que les pièces en question établissent que JCB Service a une politique de cloisonnement des territoires de ses distributeurs et des marchés nationaux qui la conduit à prohiber, de façon générale, toute vente hors territoire qu’il s’agisse d’exportations parallèles, en marge de son réseau de distribution, ou non, et, d’autre part, que le comportement en question vient renforcer les restrictions imposées aux ventes passives.

147    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu d’écarter l’ensemble des arguments avancés par JCB Service visant à contester le premier élément de l’infraction.

–        Sur le deuxième élément de l’infraction relatif aux restrictions des sources d’approvisionnement des concessionnaires établis en France et en Italie et aux interdictions d’approvisionnements réciproques entre concessionnaires

148    Le Tribunal a relevé, au point 112 de l’arrêt attaqué, que, en ce qui concerne la France, l’article 2 de l’accord standard de concession impose, à titre de condition essentielle de cet accord, l’approvisionnement en produits et en pièces du groupe JCB exclusivement auprès de la filiale française, JCB SA, et de JCB Service.

149    Selon le même point, en Italie, l’article 4 de l’accord de distribution interdit aux distributeurs de vendre ou d’être impliqués, directement ou indirectement, dans la vente de produits autres que ceux du groupe JCB, et l’article 6 de cet accord leur impose de se fournir en pièces de rechange et en autres produits subsidiaires utilisés pour la réparation des produits du groupe JCB exclusivement auprès de JCB SpA, sauf accord préalable écrit de JCB Service, dans les cas visés par ces deux articles.

150    Après avoir considéré que les clauses des accords susvisés ont un objet restrictif, le Tribunal a examiné, au point 115 de l’arrêt attaqué, les documents sur lesquels la Commission s’est fondée pour constater l’infraction en France, à savoir une lettre en date du 21 juin 1996, adressée par JCB SA à Sem-Cedima, un de ses concessionnaires, et une autre lettre, du 10 février 1999, d’un concessionnaire agréé en France. Selon le même point de l’arrêt attaqué, ces documents confirment la mise en œuvre des accords et l’existence en France de restrictions sur les sources d’approvisionnement des agents agréés du groupe JCB.

151    En ce qui concerne l’Italie, le Tribunal a relevé, au point 116 de l’arrêt attaqué, que la Commission ne s’est pas fondée, pour estimer que le deuxième élément d’infraction était établi, sur des preuves autres que les stipulations de l’accord et que, à cet égard, JCB Service a fait valoir que la Commission ne pouvait pas la sanctionner pour des clauses qui n’auraient pas été interprétées et appliquées rigoureusement, sans rechercher et démontrer si elles étaient effectivement mises en œuvre.

152    Cela étant précisé, le Tribunal a considéré, au point 117 de l’arrêt attaqué, que la circonstance selon laquelle des clauses restreignant la concurrence n’auraient pas été interprétées et appliquées rigoureusement est indifférente pour ce qui concerne la question de l’établissement ou non de l’infraction alléguée. Au même point, s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour, le Tribunal a ajouté que l’absence de toute analyse des effets de l’accord dans la décision litigieuse ne constitue donc pas, en elle-même, un vice entachant cette décision, étant précisé que l’objet ou l’effet anticoncurrentiel d’un accord sont pris en considération de façon alternative et non cumulative.

153    C’est dans ces conditions que le Tribunal a conclu, au point 118 de l’arrêt attaqué, que c’est à bon droit que la Commission a estimé que l’élément de l’infraction relatif aux restrictions des sources d’approvisionnement concernant les achats de produits contractuels par des concessionnaires opérant en France et en Italie était établi.

154    À cet égard, JCB Service fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en violation de la réglementation communautaire applicable, en l’occurrence des règlements nos 1983/83 et 67/67/CEE de la Commission, du 22 mars 1967, concernant l’application de l’article [81] paragraphe 3 du traité à des catégories d’accords d’exclusivité (JO 1967, 57, p. 849). En effet, l’exemption par catégorie serait susceptible d’être accordée au titre des règlements nos 67/67 et 1983/83.

155    Il y a lieu de rappeler que JCB Service a soutenu devant le Tribunal que le grief selon lequel les accords établiraient des restrictions concernant les sources d’approvisionnement des distributeurs agréés en France et en Italie, obligeant ceux-ci à se fournir uniquement auprès de la filiale nationale de JCB Service et leur interdisant de réaliser des fournitures croisées entre distributeurs agréés, procède d’une interprétation erronée des accords par la Commission, l’objectif des clauses litigieuses étant seulement d’assurer que les distributeurs ne commercialisent que des produits du groupe JCB. En outre, JCB Service a soutenu que la Commission n’a pas examiné si les clauses critiquées étaient effectivement appliquées.

156    Force est donc de constater que les arguments avancés par JCB Service à l’appui de son moyen devant la Cour sont nouveaux et donc irrecevables. En effet, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été indiqué au point 114 du présent arrêt, que, dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est limitée à l’appréciation de la solution légale donnée aux moyens et arguments débattus devant les premiers juges.

157    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient d’écarter les arguments de JCB Service visant à contester le deuxième élément de l’infraction et, partant, de rejeter la première branche du deuxième moyen comme partiellement irrecevable et partiellement non fondée.

 Sur la seconde branche

158    Le Tribunal a relevé, en premier lieu, au point 160 de l’arrêt attaqué, qu’il ressort de la décision litigieuse que la Commission a rejeté la demande d’exemption présentée en 1973 aux motifs que l’examen de cette demande nécessitait une appréhension d’ensemble du système de distribution du groupe JCB, qui aurait été impossible compte tenu du caractère partiel des notifications et parce que les accords et les pratiques du groupe JCB comportaient des restrictions à la concurrence et ne remplissaient pas les conditions cumulatives prévues par l’article 81, paragraphe 3, CE pour faire l’objet d’une exemption. Selon le Tribunal, cette demande visait le seul accord standard concernant l’Irlande, la Suède et les îles Anglo-Normandes et émanait de JCB Sales.

159    Cela étant précisé, le Tribunal a considéré, au point 161 de l’arrêt attaqué, que les parties ont, devant le Tribunal, débattu de la question générale de savoir si le système de distribution du groupe JCB pouvait faire l’objet d’une décision au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE et que cette question était traitée aux deux cent unième et deux cent vingt-deuxième considérants de la décision litigieuse.

160    Il a ajouté que, toutefois, une exemption n’aurait pu, en tout état de cause, être accordée que pour l’accord, régulièrement notifié, pour lequel elle avait été demandée et que, à cet égard, la demande de JCB Service tendait à obtenir l’annulation de l’article 2 de la décision litigieuse, qui rejette la demande formulée en 1973. Selon le Tribunal, c’est en considération du seul accord mentionné au point 160 de l’arrêt attaqué que doit être apprécié le bien-fondé de la demande d’exemption sans qu’il y ait lieu, pour le Tribunal, d’examiner si une telle exemption aurait pu être accordée pour l’ensemble des accords adressés par le groupe JCB à la Commission.

161    En deuxième lieu, après avoir constaté, au point 164 de l’arrêt attaqué, que l’accord en question ne pouvait être couvert par le régime d’exemption par catégorie prévu par le règlement (CEE) nº 123/85 de la Commission, du 12 décembre 1984, concernant l’application de l’article [81] paragraphe 3 du traité CEE à des catégories d’accords de distribution et de service de vente et d’après-vente de véhicules automobiles (JO 1985, L 15, p. 16, ci-après le «règlement n°123/85»), tel que remplacé par le règlement n° 1475/95, le Tribunal a examiné si l’accord en cause pouvait faire l’objet d’une exemption individuelle en application de l’article 81, paragraphe 3, CE.

162    À cet égard, le Tribunal a considéré, au point 165 de l’arrêt attaqué, qu’une telle possibilité était prévue dans le cas où les accords ou les pratiques en cause contribueraient à améliorer la production ou la distribution des produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique, tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, sans imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont pas indispensables pour atteindre ces objectifs ni donner à des entreprises la possibilité, pour une partie substantielle des produits en cause, d’éliminer la concurrence. En outre, il a précisé dans le même point de l’arrêt attaqué que, dans la décision litigieuse, la Commission a considéré que la combinaison de la sélectivité et de l’exclusivité propre au système de distribution du groupe JCB emportait un cumul de restrictions non indispensables sans que ces limitations fussent contrebalancées par des effets bénéfiques, notamment pour les consommateurs.

163    Or, selon le point 166 de l’arrêt attaqué, JCB Service se borne à affirmer, de manière générale, que les accords de distribution réunissaient les conditions requises pour l’octroi d’une exemption sans indiquer précisément quels avantages l’accord en cause comportait pour faire l’objet d’une telle décision. En outre, selon le même point de l’arrêt attaqué, JCB Service se contente de faire valoir que cet accord n’est pas défavorable aux consommateurs et que la Commission n’établit pas qu’il n’en résulterait pas des avantages, mais elle n’indique à aucun moment les avantages et les justifications des restrictions mises en place.

164    En dernier lieu, quant aux décisions de la Commission accordant des exceptions individuelles dans les cas de systèmes de distribution combinant l’exclusivité et la sélectivité, et qui sont invoquées par JCB Service à l’appui de son moyen, à savoir les décisions 75/73/CEE de la Commission, du 13 décembre 1974, relative à une procédure d’application de l’article [81] du traité CEE (IV/14.650 – Bayerische Motoren Werke AG) (JO 1975, L 29, p. 1, ci-après la «décision BMW»), et 85/559/CEE de la Commission, du 27 novembre 1985, relative à une procédure d’application de l’article [81] du traité CEE (IV/30.846 – Ivoclar) (JO L 369, p. 1, ci-après la «décision Ivoclar»), ainsi que la communication 93/C 275/03 de la Commission conformément à l’article 19, paragraphe 3, du règlement n° 17 – Affaire n° IV/34.084 – Sony España SA (JO 1993, C 275, p. 3), le Tribunal a constaté, au point 167 de l’arrêt attaqué, que les solutions retenues dans ces affaires n’étaient pas transposables au système de distribution du groupe JCB.

165    En effet, selon le même point de l’arrêt attaqué, dans le cas de la décision BMW, les ventes actives hors territoire n’étaient pas interdites ni a fortiori les ventes passives et les approvisionnements au sein du réseau. Par ailleurs, s’agissant du système de distribution d’Ivoclar, il a ultérieurement été demandé à l’intéressée de choisir entre un modèle exclusif et un modèle sélectif. Enfin, Sony España SA présentait un seul élément restrictif commun avec le système de distribution du groupe JCB.

166    À la lumière des considérations qui précèdent, le Tribunal a conclu, au point 168 de l’arrêt attaqué, que JCB Service n’a pas démontré que son accord pourrait relever du régime d’exemption par catégorie prévu par le règlement nº 123/85, remplacé par le règlement n° 1475/95, pas plus qu’elle n’a établi qu’il pouvait faire l’objet d’une décision d’exemption individuelle au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE.

167    JCB Service soutient, premièrement, que le Tribunal a commis une erreur d’appréciation manifeste du champ de l’exemption individuelle demandée, en limitant, ainsi qu’il ressort du point 161 de l’arrêt attaqué, l’examen de la demande d’exemption à un seul des accords notifiés.

168    Il y a lieu de relever que, après avoir précisé aux cent quatre-vingt-dix-septième à deux centième considérants qu’aucune exemption par catégorie ne saurait être accordée au titre des règlements nos 1983/83, 1475/95 et 2790/1999, la Commission a examiné par la suite si, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement n° 17, elle peut accorder une exemption individuelle au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE.

169    Après avoir rappelé, au deux cent deuxième considérant de la décision litigieuse, qu’aucune décision en vertu de l’article 81, paragraphe 3, CE ne pouvait être prise au sujet d’accords ou de pratiques concertées restrictifs qui n’ont pas été valablement notifiés, la Commission a examiné, aux deux cent septième à deux cent vingtième considérants de cette décision, si les conditions cumulatives de l’article susmentionné étaient remplies en ce qui concernait les accords ou les pratiques concertées effectifs.

170    Ayant constaté, au deux cent vingt et unième considérant de la décision litigieuse, que tel n’est pas le cas en l’espèce, la Commission a conclu, au considérant suivant, qu’aucune exemption ne saurait être accordée quand bien même JCB Service aurait notifié ses accords tels qu’ils ont été appliqués.

171    Il résulte de ce qui précède que la Commission a examiné, au sujet de l’application de l’article 81, paragraphe 3, CE, l’ensemble des accords ou des pratiques concertées effectifs. Le Tribunal n’a pas mis en cause l’appréciation de la Commission à ce sujet. Dans ces conditions, l’argument tiré de la mention, aux points 160 et 161 de l’arrêt attaqué, du seul accord concernant l’Irlande, la Suède et les îles Anglo-Normandes, doit être rejeté.

172    Il résulte de ce qui précède que le premier grief soulevé par JCB Service doit être écarté.

173    JCB Service relève, deuxièmement, une contradiction dans l’arrêt attaqué concernant le rejet de sa demande d’exemption.

174    En effet, d’un côté, le Tribunal aurait considéré, respectivement aux points 133, 145 et 154 de l’arrêt attaqué, que les trois infractions suivantes n’étaient pas établies:

–        la fixation des remises ou des prix de revente applicables par les concessionnaires établis au Royaume-Uni et en France;

–        l’imposition de commissions de service après-vente sur les ventes effectuées par des distributeurs établis au Royaume-Uni vers d’autres États membres, selon les barèmes fixés par JCB Service, et

–        la suppression du soutien commercial aux opérations multiples aux agents du Royaume-Uni en cas de ventes extérieures, rendant la rémunération des concessionnaires tributaire de la destination géographique des ventes.

175    D’un autre côté, le Tribunal aurait en outre avalisé le rejet de la demande d’exemption, en se fondant, dans l’arrêt attaqué, sur les deux cent et unième à deux cent vingt-deuxième considérants de la décision litigieuse, considérants qui, selon JCB Service, concerneraient ces trois éléments de l’infraction.

176    Il convient de constater que le Tribunal a examiné, sans le remettre en cause, le bien-fondé de l’analyse de la Commission sur le rejet de la demande d’exemption individuelle de JCB Service aux points 160 à 169 de l’arrêt attaqué.

177    À cet égard, il y a lieu de relever tout d’abord que, au deux cent neuvième considérant de la décision litigieuse, la Commission s’est référée au fait que la conjonction de l’exclusivité territoriale et de l’interdiction de vendre à des distributeurs non agréés susceptibles de concurrencer les concessionnaires, ainsi que de l’achat exclusif de pièces pour les concessionnaires, empêche ou restreint le développement du marché de l’entretien, de la réparation et de la fourniture de pièces détachées dans des conditions optimales de sécurité, lequel est distinct du marché de la vente de machines neuves. Au même considérant, elle a ajouté que, eu égard à la puissance commerciale locale dont jouit le concessionnaire pour des approvisionnements dans des délais très courts, cette conjonction l’emporte sur les avantages escomptés pour l’utilisateur, compte tenu, notamment, de la part importante du marché des chargeuses-pelleteuses que détient JCB Service.

178    Aux deux cent quatorzième et deux cent quinzième considérants de la décision litigieuse, la Commission a ensuite estimé que, dans un système de distribution exclusive, les ventes passives doivent être autorisées afin d’éviter que, les désavantages dans la concurrence ne l’emportent sur les avantages et que, à l’intérieur du marché commun, la conjonction de l’exclusivité territoriale, de la restriction des ventes actives et passives ainsi que de la distribution sélective au sein du réseau du groupe JCB ne peut être considérée comme indispensable à l’amélioration de la distribution d’engins de chantier et de terrassement, parmi lesquels le groupe JCB détient une part du marché communautaire de 45 % pour les chargeuses-pelleteuses. En particulier, la Commission a précisé que, contrairement aux véhicules automobiles, ces machines sont, pour la plupart, utilisées dans des zones géographiques limitées et ne circulent pas sur de longues distances et en des lieux variables.

179    Enfin, au deux cent dix-huitième considérant, la Commission a estimé que, pour améliorer la distribution en faisant profiter les utilisateurs des avantages de normes de sécurité rigoureuses, il n’est pas indispensable de limiter aux distributeurs agréés ou aux utilisateurs finals la fourniture de machines et de pièces du groupe JCB ni de concéder des territoires exclusifs en dehors desquels les ventes actives et, a fortiori, les ventes passives ne sont pas possibles.

180    Il résulte de ce qui précède que, lors de l’examen des conditions cumulatives de l’article 81, paragraphe 3, CE, la Commission s’est, en tout état de cause, référée aux éléments constitutifs des deux premiers éléments de l’infraction prévue à l’article 1er de la décision litigieuse. Dans ces conditions, aucune contradiction ne saurait être invoquée pour remettre en cause le rejet de la demande d’exemption.

181    Dès lors, le deuxième grief soulevé par JCB Service doit également être écarté.

182    JCB Service prétend, troisièmement, que le Tribunal a commis une erreur d’appréciation lorsqu’il a affirmé, au point 166 de l’arrêt attaqué, qu’elle n’avait pas indiqué les avantages précis offerts par ses accords de distribution. À ce titre, elle fait valoir que les avantages en question ont déjà été analysés aux deux cent septième et deux cent huitième considérants de la décision litigieuse et que le Tribunal a manifestement méconnu cet élément.

183    Il convient de relever d’emblée que la constatation du Tribunal, au point 166 de l’arrêt attaqué, selon laquelle JCB Service n’indique pas quels avantages précis comportait l’accord en cause pour faire l’objet d’une décision d’exemption, est erronée.

184    En effet, ainsi qu’il ressort du deux cent septième considérant de la décision litigieuse, la Commission reconnaît que quelques-uns des avantages communs à certaines catégories d’accords de distribution, comme la distribution exclusive, l’achat et la distribution exclusifs de véhicules automobiles, peuvent être trouvés dans les modalités de distribution du groupe JCB qui, en fait, associent des dispositions qui existent dans ces trois catégories.

185    En outre, au deux cent huitième considérant de la décision litigieuse, la Commission a notamment indiqué qu’il est juste que les utilisateurs obtiennent une part équitable des avantages objectifs qui ont été exposés et que le choix des distributeurs en fonction de leur capacité à assurer aux acheteurs de produits du groupe JCB une très grande qualité de service est une préoccupation légitime.

186    Toutefois, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, si les motifs d’un arrêt du Tribunal révèlent une violation du droit communautaire, mais que son dispositif apparaît fondé pour d’autres motifs de droit, le pourvoi doit être rejeté (arrêt du 2 décembre 2004, José Martí Peix/Commission, C‑226/03°P, Rec. p. I‑11421, point 29).

187    À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, pour qu’une demande d’exemption individuelle soit accordée au titre de l’article 81, paragraphe 3, CE, les conditions énoncées par l’article en question doivent être cumulativement remplies (voir ordonnance du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission, C‑137/95°P, Rec. p. I‑1611, point 34).

188    Or, indépendamment du bien-fondé de l’allégation de JCB Service en l’espèce, celle-ci ne démontre pas, par ses autres arguments, que la constatation figurant au deux cent vingt et unième considérant de la décision litigieuse, selon laquelle les conditions cumulatives d’application de l’article 81, paragraphe 3, CE ne sont pas remplies en l’espèce, est erronée et que, partant, en avalisant la position de la Commission à ce sujet, le Tribunal a commis une erreur de droit.

189    Il s’ensuit qu’il y a également lieu d’écarter le troisième grief invoqué par la demanderesse au pourvoi.

190    JCB Service fait valoir, quatrièmement, que le Tribunal a interprété de manière erronée, au point 167 de l’arrêt attaqué, les règles relatives aux exemptions. En effet, il n’existerait pas de restriction aux ventes passives, si bien que les principes dégagés dans les affaires ayant donné lieu aux décisions BMW et Ivoclar auraient dû être appliqués par analogie en l’espèce et, par conséquent, ils auraient dû suffire à ce que l’exemption demandée soit accordée.

191    Il convient de constater que, par son grief, JCB Service se limite à contester l’appréciation des faits opérée par le Tribunal en soutenant que ce dernier aurait dû aboutir, au vu des décisions BMW et Ivoclar précitées, à la conclusion opposée de celle figurant au point 167 de l’arrêt attaqué. Cependant, à cet égard, JCB Service n’invoque aucun argument permettant de conclure que le Tribunal a procédé à une quelconque dénaturation des faits ou commis en l’espèce une erreur de droit.

192    Dans ces conditions et conformément à la jurisprudence citée aux points 106 à 108 du présent arrêt, il convient d’écarter comme irrecevable le quatrième grief soulevé par JCB Service.

193    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter également la seconde branche du deuxième moyen ainsi que celui-ci dans son ensemble comme partiellement irrecevable et partiellement non fondé.

 Sur le troisième moyen

194    Ce troisième moyen se divise en deux branches. Chacune de ces deux branches énonce elle-même des griefs distincts. JCB Service soutient que le Tribunal a méconnu l’article 15 du règlement nº 17 et, à cet égard, elle invoque, d’une part, la violation de certains principes fondamentaux et, d’autre part, celle des règles concernant la détermination du montant de l’amende infligée.

 Sur la première branche

195    En premier lieu, le Tribunal a indiqué, au point 176 de l’arrêt attaqué, que la Commission ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l’article 15, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 17, infliger une amende à JCB Service du fait des accords notifiés en 1973 et en 1975. Selon lui, la légalité de la décision litigieuse à cet égard devait être examinée uniquement par rapport aux éléments de l’infraction concernés par la notification et que le Tribunal considère comme étant établis. Il s’agit, d’une part, du premier élément de l’infraction relatif aux restrictions imposées aux ventes passives visées à l’article 1er, sous a), de la décision litigieuse qui sont liées aux accords notifiés pour le Royaume-Uni résultant de la clause 4 desdits accords et, d’autre part, du deuxième élément de l’infraction des restrictions des sources d’approvisionnement, visé à l’article 1er, sous b), de la décision litigieuse, qui, selon le Tribunal, n’est pas concerné par la notification.

196    Dans ces conditions, le Tribunal a considéré, au point 177 de l’arrêt attaqué, que la clause 4 a été appliquée d’une façon différente de ses termes mêmes, sa portée ayant été étendue de façon à comprendre une interdiction générale pour les distributeurs de vendre en dehors de leur territoire, notamment à l’exportation. Il a également précisé que, dans la mesure où les pratiques ayant donné lieu à l’imposition d’une amende ne restent pas dans la limite des stipulations des accords notifiés, les dispositions de l’article 15, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 17 ne sont pas méconnues.

197    À cet égard, JCB Service soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit dans la mesure où, en examinant la question de l’amende, il n’a pas dûment tenu compte de la violation, d’une part, du principe de bonne administration compte tenu de l’obligation de la Commission d’adopter une décision dans un délai raisonnable et, d’autre part, de la confiance légitime de JCB Service. En effet, la lettre du 13 janvier 1976 de la Commission ainsi que les décisions des autorités et des juridictions nationales auraient incité JCB Service à croire qu’il existait une possibilité sérieuse que les accords litigieux bénéficient de l’exemption demandée et, partant, qu’elle échapperait à une éventuelle amende.

198    En ce qui concerne, d’une part, la violation du principe de bonne administration compte tenu de l’obligation de la Commission d’adopter une décision dans un délai raisonnable, il y a lieu de constater que, par ce grief, JCB Service reproche en substance au Tribunal de n’avoir pas sanctionné le fait que la Commission a imposé une amende en l’espèce, sans tenir compte du fait que la décision litigieuse a été adoptée au-delà d’un délai raisonnable.

199    Or, ainsi qu’il a été indiqué aux points 77 à 79 du présent arrêt, JCB Service ne saurait, en tout état de cause, prétendre, en l’espèce, à l’annulation de la décision litigieuse du fait de l’adoption de celle-ci au-delà d’un délai raisonnable, les droits de la défense n’ayant pas été violés. Dès lors, ce premier grief doit être écarté.

200    En ce qui concerne, d’autre part, la violation du principe de confiance légitime, il y a lieu de préciser que, par son grief, JCB Service prétend en substance au bénéfice des dispositions de l’article 15, paragraphe 5, sous a), du règlement n° 17. Or, une telle allégation doit être écartée comme manifestement non fondée s’agissant d’accords non régulièrement notifiés.

201    En second lieu, et en répondant à l’argument de JCB Service selon lequel l’amende infligée serait disproportionnée, notamment en comparaison avec les amendes infligées selon la même procédure à des entreprises comme Volkswagen AG et Opel Nederland BV [décisions 98/273/CE de la Commission, du 28 janvier 1998, relative à une procédure d’application de l’article [81] du traité CE (IV/35.733 – VW) (JO L 124, p. 60), et 2001/146/CE de la Commission, du 20 septembre 2000, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (Affaire COMP/36.653 – Opel) (JO 2001, L 59, p. 1)], le Tribunal a précisé, au point 187 de l’arrêt attaqué, que, indépendamment des comparaisons auxquelles la Commission a pu estimer utile de se livrer pour la détermination du montant de l’amende infligée à JCB Service, ces éléments ne peuvent avoir qu’un caractère indicatif dès lors que les données circonstancielles des affaires, telles que les marchés, les produits, les pays, les entreprises et les périodes concernés ne sont pas identiques.

202    Il en a, par conséquent, conclu, au point 189 du même arrêt, que la circonstance que le montant des amendes infligées à Volkswagen AG, Opel Nederland BV et JCB Service correspond à des pourcentages différents de leurs chiffres d’affaires respectifs n’est pas, en l’espèce, révélatrice d’un traitement discriminatoire à l’égard de la demanderesse au pourvoi.

203    À cet égard, JCB Service soutient, néanmoins, que le Tribunal a enfreint le principe d’égalité de traitement en ne répondant pas à son argument selon lequel l’amende était disproportionnée en comparaison avec les amendes infligées dans des circonstances comparables aux décisions Volkswagen AG et Opel Nederland BV.

204    Il convient de constater d’emblée que, contrairement à ce que soutient JCB Service en l’espèce, le Tribunal a clairement répondu à ses allégations aux points 187 et 189 de l’arrêt attaqué.

205    En outre, il y a lieu de considérer que, par ses arguments, JCB Service ne vise pas à remettre en cause la jurisprudence constante de la Cour selon laquelle la pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence et que des décisions concernant d’autres affaires ont un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence de discriminations.

206    Il résulte de ce qui précède qu’il convient d’écarter les griefs soulevés en second lieu par JCB Service et, partant, la première branche du présent moyen.

 Sur la seconde branche

207    Il convient de rappeler, à titre liminaire, que, selon la jurisprudence de la Cour, si les lignes directrices ne sauraient être qualifiées de règle de droit à l’observation de laquelle l’administration serait, en tout cas, tenue, elles énoncent toutefois une règle de conduite indicative de la pratique à suivre dont l’administration ne peut s’écarter, dans un cas particulier, sans donner des raisons qui soient compatibles avec le principe d’égalité de traitement (arrêt du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 209).

208    En adoptant de telles règles de conduite et en annonçant par leur publication qu’elle les appliquera dorénavant aux cas concernés par celles-ci, la Commission s’autolimite dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et ne saurait se départir de ces règles sous peine de se voir sanctionnée, le cas échéant, au titre d’une violation de principes généraux du droit, tels que l’égalité de traitement ou la protection de la confiance légitime (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 211).

209    En outre, il convient de rappeler que, selon la même jurisprudence, les lignes directrices déterminent, de manière générale et abstraite, la méthodologie que la Commission s’est imposée aux fins de la fixation du montant des amendes infligées en vertu de l’article 15 du règlement n° 17. Ces lignes directrices, pour la rédaction desquelles la Commission a, notamment, recouru à des critères dégagés par la jurisprudence de la Cour, assurent, par conséquent, la sécurité juridique des entreprises (voir, en ce sens, arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 213).

210    C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’examiner les arguments avancés par JCB Service visant à démontrer que c’est à tort que le Tribunal n’a pas sanctionné la prétendue violation des lignes directrices par la Commission.

211    En ce qui concerne, tout d’abord, la gravité de l’infraction, il convient de préciser que dans toutes les versions linguistiques, à l’exception de la version anglaise qui emploie le terme «graves» pour les infractions en question, selon le point 182 de l’arrêt attaqué, lesdites infractions peuvent être tenues pour «très graves» en raison des atteintes qu’elles portent au bon fonctionnement du marché intérieur, en particulier par le cloisonnement des marchés nationaux qu’elles ont pour objet et pour effet de réaliser, et, partant, elles justifient en elles-mêmes une amende élevée. Selon le point suivant du même arrêt, JCB Service est une entreprise relativement importante dans la Communauté et dans le secteur concerné et, partant, la Commission n’a pas commis d’erreur dans son appréciation de l’impact de l’infraction sur les marchés nationaux concernés pour déterminer le montant de l’amende.

212    En ce qui concerne, ensuite, la durée de l’infraction, il ressort du point 184 de l’arrêt attaqué qu’elle a couvert une période de dix années. À cet égard, le Tribunal a précisé, au point 185 de l’arrêt attaqué, que «[l]es deux éléments de l’infraction ont été simultanément présents au cours de la moitié de cette période. Et JCB Service a souligné que ce n’est que sur une période de cinq années que tous les éléments de l’infraction – réduits au nombre de deux – se sont trouvés réunis. Toutefois, les restrictions imposées aux exportations, constitutives du premier élément de l’infraction, qui sont au cœur du système de distribution [du groupe] JCB, revêtent une importance prépondérante d’où découlent logiquement les restrictions des sources d’approvisionnement, constitutives du second élément de l’infraction. [...] [É]tant donné le caractère majeur du premier élément de l’infraction, qui a trait à un aspect central du système de distribution [du groupe] JCB, il n’y a pas lieu de considérer que la durée de l’infraction aurait dû être ramenée à moins de dix années».

213    En ce qui concerne, enfin, le fait que la Commission a refusé de prendre en compte des circonstances atténuantes particulières, selon le point 190 de l’arrêt attaqué, JCB Service ne saurait valablement soutenir que l’absence de prise de position formelle de la Commission sur ses accords valait «approbation implicite», une telle approche étant étrangère au droit communautaire de la concurrence.

214    En outre, aux termes du même point de l’arrêt attaqué, JCB Service ne saurait davantage arguer d’une décision de l’autorité irlandaise de la concurrence ni de l’arrêt de la cour d’appel de Paris, précités. De même, selon le Tribunal, le rejet de la demande d’exemption de JCB Service ayant été considéré comme bien fondé, aucune circonstance atténuante tirée d’une prétendue compatibilité du système de distribution du groupe JCB avec les règles communautaires en matière de concurrence ne peut être reconnue en l’espèce.

215    En premier lieu, JCB Service soutient, en substance, que le Tribunal a considéré à tort, au point 182 de l’arrêt attaqué, que les deux formes de pratiques anticoncurrentielles établies en l’espèce justifient, en elles-mêmes, une amende élevée au titre d’infractions «très graves». En effet, indépendamment de leur qualification formelle dans la décision litigieuse, les pratiques en question ne peuvent pas être qualifiées d’infractions «très graves» en raison de leur nature et de leur incidence effective sur le marché.

216    Contrairement à ce que soutient en l’espèce JCB Service, les infractions constatées relèvent manifestement des infractions qualifiées de «très graves» au sens du point 1, A, des lignes directrices et, partant, sont susceptibles d’être frappées d’une amende envisageable pour ce type d’infraction.

217    À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes du deux cent quarante-huitième considérant de la décision litigieuse, les accords de concession qui, comme ceux de JCB Service, ont pour objet de cloisonner les marchés nationaux à l’intérieur du marché commun au moyen d’une série de restrictions de concurrence, mettent en péril le bon fonctionnement du marché unique, contrecarrent l’un des buts principaux de la Communauté et sont considérés depuis des décennies, dans la pratique des décisions et dans la jurisprudence, comme des violations de l’article 81 CE.

218    Aux deux cent quarante-neuvième et deux cent cinquantième considérants de la décision litigieuse, la Commission a estimé que l’application de ces restrictions est constatée avec certitude pour les concessionnaires d’au moins plusieurs États membres, lesquels constituent une partie substantielle du marché commun, que JCB Service est une grande entreprise dotée d’un pouvoir considérable sur certains des marchés de produits et des marchés géographiques touchés, qu’elle a la capacité effective, par son comportement, de causer des préjudices importants à d’autres opérateurs en aval et qu’elle possède les infrastructures qui auraient dû lui permettre de savoir que sa conduite viole l’article 81 CE.

219    C’est dans ces conditions que la Commission a conclu, au deux cent cinquante et unième considérant de la décision litigieuse, que les infractions commises par JCB Service sont «très graves» et doivent être frappées d’une amende d’un montant de 25 millions d’euros, en raison de cette gravité.

220    Il résulte de ce qui précède que c’est à juste titre que le Tribunal n’a pas sanctionné la Commission pour avoir appliqué pour les infractions en cause une amende correspondant à des infractions qualifiées de «très graves».

221    Quant au fait que, au point 182 de la version anglaise de l’arrêt attaqué, le Tribunal se réfère à des infractions «graves» au lieu de «très graves», il convient de préciser qu’il s’agit d’une simple erreur de plume. En effet, outre le fait que les termes «très graves» figurent dans toutes les autres versions linguistiques de l’arrêt attaqué, il y a lieu de relever que l’emploi du terme «grave» est sans importance en l’espèce dans la mesure où il ressort sans aucune ambiguïté du point 182 de l’arrêt attaqué qu’il s’agit d’infractions «très graves» au sens du point 1, A, des lignes directrices, justifiant une amende élevée.

222    En deuxième lieu, JCB Service soutient que, en fixant à dix années la durée de l’infraction, le Tribunal a procédé, à l’instar de la Commission, à une évaluation incorrecte de cette durée. En effet, il serait nécessaire d’évaluer la durée de la pratique illicite en cause compte tenu de la faute de la Commission, qui a amené JCB Service à croire légitimement que son réseau de distribution ne constituait pas une violation des règles de la concurrence. Dans un tel contexte, compte tenu de ce que la durée d’une pratique illicite est un facteur justifiant une hausse du montant de l’amende, la durée des pratiques contestées ne devrait pas être considérée comme un facteur à utiliser en vue de l’augmentation du montant de ce qui reste une amende injustifiée.

223    Cet argument est dépourvu de toute pertinence. Il convient de relever que l’appréciation de la Commission relative à la durée de l’infraction constatée concerne des accords et des pratiques non notifiés. Dans ces conditions, JCB Service ne saurait, en tout état de cause, puiser ses allégations dans des accords non notifiés selon les formes exigées par la jurisprudence pour contester le bien-fondé de l’appréciation de la Commission concernant la durée de l’infraction au regard des lignes directrices.

224    Sur ce point, JCB Service soutient qu’il n’existe cependant aucun élément de preuve de nature à étayer une constatation suivant laquelle les prétendues infractions ont été commises sur une période de dix années. En effet, eu égard aux documents examinés concernant les deux éléments de l’infraction considérés comme établis dans l’arrêt attaqué et qui remontent à 1992, le Tribunal ne saurait considérer que la période d’infraction avait débuté en 1988 ni énoncer au point 184 de l’arrêt attaqué que «la Commission a relevé des faits liés aux deux éléments de l’infraction qui sont établis» et que «[d]es éléments de preuve, qui ont été précédemment examinés, figurent au dossier concernant la période globale considérée», sans réellement examiner les éléments de preuve.

225    Il convient de constater que, par son grief, JCB Service se limite à reprocher en substance au Tribunal de ne pas reprendre ni citer tous les éléments de preuve permettant d’établir la durée de l’infraction. Toutefois, elle ne démontre pas que le Tribunal a commis une erreur de droit au point 184 de l’arrêt attaqué en avalisant les constatations de la Commission concernant la durée de l’infraction. En effet, JCB Service n’a avancé aucun argument pour démontrer que l’appréciation de la Commission à ce sujet s’écarte du point 1, B, des lignes directrices. Dès lors, cet argument doit être écarté.

226    En dernier lieu, JCB Service soutient que le Tribunal n’a pas sanctionné le fait que la Commission n’a pas reconnu en l’espèce l’existence de circonstances atténuantes au sens du point 3 des lignes directrices. Tout d’abord, le recours aux pratiques prétendument illicites n’aurait pas été un choix délibéré de JCB Service, mais le résultat de la négligence et de la mauvaise administration de la Commission. Ensuite, JCB Service n’aurait pas recouru en Italie à la pratique illicite qui lui est reprochée. Enfin, la note du 16 mai 1995, citée au point 93 du présent arrêt, constituerait une circonstance atténuante particulière et non une circonstance aggravante.

227    S’agissant du premier grief susvisé, il convient de relever que JCB Service tire son raisonnement du fait que le retard de la Commission concernant sa demande d’exemption a eu des effets sur la procédure d’infraction ouverte par la Commission pour des accords et des pratiques non notifiés. Par conséquent, selon elle, cet élément devrait être considéré comme une circonstance atténuante particulière pour déterminer le montant final de l’amende.

228    Force est de constater que JCB Service tente de nouveau d’établir un lien procédural entre les accords notifiés et les accords non notifiés afin de contester le bien-fondé de la décision de la Commission concernant le montant de l’amende infligée. Or, un tel lien fait manifestement défaut et, partant, il ne peut, en aucun cas, justifier l’existence d’une circonstance atténuante au sens du point 3 des lignes directrices.

229    S’agissant du deuxième grief susvisé, il convient de rappeler que le Tribunal a considéré au point 103 de l’arrêt attaqué, auquel renvoie également le point 117 du même arrêt, que, «en tout état de cause, quelle que soit la mise en œuvre pratique des accords, l’article 81, paragraphe 1, CE interdit l’existence même, dans des contrats de distribution, de clauses ayant comme objet ou effet de restreindre les ventes. Celles-ci constituent une limitation de la concurrence qui peut être sanctionnée en application de l’article 81, paragraphe 1, CE si elles sont susceptibles d’affecter le commerce entre les États membres […] Le fait qu’une clause d’un accord ayant pour objet de restreindre la concurrence n’a pas été mise en œuvre entre les contractants ne suffit pas à la soustraire à l’interdiction de l’article 81, paragraphe 1, CE».

230    Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient JCB Service, le Tribunal n’a jamais considéré dans l’arrêt attaqué que celle-ci n’avait pas recouru à la pratique incriminée en Italie. En revanche, il s’est limité à mentionner les allégations de JCB Service pour en tirer une conclusion différente. Dans ces conditions, il convient également d’écarter ce deuxième grief soulevé par JCB Service.

231    Quant au troisième grief susvisé, il convient de rappeler que la note du 16 mai 1995 indique que l’interdiction des importations parallèles serait contraire aux décisions de la Commission et à la jurisprudence de la Cour. Il s’agit, par conséquent, d’un élément démontrant que JCB Service était consciente du fait que son comportement était contraire à l’article 81 CE et, partant, il ne saurait être considéré comme une circonstance atténuante particulière.

232    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit ou d’appréciation au point 190 de l’arrêt attaqué en avalisant la position de la Commission selon laquelle, pour le calcul de l’amende, il n’y pas lieu de prendre en compte des circonstances atténuantes particulières.

233    Il convient donc de rejeter la seconde branche du troisième moyen et celui-ci dans son ensemble comme non fondé et, partant, de rejeter les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêt attaqué, aucun moyen n’ayant prospéré.

234    Les autres conclusions du pourvoi ayant été présentées dans l’hypothèse où la Cour annulerait l’arrêt attaqué, il y a lieu de rejeter le pourvoi principal dans son ensemble.

 Sur le pourvoi incident

235    La Commission fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qui concerne l’interprétation de l’article 15, paragraphe 5, du règlement n° 17, en écartant, pour le calcul de l’amende, la circonstance aggravante décrite dans la décision litigieuse, à savoir les mesures de représailles prises par JCB Service à l’encontre d’un distributeur qui avait violé l’article 4 de l’accord de distribution pour le Royaume-Uni (interdiction des ventes à des revendeurs non agréés). En particulier, la Commission estime qu’il s’agissait d’une circonstance aggravante non pas sur le fondement de la clause 4 notifiée, mais parce que le caractère restrictif de cet article était renforcé par des sanctions pécuniaires.

236    À cet égard, il convient de rappeler que le Tribunal a constaté, au point 191 de l’arrêt attaqué, que la Commission a retenu des circonstances aggravantes, considérant comme telle une sanction pécuniaire infligée par JCB Service à Gunn JCB pour violation de la clause 4, qualifiée de «mesure de représailles», et qu’elle a en conséquence augmenté le montant de l’amende infligée de 864 000 euros. Il a également relevé qu’il n’est pas contesté que Gunn JCB ait eu un comportement contraire à ses engagements contractuels et qu’elle aurait perçu à tort un soutien commercial pour des opérations multiples et, enfin, que JCB Service ait sanctionné la violation d’une stipulation contractuelle. Toutefois, le Tribunal a précisé qu’une clause, qu’elle soit légale ou illégale, doit bénéficier de l’immunité d’amende résultant de l’article 15, paragraphe 5, du règlement nº 17, dès lors qu’elle figure dans un accord notifié.

237    Dans ces conditions, le Tribunal a estimé, au point 192 de l’arrêt attaqué, que la Commission ne pouvait légalement infliger une amende pour un agissement qualifié de circonstance aggravante, mais lié à l’application d’une clause d’un accord régulièrement notifié. La Commission ne pouvait donc augmenter le montant de l’amende pour tenir compte de prétendues circonstances aggravantes.

238    JCB Service soutient que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit. Tout d’abord, le dédommagement réclamé par JCB Service à l’un de ses distributeurs aurait été une sanction prise en exécution de ladite clause et non en application d’une disposition non notifiée. Ensuite, la demande de dédommagement aurait été également nécessaire pour garantir la validité de l’accord de distribution sélective et pour éviter une discrimination illégale entre les distributeurs. Enfin, la demande en question aurait été qualifiée à tort par la Commission de «mesure de représailles» constituant une circonstance aggravante car, aux termes des lignes directrices pour le calcul des amendes, constituent des «mesures de rétorsion» les mesures prises à l’encontre «d’autres entreprises en vue de faire ‘respecter’ les décisions ou pratiques infractionnelles».

239    Il convient de rappeler que la Commission a indiqué au quarantième considérant de la décision litigieuse qu’«[i]l avait été demandé à JCB de fournir, sur les deux imprimés A/B remis pour le Royaume-Uni, des informations sur la teneur de l’accord ou des pratiques concertées, et plus précisément à la rubrique II(3)(f), sur les […] ‘sanctions susceptibles d’être prises à l’encontre des entreprises participantes (pénalités, éviction, rétention de fourniture, etc.)’. Sur les deux imprimés, la réponse a été ‘Non’. Cette réponse n’a été faite ni négligemment ni machinalement. Sur le formulaire A/B accompagnant l’accord notifié pour le Danemark, le 30 juin 1973 également, une pénalité de 250 GBP ou du triple du prix des pièces détachées achetées auprès d’autres sources que JCB a été indiquée».

240    Les constatations qui précèdent n’ont été ni contestées par JCB Service dans le cadre de la présente procédure ni mises en cause devant le Tribunal. Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que, compte tenu de la réponse «non» dans la rubrique II(3)(f) du formulaire A/B concernant les sanctions susceptibles d’être prises à l’encontre des entreprises participantes à l’entente pour le Royaume-Uni, JCB Service avait notifié à la Commission son intention de ne pas prévoir de telles sanctions.

241    Dès lors, la réponse «non» dans la rubrique susmentionnée du formulaire A/B implique que les sanctions imposées au distributeur établi au Royaume-Uni sortaient des limites de l’activité décrite dans la notification et, partant, contrairement à ce qui a été indiqué au point 191 de l’arrêt attaqué, les sanctions en question ne peuvent pas bénéficier de l’immunité d’amende résultant de l’article 15, paragraphe 5, du règlement n° 17.

242    Il s’ensuit donc que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 191 et 192 de l’arrêt attaqué en considérant que la Commission ne pouvait pas infliger une amende de 864 000 euros pour un agissement qualifié de circonstance aggravante et que celle-ci ne pouvait pas augmenter le montant de l’amende pour tenir compte de prétendues circonstances aggravantes.

243    Il résulte de ce qui précède que le pourvoi incident doit être accueilli en ce qui concerne les points 191 et 192 de l’arrêt attaqué ainsi que le point 2 de son dispositif.

244    Selon l’article 61 du statut de la Cour de justice, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule l’arrêt du Tribunal. Elle peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue. L’affaire étant en état d’être jugée, il y a lieu de statuer définitivement sur le montant de l’amende à infliger à JCB Service et de fixer celui-ci à 30 864 000 euros.

 Sur les dépens

245    Aux termes de l’article 122, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé ou lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens. Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, premier alinéa, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

246    La Commission ayant conclu à la condamnation de JCB Service et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens relatifs au pourvoi principal. La Commission ayant conclu à la condamnation de JCB Service dans le cadre du pourvoi incident, il y a lieu de condamner également JCB Service aux dépens relatifs à ce pourvoi.

Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Le pourvoi incident de la Commission des Communautés européennes est accueilli.

3)      Le point 2 du dispositif de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 13 janvier 2004, JCB Service/Commission (T-67/01), est annulé.

4)      Le montant de l’amende infligée à JCB Service en application de l’article 4 de la décision 2002/190/CE de la Commission, du 21 décembre 2000, relative à une procédure d’application de l’article 81 du traité CE (affaire COMP.F.1/35.918 – JCB), est fixé à 30 864 000 euros.

5)      JCB Service supporte l’ensemble des dépens de la présente instance.

Signatures


* Langue de procédure: l’anglais.