Language of document : ECLI:EU:T:2023:6

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

18 janvier 2023 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque figurative représentant une couronne – Marques de l’Union européenne figuratives antérieures représentant une couronne et ROLEX – Motifs relatifs de refus  – Absence de risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001] – Absence d’atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001) »

Dans l’affaire T‑726/21,

Rolex SA, établie à Genève (Suisse), représentée par Mes C. Sueiras Villalobos, P. Tent Alonso et V. Gigante Pérez, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

PWT A/S, établie à Aalborg (Danemark), représentée par Mes A. Skovfoged Melgaard et C. Barrett Christiansen, avocats,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. D. Spielmann (rapporteur), président, U. Öberg et Mme M. Brkan, juges,

greffier : Mme A. Juhász-Tóth, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 15 novembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Rolex SA, demande l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 25 août 2021 (affaire R 2389/2020-4) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 27 novembre 2014, l’intervenante, PWT A/S, a obtenu auprès du bureau international de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) l’enregistrement international désignant l’Union européenne portant le numéro 1263679. La marque qui a fait l’objet de cet enregistrement international désignant l’Union européenne est le signe figuratif suivant :

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3        Le 11 septembre 2015, l’EUIPO a reçu notification de l’enregistrement international désignant l’Union européenne portant le numéro 1263679, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)].

4        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment, de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant à la description suivante : « Vêtements, articles chaussants, chapellerie ».

5        Le 3 juin 2016, la requérante, Rolex SA, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 4 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur les marques antérieures suivantes :

–        la marque de l’Union européenne figurative reproduite ci-après, enregistrée le 16 février 2001 sous le numéro 1456201 et désignant notamment les « montres » comprises dans la classe 14 (ci-après la « marque purement figurative antérieure ») :

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–        la marque de l’Union européenne figurative reproduite ci-après, enregistrée le 16 février 2001 sous le numéro 1455757 et désignant notamment les « montres » comprises dans la classe 14 (ci-après la « marque complexe antérieure ») :

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7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement no 207/2009.

8        À la suite d’une demande formulée par l’intervenante, l’EUIPO a invité la requérante à apporter la preuve de l’usage sérieux des marques antérieures invoquées à l’appui de l’opposition. Cette dernière a déféré à ladite demande dans le délai imparti.

9        Le 19 octobre 2020, la division d’opposition a fait droit à l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009.

10      Le 16 décembre 2020, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

11      Par la décision attaquée, la chambre de recours a accueilli le recours. À titre liminaire, elle a rappelé que la décision de la division d’opposition était devenue définitive dans la mesure où l’opposition avait été accueillie pour les produits et les services des classes 3, 9, 18 et 35 couverts par la marque demandée. Elle en a déduit qu’elle devait examiner l’opposition en ce qui concerne les produits de la classe 25 suivants : « vêtements, chaussures, chapellerie ». Pour autant que l’opposition était fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, elle a considéré que les « montres » relevant de la classe 14 étaient différentes des « vêtements, chaussures, chapellerie » de la classe 25 et a, pour ce motif, rejeté l’existence d’un risque de confusion. Pour autant que l’opposition était fondée sur l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement, elle a considéré que la renommée de la marque purement figurative antérieure n’était pas établie et que la renommée de la marque complexe antérieure était établie pour les montres-bracelets. Elle a ajouté que cette dernière marque et la marque demandée étaient, tout au plus, très faiblement similaires sur le plan visuel, qu’une comparaison phonétique n’était pas possible entre elles et que la similitude conceptuelle résultant de la présence commune d’une couronne avait une incidence très limitée. Elle en a déduit que le public pertinent n’établirait pas un lien entre ces marques, de sorte qu’aucun risque d’atteinte à la renommée de la marque complexe antérieure n’était établi.

 Conclusions des parties 

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

13      L’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

14      Conformément à l’article 3, paragraphe 4, du protocole relatif à l’arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques, adopté à Madrid le 27 juin 1989, la date à laquelle l’enregistrement international désignant l’Union européenne est obtenu correspond à la date d’introduction, auprès de l’office qui en a été saisi, de la demande d’enregistrement de la marque dont la protection est recherchée sur tout le territoire des parties à l’arrangement de Madrid.

15      Compte tenu de la date d’obtention de l’enregistrement international désignant l’Union européenne portant le numéro 1263679, à savoir le 27 novembre 2014, qui correspond à la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause [voir, en ce sens, arrêts du 30 juin 2021, Zoom/EUIPO – Facetec (ZOOM), T‑204/20, non publié, EU:T:2021:391, point 17 et jurisprudence citée, et du 8 septembre 2021, SBG/EUIPO – VF International (GEØGRAPHICAL NØRWAY), T‑458/20, non publié, EU:T:2021:543, point 13 et jurisprudence citée], laquelle est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009, tel que modifié (voir, en ce sens, arrêts du 8 mai 2014, Bimbo/OHMI, C‑591/12 P, EU:C:2014:305, point 12 et du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2 et jurisprudence citée).

16      À l’appui de son recours, la requérante invoque, en substance, deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 et, le second, d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, de ce règlement.

  Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009

17      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir, d’une part, erronément constaté l’absence de similitudes entre les produits en cause, et, d’autre part, conclu à tort à l’absence de risque de confusion.

18      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

19      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

20      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir comparé les produits en cause sans avoir tenu compte de leur origine habituelle, ni des pratiques habituelles relatives à leur commercialisation. Elle soutient également que ces produits appartiennent à des segments de marché proches l’un de l’autre et que leur achat peut être motivé par la recherche d’une complémentarité esthétique.

21      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

22      Pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés ainsi que la circonstance que lesdits produits sont fréquemment vendus dans les mêmes points de vente spécialisés, qui est de nature à faciliter la perception par le consommateur concerné des liens étroits existant entre eux et à renforcer l’impression que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou la fourniture de ces services incombe à la même entreprise, ou une autre pratique commerciale [voir, en ce sens, arrêt du 2 juin 2021, Himmel/EUIPO – Ramirez Monfort (Hispano Suiza), T‑177/20, EU:T:2021:312, points 45 et 55 et jurisprudence citée].

23      Au point 33 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré que les vêtements, les chaussures et les produits de chapellerie, inclus dans la classe 25 et couverts par la marque demandée, étaient différents des articles de bijouterie et des montres, relevant la classe 14 et couverts par les marques antérieures. À cet égard, elle a considéré que ces produits étaient de nature et de destination différentes, les premiers étant destinés à vêtir le corps humain et les seconds à être portés comme une parure personnelle. Elle a ajouté que ces produits ne partageaient pas les mêmes canaux de distribution et qu’ils n’étaient ni concurrents ni complémentaires.

24      En premier lieu, il convient de considérer que, eu égard à ces motifs, qui mentionnent à suffisance de droit les facteurs pertinents pour caractériser le rapport entre les produits en cause, au sens de la jurisprudence rappelée au point 22 ci-dessus, sur lesquels la chambre de recours s’est fondée, c’est à tort que la requérante reproche à cette dernière de n’avoir pas expressément mentionné la supposée proximité des segments de marchés auxquels appartiendraient les produits en cause et d’avoir, ce faisant, entaché son appréciation d’un défaut de motivation.

25      En deuxième lieu, il a déjà été jugé que les bijoux et les montres, voire les pierres précieuses et les pièces de joaillerie, d’une part, et les articles d’habillement, d’autre part, ne pouvaient pas être considérés comme similaires [voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 2010, 2nine/OHMI – Pacific Sunwear of California (nollie), T‑364/08, non publié, EU:T:2010:115, point 33 et jurisprudence citée, et du 10 octobre 2018, Cuervo y Sobrinos 1882/EUIPO – A. Salgado Nespereira (Cuervo y Sobrinos LA HABANA 1882), T‑374/17, non publié, EU:T:2018:669, point 35 et jurisprudence citée].

26      De surcroît, il convient de constater que la requérante ne conteste pas les appréciations de la chambre de recours selon lesquelles les produits en cause sont de nature et de destination différentes.

27      Par ailleurs, la requérante allègue que les produits en cause appartiennent à des segments de marché proches l’un de l’autre, en ce que, dans le domaine des produits de luxe, ces produits sont vendus sous des marques célèbres de créateurs et de fabricants et que les fabricants de vêtements proposent également des montres. Or, cette allégation n’est pas de nature à remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle les produits en cause ne sont pas concurrents.

28      En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de l’origine commerciale habituelle commune des produits en cause, il convient de rappeler que, pour que les consommateurs puissent penser que ces produits ont la même origine commerciale, il faut qu’ils considèrent comme habituel que ces produits soient commercialisés sous la même marque, ce qui implique, normalement, qu’une grande partie des fabricants ou des distributeurs respectifs de ces produits soient les mêmes [arrêt du 1er mars 2005, Sergio Rossi/OHMI – Sissi Rossi (SISSI ROSSI), T‑169/03, EU:T:2005:72, point 63 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 septembre 2014, Nuna International/OHMI – Nanu-Nana Joachim Hoepp (nuna), T‑195/12, non publié, EU:T:2014:804, point 58].

29      Or, en l’espèce, la requérante se borne à alléguer l’importance croissante du commerce en ligne, la tendance croissante à la convergence de la mode et de la technologie, y compris en ce qui concerne les montres et les bracelets, ainsi que le prétendu caractère notoire, courant dans le secteur de la mode et habituel pour les consommateurs, de voir des vêtements et des accessoires, tels que des lunettes, des bijoux et des montres, être proposés dans les mêmes lieux de vente. Toutefois, elle ne produit pas d’élément de preuve en ce sens. Elle ajoute que cette pratique aboutirait à un certain comportement cognitif et à un certain état d’esprit, mais sans davantage de précision.

30      De surcroît, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne ressort pas du point 33 de la décision attaquée que la chambre de recours ait écarté par principe la pertinence éventuelle de la prétendue pratique commerciale en cause dans sa comparaison des produits.

31      Par ailleurs, il convient de relever que le fait que les produits en cause puissent être vendus dans les mêmes établissements commerciaux, tels que des grands magasins, ne revêt aucune importance particulière, dès lors que peuvent être trouvés dans ces points de vente des produits de nature très diverse, sans que les consommateurs leur attribuent automatiquement une même origine [voir, en ce sens, arrêt du 2 juillet 2015, BH Stores/OHMI – Alex Toys (ALEX), T‑657/13, EU:T:2015:449, point 83 et jurisprudence citée].

32      En outre, il convient d’écarter comme inopérant l’argument de la requérante selon lequel l’achat des produits en cause peut être motivé par la recherche d’une complémentarité esthétique. En effet, elle admet elle-même qu’une telle circonstance est insuffisante pour conclure à l’existence d’une similitude entre ces produits.

33      En quatrième et dernier lieu, la seule circonstance que les vêtements et les montres soient désignés, dans un rapport élaboré par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et l’EUIPO sur le commerce mondial des contrefaçons comme pouvant faire partie des articles de luxe est dénuée de pertinence pour établir une quelconque similitude entre les produits en cause. En effet, dans le cadre de la procédure d’opposition, la comparaison des produits doit porter sur le libellé des produits couverts par les marques en présence et non sur les produits pour lesquels les marques sont effectivement utilisées [arrêt du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, EU:T:2006:247, point 30]. Or, il ne ressort pas des descriptions des produits en cause, telles que reproduites aux points 4 et 6 ci-dessus, qu’il s’agirait de produits onéreux et haut de gamme. À défaut d’indication spécifique contraire, ils peuvent relever de n’importe quelle gamme et ne sont pas nécessairement des biens coûteux ou de luxe [voir, en ce sens, arrêt du 30 septembre 2015, Mocek et Wenta KAJMAN Firma Handlowo-Usługowo-Produkcyjna/OHMI – Lacoste (KAJMAN), T‑364/13, non publié, EU:T:2015:738, point 26 et jurisprudence citée].

34      Il en résulte que c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré que les produits en cause étaient différents. Dès lors, les arguments de la requérante doivent être écartés.

35      Il en découle que, eu égard à la jurisprudence rappelée au point 19 ci-dessus, c’est à bon droit que la chambre de recours a rejeté l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public pertinent, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

36      Partant, les arguments de la requérante tirés de ce que la chambre de recours aurait conclu à l’absence d’un tel risque sans examiner les similitudes entre les signes en conflit et sans réaliser une appréciation globale du risque de confusion doivent être écartés.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009

37      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir violé l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, en ayant apprécié de manière erronée les similitudes des signes en conflit et en n’ayant pas considéré que l’usage de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque complexe antérieure ou qu’il lui porterait préjudice.

38      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure enregistrée au sens du paragraphe 2, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union européenne ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

39      La protection élargie accordée à la marque antérieure par l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 présuppose donc la réunion de plusieurs conditions. Premièrement, la marque antérieure prétendument renommée doit être enregistrée. Deuxièmement, cette dernière et celle dont l’enregistrement est demandé doivent être identiques ou similaires. Troisièmement, elle doit jouir d’une renommée dans l’Union, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, ou dans l’État membre concerné, dans le cas d’une marque nationale antérieure. Quatrièmement, l’usage sans juste motif de la marque demandée doit conduire au risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’un préjudice puisse être porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure. Ces conditions étant cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable ladite disposition [arrêt du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, EU:T:2007:93, points 34 et 35 ; voir, également, arrêt du 31 mai 2017, Alma-The Soul of Italian Wine/EUIPO – Miguel Torres (SOTTO IL SOLE ITALIANO SOTTO il SOLE), T‑637/15, EU:T:2017:371, point 29 et jurisprudence citée].

40      S’agissant, plus particulièrement, de la quatrième des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, celle-ci vise trois types de risques distincts et alternatifs, à savoir que l’usage sans juste motif de la marque demandée, premièrement, porte préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, porte préjudice à la renommée de la marque antérieure ou, troisièmement, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure (voir arrêt du 22 mars 2007, VIPS, T‑215/03, EU:T:2007:93, point 36 et jurisprudence citée).

41      Un seul de ces trois types de risque d’atteinte suffit pour que l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 soit d’application (arrêt du 4 mars 2020, Tulliallan Burlington/EUIPO, C‑155/18 P à C‑158/18 P, EU:C:2020:151, point 74 ; voir également, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 28).

42      Afin de bénéficier de la protection instaurée par les dispositions de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, le titulaire de la marque antérieure doit, dans un premier temps, rapporter la preuve soit que l’usage de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, soit qu’il porterait préjudice à ce caractère distinctif ou encore à cette renommée (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 37).

43      À cet égard, si le titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, il doit toutefois établir l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur (arrêt du 4 mars 2020, Tulliallan Burlington/EUIPO, C‑155/18 P à C‑158/18 P, EU:C:2020:151, point 75 ; voir également, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 38).

44      La chambre de recours a relevé que, afin de démontrer l’existence d’une des atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5 du règlement no 207/2009, la requérante n’avait pas présenté d’observations devant elle, mais que, devant la division d’opposition, elle avait fait valoir que l’intervenante pourrait tirer indûment profit du degré de reconnaissance de la marque complexe antérieure en raison de la quasi-identité des signes en conflit et de l’immense renommée acquise par les marques antérieures, lesquelles véhiculeraient des images de prestige, de luxe et de mode de vie actif. Elle a considéré que, par ces arguments, la requérante s’était en réalité contentée de renvoyer au libellé de l’article 8, paragraphe 5 du règlement no 207/2009, sans avoir présenté d’argumentation cohérente quant aux raisons pour lesquelles l’une de ces atteintes se produirait. Elle en a déduit qu’aucune atteinte visée à cette disposition n’était établie.

45      La requérante reproche à la chambre de recours d’avoir apprécié de manière erronée le risque que l’usage de la marque demandée porte à la marque antérieure une atteinte prévue à l’article 8, paragraphe 5 du règlement no 207/2009 et d’avoir considéré à tort qu’elle n’avait pas démontré un tel risque.

46      Or, force est de constater que, pour contester les appréciations de la chambre de recours, la requérante se borne à se prévaloir de ce qui suit. Premièrement, la chambre de recours aurait reconnu la renommée de la marque complexe antérieure pour les « montres-bracelets » relevant de la classe 14, ce dont il résulterait qu’elle aurait implicitement considéré que cette marque aurait possédé, au sens du point 35 de l’arrêt du 22 mars 2007, VIPS (T‑215/03, EU:T:2007:93), une valeur économique intrinsèque, indépendante et distincte des produits pour lesquels elle aurait été enregistrée, et qui aurait mérité à ce titre d’être protégée. Deuxièmement, la renommée d’une marque serait, dans la plupart des cas, le résultat d’efforts et d’investissements considérables de la part de son titulaire. Troisièmement, la chambre de recours aurait estimé à tort que la requérante n’aurait pas indiqué les raisons pour lesquelles une des atteintes prévues à l’article 8, paragraphe 5 du règlement no 207/2009 aurait pu se produire. La requérante renvoie à cet égard à certaines pages de ses observations devant la division d’opposition.

47      Il convient de constater d’emblée que les arguments de la requérante ne permettent pas d’identifier la ou les atteintes prévues à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 que l’usage de la marque demandée serait susceptible de causer à la marque complexe antérieure, à son préjudice.

48      En outre, par cette argumentation, la requérante, en substance, déduit l’existence d’un risque d’atteinte, qu’elle n’identifie pas, à la renommée de la marque complexe antérieure, de la réunion des conditions, rappelées au point 39 ci-dessus, relatives à la similitude des signes en conflit, à l’enregistrement et à la renommée de ladite marque.

49      Or, certes, il existe une certaine interdépendance entre les conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009, en ce que plus le caractère distinctif et la renommée de cette marque seront importants, plus l’existence d’une atteinte sera aisément admise (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, point 69).

50      Toutefois, il ressort de la jurisprudence rappelée au point 39 ci-dessus que la démonstration de l’existence d’une atteinte visée à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 est une condition cumulative distincte des autres conditions prévues par cette disposition. À cet égard, ainsi qu’il est rappelé au point 43 ci-dessus, une telle démonstration implique l’obligation pour la requérante d’établir l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux que l’une de ces atteintes se produise dans le futur [voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2021, Puma/EUIPO – Gemma Group (Représentation d’un félin bondissant), T‑510/19, non publié, EU:T:2021:281, point 127].

51      Or, il convient de constater que les arguments de la requérante rappelés au point 46 ci-dessus ne permettent pas d’établir l’existence de tels éléments. En effet, la requérante se limite à cet égard à rappeler que la chambre de recours a reconnu la renommée de la marque complexe antérieure pour les montres-bracelets, à citer un extrait du point 35 de l’arrêt du 22 mars 2007, VIPS (T‑215/03, EU:T:2007:93), et à faire valoir une considération générale relative à l’importance des investissements nécessaires à l’acquisition d’une renommée.

52      La requérante ne saurait utilement étayer ses arguments à cet égard par des renvois à certaines pages de ses observations devant la division d’opposition. Si la requête peut être étayée et complétée, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, les annexes ont une fonction purement probatoire et instrumentale. Les annexes ne sauraient, dès lors, servir à développer un moyen sommairement exposé dans la requête en avançant des griefs ou des arguments ne figurant pas dans celle-ci [voir, par analogie, arrêt du 31 janvier 2019, Thun/EUIPO (Poisson), T‑604/17, non publié, EU:T:2019:42, point 46 et jurisprudence citée].

53      Quant à l’argument de la requérante visant à contester l’affirmation de la chambre de recours selon laquelle elle n’avait pas établi l’existence d’éléments permettant de conclure à un risque sérieux que l’une des atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 se produise dans le futur, force est de constater qu’il n’est, lui aussi, étayé que par des renvois à certaines pages de ses observations devant la division d’opposition. Il doit, dès lors, être écarté.

54      Enfin, lors de l’audience, la requérante a contesté pour la première fois la conclusion de la chambre de recours selon laquelle la renommée de la marque purement figurative antérieure n’avait pas été établie. Or, elle n’a ni établi ni même allégué que ce grief résultait d’éléments de droit ou de fait révélés durant la procédure ou qu’il constituait une ampliation du moyen tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 ou présentait un lien étroit avec ledit moyen. À cet égard, il convient de rappeler que l’argumentation développée dans la requête visait seulement la marque complexe antérieure, et aucunement la marque purement figurative antérieure. Partant, le grief doit être rejeté comme étant irrecevable en application de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

55      En conséquence, c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré qu’aucune des atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement no 207/2009 n’avait été établie, de sorte que l’une des conditions nécessaires à la mise en œuvre de cette disposition n’était pas remplie.

56      Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être écarté et, partant, le recours rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

57      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Rolex SA est condamnée aux dépens.

Spielmann

Öberg

Brkan

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 18 janvier 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.