Language of document : ECLI:EU:T:2020:123

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

26 mars 2020 (*)

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Opérateur de systèmes mobiles par satellite – Documents fournis à la Commission par un candidat sélectionné dans le cadre d’un appel d’offres – Refus implicite et explicite d’accès – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers – Intérêt public supérieur – Refus d’accès partiel »

Dans l’affaire T‑734/17,

ViaSat, Inc., établie à Carlsbad, Californie (États-Unis), représentée par Mes J. Ruiz Calzado, L. Marco Perpiñà, P. de Bandt et M. Gherghinaru, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mmes S. Delaude et C. Ehrbar, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Inmarsat Ventures Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni), représentée par Mes C. Spontoni, B. Amory, É. Barbier de La Serre, avocats, et Mme A. Howard, barrister,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision implicite de la Commission rejetant la demande confirmative de la requérante du 10 juillet 2017 d’accès à toutes les informations fournies par Inmarsat plc, Inmarsat Ventures ou ses filiales à l’occasion de leur participation à l’appel d’offres de l’Union européenne qui a donné lieu à l’adoption de la décision 2009/449/CE de la Commission, du 13 mai 2009, concernant la sélection des opérateurs de systèmes paneuropéens fournissant des services mobiles par satellite (MSS) (JO 2009, L 149, p. 65), et à tout échange d’informations à ce sujet entre Inmarsat et la Commission, puis à l’annulation de la décision C(2018) 180 final de la Commission, du 11 janvier 2018, refusant l’accès à ces informations,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. E. Buttigieg (rapporteur), faisant fonction de président, B. Berke et Mme M. J. Costeira, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 2 mai 2017, la requérante, ViaSat, Inc., qui est une entreprise du secteur de la technologie et fournit des solutions en matière de communication pour les entreprises, les particuliers et les gouvernements, avait, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), introduit auprès de la direction générale (DG) des réseaux de communication, du contenu et des technologies de la Commission européenne une demande d’accès (ci‑après la « demande d’accès initiale ») à « toute information communiquée par Inmarsat plc, [Inmarsat Ventures Ltd] ou ses affiliés, à l’occasion de sa participation à l’appel d’offres de l’Union européenne qui a donné lieu à l’adoption le 13 mai 2009 de la décision 2009/449/CE de la Commission concernant la sélection des opérateurs de systèmes paneuropéens fournissant des services mobiles par satellite (MSS) [JO 2009, L 149, p. 65], et [à] tout échange d’informations entre Inmarsat et la [Commission] durant la procédure d’appel d’offres faisant suite à l’offre initiale et jusqu’à la décision finale d’attribution ainsi qu[’à] toutes les communications postérieures à l’attribution » (ci‑après les « documents demandés »). Parmi les opérateurs sélectionnés figure Inmarsat, considérée par la requérante comme « un concurrent direct ».

2        Par courriel du 2 mai 2017, la DG concernée a accusé réception de la demande d’accès initiale, qui a été enregistrée le même jour sous la référence GESTDEM no 2017/2592. Par lettre du 23 mai 2017, elle a informé la requérante que, conformément à l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, le délai de réponse devait être prolongé jusqu’au 19 juin 2017.

3        Par lettre du 22 juin 2017, la DG concernée a informé la requérante, d’une part, qu’elle avait identifié deux jeux de documents répondant à la demande en cause, à savoir « la candidature présentée par Inmarsat à la suite de l’appel de candidatures concernant des systèmes paneuropéens fournissant des MSS, Volume I (candidature) » et « la candidature présentée par Inmarsat à la suite de l’appel de candidatures concernant des systèmes paneuropéens fournissant des MSS, Volume II (annexes) », et, d’autre part, qu’elle rejetait la demande en cause dans son intégralité, au motif que la divulgation de ces documents porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle, ainsi qu’à la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques. En conséquence, les documents demandés étaient, selon elle, couverts dans leur intégralité par les exceptions prévues à l’article 4, paragraphe 2, premier et deuxième tirets, du règlement no 1049/2001. En l’absence d’un intérêt public supérieur justifiant une dérogation à ces exceptions, elle a finalement refusé l’accès, même partiel, aux documents en cause.

4        Le 10 juillet 2017, la requérante a, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001, présenté à la Commission une demande d’accès confirmative aux documents demandés (ci‑après la « demande d’accès confirmative »).  Par lettre du 1er août 2017, le secrétariat général de la Commission a informé la requérante que, en application de l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, le délai de réponse devait être prolongé de quinze jours ouvrables, à savoir jusqu’au 24 août 2017. Par lettre du 24 août 2017, qui a été notifiée à la requérante par courriel le même jour, il a informé cette dernière qu’il n’avait pas été capable de répondre dans le délai de réponse prorogé. Il a assuré qu’il ferait « de son mieux » afin de fournir à la requérante une réponse finale « dès que possible ».  

5        En l’absence de réponse explicite à la demande d’accès confirmative, la requérante a introduit, le 3 novembre 2017, un recours visant à obtenir l’annulation de la décision implicite de rejet de ladite demande, conformément à l’article 8, paragraphe 3, du règlement no 1049/2001.

6        Le 11 janvier 2018, le secrétaire général de la Commission a adopté une décision explicite de rejet de la demande d’accès confirmative (ci‑après la « décision attaquée »), qui a été notifiée à la requérante le 15 janvier suivant et qui fait l’objet du présent recours tel qu’il a été adapté à la suite de l’adoption de la décision attaquée.

7        D’abord, la décision attaquée identifie un document supplémentaire répondant à la demande d’accès, à savoir un « échange de courriels entre la DG [« Société de l’information et médias »] et Inmarsat, Octobre/Novembre 2008 [Ares(2017) 439857] », relatif à une demande de renseignements complémentaires adressée par la Commission à Inmarsat le 24 octobre 2008 concernant le respect des critères de recevabilité aux fins de la procédure d’appel de candidatures ainsi que la réponse d’Inmarsat du 6 novembre 2008. Ensuite, elle confirme le refus initial d’accorder un accès aux documents demandés en raison des exceptions énoncées à l’article 4, paragraphe 2, premier et deuxième tirets, du règlement no 1049/2001. La Commission y invoque également une troisième exception, relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, consacrée à l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001. Enfin, selon la décision attaquée, il n’existe pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés et un accès partiel utile n’est pas possible sans porter atteinte aux intérêts protégés.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 novembre 2017, la requérante a introduit le présent recours. Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 22 janvier 2018, la Commission a introduit une demande de non-lieu à statuer à la suite de l’adoption de la décision attaquée.

9        Le 30 janvier 2018, la requérante a informé le Tribunal de l’intention d’exercer son droit de présenter un mémoire en adaptation de la requête conformément à l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, de telle sorte que le présent recours soit considéré comme visant désormais à obtenir l’annulation de la décision attaquée, intervenue le 11 janvier 2018. Le mémoire en adaptation a été déposé au greffe du Tribunal le 22 mars 2018.

10      Par ordonnance du 30 mai 2018, le Tribunal a décidé de joindre l’examen de la demande de non-lieu à statuer au fond conformément à l’article 130, paragraphe 7, du règlement de procédure.

11      Par ordonnance du 4 septembre 2018, Inmarsat Ventures Ltd a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la Commission.

12      À la suite de l’adaptation de la requête, par acte déposé au greffe du Tribunal le 22 mars 2018, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        « déclarer que le recours tel qu’il a été adapté est recevable et remplace le recours initialement formé » ;

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission à supporter, en tout état de cause, ses propres dépens ainsi que ceux qu’elle a exposés et qui sont liés à la demande d’annulation de la décision implicite de rejet de la demande d’accès confirmative ;

–        condamner la Commission à supporter ses propres dépens ainsi que ceux qu’elle a exposés et qui sont liés à la demande d’annulation de la décision attaquée ;

–        condamner l’intervenante à supporter ses propres dépens.

13      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        écarter les références présentées dans les notes de bas de page sous la forme d’un lien renvoyant à un site Internet ;

–        déclarer que le recours en annulation initial est devenu sans objet et qu’il n’y a pas lieu de statuer sur celui‑ci ;

–        rejeter le recours en annulation adapté comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens, y compris ceux qu’elle a exposés.

15      Par ordonnance du 4 juin 2018, le Tribunal a adopté une mesure d’instruction conformément à l’article 91, sous c), et à l’article 104 du règlement de procédure, par laquelle il a enjoint à la Commission de produire une copie des documents suivants : « Document 1 : la candidature présentée par Inmarsat à la suite de l’appel de candidatures concernant des systèmes paneuropéens fournissant des MSS, Volume I (candidature) ; Document 2 : la candidature présentée par Inmarsat à la suite de l’appel de candidatures concernant des systèmes paneuropéens fournissant des MSS, Volume II (annexes) ; Document 3 : l’échange de courriels entre la [DG « Société de l’information et médias »] et Inmarsat, Octobre/Novembre 2008 [Ares(2017) 439857] ». Par courrier du 20 juin 2018, la Commission a produit les documents en question.

 En droit

 Sur l’objet du recours

16      D’une part, il est constant que la décision attaquée, par laquelle la Commission a rejeté explicitement la demande d’accès confirmative, a remplacé la décision implicite de rejet de ladite demande, de sorte que, conformément à la demande de non‑lieu à statuer formulée par la Commission et non contestée par la requérante, il n’y a plus lieu de statuer sur ladite décision implicite.

17      En effet, même si le règlement no 1049/2001 ne prévoit pas de possibilité de déroger aux délais qui sont prévus à ses articles 7 et 8, la décision implicite de rejet a néanmoins été retirée par l’effet de l’adoption, fût-elle tardive, de la décision explicite de rejet, avec pour conséquence qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le recours en tant qu’il est dirigé contre ladite décision implicite [voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2016, Strack/Commission, T‑221/08, EU:T:2016:242, point 56 (non publié) et jurisprudence citée].

18      D’autre part, le présent recours a désormais pour objet une demande tendant à l’annulation de la décision attaquée dans la mesure où ledit objet a été valablement étendu à la décision attaquée, notifiée à la requérante le 11 janvier 2018, par l’adaptation de la requête effectuée par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 22 mars 2018.

19      En effet, si les conclusions des parties sont caractérisées, en principe, par leur immutabilité, l’article 86 du règlement de procédure, qui constitue une codification d’une jurisprudence préexistante relative aux exceptions que ce principe d’immutabilité peut recevoir (arrêt du 9 novembre 2017, HX/Conseil, C‑423/16 P, EU:C:2017:848, point 18), prévoit une dérogation à ce principe. Ainsi, conformément à l’article 86, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure, lorsqu’un acte dont l’annulation est demandée est remplacé par un autre acte ayant le même objet, le requérant peut, avant la clôture de la phase orale ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, adapter la requête pour tenir compte de cet élément nouveau, en introduisant ladite adaptation par acte séparé et dans le délai prévu à l’article 263, sixième alinéa, TFUE, dans lequel l’annulation de l’acte justifiant l’adaptation de la requête peut être demandée.

20      Lesdites conditions étant réunies en l’espèce, il y a lieu de considérer que le recours vise désormais à l’annulation de la décision attaquée.

 Sur le fond

21      À la suite de l’adaptation de ses conclusions et moyens, la requérante soulève cinq moyens à l’appui de son recours, tirés, premièrement, d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, deuxièmement, d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du même règlement, troisièmement, d’une violation de l’article 4, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, quatrièmement, d’une violation du dernier membre de phrase de l’article 4, paragraphe 2, du même règlement et, cinquièmement, d’une violation de l’article 4, paragraphe 6, dudit règlement.

 Considération liminaire

22      À titre liminaire, la requérante observe notamment que la Commission a interprété de manière étroite et déraisonnable la portée de sa demande d’accès pour autant qu’elle vise les « communications postérieures à l’attribution » en la limitant à la correspondance échangée entre ladite institution et Inmarsat relative à la période se situant entre l’adoption de la décision de sélection le 13 mai 2009 et la publication de celle-ci le 12 juin 2009, alors qu’elle visait toute la correspondance relative à la procédure de sélection en cause qui avait été échangée entre la Commission et Inmarsat à partir de la date de la décision attaquée jusqu’à « aujourd’hui ». Conformément au principe de bonne administration et à l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, la Commission aurait dû la contacter en vue de définir aussi précisément que possible les documents auxquels l’accès était demandé.

23      La Commission fait valoir que la demande d’accès aux « communications postérieures à l’attribution » était suffisamment précise en ce qu’elle portait sur les documents se rapportant à la procédure de sélection en cause et qu’elle ne pouvait pas raisonnablement concerner toutes les communications jusqu’à « aujourd’hui », dans la mesure notamment où ladite procédure a pris fin en 2009 par la publication de la décision de sélection. Toute autre interprétation serait déraisonnable et incohérente, d’autant plus que, dès les mois de mars et de mai 2017, la requérante aurait demandé de manière spécifique l’accès à d’autres documents qui auraient été rédigés après juin 2009 et dans lesquels Inmarsat interviendrait comme opérateur sélectionné de services mobiles par satellite (MSS).

24      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il résulte du libellé de l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, et tout particulièrement de l’emploi des verbes « inviter » et « assister », que le seul constat de l’insuffisance de précision de la demande d’accès, quelles qu’en soient les raisons, doit amener l’institution destinataire à prendre contact avec le demandeur afin de définir au mieux les documents demandés. Il s’agit d’une disposition qui, dans le domaine de l’accès du public aux documents, constitue la transcription formelle du principe de bonne administration, qui figure parmi les garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union européenne dans les procédures administratives. Le devoir d’assistance est donc fondamental pour assurer l’effet utile du droit d’accès défini par le règlement no 1049/2001 (arrêt du 22 mai 2012, Internationaler Hilfsfonds/Commission, T‑300/10, EU:T:2012:247, point 84).

25      Toutefois, il n’apparaît pas que l’interprétation de la portée de la demande d’accès retenue en l’espèce par la Commission soit entachée d’une erreur d’appréciation ou soit déraisonnable ou que la formulation de ladite demande eût obligé la Commission à prendre contact avec la requérante préalablement à l’adoption de la décision attaquée afin de définir plus précisément les documents demandés tant dans la demande d’accès initiale que dans la demande d’accès confirmative. Par ailleurs, il convient de constater qu’aucun des cinq moyens formulés par la requérante au soutien de ses conclusions n’est tiré d’une violation de l’article 6, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 ni du principe de bonne administration ou d’une erreur d’appréciation quant à la portée de la demande d’accès aux documents demandés.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, relatif à la protection des intérêts commerciaux

26      La requérante relève d’emblée que la circonstance que l’appel de candidatures, qui n’est pas un acte législatif, contient des dispositions expresses garantissant la confidentialité des demandes déposées ne justifie aucunement une protection contre la divulgation des documents demandés allant au-delà de ce qui est prévu par l’article 4 du règlement no 1049/2001 et ne crée pas de droit subjectif à une telle protection en faveur du soumissionnaire.

27      Selon la requérante, la Commission a invoqué à tort une présomption générale de confidentialité pour justifier son refus d’accès aux documents en cause.

28      Premièrement, il découlerait de l’article 3, paragraphe 3, de la décision 626/2008/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 juin 2008, concernant la sélection et l’autorisation de systèmes fournissant des services mobiles par satellite (MSS) (JO 2008, L 172, p. 15, ci-après la « décision MSS »), que le législateur aurait estimé de toute évidence que l’intégrité de l’appel d’offres ne serait pas compromise en l’absence d’une présomption générale de confidentialité.

29      Deuxièmement, l’arrêt du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA (T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38), invoqué dans la décision attaquée à l’appui de l’application d’une présomption générale de confidentialité, ne serait pas pertinent en l’espèce.

30      D’une part, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA (T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38), le Tribunal aurait tenu compte du fait que l’institution en cause avait divulgué certaines des informations pertinentes concernant la décision d’attribution de l’appel d’offres. Plus particulièrement, l’appel d’offres en cause aurait été régi par le règlement (UE, Euratom) no 966/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 25 octobre 2012, relatif aux règles financières applicables au budget général de l’Union et abrogeant le règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil (JO 2012, L 298, p. 1, ci-après le « règlement financier »), en vertu duquel avait été obtenu un accès partiel aux informations fournies dans les documents de l’appel d’offres.

31      D’autre part, les faits en cause dans la présente affaire et dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA (T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38), ne seraient pas comparables, en ce que, contrairement à ce qui était le cas dans cette dernière affaire, elle n’aurait pas participé à l’appel d’offres en cause et, par conséquent, n’aurait obtenu aucune information, pas même générale ou contextuelle, à propos de la candidature à l’appel d’offres d’Inmarsat, et cela même près de dix ans après l’attribution de l’offre et environ quatre ans après la modification fondamentale du projet décidée par Inmarsat, lorsque celle-ci aurait lancé son nouveau projet en 2014. En outre, la demande d’accès aux informations relatives à l’appel d’offres n’aurait rien à voir avec une amélioration potentielle des chances d’un soumissionnaire écarté de l’emporter sur le soumissionnaire retenu dans un appel d’offres comparable lancé dans le futur par la même autorité ou institution. Enfin, les arrêts auxquels le Tribunal ferait référence dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA (T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38), ne viendraient pas non plus au soutien de la thèse défendue par la Commission dans la présente affaire.

32      Troisièmement, la jurisprudence semblerait, en tout état de cause, limiter l’application de la présomption de confidentialité en cause aux offres financières et aux barèmes de prix, en application du principe selon lequel toute dérogation au principe de transparence devrait être interprétée de manière restrictive et ne s’étendrait dès lors pas aux caractéristiques essentielles et aux avantages relatifs de l’offre retenue.

33      Quatrièmement, la Commission aurait dû démontrer que les documents en cause contiennent des éléments dont la divulgation pourrait nuire « gravement » aux intérêts commerciaux de la personne en cause. À cette fin, elle aurait dû évaluer en quoi la divulgation de chacun de ces éléments des documents de l’appel d’offres pouvait, dans les circonstances de fait actuelles, porter concrètement et effectivement atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’Inmarsat et démontrer que chacun de ces éléments mériterait toujours une protection. Le risque d’une telle atteinte devrait en outre être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique.

34      Cinquièmement, le passage du temps, à savoir plus de dix ans depuis la présentation de la demande d’accès, et la modification du plan des activités d’Inmarsat indiqueraient clairement que la plupart des informations contenues dans les documents demandés, qui auraient pu être qualifiées de commercialement sensibles pour Inmarsat en 2008 ou 2009, avant qu’elle remplace son projet initial, ne le seraient plus, parce que ces informations auraient ainsi perdu toute raison objective d’être protégées au titre d’une présomption générale de confidentialité qui devrait être d’interprétation stricte. Les données ainsi divulguées ne permettraient en tout cas pas aux concurrentes d’Inmarsat de savoir comment celle-ci entendrait déployer sa stratégie commerciale en ce qui concerne le projet lancé en 2014 et la nouvelle utilisation de la bande de fréquences de 2 GHz.

35      Sixièmement, la préoccupation exprimée par la Commission selon laquelle la divulgation des informations contenues dans les documents relatifs à l’appel d’offres permettrait à « d’autres candidats potentiels dans d’éventuels appels d’offres ultérieurs de copier la candidature d’Inmarsat et de l’utiliser pour étayer leur propre candidature » serait également vaine.

36      Enfin, l’argument selon lequel l’article 339 TFUE soumettrait le personnel des institutions de l’Union à des obligations de secret professionnel ne saurait tenir en échec le contrôle de la légalité de la décision attaquée au regard du seul règlement no 1049/2001.

37      La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste l’argumentation de la requérante.

38      Il convient de relever que, afin de rejeter la demande d’accès confirmative, la décision attaquée s’appuie notamment sur l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, selon lequel l’institution concernée refuse l’accès à un document lorsque la divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle.

39      Selon une jurisprudence constante, le règlement no 1049/2001 vise à conférer au public un droit d’accès aux documents des institutions qui soit le plus large possible (voir arrêt du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA, T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38, point 87 et jurisprudence citée).

40      Ce droit n’en est pas moins soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé. Toutefois, dès lors que de telles exceptions dérogent au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents des institutions de l’Union, elles doivent être interprétées et appliquées strictement (arrêt du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA, T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38, points 88 et 89).

41      Selon une jurisprudence également constante, lorsque l’institution concernée décide de refuser l’accès à un document dont la communication lui a été demandée, il lui incombe, en principe, de fournir des explications quant à la question de savoir de quelle manière l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à l’article 4 du règlement no 1049/2001 que cette institution invoque. En outre, le risque d’une telle atteinte doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique. Toutefois, il est loisible à cette institution de se fonder, à cet égard, sur des présomptions générales s’appliquant à certaines catégories de documents, des considérations d’ordre général similaires étant susceptibles de s’appliquer à des demandes de divulgation portant sur des documents de même nature (voir arrêt du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA, T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38, point 90 et jurisprudence citée).

42      Il résulte encore de la jurisprudence que les offres déposées par les soumissionnaires dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres sont susceptibles d’entrer dans le champ d’application de l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux en raison notamment des éléments économiques et techniques qu’elles contiennent (voir, en ce sens, arrêt du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA, T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38, point 95).

43      Ainsi, c’est en raison de la nature des documents concernés que la jurisprudence a établi l’existence d’une présomption générale selon laquelle l’accès aux offres des soumissionnaires dans le cadre de l’exécution de marchés publics porterait, en principe, atteinte à la protection des intérêts commerciaux (voir, en ce sens, arrêts du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA, T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38, point 101 ; du 21 septembre 2016, Secolux/Commission, T‑363/14, EU:T:2016:521, point 49, et du 14 décembre 2017, Evropaïki Dynamiki/Parlement, T‑136/15, EU:T:2017:915, point 62).

44      Il importe néanmoins de souligner que la présomption générale mentionnée au point 43 ci-dessus n’exclut pas la possibilité de démontrer qu’un document donné dont la divulgation est demandée n’est pas couvert par cette présomption ou qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant la divulgation de ce document en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 (arrêt du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 126).

45      En revanche, l’exigence de vérifier si la présomption générale en question s’applique réellement ne saurait être interprétée en ce sens que la Commission devrait examiner individuellement tous les documents demandés. Une telle exigence priverait cette présomption générale de son effet utile, à savoir permettre à la Commission de répondre à une demande d’accès globale également de manière globale (voir arrêt du 28 mars 2017, Deutsche Telekom/Commission, T‑210/15, EU:T:2017:224, point 105 et jurisprudence citée).

46      C’est à la lumière de ces principes qu’il y a lieu d’examiner le présent moyen.

47      Tout d’abord, il convient de rappeler que la requérante s’est vu refuser l’accès à l’offre déposée par Inmarsat à la suite de l’appel de candidatures qui a donné lieu à la décision de sélection du 13 mai 2009 ainsi qu’à un échange de courriels entre la Commission et Inmarsat relatif à une demande de renseignements complémentaires adressée par la Commission le 24 octobre 2008 à Inmarsat aux fins de la procédure d’appel de candidatures en cause et la réponse d’Inmarsat à ladite demande du 6 novembre suivant.

48      La décision attaquée indique à cet égard que les « documents demandés décrivent en détail le modèle économique et les capacités d’Inmarsat, et reflètent son savoir‑faire technologique spécifique dans le domaine des MSS », que « [ces documents] contiennent des aspects opérationnels détaillés concernant la fourniture de MSS, y compris des calendriers, des descriptions des actions et des étapes », et que « [lesdits documents] expliquent en particulier comment Inmarsat prévoit d’utiliser l’attribution paneuropéenne de la bande S du spectre pour fournir des MSS sur une base commerciale au sein de l’[Union] ». La décision attaquée énonce ensuite que ces informations « ont une valeur commerciale et reflètent la connaissance interne d’Inmarsat traduisant son savoir‑faire spécifique et ses modèles commerciaux » et que « [l]a divulgation de ces informations porterait atteinte aux intérêts commerciaux d’Inmarsat non seulement du fait qu’elle révélerait des informations sur son modèle économique et ses capacités à ses concurrentes, mais également parce [que cette divulgation] permettrait à d’autres candidats potentiels dans d’éventuels appels d’offres ultérieurs de copier la candidature d’Inmarsat et de l’utiliser pour étayer leur propre candidature ».

49      Or, il convient de constater que ce même type de documents était en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA (T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38), qui avait pour objet une demande d’annulation de la décision de refus d’accès à l’offre du soumissionnaire retenu pour l’attribution d’un marché public de services et dans laquelle le Tribunal a jugé, au point 101 de l’arrêt en cause, qu’il existait une présomption générale selon laquelle l’accès aux offres des soumissionnaires par les autres soumissionnaires portait en principe atteinte à l’intérêt protégé.

50      À cet égard, le Tribunal a notamment jugé que l’offre déposée par la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA (T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38), était structurée de façon à répondre précisément à l’appel d’offres, reposait sur une présentation spécifique et contenait des données propres à l’entreprise qui permettaient de mettre en avant son expertise. Le Tribunal a observé que, dans ce contexte, il convenait de considérer que, de par leurs clauses particulières, la présentation retenue et l’expertise mise en avant, les offres en cause avaient trait au savoir‑faire spécifique des soumissionnaires et contribuaient à la singularité et à l’attractivité des offres de ceux‑ci dans le cadre d’appels d’offres tels que celui qui était en cause, lequel avait pour objet de sélectionner une offre au terme, notamment, d’un examen comparatif des offres déposées. Par ailleurs, il ne saurait donc être exclu que la requérante soit de nouveau en concurrence avec les autres soumissionnaires, et en particulier avec le soumissionnaire retenu, dans le cadre d’un nouvel appel d’offres portant sur des services similaires. Selon le Tribunal, l’offre des soumissionnaires, et en particulier celle du soumissionnaire retenu, ne pouvait dès lors être communiquée aux concurrents réels ou potentiels.

51      Ce même type de documents était encore en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 21 septembre 2016, Secolux/Commission (T‑363/14, EU:T:2016:521, point 52). À cet égard, le Tribunal a observé, aux points 53 et 54 de l’arrêt en cause, qu’il était évident que les documents visés par la demande d’accès en question étaient, par leur nature, susceptibles de contenir des éléments techniques et économiques confidentiels du soumissionnaire retenu pour l’attribution d’un marché public de services, notamment des informations sur les compétences et les méthodes de travail de celui‑ci, sur son savoir‑faire, sur son organisation interne, sur ses coûts et sur les prix proposés, et que c’était dès lors à bon droit que la Commission avait considéré que les documents en question étaient couverts par une présomption générale selon laquelle leur divulgation porterait en principe atteinte à la protection des intérêts commerciaux.

52      Contrairement à ce que soutient la requérante, il ne saurait être déduit de la jurisprudence rappelée aux points 49 à 51 ci‑dessus que celle‑ci ne serait applicable qu’à l’égard des demandes d’accès présentées par un soumissionnaire non retenu et ne s’appliquerait dès lors pas lorsque la demande d’accès émane, comme en l’espèce, d’un tiers qui n’a pas participé à l’appel d’offres en cause.

53      En effet, outre que la thèse soutenue par la requérante apparaît incohérente en ce qu’elle tendrait à conférer un accès plus large aux documents afférents à l’offre du soumissionnaire retenu en faveur de tiers qu’aux soumissionnaires écartés, rien dans les arrêts mentionnés aux points 49 à 51 ci‑dessus ne permet de soutenir pareille interprétation restrictive de la portée de la présomption générale de confidentialité en cause, alors qu’il est constant par ailleurs que le règlement no 1049/2001 a pour objet de rendre les documents des institutions accessibles au public en général et que les documents divulgués en application dudit règlement entrent dans le domaine public (voir arrêt du 26 avril 2016, Strack/Commission, T‑221/08, EU:T:2016:242, point 128 et jurisprudence citée), de sorte que l’accès accordé à un document demandé par un tiers, comme c’est le cas de la requérante, vaudrait en principe, de manière automatique, à l’égard de toute personne physique ou morale, qu’elle soit un soumissionnaire retenu, un soumissionnaire écarté ou un tiers.

54      La circonstance mise en avant par la requérante, selon laquelle, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA (T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38), le Tribunal avait tenu compte de la circonstance que l’institution avait divulgué certaines informations pertinentes concernant la décision d’attribution de l’appel d’offres en application du règlement financier, telles les raisons du rejet de son offre, les caractéristiques et les avantages de l’offre du soumissionnaire retenu ainsi que le nom de celui-ci, n’est pas non plus de nature à remettre en question l’application de ladite jurisprudence à la présente affaire.

55      En effet, ainsi qu’il ressort notamment du point 84 de l’arrêt du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA (T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38), les informations mentionnées au point 54 ci-dessus ont été communiquées aux seuls participants à la procédure d’appel d’offres litigieuse conformément au règlement financier et au règlement (CE, Euratom) no 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) no 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO 2002, L 357, p. 1), qui s’appliquaient dans le cadre de ladite procédure, contrairement à ce qui est le cas en l’espèce, alors qu’il est constant que les procédures définies par le règlement no 1049/2001 en matière d’accès du public aux documents et par le règlement financier en matière de marchés publics revêtent un caractère autonome (arrêt du 13 décembre 2013, European Dynamics Luxembourg et Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑165/12, EU:T:2013:646, point 43). Pareille communication n’a dès lors pas d’incidence sur la consécration de la présomption générale de confidentialité à l’égard du public dont bénéficient les offres des soumissionnaires en vertu du règlement no 1049/2001, qu’elles soient soumises au règlement financier ou non. Elle ne saurait dès lors pas non plus être invoquée en particulier pour démontrer que, comme le soutient la requérante, lorsque le règlement financier, qui énonce des restrictions à l’accès des informations prévu en faveur de certains intéressés, n’est pas applicable, la divulgation au public d’autres documents relatifs à la soumission de l’offre que ceux visés par ces restrictions serait en principe possible au titre du règlement no 1049/2001. Par ailleurs, ainsi que le Tribunal l’a, en substance, souligné dans les arrêts du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA (T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38, point 100), et du 21 septembre 2016, Secolux/Commission (T‑363/14, EU:T:2016:52, point 48), la protection des offres des soumissionnaires vis‑à‑vis des autres soumissionnaires en particulier est en cohérence avec les dispositions pertinentes du règlement financier, notamment son article 100, paragraphe 2, qui ne prévoit pas la divulgation au public des offres déposées, y compris sur demande des soumissionnaires écartés.

56      Il y a lieu d’écarter également l’argument de la requérante selon lequel il ressort de l’article 3, paragraphe 3, de la décision MSS, aux termes duquel « l’accès aux documents relatifs à la procédure de sélection comparative, y compris les candidatures, est accordé conformément au règlement […] no 1049/2001 », que les offres déposées par les soumissionnaires doivent être rendues accessibles aux tiers. Ainsi que la Commission et l’intervenante l’ont relevé à juste titre, cette disposition se borne à rappeler que la demande d’accès à ces documents est examinée sur la base du règlement no 1049/2001 sans avoir pour objectif ni pour effet de modifier la portée de ce dernier.

57      Par ailleurs, l’allégation de la requérante selon laquelle la présomption générale de confidentialité serait, en tout état de cause, limitée aux offres financières effectives et au bordereau de prix alors qu’elle ne s’applique pas aux caractéristiques et aux avantages essentiels de l’offre retenue ne trouve aucun appui dans la jurisprudence mentionnée au point 43 ci‑dessus, ainsi qu’il ressort notamment des points 53 et 54 de l’arrêt du 21 septembre 2016, Secolux/Commission (T‑363/14, EU:T:2016:521), qui énonce, au contraire, de manière générale et à juste titre, l’existence d’une présomption générale selon laquelle l’accès aux offres des soumissionnaires porterait, en principe, atteinte à l’intérêt protégé en ce que lesdites offres comportent en particulier des « éléments techniques et économiques » confidentiels du soumissionnaire retenu, lesquels vont bien au-delà des seules informations tarifaires pour s’étendre notamment à des informations relatives aux plans d’entreprise futurs, au savoir-faire, à la recherche et au développement, ou encore à des informations sur les coûts.

58      Enfin, l’argument de la requérante selon lequel, dans la mesure où la procédure de sélection s’est achevée en 2009, de sorte que plus de cinq ans se sont écoulés après la clôture de celle-ci, les documents demandés ne méritent plus d’être protégés ne saurait être retenu non plus.

59      En effet, ainsi qu’il a été relevé notamment au point 51 ci-dessus, il est évident que les documents demandés sont, par leur nature, susceptibles de contenir des éléments techniques et économiques confidentiels du soumissionnaire retenu, notamment des informations sur les compétences et les méthodes de travail de celui-ci, son savoir-faire, son organisation interne, ses coûts et les prix proposés. Par conséquent, la divulgation d’informations relatives aux méthodes de travail, au savoir-faire, aux prix spécifiques ou de toute autre information ayant une valeur commerciale et reflétée dans l’offre, même plus de cinq ans après la clôture de la procédure de sélection, serait susceptible de porter atteinte à la protection de l’expertise, de la stratégie et de la créativité d’Inmarsat, et, partant, à sa force commerciale. Il en est d’autant plus ainsi en l’espèce qu’Inmarsat n’avait pas encore lancé les services de connectivité en vol en 2017 et que l’attribution du spectre en cause en sa faveur est valable jusqu’en 2027 au moins.

60      Pareille divulgation serait également de nature à révéler la stratégie et les plans d’Inmarsat visant à fournir de nouveaux services novateurs aux clients du secteur aéronautique, en affaiblissant la concurrence entre des concurrents directs. En outre, il ne saurait être exclu qu’une nouvelle procédure de sélection en vue de l’attribution du spectre de la bande S soit lancée à l’avenir dans le cadre de laquelle la requérante figurerait comme soumissionnaire en même temps qu’Inmarsat.

61      Par ailleurs, il est de jurisprudence que la conclusion relative à l’atteinte aux intérêts commerciaux peut, compte tenu de la nature des intérêts protégés dans le cadre d’une procédure déterminée, s’imposer indépendamment de la question de savoir si la demande d’accès concerne une procédure déjà clôturée ou une procédure pendante. Ainsi, il a été jugé notamment, à propos du contrôle d’une opération de concentration, que la publication des informations sensibles concernant les activités économiques des entreprises impliquées était susceptible de porter atteinte à leurs intérêts commerciaux, indépendamment de l’existence d’une procédure pendante. En outre, la perspective d’une telle publication après la clôture de la procédure de contrôle risquerait de nuire à la disponibilité des entreprises à collaborer lorsqu’une telle procédure serait pendante. La Cour a souligné dans ce contexte que, aux termes de l’article 4, paragraphe 7, du règlement no 1049/2001, les exceptions concernant les intérêts commerciaux ou les documents sensibles peuvent s’appliquer pendant une période de 30 ans, voire au-delà de cette période si nécessaire (arrêt du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:T:2012:393, points 124 et 125). Des considérations similaires sont valables en ce qui concerne une procédure de sélection telle que celle en cause, ainsi qu’il ressort notamment du point 59 ci‑dessus, et la divulgation des informations concernées serait de nature à briser la relation de confiance devant exister entre les pouvoirs adjudicateurs et les opérateurs économiques qui participent à de telles procédures et risquerait pareillement de dissuader de potentiels soumissionnaires de participer aux appels d’offres si des informations sensibles concernant leurs activités économiques pouvaient être accessibles aux concurrents et au public en général.

62      C’est encore à juste titre que la décision attaquée se réfère dans ce contexte à l’article 339 TFUE, en ce que cette disposition et l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 protègent le secret professionnel et les intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée (arrêt du 23 novembre 2016, Commission/Stichting Greenpeace Nederland et PAN Europe, C‑673/13 P, EU:C:2016:889, point 50).

63      Par conséquent, c’est à bon droit que la Commission a considéré dans la décision attaquée que l’ensemble des documents identifiés dans ladite décision comme répondant à la demande d’accès étaient, en principe, couverts par une présomption générale selon laquelle leur divulgation porterait en principe atteinte à la protection des intérêts commerciaux malgré la circonstance que la procédure de sélection avait pris fin en 2009.

64      Enfin, force est de constater que la requérante n’a avancé aucun argument concret de nature à étayer l’argument selon lequel, par exception, certains des documents demandés n’étaient pas couverts par la présomption de confidentialité fondée sur la nature de la procédure et des informations en cause.

65      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que la Commission était en droit de considérer que l’ensemble des documents concernés relatifs à l’offre soumise par Inmarsat étaient couverts par l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux, sans procéder à un examen concret et individuel de ces documents afin d’établir que leur divulgation pourrait nuire gravement aux intérêts commerciaux d’Inmarsat, contrairement à ce que soutient la requérante.

66      Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation du dernier membre de phrase de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001

67      La requérante fait valoir premièrement que la Commission n’a pas effectué d’efforts sérieux pour identifier un intérêt public supérieur et n’a pas motivé à suffisance de droit la conclusion selon laquelle un tel intérêt faisait défaut. Selon elle, les consultations publiques organisées au niveau de certains États membres et évoquées dans la décision attaquée concernaient le nouveau projet lancé par Inmarsat en 2014 et ne permettaient dès lors pas au public de comprendre les caractéristiques essentielles du système mobile par satellite pour lequel Inmarsat avait obtenu l’accès à la bande de fréquences de 2 GHz en 2009, ni l’étendue des engagements qu’Inmarsat avait pris dans ce contexte.  

68      Deuxièmement, les documents demandés ne seraient pas, et n’auraient pas été, nécessaires pour étayer les recours que la requérante avait introduits devant le Tribunal dans l’affaire ViaSat/Commission, enregistrée sous le numéro (T‑245/17), et devant la cour d’appel de Bruxelles (Belgique). En tout état de cause, l’existence d’intérêts privés n’exclurait pas l’existence d’intérêts publics supérieurs à la divulgation des documents demandés.

69      Troisièmement, il ressortirait des termes mêmes de l’article 3, paragraphe 3, de la décision MSS que le public aurait un intérêt légitime et le droit de « connaître la procédure de sélection ».

70      Quatrièmement, même en admettant l’existence d’une présomption générale de confidentialité, celle‑ci n’exclurait pas le droit d’une partie intéressée de soutenir qu’il existerait un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document concerné en vertu de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001.

71      Cinquièmement, le principe de transparence présenterait une acuité particulière en l’espèce, ainsi qu’il ressortirait notamment des travaux préparatoires relatifs au cadre réglementaire sur l’utilisation de la bande de fréquences de 2 GHz, et, contrairement aux allégations de l’intervenante, l’intérêt public supérieur démontré par la requérante ne serait pas vague ou général.

72      Plus particulièrement, il existerait en l’espèce des circonstances particulières étayant l’existence d’un intérêt supérieur justifiant la divulgation au public de certaines informations figurant dans les documents de l’appel d’offres, qui découleraient de la combinaison de l’objectif de l’initiative d’harmonisation des MSS, des droits exclusifs d’utilisation de la bande de fréquences de 2 GHz accordés à Inmarsat, aux conditions très précises de l’appel d’offres relatif aux MSS et de la législation applicable, et du manquement réitéré d’Inmarsat à ses obligations, qui auraient empêché d’atteindre des objectifs d’intérêt public importants tels que le développement des MSS dans l’Union, notamment dans les zones rurales, et une utilisation rapide et correcte de fréquences très précieuses et rares.

73      Selon la requérante, le public a le droit d’être informé sur des questions importantes du droit de l’Union, telles que celles se rapportant à l’exécution du projet de MSS et qui présentent un grand intérêt général compte tenu des enjeux concernés et des promesses faites au public. La connaissance par les citoyens et les concurrents des activités de l’administration concernant les projets promis au public, en particulier lorsqu’une modification substantielle de la manière dont ils sont fournis serait envisagée, serait une garantie du bon fonctionnement de l’administration. La transparence envers ceux qui confèrent leur légitimité aux pouvoirs publics et leur contrôle inciteraient ces derniers à l’efficacité dans le respect de la volonté initiale des citoyens et pourrait ainsi susciter leur confiance, ce qui serait un gage de paix publique autant que de bon fonctionnement du système démocratique. Tous ces objectifs répondraient à l’objectif global visant à assurer une administration européenne ouverte, dont le législateur de l’Union aurait fait une priorité dans l’architecture des traités, et n’empiéteraient aucunement sur la mission de la Commission de contrôler l’application du droit de l’Union par le biais de la procédure en manquement comme le soulèverait à tort l’intervenante.

74      Enfin, l’affirmation de la Commission selon laquelle la transparence a été assurée au niveau des États membres conformément aux lois nationales serait sans pertinence aux fins de l’application du règlement no 1049/2001, sous peine d’ajouter illégalement une condition non prévue à celles figurant dans ce dernier.

75      La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste l’argumentation de la requérante.

76      Ainsi qu’il a été indiqué au point 44 ci-dessus, il résulte de la jurisprudence que l’application d’une présomption générale, comme la présomption d’atteinte aux intérêts commerciaux en l’espèce, n’exclut pas la possibilité de démontrer qu’il existe un intérêt public supérieur justifiant la divulgation d’un ou de plusieurs documents (arrêt du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 126).

77      Il incombe au demandeur d’invoquer de manière concrète des circonstances fondant un intérêt public supérieur qui justifie la divulgation des documents concernés (arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 94, et du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 90). En effet, c’est à ceux qui soutiennent l’existence d’un intérêt public supérieur au sens du dernier membre de phrase de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 qu’il incombe de le démontrer (arrêt du 25 septembre 2014, Spirlea/Commission, T‑306/12, EU:T:2014:816, point 97).

78      À cet égard, l’intérêt public supérieur susceptible de justifier la divulgation d’un document ne doit, certes, pas nécessairement être distinct des principes qui sous‑tendent le règlement no 1049/2001 (arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 92, et du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 92).

79      Cependant, des considérations générales ne sauraient être retenues pour justifier l’accès aux documents demandés (voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 93, et du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, point 93).

80      En réponse à la demande de la requérante d’avoir accès aux documents demandés eu égard à l’existence d’un intérêt public supérieur consistant dans le droit du public de savoir, d’une part, à quel stade se trouve la réalisation du projet en cause et, d’autre part, dans quelle mesure Inmarsat aurait dévié des conditions prévues dans la procédure de sélection, la décision attaquée indique, premièrement, que la transparence a été assurée principalement au niveau des États membres, conformément aux législations nationales, dans la mesure où la détermination des conditions applicables aux opérateurs de MSS autorisés est une prérogative des autorités nationales, y compris leurs adaptations éventuelles. Deuxièmement, la requérante serait un concurrent direct d’Inmarsat et la demande d’accès servirait avant tout l’intérêt privé de la requérante. Troisièmement, la Commission n’aurait identifié aucun intérêt public supérieur justifiant une divulgation des documents demandés, de sorte que les intérêts protégés, notamment, par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2011 prévaudraient. Quatrièmement, il en serait d’autant plus ainsi qu’il s’agirait en l’espèce de l’activité administrative de l’institution concernée. Cinquièmement, contrairement aux allégations de la requérante, l’article 3, paragraphe 3, de la décision MSS ne viserait pas à accorder une transparence accrue en ce qui concerne les candidatures soumises dans le cadre de l’appel d’offres en cause.

81      En premier lieu, il résulte des considérations qui précèdent que, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision attaquée satisfait à l’exigence de motivation en énonçant les différents motifs au soutien du refus de reconnaître l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés. Concernant plus particulièrement le reproche selon lequel la Commission n’a pas fait d’efforts sérieux pour identifier un tel intérêt public supérieur, il convient de rappeler que, comme il a été relevé au point 77 ci-dessus, c’est au demandeur qui soutient l’existence d’un intérêt public supérieur au sens du dernier membre de phrase de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001 qu’il incombe de le démontrer en invoquant des circonstances concrètes fondant un tel intérêt. Or, la Commission a considéré que tel n’avait pas été le cas.

82      En deuxième lieu, la requérante est restée en défaut de démontrer que, comme elle le soutient, le principe de transparence présentait une acuité particulière en l’espèce. Certes, l’existence d’un intérêt privé à la divulgation d’informations commerciales sensibles concernant un concurrent direct, comme c’est le cas en l’espèce, n’est pas exclusive de l’existence d’un éventuel intérêt public supérieur ayant un caractère objectif et général justifiant, partant, la divulgation (voir, en ce sens, arrêts du 12 mai 2015, Unión de Almacenistas de Hierros de España/Commission, T‑623/13, non publié, EU:T:2015:268, point 90, et du 25 octobre 2013, Beninca/Commission, T‑561/12, non publié, EU:T:2013:558, point 58), mais la Commission a pu considérer sans commettre d’erreur que l’existence d’un tel intérêt public supérieur n’avait pas pu être identifié sur la base des circonstances invoquées par la requérante.

83      En effet, si, comme l’affirme la requérante, il existe un intérêt public certain à la réalisation du projet en cause, en ce qu’il vise notamment à permettre la diffusion de communications mobiles et à haut débit dans les régions rurales et moins développées de l’Union, à contribuer au développement du marché intérieur et à améliorer la concurrence ainsi qu’à stimuler les investissements efficaces, de telles allégations générales ne sauraient suffire pour justifier à elles seules l’accès aux documents demandés au détriment de la protection des intérêts commerciaux des soumissionnaires retenus. De même, les allégations générales avancées dans ce contexte, en ce qu’elles se rapportent à l’intérêt du public et des concurrents d’Inmarsat à être informés concernant l’état d’avancement du projet de MSS, à voir aboutir ledit projet dont la réalisation présente un intérêt public majeur et à être en mesure de savoir si et dans quelle mesure les conditions initiales d’attribution ont été modifiées et mises en œuvre, ne sont pas de nature à établir concrètement que le principe de transparence présente, en l’espèce, une acuité particulière qui aurait pu primer les raisons justifiant le refus de divulgation des documents en question (voir, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2010, Suède e.a./API et Commission, C‑514/07 P, C‑528/07 P et C‑532/07 P, EU:C:2010:541, points 157 et 158). Enfin, les allégations de la requérante selon lesquelles le contrôle de l’activité de l’administration par les citoyens et les concurrents favorise une action efficace de l’administration, engendrant la confiance, qui est une garantie du bon fonctionnement du système démocratique, constituent des considérations générales ne pouvant être de nature à établir que le principe de transparence présentait concrètement en l’espèce une acuité particulière de nature à primer la protection des intérêts commerciaux d’Inmarsat (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, ClientEarth/Commission, C‑612/13 P, EU:C:2015:486, points 91 et 93)

84      En troisième lieu, c’est encore à juste titre que la Commission a rappelé dans ce contexte la jurisprudence selon laquelle l’intérêt public à la transparence n’a pas le même poids lorsqu’il s’agit de l’activité administrative de l’institution concernée, dans le cadre de laquelle s’inscrivent en l’espèce les documents demandés, que lorsque l’activité législative de celle-ci est en cause (voir, en ce sens, arrêts du 29 juin 2010, Commission/Technische Glaswerke Ilmenau, C‑139/07 P, EU:C:2010:376, point 60, et du 25 octobre 2013, Beninca/Commission, T‑561/12, non publié, EU:T:2013:558, point 64).

85      En quatrième lieu, l’existence d’un intérêt public supérieur à la divulgation des documents demandés ne découle pas non plus de la prise en compte de l’article 3, paragraphe 3, de la décision MSS, car, ainsi qu’il a été relevé au point 56 ci-dessus, ladite disposition ne fait que rappeler l’application du règlement no 1049/2001 aux documents relatifs à la procédure de sélection comparative, « y compris aux candidatures », et ne saurait être interprétée en ce sens qu’elle modifierait la portée de ce règlement de manière à ce qu’une transparence accrue soit exigée dans le cadre de l’appel d’offres relatif aux systèmes paneuropéens fournissant des MSS.

86      Eu égard aux considérations qui précèdent, et sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le bien‑fondé du motif énoncé dans la décision attaquée selon lequel une certaine transparence à l’égard du public a été assurée au niveau des États membres, il convient de conclure que la requérante n’a pas démontré l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés en vertu du dernier membre de phrase du paragraphe 2 de l’article 4 du règlement no 1049/2001, de sorte que le quatrième moyen doit être rejeté.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001

87      La requérante fait valoir, premièrement, que la Commission ne pouvait pas s’appuyer valablement sur la présomption générale de confidentialité reconnue dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 29 janvier 2013, Cosepuri/EFSA (T‑339/10 et T‑532/10, EU:T:2013:38), car, ce faisant, elle n’a pas procédé à un examen concret et individuel de chaque document afin d’apprécier la possibilité d’accorder un accès partiel à la requérante, pour le moins, notamment, aux caractéristiques essentielles du projet présenté par Inmarsat dans le cadre de l’appel d’offres relatif aux MSS et aux engagements pris par Inmarsat à cet égard.

88      Deuxièmement, l’existence d’intérêts publics supérieurs évidents justifiant la divulgation des documents demandés aurait, en tout état de cause, dû conduire la Commission à examiner sérieusement la possibilité d’accorder un accès partiel à ces documents, ainsi qu’il ressort d’une lecture combinée du dernier membre de phrase de l’article 4, paragraphe 2, et de l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001, de même que de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal.

89      Troisièmement, l’article 3, paragraphe 3, de la décision MSS militerait à tout le moins en faveur d’un accès partiel aux documents en cause.

90      Quatrièmement, toute évaluation sérieuse de la demande d’accès aurait nécessairement révélé qu’un accès partiel aux documents demandés était possible et la Commission aurait dû expurger convenablement ceux-ci afin de fournir au public un tel accès partiel. La Commission n’aurait fourni aucun motif pour ne pas être en mesure de rendre inaccessibles au public les seules parties couvertes par les exceptions invoquées, ni expliqué dans quelle mesure les autres parties des documents demandés seraient totalement privées de leur contenu ou de leur signification en cas d’occultation des informations couvertes par ladite exception. Elle n’aurait pas soutenu non plus que l’obligation de fournir un accès partiel aux documents demandés aurait entraîné une charge excessive de travail pour ses services.

91      La Commission, soutenue par l’intervenante, conteste l’argumentation de la requérante.

92      Il ressort de la décision attaquée que la Commission a envisagé la possibilité d’accorder un accès partiel aux documents demandés tout en protégeant les intérêts commerciaux d’Inmarsat pour conclure, conformément à la jurisprudence de la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 28 juin 2012, Commission/Éditions Odile Jacob, C‑404/10 P, EU:C:2012:393, point 133), que, dans la mesure où tous les documents en cause étaient couverts par une présomption générale de confidentialité, ils échappaient à l’obligation d’une divulgation, intégrale ou partielle, de leur contenu, de sorte que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’avait pas l’obligation de procéder à un examen individuel de chaque document aux fins d’un éventuel accès partiel aux informations contenues dans ces documents sous peine de priver ladite présomption de ses effets.

93      Par ailleurs, ainsi qu’il a été relevé au point 85 ci-dessus, l’article 3, paragraphe 3, de la décision MSS ne saurait être interprété en ce sens que, comme le soutient la requérante, il élargirait la portée de la divulgation au-delà des limites précises fixées dans le règlement no 1049/2001 et comporterait en particulier une obligation renforcée d’examiner la possibilité d’un accès partiel aux documents demandés, dans la mesure où ladite disposition ne fait que rappeler l’application de ce règlement également à l’égard des « candidatures » soumises, sans modifier la portée de celui-ci.

94      Par conséquent la Commission n’a pas méconnu l’article 4, paragraphe 6, du règlement no 1049/2001 en refusant un accès partiel aux documents demandés, de sorte que le cinquième moyen doit être rejeté également.

95      Au vu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé des deuxième et troisième moyens soulevés par la requérante, selon lesquels la Commission s’est fondée à tort, d’une part, sur l’exception tirée de la protection des procédures juridictionnelles en vertu de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement no 1049/2001 et, d’autre part, sur l’exception relative à la protection de la vie privée au sens de l’article 4, paragraphe 2, sous b), du même règlement, pour refuser l’accès aux documents demandés.

96      Certes, selon la jurisprudence, un même document peut effectivement entrer dans le champ d’application d’une ou de plusieurs exceptions prévues par le règlement no 1049/2001 (arrêt du 10 septembre 2008, Williams/Commission, T‑42/05, non publié, EU:T:2008:325, point 126).

97      Toutefois, il ressort de l’examen des premier, quatrième et cinquième moyens que, premièrement, la Commission n’a pas commis d’erreur en considérant que la divulgation des différents documents relatifs à l’offre du soumissionnaire retenu porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, deuxièmement, la requérante n’a pas démontré l’existence d’un intérêt public supérieur qui justifierait néanmoins de donner accès aux documents demandés et, troisièmement, la présomption générale de non-divulgation implique que les documents couverts par celle-ci échappent à l’obligation d’une divulgation même partielle de leur contenu, en application de l’article 4, paragraphe 6, du même règlement.

98      L’exception prise de l’atteinte à la protection des intérêts commerciaux justifiant ainsi à elle seule la non-divulgation des documents demandés dans leur ensemble, pour des raisons d’économie de procédure, il n’est pas nécessaire d’examiner le bien-fondé des griefs de la requérante concernant l’exception relative à la protection des procédures juridictionnelles et à la protection de la vie privée [voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 2016, Strack/Commission, T‑221/08, EU:T:2016:242, point 172 (non publié) et jurisprudence citée].

99      Eu égard à toutes les considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le recours sans qu’il soit besoin de se prononcer sur le chef de conclusions de la Commission visant à écarter les documents référencés dans les notes de bas de page du mémoire en adaptation de la requête sous la seule forme d’un lien renvoyant à un site Internet.

 Sur les dépens

100    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

101    Aux termes de l’article 137 du règlement de procédure, en cas de non‑lieu à statuer, le Tribunal règle librement les dépens.

102    En l’espèce, il y a lieu de constater que, comme le relève la requérante, le non-lieu à statuer en ce qui concerne la légalité de la décision implicite de rejet de la demande d’accès confirmative résulte de l’adoption de la décision attaquée, qui est intervenue plus de quatre mois après l’expiration du délai de réponse à la demande d’accès confirmative prévu à l’article 8, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1049/2001, et que la requérante n’avait d’autre choix, afin de sauvegarder ses droits, que d’introduire un recours en annulation à l’encontre de ladite décision implicite dans l’attente d’une éventuelle décision explicite de la Commission, dont l’adoption a amené la requérante à présenter un mémoire en adaptation de sa requête initiale.

103    Il apparaît donc approprié – et il sera fait une juste appréciation de la cause en décidant dans les circonstances de la présente affaire – que la requérante, qui a succombé en l’essentiel de ses conclusions, supporte les trois quarts des dépens, y compris de ceux exposés par l’intervenante, et que la Commission supporte un quart de ses propres dépens ainsi qu’un quart des dépens exposés par la requérante et par l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Il n’y a plus lieu de statuer sur la légalité de la décision implicite de la Commission européenne rejetant la demande confirmative de la requérante du 10 juillet 2017 d’accès à toutes les informations fournies par Inmarsat plc, Inmarsat Ventures Ltd ou ses filiales à l’occasion de leur participation à l’appel d’offres de l’Union européenne qui a donné lieu à l’adoption de la décision 2009/449/CE de la Commission, du 13 mai 2009, concernant la sélection des opérateurs de systèmes paneuropéens fournissant des services mobiles par satellite (MSS), et à tout échange d’informations à ce sujet entre Inmarsat et la Commission.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      ViaSat, Inc., est condamnée à supporter, outre trois quarts de ses propres dépens, trois quarts des dépens exposés par la Commission et par Inmarsat Ventures.

4)      La Commission est condamnée à supporter, outre un quart de ses propres dépens, un quart des dépens exposés par ViaSat et par Inmarsat Ventures.

Buttigieg

Berke

Costeira

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 mars 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.