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CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 26 septembre 2019 (1)

Affaire C785/18

GAEC Jeanningros

contre

Institut national de l’origine et de la qualité (INAO),

Ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation,

Ministre de l’Économie et des Finances,

autre partie à la procédure :

Comité interprofessionnel de gestion du Comté

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (France)]

« Recours préjudiciel – Agriculture – Protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires – Modification du cahier des charges d’un produit – Modification non mineure – Modification mineure – Demande de modification mineure devant les juridictions nationales – Jurisprudence nationale rejetant le recours en cas de décision de la Commission européenne – Dénomination d’origine protégée “Comté” »






1.        En vertu du règlement (UE) no 1151/2012 (2), les appellations d’origine protégées (AOP) doivent répondre à un cahier des charges contenant la dénomination, la description du produit, la méthode d’obtention, la définition de l’aire géographique et d’autres informations pertinentes.

2.        Ces cahiers des charges peuvent être modifiés par la voie de procédures administratives composites, analogues à celles qui régissent l’enregistrement initial des AOP, et dans lesquelles interviennent tant les autorités nationales que la Commission européenne. Leur régime est défini dans le règlement délégué (UE) no 664/2014 (3) ainsi que dans le règlement d’exécution (UE) no 668/2014 (4), et varie légèrement en fonction de l’importance de ces modifications.

3.        La demande préjudicielle formée par le Conseil d’État (France) permettra à la Cour de clarifier le rôle des juridictions appelées à contrôler la validité des décisions que prennent les autorités nationales dans ces procédures.

4.        En particulier, il convient de déterminer si, lorsque la Commission a accueilli une demande de modification « mineure » du cahier des charges d’une AOP, approuvée par les autorités d’un État membre, les juridictions de cet État doivent statuer sur les recours pendants contre les décisions nationales en vertu desquelles cette modification a été appliquée.

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

1.      Le règlement no 1151/2012

5.        Conformément à l’article 7 de ce règlement :

« 1.      Une appellation d’origine protégée ou une indication géographique protégée respecte un cahier des charges qui comporte au moins les éléments suivants :

a)      la dénomination devant être protégée en tant qu’appellation d’origine ou indication géographique [...] ;

b)      une description du produit, y compris les matières premières, le cas échéant, ainsi que les principales caractéristiques physiques, chimiques, microbiologiques ou organoleptiques du produit ;

c)      la définition de l’aire géographique délimitée [...] et, le cas échéant, les exigences indiquant le respect des conditions prévues à l’article 5, paragraphe 3 ;

d)      des éléments prouvant que le produit est originaire de l’aire géographique délimitée visée à l’article 5, paragraphes 1 ou 2 ;

e)      une description de la méthode d’obtention du produit et, le cas échéant, des méthodes locales, loyales et constantes, ainsi que des informations relatives au conditionnement [...] ;

f)      les éléments établissant :

i)      le lien entre la qualité ou les caractéristiques du produit et le milieu géographique visé à l’article 5, paragraphe 1 ; ou

ii)      le cas échéant, le lien entre une qualité déterminée, la réputation ou une autre caractéristique du produit et l’origine géographique visée à l’article 5, paragraphe 2 ;

[...]

h)      toute règle spécifique d’étiquetage pour le produit en question.

[...] »

6.        L’article 49, paragraphe 4, deuxième alinéa, dudit règlement prévoit :

« L’État membre veille à ce que sa décision favorable soit portée à la connaissance du public et à ce que toute personne physique ou morale ayant un intérêt légitime dispose de voies de recours. »

7.        L’article 53 du même règlement dispose :

« 1.      Un groupement ayant un intérêt légitime peut demander l’approbation d’une modification du cahier des charges d’un produit.

La demande décrit les modifications sollicitées et les justifie.

2.      Lorsque la modification entraîne une ou plusieurs modifications du cahier des charges qui ne sont pas mineures, la demande de modification est soumise à la procédure établie aux articles 49 à 52.

Toutefois, si les modifications proposées sont mineures, la Commission approuve ou rejette la demande. En cas d’approbation de modifications impliquant un changement des éléments visés à l’article 50, paragraphe 2, la Commission publie ces éléments au Journal officiel de l’Union européenne.

Pour qu’une modification soit considérée comme mineure dans le cas du système de qualité décrit au titre II, elle ne doit pas :

a)      avoir trait aux caractéristiques essentielles du produit ;

b)      altérer le lien visé à l’article 7, paragraphe 1, point f), i) ou ii) ;

c)      comporter un changement en tout ou en partie de la dénomination du produit ;

d)      affecter l’aire géographique délimitée ; ou

e)      entraîner des restrictions supplémentaires en ce qui concerne la commercialisation du produit ou de ses matières premières.

[...] »

2.      Le règlement délégué no 664/2014

8.        L’article 6 (« Modifications du cahier des charges d’un produit »), paragraphe 2, de ce règlement délégué dispose :

« Les demandes de modification mineure d’un cahier des charges relatif à des appellations d’origine protégées ou à des indications géographiques protégées sont présentées aux autorités de l’État membre dans lequel se situe l’aire géographique d’appellation ou de l’indication. [...]

La demande de modification mineure ne propose que des modifications mineures au sens de l’article 53, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1151/2012. Elle décrit ces modifications mineures, fournit un résumé du motif pour lequel une modification est nécessaire et démontre que les modifications proposées peuvent être qualifiées de mineures conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1151/2012. Elle compare, pour chaque modification, le cahier des charges initiales et, le cas échéant, le document unique initial avec la version modifiée proposée. La demande est autonome et contient l’ensemble des modifications apportées au cahier des charges et, le cas échéant, au document unique pour lesquelles une approbation est demandée.

Les modifications mineures visées à l’article 53, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement (UE) no 1151/2012 sont réputées approuvées si la Commission ne communique aucune information contraire au demandeur dans les trois mois suivant la réception de la demande.

Une demande de modification mineure qui ne respecte pas les dispositions du deuxième alinéa du présent paragraphe est irrecevable. L’approbation tacite visée au troisième alinéa du présent paragraphe ne s’applique pas à ce type de demandes. La Commission informe le demandeur, dans un délai de trois mois à compter de la réception de la demande, si cette dernière est réputée irrecevable.

La Commission rend publique la modification mineure approuvée qui a été apportée à un cahier des charges et n’implique pas une modification des éléments visés à l’article 50, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1151/2012. »

3.      Le règlement d’exécution no 668/2014

9.        L’article 10 (« Exigences procédurales applicables aux modifications d’un cahier des charges ») de ce règlement d’exécution est libellé comme suit :

« 1.      Lorsque les demandes d’approbation d’une modification du cahier des charges pour des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées concernent une modification qui n’est pas mineure, ces demandes sont établies conformément au formulaire figurant à l’annexe V. Ces demandes sont remplies conformément aux exigences énoncées à l’article 8 du règlement (UE) no 1151/2012. Le document unique modifié est établi conformément au formulaire figurant à l’annexe I du présent règlement. La référence à la publication du cahier des charges dans le document unique modifié renvoie à la version mise à jour du cahier des charges proposé.

[...]

2.      Les demandes d’approbation d’une modification mineure visée à l’article 53, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement (UE) no 1151/2012 sont établies conformément au formulaire figurant à l’annexe VII du présent règlement.

Les demandes d’approbation d’une modification mineure concernant des appellations d’origine protégées ou des indications géographiques protégées sont accompagnées du document unique mis à jour, si celui‑ci est modifié, qui est établi conformément au formulaire figurant à l’annexe I. La référence à la publication du cahier des charges dans le document unique modifié renvoie à la version mise à jour du cahier des charges proposé.

Pour les demandes émanant de l’Union, les États membres incluent une déclaration précisant qu’ils estiment que la demande remplit les conditions du règlement (UE) no 1151/2012 et des dispositions arrêtées en vertu de celui‑ci, ainsi que la référence à la publication du cahier des charges mis à jour. Les demandes de modification mineure dans les cas visés à l’article 6, paragraphe 2, cinquième alinéa, du règlement délégué (UE) no 664/2014 contiennent la référence à la publication du cahier des charges mis à jour, pour les demandes émanant des États membres, et le cahier des charges mis à jour, pour les demandes émanant des pays tiers.

[...] »

B.      Le droit français – l’arrêté du 8 septembre 2017

10.      Aux termes de l’article 1er  de l’arrêté du 8 septembre 2017 relatif à la modification du cahier des charges de l’AOP « Comté » (5):

« Le cahier des charges de l’appellation d’origine protégée “Comté”, tel que modifié sur proposition de la commission permanente du comité national des appellations laitières, agroalimentaires et forestières de l’Institut national de l’origine et de la qualité est homologué en vue de sa transmission à la Commission européenne. »

11.      L’article 2 de l’arrêté du 8 septembre 2017 dispose :

« Le présent arrêté est applicable à compter de la date d’approbation des modifications du cahier des charges de l’appellation d’origine protégée “Comté” par la Commission européenne.

La date d’approbation des modifications par la Commission européenne sera portée à la connaissance du public par avis publié au Bulletin officiel du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, accompagné le cas échéant de la version approuvée du cahier des charges. »

II.    Le litige au principal et la question préjudicielle

12.      Le 16 novembre 2017, le groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) Jeanningros a contesté devant le Conseil d’État l’arrêté du 8 septembre 2017, en demandant l’annulation de la clause 5.1.18 du cahier des charges modifié, qui interdit les « robots de traite ».

13.      Par décision du 1er juin 2018, la Commission a approuvé la modification mineure du cahier des charges de l’AOP « Comté » (6) conformément à l’article 53, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1151/2012, et en tenant compte de l’article 6, paragraphe 2, troisième alinéa, du règlement délégué no 664/2014.

14.      Le Conseil d’État se demande s’il doit se prononcer sur le recours formé contre l’arrêté du 8 septembre 2017, toujours pendant, ou, au contraire, juger que celui‑ci est devenu sans objet, comme il l’a fait dans d’autres affaires (7).

15.      La position adoptée jusqu’à présent par la juridiction de renvoi est que, lorsqu’elle est saisie d’un recours visant une décision par laquelle le gouvernement français transmet à la Commission une demande d’enregistrement d’une AOP accompagnée du cahier des charges approuvé et que, au moment de prononcer son arrêt, la Commission a déjà inscrit cette dénomination au registre (8), ce recours devient sans objet.

16.      En vertu de cette jurisprudence, le Conseil d’État n’examinera pas la légalité du cahier des charges consigné par la Commission, même si, comme c’est le cas en l’espèce, la décision nationale sur laquelle il est fondé a été attaquée. Il en va de même en cas de changements mineurs.

17.      La juridiction de renvoi se demande si cette façon de procéder est conforme au droit de l’Union ou si, au contraire, compte tenu de l’incidence que pourrait avoir une éventuelle annulation de l’acte national attaqué sur la validité de l’enregistrement effectué par la Commission, elle doit se prononcer sur la légalité de cet acte.

18.      Ses doutes ont conduit le Conseil d’État à saisir la Cour de la question préjudicielle suivante :

« L’article 53 du [règlement no 1151/2012], l’article 6 du [règlement délégué no 664/2014] et l’article 10 du [règlement d’exécution no 668/2014] en lien avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent‑ils être interprétés, en ce sens que, dans l’hypothèse particulière où la Commission européenne a fait droit à la demande des autorités nationales d’un État membre tendant à la modification du cahier des charges d’une dénomination et à l’enregistrement de l’appellation d’origine contrôlée, alors que cette demande fait encore l’objet d’un recours pendant devant les juridictions nationales de cet État, celles‑ci peuvent décider qu’il n’y a plus lieu de statuer sur le litige pendant devant elle ou si, compte tenu des effets attachés à une annulation éventuelle de l’acte attaqué sur la validité de l’enregistrement par la Commission européenne, elles doivent se prononcer sur la légalité de cet acte des autorités nationales ? »

19.      Le gouvernement français et la Commission ont présenté des observations écrites dans le cadre de la procédure préjudicielle. La Cour a décidé de statuer sur l’affaire sans ouvrir la procédure orale.

III. Analyse

20.      Pour répondre à la question préjudicielle, il me paraît opportun d’analyser au préalable, d’une part, le système des procédures administratives prévues pour la modification du cahier des charges des AOP et, d’autre part, les modalités de leur contrôle juridictionnel.

A.      Les procédures de modification des cahiers des charges des AOP

21.      La modification du cahier des charges d’une AOP, comme son enregistrement, fait l’objet d’une procédure administrative composite, faisant intervenir les autorités compétentes de l’État membre et la Commission. C’est ce que souligne le considérant 58 du règlement no 1151/2012 (9).

22.      L’article 53, paragraphe 2, du règlement no 1151/2012 distingue deux types de modifications, à savoir les modifications « qui ne sont pas mineures » et les modifications mineures.

23.      Les modifications qui ne sont pas mineures sont celles qui :

–        ont trait aux caractéristiques essentielles du produit ;

–        altèrent le lien entre la qualité ou les caractéristiques du produit et le milieu géographique, ou le lien entre une qualité déterminée, la réputation ou une autre caractéristique du produit et son origine géographique [article 7, paragraphe 1, sous f), i) ou ii), du règlement no 1151/2012] ;

–        comportent un changement en tout ou en partie de la dénomination du produit ;

–        affectent l’aire géographique délimitée, et

–        entraînent des restrictions supplémentaires en ce qui concerne la commercialisation du produit ou de ses matières premières.

24.      Les modifications mineures sont celles que l’article 53, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1151/2012 considère comme n’étant pas non mineures.

25.      Parallèlement, l’article 53, paragraphe 2, du règlement no 1151/2012 prévoit deux procédures pour le traitement des modifications du cahier des charges. Pour celles qui ne sont pas mineures, il renvoie aux articles 49 à 52 (c’est‑à‑dire la procédure applicable à l’enregistrement des AOP) ; pour celles qui le sont, il introduit une procédure simplifiée.

1.      La procédure (ordinaire) pour les modifications du cahier des charges dune AOP qui ne sont pas mineures

26.      La procédure d’enregistrement des AOP régit donc les modifications du cahier des charges qui ne sont pas mineures (10). Il s’agit d’une première étape qui commence (article 49, paragraphe 2, du règlement no 1151/2012) par la demande d’enregistrement de l’AOP, présentée par un groupement de producteurs aux autorités de l’État membre dans lequel l’aire de production est géographiquement située.

27.      Ces autorités doivent examiner la demande par les moyens appropriés afin de vérifier qu’elle est justifiée et qu’elle remplit les conditions de fond fixées par ledit règlement. L’État membre doit garantir une publicité suffisante de la demande, ainsi qu’une période raisonnable pendant laquelle toute personne physique ou morale ayant un intérêt légitime et établie ou résidant sur son territoire peut déclarer son opposition à la demande (11).

28.      Les autorités nationales évalueront les oppositions reçues et décideront si la demande satisfait aux exigences du règlement no 1151/2012. Si leur évaluation est positive, elles rendent une décision et doivent veiller à ce que la version du cahier des charges sur laquelle elles ont fondé leur décision favorable soit publiée et soit accessible par voie électronique.

29.      L’article 49, paragraphe 4, du règlement no 1151/2012 est particulièrement pertinent à ce stade ; il dispose que « [l]’État membre veille à ce que sa décision favorable soit portée à la connaissance du public et à ce que toute personne physique ou morale ayant un intérêt légitime dispose de voies de recours ».

30.      Si la décision de l’autorité nationale compétente est favorable, la phase nationale aboutit à l’envoi du dossier à la Commission, qui est également informée des oppositions recevables déposées (12).

31.      La phase « européenne » de cette procédure commence par l’examen que doit effectuer la Commission une fois qu’elle a reçu la décision nationale, pour vérifier que la demande est justifiée et remplit les conditions prévues pour les AOP. Si, à l’issue de cet examen (qui ne devrait pas durer plus de six mois), la Commission est disposée à accepter la demande (13), elle publie au Journal officiel de l’Union européenne le document unique et la référence à la publication du cahier des charges du produit (14).

32.      À la suite de la publication au Journal officiel de l’Union européenne, l’article 51 du règlement no 1151/2012 prévoit que les autorités d’un État membre ou d’un pays tiers ou une personne physique ou morale ayant un intérêt légitime et étant établie dans un pays tiers peuvent déposer un acte d’opposition (15). La Commission transmet sans délai l’acte d’opposition à l’autorité ou l’organisme qui avait déposé la demande (16) et, si l’opposition est confirmée, une procédure est engagée (17).

33.      Si la Commission ne reçoit aucun acte d’opposition (ou aucune déclaration d’opposition motivée recevable), elle enregistre les modifications du cahier des charges qui ne sont pas mineures, sans appliquer la procédure visée à l’article 57, paragraphe 2, du règlement no 1151/2012.

34.      La Commission procède de la même façon si, après avoir reçu une déclaration d’opposition motivée recevable, un accord a été trouvé à la suite des consultations visées à l’article 51, paragraphe 3, du règlement no 1151/2012. Si aucun accord n’a été trouvé, la Commission adopte les actes d’exécution en vue de l’enregistrement ou de la modification du cahier des charges de l’AOP qui n’est pas mineure, conformément à la procédure visée à l’article 57, paragraphe 2, du règlement no 1151/2012 (18).

35.      En tout état de cause, les actes relatifs à des modifications d’une AOP qui ne sont pas mineures, ainsi que les décisions de rejet, sont publiés au Journal officiel de l’Union européenne (19).

2.      La procédure (simplifiée) pour les modifications mineures du cahier des charges dune AOP

36.      Le règlement no 1151/2012 a régi de manière très succincte cette procédure simplifiée. L’article 53, paragraphe 2, deuxième alinéa, de ce règlement s’est borné à prévoir que « si les modifications proposées sont mineures, la Commission approuve ou rejette la demande ». Il y est ajouté que, en cas d’approbation de la modification du document unique ou du cahier des charges de l’AOP, la Commission la publie au Journal officiel de l’Union européenne.

37.      Le règlement délégué no 664/2014 a développé cette procédure simplifiée en la rapprochant de la procédure ordinaire dans son article 6, paragraphe 2. Selon le libellé de cette disposition, les modifications mineures, premièrement, doivent être présentées aux autorités de l’État membre dans lequel se situe l’aire géographique d’appellation, deuxièmement, doivent décrire ces modifications, en expliquant pourquoi elles sont considérées comme mineures, et les comparer avec le texte initial, troisièmement, il n’est pas prévu de procédure nationale d’opposition en ce qui les concerne, contrairement à ce qui se produit lors de la procédure ordinaire (20).

38.      Enfin, l’article 6, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement délégué no 664/2014 prévoit que, si l’État membre estime que les conditions figurant dans le règlement no 1151/2012 et dans les dispositions adoptées en vertu dudit règlement sont remplies, il peut présenter un dossier de demande de modification mineure du cahier des charges de l’AOP auprès de la Commission.

39.      La phase « européenne » de cette procédure est également simplifiée. Il n’existe pas de procédure d’opposition à ce niveau et la Commission a le pouvoir de décision, qui peut être explicite ou présumé (les modifications mineures sont réputées approuvées si la Commission ne communique aucune information contraire au demandeur dans les trois mois suivant la réception de la demande) (21). Si la Commission estime la demande irrecevable, elle doit en informer le demandeur dans un délai de trois mois à compter de sa réception. Si elle l’approuve, la Commission doit rendre publiques les modifications mineures apportées au cahier des charges d’une AOP.

B.      Le contrôle juridictionnel des décisions prises dans le cadre d’une procédure de modification du cahier des charges d’une AOP

40.      Les procédures tant ordinaires que simplifiées sont, comme on vient de l’expliquer, des procédures administratives composites, impliquant successivement les autorités nationales et la Commission.

41.      Ce type de procédures composites est réglementé au cas par cas en droit de l’Union (22) et a fait l’objet d’études approfondies en doctrine, eu égard aux nombreuses questions juridiques qu’elles soulèvent (23).

42.      Le contrôle juridictionnel des décisions prises dans le cadre de ces procédures a été abordé par la Cour, également au cas par cas et de manière non exhaustive (24), bien que plusieurs affaires récentes, dans le domaine de l’union bancaire, contribuent à façonner sa jurisprudence (25).

43.      Dans mes conclusions présentées dans l’affaire Berlusconi et Fininvest, j’ai analysé la jurisprudence de la Cour de justice sur les procédures administratives composites de l’Union, en distinguant selon que le pouvoir décisionnel est entre les mains des autorités nationales ou des institutions de l’Union (26).

44.      Dans son arrêt Berlusconi et Fininvest, la Cour a jugé, en substance, que l’article 263 TFUE s’oppose à ce que les juridictions nationales exercent un contrôle de la légalité des actes d’ouverture, préparatoires et de proposition non contraignante mis en œuvre par les autorités nationales compétentes dans le cadre de la procédure administrative composite d’autorisation en vue de l’acquisition ou de l’augmentation d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit. Cette déclaration reposait pour sa part sur deux prémisses :

–        lorsque les actes des autorités nationales sont une étape de la procédure dans laquelle une institution de l’Union exerce, seule, le pouvoir décisionnel final, sans être liée par des actes préparatoires ou les propositions émanant des autorités nationales, les actes sont qualifiés d’actes de l’Union (27) ;

–        lorsque le droit de l’Union consacre le pouvoir décisionnel exclusif d’une institution de l’Union, il revient au juge de l’Union, en vertu de la compétence exclusive que lui confère l’article 263 TFUE, de statuer sur la légalité de la décision finale prise par l’institution de l’Union. Il appartient aux seules juridictions de l’Union d’examiner, afin d’assurer une protection juridictionnelle effective des intéressés, les éventuels vices entachant les actes préparatoires ou les propositions émanant des autorités nationales qui seraient de nature à affecter la validité de cette décision finale (28).

45.      Comme je l’ai exposé dans mes conclusions dans l’affaire Berlusconi et Fininvest (29), dans les procédures administratives composites, dans lesquelles participent des autorités nationales et de l’Union, l’exercice du pouvoir de décision finale est l’élément crucial pour déterminer si le contrôle juridictionnel doit être exercé par le juge de l’Union ou par les juridictions nationales. Lorsque le pouvoir de décision appartient à un organe de l’Union, le contrôle juridictionnel est exercé par le juge de l’Union conformément à l’article 263 TFUE. Si l’autorité nationale dispose d’un pouvoir de décision spécifique, les juridictions nationales sont compétentes pour contrôler la légalité de ses actes (30).

46.      Les autorités nationales disposent-elles d’un pouvoir décisionnel propre lors de la première étape de la procédure consistant en une modification mineure du cahier des charges d’une AOP ? Si tel était le cas, le contrôle juridictionnel de cette décision interne relèverait des juridictions nationales, que la Commission ait ou non adopté la décision d’inscrire la modification dans la seconde phase de la procédure.

47.      Pour répondre à cette question, il convient de se référer à la jurisprudence de la Cour relative aux procédures d’enregistrement des AOP (31). Comme je l’expliquerai ci‑dessous, il ressort selon moi de cette jurisprudence que les autorités de l’État membre concerné disposent d’un pouvoir de décision spécifique et autonome lors de la phase nationale de la procédure.

48.      Selon la Cour, dans le cadre de la procédure ordinaire d’enregistrement d’une AOP :

–        « il y a [...] un partage des compétences entre l’État membre concerné et la Commission. En effet, qu’il s’agisse d’un enregistrement suivant la procédure normale ou suivant la procédure simplifiée, l’enregistrement ne peut avoir lieu que si l’État membre concerné a fait une demande à cet égard et a communiqué un cahier des charges et les informations nécessaires pour l’enregistrement » (32) ;

–        « un État membre auquel une demande d’enregistrement est adressée dans le cadre de la procédure normale, doit vérifier que cette demande est justifiée et, lorsqu’il estime que les exigences du règlement no 2081/92 sont remplies, la transmettre à la Commission. Par ailleurs [...], la Commission ne procède qu’à un simple examen formel pour vérifier si lesdites exigences sont remplies » (33).

49.      La Cour en déduit que « la décision d’enregistrer une dénomination en tant qu’AOP [...] ne peut être prise par la Commission que si l’État membre concerné lui a soumis une demande à cette fin et qu’une telle demande ne peut être faite que si l’État membre a vérifié qu’elle est justifiée. Ce système de partage des compétences s’explique notamment par le fait que l’enregistrement présuppose la vérification de la réunion qu’un certain nombre de conditions sont réunies, ce qui exige, dans une large mesure, des connaissances approfondies d’éléments particuliers à l’État membre concerné, éléments que les autorités compétentes de cet État sont les mieux placées pour vérifier » (34).

50.      J’estime que cette jurisprudence sur la procédure d’enregistrement d’une AOP peut être transposée à la procédure ordinaire prévue pour les modifications du cahier des charges qui ne sont pas mineures : comme je l’ai déjà expliqué, l’article 53, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement no 1151/2012 renvoie aux articles 49 à 52 dudit règlement, qui traitent précisément de la procédure d’enregistrement.

51.      Je considère qu’elle peut être également transposée à la procédure simplifiée, puisque l’article 6, paragraphe 2, du règlement délégué no 664/2014 l’a traitée de la même manière que la procédure ordinaire (qui est elle‑même celle qui est envisagée pour l’enregistrement des AOP), bien qu’en ayant supprimé les procédures d’opposition dans les deux phases.

52.      La jurisprudence citée concernait la procédure ordinaire d’enregistrement des AOP, introduite par le règlement no 2081/92, qui a précédé l’actuel (articles 49 à 52 du règlement no 1151/2012). Elle portait également, comme je l’ai dit, sur la procédure prévue à l’ancien article 17 dudit règlement, à savoir la procédure simplifiée et transitoire d’enregistrement dans l’Union des AOP existantes, protégées ou consacrées par l’usage dans les États membres (35).

53.      Ces procédures comportaient également une phase nationale et une phase européenne, de même nature que les procédures actuelles d’enregistrement et de modification des cahiers des charges des AOP. Je répète donc que l’on peut transposer aux modifications mineures du cahier des charges d’une AOP la jurisprudence de la Cour qui les a analysées.

54.      Selon cette jurisprudence, l’autorité nationale a le contrôle de la procédure relative à une modification mineure, ce qui se justifie notamment (36) par les raisons suivantes :

–        les groupements de producteurs doivent engager cette procédure devant l’autorité nationale compétente de l’État membre sur le territoire duquel l’AOP est située. Ces groupements ne peuvent pas présenter directement leur demande à la Commission ;

–        les autorités nationales doivent vérifier la compatibilité de la demande avec les conditions de fond du règlement no 1151/2012, puisque ce sont elles qui disposent des connaissances plus approfondies pour vérifier les particularités de ces modifications mineures ;

–        l’autorité de l’État membre est compétente pour approuver ou rejeter la demande de modification mineure au niveau national. C’est donc elle qui détient la clé pour ouvrir ou non l’étape ultérieure de la procédure en transmettant la demande à la Commission. Sans décision favorable de l’autorité nationale, la Commission ne peut pas intervenir ;

–        la Commission vérifie si la demande de modification mineure est conforme au règlement no 1151/2012, au règlement délégué no 664/2014 et au règlement d’application no 668/2014, c’est‑à‑dire si elle contient les éléments requis et n’est pas entachée d’erreurs manifestes (37) ;

–        l’autorité nationale conserve la possibilité de retirer la demande présentée à la Commission avant que celle‑ci ne l’enregistre.

55.      Il ressort de ces attributions que l’autorité nationale dispose d’un large pouvoir décisionnel autonome au stade national de la procédure relative à une modification mineure du cahier des charges d’une AOP (38). Ce pouvoir est uniquement soumis au contrôle des juridictions nationales, étant entendu qu’il appartient à la Cour de contrôler les décisions de la Commission au stade européen de la procédure (39).

56.      Cette affirmation est corroborée par l’article 49, paragraphe 4, du règlement no 1151/2012, auquel je me suis référé précédemment (40). En effet, le législateur de l’Union a spécifiquement prévu dans la règle de base elle‑même que toute personne physique ou morale ayant un intérêt légitime doit disposer « de voies de recours » à l’encontre d’une décision des autorités de l’État membre favorable à la modification du cahier des charges.

57.      Certes, ce recours – qui, en tout état de cause, sera introduit devant les juridictions nationales – est expressément prévu pour les décisions relatives à des modifications non mineures du cahier des charges d’une AOP. Néanmoins, comme les procédures régissant ces modifications sont proches de celles applicables aux modifications mineures, je crois que le droit de former un recours s’étend également à ces dernières.

58.      Les décisions des autorités nationales sur ces modifications mineures échappent à la compétence exclusive du juge de l’Union, en tant qu’il s’agit d’actes autonomes qui sont indispensables pour que la Commission puisse se prononcer ultérieurement sur ceux‑ci. En réalité, d’un point de vue matériel et compte tenu de la marge d’appréciation très limitée dont jouit la Commission à cet égard, ce sont les décisions des autorités nationales qui ont véritablement pris en compte tous les éléments justifiant l’approbation de ces modifications des cahiers des charges.

59.      Selon la jurisprudence de la Cour, c’est aux juridictions nationales de connaître des irrégularités dont un tel acte national serait éventuellement entaché, en saisissant le cas échéant la Cour à titre préjudiciel, dans les mêmes conditions de contrôle que celles réservées à tout acte définitif qui, pris par la même autorité nationale, est susceptible de faire grief à des tiers, et de considérer d’ailleurs, au nom du principe de protection juridictionnelle effective, comme recevable le recours introduit à cette fin quand bien même les règles de procédure nationales ne le prévoiraient pas (41).

C.      Incidence de ces considérations sur la procédure au principal

60.      Les parties sont en litige, devant le Conseil d’État, sur une modification mineure du cahier des charges de l’AOP « Comté ». Il est constant que la nouvelle clause litigieuse (numéro 5.1.18), qui introduit une interdiction des robots de traite, est de nature mineure.

61.      En substance, la juridiction de renvoi souhaite savoir si les règlements précités et l’article 47 de la Charte l’autorisent à confirmer sa jurisprudence antérieure (lui permettant de ne plus statuer sur les recours pendants une fois que la Commission a approuvé la modification) ou l’obligent à corriger celle‑ci.

62.      Les considérations que j’ai exposées ci‑dessus, fondées sur la jurisprudence de la Cour au sujet des procédures d’enregistrement des AOP, ainsi que sur les dispositions qui les régissent (en portant une attention particulière sur l’article 49, paragraphe 4, du règlement no 1151/2012), m’amènent à défendre la seconde de ces deux positions.

63.      Il m’apparaît à cet égard que ne pas statuer sur un recours formé par des personnes ayant qualité pour agir, dans le cas de modifications mineures du cahier des charges d’une AOP, serait incompatible avec le droit accordé aux personnes concernées par le règlement no 1151/2012 et avec la jurisprudence de la Cour concernant les procédures composites d’enregistrement des AOP. De même, une telle solution ne respecterait pas l’article 47 de la Charte.

64.      L’on répond en réalité ainsi à la question préjudicielle, puisque la juridiction de renvoi la concentre sur le point de savoir si elle est obligée ou non de statuer sur le recours, plutôt que sur les conséquences que son arrêt pourrait avoir sur les décisions déjà prises par la Commission. J’examinerai néanmoins également ce dernier aspect.

65.      Selon moi, l’annulation de l’acte national, par lequel la modification mineure a été approuvée aux fins d’être transmise à la Commission, aurait pour conséquence, sous l’effet d’une réaction en chaîne, que la décision de la Commission perdrait elle‑même sa base juridique.

66.      Afin d’éviter une telle répercussion indésirable, il conviendrait que la Commission suspende le traitement de la phase de la procédure dont elle est saisie, lorsque des recours sont pendants devant les juridictions nationales contre la décision de l’autorité nationale qui a approuvé la modification mineure du cahier des charges (42). Une telle modalité aurait le mérite d’assurer un meilleur respect, d’une part, du droit des requérants à la protection juridictionnelle et, d’autre part, de la sécurité juridique, en évitant que les décisions de la Commission ne soient privées a posteriori de leur base juridique (43).

67.      L’obligation de garantir l’effet utile de la protection juridictionnelle des personnes qui ont saisi les juridictions nationales en tirant leur qualité pour agir d’une règle de droit de l’Union, de même, peut-être que du principe de bonne administration (44), devraient conduire la Commission à prendre en compte, dans son appréciation des demandes, le fait que des recours contre la décision nationale sont pendants devant les juridictions de l’État membre (45).

68.      Dans le même ordre d’idées, les autorités nationales ne devraient pas saisir la Commission d’une demande de modification mineure du cahier des charges d’une AOP si des recours sont pendants devant les juridictions nationales contre leur décision d’approbation, ou, a fortiori, si un arrêt d’annulation a été rendu par une juridiction nationale, même si celui‑ci n’est pas définitif.

69.      En résumé, tant lorsqu’elle a connaissance de l’existence de recours juridictionnels pendants contre la décision nationale d’approbation, que lorsqu’il existe des arrêts qui invalident en tout ou en partie ladite décision, la Commission devrait s’abstenir de traiter une demande de modification mineure du cahier des charges d’une AOP. Dans le cas contraire, l’éventuelle annulation de cette décision nationale par un jugement définitif des juridictions de l’État membre, qui conservent l’obligation de statuer sur les recours pendants devant elles, se traduirait par la perte soudaine de validité de la décision de la Commission elle‑même.

IV.    Conclusion

70.      Eu égard aux considérations exposées, je propose à la Cour d’apporter la réponse suivante à la question préjudicielle posée par le Conseil d’État (France) :

L’article 49, paragraphe 4, et l’article 53, paragraphe 2, du règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 21 novembre 2012, relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires, et l’article 6 du règlement délégué (UE) no 664/2014 de la Commission, du 18 décembre 2013, complétant le règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’établissement des symboles de l’Union pour les appellations d’origine protégées, les indications géographiques protégées et les spécialités traditionnelles garanties et en ce qui concerne certaines règles relatives à la provenance, certaines règles procédurales et certaines règles transitoires supplémentaires, lus en combinaison avec l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doivent être interprétés en ce sens que les juridictions nationales ne peuvent pas décider qu’il n’y a plus lieu de statuer sur les litiges pendants devant elles contre des décisions de l’autorité nationale relatives à des modifications mineures du cahier des charges d’une appellation d’origine protégée au motif que la Commission a accueilli et publié la demande de modification au Journal officiel de l’Union européenne alors que ces recours étaient pendants.


1      Langue originale : l’espagnol.


2      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 21 novembre 2012 relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO 2012, L 343, p. 1).


3      Règlement délégué de la Commission du 18 décembre 2013 complétant le règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne l’établissement des symboles de l’Union pour les appellations d’origine protégées, les indications géographiques protégées et les spécialités traditionnelles garanties et en ce qui concerne certaines règles relatives à la provenance, certaines règles procédurales et certaines règles transitoires supplémentaires (JO 2014, L 179, p. 17).


4      Règlement d’exécution de la Commission du 13 juin 2014 portant modalités d’application du règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO 2014, L 179, p. 36).


5      Arrêté du ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation et du ministre de l’Économie et des Finances relatif à la modification du cahier des charges et de l’appellation d’origine protégée « Comté » (JORF no 217 du 16 septembre 2017, ci‑après l’« arrêté du 8 septembre 2017 »).


6      Publication d’une demande d’approbation d’une modification mineure conformément à l’article 53, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement (UE) no 1151/2012 du Parlement européen et du Conseil relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaires (JO 2018, C 187, p. 7).


7      Conseil d’État, « Syndicat de défense et de promotion des fabricants et affineurs du Morbier », 5 novembre 2003, req. no 0230438.


8      Le registre des appellations d’origine protégées et des indications géographiques protégées est prévu à l’article 11, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012. Il est accessible à l’adresse suivante : http://ec.europa.eu/agriculture/quality/door/list.html.


9      « Afin de veiller à ce que les dénominations enregistrées des appellations d’origine et indications géographiques et des spécialités traditionnelles garanties satisfassent aux conditions établies par le présent règlement, il convient que l’examen des demandes soit effectué par les autorités nationales de l’État membre concerné, dans le respect de dispositions communes minimales incluant une procédure nationale d’opposition. Il convient que la Commission procède ensuite à un examen approfondi des demandes afin de s’assurer qu’elles ne comportent pas d’erreurs manifestes et qu’elles ont tenu compte du droit de l’Union et des intérêts des parties prenantes en dehors de l’État membre de demande. »


10      L’article 7 du règlement délégué no 664/2014 étend également cette procédure ordinaire aux cas d’annulation de l’enregistrement d’une AOP, lorsque le respect des conditions du cahier des charges n’est pas assuré ou qu’aucun produit n’a été mis sur le marché sous l’AOP pendant au moins sept ans.


11      Article 49, paragraphe 3, du règlement no 1151/2012.


12      C’est-à-dire celles émanant d’une personne physique ou morale ayant légalement commercialisé les produits en question en utilisant les dénominations concernées de façon continue pendant au moins cinq ans précédant la date de publication (article 49, paragraphe 4, du règlement no 1151/2012).


13      Si la Commission rejette la demande au motif que les conditions ne sont pas remplies, elle adopte les actes d’exécution pertinents pour rejeter la demande (article 52, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012).


14      Article 50, paragraphes 1 et 2, du règlement no 1151/2012.


15      Cette notification doit en tout état de cause contenir une déclaration selon laquelle la demande pourrait enfreindre les conditions fixées dans le règlement pour les modifications du cahier des charges qui ne sont pas mineures.


16      Article 51, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012.


17      La notification d’opposition doit être accompagnée, dans un délai de deux mois, d’une déclaration d’opposition motivée, dont la Commission examine la recevabilité. Si elle la juge recevable, la Commission invite l’autorité ou la personne à l’origine de l’opposition et l’autorité ou l’organisme qui a déposé la demande à engager des consultations appropriées pendant une période de temps raisonnable ne dépassant pas trois mois.


18      Article 52, paragraphes 2 et 3, du règlement no 1151/2012.


19      Article 52, paragraphe 4, du règlement no 1151/2012.


20      Toutefois, si la demande de modification mineure d’un cahier des charges n’émane pas du groupement qui a présenté la demande d’enregistrement de la ou des dénominations auxquelles se réfère le cahier des charges, l’État membre accorde la possibilité à ce groupement de formuler des observations (pour autant qu’il existe toujours).


21      L’approbation tacite ne s’applique toutefois pas aux modifications mineures qui ne sont pas conformes à l’article 6, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement délégué no 664/2014.


22      Une proposition doctrinale ambitieuse de codification des procédures administratives de l’Union est fournie par Mir, O., Hofmann, H.C.H., Schneider, J.‑P., Ziller, J., et autres (éd.), Código ReNEUAL de procedimiento administrativo de la Unión Europea, INAP, Madrid, 2015. L’article I-4, paragraphe 4, du code ReNEUAL définit une « procédure composite » comme une procédure administrative dans laquelle les autorités de l’Union et celles d’un État membre, ou de différents États membres, ont des fonctions distinctes et interdépendantes. La combinaison de deux procédures administratives directement liées est également une procédure composite.


23      Alonso de León, S., Composite administrative procedures in the European Union, Iustel, Madrid, 2017 ; Eliantonio, M., « Judicial Review in an Integrated Administration : the Case of “Composite Procedures” », Review of European Administrative Law, 2014, nº 2, p. 65 à 102 ; Della Cananea, G., « I procedimenti amministrativi composti dell’Unione europea », dans Bignami, F., et Cassese, S. (dir.), Il procedimento amministrativo nel diritto europeo, Milano, Giuffrè, 2004 ; Mastrodonato, G., I procedimenti amministrativi composti nel diritto comunitario, Bari, Cacucci, 2007 ; Hofmann, H.C.H., « Composite decision-making procedures in EU administrative law », dans Hofmann, H.C.H., et Türk, A., Legal Challenges in EU Administrative Law. Towards an Integrated Administration, Edward Elgar, Cheltenham, 2009, p. 136.


24      Brito Bastos, F., « Derivative illegality in European composite administrative procedures », Common Market Law Review, 2018, no 1, p. 101 à 134.


25      Arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:1023). L’affaire Iccrea Banca, dans laquelle j’ai présenté mes conclusions le 9 juillet 2019 (C‑414/18, EU:C:2019:574), est pendante.


26      Conclusions du 27 juin 2018 dans l’affaire Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:502, points 64 à 79).


27      Arrêt du 18 décembre 2007, Suède/Commission (C‑64/05 P, EU:C:2007:802, points 93 et 94), et du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:1023, point 43).


28      Arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:1023, point 44). Voir, par analogie, arrêt du 22 octobre 1987, Foto-Frost (314/85, EU:C:1987:452, point 17).


29      Conclusions du 27 juin 2018 (C‑219/17, EU:C:2018:502, points 60 à 63).


30      Dans mes conclusions du 9 juillet 2019, Iccrea Banca (C‑414/18, EU:C:2019:574), j’ai considéré que la détermination des contributions ordinaires au Fonds de résolution unique (FRU) se fait également par la voie d’une procédure administrative composite dans laquelle interviennent les autorités nationales de résolution, mais où la décision finale appartient au Conseil de résolution unique (CRU). C’est pourquoi j’ai considéré que le contrôle juridictionnel de cet acte relève exclusivement de la compétence de la Cour et non des juridictions nationales.


31      Arrêts du 6 décembre 2001, Carl Kühne e.a. (C‑269/99, EU:C:2001:659), et du 2 juillet 2009, Bavaria et Bavaria Italia (C‑343/07, EU:C:2009:415). L’arrêt du Tribunal du 23 avril 2018, CRM/Commission (T‑43/15, non publié, EU:T:2018:208), auquel je ferai référence ci‑dessous, est également pertinent.


32      Arrêts du 6 décembre 2001, Carl Kühne e.a. (C‑269/99, EU:C:2001:659, points 50 et 51), et du 2 juillet 2009, Bavaria et Bavaria Italia (C‑343/07, EU:C:2009:415, point 64). Ce dernier visait le partage de compétences entre les autorités nationales et la Commission dans la procédure composite de l’ancien article 17 du règlement (CEE) no 2081/92 du Conseil, du 14 juillet 1992, relatif à la protection des indications géographiques et des appellations d’origine des produits agricoles et des denrées alimentaires (JO 1992, L 208, p. 1), qui constituait la procédure simplifiée et transitoire pour l’enregistrement des demandes d’AOP existantes dans l’Union, protégées ou consacrées par l’usage dans les États membres.


33      Arrêts du 6 décembre 2001, Carl Kühne e.a. (C‑269/99, EU:C:2001:659, point 52), et du 2 juillet 2009, Bavaria et Bavaria Italia (C‑343/07, EU:C:2009:415, point 65).


34      Arrêts du 6 décembre 2001, Carl Kühne e.a. (C‑269/99, EU:C:2001:659, point 53), et du 2 juillet 2009, Bavaria et Bavaria Italia (C‑343/07, EU:C:2009:415, point 66).


35      Voir note 32.


36      Les États membres peuvent prévoir, dans leur législation interne, une protection nationale transitoire des AOP, limitée à leur territoire, courant de l’achèvement de la phase nationale de la procédure d’enregistrement jusqu’à ce que la Commission se prononce sur la demande. Bien que cette possibilité ne soit prévue à l’article 9 du règlement no 1151/2012 que pour l’enregistrement d’une AOP et non pour les modifications du cahier des charges, elle reflète également le contrôle exercé par l’autorité nationale sur la phase interne de ces procédures composites.


37      Arrêts du 6 décembre 2001, Carl Kühne e.a. (C‑269/99, EU:C:2001:659, point 54), et du 2 juillet 2009, Bavaria et Bavaria Italia (C‑343/07, EU:C:2009:415, point 67).


38      Dans les procédures de modification des cahiers des charges des AOP vinicoles, régies par des règles ultérieures, le pouvoir de l’autorité nationale est quasi exclusif, exception faite de la publication au Journal officiel de l’Union européenne par la Commission. On y discerne une tendance à renforcer le pouvoir des autorités nationales, laquelle s’explique peut-être par les difficultés administratives rencontrées par la Commission dans la gestion de la phase européenne.


      Les procédures de modification des cahiers des charges des AOP vinicoles sont régies principalement par l’article 105 du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 (JO 2013, L 347, p. 1), ainsi que par les articles 14 à 18 du règlement délégué (UE) 2019/33 de la Commission, du 17 octobre 2018, complétant le règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les demandes de protection des appellations d’origine, des indications géographiques et des mentions traditionnelles dans le secteur vitivinicole, la procédure d’opposition, les restrictions d’utilisation, les modifications du cahier des charges, l’annulation de la protection, l’étiquetage et la présentation (JO 2019, L 9, p. 2).


39      Arrêt du 2 juillet 2009, Bavaria et Bavaria Italia (C‑343/07, EU:C:2009:415, points 70 et 71).


40      Point 28 des présentes conclusions.


41      En ce sens, voir arrêts du 3 décembre 1992, Oleificio Borelli/Commission (C‑97/91, EU:C:1992:491, points 9 à 13) ; du 6 décembre 2001, Carl Kühne e.a. (C‑269/99, EU:C:2001:659, point 58) ; du 2 juillet 2009, Bavaria et Bavaria Italia (C‑343/07, EU:C:2009:415, point 57), et du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest (C‑219/17, EU:C:2018:1023, points 45 et 46).


42      Il y aurait lieu de prendre les mesures appropriées en vue de prolonger, dans ce cas exceptionnel, le délai de règlement du dossier, afin de ne pas aboutir à une acceptation présumée de la demande.


43      Dans son arrêt du 23 avril 2018, CRM/Commission (T‑43/15, non publié, EU:T:2018:208), le Tribunal a considéré que la Commission ne pouvait enregistrer l’IGP Piadina Romagnola, dès lors que l’autorité italienne avait approuvé et transmis la demande à la Commission six jours après l’annulation partielle du cahier des charges par un arrêt d’un tribunal national de première instance. La Commission a approuvé cette IGP et a publié sa décision au Journal officiel de l’Union européenne, sans attendre que le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) statue sur le pourvoi qui avait été formé contre l’arrêt d’annulation rendu par la juridiction de première instance.


44      Article 41 de la Charte. Le Tribunal l’a cité dans son arrêt du 23 avril 2018, CRM/Commission (T‑43/15, non publié, EU:T:2018:208, points 67 à 83).


45      La Commission doit procéder à cette appréciation dans le cadre des pouvoirs d’analyse dont elle dispose lors de la phase européenne de la procédure, conformément à l’article 50, paragraphe 1, du règlement no 1151/2012.