Language of document : ECLI:EU:T:2013:339

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

3 juillet 2013(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire figurative LIBERTE brunes – Marques communautaires verbale et figurative antérieures La LIBERTAD – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑78/12,

GRE Grand River Enterprises Deutschland GmbH, établie à Kloster Lehnin (Allemagne), représentée par Mes I. Memmler et S. Schulz, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider et Mme D. Walicka, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Villiger Söhne GmbH, établie à Waldshut‑Tiengen (Allemagne), représentée par Mes H. McKenzie et B. Pikolin, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 1er décembre 2011 (affaire R 2109/2010‑1), relative à une procédure d’opposition entre Villiger Söhne GmbH et GRE Grand River Enterprises Deutschland GmbH,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. D. Gratsias, juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 17 février 2012,

vu le mémoire en réponse de l’OHMI déposé au greffe du Tribunal le 13 juin 2012,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 5 juin 2012,

à la suite de l’audience du 9 avril 2013,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 13 novembre 2007, la requérante, GRE Grand River Enterprises Deutschland GmbH, a présenté une demande de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif reproduit ci‑après :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment, de la classe 34 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Tabac brut, tabac et produits de tabac traités, compris dans la classe 34, en particulier, cigares, cigarettes, cigarillos, tabac fine mouture, tabac à pipe, tabac à mâcher, tabac à priser, succédanés du tabac (non à usage médical) ; articles pour fumeurs, en particulier boîtes à tabac, étuis de cigarettes, fume‑cigarettes, cendriers (tous les produits précités non en métaux précieux ou en plaqué), papier à cigarettes, douilles à cigarettes, filtres pour cigarettes, pipes, appareils de poche pour rouler des cigarettes, briquets, compris dans la classe 34 ; allumettes. »

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 15/2008, du 14 avril 2008.

5        Le 11 juillet 2008, l’intervenante, Villiger Söhne GmbH, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009) à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque communautaire verbale La LIBERTAD n° 1 456 664, enregistrée le 9 avril 2001, et la marque communautaire figurative La LIBERTAD n° 2 433 126, enregistrée le 9 juillet 2003, telle que reproduite ci‑après, désignant, toutes les deux, les produits relevant des classes 14 et 34 et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 14 : « Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué compris dans la classe 14, en particulier cendriers, étuis à cigares et cigarettes, fume‑cigares et fume‑cigarettes » ;

–        classe 34 : « Produits du tabac ; papier à cigarettes, tubes de cigarettes avec ou sans filtre, filtres à cigarettes ; articles pour fumeurs, à savoir cendriers (non en métaux précieux, ni en leurs alliages ni en plaqué), briquets, machines à rouler et tasser les cigarettes ; allumettes ».

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7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

8        La requérante a demandé à l’intervenante de produire la preuve de l’usage des marques antérieures sur lesquelles l’opposition a été fondée. L’intervenante a produit des documents en vue d’établir l’usage des marques antérieures.

9        Le 30 août 2010, la division d’opposition de l’OHMI a fait droit à l’opposition dans son entièreté.

10      Le 27 octobre 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

11      Par décision du 1er décembre 2011 (ci‑après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. Pour des raisons d’économie de procédure, elle a examiné l’opposition fondée sur la marque communautaire figurative antérieure, qui, enregistrée depuis moins de cinq ans au moment de la publication de la demande d’enregistrement de la marque demandée, n’était soumise à aucune exigence en matière d’usage. La chambre de recours a considéré, en substance, qu’il existait un risque de confusion entre les marques en cause. Plus particulièrement, elle a considéré que les produits couverts par les marques en cause étaient identiques. S’agissant des signes en conflit, elle a estimé que les éléments verbaux « liberté » et « libertad » constituaient les éléments les plus distinctifs et les plus fortement dominants. Les signes présentaient, dès lors, un degré de similitude moyen sur le plan visuel et un degré élevé sur le plan phonétique. Il existait également, pour une partie du public pouvant comprendre leur signification, une identité conceptuelle des signes. Étant donné le mode de commercialisation des produits couverts par les marques, la similitude visuelle aussi bien que phonétique des signes était importante pour affirmer l’existence d’un risque de confusion.

 Conclusions des parties

12      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

13      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

14      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours et confirmer la décision attaquée ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

15      À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

16      La requérante fait valoir, en substance, qu’il n’existe pas de risque de confusion entre les marques en conflit. Elle conteste, en particulier, l’appréciation de la chambre de recours relative à la similitude des signes ainsi que du caractère distinctif de la marque antérieure.

17      L’OHMI et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

18      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

19      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

20      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

21      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

22      C’est à la lumière des principes susmentionnés qu’il convient d’examiner le présent recours.

23      S’agissant du public pertinent, celui‑ci, comme l’a constaté la chambre de recours, aux points 19 et 20 de la décision attaquée, est constitué par les consommateurs de tabac, des produits de tabac ainsi que des produits relevant de la classe 34 s’y rapportant de l’Union européenne. Ainsi que l’a considéré, à juste titre, la chambre de recours, ces consommateurs ont un degré élevé d’attention en raison de leur fidélité élevée à la marque. Cette constatation est également soutenue par la requérante.

 Sur la comparaison des produits

24      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37, et la jurisprudence citée].

25      En l’espèce, les produits couverts par les marques en cause relevant de la classe 34 sont identiques, ainsi que l’a constaté, à juste titre, la chambre de recours. Il s’agit des produits du tabac et de ses accessoires qui sont manifestement identiques. La requérante ne conteste d’ailleurs pas cette conclusion.

 Sur la comparaison des signes

26      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

27      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, précité, point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, précité, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

28      À l’instar de la chambre de recours, il convient de comparer, en l’espèce, le signe demandé avec le signe figuratif antérieur. Le signe demandé est constitué d’un rectangle bleu foncé, au milieu duquel est placé l’élément verbal « liberté » écrit en caractères majuscules bleu clair. En caractères nettement plus petits, en dessous de cet élément, se trouvent l’élément verbal « brunes » ainsi qu’un élément figuratif composé d’une série de cinq rectangles de tailles différentes de couleurs bleue, rouge et blanche.

29      Le signe antérieur, quant à lui, est composé de quatre bandes de couleurs différentes : brun clair, noir et rouge. Au milieu du signe, sur un fond blanc, est placé l’élément verbal « la libertad », au-dessus duquel se trouve un carré formé par deux lettres « l » de couleur dorée. La lettre « l » de l’élément « la » est légèrement stylisée et écrite en rouge.

30      La chambre de recours a estimé, au point 26 de la décision attaquée, que les éléments figuratifs contenus dans les deux signes avaient un caractère distinctif faible et seraient considérés par les consommateurs plutôt comme une décoration. De même, de l’avis de la chambre de recours, les éléments verbaux « brunes » et « la » sont d’une importance secondaire. Ainsi, les termes « liberté » et « libertad » constituent les éléments les plus distinctifs et les plus fortement dominants dans les deux signes. Selon la chambre de recours, chacun de ces éléments est à lui seul de nature à marquer l’image d’ensemble du signe.

31      Le Tribunal estime que les éléments figuratifs contenus dans les signes en conflit sont d’une importance secondaire et n’ont qu’un caractère distinctif faible. S’agissant des éléments verbaux, les termes « liberté » et « libertad » sont manifestement plus dominants que les éléments additionnels, à savoir, respectivement, « brunes » et « la ». De même, il y a lieu de constater, à l’instar de la chambre de recours, que le terme « brunes » désigne, en français, un type de tabac et, par conséquent, est descriptif pour les produits visés. Quant à « la », il s’agit d’un article dans les langues d’origine latine. C’est donc à juste titre qu’en l’espèce la chambre de recours a considéré que les éléments verbaux principaux étaient de nature à dominer l’impression globale des signes.

32      Sur le plan visuel, la chambre de recours a estimé, au point 32 de la décision attaquée, que les signes présentaient un degré de similitude moyen. Les éléments verbaux dominants coïncident par leurs six premières lettres. Quant aux autres éléments, à savoir les éléments figuratifs et les éléments verbaux secondaires, respectivement « brunes » et « la », ils ne jouent pas un rôle déterminant dans la comparaison visuelle.

33      La requérante estime que les signes sont dissemblables en raison des couleurs et des éléments figuratifs différents, ainsi que de la police de caractères utilisée pour les éléments verbaux. Par ailleurs, dans le signe antérieur, la lettre « l » de l’article « la » est en couleur rouge et répétée, à plusieurs reprises, comme un élément figuratif.

34      S’il est vrai que les éléments figuratifs et notamment les couleurs utilisées dans les deux signes sont différents, il n’en reste pas moins que les signes sont dominés par les éléments verbaux « liberté » et « libertad » de sorte que, pour le public pertinent, même ayant un degré d’attention élevé, les éléments figuratifs vont apparaître clairement comme étant décoratifs et non susceptibles d’être mémorisés. Il en va de même pour les polices de caractères utilisées qui ne s’écartent que peu de la police standard, et même lorsqu’ils sont en caractères gras dans le cas du signe antérieur les éléments verbaux restent très similaires. Enfin, la lettre « l » utilisée dans le signe antérieur n’est pas forcément reconnaissable comme telle, notamment en raison de son utilisation en tant qu’élément figuratif à plusieurs reprises dans le signe en question. Il s’ensuit que les éléments figuratifs et verbaux différents ne sont pas en mesure de contrebalancer la similitude visuelle des signes induite par la quasi-identité des éléments dominants « liberté » et « libertad ». C’est donc à juste titre que la chambre de recours a considéré les signes comme étant visuellement similaires.

35      Sur le plan phonétique, les signes ont été considérés comme présentant une similitude élevée par la chambre de recours. Au point 34 de la décision attaquée, elle a fait valoir que les deux termes dominants différaient uniquement par leurs dernières lettres et que le consommateur ne prononcerait vraisemblablement pas les éléments secondaires des deux marques, à savoir « brunes » et « la ».

36      La requérante fait valoir que, sur le plan phonétique, il n’existe qu’une faible similitude des signes, car les deux signes seront prononcés dans leur totalité.

37      À cet égard, il convient de rappeler que seuls les éléments verbaux des signes sont susceptibles d’être prononcés. Ainsi, les éléments pouvant être prononcés dans le signe demandé sont « liberté brunes » alors que, dans le signe antérieur, il s’agit de « la libertad ». Toutefois, ainsi que l’a considéré la chambre de recours, le terme « brunes » désigne un type de tabac et, de ce fait, a un caractère distinctif faible pour les produits visés. En conséquence, il peut ne pas être prononcé. Quant à l’article « la », il se peut qu’une partie du public pertinent ne le prononce pas. Les autres consommateurs, peu familiers avec les langues d’origine latine, pourraient ne pas le reconnaître en raison de la lettre « l » en rouge et stylisée. Enfin, il ne peut pas être exclu que les consommateurs maîtrisant les langues d’origine latine, s’adressant, dans une de ces langues, oralement à un vendeur, ajoutent également un article, comme « la », lors de la prononciation du signe demandé.

38      De surcroît, le Tribunal a déjà jugé qu’il était probable que, lors d’une conversation entre le consommateur et un vendeur des produits en cause ou dans le cas où un autre consommateur recommande un de ces produits, l’ensemble des signes en conflit, le plus souvent, ne sera pas prononcé, mais seule la partie dominante le sera [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 30 novembre 2011, SE-Blusen Stenau/OHMI – Sport Eybl & Sports Experts (SE© SPORTS EQUIPMENT), T‑477/10, non publié au Recueil, point 55].

39      Les signes présentent donc un niveau élevé de similitude phonétique en raison de la présence identique des six lettres composant leur élément dominant « libert ».

40      Sur le plan conceptuel, selon la chambre de recours, les termes « liberté » et « libertad » présentent une identité conceptuelle pour une partie des consommateurs susceptibles de comprendre ces termes dans le sens de liberté.

41      La requérante estime qu’il existe, tout au plus, une certaine similitude conceptuelle des signes. Elle rappelle que, conformément à la pratique décisionnelle de l’OHMI, la similitude conceptuelle de deux mots dans des langues différentes n’est pas suffisante pour créer un risque de confusion. Par ailleurs, le consommateur des produits du tabac n’aurait pas tendance à traduire les marques désignant ces produits.

42      Il y a lieu de considérer que les deux éléments dominants ont la même signification, respectivement en français et en espagnol, à savoir la « liberté ». Il est certes vrai, comme l’affirme la requérante, que le consommateur pertinent n’a pas tendance à traduire les marques. Toutefois, pour les consommateurs ayant au moins des connaissances de base, à la fois du français et de l’espagnol, une forte similitude conceptuelle existera, étant donné la signification identique des termes « liberté » et « libertad ». Par ailleurs, il y a lieu de relever que l’identité de signification sera en tout cas facilement décelable par une partie substantielle du public pertinent, eu égard à l’existence de termes fort similaires et possédant aussi la même signification dans les autres langues d’origine latine. S’agissant des éléments secondaires « brunes » et « la », il convient de noter, comme il a été déjà constaté, que le premier n’a qu’un caractère distinctif faible tandis que le second est un article féminin en espagnol ainsi que dans d’autres langues d’origine latine et, de ce fait, n’est pas en mesure d’avoir un quelconque impact sur le message conceptuel du signe antérieur. Par ailleurs, il y a lieu d’observer également que « la » est l’article qui accompagne normalement le terme « liberté » en français ainsi qu’en espagnol.

43      Par ailleurs, au point 51 de l’arrêt du Tribunal du 9 mars 2005, Osotspa/OHMI – Distribution & Marketing (Hai) (T‑33/03, Rec. p. II‑763), il a été considéré qu’il existait une similitude conceptuelle des signes comportant les éléments verbaux « shark » et « hai », signifiant requin respectivement en anglais et en allemand ainsi qu’en finnois, qui, toutefois, nécessitait une traduction préalable.

44      En outre, comme l’a constaté la chambre de recours, au point 38 de la décision attaquée, en raison du mode de commercialisation des produits visés, c’est la similitude des signes sur les plans visuel et phonétique qui revêt une importance primordiale dans l’appréciation du risque de confusion.

45      Il s’ensuit qu’une identité des signes sur le plan conceptuel existe pour une partie du public pertinent.

 Sur le risque de confusion

46      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

47      Au point 40 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté qu’il existait un risque de confusion entre les marques en cause.

48      En l’espèce, ainsi qu’il ressort des considérations ci‑dessus, les produits couverts par les deux marques sont identiques. Les signes présentent une similitude sur le plan visuel, une similitude élevée sur le plan phonétique ainsi qu’une identité conceptuelle pour les consommateurs comprenant la signification de leurs éléments verbaux. C’est donc à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion.

49      La requérante soutient que le terme « libertad » n’a qu’un caractère distinctif faible pour les produits en cause. En particulier, elle fait valoir que le caractère distinctif de la marque antérieure est affaibli par l’existence d’autres marques, enregistrées par des tiers pour des produits relevant de la classe 34 et contenant également l’élément verbal « libert » ou « liber ». De surcroît, le terme « libertad » ferait partie du vocabulaire courant en espagnol susceptible d’être facilement reconnu.

50      À cet égard, il y a lieu de relever que l’existence, en soi, d’autres marques supposées analogues à la marque antérieure ne saurait prouver un caractère distinctif faible de celle‑ci. Ainsi que l’a fait valoir l’OHMI, l’existence de la marque dans le registre des marques communautaires ne démontre rien quant à sa présence sur le marché, une condition indispensable afin d’apprécier le caractère distinctif de cette marque.

51      S’agissant de l’argument tiré du fait que le terme « libertad » ferait partie du vocabulaire élémentaire en espagnol et de ce fait présente un caractère distinctif faible, il y a lieu de constater que le caractère distinctif faible d’une marque doit être apprécié par rapport aux produits couverts par cette marque. En l’espèce, le terme « liberté » n’est pas descriptif pour les produits en cause et n’a pas de lien direct avec ceux‑ci, comme l’a également constaté la chambre de recours, au point 28 de la décision attaquée. Il s’ensuit que cet argument n’est pas fondé.

52      En tout état de cause, la reconnaissance d’un caractère faiblement distinctif de la marque antérieure n’empêche pas de constater l’existence d’un risque de confusion en l’espèce. En effet, si le caractère distinctif de la marque antérieure doit être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, il n’est qu’un élément parmi d’autres intervenant lors de cette appréciation. Ainsi, même en présence d’une marque antérieure à caractère distinctif faible, il peut exister un risque de confusion, notamment, en raison d’une similitude des signes et des produits [voir arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Xentral/OHMI – Pages jaunes (PAGESJAUNES.COM), T‑134/06, Rec. p. II‑5213, point 70, et la jurisprudence citée].

53      Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le moyen unique ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

54      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

55      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI et de l’intervenante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      GRE Grand River Enterprises Deutschland GmbH est condamnée aux dépens.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 3 juillet 2013.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.