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Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 16 mai 2024 (1)

Affaires jointes C512/22 P et C513/22 P

Finanziaria d’investimento Fininvest S.p.A. (Fininvest)

contre

Silvio Berlusconi,

Banque centrale européenne (C512/22 P)

et

Marina Elvira Berlusconi, Pier Silvio Berlusconi, Barbara Berlusconi, Eleonora Berlusconi et Luigi Berlusconi, en tant qu’ayants droit de Silvio Berlusconi,

Silvio Berlusconi

contre

Finanziaria d’investimento Fininvest S.p.A. (Fininvest),

Banque centrale européenne (BCE) (C513/22 P)

« Pourvoi – Directive 2013/36/UE – Surveillance prudentielle des établissements de crédit – Évaluation d’acquisitions de participations qualifiées – Règlement (UE) no 1024/2013 – Mécanisme de surveillance unique – Pouvoirs de la Banque centrale européenne – Participation qualifiée antérieure – Opposition à l’acquisition par la société financière Fininvest d’une participation qualifiée dans Banca Mediolanum »






1.        L’arrêt de la Cour du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest (2), a clarifié l’exercice du contrôle juridictionnel sur les décisions de la Banque centrale européenne (ci-après la « BCE ») adoptées dans les procédures administratives engagées pour évaluer les notifications d’acquisitions et de cessions de participations qualifiées dans les établissements de crédit.

2.        À la suite de cet arrêt, le Tribunal a rejeté, dans son arrêt du 11 mai 2022 (3), le recours introduit contre la décision de la BCE du 25 octobre 2016 (4), qui s’est opposée à l’acquisition de la participation qualifiée, par M. Silvio Berlusconi et Finanziaria d’investimento Fininvest SpA (Fininvest), dans Banca Mediolanum SpA.

3.        Dans le cadre de ces deux pourvois joints, la Cour devra se pencher sur les points suivants :

–       La notion d’acquisition ou d’augmentation d’une participation qualifiée dans un établissement de crédit.

–       L’application de la procédure d’autorisation aux participations qualifiées antérieures à l’entrée en vigueur du mécanisme de surveillance unique (ci-après le « MSU »).

I.      Le cadre juridique

A.      Le droit de l’Union

4.        Les dispositions du droit de l’Union applicables dans le présent pourvoi sont identiques, en substance, à celles que j’ai reproduites dans mes conclusions dans l’affaire C‑219/17 (5). Je renvoie donc à celles‑ci, sans qu’il soit de nouveau nécessaire de les reproduire.

5.        Les dispositions alors citées figuraient dans la réglementation suivante :

–       La directive 2013/36/UE (6).

–       Le règlement (UE) nº 1024/2013 (7).

–       Le règlement (UE) nº 468/2014 (8).

B.      Le droit national

6.        Je renvoie également à la citation des articles du texte unique bancaire (9) et d’autres dispositions du droit italien que j’ai faite dans mes conclusions dans l’affaire C‑219/17.

II.    Les faits, la procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

7.        Les antécédents du litige sont détaillés aux points 1 à 13 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants :

« Finanziaria d’investimento Fininvest SpA (Fininvest) est une société holding de droit italien détenue à 61,21 % par M. Silvio Berlusconi par le biais de participations dans quatre sociétés de droit italien.

Mediolanum était une compagnie financière holding mixte cotée en bourse qui, jusqu’au 30 décembre 2015, détenait 100 % du capital de Banca Mediolanum SpA.

Fininvest détenait 30,1 % du capital social de Mediolanum et Fin. Prog. Italia détenait 26,5 % du capital de cette société.

À la suite de l’entrée en vigueur du decreto legislativo [53/2014 (10)], la Banca d’Italia (Banque d’Italie) a engagé une procédure d’évaluation des requérants, Fininvest et M. Berlusconi, en leur qualité d’actionnaires qualifiés de compagnies financières holding mixtes.

Par décision du 7 octobre 2014, la Banque d’Italie a estimé que la condition d’honorabilité exigée par le decreto ministeriale [144/1998] […] n’était plus remplie par M. Berlusconi, en raison de sa condamnation définitive à une peine d’emprisonnement pour délit de fraude fiscale à la suite de l’arrêt no 35729/13 de la Corte suprema di cassazione (Cour de cassation, Italie), du 1er août 2013 (ci-après la « décision du 7 octobre 2014 »).

Pour ce motif, la Banque d’Italie a, d’une part, ordonné la suspension des droits de vote des requérants et la cession de leurs parts excédant 9,99 % dans Mediolanum et, d’autre part, rejeté la demande d’autorisation présentée par ces derniers aux fins de la détention d’une participation qualifiée.

Les requérants ont contesté la décision du 7 octobre 2014 devant le Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium, Italie), qui, par un arrêt du 5 juin 2015, a rejeté le recours.

Le 30 décembre 2015, aux termes d’une opération de fusion inversée, Mediolanum a été absorbée par sa filiale, Banca Mediolanum.

Le 3 mars 2016, le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) a fait droit à l’appel interjeté par les requérants contre l’arrêt du Tribunale amministrativo regionale per il Lazio (tribunal administratif régional du Latium) et a annulé la décision du 7 octobre 2014.

À la suite de la fusion mentionnée […] et de l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016 […], la Banque d’Italie et la Banque centrale européenne […] ont considéré qu’une nouvelle demande d’autorisation, relative à cette participation qualifiée, était requise, conformément aux articles 22 et suivants de la directive 2013/36 […] ainsi qu’aux articles 19 et suivants du [TUB].

Par lettre du 14 juillet 2016, la Banque d’Italie a invité Fininvest à présenter une demande d’autorisation d’acquisition d’une participation qualifiée dans un délai de quinze jours. Aucune demande n’ayant été présentée […], la Banque d’Italie a décidé, le 3 août 2016, d’ouvrir d’office une procédure administrative à l’encontre de Fininvest, à l’issue de laquelle elle a transmis à la BCE, en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement 1024/2013 […], une proposition de décision, datée du 23 septembre 2016, contenant un avis défavorable quant à l’honorabilité des acquéreurs de la participation en cause dans Banca Mediolanum et invitant la BCE à s’opposer à l’acquisition.

Par sa décision […] du 25 octobre 2016, la BCE s’est opposée à l’acquisition de la participation qualifiée dans Banca Mediolanum par les requérants, aux motifs qu’ils ne répondaient pas à la condition d’honorabilité et qu’il existait de sérieux doutes sur leur capacité à assurer à l’avenir une gestion saine et prudente de cet établissement financier […].

En particulier, la BCE a considéré, en application des articles 19 et 25 du TUB ainsi que de l’article 1er du décret ministériel no 144, transposant la directive 2013/36, que, compte tenu de ce que M. Berlusconi, actionnaire majoritaire et propriétaire effectif de Fininvest, était l’acquéreur indirect de la participation dans Banca Mediolanum et qu’il avait été condamné définitivement à une peine de quatre ans d’emprisonnement pour fraude fiscale, la condition d’honorabilité imposée aux détenteurs de participations qualifiées, au sens de l’article 23, paragraphe 1, sous a), de la directive 2013/36, telle que transposée, n’était pas satisfaite. Elle s’est également fondée sur le fait que M. Berlusconi aurait commis d’autres irrégularités et qu’il aurait fait l’objet d’autres condamnations, à l’instar d’autres membres des organes de direction de Fininvest ».

8.        Cet exposé peut être complété par l’ajout de certaines des circonstances factuelles que j’ai exposées dans mes conclusions dans l’affaire C‑219/17 :

–       Les conseils d’administration de ces deux entités ont décidé de procéder à une « absorption inversée » de Mediolanum par Banca Mediolanum (11). Ledit projet de fusion a été communiqué à la Banque d’Italie le 26 mai 2015, afin d’obtenir son autorisation, conformément à l’article 57 du TUB.

–      Par la décision no 7969932/21, du 21 juillet 2015, la Banque d’Italie a autorisé la fusion proposée. Dans la lettre de notification de cette décision du 23 juillet 2015, elle a confirmé la décision du 7 octobre 2014, précisant que l’obligation d’aliénation prévue par cette dernière s’entendait comme « portant sur les actions de Banca Mediolanum qui, à l’issue de la procédure civile de fusion, seront attribuées [à Fininvest] en échange des actions de [la société] Mediolanum ».

9.        Le 23 décembre 2016, Fininvest et M. Berlusconi ont introduit devant le Tribunal un recours en annulation contre la décision de la BCE du 25 octobre 2016.

10.      Le Tribunal (deuxième chambre élargie) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, à titre de mesure d’organisation de la procédure, a invité les parties à présenter leurs observations sur les conséquences à tirer, dans cette affaire, de l’arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest.

11.      Le 21 janvier 2019, à la lumière de cet arrêt de la Cour, les requérants ont soulevé de nouveaux moyens d’annulation, au titre de l’article 84 du règlement de procédure du Tribunal, sur lesquels se sont prononcées la BCE et la Commission européenne.

12.      Les requérants ont demandé au Tribunal d’annuler la décision attaquée et de condamner la BCE aux dépens, ce à quoi cette dernière et la Commission se sont opposées.

13.      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours en annulation dans son intégralité et a condamné Fininvest et M. Berlusconi à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la BCE, la Commission devant supporter ses propres dépens.

III. Les conclusions des parties et la procédure devant la Cour

14.      Le 22 juillet 2022, Fininvest et M. Berlusconi (12) ont formé des pourvois, au contenu similaire, contre l’arrêt attaqué.

15.      Dans leurs pourvois, Fininvest et M. Berlusconi concluent à ce qu’il plaise à la Cour :

–      annuler l’arrêt attaqué ;

–       par voie de conséquence, annuler la décision de la BCE du 25 octobre 2016 ;

–       à titre subsidiaire, renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue ;

–       condamner la BCE aux dépens, en ce compris les dépens de première instance.

16.      La BCE et la Commission ont demandé à la Cour de rejeter les pourvois comme étant partiellement irrecevables ou inopérants et, en tout état de cause, comme dénués de fondement, le cas échéant, en procédant à la substitution de certains motifs de l’arrêt attaqué. La Commission conclut, à titre subsidiaire, au rejet du recours en annulation contre la décision attaquée. Elles demandent, en outre, la condamnation de M. Berlusconi et de Fininvest aux dépens.

17.      Les deux pourvois ont été joints aux fins des phases écrite et orale de la procédure ainsi que de l’arrêt.

18.      La Cour a décidé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une audience mais qu’il y avait lieu de formuler des conclusions sur les premier, deuxième et neuvième moyens du pourvoi.

IV.    Sur la recevabilité des pourvois

19.      La BCE objecte que la prétendue réhabilitation de M. Berlusconi, décidée le 11 mai 2018 (13), lui permettrait de demander une réévaluation de son honorabilité, dont l’absence a déterminé la décision attaquée. Elle en déduit que les requérants n’ont pas d’intérêt à obtenir l’annulation de cette décision et de l’arrêt attaqué.

20.      Cette objection ne saurait être retenue, car M. Berlusconi (désormais ses héritiers) ainsi que Fininvest continuent d’avoir un intérêt à annuler une décision, ainsi que l’arrêt la confirmant, qu’ils considèrent comme préjudiciable à leurs intérêts.

V.      Considérations préliminaires : notion d’acquisition ou d’augmentation de la participation qualifiée

21.      Avant d’analyser les moyens du pourvoi, je rappellerai que la procédure d’autorisation des participations qualifiées vise à assurer que seules des personnes physiques ou morales qui ne mettent pas en péril le bon fonctionnement du secteur bancaire puissent accéder à celui-ci.

22.      En particulier, l’évaluation tend à vérifier que le candidat acquéreur jouit d’une bonne réputation et de la solidité financière indispensable, de manière à ce que l’établissement dont la participation va être acquise continue de satisfaire les exigences prudentielles. L’évaluation contribue également à éviter que l’opération soit financée moyennant des fonds provenant d’activités illicites (14).

23.      L’article 2, point 8, du règlement MSU renvoie à la définition de la « participation qualifiée » de l’article 4, paragraphe 1, point 36, du règlement (UE) no 575/2013 (15), à savoir « le fait de détenir dans une entreprise, directement ou indirectement, au moins 10 % du capital ou des droits de vote, ou toute autre possibilité d’exercer une influence notable sur la gestion de cette entreprise ».

24.      L’article 22, paragraphe 1, de la directive 2013/36 impose une obligation de notification à « […] toute personne physique ou morale agissant seule ou de concert avec d’autres (ci-après dénommée “candidat acquéreur”), qui a pris la décision, soit d’acquérir, directement ou indirectement, une participation qualifiée dans un établissement de crédit, soit de procéder, directement ou indirectement, à une augmentation de cette participation qualifiée dans un établissement de crédit, de telle façon que la proportion de droits de vote ou de parts de capital détenue atteigne ou dépasse les seuils de 20 %, de 30 % ou de 50 % ou que l’établissement de crédit devienne sa filiale […] » (16).

25.      Il ressort de la lecture combinée de ces dispositions qu’une « participation qualifiée » est une participation, directe ou indirecte, dans un établissement de crédit qui :

–      représente au moins 10 % du capital ou des droits de vote de l’entreprise ; ou

–       permet d’exercer une influence notable sur la gestion de l’entreprise ; ou

–       conduit à ce que l’établissement de crédit devienne la filiale du candidat acquéreur.

26.      L’article 22, paragraphe 1, de la directive 2013/36 impose de notifier les acquisitions de ce type de participations dans un établissement de crédit et y assimile les augmentations, directes ou indirectes, de ces participations lorsque la proportion de droits de vote ou de parts de capital détenue atteint ou dépasse les seuils de 20 %, 30 % ou de 50 %.

27.      Les conditions d’évaluation des acquisitions et des augmentations de participations qualifiées sont prévues aux articles 22 à 27 de la directive 2013/36. Les législations nationales ne peuvent pas imposer d’exigences plus contraignantes (17).

28.      L’article 23 de la directive 2013/36 harmonise les critères matériels pour évaluer l’acquisition ou l’augmentation d’une participation qualifiée (18). Afin d’harmoniser les pratiques des États, les autorités européennes de surveillance ont adopté en 2016 des orientations communes (19).

29.      La procédure d’octroi de ce type d’autorisations est régie par l’article 4, paragraphe 1, sous c), l’article 6, paragraphe 4, et l’article 15 du règlement MSU, en combinaison avec les articles 85 à 87 du règlement-cadre MSU. Cette procédure a fait l’objet d’un examen exhaustif par la Cour dans l’arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest.

30.      La BCE est seule compétente pour évaluer et décider de l’acquisition et de l’augmentation des participations qualifiées dans tous les établissements financiers soumis au mécanisme de surveillance unique (20), qu’ils soient ou non importants et qu’il soient directement soumis à la surveillance de la BCE ou des autorités nationales.

VI.    Sur le premier moyen du pourvoi

A.      Argumentation des parties

31.      Les requérants contestent le raisonnement suivi par le Tribunal pour rejeter le premier moyen d’annulation qu’ils ont invoqué devant lui. Ils articulent leur premier moyen de pourvoi autour de six griefs, désignés par les lettres A, B, C, D, E et F, qui portent sur les points suivants :

–       Contrôle conjoint exercé par les requérants sur Banca Mediolanum. Appréciation erronée de ses conséquences.

–      Statut de Fininvest en tant que détenteur d’une participation qualifiée dans Banca Mediolanum. Dénaturation des faits et erreur de droit manifeste.

–       Substitution par le Tribunal de sa propre motivation à celle de l’auteur de la décision. Violation des articles 263 et 264 TFUE.

–      Nouvelle notion européenne d’acquisition d’une participation qualifiée. Défaut d’application du droit national.

–      Création, par le Tribunal, d’un cas de figure non prévu par le droit de l’Union.

–      Distinction entre participation qualifiée indirecte et participation qualifiée directe : violation de l’article 22 de la directive 2013/36 et de l’article 22 du TUB.

32.      La BCE et la Commission contestent les arguments des requérants et concluent au rejet du moyen.

B.      Appréciation

1.      Sur le premier et le deuxième grief

33.      Les griefs A et B du premier moyen du pourvoi sont fondés sur les arguments suivants :

–      Le Tribunal (point 81 de l’arrêt attaqué) a admis que M. Berlusconi et Fininvest détenaient une participation qualifiée dans Banca Mediolanum, qui leur permettait de contrôler conjointement Mediolanum et Banca Mediolanum avant la fusion inversée.

–      Après avoir posé cette prémisse (autrement dit avoir reconnu le contrôle de Fininvest sur Banca Mediolanum avant la fusion), le Tribunal a commis une erreur dans son appréciation des conséquences d’un fait qu’il avait lui-même admis : si le contrôle a précédé la fusion, la BCE ne devait pas engager de procédure d’autorisation pour l’acquisition de la participation qualifiée. Cette participation qualifiée existait avant l’entrée en vigueur des règles du MSU.

–      Le Tribunal a considéré (point 70 de l’arrêt attaqué) que Fininvest et M. Berlusconi, par l’intermédiaire de Fininvest, détenaient 30,16 % des parts de Mediolanum, qui, elle-même, détenait 100 % des parts de Banca Mediolanum. Il a également considéré (point 71 de l’arrêt attaqué) que, dans la mesure où la proportion de droits de vote susceptibles d’être exercés indirectement, par l’intermédiaire de Mediolanum, par Fininvest était supérieure au seuil de 20 %, Fininvest et, par conséquent, M. Berlusconi détenaient de façon indirecte une participation qualifiée dans Banca Mediolanum.

–      De tels constats auraient dû conduire le Tribunal à la conclusion que l’articulation « fusion » – « arrêt du Consiglio di Stato du 3 mars 2016 » ne reflétait pas une acquisition, puisque Fininvest (et M. Berlusconi) étaient déjà des participants qualifiés dans Banca Mediolanum. L’autorisation de la BCE était donc dépourvue de sens.

–      En ne tirant pas les conséquences logiques de son appréciation des faits, le Tribunal a commis plusieurs erreurs de droit.

–      Au point 72 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a affirmé que, à la suite de la décision du 7 octobre 2014 (par laquelle la Banque d’Italie a suspendu les droits de vote des requérants, a refusé de délivrer une autorisation leur permettant de détenir une participation qualifiée dans Mediolanum et leur a ordonné la cession de leurs parts dans Mediolanum qui excédaient 9,99 %), la participation indirecte des requérants n’était plus une participation qualifiée.

–      Cette conclusion est erronée, car la participation qualifiée demeure une participation qualifiée à tous effets tant que la cession des actions ne s’est pas produite. S’agissant des droits de vote, la décision du 7 octobre 2014 n’implique pas, techniquement, la suspension de ces droits, compte tenu de l’article 24 du TUB.

–      Au point 73 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que, à la suite de la fusion par absorption de Mediolanum par Banca Mediolanum, intervenue le 30 décembre 2015, Fininvest est devenue titulaire directe de 9,99 % des actions de Banca Mediolanum.

–      De nouveau, selon les requérants, cette conclusion est erronée, car la participation qualifiée de Fininvest dans Mediolanum était, et est restée à tout moment, la même, soit 30,16 % du capital social.

–      Au point 76 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a affirmé que, après l’annulation de la décision du 7 octobre 2014 par l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016, Fininvest est devenue titulaire directe de 30,16 % des actions de Banca Mediolanum.

–      Là encore, les requérants estiment que cette appréciation, qui découle des deux erreurs précédentes, est incorrecte. La décision du 7 octobre 2014 ayant été annulée par l’arrêt du 3 mars 2016, les participations initiales n’ont en rien été altérées. Fininvest n’aurait donc pas recouvré, à la suite de cet arrêt, sa participation de 30,16 % dans Banca Mediolanum, qu’elle n’avait jamais perdue. Cet arrêt est neutre en ce qui concerne le montant de la participation.

–      En somme, la participation de 30,16 % de Fininvest n’a jamais été réduite à 9,99 % (par la décision de la Banque d’Italie) et n’est jamais redevenue une participation qualifiée [après l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État)]. Il s’est toujours agi d’une participation qualifiée de 30,16 %.

34.      Je considère que ce grief est fondé, car, dans le respect de l’exposé des faits effectué par le Tribunal, celui-ci aurait dû constater que la BCE ne pouvait pas engager la procédure d’autorisation des participations qualifiées.

35.      Ma position est fondée sur l’article 15 du règlement MSU et l’article 22 de la directive 2013/36. Ces deux dispositions prévoient un contrôle de l’acquisition ou de l’augmentation de participations qualifiées par la BCE à compter de l’entrée en vigueur du MSU, qui s’est produite le 4 novembre 2014.

36.      Ce contrôle ne s’étend toutefois pas aux participations qualifiées qui pourraient être considérées d’« historiques », c’est-à-dire existant avant cette date. Si une participation qualifiée historique dans un établissement financier est maintenue, mais n’augmente pas, l’audit de la BCE ne s’y étend pas.

37.      C’est précisément l’argument de base que les requérants font valoir en affirmant, à juste titre, que le Tribunal n’a pas tiré les conséquences qui s’imposaient après avoir considéré que la participation de M. Berlusconi et de Fininvest dans Mediolanum et, par l’intermédiaire de cette dernière, dans Banca Mediolanum, était une participation qualifiée historique, antérieure à l’entrée en vigueur du MSU, qui n’avait pas été modifiée.

38.      Pour le Tribunal, cette participation historique a été ébranlée par trois événements, à savoir : a) la décision du 7 octobre 2014 ordonnant la cession des parts de M. Berlusconi et de Fininvest dans Mediolanum supérieures à 9,99 % ; b) l’absorption de Mediolanum par Banca Mediolanum, intervenue le 30 décembre 2015, qui a fait de Fininvest le titulaire direct de 9,99 % des actions de Banca Mediolanum ; et c) l’annulation de la décision du 7 octobre 2014 par l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016, en vertu duquel Fininvest et M. Berlusconi ont récupéré la disponibilité complète de leurs actions dans Banca Mediolanum.

39.      S’agissant de la fusion, le Tribunal admet que M. Berlusconi a toujours détenu une participation dans Banca Mediolanum « par l’intermédiaire, d’abord, de Fininvest et, ensuite, de Mediolanum » (21). Il ajoute toutefois que la fusion par absorption inversée aurait entraîné une modification de la structure juridique de cette participation, que la BCE pouvait qualifier d’acquisition « même si le montant de la participation qualifiée des requérants n’a pas été modifié par rapport à celui dont ils disposaient avant par l’intermédiaire de Mediolanum » (22).

40.      Comme je l’analyserai dans le cadre du cinquième grief du présent moyen, cette approche retenue dans l’arrêt attaqué, fondée sur la notion de modification de la structure juridique de la participation, ne me semble pas correcte.

41.      Pas plus que ne le paraît le raisonnement du Tribunal quant aux conséquences qu’il attache à la décision du 7 octobre 2014, plus précisément, en ce qui concerne la réduction de la participation qualifiée de Fininvest et de M. Berlusconi dans Banca Mediolanum à 9,99 %.

42.      Par sa décision du 7 octobre 2014, la Banque d’Italie a certes ordonné la cession des parts de Fininvest dans Mediolanum excédant 9,99 %. Cette cession devait se concrétiser dans un délai de 30 mois à compter de l’établissement d’une fiducie chargée de la vente. Or, la cession des parts n’a pas été réalisée, car le Consiglio di Stato (Conseil d’État) a d’abord ordonné le sursis à l’exécution de la décision de la Banque d’Italie, puis l’a annulée, avec effet ex tunc, dans l’arrêt du 3 mars 2016.

43.      Il ressort de cette série d’actes que les actions représentatives de la participation de Fininvest dans Banca Mediolanum sont toujours restées entre les mains de cette société et n’ont été transférées à aucun acquéreur.

44.      Par conséquent, contrairement à ce qu’a conclu le Tribunal (point 72 de l’arrêt attaqué), la participation qualifiée de Fininvest et de M. Berlusconi dans Banca Mediolanum n’est pas tombée à 9,99 %, mais est restée inchangée lorsque le MSU a commencé à fonctionner et que la BCE a acquis la compétence pour autoriser l’acquisition et l’augmentation de participations qualifiées. La seule chose qui a été limitée pendant une courte période était les droits de vote attachés aux actions soumises à l’obligation de cession.

45.      Cette première erreur a conduit le Tribunal (point 73 de l’arrêt attaqué) à en commettre une autre, en affirmant que, à la suite de la fusion par absorption de Mediolanum par Banca Mediolanum, Fininvest est devenue titulaire direct de 9,99 % des actions de cette banque.

46.      Toutefois, dans la mesure où Fininvest détenait déjà une participation de 30,16 % dans Mediolanum, à la suite de la fusion par absorption, elle a continué à détenir de façon directe la même participation qualifiée de 30,16 % (221 828 000 actions) dans Banca Mediolanum et non pas de 9, 99 %, comme l’a estimé le Tribunal.

47.      Ces deux erreurs ont conduit le Tribunal à en commettre (point 76 de l’arrêt attaqué) une de plus, en soutenant que, après l’annulation de la décision du 7 octobre 2014 par l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016, Fininvest est devenue titulaire directe de 30,16 % des actions de Banca Mediolanum.

48.      L’arrêt précité du Consiglio di Stato (Conseil d’État) n’a pas entraîné, contrairement à ce que soutient le Tribunal, une augmentation de la participation de Fininvest de 9,99 % à 30,16 % dans Banca Mediolanum : cette participation, je le répète, n’avait pas été réduite en vertu de la décision du 7 octobre 2014.

49.      Ces trois erreurs du Tribunal rendent invalide la conclusion à laquelle il est parvenu au point 77 de l’arrêt attaqué (23).

50.      Il résulte de ce qui précède que la participation de Fininvest et de M. Berlusconi dans Banca Mediolanum a toujours été une participation qualifiée de 30,16 %. Dès lors qu’il n’y a pas eu d’augmentation de cette participation après l’entrée en vigueur du MSU, l’autorisation de la BCE n’était pas nécessaire, puisqu’il s’agissait d’une participation qualifiée « historique ».

51.      Par conséquent, les premier et deuxième griefs (A et B) du premier moyen du pourvoi doivent être accueillis en tant qu’ils révèlent une erreur de droit dans l’arrêt attaqué en ce qui concerne les conditions habilitant la BCE à imposer l’exigence d’une autorisation de l’acquisition ou de l’augmentation des participations qualifiées dans les établissements de crédit.

2.      Sur le troisième grief (C)

52.      Les requérants reprochent au Tribunal d’avoir avancé des arguments qui ne figurent pas dans la décision de la BCE, violant ainsi les articles 263 et 264 TFUE.

53.      Le grief se limite à cette simple formulation, que les requérants annoncent développer dans les griefs suivants. Il est donc dépourvu de substance propre et doit, dès lors, être rejeté.

3.      Sur le quatrième grief (D)

54.      Selon les requérants, le Tribunal aurait commis une erreur de droit en considérant que l’article 4, paragraphe 3, du règlement MSU ne comporte aucun renvoi exprès aux droits nationaux pour déterminer la notion d’acquisition de participation qualifiée dans un établissement bancaire.

55.      À mon avis, le Tribunal n’a pas violé l’article 4, paragraphe 3, du règlement MSU (24). Certes, cette disposition prévoit le droit que la BCE doit appliquer dans l’exercice de ses missions de surveillance dans le cadre du MSU. Mais elle ne renvoie pas aux droits nationaux pour interpréter une notion établie par une disposition du droit de l’Union, telle que celle de l’acquisition d’une participation qualifiée (25).

56.      En ce qui concerne cette notion, ni l’article 15 du règlement MSU ni l’article 22 de la directive 2013/36 ne comportent de renvoi exprès au droit des États membres.

57.      La notion d’acquisition ou d’augmentation d’une participation qualifiée est, comme l’a estimé à juste titre le Tribunal (26), une notion autonome du droit de l’Union, qui doit être interprétée de manière uniforme dans tous les États membres. L’uniformité disparaîtrait si chaque État membre pouvait la définir à son gré.

58.      C’est la conclusion à laquelle aboutit la jurisprudence constante de la Cour : il découle des exigences tant de l’application uniforme du droit de l’Union que du principe d’égalité que les termes d’une disposition du droit de l’Union qui ne comporte aucun renvoi exprès au droit des États membres pour déterminer son sens et sa portée doivent normalement trouver, dans toute l’Union, une interprétation autonome et uniforme (27).

59.      En somme, le quatrième grief doit être rejeté.

4.      Sur le cinquième grief (E)

60.      Les requérants reprochent au Tribunal d’avoir assimilé la notion d’« acquisition d’une participation qualifiée » à celle de « modification de la structure juridique d’une participation ». Selon eux, cette dernière notion, utilisée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué (28), serait étrangère au droit de l’Union et ne pourrait pas être appliquée dans des cas de figure tels que celui de l’espèce.

61.      La critique des requérants à l’encontre de ce passage de l’arrêt attaqué est fondée. La modification de la structure juridique d’une participation est une notion qui ne figure ni dans la directive 2013/36 ni dans le règlement MSU, aux fins d’apprécier s’il existe une acquisition ou une augmentation d’une participation qualifiée. Leurs dispositions ne précisent pas qu’un changement de la structure juridique puisse être compris comme l’acquisition d’une participation.

62.      Ce qui importe pour évaluer l’acquisition ou l’augmentation, c’est, comme je l’expliquerai dans les présentes conclusions, le nombre de participations acquises (ou augmentées) (29), mais non leur structure juridique, notion dont les contours sont d’ailleurs incertains et qui introduit une certaine insécurité quant à son application.

63.      En tout état de cause, si l’on admettait que les modifications de la structure juridique d’une participation sont pertinentes, seules le seraient celles intervenues après la mise en place du MSU, mais non pas celles qui lui sont antérieures, ainsi que je l’ai déjà expliqué.

64.      Pour les participations antérieures à la mise en place du MSU, l’autorisation de la BCE n’est requise que si leur acquisition a pour effet d’accroître le niveau de contrôle de l’acquéreur sur l’établissement financier. La modification de la structure juridique de la participation (dans le cas où l’on admettrait la pertinence de cette nouvelle notion, quod non) ne nécessite pas d’autorisation de la BCE, si la participation qualifiée reste stable et n’est pas augmentée.

65.      Tel a été le cas en l’espèce. Fininvest a toujours détenu une participation qualifiée dans Mediolanum et, partant, dans Banca Mediolanum. La fusion par absorption inversée de Mediolanum par Banca Mediolanum a constitué une réorganisation interne de la structure juridique du groupe d’entreprises, mais le niveau et l’intensité du contrôle de Fininvest (30) (et indirectement de M. Berlusconi), sur cet établissement financier, n’ont pas changé.

66.      Dans des opérations telles que celle en cause, qui maintiennent le même niveau de contrôle et d’influence par les mêmes personnes et entités sur l’établissement de crédit, il n’y a pas d’acquisition ou d’augmentation d’une participation qualifiée. Dans ce contexte, la BCE ne doit pas engager la procédure administrative d’autorisation.

67.      Le cinquième grief doit donc être accueilli.

5.      Sur le sixième grief (F)

68.      Les requérants reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant que le caractère direct ou indirect d’une participation est un élément pertinent pour déterminer s’il y a eu une acquisition de la participation qualifiée.

69.      Ils font valoir que l’article 22 de la directive 2013/36 et l’article 22 du TUB font uniquement référence à l’acquisition d’une participation qualifiée, que celle-ci soit directe ou indirecte. Par ailleurs, M. Berlusconi (dont l’absence d’honorabilité est à l’origine de la décision de la BCE) a toujours détenu, avant et après la fusion et l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016, une participation indirecte dans l’établissement de crédit.

70.      Ce grief doit également être considéré comme fondé. Il ressort de l’article 2, point 8, du règlement MSU, de l’article 4, paragraphe 1, point 36, du règlement 575/2013 et de l’article 22 de la directive 2013/36 que le premier critère permettant de déterminer s’il y a acquisition ou augmentation, directes ou indirectes (31), d’une participation qualifiée est d’ordre quantitatif.

71.      En effet, l’acquisition doit représenter 10 % ou plus du capital ou des droits de vote de l’entreprise (32) et l’augmentation doit se traduire par une augmentation de capital ou de droits de vote égale ou supérieure à 20 %, 30 % ou 50 %. Les deux autres critères (l’influence notable de l’acquéreur sur la gestion de l’entreprise et l’établissement de crédit qui devient filiale de l’acquéreur) n’interviennent pas dans le cas d’espèce.

72.      Plus précisément, aux fins de l’article 22 de la directive 2013/36, la participation qualifiée dans un établissement de crédit peut être acquise ou augmentée directement ou indirectement, sans que l’utilisation de l’un ou l’autre moyen d’acquisition (direct ou indirect) ait d’incidence sur le résultat

73.      Ce qui est déterminant, ce n’est donc pas que l’acquisition de la participation qualifiée soit directe ou indirecte, mais qu’elle existe sous l’une ou l’autre de ces formes et qu’elle permette d’atteindre un certain niveau de contrôle ou d’influence sur l’établissement de crédit.

74.      Sur la base de cette prémisse, le Tribunal n’interprète pas correctement l’article 22, paragraphe 1, de la directive 2013/36, en accordant de l’importance au passage d’une participation indirecte de Fininvest dans Banca Mediolanum à une participation directe, à la suite de la fusion inversée par absorption (33).

75.      En ce qui concerne l’article 22, paragraphe 1, de la directive 2013/36, le Tribunal considère que « […] lorsqu’une participation indirectement possédée par l’intermédiaire de deux sociétés devient indirectement possédée par l’intermédiaire d’une seule société, la détention même d’une participation qualifiée se trouve modifiée dans sa structure juridique, de sorte qu’une telle opération doit être considérée comme l’acquisition d’une participation qualifiée au sens de cette disposition » (34).

76.      Or, il ne saurait être souscrit à ce raisonnement, qui s’appuie une fois de plus sur la notion de modification de la structure juridique de la participation (notion que j’ai déjà qualifiée d’inappropriée dans ce contexte). Son application aux faits, que le Tribunal a considérés comme établis, est tributaire de l’erreur d’approche initiale.

77.      J’ai déjà indiqué que le Tribunal reconnaît que, à la suite de la fusion, « […] le montant de la participation qualifiée des requérants n’a pas été modifié par rapport à celui dont ils disposaient avant par l’intermédiaire de Mediolanum » (35). Autrement dit, le passage d’une participation indirecte à une participation directe n’a pas modifié la situation de contrôle de Fininvest sur Banca Mediolanum, puisque Fininvest a toujours détenu 30,16 % des actions.

78.      Le même argument vaut a fortiori en ce qui concerne la participation de M. Berlusconi, qui a toujours été une participation qualifiée indirecte dans Banca Mediolanum (36).

79.      Or, si tel est le cas (37), l’absence de pertinence du passage d’une modalité de participation (directe) à une autre (indirecte) implique, dans un cas tel que celui analysé dans les présentes conclusions, qu’il n’y a pas eu de (nouvelle) acquisition ou augmentation de la participation qualifiée. Dans ce contexte, l’intervention de la BCE n’était pas nécessaire.

80.      En définitive, le sixième (et dernier) grief du premier moyen du pourvoi doit être accueilli.

VII. Sur le deuxième moyen du pourvoi

A.      Argumentation des parties

81.      Les requérants reprochent au Tribunal d’avoir rejeté leur deuxième moyen d’annulation, tiré de ce que l’application des articles 22 et 23 de la directive 2013/36 aux participations dans le capital social acquises depuis plus de vingt ans impliquerait une violation du principe de non‑rétroactivité.

82.      Ils affirment que, bien que le Tribunal ait jugé, dans l’arrêt attaqué, que la directive 2013/36 ne s’appliquait pas à l’acquisition de participations qualifiées antérieures à son entrée en vigueur, celui‑ci confirme en réalité cette application rétroactive au cas d’espèce. Dans la même mesure, l’erreur dénoncée dans le premier moyen du pourvoi est déterminante pour celle dont il est fait grief dans le deuxième moyen.

83.      La BCE et la Commission contestent cette argumentation.

B.      Appréciation

84.      Le Tribunal confirme, à juste titre, que le champ d’application des articles 22 et 23 de la directive 2013/36 n’englobe pas les acquisitions de participations qualifiées antérieures à son entrée en vigueur et, partant, déjà détenues, mais seulement les décisions d’acquisitions de participations qualifiées envisagées après son entrée en vigueur (38).

85.      Or, ainsi que le soutiennent les requérants, cette déclaration de principe devient inopérante si, comme l’a mis en évidence l’analyse du premier moyen du pourvoi, ces dispositions de la directive 2013/36 s’appliquent à une participation qualifiée, telle que celle de Fininvest dans Banca Mediolanum, qui n’a pas subi de véritables changements (en termes de niveau de contrôle et d’influence sur l’établissement de crédit) avant et après l’entrée en vigueur de cette directive.

86.      Le deuxième moyen du pourvoi doit donc être accueilli.

VIII. Sur le neuvième moyen du pourvoi

A.      Argumentation des parties

87.      Les requérants reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en déclarant irrecevables les deux nouveaux moyens d’annulation invoqués devant lui, tirés de l’illégalité des actes préparatoires adoptés par la Banque d’Italie (39).

88.      L’erreur de droit se serait produite dans l’application de l’article 84 du règlement de procédure du Tribunal, au regard des nouveaux moyens soulevés à la suite de l’arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest.

89.      Il serait question d’une erreur manifeste d’appréciation en ce qui concerne l’existence d’un « nouvel élément de droit », à laquelle s’ajoutent un défaut de motivation, un caractère manifestement illogique de la motivation, ainsi qu’un défaut de motivation relatif à l’absence d’examen d’office des moyens nouveaux. Ils dénoncent la violation qui en résulte du principe de protection juridictionnelle effective et de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (Charte).

90.      Dans le cadre du développement du moyen du pourvoi, les requérants avancent les arguments suivants :

–      Les nouveaux moyens d’annulation présentaient un lien matériel étroit avec ceux précédemment invoqués.

–      L’arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest, intègre des éléments d’interprétation de grande portée novatrice, qui vont au‑delà de leur prétendu caractère confirmatif d’une jurisprudence antérieure. Dans cet arrêt, la Cour donne une première interprétation erga omnes des compétences de la BCE en la matière, en résolvant des questions d’une nouveauté et d’une complexité absolues.

–      La déclaration d’irrecevabilité de ces moyens nouveaux viole le droit des requérants à une protection juridictionnelle effective et complète. Aux fins de cette protection, le Tribunal pourrait examiner ces moyens même d’office, en application de l’article 84 de son règlement de procédure.

91.      La BCE et la Commission s’opposent à ces arguments.

B.      Appréciation

92.      Dans l’arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest, la Cour a jugé ce qui suit :

–      L’article 263 TFUE fait obstacle à ce que les juridictions nationales exercent un contrôle de légalité sur les actes d’ouverture, préparatoires ou de proposition non contraignante adoptés par les autorités compétentes nationales dans le cadre de la procédure d’autorisation de l’acquisition ou de l’augmentation de participations qualifiées (40).

–      Il revient au juge de l’Union, au titre de sa compétence exclusive pour contrôler la légalité des actes de l’Union sur le fondement de l’article 263 TFUE, de statuer sur la légalité de la décision finale prise par la BCE et d’examiner, afin d’assurer une protection juridictionnelle effective des intéressés, les éventuels vices entachant les actes préparatoires ou les propositions émanant des autorités nationales qui seraient de nature à affecter la validité de cette décision finale (41).

93.      À la suite de la publication de cet arrêt et de l’invitation du Tribunal à présenter des observations sur ses conséquences sur le recours (42), les requérants ont soulevé deux nouveaux moyens d’annulation visant à contester la légalité des actes préparatoires adoptés par la Banque d’Italie (notamment, la décision d’ouverture de la procédure ainsi que la proposition de décision soumise à la BCE).

94.      Le Tribunal a rejeté les deux moyens nouveaux comme irrecevables, au motif que : a) ils ne présentaient pas de lien étroit avec les moyens d’annulation contenus dans la requête ; et b) l’arrêt de la Cour ne pouvait être considéré comme un élément de droit qui s’est révélé pendant la procédure, au sens de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal (43).

95.      Les arguments des requérants me paraissent fondés.

96.      En ce qui concerne l’absence de lien étroit entre les nouveaux moyens d’annulation et ceux initialement contenus dans la requête, j’estime que ce lien aurait dû être établi dans l’arrêt attaqué.

97.      Certes, la requête initiale ne remettait pas en cause l’illégalité des actes préparatoires de la Banque d’Italie. Or, ainsi que la Cour l’a jugé dans l’arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest, l’autorisation de l’acquisition ou de l’augmentation de participations qualifiées dans des établissements de crédit s’inscrit dans le cadre d’une procédure administrative composite, impliquant les autorités nationales et la BCE. Cette dernière dispose du pouvoir de décision finale, ce qui implique que la compétence exclusive pour apprécier la légalité des actes adoptés dans le cadre de ces procédures appartient au Tribunal et à la Cour.

98.      Par conséquent, il ne saurait être nié qu’il existe un lien, direct et étroit, entre les actes préparatoires des autorités nationales et l’acte final de la BCE, puisqu’ils constituent des éléments d’une même procédure administrative composite. L’appréciation de la validité de l’acte final (de la BCE) peut être conditionnée par les vices substantiels des actes préparatoires (des autorités nationales), que les requérants ont entendu invoquer devant le Tribunal.

99.      Concernant le fait de considérer l’arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest, comme un élément de droit nouveau révélé pendant le déroulement de la procédure, susceptible de justifier l’introduction de nouveaux moyens d’annulation, le raisonnement du Tribunal n’est pas non plus correct.

100. Dans l’arrêt attaqué, le Tribunal :

–      s’appuie sur la jurisprudence de la Cour (44) selon laquelle un arrêt qui confirme une situation juridique connue du requérant au moment de l’introduction de son recours ne saurait être considéré comme un élément qui permet d’invoquer un moyen nouveau.

–      Il ajoute qu’ « […] un arrêt intervenu au cours de la procédure ne saurait être invoqué comme un élément nouveau dès lors que cet arrêt ne donnait, en principe, qu’une interprétation ex tunc du droit de l’Union […] » (45).

–      Il invoque la valeur déclarative, non constitutive, et ex tunc de l’interprétation contenue dans les arrêts préjudiciels (46).

–      Il affirme que « les requérants connaissaient l’interprétation retenue par la Cour au moment où ils ont introduit leur recours » en annulation (47).

–      Il indique que l’arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest « ne saurait être considéré comme un élément de droit qui s’est révélé pendant la procédure au sens de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure [du Tribunal] ». (48)

101. Je ne partage pas ce raisonnement et la conséquence qu’en tire le Tribunal.

102. Le Tribunal a lui-même admis dans d’autres arrêts que, pour introduire de nouveaux moyens d’annulation, un arrêt de la Cour rendu durant la procédure est pertinent lorsqu’il contient des précisions nouvelles sur les règles applicables (49).

103. Les arrêts qui se bornent à réitérer la jurisprudence précédente ne justifient certainement pas l’introduction de moyens nouveaux. Il n’en va pas ainsi des arrêts de la Cour qui contiennent des développements d’une jurisprudence antérieure ou qui établissent une jurisprudence nouvelle : dans de tels cas, ces arrêts permettent d’introduire de nouveaux moyens dans des recours en annulation pendants.

104. La Cour a statué en ce sens dans le contexte spécifique de la directive 2013/32/UE (50). Elle a jugé qu’un arrêt qu’elle a rendu peut relever de la notion d’élément nouveau, au sens des articles 33, paragraphe 2, sous d), et 40, paragraphes 2 et 3, de cette directive (51). Cette constatation ne saurait être remise en cause par le caractère ex tunc des effets des arrêts rendus dans les procédures préjudicielles (52).

105. L’arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest, contenait des déclarations importantes (et nouvelles) concernant le contrôle juridictionnel dans les procédures administratives complexes mises en place dans le cadre de l’union bancaire, notamment celle relative à l’autorisation des acquisitions de participations qualifiées. Cet arrêt ne saurait être considéré comme une simple confirmation d’une jurisprudence antérieure.

106. Lors de l’introduction de leurs recours, Fininvest et M. Berlusconi ne pouvaient pas savoir à l’avance que les actes préparatoires de la Banque d’Italie dans le cadre de la procédure d’autorisation de l’acquisition de participations qualifiées devaient être contestés exclusivement devant le Tribunal, et non devant les juridictions italiennes.

107. Par conséquent, le Tribunal a commis une erreur de droit en déclarant irrecevables les deux nouveaux moyens d’annulation.

108. Dans ces conditions, le rejet pour irrecevabilité implique une atteinte au droit des requérants à une protection juridictionnelle effective, consacrée à l’article 47 de la Charte, en ce que celui-ci les a empêchés d’invoquer d’éventuels vices entachant la légalité des actes préparatoires à la décision finale, afin que le Tribunal les examine.

109. Il y a donc lieu d’accueillir le neuvième moyen du pourvoi, ce qui, après avoir fait droit aux premier (en partie) et deuxième moyens du pourvoi, conduit à l’annulation de l’arrêt attaqué.

IX.    Décision sur le recours en annulation devant le Tribunal

110. Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, lorsque le pourvoi est fondé, la Cour annule la décision du Tribunal. Elle peut alors statuer elle-même définitivement sur le litige lorsque celui-ci est en état d’être jugé.

111. Dans la présente affaire, la Cour dispose des éléments nécessaires pour statuer définitivement sur le recours en annulation contre la décision de la BCE du 25 octobre 2016.

112. Pour les motifs exposés aux points précédents, il y a lieu d’accueillir le premier moyen d’annulation soulevé par les requérants et d’annuler la décision de la BCE du 25 octobre 2016 dans son intégralité.

X.      Sur les dépens

113. En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi est fondé et que la Cour juge elle-même définitivement le litige, elle statue sur les dépens.

114. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

115. Les requérants au pourvoi ont conclu à la condamnation de la BCE aux dépens. Si, comme je le suggère, il est fait droit à leurs pourvois, la BCE devra être condamnée aux dépens et la Commission supportera ses propres dépens.

XI.    Conclusion

116. Eu égard aux éléments qui précèdent, je propose à la Cour de :

–      accueillir les pourvois et annuler l’arrêt du Tribunal du 11 mai 2022, Fininvest et Berlusconi/BCE (T‑913/16, EU:T:2022:279).

–      annuler la décision de la Banque centrale européenne ECB/SSM/2016 – 7LVZJ6XRIE7VNZ4UBX81/4, du 25 octobre 2016.

–      condamner aux dépens la Banque centrale européenne, la Commission européenne devant supporter ses propres dépens.


1      Langue originale : l’espagnol.


2      C‑219/17, ci-après l’« arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest », EU:C:2018:1023.


3      Arrêt du Tribunal, Fininvest et Berlusconi/BCE (T‑913/16, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2022:279).


4      Décision ECB/SSM/2016 – 7LVZJ6XRIE7VNZ4UBX81/4.


5      Conclusions du 27 juin 2018 (EU:C:2018:502).


6      Directive du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant l’accès à l’activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d’investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE et 2006/49/CE (JO 2013, L 176, p. 338).


7      Règlement du Conseil, du 15 octobre 2013, confiant à la Banque centrale européenne des missions spécifiques ayant trait aux politiques en matière de surveillance prudentielle des établissements de crédit (JO 2013, L 287, p. 63) (ci-après le « règlement MSU »).


8      Règlement de la Banque centrale européenne, du 16 avril 2014, établissant le cadre de la coopération au sein du mécanisme de surveillance unique entre la Banque centrale européenne, les autorités compétentes nationales et les autorités désignées nationales (le « règlement-cadre MSU ») (JO 2014, L 141, p. 1).


9      Decreto Legislativo n. 385 – Testo unico delle leggi in materia bancaria e creditizia [décret législatif no 385 – Texte unique des lois en matière bancaire et de crédit, du 1 septembre 1993 (supplément ordinaire à la GURI no 230, du 30 septembre 1993), dans sa version résultant du decreto legislativo no 72, du 12 mai 2015, qui a transposé en droit italien le contenu de la directive 2013/36 (décret législatif no 72, ci-après le « TUB »)].


10      Attuazione della direttiva 2011/89/UE, che modifica le direttive 98/78/CE, 2002/87/CE, 2006/48/CE e 2009/138/CE, per quanto concerne la vigilanza supplementare sulle imprese finanziarie appartenenti a un conglomerato finanziario, du 4 mars 2014 (GURI no 76, du 1er avril 2014, p. 1790) (décret législatif no 53 de mise en œuvre de la directive 2011/89/UE, modifiant les directives 98/78/CE, 2002/87/CE, 2006/48/CE et 2009/138/CE, en ce qui concerne la surveillance complémentaire des sociétés financières appartenant à un conglomérat financier).


11      Il s’agissait d’une « “fusion intra-groupe”, avec un rapport d’échange de 1 pour 1 », en vue de la simplification de la société et de la rationalisation de l’organisation du groupe bancaire, puisque la société Mediolanum détenait 100 % des actions de Banca Mediolanum.


12      M. Berlusconi étant décédé le 12 juin 2023, ses héritiers ont repris sa position procédurale dans le cadre du présent pourvoi.


13      Cette réhabilitation est évoquée dans le quatrième moyen des deux pourvois.


14      Voir BCE, Guide sur les procédures relatives aux participations qualifiées, 2023, https://www.bankingsupervision.europa.eu/ecb/pub/pdf/ssm.supervisory_guides230523_qualifyingholdingprocedure.fr.pdf.


15      Règlement du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédits et aux entreprises d’investissement et modifiant le règlement (UE) nº 648/2012 (JO 2013, L 176, p. 1).


16      Le règlement (UE) 2023/1114 du Parlement européen et du Conseil du 31 mai 2023 sur les marchés de crypto-actifs, et modifiant les règlements (UE) no 1093/2010 et (UE) no 1095/2010 et les directives 2013/36/UE et (UE) 2019/1937 (JO 2023, L 150, p. 40), prévoit, aux articles 41 et 42, une procédure de contrôle (de l’acquisition et de l’augmentation des participations qualifiées dans l’émetteur de jetons se référant à des actifs) analogue à celle de la directive 2013/36.


17      Aux termes de l’article 22, paragraphe 8, de la directive 2013/36, « [l]es États membres n’imposent pas, pour la notification aux autorités compétentes ou l’approbation par ces autorités d’acquisitions directes ou indirectes de droits de vote ou de parts de capital, des exigences plus contraignantes que celles prévues par la présente directive ».


18      À cette fin, son paragraphe 1 prévoit que les autorités compétentes évaluent, afin de garantir une gestion saine et prudente de l’établissement de crédit visé par l’acquisition envisagée et compte tenu de l’influence probable du candidat acquéreur sur cet établissement de crédit, le caractère approprié du candidat acquéreur et la solidité financière de l’acquisition envisagée conformément aux critères suivants : l’honorabilité du candidat acquéreur ; l’honorabilité et l’expérience des nouveaux membres de la direction proposés ; la solidité financière du candidat acquéreur ; la capacité de l’établissement de crédit de continuer à respecter les exigences prudentielles ; et le risque de liens avec des opérations de blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme.


19      Autorité bancaire européenne, Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles et Autorité européenne des marchés financiers, orientations communes relatives à l’évaluation prudentielle des acquisitions et des augmentations de participations qualifiées dans des entités du secteur financier (JC/GL/2016/01) (ci-après les « orientations communes »), Francfort, décembre 2016. Disponibles à l’adresse suivante : https://www.eiopa.europa.eu/system/files/202010/jc_qh_gls_fr.pdf.


20      La décision (UE) 2019/1376 de la BCE, du 23 juillet 2019, relative à la délégation du pouvoir d’adopter des décisions d’octroi de passeport, d’acquisition de participations qualifiées et de retrait d’agrément d’établissements de crédit (BCE/2019/23) (JO 2019, L 224, p. 1), fixe les critères de délégation, aux responsables des unités de travail de la BCE, du pouvoir d’adopter des décisions déléguées relatives au régime des participations qualifiées (article 4).


21      Point 79 de l’arrêt attaqué.


22      Point 80 de l’arrêt attaqué. Au point 81 du même arrêt, le Tribunal rappelle que les requérants détenaient déjà une « […] une convention d’actionnaires conclue entre Fininvest et Fin. Prog. Italia, qui leur permettait de contrôler conjointement Mediolanum et Banca Mediolanum avant la fusion en cause, […] ».


23      Selon le Tribunal, « la participation indirecte de Fininvest dans Banca Mediolanum est devenue, à la suite de la fusion en cause et de l’arrêt du Consiglio di Stato (Conseil d’État) du 3 mars 2016, une participation qualifiée directe ».


24      Cette disposition prévoit que « aux fins de l’accomplissement des missions qui lui sont confiées par le présent règlement, et en vue d’assurer des normes de surveillance de niveau élevé, la BCE applique toutes les dispositions pertinentes du droit de l’Union et, lorsque celui-ci comporte des directives, le droit national transposant ces directives. Lorsque le droit pertinent de l’Union comporte des règlements et que ces règlements laissent expressément aux États membres un certain nombre d’options, la BCE applique également la législation nationale faisant usage de ces options ».


25      La BCE doit appliquer la législation nationale (lorsqu’elle transpose les directives ou reprend l’une des options permises par les règlements), mais cela n’implique pas que la notion même d’acquisitions et d’augmentations de participations qualifiées soit laissée à la discrétion des États membres.


26      Point 49 de l’arrêt attaqué.


27      Arrêts du 11 avril 2019, Tarola (C‑483/17, EU:C:2019:309, point 36), du 1er octobre 2019, Planet49 (C‑673/17, EU:C:2019:801, point 47) et du 22 juin 2021, Latvijas Republikas Saeima (Points de pénalité) (C‑439/19, EU:C:2021:504, point 81).


28      Contrairement à ce que soutiennent la BCE et la Commission, il n’y a pas lieu de déprécier l’utilisation de cette notion dans l’arrêt attaqué, qui constitue un élément clé de son argumentation. Elle figure aux points 57, 78, 80, 81, 84 et 88 de cet arrêt. Avec celle-ci, le Tribunal ne se limite pas à « décri[re le] contexte » ou à « [employer des] termes non juridiques, mais […] essentiellement économiques », comme l’affirme à tort la BCE (point 20 de son mémoire en réponse).


29      Ou que l’acquisition permette d’exercer une influence notable sur la gestion de l’entreprise ou aboutisse à ce que l’établissement de crédit devienne la filiale du candidat acquéreur.


30      Points 80 et 81 de l’arrêt attaqué.


31      Le titre II, chapitre 1, point 6, des orientations communes prévoit deux critères pour déterminer si une participation est indirecte : le contrôle et la multiplication. Le critère de contrôle suppose que toutes les personnes physiques ou morales qui exercent le contrôle sur le détenteur d’une participation qualifiée dans une entité surveillée doivent être considérées comme des acquéreurs indirects de cette participation qualifiée. Le critère de multiplication, applicable dans une deuxième étape, consiste à multiplier les pourcentages des participations sur toute la chaîne de sociétés, en partant de la participation directement détenue dans l’établissement de crédit et en continuant vers le sommet de la chaîne tant que le résultat de la multiplication reste d’au moins 10 %.


32      L’article 27 de la directive 2013/36 indique que, « [p]our déterminer si les critères d’une participation qualifiée visés aux articles 22, 25 et 26 sont remplis, les droits de vote visés aux articles 9, 10 et 11 de la directive 2004/109/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 2004, sur l’harmonisation des obligations de transparence concernant l’information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé et modifiant la directive 2001/34/CE (JO 2004, L 390, p. 38)], et les conditions régissant leur agrégation énoncées à l’article 12, paragraphes 4 et 5, de ladite directive sont pris en compte ».


33      Point 77 de l’arrêt attaqué.


34      Point 57 de l’arrêt attaqué.


35      Point 80 de l’arrêt attaqué.


36      Le Tribunal admet ce fait au point 79 de l’arrêt attaqué : « […] alors que M. Berlusconi détenait une participation indirecte dans Banca Mediolanum, par l’intermédiaire, d’abord, de Fininvest et, ensuite, de Mediolanum, il détient désormais une participation indirecte dans Banca Mediolanum uniquement par l’intermédiaire de Fininvest ».


37      Les requérants, la BCE et la Commission s’opposent sur les niveaux de participation et sur son caractère direct ou indirect, mais, dans le cadre d’un pourvoi, la version des faits exposée par le Tribunal doit prévaloir.


38      Point 98 de l’arrêt attaqué.


39      Points 237 à 266 de l’arrêt attaqué.


40      Arrêt du 19 décembre 2018, Berlusconi et Fininvest, dispositif.


41      Ibid., point 44.


42      Point 19 de l’arrêt attaqué.


43      Selon cette disposition, « la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure ».


44      Il invoque, au point 251 de l’arrêt attaqué, les arrêts du 20 septembre 2018, Espagne/Commission (C‑114/17 P, EU:C:2018:753, point 39) et du 14 octobre 2014, Buono e.a./Commission (C‑12/13 P et C‑13/13 P, EU:C:2014:2284, points 58 et 60).


45      Point 255 de l’arrêt attaqué.


46      Point 252 de l’arrêt attaqué.


47      Point 256 de l’arrêt attaqué.


48      Point 257 de l’arrêt attaqué.


49      Arrêts du 22 mars 2018, Stavytskyi/Conseil (T‑242/16, EU:T:2018:166, point 125) et du 24 septembre 2019, Yanukovych/Conseil (T‑301/18, EU:T:2019:676, points 78 à 80), lu en combinaison avec l’arrêt du 19 décembre 2018, Azarov/Conseil (C‑530/17 P, EU:C:2018:1031).


50      Directive du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (JO 2013, L 180, p. 60).


51      Arrêt du 8 février 2024, Bundesrepublik Deutschland (Recevabilité d’une demande ultérieure) (C‑216/22, EU:C:2024:122, point 40). Il en est ainsi « […] indépendamment du point de savoir si cet arrêt a été prononcé avant ou après l’adoption de la décision portant sur la demande antérieure ou si ledit arrêt constate l’incompatibilité avec le droit de l’Union d’une disposition nationale sur laquelle cette décision a été fondée ou se limite à l’interprétation du droit de l’Union, y compris celui déjà en vigueur au moment de l’adoption de ladite décision ».


52      Ibid., point 41 : « [e]st ainsi […] dépourvue de pertinence la circonstance […] que les effets d’un arrêt par lequel la Cour, dans l’exercice de la compétence que lui confère l’article 267 TFUE, interprète une règle du droit de l’Union remontent, en principe, à la date de l’entrée en vigueur de la règle interprétée ».