Language of document : ECLI:EU:T:2021:341

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre)

9 juin 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne verbale SIENNA SELECTION – Motifs absolus de refus – Caractère descriptif – Absence de caractère distinctif – Nom de couleur – Article 7, paragraphe 1, sous b) et c), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑130/20,

Philip Morris Products SA, établie à Neuchâtel (Suisse), représentée par Me L. Alonso Domingo, avocate,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme M. Capostagno et M. V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 18 décembre 2019 (affaire R 1675/2019-5), concernant une demande d’enregistrement du signe verbal SIENNA SELECTION comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre),

composé de Mme M. J. Costeira, présidente, M. D. Gratsias (rapporteur) et Mme T. Perišin, juges,

greffier : Mme J. Pichon, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 février 2020,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 25 mai 2020,

à la suite de l’audience du 12 mars 2021,

rend le présent

Arrêt

1        Le 14 septembre 2018, la requérante, Philip Morris Products SA, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal SIENNA SELECTION.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 34 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

–        classe 34 : « Vaporisateur électrique pour cigarettes électroniques et vapoteurs électroniques ; tabac brut ou manufacturé ; produits du tabac, y compris cigares, cigarettes, cigarillos, tabac à rouler, tabac pour pipe, tabac à chiquer, tabac à priser, kretek ; snus ; succédanés du tabac (à des fins non médicales) ; articles pour fumeurs, y compris papier et tubes à cigarettes, filtres de cigarettes, boîtes à tabac, étuis à cigarettes et cendriers, pipes, appareils de poche pour rouler les cigarettes, briquets ; allumettes ; bâtonnet de tabac, produits du tabac destinés à être chauffés, dispositifs électroniques et leurs composants pour chauffer des cigarettes ou du tabac afin de libérer l’aérosol contenant de la nicotine pour inhalation ; solutions liquides de nicotine pour cigarettes électroniques ; vapoteurs électroniques ; cigarettes électroniques ; cigarettes électroniques comme substituts des cigarettes traditionnelles ; dispositifs électroniques pour l’inhalation d’un aérosol contenant de la nicotine ; vaporisateurs oraux pour fumeurs, produits du tabac et succédanés du tabac ; articles pour fumeurs pour cigarettes électroniques ; pièces et accessoires pour les produits précités compris dans la classe 34 ; dispositifs pour éteindre des cigarettes et des cigares chauffés et pour bâtonnets de tabac chauffés ; étuis pour cigarette électronique rechargeable ».

4        Par décision du 19 juin 2019, l’examinateur a refusé l’enregistrement de la marque demandée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b) et c), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001, pour l’ensemble des produits visés ci-dessus.

5        Le 30 juillet 2019, la requérante a formé un recours contre la décision de l’examinateur, demandant son annulation dans son intégralité. Le recours a été renvoyé, sous la référence R 1675/2019-5, devant la cinquième chambre de recours, qui l’a rejeté par décision du 18 décembre 2019 (ci-après la « décision attaquée »).

6        En premier lieu, s’agissant de l’application, en l’espèce, de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, la chambre de recours a considéré que, les mots composant la marque demandée étant en anglais, le public pertinent était le public anglophone de l’Union européenne, à savoir le public des États membres dont l’anglais constituait une des langues officielles. La chambre de recours a, par ailleurs, conclu que le niveau d’attention du public pertinent, composé des fumeurs de tabac, pourrait, en l’espèce, varier de moyen à supérieur à la moyenne.

7        À cet égard, la chambre de recours a également considéré, en citant l’arrêt du 11 octobre 2011, Chestnut Medical Technologies/OHMI (PIPELINE) (T‑87/10, non publié, EU:T:2011:582, points 27 et 28), que, « grâce à leur expérience personnelle et à leur intérêt pour les problèmes de santé liés au tabagisme, le public pertinent saisirait plus facilement les connotations descriptives de la marque demandée ».

8        Dans le cadre de son analyse du caractère descriptif de la marque demandée et après avoir exposé de manière détaillée la jurisprudence et la pratique décisionnelle de l’EUIPO s’agissant des marques comprenant des noms de couleurs, la chambre de recours a indiqué que le mot « sienna » avait deux significations : d’une part, il faisait référence à « un type de terre ferrugineuse utilisée comme pigment dans la peinture, en principe d’une couleur brun jaune (sienne brut) ou brun rouge foncé lorsqu’elle est torréfiée (sienne brûlée) » et, d’autre part, « une couleur brun jaune ou brun rouge foncé ». Plus spécifiquement, le mot « sienna », en anglais, est connu comme étant « un pigment de peinture brunâtre et un prénom de fille ». En plus, « en tant que nom de couleur, il n’est pas exotique, comme pourrait l’être ‘framboise’ (fruit rouge ou orange), par exemple ». Eu égard aux produits en cause, le mot « sienna » serait « probablement compris comme étant une indication de couleur ».

9        Pour ce qui est de l’élément verbal « selection », la chambre de recours a considéré qu’il possédait deux significations pertinentes en l’espèce, à savoir, d’une part, « l’action de sélectionner ou de choisir ; également le fait d’être sélectionné ou choisi » et, d’autre part, « un choix particulier ; choix d’une ou de plusieurs personnes ; désigne (la personne ou) l’objet sélectionné ; un certain nombre (de personnes ou) d’objets sélectionnés ». Elle a également considéré que ce mot pouvait être utilisé soit pour indiquer la qualité d’un ensemble de produits, à savoir pour indiquer que ceux-ci ont été choisis « pour leur qualité et/ou pour leurs caractéristiques supérieures à la moyenne », soit pour faire référence à un assortiment de produits du même type commercialisés ensemble.

10      En tenant compte de ces constatations et tout en considérant que l’analyse de l’examinateur selon laquelle la marque demandée sera comprise comme « une gamme de produits de couleur brun jaune ou brun rouge foncé » n’était pas « déraisonnable », la chambre de recours a poussé plus loin l’examen du « contexte commercial dans lequel la marque sera utilisée ».

11      La chambre de recours a, à cette fin, classé les produits visés par la marque demandée en trois catégories : la première comprenant « les produits traditionnels associés au tabac », la deuxième, les « articles pour fumeurs » et, la troisième, les « vapoteurs/cigarettes électroniques et produits du tabac chauffés ».

12      En entamant, ainsi, son analyse par la deuxième catégorie identifiée ci-dessus, à savoir les « articles pour fumeurs », la chambre de recours a considéré que ces produits seraient susceptibles d’être commercialisés dans des couleurs différentes et, ainsi, « un consommateur mis en présence de [la marque demandée] s’attendra[it] raisonnablement à ce que ces articles – un cendrier ou un étui à cigarettes, par exemple, soient de cette couleur ou, peut-être, fassent partie de la gamme de produits à fumer ‘sienna’ ». Plus spécifiquement, le public pertinent verra ces articles « comme une extension des produits à fumer électroniques ou traditionnels, faisant partie d’une collection ». La chambre de recours a, à cet égard, rappelé que, selon la jurisprudence, une objection au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 peut s’appliquer même dans un cas où l’élément ou la caractéristique des produits qui est décrit par la marque demandée ne joue qu’un rôle mineur quant au choix du consommateur.

13      Ensuite, en ce qui concerne les deux autres catégories de produits identifiées au point 11 ci-dessus, la chambre de recours a indiqué que « l’industrie du tabac manipul[ait] la perception qu’[avaient] les consommateurs du goût et de la force des cigarettes en modifiant la couleur de l’emballage de leurs produits ». Ainsi, « [t]raditionnellement, certaines couleurs ont été associées à des produits à base de nicotine plus aromatisés et plus forts (couleurs rouges et foncées) et à des produits contenant moins de nicotine et au goût moins prononcé (couleurs blanches et plus claires) ». Selon la décision attaquée, cette tendance serait poursuivie avec les produits pour fumeurs électroniques.

14      Sur la base de ces constatations, qui seraient corroborées par des éléments de preuve présentés par la division d’examen, la requérante fournirait « une gamme de produits qui classent la force du ‘goût’ (et vraisemblablement la concentration en nicotine) par couleur ». Dans ce contexte, « sienne » représenterait un « mélange de tabac complet et intense », ce qui correspondrait à la pratique habituelle du marché, « en ce sens que les couleurs plus foncées ou plus soutenues indiquent une teneur en nicotine plus élevée et davantage d’arôme ». À l’appui de ces considérations, la chambre de recours a produit une image représentant la gamme de produits HEETS, à savoir des produits du tabac commercialisés par la requérante, destinés à être chauffés, qui comporte quatre types de produits, classés selon leur arôme : « amber », « yellow », « turquoise » et « sienna » ; ce dernier type de produits correspondrait à un « mélange de tabac complet et intense ».

15      La chambre de recours a également reproduit une image représentant des produits substituts du tabac qui seraient commercialisés selon un « code de couleurs », qui refléterait une « politique similaire ». Plus spécifiquement, cette image représente des fioles contenant des solutions liquides de nicotine pour cigarettes électroniques qui sont classées selon leur concentration en nicotine : « 0mg white, 3mg blue, 6mg green, 9mg yellow, 12mg orange and 18mg red ». Pour démontrer que « ces exemples ne sont pas exhaustifs », la chambre de recours a reproduit une dernière image, représentant des articles pour fumeurs divers, en différentes couleurs.

16      Selon la décision attaquée, « la couleur sera comprise comme désignant une qualité des produits et, partant, est un élément que les consommateurs rechercheront dans ces produits et un facteur qui influence leur choix ». Ainsi, la marque demandée serait comprise « comme faisant référence à un choix proposé au consommateur en ce qui concerne les produits en cause ».

17      Par ailleurs, la chambre de recours a rejeté l’argumentation de la requérante en ce que celle-ci était fondée sur des exemples de marques enregistrées comportant le mot « sienna ».

18      En second lieu, la chambre de recours a rappelé que, selon la jurisprudence, une marque verbale qui est descriptive des caractéristiques de produits ou de services au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 est nécessairement dépourvue de caractère distinctif au regard de ces mêmes produits ou services, au sens de la même disposition. Partant, en l’espèce, selon la chambre de recours, le signe SIENNA SELECTION, en tant qu’« indication purement descriptive », qui « sera aisément comprise par les consommateurs pertinents », est dépourvu du caractère distinctif nécessaire pour être enregistré au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

19      La requérante demande à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

20      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

21      Dans la requête, la requérante invoque deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 et, le second, de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001

22      Le premier moyen invoqué par la requérante se divise en deux griefs.

23      D’une part, la requérante allègue que la chambre de recours n’a pas dûment analysé la perception de la marque demandée par le public pertinent dans la mesure où elle a considéré que cette marque serait perçue en tant que référence à la couleur des produits visés. Plus spécifiquement, les consommateurs ne percevraient pas immédiatement l’élément verbal « sienna » comme le nom d’une couleur, étant donné qu’il ne s’agit pas d’un nom de couleur courant et qu’il aurait plusieurs significations. La chambre de recours aurait fondé son appréciation sur le principe, inexact selon la requérante, selon lequel « lorsqu’ils regardent un signe, les consommateurs cherchent toujours en premier lieu un sens descriptif ». Il n’existerait, en outre, aucun cas d’utilisation courante de cet élément verbal ou de la couleur « sienna » en association avec les produits visés en l’espèce.

24      D’ailleurs, selon la requérante, la couleur ne constitue pas une caractéristique pertinente pour le choix des consommateurs de ces produits, notamment en ce qui concerne la première des trois catégories identifiées par la chambre de recours. À cet égard, la chambre de recours aurait limité « l’explication de la raison pour laquelle [la marque demandée] [était] purement descripti[ve] de la couleur des produits à seulement l’une [de ces] trois catégories ». À suivre le raisonnement de la chambre de recours, juridiquement erroné selon la requérante, tout nom de couleur pourrait être descriptif de toute sorte de produit et les noms de couleurs ne sauraient être enregistrés comme marques.

25      D’autre part, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas dûment analysé la perception de la marque demandée par le public pertinent en ce qu’elle a considéré que cette marque serait perçue en tant que référence à des caractéristiques des produits visés telles que leur intensité de goût, leur arôme et leur teneur en nicotine.

26      À cet égard, la marque demandée ne comporterait aucun message descriptif direct concernant les produits en cause et il serait, ainsi, impossible « de déduire une quelconque caractéristique [de ces produits] », « sans procéder au type de travail d’esprit complexe réalisé par la chambre de recours ». Si la demande d’enregistrement devait être rejetée du fait que le signe demandé était descriptif selon « une pratique habituelle dans le secteur », elle aurait dû tomber sous l’interdiction prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous d), du règlement 2017/1001, disposition qui n’est pas pertinente en l’espèce, puisque SIENNA SELECTION ne constitue pas un nom usuel dans le commerce. La chambre de recours aurait, en outre, ainsi qu’il ressort du point 10 de la décision attaquée, commis une erreur de droit, dans la mesure où son appréciation selon laquelle le signe demandé pourrait « avoir un sens descriptif ‘dans le futur’ » serait susceptible de s’étendre à des « significations hypothétiques (et donc arbitraires) futures » de ce signe.

27      La requérante fait valoir que, si l’utilisation d’un nom de couleur pour faire référence à l’arôme ou à la teneur en nicotine d’une gamme de produits peut être descriptive lorsque le public pertinent « a déjà connaissance de cette corrélation », il est, au contraire, erroné de qualifier de descriptif « un nom original qui ressemble éventuellement à celui d’une couleur non utilisée habituellement dans le secteur en question et qui nécessite de ce fait des explications et informations de la part de l’acteur spécifique du marché sur la signification particulière attachée à ce nom ». Il n’y aurait, d’ailleurs, aucune nécessité de laisser le signe SIENNA SELECTION libre d’usage, selon l’intérêt général qui sous-tend l’interdiction prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, dans la mesure où aucun des concurrents de la requérante « n’a besoin de ces termes particuliers pour décrire ses produits ». Enfin, selon la requérante, rien ne distingue le cas d’espèce des exemples de marques enregistrées comportant des noms de couleurs cités dans la décision attaquée et, de ce fait, la décision attaquée serait, également, discriminatoire.

28      L’EUIPO considère que la chambre de recours a correctement déterminé la signification de la marque demandée, eu égard à la perception du public pertinent. Le terme « sienna » serait courant et désignerait, notamment, le nom d’une couleur et le public pertinent ne serait probablement pas amené à le percevoir comme désignant ses autres signifiants. Il serait, en effet, notoire que la couleur en question soit utilisée dans le commerce pour décrire divers produits. La chambre de recours aurait fourni des explications pour l’ensemble des produits visés par la marque demandée. Plus spécifiquement, pour ce qui est des produits du tabac traditionnels et les produits liés aux cigarettes électroniques, l’EUIPO confirme le raisonnement de la chambre de recours selon lequel la couleur est généralement utilisée dans le marché concerné pour désigner les niveaux de goudron que contiennent les produits du tabac, qui influencent le goût et l’intensité des cigarettes et des produits similaires. S’agissant des « articles pour fumeurs », le consommateur pourrait raisonnablement s’attendre soit à ce qu’ils soient de couleur « sienna » soit à ce qu’ils fassent partie de la gamme des produits à fumer « sienna ». Ce raisonnement serait conforme à la pratique de l’EUIPO et à la jurisprudence du Tribunal concernant l’enregistrement des marques comportant des noms de couleurs. La décision attaquée est fondée sur le « fait établi » selon lequel la couleur peut constituer une caractéristique des produits du tabac, en raison de la pratique traditionnelle de l’industrie concernée à utiliser les couleurs en tant qu’ « éléments descriptifs », « c’est-à-dire pour transmettre des messages implicites sur le goût, l’intensité, les effets sur la santé et la qualité des cigarettes concernées ». L’EUIPO invoque, à cet égard, deux études prospectives des marchés. À titre d’exemple, le rouge ou le rouge foncé désignerait généralement les cigarettes de tabac plus aromatiques et « le brun [serait] généralement associé aux cigares ou aux petits cigares ». Enfin, l’EUIPO affirme souhaiter « vivement connaître l’avis du Tribunal sur la question de savoir si les conditions décrites dans [l’arrêt du 7 mai 2019, Fissler/EUIPO (vita) (T‑423/18, EU:T:2019:291)] sont satisfaites en l’espèce ».

29      En ce qui concerne, enfin, les affirmations de la requérante relatives à des marques enregistrées comportant des noms de couleurs, l’EUIPO souligne que la grande majorité des exemples en cause concerneraient des produits relevant d’autres classes que la classe 34, alors que les exemples qui désignent des produits de cette dernière « correspond[raient] au nom d’une couleur qui pourrait difficilement désigner une caractéristique des produits du tabac ». La partie défenderesse se réfère, en outre, sur ce point, à la jurisprudence s’y rapportant du juge de l’Union, concluant que la chambre de recours n’a en aucun cas enfreint les principes d’égalité de traitement, de légalité et de bonne administration.

 Observations liminaires

30      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d’indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci. En vertu de l’article 7, paragraphe 2, du même règlement, l’article 7, paragraphe 1, est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union.

31      En interdisant l’enregistrement en tant que marque de tels signes ou indications, l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 poursuit un but d’intérêt général, lequel exige que les signes ou les indications descriptives des caractéristiques de produits ou de services pour lesquels l’enregistrement est demandé puissent être librement utilisés par tous. Cette disposition empêche, dès lors, que de tels signes ou indications soient réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (voir arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 31 et jurisprudence citée).

32      En effet, des signes ou des indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner des caractéristiques du produit ou du service pour lequel l’enregistrement est demandé sont, en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, réputés incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir identifier l’origine commerciale du produit ou du service afin de permettre au consommateur qui acquiert le produit ou le service que la marque désigne de faire, lors d’une acquisition ultérieure, le même choix, si l’expérience s’avère positive, ou de faire un autre choix, si elle s’avère négative [voir arrêt du 25 juin 2020, Off-White/EUIPO (OFF-WHITE), T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293, point 20 et jurisprudence citée].

33      Par ailleurs, s’agissant du motif absolu de refus figurant à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, l’appréciation du caractère descriptif d’un signe ne peut être opérée que, d’une part, par rapport aux produits ou aux services concernés et, d’autre part, par rapport à la compréhension qu’en a le public pertinent (voir arrêt du 25 juin 2020, OFF-WHITE, T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293, point 21 et jurisprudence citée).

34      Il en résulte que, pour qu’un signe tombe sous le coup de l’interdiction énoncée par cette disposition, il faut qu’il présente avec les produits ou les services en cause un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une description des produits et des services en cause ou d’une de leurs caractéristiques (voir arrêt du 25 juin 2020, OFF-WHITE, T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293, point 22 et jurisprudence citée).

35      Il convient également de rappeler que, pour que l’EUIPO oppose un refus d’enregistrement sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, il n’est pas nécessaire que les signes et indications composant la marque visés à cet article soient effectivement utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Il suffit, comme l’indique la lettre même de cette disposition, que ces signes et ces indications puissent être utilisés à de telles fins. Un signe verbal doit ainsi se voir opposer un refus d’enregistrement si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou des services concernés (voir arrêt du 25 juin 2020, OFF-WHITE, T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293, point 23 et jurisprudence citée).

36      En ce qui concerne, plus particulièrement, les marques constituées par des noms de couleurs, selon une jurisprudence constante, par l’emploi, à l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, des termes « l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l’époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d’autres caractéristiques de ceux-ci », le législateur de l’Union a, d’une part, indiqué que ces termes devaient tous être considérés comme correspondant à des caractéristiques de produits ou de services et, d’autre part, précisé que cette liste n’était pas exhaustive, toute autre caractéristique de produits ou de services pouvant également être prise en compte (arrêts du 7 mai 2019, vita, T‑423/18, EU:T:2019:291, point 42, et du 25 juin 2020, OFF-WHITE, T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293, point 35).

37      Dès lors, le choix, par le législateur de l’Union, du terme « caractéristique » met en exergue le fait que les signes visés par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001 ne sont que ceux qui servent à désigner une propriété, facilement reconnaissable par les milieux intéressés, des produits ou des services pour lesquels l’enregistrement est demandé. Ainsi, un signe ne saurait être refusé à l’enregistrement sur le fondement de cette disposition que s’il est raisonnable d’envisager qu’il sera effectivement reconnu par les milieux intéressés comme une description de l’une desdites caractéristiques (arrêts du 7 mai 2019, vita, T‑423/18, EU:T:2019:291, point 43, et du 25 juin 2020, OFF-WHITE, T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293, point 36).

38      De plus, s’il est indifférent qu’une telle caractéristique soit essentielle ou accessoire sur le plan commercial, une caractéristique, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, doit néanmoins être objective et inhérente à la nature du produit ou du service ainsi qu’intrinsèque et permanente pour ce produit ou ce service (arrêts du 7 mai 2019, vita, T‑423/18, EU:T:2019:291, point 44, et du 25 juin 2020, OFF-WHITE, T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293, point 37).

39      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner, au vu de l’appréciation exposée par la chambre de recours dans la décision attaquée, l’argumentation de la requérante.

40      S’agissant, d’ailleurs, du public pertinent au regard de la perception duquel l’appréciation de la marque demandée devrait être effectuée, il y a lieu de relever, d’emblée, que les constatations de la chambre de recours sur ce point (voir point 6 ci-dessus), qui, d’ailleurs, ne sont pas contestées par la requérante, doivent être approuvées.

 Sur la signification de l’élément verbal « sienna »

41      La marque demandée se compose de deux éléments verbaux. Le second de ces éléments verbaux, à savoir l’élément verbal « selection », sera, selon les conclusions de la chambre de recours (voir point 9 ci-dessus) qui ne sont pas contestées par la requérante et qu’il y a lieu d’approuver, perçu par le public pertinent comme faisant allusion à un certain nombre de produits choisis. Partant, dans le cadre de la présente affaire, il convient de se pencher sur la signification de l’élément verbal « sienna » et de déterminer si celui-ci est susceptible d’être perçu comme faisant allusion à une caractéristique de l’ensemble des produits auxquels fait référence l’élément verbal « selection ».

42      La requérante conteste les constatations de la chambre de recours selon lesquelles l’élément verbal « sienna », qui peut avoir plusieurs significations, sera compris par le public pertinent comme étant « une indication de couleur » (voir point 8 ci-dessus) et fait valoir que, en tout état de cause, il s’agit d’un nom de couleur qui n’est ni courant ni couramment utilisé en association avec les produits visés en l’espèce.

43      À cet égard, il suffit de rappeler que, selon la jurisprudence, un signe verbal doit aussi se voir opposer un refus d’enregistrement, en application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, si, en au moins une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou services concernés (voir, par analogie, arrêt du 23 octobre 2003, OHMI/Wrigley, C‑191/01 P, EU:C:2003:579, point 32).

44      Or, en l’espèce, si la requérante allègue que l’élément verbal « sienna » ne saurait faire directement référence à une couleur courante, elle ne conteste pas qu’une des significations possibles dudit élément verbal est une indication d’une couleur brun jaune ou brun rouge foncé. Il reste, dès lors, à examiner si l’élément verbal « sienna », en renvoyant à la couleur « sienne » peut être considéré comme renvoyant également à une caractéristique des produits visés par la marque demandée et, plus spécifiquement, si, pour cette raison, la marque demandée permet au public pertinent de percevoir immédiatement, et sans autre réflexion, une telle caractéristique, au sens de la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus.

45      À cet égard, ainsi qu’il a été constaté au point 11 ci-dessus, la chambre de recours a classé les produits visés par la demande d’enregistrement en trois catégories afin d’analyser le caractère descriptif de la marque demandée pour chacune de ses catégories, examinées ci-après.

–       Sur les produits relevant des première et troisième catégories identifiées par la chambre de recours (« Produits traditionnels associés au tabac » et « Vapoteurs/cigarettes électroniques et produits du tabac chauffés »)

46      Selon la décision attaquée, la couleur signifiée par l’élément verbal « sienna » sera comprise comme désignant une qualité ou une caractéristique des produits visés en l’espèce et, par conséquent, constitue « un élément que les consommateurs rechercheront dans ces produits et un facteur qui influence leur choix » (voir point 16 ci-dessus). Sur ce point, il ressort de la décision attaquée que la caractéristique en question ne serait pas, pour ce qui est des produits visés relevant des première et troisième catégories, leur couleur en soi, ou bien la couleur de la matière première de certains d’entre eux, à savoir le tabac. Selon la chambre de recours et ainsi que l’EUIPO l’a confirmé lors de l’audience, le public pertinent percevra l’élément verbal « sienna » comme signifiant que le goût des produits en question correspond à celui d’un « mélange de tabac complet et intense » (voir points 13 et 14 ci-dessus). La chambre de recours a, sur ce point, cité des exemples de la pratique commerciale de la requérante tant pour ce qui est de la commercialisation des produits traditionnels du tabac que pour ce qui est de celle des cigarettes électroniques et des produits s’y rapportant.

47      Ces conclusions de la chambre de recours sont fondées sur la prémisse selon laquelle l’utilisation des « codes couleurs » pour la commercialisation des produits du tabac, traditionnels ou liés à l’utilisation de la cigarette électronique, constitue une pratique courante de l’industrie du tabac et, de ce fait, un fait communément connu. Selon la décision attaquée, les couleurs rouges et foncées seraient associées à des produits à base de nicotine plus aromatisés et plus forts, alors que les couleurs plus claires le seraient à des produits contenant moins de nicotine et au goût moins prononcé (voir point 12 ci-dessus).

48      Il y a lieu, tout d’abord, de souligner qu’il ne saurait être exclu que l’arôme ou le goût d’un produit puisse être au nombre des caractéristiques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001. Dès lors, une marque qui comporte des éléments susceptibles de renvoyer au goût ou à l’arôme des produits tels que ceux en cause en l’espèce peut être considérée comme étant descriptive [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 18 janvier 2017, Wieromiejczyk/EUIPO (Tasty Puff), T‑64/16, non publié, EU:T:2017:13, point 35].

49      Ensuite, selon la décision attaquée, certaines couleurs seraient traditionnellement utilisées par l’industrie du tabac pour signifier, notamment, le goût, l’arôme et la teneur en nicotine des produits du tabac et de leurs substituts. Plus spécifiquement, des cigarettes emballées dans des paquets de couleur rouge ou comportant des éléments en rouge seraient, aux yeux du public pertinent, censées être d’une teneur forte en nicotine et, dès lors, avoir un arôme et un goût intenses. Il en irait de même pour ce qui est du blanc et, en général, des couleurs claires, censées figurer sur des emballages contenant des produits du tabac ou des substituts de ces derniers plus légers en goût et en nicotine. Ainsi qu’il a été indiqué au point 28 ci-dessus, l’EUIPO invoque, devant le Tribunal, des études prospectives de marché, censées illustrer à cet égard la décision attaquée.

50      Indépendamment de la question de savoir si l’EUIPO est recevable à invoquer ces études pour la première fois devant le Tribunal, le raisonnement exposé dans la décision attaquée ne saurait être retenu. En effet, même en suivant la logique prônée par l’EUIPO et en considérant, à l’instar de ce que ce dernier a affirmé lors l’audience, que la pratique décrite ci-dessus constituait, à tout le moins pour ce qui est du public pertinent, composé de fumeurs et de vapoteurs, un fait notoire, cette pratique ne concernerait que les éléments verbaux « rouge » et « blanc » ou encore des éléments verbaux faisant directement allusion à ces couleurs en particulier. En revanche et en tout état de cause, l’existence d’une telle pratique en ce qui concerne toute autre couleur ou encore l’ensemble des nuances du rouge ou du brun, invoquées dans la décision attaquée (voir point 8 ci-dessus), ne saurait être considérée comme un fait notoire.

51      En particulier, il y a lieu de considérer que, en l’espèce, le public pertinent ne percevra pas immédiatement et sans autre réflexion, au sens de la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus, le degré d’intensité de leur goût ou de leur arôme ou bien de leur teneur en nicotine du seul fait que la marque demandée comporte l’élément verbal « sienna ».

52      En effet, il ne saurait être exclu que, vu que la couleur sienne correspond à un pigment naturel, à savoir la terre de Sienne, provenant, notamment, de la région de Sienne (Italie), la couleur signifiée par l’élément verbal « sienna » est susceptible de susciter, dans l’esprit du consommateur moyen, une allusion à la terre et lui évoquer, ainsi, des parfums naturels. Or, même à suivre la logique de la décision attaquée et à considérer que la couleur sienne n’est pas « exotique » (voir point 8 ci-dessus) et que l’élément verbal « sienna » puisse faire allusion à un goût ou à un parfum tels que décrits, à titre d’exemple ci-dessus, il n’en reste pas moins que le public pertinent n’aurait pas, à partir du seul élément verbal « sienna », des informations spécifiques concernant l’intensité du goût ou la teneur en nicotine des produits visés par la marque demandée.

53      Plus précisément, même à considérer que la pratique de l’industrie du tabac à laquelle se réfère la décision attaquée soit communément connue du public pertinent, il y a lieu de constater que, à l’exception, le cas échéant, du rouge ou du blanc (voir points 49 et 50 ci-dessus), cette pratique n’est pas fondée sur l’utilisation de couleurs spécifiques, mais, plutôt, sur un jeu de nuances. Ainsi, dans le cadre d’une même gamme de produits, ceux au goût plus intense sont susceptibles d’être identifiés par des couleurs plus sombres, alors que ceux au goût plus léger sont susceptibles d’être identifiés par des couleurs plus claires. Ce n’est, dès lors, qu’en procédant à un exercice de comparaison entre des éléments utilisés pour identifier des produits tels que ceux visés en l’espèce et ceux utilisés pour identifier les autres produits de la même gamme ou du même fabricant que le consommateur moyen sera, le cas échéant, susceptible de percevoir certaines des caractéristiques de ces produits.

54      En l’espèce, ainsi que le démontrent les exemples cités par la chambre de recours dans la décision attaquée (voir points 14 et 15 ci-dessus), le consommateur moyen devrait prendre connaissance de l’ensemble du « code couleur » appliqué à une gamme de produits tels que les produits en cause en l’espèce afin de pouvoir, le cas échéant, tirer des conclusions sur les caractéristiques spécifiques des produits marqués « sienna » en termes de goût ou de teneur en nicotine, d’autant plus que cet élément verbal ne saurait être considéré comme faisant allusion uniquement à une nuance rougeâtre du brun mais également à une nuance jaunâtre de cette couleur (voir point 8 ci-dessus).

55      En l’absence d’un tel « code couleur », le public pertinent ne serait pas en mesure de considérer, dans l’abstrait, qu’une certaine couleur, telle que celle en cause en l’espèce, est foncée, faisant ainsi allusion à des produits de tabac forts en goût ou en teneur en nicotine, ou claire, faisant ainsi allusion à des produits de tabac plus légers en goût ou en teneur en nicotine. En effet, notamment lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’une nuance de couleur, son caractère « sombre » ou « clair » est relatif et dépend des autres nuances auxquelles elle serait comparée.

56      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a commis une erreur en considérant que, du fait de la pratique employée par l’industrie du tabac pour identifier les produits tels que ceux visés par la demande litigieuse telle que décrite ci-dessus, le public pertinent percevrait le degré d’intensité du goût ou de la teneur en nicotine des produits visés par la marque demandée « immédiatement et sans autre réflexion » au sens de la jurisprudence citée au point 34 ci-dessus. Partant, il y a lieu de conclure que c’est à tort que la chambre de recours a considéré que la marque demandée était descriptive des produits relevant des première et troisième catégories identifiées dans la décision attaquée.

–       Sur les produits relevant de la deuxième catégorie identifiée par la chambre de recours(« Articles pour fumeurs »)

57      Comme il est indiqué au point 12 ci-dessus, pour ce qui est de la deuxième catégorie de produits identifiée dans la décision attaquée, à savoir les « articles pour fumeurs », la chambre de recours a considéré que la marque demandée en était descriptive sur la base de deux motifs alternatifs. Ainsi, elle a indiqué que le consommateur s’attendra raisonnablement à ce que ces produits, susceptibles d’être commercialisés dans des couleurs différentes, « soient [de couleur ‘sienna’] ou, peut-être, fassent partie de la gamme de produits à fumer ‘sienna’ ».

58      En ce qui concerne le premier motif invoqué, à savoir que la marque demandée serait descriptive de la couleur des produits visés, il y a lieu de constater, d’emblée, que la couleur d’un produit peut être au nombre des caractéristiques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, à condition que cette couleur constitue une caractéristique objective et inhérente à la nature dudit produit ainsi qu’intrinsèque et permanente pour ce dernier (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 2019, vita, T‑423/18, EU:T:2019:291, point 44, et du 25 juin 2020, OFF-WHITE, T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293, point 43).

59      Or, il ne ressort aucunement des considérations de la chambre de recours que la couleur désignée par l’élément verbal « sienna » constitue une caractéristique objective et inhérente à la nature des produits en cause, ainsi qu’intrinsèque et permanente pour ces produits, au sens de la jurisprudence citée au point 38 ci-dessus. Le simple fait que les produits en cause sont susceptibles d’être disponibles en cette couleur, comme ils sont susceptibles d’être disponibles dans d’autres couleurs, ne saurait avoir d’incidence, dès lors qu’il n’est pas « raisonnable », au sens de la jurisprudence rappelée au point 37 ci-dessus, d’envisager que, de ce simple fait, cette couleur, qui ne présente, par ailleurs, aucun rapport direct et immédiat avec leur nature, sera immédiatement reconnue par le public pertinent comme descriptive d’une caractéristique intrinsèque et inhérente à la nature de ces produits (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 25 juin 2020, OFF-WHITE, T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293, point 45 et jurisprudence citée).

60      En ce qui concerne le second motif invoqué par la chambre de recours, à savoir que la marque demandée permettrait aux consommateurs de percevoir l’appartenance des produits visés à la gamme de produits SIENNA SELECTION, il n’y a pas lieu de considérer que la simple appartenance à une gamme de produits est au nombre des caractéristiques visées par l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001. Un tel raisonnement aurait pour conséquence l’interdiction pure et simple d’utiliser la même marque pour identifier à la fois les produits principalement visés par celle-ci et des produits dérivés. Il en irait autrement si l’appartenance à la gamme de produits SIENNA SELECTION avait pu être considérée comme faisant allusion à d’autres caractéristiques des produits visés, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001. Or, une telle constatation ne ressort aucunement de la décision attaquée et ne saurait être considérée comme ressortant non plus des arguments et éléments présentés par l’EUIPO devant le Tribunal.

61      Il convient dès lors de considérer que la chambre de recours a, à tort, considéré que la marque demandée sera perçue par le public pertinent comme descriptive des produits relevant de la deuxième catégorie identifiée dans la décision attaquée.

62      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu d’accueillir le premier moyen invoqué par la requérante et, par conséquent, d’annuler la décision attaquée en ce qu’elle est fondée sur l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001

63      Selon la jurisprudence, chacun des motifs absolus de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 est indépendant des autres et exige un examen séparé, même s’il existe un recoupement évident de leurs champs d’application respectifs. En outre, il convient d’interpréter lesdits motifs de refus à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend chacun d’entre eux (voir arrêt du 25 juin 2020, OFF-WHITE, T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293, point 50 et jurisprudence citée).

64      Il s’ensuit que le fait que la marque ne relève pas de l’un de ces motifs absolus de refus ne permet pas de conclure qu’elle ne peut pas relever d’un autre. Il ne saurait donc être conclu, en particulier, qu’une marque n’est pas dépourvue de caractère distinctif à l’égard de certains produits ou services au seul motif qu’elle ne les décrit pas (voir arrêt du 25 juin 2020, OFF-WHITE, T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293, point 51 et jurisprudence citée).

65      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif. Selon une jurisprudence constante, les marques visées par cette disposition sont celles qui sont réputées incapables d’exercer la fonction essentielle de la marque, à savoir celle d’identifier l’origine commerciale du produit ou du service en cause (voir point 32 ci-dessus) (voir arrêt du 25 juin 2020, OFF-WHITE, T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293, point 54 et jurisprudence citée).

66      L’intérêt général sous-jacent à cette disposition concerne la protection du consommateur en permettant à celui-ci de distinguer sans confusion possible la provenance des produits ou des services désignés par la marque, conformément à sa fonction essentielle d’indication d’origine, alors que l’intérêt général sous-tendant la règle inscrite à l’article 7, paragraphe 1, sous c), se concentre sur la protection des concurrents contre tout risque de monopolisation par un seul opérateur d’indications descriptives de caractéristiques de tels produits ou services (voir arrêt du 25 juin 2020, OFF-WHITE, T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293, point 52 et jurisprudence citée).

67      Ainsi, une marque qui ne saurait être considérée comme étant descriptive, comme en l’espèce, n’est pas pour autant de ce seul fait distinctive. Dans un tel cas, il faut encore examiner si, intrinsèquement, elle n’est pas dépourvue de caractère distinctif, c’est-à-dire vérifier si elle est capable de remplir la fonction essentielle de la marque et de garantir, ainsi, au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir arrêt du 25 juin 2020, OFF-WHITE, T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293, point 53 et jurisprudence citée).

68      Le caractère distinctif de la marque doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement est demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent, qui est constitué par le consommateur de ces produits ou services (voir arrêt du 25 juin 2020, OFF-WHITE, T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293, point 55 et jurisprudence citée).

69      En l’espèce, ainsi qu’il a été indiqué au point 18 ci-dessus, la chambre de recours a considéré, au point 54 de la décision attaquée, que, du fait de son caractère descriptif, le signe composant la marque demandée était également dépourvu de caractère distinctif à l’égard des produits en cause, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001. En effet, ainsi que le relève la requérante, la décision attaquée ne comporte aucune motivation distincte pour l’analyse de l’interdiction prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et la conclusion s’y rapportant repose exclusivement sur le caractère descriptif attribué à la marque demandée dans le cadre de l’analyse effectuée par la chambre de recours au regard de l’article 7, paragraphe 1, sous c), dudit règlement.

70      Partant, au vu de ce qui a été constaté au point 62 ci-dessus, il y a lieu de conclure que, dans la mesure où la chambre de recours s’est bornée à déduire l’absence de caractère distinctif de la marque demandée de son prétendu caractère descriptif, cette déduction repose sur une prémisse erronée et s’avère donc dénuée de fondement (voir, par analogie, arrêt du 25 juin 2020, OFF-WHITE, T‑133/19, non publié, EU:T:2020:293, point 58 et jurisprudence citée).

71      Il y a, dès lors, lieu d’accueillir le second moyen et, ainsi, d’annuler la décision attaquée dans son intégralité.

 Sur les dépens

72      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

73      L’EUIPO ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 18 décembre 2019 (affaire R 1675/2019-5) est annulée.

2)      L’EUIPO supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Philip Morris Products SA.

Costeira

Gratsias

Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 juin 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.