Language of document : ECLI:EU:T:2021:259

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)

12 mai 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative BavariaWeed – Motif absolu de refus – Marque contraire à l’ordre public – Article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement (UE) 2017/1001 – Article 7, paragraphe 2, du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑178/20,

Bavaria Weed GmbH, établie à Herrsching am Ammersee (Allemagne), représentée par Me J. Wolhändler, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Söder, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de EUIPO du 22 janvier 2020 (affaire R 1458/2019‑5), concernant une demande d’enregistrement du signe figuratif BavariaWeed comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (dixième chambre),

composé de M. A. Kornezov (rapporteur), président, Mme K. Kowalik‑Bańczyk et M. G. Hesse, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 6 avril 2020,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 23 juin 2020,

à la suite de l’audience du 2 décembre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 6 décembre 2018, la requérante, Bavaria Weed GmbH, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

Image not found

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 35, 39, 42 et 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, après limitation par la requérante de la liste desdits services le 11 mars 2019, à la description suivante :

–        classe 35 : « Commercialisation de cannabis à usage thérapeutique ; commercialisation de cannabis à usage thérapeutique auprès de pharmacies et de médecins, notamment par le biais d’un magasin en ligne ; services de gestion des achats en rapport avec le cannabis à usage thérapeutique ; services de relations publiques à des fins de commercialisation de cannabis à usage thérapeutique ; services de marchandisage » ;

–        classe 39 : « Stockage de cannabis à usage thérapeutique ; emballage et expédition de cannabis à usage thérapeutique » ;

–        classe 42 : « Essais techniques concernant des médicaments pharmaceutiques ; développement de préparations et de médicaments pharmaceutiques ; services de laboratoires médicaux (recherche médicale) ; développement de produits pharmaceutiques ; services de recherches médicales et pharmacologiques ; services d’évaluation de l’efficacité de produits pharmaceutiques ; évaluation qualitative de produits pharmaceutiques ; fourniture d’informations en recherche médicale et scientifique dans le domaine des produits pharmaceutiques et des essais cliniques ; inspection des produits pharmaceutiques ; services de recherche biomédicale ; recherche et développement pharmaceutiques ; services de développement de produits pharmaceutiques ; recherche et développement de vaccins et de médicaments » ;

–        classe 44 : « Préparation d’ordonnances par des pharmaciens ; services pharmaceutiques ; services de conseils et d’information en matière de produits pharmaceutiques ; production de cannabis à usage thérapeutique, à savoir culture, raffinage et transformation de cannabis à usage thérapeutique ; services de délivrance de produits pharmaceutiques ; service d’information concernant les produits pharmaceutiques ; service d’informations en matière de médicaments ; fourniture d’informations aux patients dans le domaine de l’administration de médicaments ; services de conseils et d’information fournis par le biais d’Internet en matière de produits pharmaceutiques ; préparation de prescriptions en pharmacie ; raffinage de cannabis à usage thérapeutique ; services de délivrance de produits pharmaceutiques ; préparation et délivrance de médicaments ; services de conseils professionnels concernant les soins de santé ; consultation en matière de pharmacie ; conseil pharmaceutique ».

4        Par décision du 26 juin 2019, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001.

5        Le 9 juillet 2019, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 68 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinateur.

6        Par décision du 22 janvier 2020 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours, en estimant que le signe faisant l’objet de la demande de marque était contraire à l’ordre public au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001.

 Conclusions des parties

7        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens, y compris ceux encourus devant lui.

8        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

9        À l’appui de son recours, la requérante fait valoir deux moyens, le premier étant tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001 et le second de celle des principes d’égalité de traitement et de bonne administration.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 7 paragraphe 1, sous f, du règlement 2017/1001

10      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a commis une erreur de droit en considérant que le signe faisant l’objet de la demande de marque encourageait la consommation de marijuana, la promouvait ou, à tout le moins, la banalisait et que, par conséquent, il était contraire à l’ordre public au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001. De plus , la chambre de recours n’aurait pas suffisamment tenu compte du fait que les services en cause avaient pour objet l’utilisation de cannabis à des fins thérapeutiques et visaient donc à promouvoir la santé et à soulager les symptômes de maladies graves.

11      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

12      À titre liminaire, il y a lieu de relever que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 6 décembre 2018, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement 2017/1001, qui est entré en vigueur le 1er octobre 2017 (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2020, Primart/EUIPO, C‑702/18 P, EU:C:2020:489, point 2).

13      Il convient de rappeler que, selon l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001, les marques qui sont contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs sont refusées à l’enregistrement. Selon le paragraphe 2 dudit article, le paragraphe 1 est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union européenne. Une telle partie peut être constituée, le cas échéant, d’un seul État membre [arrêt du 12 décembre 2019, Conte/EUIPO (CANNABIS STORE AMSTERDAM), T‑683/18, EU:T:2019:855, point 29].

14      L’intérêt général sous-tendant le motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001 est d’éviter l’enregistrement de signes qui porteraient atteinte à l’ordre public ou aux bonnes mœurs lors de leur utilisation sur le territoire de l’Union (arrêt du 12 décembre 2019, CANNABIS STORE AMSTERDAM, T‑683/18, EU:T:2019:855, point 30).

15      L’examen du caractère contraire d’un signe à l’ordre public ou aux bonnes mœurs doit être opéré par référence à la perception de ce signe, lors de son usage en tant que marque, par le public pertinent situé dans l’Union ou dans une partie de celle-ci (arrêt du 12 décembre 2019, CANNABIS STORE AMSTERDAM, T‑683/18, EU:T:2019:855, point 31).

16      L’appréciation de l’existence du motif de refus visé à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001 ne saurait être fondée sur la perception de la partie du public pertinent que rien ne choque, ni d’ailleurs sur la perception de la partie du public qui peut être très facilement offensée, mais doit être faite sur la base des critères d’une personne raisonnable ayant des seuils moyens de sensibilité et de tolérance (arrêt du 12 décembre 2019, CANNABIS STORE AMSTERDAM, T‑683/18, EU:T:2019:855, point 32).

17      Par ailleurs, le public pertinent ne saurait être limité, aux fins de l’examen du motif de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001, au public auquel sont directement adressés les produits et les services pour lesquels l’enregistrement est demandé. Il convient en effet de tenir compte du fait que les signes visés par ce motif de refus choqueront non seulement le public auquel les produits et les services désignés par le signe sont adressés, mais également d’autres personnes qui, sans être concernées par lesdits produits et services, seront mises en présence de ce signe de manière incidente dans leur vie quotidienne (arrêt du 12 décembre 2019, CANNABIS STORE AMSTERDAM, T‑683/18, EU:T:2019:855, point 33).

18      Il doit également être rappelé que les signes susceptibles d’être perçus comme contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ne sont pas les mêmes dans tous les États membres, notamment pour des raisons linguistiques, historiques, sociales ou culturelles (arrêt du 12 décembre 2019, CANNABIS STORE AMSTERDAM, T‑683/18, EU:T:2019:855, point 34).

19      Il s’ensuit que, pour l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001, il convient de prendre en considération aussi bien les circonstances communes à l’ensemble des États membres de l’Union que les circonstances particulières à des États membres pris individuellement qui sont susceptibles d’influencer la perception du public pertinent situé sur le territoire de ces États (arrêt du 12 décembre 2019, CANNABIS STORE AMSTERDAM, T‑683/18, EU:T:2019:855, point 35).

20      C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner les arguments de la requérante soulevés dans le cadre de son premier moyen, relatifs, premièrement, à la perception du signe en cause par le public pertinent et, deuxièmement, à la contrariété de ce signe à l’ordre public au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001.

 Sur la perception du signe en cause par le public pertinent

21      La chambre de recours a relevé que le public pertinent était composé tant de professionnels, comme les médecins et les pharmaciens, que de consommateurs moyens, comme les patients. La chambre de recours a toutefois remarqué que, aux fins de l’examen du motif prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001, le public pertinent ne saurait être limité au public concerné par les services visés par ladite demande, mais devait, en outre, tenir compte d’autres personnes qui, sans être concernées par lesdits produits et services, seraient mises en présence de ce signe de manière incidente dans leur vie quotidienne.

22      En outre, selon la chambre de recours, le public pertinent est le public anglophone de l’Union, le terme « weed » faisant partie du vocabulaire de la langue anglaise.

23      La requérante ne conteste pas cette définition du public pertinent.

24      Quant à la perception dudit signe par le public pertinent, il convient de noter que, en l’espèce, l’examinateur a relevé que le terme « weed », faisant partie dudit signe, signifiait en anglais argotique, entre autres, « marijuana », et que le public pertinent le comprendrait dans le sens de « services en rapport avec la marijuana, offerts en ou depuis la Bavière ». La chambre de recours a approuvé cette analyse aux points 17 à 19 de la décision attaquée, en ajoutant, s’agissant des éléments figuratifs du signe, que le lion faisait, partie des armoiries bavaroises depuis l’an 1214 et renvoyait, par conséquent, à ce Land fédéral et que la feuille de marijuana constituait un symbole généralement connu pour le cannabis. La chambre de recours a également souligné que le fait que le terme « weed » avait plusieurs significations, telles que « mauvaise herbe », « tabac », « mauviette » ou « miséreux », demeurait sans incidence, puisque, selon une jurisprudence constante, il suffit qu’un terme soit exclu de l’enregistrement en une seule de ses significations. Ensuite, au point 25 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que le signe attirait l’attention sur la consommation de la marijuana, encourageait ou promouvait cette dernière ou, à tout le moins, la banalisait, alors que cette substance était interdite et illégale.

25      La requérante fait valoir, toutefois, en substance, que le public pertinent percevra le signe en cause comme faisant référence à l’usage thérapeutique du cannabis. Une telle perception serait due aux services en cause, dont l’objet serait effectivement un usage thérapeutique, lequel serait devenu désormais légal dans plusieurs États membres, y compris ceux dans lesquels réside un public anglophone.

26      À cet égard, il convient de rappeler que, dans son arrêt du 27 février 2020, Constantin Film Produktion/EUIPO (C‑240/18 P, EU:C:2020:118, points 40 et 43), la Cour a souligné, en substance, que l’examen effectué dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001 ne saurait se limiter à une appréciation abstraite du signe dont l’enregistrement est demandé ou de ses composants mais doit tenir compte de l’ensemble des éléments propres à l’espèce, afin de déterminer la manière dont le public pertinent percevrait le signe en cas d’utilisation en tant que marque pour les biens ou services en cause, ainsi que du contexte social concret et actuel. À cet effet, sont pertinents des éléments tels que les textes législatifs et les pratiques administratives, l’opinion publique et, le cas échéant, la manière dont le public pertinent a réagi dans le passé à ce signe ou à des signes similaires, ainsi que tout autre élément susceptible de permettre d’évaluer la perception de ce public.

27      En l’espèce, premièrement, en ce qui concerne la signification du signe pour le public pertinent, il convient de relever que le mot « weed », associé à la représentation graphique de la feuille du cannabis, laquelle est souvent utilisée en tant que symbole médiatique de la marijuana entendue comme substance psychoactive (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2019, CANNABIS STORE AMSTERDAM, T‑683/18, EU:T:2019:855, points 16 et 17), fera assurément penser à l’usage récréatif de cette substance, prohibé dans de nombreux États membres.

28      En effet, il est notoire, ainsi qu’il est d’ailleurs illustré par l’Oxford English Dictionary, que le mot « weed », pris dans sa signification argotique (« slang »), signifie « la plante cannabis, Cannabis sativa ; notamment (en tant que nom de masse), préparée ou utilisée spécialement comme drogue récréative, ou une cigarette de cannabis, un joint » [« the cannabis plant, Cannabis sativa ; in particular (as a mass noun), prepared or used especially as a recreational drug, or a cannabis cigarette, a joint »].

29      Il s’ensuit que le mot « weed », dans sa signification argotique, renvoie à une drogue utilisée dans un contexte récréatif pour atteindre une sensation d’ivresse, d’exaltation ou de délire. Ainsi que le relève l’EUIPO, ce mot est synonyme de « pot », « grass », « herb », « boom » ou « dope », ou « herbe » en français.

30      En revanche, la requérante ne prétend pas que le mot « weed » ou un autre composant du signe en cause ferait référence à l’emploi thérapeutique du cannabis et aucun élément du dossier ne permet de l’affirmer. Au contraire, il est notoire, comme le souligne à juste titre l’EUIPO, que, dans le secteur médical, ce terme n’est pas employé pour désigner des médicaments ou des traitements à base de cannabis.

31      Deuxièmement, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le simple fait que les services concernés par le signe en cause seraient légaux, à le supposer avéré, n’est pas susceptible, à lui seul, d’altérer la perception du signe par le public pertinent, telle que définie aux points 27 à 30 ci-dessus. En effet, force est de constater que les produits et les services pouvant être indiqués aux fins de l’enregistrement d’une marque de l’Union européenne sont, en règle générale, légalement commercialisés dans l’Union. L’argument de la requérante, s’il devait être accepté, viderait de sa substance même le motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001, puisqu’il permettrait l’enregistrement d’un signe contraire à l’ordre public au seul motif que cet enregistrement concerne des produits ou des services, dont la commercialisation est légale dans l’Union.

32      Troisièmement, il convient de souligner, en tout état de cause, que certains des services en question ne concernent pas du tout un quelconque usage thérapeutique, mais sont formulés de façon très large, comme les « services de marchandisage », relevant de la classe 35. D’autres, comme, les « services de conseils professionnels concernant les soins de santé » ou la « consultation en matière de pharmacie », ne concernent pas spécifiquement l’usage thérapeutique du cannabis. Il s’ensuit que, si le signe en cause doit être présenté avec ces services, il est exclu que le public pertinent le perçoive comme renvoyant à l’usage médicinal du cannabis.

33      S’agissant des autres services en cause, il convient de relever qu’une partie du public pertinent, composée en l’espèce de patients actuels ou futurs, mais aussi d’autres personnes mises en présence du signe en cause de façon incidente dans le courant de leur vie quotidienne, ainsi que le rappelle la chambre de recours dans la décision attaquée (voir point 21 ci-dessus), ne dispose pas nécessairement de connaissances scientifiques ou techniques précises sur les stupéfiants en général, et celui issu du cannabis en particulier, même si cette situation est susceptible de varier en fonction des États membres sur les territoires desquels se trouve ledit public et, en particulier, des débats ayant éventuellement conduit à l’adoption d’une législation ou d’une réglementation autorisant ou tolérant l’usage thérapeutique ou récréatif des produits ayant des effets psychotropes (arrêt du 12 décembre 2019, CANNABIS STORE AMSTERDAM, T‑683/18, EU:T:2019:855, point 44). Ainsi, cette partie du public pertinent, lorsqu’elle est mise en présence du signe en cause affiché en rapport avec les services concernés, ne fera pas nécessairement de distinction nette entre, d’une part, la consommation de stupéfiants, de par l’association à ceux-ci créée notamment par le mot « weed », et, d’autre part, l’usage thérapeutique et éventuellement légal du cannabis.

34      Comme le fait valoir à juste titre l’EUIPO, le fait d’associer le terme « weed » à des services de nature thérapeutique risque précisément de banaliser, voire d’officialiser l’usage de ce terme en lui octroyant une protection juridique pour lesdits services et, par là, même de donner l’impression au grand public que la consommation et la production des substances stupéfiantes auxquelles fait allusion le signe en cause sont tolérées, voire encouragées .

35      Quatrièmement, le fait que la requérante, dans la vie des affaires, produit et commercialise des médicaments et n’encourage pas la consommation de drogues est dépourvu de pertinence, dès lors que l’appréciation que la chambre de recours est tenue de porter en la matière doit être indépendante du comportement de la requérante et fondée sur la seule perception du signe en cause par le public pertinent (voir arrêt du 12 décembre 2019, CANNABIS STORE AMSTERDAM, T‑683/18, EU:T:2019:855, point 53 et jurisprudence citée).

36      Partant, il découle de ce qui précède que le signe en cause ne sera pas perçu comme faisant référence à l’usage thérapeutique du cannabis. Étant donné que ledit signe évoque l’usage récréatif de la marijuana, la chambre de recours a considéré à juste titre que le public pertinent percevrait ce signe comme encourageant, promouvant ou, à tout le moins, banalisant la consommation de marijuana en tant que substance interdite et illégale.

 Sur la contrariété du signe en cause à l’ordre public

37      Il y a lieu de relever, à titre liminaire, que la chambre de recours a examiné la demande d’enregistrement du signe en cause uniquement sous l’angle de la notion d’ordre public au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001 (voir point 20 ci-dessus).

38      Dans ce contexte, elle a considéré, en substance, que le public pertinent, constitué par la population comprenant la signification du terme anglais « weed », issu non seulement du Royaume-Uni, d’Irlande et de Malte, mais également de Finlande et de Suède, percevra le signe en cause comme indiquant que les services en question concernent une substance interdite et illégale. Ainsi, dans les États membres dans lesquels la production ou la consommation de drogues sont interdites, celles-ci ne seraient généralement pas traitées comme de simples infractions administratives, mais comme des actes punissables pouvant même être réprimés par des peines d’emprisonnement, de sorte que ces prohibitions feraient partie de l’ordre public de ces États membres au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001.

39      La requérante fait valoir que le signe en cause ne serait pas contraire à l’ordre public, dans la mesure, en substance, où il existerait une tendance générale dans l’Union vers la légalisation de l’usage thérapeutique du cannabis, comme en témoignerait la résolution du Parlement européen du 13 février 2019 sur l’utilisation du cannabis à des fins médicales [2018/2775 (RSP) ; JO 2020, C 449, p. 115], cet usage ayant déjà été autorisé dans plusieurs États membres dont ceux dans lesquels réside le public pertinent, et où ledit signe ne serait pas perçu par le public pertinent comme étant particulièrement choquant.

40      À cet égard, le Tribunal a déjà eu l’occasion de souligner que le règlement 2017/1001 ne contenait pas de définition de la notion d’« ordre public ». Dans ces circonstances, et compte tenu de l’état actuel du droit de l’Union, qui ne régit pas l’usage des produits issus de substances stupéfiantes, ainsi que du libellé de l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement, aux termes duquel le paragraphe 1 du même article est applicable même si les motifs de refus n’existent que dans une partie de l’Union, le droit de l’Union n’impose pas d’échelle uniforme de valeurs et reconnaît que les exigences de l’ordre public peuvent varier d’un pays à l’autre et d’une époque à l’autre, les États membres restant, pour l’essentiel, libres de déterminer le contenu de ces exigences conformément à leurs besoins nationaux. Ainsi, les exigences de l’ordre public, si elles ne sauraient couvrir des intérêts économiques ni la simple prévention des troubles à l’ordre social que constitue toute infraction à la loi, peuvent englober la protection de divers intérêts que l’État membre concerné considère fondamentaux selon son propre système de valeurs [arrêt du 12 décembre 2019, CANNABIS STORE AMSTERDAM, T‑683/18, EU:T:2019:855, point 71 ; voir également, par analogie, conclusions de l’avocat général Saugmandsgaard Øe dans les affaires jointes K. et H. (Droit de séjour et allégations de crimes de guerre), C‑331/16 et C‑366/16, EU:C:2017:973, points 60 et 63 et jurisprudence citée].

41      Toute contrariété à la loi n’équivaut pas nécessairement à une contrariété à l’ordre public au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement. Encore faut-il, en effet, que cette contrariété affecte un intérêt qui est considéré comme fondamental par le ou les États membres concernés selon leurs propres systèmes de valeurs (arrêt du 12 décembre 2019, CANNABIS STORE AMSTERDAM, T‑683/18, EU:T:2019:855, point 73).

42      En l’espèce, la chambre de recours a constaté que la marijuana est une substance illégale dont la consommation est interdite dans de nombreux États membres, tels que la Bulgarie, l’Irlande, la France, la Hongrie, la Pologne, la Slovaquie, la Finlande, la Suède et le Royaume-Uni, parmi lesquels figurent ainsi certains États membres dans lesquels réside le public pertinent. Ainsi qu’il a été relevé au point 36 ci-dessus, le public pertinent percevrait le signe en cause comme encourageant, promouvant ou, à tout le moins, banalisant la consommation de marijuana en tant que substance interdite et illégale.

43      Or, la lutte contre la propagation de la marijuana revêt une sensibilité toute particulière, qui répond à un objectif de santé publique visant à combattre les effets nocifs d’une telle substance. Cette interdiction tend ainsi à protéger un intérêt que ces États membres considèrent comme fondamental selon leurs propres systèmes de valeurs, de sorte que le régime applicable à la consommation et à l’utilisation de ladite substance relève de la notion d’« ordre public » au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, de ce règlement (arrêt du 12 décembre 2019, CANNABIS STORE AMSTERDAM, T‑683/18, EU:T:2019:855, point 74).

44      Par ailleurs, compte tenu de la jurisprudence rappelée au point 19 ci-dessus, selon laquelle l’application du motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001 implique de prendre en considération, selon le cas, non seulement les circonstances particulières à des États membres pris individuellement mais aussi les circonstances communes à l’ensemble des États membres de l’Union, il y a lieu de relever que l’importance que revêt la protection de cet intérêt fondamental est davantage soulignée par l’article 83 TFUE, aux termes duquel le trafic illicite de drogues constitue l’un des domaines de criminalité particulièrement graves revêtant une dimension transfrontalière et dans lesquels l’intervention du législateur de l’Union est prévue. De même, l’article 168, paragraphe 1, troisième alinéa, TFUE prévoit que l’Union complète l’action menée par les États membres en vue de réduire les effets nocifs de la drogue sur la santé, y compris par l’information et la prévention (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2019, CANNABIS STORE AMSTERDAM, T‑683/18, EU:T:2019:855, point 75).

45      Partant, étant donné que la perception du public pertinent s’inscrit nécessairement dans le contexte social et réglementaire décrit aux points 32 à 34 et 42 à 44 ci-dessus, c’est à juste titre que la chambre de recours a estimé que le signe en cause était contraire à l’ordre public au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous f), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 2, dudit règlement.

46      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante tiré de l’existence d’une « tendance générale » dans l’Union concernant l’usage thérapeutique du cannabis.

47      À cet égard, le Tribunal a déjà eu l’occasion de juger que, certes, de nombreuses réflexions étaient conduites à l’heure actuelle aussi bien sur l’utilisation de produits issus du cannabis dont la teneur en tétrahydrocannabinol (ci-après le « THC ») n’en fait pas des stupéfiants que sur leur utilisation, lorsque ce sont des stupéfiants, à des fins thérapeutiques ou même récréatives. À cet égard, en effet, la législation de quelques États membres a elle-même déjà évolué ou est en train d’évoluer (arrêt du 12 décembre 2019, CANNABIS STORE AMSTERDAM, T‑683/18, EU:T:2019:855, point 48).

48      Toutefois, à l’heure actuelle, il ne se dégage aucune tendance unanimement acceptée dans l’Union, ni même prépondérante, concernant la licéité de l’usage ou de la consommation de produits issus du cannabis ayant une teneur en THC supérieure à 0,2 %, que ce soit à des fins thérapeutiques ou à des fins récréatives (arrêt du 12 décembre 2019, CANNABIS STORE AMSTERDAM, T‑683/18, EU:T:2019:855, point 51).

49      En particulier, l’usage thérapeutique du cannabis demeure un sujet de controverse. En témoigne la résolution du Parlement du 13 février 2019 sur l’utilisation du cannabis à des fins médicales , laquelle constate, au point F, l’existence de « grandes disparités […] dans l’approche de la législation en matière de cannabis adoptée par les États membres, y compris de la législation relative à l’utilisation du cannabis à des fins médicales, par exemple pour ce qui est des taux de concentration maximum de THC et de cannabidiol (CBD), ce qui peut poser des difficultés aux pays adoptant une approche plus prudente ». Le législateur de l’Union n’a pas non plus légiféré en ce qui concerne de l’usage thérapeutique du cannabis.

50      En outre, la conclusion figurant au point 45 ci-dessus demeure fondée nonobstant l’argument qu’a avancé la requérante, pour la première fois devant le Tribunal, en présentant plusieurs documents en ce sens dans les annexes A.8 à A.11 de la requête, selon lequel l’usage thérapeutique du cannabis serait devenu désormais légal dans les États membres mentionnés au point 38 ci-dessus.

51      À cet égard, il y a lieu de rappeler, que premièrement, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’EUIPO au sens de l’article 72 du règlement 2017/1001, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait a' la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui. Il convient donc d’écarter les arguments de la requérante formulés en ce sens ainsi que les annexes A.8 à A.11 de la requête, sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du 18 mars 2016, Karl-May-Verlag/OHMI – Constantin Film Produktion (WINNETOU), T‑501/13, EU:T:2016:161, point 17 et jurisprudence citée].

52      Deuxièmement et en tout état de cause, cet argument est dénué de pertinence. En effet, d’une part, ainsi qu’il a été relevé aux points 21 à 36 ci-dessus, le public pertinent percevra le signe en cause comme encourageant, promouvant ou, à tout le moins, comme banalisant la consommation de la marijuana en général, y compris donc à des fins récréatives, et par conséquent illégales. D’autre part, il suffit d’observer, à l’instar de l’EUIPO, qu’une partie des informations soumises par la requérante concernent des développements normatifs qui sont postérieurs à la date de dépôt de la demande de marque ou qui prennent effet après cette date et ne sont donc pas pertinents pour le présent litige. Par ailleurs, dans ces États membres, l’usage thérapeutique du cannabis, lorsqu’il est autorisé, demeure soumis à des conditions très strictes et, par nature, exceptionnelles.

53      Enfin, la requérante ne saurait non plus tirer des arguments de l’arrêt du 19 novembre 2020, B S et C A [Commercialisation du cannabidiol (CBD)] (C‑663/18, EU:C:2020:938), dont elle a fait mention lors de l’audience. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que les articles 34 et 36 TFUE devaient être interprétés en ce sens qu’ils s’opposaient à une réglementation nationale interdisant la commercialisation du cannabidiol (CBD) légalement produit dans un autre État membre, lorsqu’il est extrait de la plante de cannabis sativa dans son intégralité et non de ses seules fibres et graines, à moins que cette réglementation soit propre à garantir la réalisation de l’objectif de protection de la santé publique et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint. La Cour a toutefois pris le soin de préciser que le CBD en cause dans l’affaire au principal, dont la teneur en THC n’excédait pas 0,2 %, ne semblait pas avoir d’effet psychotrope ou d’effet nocif sur la santé humaine sur la base des données scientifiques disponibles. En revanche, le signe en cause dans la présente affaire renvoie, par son élément verbal « weed », à la marijuana en tant que stupéfiant, ainsi qu’il a été relevé aux points 27 à 29 ci-dessus, et non pas à un CBD dépourvu d’effet psychotrope.

54      De surcroît, dans l’arrêt du 19 novembre 2020, B S et C A [Commercialisation du cannabidiol (CBD)] (C‑663/18, EU:C:2020:938), la Cour a souligné que, la nocivité des stupéfiants, y compris ceux à base de chanvre tels que le cannabis, étant généralement reconnue, leur commercialisation est interdite dans tous les États membres, exception faite d’un commerce strictement contrôlé en vue d’une utilisation à des fins médicales et scientifiques, cette situation juridique étant conforme à différents instruments internationaux auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré [voir arrêt du 16 décembre 2010, Josemans, C‑137/09, EU:C:2010: arrêt du 19 novembre 2020, B S et 774, point 37 et jurisprudence citée ;C A [Commercialisation du cannabidiol (CBD)], C‑663/18, EU:C:2020:938, points 59 et 60].

55      Enfin, le fait, avancé par la requérante, que le signe en cause ne choquerait pas le public pertinent, à le supposer même avéré, n’est pas susceptible d’ôter la contrariété de celui-ci à l’ordre public. Certes, le juge de l’Union a eu l’occasion de souligner que certains signes qui présentaient un caractère particulièrement choquant ou offensant, devaient être considérés comme contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs, quels que soient les produits et les services pour lesquels ils étaient enregistrés [arrêt du 15 mars 2018, La Mafia Franchises/EUIPO – Italie (La Mafia SE SIENTA A LA MESA), T‑1/17, EU:T:2018:146, point 40]. Toutefois, le motif absolu de refus tiré de la contrariété du signe en cause à l’ordre public n’est pas limité aux seuls signes susceptibles de choquer ou d’offenser le public pertinent mais trouve à s’appliquer également à ceux qui sont de nature à encourager, à promouvoir ou, à tout le moins, à banaliser une atteinte à un intérêt que l’État membre concerné considère comme fondamental selon son propre système de valeurs, comme celui de l’espèce, consistant en la lutte et la prévention de la consommation de stupéfiants illicites. En effet, ainsi qu’il a été rappelé aux points 40 et 41 ci-dessus, les exigences de l’ordre public peuvent englober la protection de divers intérêts que l’État membre concerné considère fondamentaux selon son propre système de valeurs.

56      Partant, compte tenu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation des principes d’égalité de traitement et de bonne administration

57      La requérante fait valoir que, en n’ayant pas dûment justifié les raisons pour lesquelles elle a décidé de se départir de sa pratique décisionnelle antérieure, la chambre de recours a violé les principes d’égalité de traitement et de bonne administration. Elle invoque également des enregistrements nationaux contenant le mot « weed ». En outre, la décision attaquée ne serait pas conforme à la nouvelle version des directives relatives à l’examen des marques de l’Union européenne de l’EUIPO, entrée en vigueur le 1er février 2020.

58      L’EUIPO s’oppose à ces arguments.

59      En premier lieu, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées a' prendre, en vertu du règlement 2017/1001, concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque de l’Union européenne, relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité desdites décisions doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement et non sur celui d’une pratique décisionnelle antérieure a' celles-ci (voir arrêt du 15 mars 2018, La Mafia SE SIENTA A LA MESA, T‑1/17, EU:T:2018:146, point 49 et jurisprudence citée).

60      En l’espèce, la requérante invoque l’enregistrement de la marque de l’Union européenne spektrum cannabis pour des services dont certains seraient, selon elle, similaires à ceux couverts par le signe en cause dans la présente affaire. Toutefois, d’une part, et ainsi que l’a fait remarquer la chambre de recours au point 31 de la décision attaquée, il ressort de la jurisprudence que les références faites aux décisions adoptées en première instance par l’EUIPO ne sauraient lier ni les chambres de recours de celui-ci ni, a fortiori, le juge de l’Union. En particulier, il serait contraire à la mission de contrôle de la chambre de recours, telle que définie au considérant 30 et aux articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, de voir sa compétence réduite au respect de décisions émanant d’organes de première instance de l’EUIPO (voir arrêt du 12 décembre 2019, CANNABIS STORE AMSTERDAM, T‑683/18, EU:T:2019:855, point 79 et jurisprudence citée).

61      D’autre part, il convient de rappeler que ladite marque comporte le terme « cannabis », dont l’une des significations désigne une substance dont l’usage thérapeutique possible est en cours de discussion [arrêt du 19 novembre 2009, Torresan/OHMI – Klosterbrauerei Weissenohe (CANNABIS), T‑234/06, EU:T:2009:448, point 19], au contraire du sens du terme « weed », qui, dans sa signification argotique, fait référence à la marijuana.

62      En deuxième lieu, s’agissant des marques nationales contenant le mot « weed », invoquées par la requérante dans l’annexe 12 de la requête, il convient de relever que la requérante ne précise pas les produits et les services désignés par ces enregistrements, de sorte que leur pertinence éventuelle n’a pas été démontrée. En tout état de cause, force est de rappeler que le régime des marques de l’Union européenne est un système autonome, constitué par un ensemble d’objectifs et de règles qui lui sont spécifiques et autosuffisants, son application étant indépendante de tout système national [voir arrêt du 7 juin 2017, Mediterranean Premium Spirits/EUIPO – G-Star Raw (GINRAW), T‑258/16, non publié, EU:T:2017:375, point 50 et jurisprudence citée]. Le caractère enregistrable d’un signe en tant que marque de l’Union européenne ne doit, dès lors, être apprécié que sur le fondement des dispositions pertinentes du droit de l’Union, comme l’a rappelé d’ailleurs la chambre de recours au point 32 de la décision attaquée. Par conséquent, ni l’EUIPO ni, le cas échéant, le juge de l’Union ne sont liés par une décision intervenue au niveau d’un État membre, voire d’un pays tiers, admettant le signe à l’enregistrement en tant que marque nationale [voir arrêt du 9 mars 2017, Puma/EUIPO (FOREVER FASTER), T‑104/16, non publié, EU:T:2017:153, point 56 et jurisprudence citée].

63      En troisième lieu, il convient de relever que la version du 1er février 2020 des directives d’examen de l’EUIPO, invoquée par la requérante, est postérieure à la date d’adoption de la décision attaquée, à savoir le 22 janvier 2020, de sorte qu’elle n’était pas applicable ratione temporis. En tout état de cause, selon la partie B (Examen) de la section 4 (Motifs absolus de refus), chapitre 7 (Marques contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs ; article 7, paragraphe 1, sous f), du [règlement 2017/1001]), point 3 (Bonnes mœurs), de ces directives, « aucune objection ne sera soulevée si le signe contient une référence à une drogue à usage médical, car la marque ne tomberait pas, en principe, sous le coup de l'interdiction prévue à l‘article 7, paragraphe 1, [sous] f), du [règlement 2017/1001] ». Ce passage concerne donc les signes contenant une référence à l’usage médical d’une drogue, ce qui n’est pas le cas en l’espèce pour les raisons présentées en réponse au premier moyen.

64      Il y a lieu, dès lors, de rejeter le second moyen comme non fondé et, par voie de conséquence, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

65      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Bavaria Weed GmbH est condamnée aux dépens.

Kornezov

Kowalik-Bańczyk

Hesse

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 mai 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.