Language of document : ECLI:EU:T:2015:504

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

15 juillet 2015 (*) (1)

« Concurrence – Ententes – Marchés européens des stabilisants thermiques – Décision constatant une infraction à lʼarticle 81 CE et à lʼarticle 53 de lʼaccord EEE – Infraction commise par des filiales – Amendes – Responsabilité solidaire des filiales et de la société mère – Dépassement du plafond de 10 % pour lʼune des filiales – Décision de réadoption – Réduction du montant de l’amende pour ladite filiale – Imputation de lʼobligation de paiement du montant réduit de lʼamende à l’autre filiale et à la société mère – Droits de la défense – Droit dʼêtre entendu – Droit dʼaccès au dossier »

Dans lʼaffaire T‑189/10,

GEA Group AG, établie à Düsseldorf (Allemagne), représentée par Mes A. Kallmayer, I. du Mont et G. Schiffers, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. R. Sauer et F. Ronkes Agerbeek, en qualité d’agents, assistés de MW. Berg, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande dʼannulation de la décision C (2010) 727 de la Commission, du 8 février 2010, ayant modifié la décision C (2009) 8682 final de la Commission, du 11 novembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38589 – Stabilisants thermiques), ou, à titre subsidiaire, une demande de réduction du montant des amendes infligées à la requérante,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de M. M. Prek, président, Mme I. Labucka (rapporteur) et M. V. Kreuschitz, juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 septembre 2014,

rend le présent

Arrêt 

 Antécédents au litige

1        Le présent litige concerne la décision C (2010) 727 de la Commission, du 8 février 2010 (ci-après la « décision attaquée »), ayant modifié la décision C (2009) 8682 final de la Commission, du 11 novembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38589 – Stabilisants thermiques) (ci-après la « première décision ») La première décision a été attaquée par GEA Group AG, la requérante, dans l’affaire T‑45/10, GEA Group/Commission.

2        Par la première décision, la Commission des Communautés européennes a considéré qu’un certain nombre d’entreprises avaient enfreint l’article 81 CE et l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen (EEE) en participant à deux ensembles d’accords et de pratiques concertées anticoncurrentiels couvrant le territoire de l’EEE et concernant, d’une part, le secteur des stabilisants étain et, d’autre part, le secteur de l’huile de soja époxydée et des esters (ci-après le « secteur ESBO/esters »).

3        La première décision a retenu l’existence de deux infractions portant sur deux catégories de stabilisants thermiques, lesquels constituent des produits ajoutés aux produits à base de polychlorure de vinyle (PVC) afin d’améliorer leur résistance thermique (voir considérant 3 de la première décision).

4        Selon l’article 1er de la première décision, chacune de ces infractions a consisté à fixer les prix, à répartir les marchés par le biais de quotas de vente, à répartir les clients et à échanger des informations commerciales sensibles, en particulier sur les clients, la production et les ventes.

5        La première décision énonce que les entreprises concernées ont participé à ces infractions au cours de diverses périodes comprises entre le 11 septembre 1991 et le 26 septembre 2000 pour le secteur ESBO/esters.

6        La première décision a été adressée, pour chaque infraction, à 20 sociétés, lesquelles ont soit participé directement aux infractions concernées, soit vu leur responsabilité retenue en tant que sociétés mères (voir considérant 510 de la première décision).

7        À son article 1er, paragraphe 2, sous k), la première décision a tenu la requérante pour responsable au titre des infractions commises sur le marché du secteur ESBO/esters du 11 septembre 1991 au 17 mai 2000.

8        Sa responsabilité a été retenue pour les infractions commises, du 11 septembre 1991 au 17 mai 2000, par Chemson Gesellschaft für Polymer Additive mbH (ci-après « OCG ») et, du 13 mars 1997 au 17 mai 2000, par Polymer Additive Produktions- und Vertriebs GmbH, Arnoldstein (ci-après « OCA » et, prise avec OCG, « Chemson ») (voir considérant 617 de la première décision).

9        Dans la première décision, la requérante a été sanctionnée en tant que successeur de Metallgesellschaft AG (ci-après « MG »), société faitière détenant, directement ou par le biais des filiales, Chemson, pour l’intégralité de la période infractionnelle (voir considérants 628 à 632 de la première décision).

10      Le 17 mai 2000, MG a cédé OCG, laquelle, au jour de l’adoption de la première décision, était dénommée Aachener Chemische Werke Gesellschaft für glastechnishe Produkte und Verfahren mbH (ci-après « ACW ») (voir considérant 41 de la première décision).

11      Après sa dissolution en mai 2000, les activités d’OCA ont été reprises par une société dénommée, à compter du 30 août 2000, Chemson Polymer-Additive AG (ci-après « CPA ») (voir considérant 41 de la première décision).

12      La requérante est issue de la fusion, en 2005, de MG avec une autre société (voir considérant 43 de la première décision).

13      En tant que successeur d’OCG, ACW a été sanctionnée, d’une part, pour l’infraction d’OCG durant l’intégralité de la période infractionnelle, c’est-à-dire du 11 septembre 1991 au 17 mai 2000, et, d’autre part, pour l’infraction d’OCA du 30 septembre 1999 au 17 mai 2000, alors que cette dernière était la filiale à 100 % d’OCG (voir considérants 619 à 621 et 632 de la première décision).

14      En tant que successeur d’OCA, CPA a été sanctionnée, d’une part, pour l’infraction d’OCA du 13 mars 1997 au 17 mai 2000 et, d’autre part, pour l’infraction d’OCG du 30 septembre 1995 au 30 septembre 1999, alors que cette dernière était la filiale à 100 % d’OCA (voir considérants 622 à 627 et 632 de la première décision).

15      L’article 2, paragraphe 2, de la première décision énonçait ce qui suit :

« Pour l’/(les) infraction(s) sur le [secteur ESBO/esters], les amendes suivantes sont infligées :

[…]

31)      [la requérante], [ACW] et [CPA] sont [solidairement] responsables pour le montant de 1 913 971 [euros] ;

32)       [la requérante] et [ACW] sont [solidairement] responsables pour le montant de 1 432 229 [euros.] »

16      Le 15 décembre 2009, ACW a attiré l’attention de la Commission sur le fait que l’amende qui lui avait été infligée dans la première décision dépassait le plafond autorisé de 10 % de son chiffre d’affaires, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 [CE] et 82 [CE] (JO 2003, L 1, p. 1).

17      ACW a fait valoir que son chiffre d’affaires, au cours de l’exercice 2008, s’élevait à 10 971 000 euros.

18      Du fait que l’amende infligée à ACW dépassait ledit plafond, la Commission a adopté, le 8 février 2010, la décision attaquée.

19      Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que l’amende à laquelle ACW avait été solidairement condamnée dépassait le plafond autorisé de 10 % de son chiffre d’affaires, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, de sorte qu’il y avait lieu de modifier la première décision (voir considérant 2 de la décision attaquée).

20      La Commission y a également précisé que le montant de l’amende imposée à la requérante et à CPA demeurait inchangé, mais que celui de l’amende infligée à ACW devait être réduit et que la décision attaquée n’avait aucune incidence sur les autres destinataires de la première décision (voir considérants 3 et 4 de la décision attaquée).

21      L’article 1er de la décision attaquée a modifié l’article 2 de la première décision comme suit :

« L’article 2, sous 31), est remplacé par le texte suivant :

‘31a) [la requérante], [ACW] et [CPA] sont [solidairement] responsables pour le montant de 1 086 129 [euros]

31b)            [la requérante] et [CPA] sont [solidairement] responsables pour le montant de 827 842 [euros]’

L’article 2, sous 32), est remplacé par le texte suivant :

‘32)      [la requérante] est responsable pour le montant de 1 432 229 [euros]’. »

22      La décision attaquée, adressée à ACW, à la requérante et à CPA, a été notifiée à la requérante le 10 février 2010.

 Procédure et conclusions des parties

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 avril 2010, la requérante a formé un recours contre la décision attaquée.

24      Dans la requête, la requérante a demandé au Tribunal de joindre la présente affaire à l’affaire T‑45/10.

25      En date du 14 juin 2010, les parties ont été invitées à soumettre leurs observations sur une éventuelle jonction de la présente affaire et de l’affaire T‑45/10 aux fins de la procédure écrite.

26      La requérante a soumis ses observations le 22 juin 2010 et la Commission le 5 juillet 2010.

27      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 7 juillet 2010, la présente affaire a été jointe à l’affaire T‑45/10 aux fins de la procédure écrite.

28      Par télécopie adressée au greffe du Tribunal le 9 novembre 2010, la Commission a déposé un corrigendum au mémoire en défense.

29      Par télécopie adressée au greffe du Tribunal le 8 mars 2011, la Commission a déposé un corrigendum à la duplique.

30      En date du 25 février 2013, il a été décidé d’entendre les parties sur une éventuelle jonction de la présente affaire et de l’affaire T‑45/10 aux fins de la procédure orale et de la décision mettant fin à l’instance.

31      En dates du 25 février et du 8 mars 2013, le Tribunal a décidé, au titre des mesures d’organisation de la procédure, de poser plusieurs questions aux parties.

32      Ainsi, les parties ont été invitées à soumettre leurs observations sur une éventuelle suspension de l’affaire, conformément à l’article 77, sous d), du règlement de procédure du Tribunal du 2 mai 1991, dans l’attente du prononcé de la décision de la Cour mettant fin au litige dans l’affaire C‑23l/11 P, Commission/Siemens Österreich e.a.

33      Les parties ont également été invitées à soumettre leurs observations sur, notamment, l’incidence, dans la présente affaire, de l’arrêt du 22 janvier 2013, Commission/Tomkins (C‑286/11 P, Rec, EU:C:2013:29).

34      La Commission a répondu aux questions du Tribunal le 18 mars 2013.

35      La requérante a répondu aux questions du Tribunal le 20 mars 2013.

36      Les réponses de la Commission ont été communiquées à la requérante le 16 avril 2013.

37      Les réponses de la requérante ont été communiquées à la Commission le même jour.

38      Par ordonnance du président de la troisième chambre du Tribunal du 24 avril 2013, il a été décidé, en application de l’article 77, sous d), du règlement de procédure du 2 mai 1991, de suspendre la présente affaire jusqu’à la décision de la Cour mettant fin à l’instance dans l’affaire C‑231/11 P, Commission/Siemens Österreich e.a.

39      Par télécopie adressée au greffe du Tribunal le 3 mai 2013, la Commission a déposé un corrigendum à ses réponses aux questions du Tribunal.

40      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la quatrième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée, le 1er octobre 2013.

41      Le 10 avril 2014, la Cour a prononcé l’arrêt Commission/Siemens Österreich e.a. et Siemens Transmission & Distribution (C‑231/11 P à C‑233/11 P, Rec, ci-après l’« arrêt Siemens », EU:C:2014:256).

42      Le même jour, la Cour a prononcé l’arrêt Areva e.a./Commission (C‑247/11 P et C‑253/11 P, Rec, ci-après l’« arrêt Areva », EU:C:2014:257).

43      Au titre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a, en date du 23 avril 2014, invité les parties à soumettre par écrit leurs observations sur l’incidence dans la présente affaire de l’arrêt Siemens, point 41 supra (EU:C:2014:256).

44      Le 8 mai 2014, la requérante a soumis ses observations sur l’incidence, dans la présente affaire, de l’arrêt Siemens, point 41 supra (EU:C:2014:256).

45      Le même jour, la Commission a soumis ses observations sur l’incidence, dans la présente affaire, de l’arrêt Siemens, point 41 supra (EU:C:2014:256).

46      La réponse de la requérante, sur l’incidence, dans la présente affaire, de l’arrêt Siemens, point 41 supra (EU:C:2014:256), a été communiquée à la Commission le 14 mai 2014.

47      Le même jour, la réponse de la Commission, sur l’incidence, dans la présente affaire, de l’arrêt Siemens, point 41 supra (EU:C:2014:256), a été communiquée à la requérante.

48      Par ordonnance du président de la quatrième chambre du Tribunal du 21 mai 2014, la présente affaire a été jointe à l’affaire T‑45/10 aux fins de la procédure orale.

49      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a, en date du 22 mai 2014, décidé d’ouvrir la procédure orale et invité les parties à soumettre par écrit leurs observations sur l’incidence, dans la présente affaire, de l’arrêt Areva, point 42 supra (EU:C:2014:257), en particulier des points 132, 137 et 138 dudit arrêt.

50      En date du 6 juin 2014, la Commission a soumis ses observations sur l’incidence, dans la présente affaire, de l’arrêt Areva, point 42 supra (EU:C:2014:257).

51      Le même jour, la requérante a soumis ses observations sur l’incidence, dans la présente affaire, de l’arrêt Areva, point 42 supra (EU:C:2014:257).

52      La réponse de la requérante, sur l’incidence, dans la présente affaire, de l’arrêt Areva, point 42 supra (EU:C:2014:257), a été communiquée à la Commission le 16 juin 2014.

53      Le même jour, la réponse de la Commission, sur l’incidence, dans la présente affaire, de l’arrêt Areva, point 42 supra (EU:C:2014:257), a été communiquée à la requérante.

54      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 24 septembre 2014.

55      Dans la présente affaire, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 1er de la décision attaquée, dans la mesure où une amende lui est infligée ;

–        à titre subsidiaire, réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée à l’article 1er de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

56      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

57      Ce même jour, le Tribunal a, dans l’arrêt GEA Group/Commission (T‑45/10), rejeté le recours dirigé contre la première décision.

 En droit

58      Par le présent recours, la requérante demande au Tribunal, à titre principal, d’annuler la décision attaquée et, à titre subsidiaire, de réduire le montant de l’amende qui lui a été infligée.

59      À l’appui du recours, la requérante invoque cinq moyens.

60      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante soutient que la Commission a enfreint ses droits de la défense, en ce que, avant l’adoption de la décision attaquée, elle n’a ni été entendue ni eu accès au dossier et que la Commission a enfreint, à son égard, l’obligation de neutralité lui incombant.

61      Aux fins de l’annulation de la décision attaquée, tout d’abord, la requérante fait valoir une violation du droit d’être entendu, en ce sens que, avant d’adopter la décision attaquée, la Commission ne l’a pas invitée à faire valoir son point de vue, alors que, par ladite décision, sa situation juridique a été modifiée concernant ses possibilités de recours contre l’un de ses codébiteurs solidaires, à savoir ACW.

62      Ensuite, la requérante souligne qu’elle n’a pas eu accès au dossier, dès lors qu’elle n’a aucunement été informée de l’adoption imminente de la décision attaquée.

63      Enfin, elle invoque une violation, par la Commission, de son obligation de neutralité à son égard, en ce sens que la Commission a modifié, à son détriment, la répartition de la charge de l’amende infligée dans la première décision, laquelle était devenue définitive pour CPA et ACW à défaut de recours de leur part, et ce en faveur d’ACW, la seule partie qui ait été impliquée dans la procédure ayant mené à l’adoption de la décision attaquée.

64      Selon la Commission, les droits de la requérante d’être entendu et d’accès au dossier ont été respectés dans le cadre de la procédure ayant mené à l’adoption de la première décision, la décision attaquée n’affectant aucunement la requérante, dès lors qu’elle ne contient aucune modification des constatations factuelles et du montant de l’amende.

65      L’incidence incertaine et indirecte de la décision attaquée sur les actions récursoires de la requérante n’impliquait pas, pour la Commission, l’obligation de l’entendre, la Commission n’étant pas tenue non plus de prendre en considération des dispositions de droit interne concernant les actions récursoires.

66      Au surplus, la Commission n’aurait disposé d’aucune marge d’appréciation quant à l’application du plafond de 10 %.

67      Aux fins d’apprécier le premier moyen du recours, il importe, à titre liminaire, de rappeler que le droit d’être entendu, qui est une composante essentielle des droits de la défense, constitue un principe général du droit de l’Union européenne qui doit être observé dans toute procédure, même de caractère administratif, susceptible d’aboutir à des sanctions, notamment à des amendes, et que ce principe implique notamment que l’entreprise intéressée ait été mise en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue (voir, en ce sens, arrêts du 13 février 1979, Hoffmann-La Roche/Commission, 85/76, Rec, EU:C:1979:36, point 9 ; du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec, EU:C:1983:158, et du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, Rec, EU:C:2004:6, points 64 à 66).

68      Il y a également lieu de rappeler que le droit d’accès au dossier, corollaire du principe du respect des droits de la défense, implique, aussi, que la Commission doit donner à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense (voir, en ce sens, arrêts du 2 octobre 2003, Corus UK/Commission, C‑199/99 P, Rec, EU:C:2003:531, points 125 à 128 ; Aalborg Portland e.a./Commission, point 67 supra, EU:C:2004:6, point 68, et du 29 juin 1995, Solvay/Commission, T‑30/91, Rec, EU:T:1995:115, point 81).

69      L’article 27, paragraphe 1, du règlement n° 1/2003 reflète ce principe dans la mesure où il prévoit l’envoi aux parties d’une communication des griefs qui doit énoncer, de manière claire, tous les éléments essentiels sur lesquels la Commission se fonde à ce stade de la procédure pour permettre aux intéressés de prendre effectivement connaissance des comportements qui leur sont reprochés par la Commission, ainsi que des éléments de preuve dont elle dispose (voir, en ce sens, arrêts du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, Rec, EU:C:2002:582, points 315 et 316, et Aalborg Portland e.a./Commission, point 67 supra, EU:C:2004:6, points 66 et 67).

70      Par ailleurs, le respect des droits de la défense exige, notamment, que l’entreprise qui fait l’objet d’une enquête soit en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits allégués ainsi que sur les documents retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une infraction au traité (arrêts Musique Diffusion française e.a./Commission, point 67 supra, EU:C:1983:158, point 10 ; du 25 janvier 2007, Dalmine/Commission, C‑407/04 P, Rec, EU:C:2007:53, point 44, et du 10 mai 2007, SGL Carbon/Commission, C‑328/05 P, Rec, EU:C:2007:277, point 71).

71      Or, dans les circonstances de la présente affaire, force est de constater, que la requérante n’a ni été entendue ni eu accès au dossier.

72      Dès lors, il y a lieu d’annuler la décision attaquée, pour autant que la requérante ait suffisamment démontré non que, à défaut de ces irrégularités procédurales, c’est-à-dire si elle avait été entendue et si elle avait eu accès au dossier, la décision attaquée aurait eu un contenu différent, mais bien qu’elle aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence desdites irrégularités (voir, en ce sens, arrêt du 18 juin 2013, Fluorsid et Minmet/Commission, T‑404/08, Rec, EU:T:2013:321, point 110 et jurisprudence citée), étant précisé qu’il convient, à cet effet, de se placer au moment de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, c’est-à-dire avant la date d’adoption de la décision attaquée, à savoir le 8 février 2010 (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2006, Archer Daniels Midland/Commission, T‑329/01, Rec, EU:T:2006:268, point 377).

73       En premier lieu, à cet égard, il convient de souligner que, au moment de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, la question pouvait être débattue de savoir quelles étaient les obligations incombant à la Commission quant aux rapports de solidarité entre des sociétés codébitrices solidaires, en ce qu’elles avaient constitué une même entreprise, au sens de l’article 101 TFUE.

74      En effet, ce n’est que par un arrêt du 3 mars 2011, soit plus d’un an après la date d’adoption de la décision attaquée, que le Tribunal a jugé qu’il appartenait exclusivement à la Commission, dans le cadre de l’exercice de sa compétence pour infliger des amendes, en vertu de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n° 1/2003, de déterminer la quote-part respective des différentes sociétés dans les montants auxquels elles ont été condamnées solidairement, dans la mesure où elles faisaient partie d’une même entreprise, et que cette tâche ne pouvait être laissée aux tribunaux nationaux (arrêt du 3 mars 2011, Siemens et VA Tech Transmission & Distribution/Commission, T‑122/07 à T‑124/07, Rec, EU:T:2011:70, point 157).

75      Cette question pouvait d’autant plus être débattue au moment de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée que l’arrêt Siemens et VA Tech Transmission & Distribution/Commission, point 74 supra (EU:T:2011:70), a été annulé par la Cour, celle-ci ayant jugé que la répartition de l’amende entre codébiteurs solidaires relevait uniquement de la compétence du juge national (arrêt Siemens, point 41 supra, EU:C:2014:256, point 62).

76      Ainsi, la requérante aurait pu contester, au moment de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée et avant le prononcé de l’arrêt Siemens, point 41 supra (EU:C:2014:256), le fait qu’elle n’avait pas bénéficié de la réduction du montant de l’amende d’ACW avec laquelle elle avait été condamnée solidairement pour l’infraction commise par cette dernière en ce qu’elles avaient, au moment de l’infraction, constitué une entreprise, au sens de l’article 101 TFUE.

77      Partant, la requérante aurait pu, au moment de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, mieux assurer sa défense si elle avait été entendue et eu accès au dossier.

78      En deuxième lieu et à titre surabondant, il doit être relevé que, par la décision attaquée, l’amende infligée à la requérante s’avère d’un montant supérieur à celui de l’amende infligée à ses filiales, alors que sa responsabilité est entièrement dérivée de la responsabilité de celles-ci.

79      En effet, en application de la première décision, le montant total de l’amende auquel était tenue la requérante s’élevait à 3 346 200 euros et celui, cumulé, de ses filiales à 5 278 171 euros (1 913 971 euros pour CPA et 3 346 200,00 euros pour ACW), alors que, en application de la décision attaquée, ces montants sont, respectivement, de 3 346 200 euros et de 3 000 100 euros (1 913 971 euros pour CPA et 1 086 129 euros pour ACW).

80      Or, au moment de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, la question pouvait être débattue de savoir si une société mère pouvait se voir infliger, pour le comportement infractionnel de sa filiale, une amende d’un montant supérieur à celui de l’amende de sa filiale alors que la responsabilité de cette société mère était entièrement dérivée de celle de sa filiale.

81      Cette question pouvait être d’autant plus débattue que, premièrement, il a été jugé, postérieurement à l’adoption de la décision attaquée, que, lorsque la responsabilité de sociétés mères, pour l’infraction commise, découlait entièrement de celle d’une filiale qui leur avait successivement appartenu, la somme totale des montants auxquels les sociétés mères étaient condamnées ne pouvait excéder le montant auquel était condamnée cette filiale (arrêts Areva , point 42 supra, EU:C:2014:257, points 137 et 138, et du 24 mars 2011, Tomkins/Commission, T‑382/06, Rec, EU:T:2011:112, point 57).

82      Deuxièmement, la Cour a aussi été amenée, postérieurement à l’adoption de la décision attaquée, à considérer que, en ce qui concernait le paiement d’une amende infligée pour violation des règles de concurrence, le rapport de solidarité qui existait entre deux sociétés constituant une entité économique ne pouvait se réduire à une forme de caution fournie par la société mère pour garantir le paiement de l’amende infligée à la filiale et qu’une argumentation selon laquelle cette société mère ne pouvait être condamnée au paiement d’une amende d’un montant supérieur à celui de l’amende infligée à sa filiale était ainsi dépourvue de fondement (arrêts du 26 novembre 2013, Kendrion/Commission, C‑50/12 P, Rec, EU:C:2013:771, point 58, et du 19 juin 2014, FLS Plast/Commission, C‑243/12 P, Rec, EU:C:2014:2006, point 107).

83      Ainsi, la requérante aurait pu contester, au moment de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, le montant de l’amende envisagée à son égard par rapport aux montants des amendes infligées à ses filiales pour le comportement infractionnel de ces dernières.

84      Partant, la requérante aurait pu, au moment de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, mieux assurer sa défense si elle avait été entendue et eu accès au dossier.

85      En troisième lieu et à titre tout autant surabondant, il doit être relevé que, dans le cadre de l’application de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3), le Tribunal a, postérieurement à l’adoption de la décision attaquée, considéré que, lorsque la responsabilité d’une société mère était dérivée uniquement de celle de sa filiale qui avait participé à l’entente, une réduction du montant de l’amende accordée à cette dernière, à la suite d’une demande qu’elle avait introduite en application de ladite communication, devait bénéficier à la société mère [arrêt du 16 septembre 2013, Laufen Austria/Commission, T‑411/10, Rec (Extraits), sous pourvoi, EU:T:2013:443, point 228].

86      Ainsi, la requérante aurait pu tenter de prétendre, au moment de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, bénéficier de la réduction envisagée par la Commission en faveur de sa filiale ACW.

87      Partant, la requérante aurait pu, au moment de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée, mieux assurer sa défense si elle avait été entendue et eu accès au dossier.

88      Dès lors, il convient d’accueillir le premier moyen et d’annuler la décision attaquée en tant qu’elle concerne la requérante, sans qu’il y ait lieu de se prononcer sur ce moyen en ce qu’il vise une obligation de neutralité incombant à la Commission, ni sur les autres moyens du recours.

 Sur les dépens

89      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision C (2010) 727 de la Commission, du 8 février 2010, ayant modifié la décision C (2009) 8682 final de la Commission, du 11 novembre 2009, relative à une procédure d’application de l’article 81 CE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38589 – Stabilisants thermiques), est annulée en tant qu’elle concerne GEA Group AG.

2)      La Commission européenne est condamnée aux dépens.

Prek

Labucka

Kreuschitz

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 juillet 2015.

Signatures


* Langue de procédure : lʼallemand.


1 Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.