Language of document : ECLI:EU:T:2022:276

ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

4 mai 2022 (*)

« Aides d’État – Transport aérien – Mesure de soutien prise par la Roumanie – Aide au sauvetage de TAROM – Décision de ne pas soulever d’objections – Recours en annulation – Qualité d’intéressé – Sauvegarde des droits procéduraux – Recevabilité – Lignes directrices concernant les aides au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers – Mesure ayant pour objet d’éviter des difficultés sociales ou de remédier à la défaillance du marché – Principe de non-récurrence de l’aide – Incidence d’une aide antérieure octroyée avant l’adhésion de la Roumanie à l’Union – Difficultés sérieuses – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑718/20,

Wizz Air Hungary Légiközlekedési Zrt. (Wizz Air Hungary Zrt.), établie à Budapest (Hongrie), représentée par Mes E. Vahida, S. Rating et I.-G. Metaxas-Maranghidis, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Flynn, V. Bottka et I. Barcew, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie),

composé de MM. S. Papasavvas, président, A. Kornezov, E. Buttigieg, G. Hesse et D. Petrlík (rapporteur), juges,

greffier : M. I. Pollalis, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 6 décembre 2021,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Wizz Air Hungary Légiközlekedési Zrt. (Wizz Air Hungary Zrt.), demande l’annulation de la décision C(2020) 1160 final de la Commission, du 24 février 2020, concernant l’aide d’État SA.56244 (2020/N) – Roumanie – Aide au sauvetage de TAROM (JO 2020, C 310, p. 3), par laquelle la Commission européenne, d’une part, n’a pas soulevé d’objections à l’encontre d’une mesure d’aide octroyée par la Roumanie à Compania Nationala de Transporturi Aeriene Romane « TAROM SA » (ci-après « TAROM ») et constituée d’un prêt d’un montant de 175 952 000 lei roumains (RON) (environ 36 660 000 euros), remboursable à la fin d’une période de six mois, et, d’autre part, a déclaré cette aide compatible avec le marché intérieur (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige et décision attaquée

2        TAROM est une compagnie aérienne roumaine opérant à partir d’une plate-forme aéroportuaire unique, située à l’aéroport international OTP Henri-Coandă de Bucarest (Roumanie). Elle est principalement active dans le transport aérien de passagers, de fret et de courrier. Au début de l’année 2020, TAROM employait 1 795 personnes et possédait une flotte de 25 aéronefs. TAROM exploitait des lignes tant nationales qu’internationales.

3        Le 19 février 2020, la Roumanie a notifié à la Commission un plan d’aide au sauvetage de TAROM, constitué d’un prêt pour financer les besoins en liquidités de celle-ci d’un montant de 175 952 000 RON (environ 36 660 000 euros), remboursable à la fin d’une période de six mois avec une possibilité de remboursement partiel anticipé (ci-après la « mesure d’aide »).

4        La Commission a constaté que la situation financière de TAROM s’était significativement détériorée au cours des cinq années précédentes et a souligné que les pertes cumulées sur la période 2004-2019 s’élevaient à 3 362 130 000 RON (environ 715 350 000 euros), dépassant ainsi plus de la moitié du montant du capital de TAROM.

5        S’agissant de la situation des réseaux de transport en Roumanie, la Commission a relevé que l’état général et la fiabilité des réseaux ferroviaire et routier roumains étaient médiocres, et que le transport aérien restait essentiel pour le développement régional dans ce pays, notamment les liaisons intérieures exploitées par TAROM.

6        La Commission a indiqué que, selon la Roumanie, la sortie du marché de TAROM ne permettrait pas d’assurer les vols relatifs aux réservations déjà effectuées, sans que les concurrents de TAROM puissent reprendre à court terme les liaisons concernées, et qu’elle affecterait un grand nombre d’entreprises dont, principalement, les aéroports domestiques.

7        Dans son examen de la mesure d’aide, en premier lieu, la Commission a considéré que celle-ci constituait une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

8        En second lieu, la Commission a vérifié si la mesure d’aide était compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

9        Premièrement, aux considérants 52 à 57 de la décision attaquée, la Commission a considéré que TAROM était une entreprise en difficulté au sens des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers (JO 2014, C 249, p. 1, ci-après les « lignes directrices »).

10      Deuxièmement, aux considérants 58 à 65 de la décision attaquée, la Commission a relevé que les informations fournies par la Roumanie démontraient que la mesure d’aide remplissait la condition prévue aux points 43 à 52 des lignes directrices selon laquelle une aide d’État doit contribuer à un objectif d’intérêt commun.

11      Troisièmement, aux considérants 66 à 77 de la décision attaquée, la Commission a considéré que la mesure d’aide était appropriée pour atteindre l’objectif poursuivi, à savoir éviter la défaillance de TAROM.

12      Quatrièmement, aux considérants 78 à 85 de cette décision, la Commission a considéré que la mesure d’aide était proportionnée aux besoins de liquidités de TAROM sur une période de six mois.

13      Cinquièmement, aux considérants 86 à 89 de la décision attaquée, la Commission a conclu que la condition de non-récurrence des aides, dont le respect est exigé par les points 70 à 74 des lignes directrices, était remplie.

14      Par conséquent, la Commission a décidé de ne pas soulever d’objections à l’égard de la mesure d’aide au motif qu’elle était compatible avec le marché intérieur, conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

 Conclusions des parties

15      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

16      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur la recevabilité

17      La requérante fait valoir qu’elle a qualité pour agir et intérêt à agir en tant qu’intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et en tant que partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9).

18      La Commission ne conteste pas la recevabilité du recours.

19      À cet égard, il convient de rappeler que, lorsque, comme en l’espèce, la Commission adopte une décision de ne pas soulever d’objections sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, elle déclare non seulement les mesures en cause compatibles avec le marché intérieur, mais elle refuse également implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement (voir, par analogie, arrêt du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 42 et jurisprudence citée). Si la Commission constate, après l’examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle est tenue d’adopter, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, une décision d’ouverture de la procédure formelle, prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement. Aux termes de cette dernière disposition, une telle décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois (voir, par analogie, arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C‑83/09 P, EU:C:2011:341, point 46).

20      Lorsque la procédure formelle d’examen n’est pas ouverte, les parties intéressées, qui auraient pu déposer des observations durant cette seconde phase, sont dépourvues de cette possibilité. Pour y remédier, il leur est reconnu le droit de contester, devant le juge de l’Union européenne, la décision prise par la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen. Ainsi, un recours visant à l’annulation d’une décision fondée sur l’article 108, paragraphe 3, TFUE introduit par une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE est recevable lorsque l’auteur de ce recours tend à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition [arrêts du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C‑322/09 P, EU:C:2010:701, point 56, et du 9 juin 2021, Ryanair/Commission (Condor ; Covid-19), T‑665/20, EU:T:2021:344, point 26].

21      Parmi de telles parties intéressées figurent, au regard de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, notamment des entreprises concurrentes du bénéficiaire d’une mesure d’aide [voir, en ce sens, arrêts du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 50, et du 9 juin 2021, Ryanair/Commission (Condor ; Covid-19), T‑665/20, EU:T:2021:344, point 28].

22      En l’espèce, il y a lieu de relever qu’il existe un rapport de concurrence entre la requérante et TAROM, le bénéficiaire de la mesure d’aide. En effet, la requérante a fait valoir, sans être contredite, qu’elle était la plus grande compagnie aérienne en Roumanie en termes de parts de capacité en sièges en 2019. Ainsi, elle détiendrait 40,8 % de celle-ci – alors que TAROM n’en détiendrait que 15,3 % –, en transportant approximativement 9,3 millions de passagers par an de et vers la Roumanie ainsi que sur les liaisons intérieures de ce pays. Elle a également mis en exergue que son programme de vols pour l’été 2020, établi avant le début de la pandémie de COVID-19, comprenait 163 lignes au départ de 11 aéroports roumains.

23      Il s’ensuit que la requérante est une partie intéressée ayant un intérêt à assurer la sauvegarde des droits procéduraux qu’elle tire de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

24      Il y a donc lieu d’admettre la recevabilité du recours dans la mesure où la requérante fait valoir, dans le cadre de celui-ci, la violation de ses droits procéduraux.

25      En effet, il convient de relever que, à l’appui de son recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés, le premier, d’une erreur manifeste d’appréciation de la contribution de la mesure d’aide à un objectif d’intérêt commun bien défini, le deuxième, d’une erreur de droit et d’une erreur manifeste d’appréciation, relatives au respect de la condition de non-récurrence, le troisième, de l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen, et, le quatrième, d’une violation de l’obligation de motivation au sens de l’article 296 TFUE.

26      Force est de constater d’emblée que, par son troisième moyen, la requérante vise explicitement à obtenir le respect de ses droits procéduraux. À cet égard, il convient d’ailleurs de relever que la requérante peut invoquer, aux fins de la préservation de ses droits procéduraux, des moyens de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait ou pouvait disposer, lors de la phase d’examen préliminaire de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à la compatibilité de cette dernière avec le marché intérieur [voir, en ce sens, arrêts du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 81 ; du 9 juillet 2009, 3F/Commission, C‑319/07 P, EU:C:2009:435, point 35, et du 9 juin 2021, Ryanair/Commission (Condor ; Covid-19), T‑665/20, EU:T:2021:344, point 31].

27      Il convient dès lors de constater que le troisième moyen est recevable.

28      Concernant les premier et deuxième moyens, il y a lieu de préciser que la requérante est en droit, pour démontrer la violation de ses droits procéduraux en raison des doutes que la mesure d’aide aurait dû susciter quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, d’invoquer des arguments tendant à démontrer que le constat de la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur auquel la Commission était parvenue était erroné, ce qui, a fortiori, est de nature à établir que la Commission aurait dû éprouver des doutes lors de son appréciation de la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur. Partant, le Tribunal est habilité à examiner les arguments de fond présentés par la requérante dans le cadre des premier et deuxième moyens, afin de vérifier s’ils sont de nature à conforter le moyen expressément formé par elle concernant l’existence de doutes justifiant l’ouverture de la procédure visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE [voir, en ce sens, arrêts du 13 juin 2013, Ryanair/Commission, C‑287/12 P, non publié, EU:C:2013:395, points 57 à 60 ; du 6 mai 2019, Scor/Commission, T‑135/17, non publié, EU:T:2019:287, point 77, et du 9 juin 2021, Ryanair/Commission (Condor ; Covid-19), T‑665/20, EU:T:2021:344, point 32].

29      S’agissant du quatrième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, il convient de souligner que la méconnaissance de l’obligation de motivation relève de la violation des formes substantielles et constitue un moyen d’ordre public qui doit être soulevé d’office par le juge de l’Union et ne se rapporte pas à la légalité au fond de la décision attaquée [arrêt du 19 mai 2021, Ryanair/Commission (TAP ; Covid-19), T‑465/20, EU:T:2021:284, point 29 ; voir, également, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 67].

 Sur le fond

30      Eu égard à l’analyse présentée aux points 25 à 29 ci-dessus, il convient d’examiner tout d’abord le troisième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré de l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen

31      La requérante soutient que la Commission a mené un examen insuffisant et incomplet, d’une part, du respect de la condition relative à la contribution du sauvetage de TAROM à un objectif d’intérêt commun et, d’autre part, du respect de la condition de non-récurrence des aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté. À cet égard, elle renvoie au contenu des deux premiers moyens du recours et en déduit que ces insuffisances sont révélatrices de l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen.

32      La requérante fait également valoir que l’issue de la procédure d’examen de la mesure d’aide aurait pu être différente si la Commission avait respecté ses droits procéduraux, en lui offrant la possibilité de présenter ses observations sur cette mesure et de porter à la connaissance de celle-ci des informations factuelles ou d’une autre nature.

–       Considérations liminaires

33      À titre liminaire, il convient de relever que, eu égard à l’argumentation de la requérante, il incombe au Tribunal de vérifier, dans le cadre de l’examen du présent recours, si deux des conditions prévues par les lignes directrices pour qu’une aide au sauvetage en faveur d’une entreprise en difficulté puisse être considérée comme compatible avec le marché intérieur, à savoir la condition relative à la contribution de la mesure d’aide à un objectif d’intérêt commun et celle de non-récurrence des aides au sauvetage et à la restructuration des entreprises en difficulté, ont été respectées par la Commission.

34      Or, en ce qui concerne la première de ces conditions, le Tribunal estime nécessaire, eu égard à l’arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission (C‑594/18 P, EU:C:2020:742), de relever qu’il ressort du point 43 des lignes directrices que, pour être déclarée compatible avec le marché intérieur sur le fondement des lignes directrices, une mesure d’aide d’État doit poursuivre un objectif d’intérêt commun. Selon ce même point, cette exigence se traduit par la condition selon laquelle une telle mesure doit avoir « pour objet d’éviter des difficultés sociales ou de remédier à une défaillance du marché ». Cela est confirmé par le point 44 de ces lignes, selon lequel les États membres doivent démontrer que la défaillance du bénéficiaire serait susceptible d’entraîner de graves difficultés sociales ou une importante défaillance du marché. La teneur de cette exigence se rattache ainsi à la condition prévue à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, selon laquelle la mesure d’aide doit être destinée à faciliter le développement économique de certaines activités ou de certaines régions économiques, comme les parties l’ont d’ailleurs soutenu à l’audience.

35      Il s’ensuit que la substance même de l’exigence prévue aux points 43 et 44 des lignes directrices n’est pas contraire à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, ce que, par ailleurs, aucune des parties ne prétend, et que, en imposant cette exigence, les lignes directrices n’ont pas réduit indûment la portée de cette disposition quant à l’examen de la compatibilité d’une mesure d’aide d’État au sens de l’arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission (C‑594/18 P, EU:C:2020:742, point 24). En outre, il ressort des points 66 et 67 de cet arrêt que la circonstance que l’aide envisagée permet de remédier à une défaillance du marché peut constituer un élément pertinent pour apprécier la compatibilité de cette aide au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

–       Sur les règles de charge de la preuve applicables lors de l’examen des exigences prévues aux points 43 et 44 des lignes directrices

36      La requérante soutient que la Commission a méconnu les exigences imposées par les points 8 et 43 des lignes directrices. Elle estime notamment, en substance, que l’État roumain était tenu de démontrer la réalité des conséquences négatives auxquelles la mesure d’aide cherche à remédier. Ainsi, à titre d’exemple, cet État aurait été tenu de démontrer que d’autres compagnies aériennes ne parviendraient pas à reprendre certaines lignes actuellement exploitées par TAROM. Or, la Commission aurait accepté, à tort, que l’État roumain démontre uniquement qu’il était plausible que la mesure d’aide réponde aux exigences prévues aux points 43 et 44 des lignes directrices.

37      La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation de la requérante.

38      À cet égard, tout d’abord, il ressort du texte du point 43 des lignes directrices que l’État membre concerné doit démontrer que l’aide « a pour objet » d’éviter des difficultés sociales ou de remédier à une défaillance du marché.

39      Or, ledit point doit être lu conjointement avec le point 44, sous b), des lignes directrices, qui précise que les États membres doivent démontrer que la défaillance du bénéficiaire « serait susceptible » d’entraîner de graves difficultés sociales ou une importante défaillance du marché, en particulier en montrant qu’il existe un « risque » d’interruption d’un service important qu’il est compliqué de reproduire et qu’un concurrent pourrait difficilement assurer à la place du bénéficiaire.

40      Il s’ensuit que l’État membre concerné n’est pas tenu de démontrer que, en l’absence de la mesure d’aide, certaines conséquences négatives se produiraient nécessairement du fait de la défaillance du bénéficiaire de l’aide, mais uniquement qu’elles risquent de se produire.

41      Ensuite, les éléments apportés en ce sens par l’État membre ne peuvent, par nature, que se rapporter à des évènements futurs dont la réalisation n’est pas certaine au moment de la notification de l’aide à la Commission. Ainsi, ces éléments doivent permettre à la Commission d’effectuer une analyse prospective des conséquences négatives de l’absence d’adoption d’une mesure d’aide.

42      Enfin, il découle de la jurisprudence que la légalité d’une décision, telle que la décision attaquée, de ne pas soulever d’objections, fondée sur l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, dépend du point de savoir si l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû objectivement susciter des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché intérieur, étant donné que de tels doutes doivent donner lieu à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen à laquelle peuvent participer les parties intéressées visées à l’article 1er, sous h), de ce règlement (arrêts du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 80, et du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 38).

43      La preuve de l’existence de doutes sur la compatibilité avec le marché intérieur de l’aide en cause, qui doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de la décision de ne pas soulever d’objections que dans son contenu, doit être rapportée par le demandeur de l’annulation de cette décision, à partir d’un faisceau d’indices concordants (arrêts du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C‑817/18 P, EU:C:2020:637, point 82, et du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 40).

44      Dans ces conditions, en vue d’apprécier la légalité de la décision attaquée, il n’y a pas lieu d’examiner si la Commission a démontré que, en l’absence de la mesure d’aide, des difficultés sociales ou une défaillance du marché se produiraient nécessairement et que cette mesure permettrait de les éviter ou d’y remédier de manière certaine. En revanche, il convient de vérifier si la requérante a démontré l’existence de difficultés sérieuses, au regard des informations et des éléments dont la Commission disposait ou pouvait disposer, qui auraient dû amener celle-ci à éprouver des doutes sur l’existence d’un risque que, en l’absence de la mesure d’aide, de telles difficultés sociales ou une défaillance du marché se produisent ou sur le fait que la mesure d’aide vise à éviter leur survenance ou à y remédier.

45      Par conséquent, l’argumentation de la requérante doit être écartée.

–       Sur les indices de l’existence de difficultés sérieuses concernant les exigences prévues aux points 43 et 44 des lignes directrices

46      Par la première branche de son troisième moyen, dans le cadre de laquelle elle renvoie également à son premier moyen, la requérante soutient que la Commission a commis des erreurs dans l’examen des exigences prévues aux points 43 et 44 des lignes directrices. Premièrement, elle relève que la Commission aurait dû éprouver des doutes en ce qui concerne l’importance de TAROM sur le marché national. Deuxièmement, elle considère que la Commission a omis d’apprécier l’éventualité du remplacement de TAROM sur lesdites liaisons intérieures. Troisièmement, elle relève que la Commission a omis d’apprécier la faible part de TAROM dans les liaisons internationales dans son examen de la compatibilité de la mesure d’aide.

47      La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation de la requérante.

48      À cet égard, il convient de souligner que, aux considérants 58 à 65 de la décision attaquée, la Commission a examiné si la mesure d’aide répondait aux exigences prévues aux points 43 et 44 des lignes directrices, en considérant que, conformément à ces dernières, il devait être démontré que cette mesure avait pour but de prévenir des difficultés sociales ou de remédier à une défaillance du marché.

49      Aux considérants 59 et 60 de la décision attaquée, elle a considéré qu’il était démontré que TAROM jouait un rôle déterminant pour assurer la connectivité régionale à l’intérieur de la Roumanie, puisque cette compagnie assurait seule plusieurs liaisons aériennes intérieures. En outre, l’arrêt des activités de TAROM affecterait 460 000 passagers ayant déjà réservé des vols, dont 63 000 sur des liaisons exclusivement exploitées par celle-ci. S’agissant de ces dernières liaisons, la Commission a estimé, aux considérants 61 et 62 de cette décision, qu’il apparaissait peu probable que des compagnies aériennes concurrentes en assurent intégralement l’exploitation, ce qui affecterait la connectivité des régions roumaines eu égard au mauvais état des infrastructures routière et ferroviaire, qui n’offrent pas de véritables alternatives valables pour les passagers desdites liaisons. Au considérant 63 de la décision attaquée, la Commission a souligné que la cessation des activités de TAROM pourrait être préjudiciable à la situation économique des régions roumaines, tout particulièrement pour les aéroports régionaux, au point de conduire à une diminution de l’activité économique, pouvant mener à une baisse de la demande de services de voyage. Au considérant 64 de cette même décision, elle a constaté, sur la base des informations fournies, qu’il existait un risque concret d’interruption des services de transport aérien de passagers en Roumanie et, au considérant 65 de ladite décision, elle a conclu, en substance, que, en évitant un processus de liquidation imminent et potentiellement perturbateur, la mesure d’aide éviterait de graves difficultés sociales et une défaillance importante du marché.

50      À cet égard, premièrement, il convient de relever que l’analyse de la Commission ne peut être remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel la Commission a omis d’apprécier la taille du marché et l’importance de TAROM dans les liaisons nationales et internationales.

51      En effet, il convient de relever que le point 43 et le point 44, sous b), des lignes directrices n’obligent pas la Commission à tenir compte de la taille du marché en cause lorsqu’elle examine si le service en cause est « important ». Ainsi, même si le marché en cause est relativement limité, cela n’empêche pas qu’un service fourni sur ce marché puisse être important au sens des lignes directrices.

52      En l’occurrence, l’analyse de la Commission en l’espèce repose, en substance, sur le constat selon lequel la cessation d’activité de TAROM serait préjudiciable à la connectivité des régions roumaines exclusivement desservies par celle-ci ainsi qu’à la situation économique de ces régions et qu’il existerait, dans ce cas, un risque concret d’interruption de certains services de transport aérien de passagers en Roumanie.

53      À cet égard, il importe de souligner que, dans le contexte de l’absence d’alternatives valables en raison du mauvais état des infrastructures routière et ferroviaire roumaines, ce qui n’est pas contesté par la requérante, la connectivité régionale au moyen des liaisons aériennes intérieures et la connectivité internationale de la Roumanie pouvaient être à bon droit considérées par la Commission comme étant un service important dont l’interruption risquerait d’entraîner de graves difficultés sociales ou de constituer une défaillance du marché, au sens du point 44, sous b), des lignes directrices.

54      En outre, dans la mesure où la requérante soutient que, compte tenu de la faible présence de TAROM sur le marché du transport aérien national, le montant de l’aide par passager apparaît disproportionné, elle met en cause, en substance, la proportionnalité de la mesure d’aide.

55      À cet égard, la requérante ne démontre pas que la mise en place d’obligations de service public dont TAROM aurait été chargée, ainsi qu’elle le suggère, aurait pu s’effectuer dans un délai suffisamment bref pour éviter la sortie du marché de cette dernière, dont il n’est pas contesté qu’elle apparaissait imminente. De même, elle n’a pas démontré que de telles obligations de service public auraient été de nature à éviter la cessation d’activité de TAROM et les conséquences qui en auraient découlé pour la connectivité et l’activité économique des régions roumaines concernées.

56      Deuxièmement, en ce qui concerne les arguments de la requérante liés au remplacement de TAROM sur les liaisons intérieures, il convient de rappeler que la légalité d’une décision de ne pas soulever d’objections prise au terme de la procédure d’examen préliminaire doit être appréciée par le juge de l’Union en fonction non seulement des éléments d’information dont la Commission disposait au moment où elle l’a arrêtée, mais aussi des éléments dont elle pouvait disposer (arrêts du 29 avril 2021, Achemos Grupė et Achema/Commission, C‑847/19 P, non publié, EU:C:2021:343, point 41, et du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 42).

57      À cet égard, si, lors de l’examen de l’existence et de la légalité d’une aide d’État, il peut être nécessaire que la Commission aille, le cas échéant, au-delà du seul examen des éléments de fait et de droit portés à sa connaissance, il ne saurait en être déduit qu’il lui incombe de rechercher, de sa propre initiative et à défaut de tout indice en ce sens, toutes les informations qui pourraient présenter un lien avec l’affaire dont elle est saisie, quand bien même de telles informations se trouveraient dans le domaine public (voir arrêt du 2 septembre 2021, Commission/Tempus Energy et Tempus Energy Technology, C‑57/19 P, EU:C:2021:663, point 45 et jurisprudence citée).

58      Dans ce contexte, tout d’abord, il y a lieu de relever que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, l’éventualité du remplacement de TAROM par ses concurrents sur les liaisons intérieures exclusivement exploitées par celle-ci a été appréciée par la Commission au considérant 61 de la décision attaquée. En effet, il ressort du contenu de ce considérant, qui renvoie à cet égard au considérant 17 de cette décision, que la Commission a considéré qu’il était improbable que les compagnies aériennes concurrentes présentes sur le marché roumain, qui sont principalement des compagnies à bas coûts, entrent sur ce marché pour assurer la totalité de ces liaisons, dès lors que l’intérêt commercial de ces compagnies à cet égard était supposément bas. À cet effet, la Commission a relevé que la demande sur ces liaisons était faible en termes de passagers par vol et qu’il n’était pas rentable d’effectuer de telles liaisons avec des aéronefs disposant d’une capacité en sièges plus importante que ceux utilisés par TAROM, tels que ceux qu’exploitent en général les compagnies à bas coûts. Elle a fait observer que le modèle économique des compagnies à bas coûts était fondé sur la quantité et sur une flotte homogène afin de minimiser les coûts.

59      Ensuite, si la requérante soutient que des compagnies aériennes concurrentes de TAROM effectuaient trois des sept liaisons intérieures présentées, dans cette décision, comme exclusivement exploitées par celle‑ci, elle ne conteste pas que, en tout état de cause, les quatre autres liaisons intérieures étaient bien exclusivement exploitées par TAROM.

60      En outre, elle n’a pas soumis d’éléments suffisants qui démontreraient que, à la date de l’adoption de la décision attaquée, lesdites compagnies aériennes concurrentes exploitaient ces trois liaisons intérieures.

61      Ainsi, d’une part, l’extrait du site Internet d’une compagnie aérienne, présenté par la requérante, permet uniquement de constater que cette compagnie aérienne exploitait les trois lignes intérieures en question à la date du 3 novembre 2020, soit postérieurement à la date à laquelle la décision attaquée a été adoptée. Il ne peut, dès lors, être contesté que la Commission ne pouvait pas tenir compte, dans cette décision, des informations qui ressortent de ce document.

62      D’autre part, s’agissant d’un autre document soumis au Tribunal par la requérante, selon lequel certaines des lignes intérieures et internationales considérées comme exclusivement exploitées par TAROM dans la décision attaquée le seraient également par des concurrents de celle-ci, la requérante a précisé à l’audience qu’il s’agissait d’un tableau qu’elle avait elle-même élaboré, qui reprend les informations concernant les liaisons aériennes pour une période donnée provenant d’une société spécialisée dans le recueil et le traitement de données sur les différentes liaisons aériennes existantes.

63      Pour autant, à supposer que les informations figurant dans ce tableau soient fiables, il n’en demeure pas moins qu’elles confirment que TAROM exploitait seule plusieurs des lignes aériennes en cause au moment de l’adoption de la décision attaquée, comme l’admet d’ailleurs la requérante. En outre, s’agissant des autres liaisons aériennes en cause, ces informations ne précisent pas que d’autres compagnies aériennes les auraient également exploitées selon une certaine périodicité – annuelle ou saisonnière – et selon une certaine fréquence – notamment quotidienne ou hebdomadaire – qui les aurait placées dans une position de concurrence avec TAROM. En effet, ni ledit tableau ni les écritures de la requérante ne permettent d’identifier de tels éléments d’information.

64      Dès lors, à la supposer établie, la circonstance que d’autres compagnies aériennes auraient, à un moment quelconque de l’année 2019, exploité certaines lignes intérieures et internationales n’est pas de nature à démontrer que ces compagnies auraient été en mesure d’assurer facilement le service effectué par TAROM en cas de défaillance de celle-ci sur l’ensemble des lignes que cette dernière exploitait exclusivement.

65      En outre, dans la mesure où la requérante indique, dans la requête, que les informations figurant dans ledit tableau proviendraient de sources relevant du domaine public, telles que les sites Internet des compagnies aériennes, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus, la Commission n’est pas tenue de rechercher, de sa propre initiative et à défaut de tout indice en ce sens, toutes les informations qui pourraient présenter un lien avec l’affaire dont elle est saisie, quand bien même de telles informations se trouveraient dans le domaine public.

66      Par ailleurs, comme elle l’a d’ailleurs reconnu à l’audience s’agissant de son propre cas, la requérante n’a apporté aucun élément de nature à démontrer que des compagnies aériennes concurrentes de TAROM auraient été prêtes à reprendre l’ensemble des liaisons exclusivement exploitées par celle-ci en cas de sortie du marché de cette dernière.

67      Enfin, à supposer même que le remplacement de TAROM aurait été possible sur certaines des liaisons intérieures ou internationales en question, la requérante n’a pas non plus démontré que, eu égard à la probable et imminente cessation d’activité de TAROM, ce remplacement aurait pu intervenir à court terme, et ce afin d’éviter autant que possible toute interruption du service, et à des conditions proches de celles dans lesquelles ces liaisons étaient exploitées.

68      Il en va d’autant plus ainsi qu’il est constant que TAROM dispose d’un réseau en étoile et qu’elle est donc en mesure de proposer une connexion avec l’aéroport de Bucarest aux passagers en provenance des aéroports régionaux alors que ses concurrents présents sur les lignes intérieures autres que celles que TAROM est seule à exploiter disposent de réseaux avec des vols de point à point. Or, la requérante n’a pas contesté que, ainsi que la Commission le soutient, la connexion vers des destinations nationales ou internationales à partir de l’aéroport de Bucarest est de nature à assurer la connectivité régionale de manière particulièrement satisfaisante.

69      Par ailleurs, s’agissant de la prétendue surcapacité existant en Roumanie à la date de la décision attaquée, la requérante ne conteste ni que, comme l’indique la Commission, plus de la moitié des avions au sol à cette date appartenaient à TAROM, ni que, en règle générale, les compagnies aériennes concurrentes de TAROM, qui sont toutes des compagnies à bas coûts, utilisent des aéronefs disposant d’une capacité plus importante de transport de passagers que les aéronefs utilisés par celle-ci pour assurer les liaisons qu’elle exploite exclusivement. Or, la requérante n’explique pas dans quelle mesure il serait rentable d’effectuer avec de tels avions les liaisons intérieures en cause, qui ne concernent qu’un nombre limité de passagers.

70      En tout état de cause, au regard de la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus, il n’incombait pas à la Commission de rechercher au-delà des informations qui lui ont été soumises par l’État membre, de sa propre initiative et à défaut de tout indice en ce sens, des informations qui auraient pu indiquer que des compagnies aériennes concurrentes de TAROM, malgré leurs caractéristiques mentionnées au point 69 ci-dessus, étaient disposées à exploiter les liaisons intérieures concernées.

71      En particulier, il ne ressort pas des éléments dont dispose le Tribunal que le nombre d’aéronefs au sol à la date de la décision attaquée, en tant qu’indice de l’existence d’une surcapacité en Roumanie à cette date, était une information qu’il incombait à la Commission de rechercher de sa propre initiative.

72      S’agissant, enfin, de l’argument selon lequel la faillite d’une compagnie aérienne n’affecterait pas la connectivité d’un État membre, il est spéculatif et il n’est pas de nature à démontrer que les conséquences de la cessation d’activité de TAROM pour les passagers des liaisons intérieures et internationales exclusivement exploitées par celle-ci auraient pu être évitées, étant donné que la requérante n’a pas démontré que les compagnies aériennes concurrentes de TAROM auraient pu reprendre ces liaisons en cas de défaillance de cette dernière.

73      Troisièmement, en ce qui concerne l’argument par lequel la requérante reproche à la Commission d’avoir omis d’apprécier la faible part de marché de TAROM dans les liaisons internationales, il y a lieu de relever que cette faible part de marché, à la supposer établie, n’est pas de nature à influer sur le constat selon lequel la situation de TAROM et le risque que cette dernière cesse ses activités à court terme étaient susceptibles de porter atteinte à la connectivité de la Roumanie dans son ensemble, et surtout à la connectivité de certaines régions roumaines, et d’être préjudiciables aux passagers qui faisaient appel à ses services de transport aérien ainsi que, plus largement, à la situation économique desdites régions ou de certaines infrastructures telles que les aéroports régionaux, ainsi qu’il ressort du considérant 63 de la décision attaquée.

74      Eu égard à l’importance de TAROM pour la connectivité des régions roumaines et aux conséquences qu’aurait une défaillance de celle-ci sur ces régions, la Commission a pu, sans éprouver de doutes, conclure sur cette seule base que la mesure d’aide répondait aux exigences prévues aux points 43 et 44 des lignes directrices.

75      Il découle de ce qui précède que la requérante n’a pas présenté d’indices relatifs à l’examen des exigences prévues aux points 43 et 44 des lignes directrices qui seraient susceptibles de démontrer l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû amener la Commission à éprouver des doutes quant à la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché intérieur, notamment quant au risque que, en l’absence de la mesure d’aide, des difficultés sociales ou une défaillance du marché se produisent ou quant au fait que la mesure d’aide vise à éviter leur survenance ou à y remédier.

76      Par conséquent, il convient d’écarter le premier moyen et la première branche du troisième moyen.

–       Sur les indices de l’existence de difficultés sérieuses concernant le respect de la condition de non-récurrence par la mesure d’aide

77      Par la deuxième branche de son troisième moyen, dans le cadre de laquelle elle renvoie à son deuxième moyen, la requérante soutient que, en autorisant la mesure d’aide, la Commission a violé la condition dite de non-récurrence, prévue au point 70 des lignes directrices. La Commission n’aurait pas pris en compte le fait, d’une part, que TAROM avait bénéficié d’une série d’augmentations de capital ayant eu lieu jusqu’en 2019, qui mettaient en œuvre une aide à la restructuration que cette dernière avait obtenue avant l’adhésion de la Roumanie à l’Union (ci-après l’« aide à la restructuration de TAROM »), et, d’autre part, que le plan de restructuration s’y rapportant avait été mis en œuvre jusqu’en 2019 dès lors que ladite aide aurait, elle-même, été mise en œuvre jusqu’à cette année-là. En outre, le fait qu’une telle aide puisse être considérée comme une aide existante serait dénué de pertinence pour l’application de la condition de non-récurrence.

78      La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation de la requérante.

79      À cet égard, il convient de rappeler que, selon le point 70 des lignes directrices, afin de réduire l’aléa moral, les incitations à une prise de risques excessive et les distorsions de concurrence potentielles, les aides ne doivent être octroyées aux entreprises en difficulté que pour une seule opération de restructuration.

80      Le point 71 desdites lignes prévoit, dans ce contexte, que, lorsqu’il notifie à la Commission un projet d’aide au sauvetage ou à la restructuration, l’État membre doit préciser si l’entreprise concernée a déjà bénéficié d’une aide au sauvetage, d’une aide à la restructuration ou d’un soutien temporaire à la restructuration dans le passé, y compris d’aides de cette nature éventuellement octroyées avant l’entrée en vigueur des lignes directrices et toute aide non notifiée. Si tel est le cas et si moins de dix ans se sont écoulés depuis l’octroi de l’aide, depuis que la période de restructuration a pris fin ou depuis que la mise en œuvre du plan de restructuration a cessé (selon l’événement survenu en dernier), la Commission n’autorisera pas de nouvelle aide conformément à ces lignes directrices.

81      Aux considérants 87 à 89 de la décision attaquée, la Commission a conclu que la condition de non-récurrence, prévue aux points 70 à 75 des lignes directrices, était respectée. À cet effet, elle a examiné l’incidence d’une série d’augmentations du capital de TAROM qui ont eu lieu jusqu’en 2019. Elle a considéré que celles-ci mettaient en œuvre l’aide à la restructuration de TAROM, et ce avant l’adhésion de la Roumanie à l’Union. À cet égard, elle a relevé que cette aide, qui consistait en un prêt et une garantie de la Roumanie relative à des prêts souscrits par TAROM, avait été mise en œuvre jusqu’en 2019, cet État s’étant substitué à TAROM pour rembourser lesdits prêts, et que les dettes de cette dernière résultant des paiements effectués dans ce cadre avaient été converties en augmentations de capital souscrites par ledit État.

82      En l’espèce, la requérante soutient, en substance, que les conditions de mise en œuvre de l’aide à la restructuration de TAROM ne permettent pas de considérer la condition de non-récurrence comme remplie. En effet, la décision attaquée ne respecterait pas le délai de moins de dix ans, quelle que soit l’hypothèse visée par le point 71 des lignes directrices qui serait prise en considération.

83      En premier lieu, s’agissant de la première hypothèse prévue par le point 71 des lignes directrices, à savoir l’écoulement d’un délai de moins de dix ans depuis la date d’octroi de l’aide à la restructuration, il ressort de la jurisprudence que, à partir du moment où le droit de recevoir une assistance, fournie au moyen de ressources d’État, est conféré au bénéficiaire en vertu de la législation nationale applicable, l’aide doit être considérée comme étant accordée, de telle sorte que le transfert effectif des ressources en cause n’est pas décisif (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 2013, Magdeburger Mühlenwerke, C‑129/12, EU:C:2013:200, point 40 ; du 19 décembre 2019, Arriva Italia e.a., C‑385/18, EU:C:2019:1121, point 36, et du 20 mai 2021, Azienda Sanitaria Provinciale di Catania, C‑128/19, EU:C:2021:401, point 45).

84      Or, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée et de la réponse de la Commission à la mesure d’organisation de la procédure, l’aide à la restructuration de TAROM consiste en un prêt et en plusieurs garanties d’autres prêts, accordés par l’État roumain à TAROM au moyen de cinq décisions et ordonnances du gouvernement roumain, adoptées entre 1997 et 2003. L’aide à la restructuration de TAROM a été ensuite autorisée par le Consiliul Concurenţei (Conseil de la concurrence, Roumanie) en 2004.

85      Il en découle que l’octroi des différentes composantes de l’aide à la restructuration de TAROM a eu lieu entre 1997 et 2003, étant précisé que, comme il ressort des explications fournies par la Commission à l’audience, les garanties de prêts ainsi octroyées ont toutes été appelées immédiatement après leur octroi.

86      En outre, la nature d’une mesure d’aide d’État consistant à garantir des prêts accordés au bénéficiaire de l’aide implique nécessairement que, dès lors que la garantie est appelée, les paiements effectués dans ce cadre peuvent s’étendre sur toute la période d’emprunt. Cela n’a pour autant pas de répercussions sur la date d’octroi de l’aide, de sorte que tous les arguments sur les paiements relatifs aux garanties effectués ultérieurement sont inopérants.

87      Au demeurant, la Commission a expliqué, en substance, au considérant 88 de la décision attaquée, que les paiements effectués par l’État roumain, en application des garanties faisant l’objet de l’aide à la restructuration de TAROM, et les conversions des dettes de TAROM, qui en découlent, en augmentations de capital en faveur de cet État jusqu’en 2019, ne constituaient qu’une simple mise en œuvre de cette aide.

88      À cet égard, la requérante ne conteste pas l’affirmation de la Commission selon laquelle les conditions d’appel des garanties de prêts ainsi que la conversion des dettes nées des paiements effectués par l’État roumain, en application de ces garanties, en augmentations du capital de TAROM en faveur de cet État étaient prévues par les différentes décisions et ordonnances mentionnées au point 84 ci-dessus et donc avant même l’adhésion de la Roumanie à l’Union.

89      En effet, la requérante se borne à soutenir que la Commission aurait dû s’assurer que l’appel des garanties octroyées par l’État roumain avait été effectué aux conditions initialement convenues lors de leur octroi. Cependant, en méconnaissance des règles de charge de la preuve rappelées au point 43 ci-dessus, elle n’a apporté aucun élément de preuve ou indice selon lequel ces conditions auraient été modifiées au cours de la période de mise en œuvre des différentes garanties en cause.

90      À cet égard, la requérante a soutenu, à l’audience, que la Commission aurait dû s’assurer des conditions dans lesquelles la mise en œuvre de l’aide à la restructuration de TAROM avait été effectuée en examinant les rapports annuels que les États membres doivent établir en application de l’article 21 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’[article 108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1), et de l’article 26 du règlement 2015/1589, afin d’écarter tout doute quant au respect de la condition de non-récurrence par la mesure d’aide.

91      Or, en méconnaissance des règles de charge de la preuve rappelées au point 43 ci-dessus, la requérante n’a apporté aucun élément de preuve du fait que, d’une part, la Roumanie n’aurait pas respecté son obligation d’établir le rapport annuel prévu par l’article 21 du règlement no 659/1999 et par l’article 26 du règlement 2015/1589 pendant la période de mise en œuvre de l’aide à la restructuration de TAROM, et, d’autre part, il ressortirait de ces rapports annuels que cette aide aurait été mise en œuvre à des conditions différentes de celles qui avaient été approuvées par le Conseil de la concurrence.

92      Par conséquent, il ne saurait être soutenu que la Commission aurait dû avoir des doutes sur le respect du délai de moins de dix ans, prévu au point 71 des lignes directrices, calculé à compter de la date d’octroi de l’aide à la restructuration de TAROM.

93      En deuxième lieu, s’agissant des deuxième et troisième hypothèses prévues par le point 71 des lignes directrices, à savoir l’écoulement d’une période de moins de dix ans depuis la fin de la période de restructuration et la cessation de la mise en œuvre du plan de restructuration, la requérante soutient que les paiements effectués à la suite de l’appel des garanties octroyées dans le cadre de l’aide à la restructuration de TAROM et la conversion des dettes qui en ont résulté en augmentations du capital de celle-ci, jusqu’en 2019, démontrent que, d’une part, la période de restructuration a duré jusqu’à cette année-là et, d’autre part, la mise en œuvre du plan de restructuration a cessé lors de cette même année.

94      Plus concrètement, la requérante considère, en substance, que la mise en œuvre de l’aide à la restructuration de TAROM faisait partie du plan de restructuration, dont la cessation coïncide avec la fin de la période de restructuration.

95      Premièrement, en ce qui concerne la notion de « période de restructuration », il convient de relever que le point 7 des lignes directrices indique qu’il peut arriver qu’une entreprise en situation de défaillance soit en mesure d’entreprendre une restructuration la conduisant à abandonner certaines activités structurellement déficitaires et lui permettant de réorganiser les activités restantes sur une base qui lui offre des perspectives raisonnables de viabilité à long terme.

96      Selon le point 45 des lignes directrices, une restructuration peut comporter un ou plusieurs des éléments suivants : la réorganisation et la rationalisation des activités du bénéficiaire sur une base plus efficace, ce qui suppose généralement un désengagement des activités déficitaires, la restructuration d’activités existantes dont la compétitivité peut être restaurée et, parfois, une diversification vers des activités nouvelles et rentables. La restructuration englobe aussi habituellement une restructuration financière prenant la forme d’apports de capitaux réalisés par de nouveaux actionnaires ou des actionnaires existants et de réductions de dettes accordées par les créanciers existants.

97      Dans ce contexte, le point 47 des lignes directrices précise que « la période de restructuration doit être aussi courte que possible », ces lignes directrices étant ainsi fondées – y compris leur point 71 – sur une conception d’une restructuration courte.

98      Il découle de ce qui précède que la notion de « période de restructuration » se réfère à la période pendant laquelle sont prises les mesures énumérées au point 96 ci-dessus. Elle est donc distincte, en principe, de celle pendant laquelle une mesure d’aide d’État est mise en œuvre.

99      Or, en méconnaissance des règles de charge de la preuve rappelées au point 43 ci-dessus, la requérante n’a apporté aucun élément de preuve ou indice selon lequel la période de restructuration, telle que définie au point 98 ci-dessus, aurait pris fin postérieurement à 2005, contrairement à ce qui ressort du considérant 24 de la décision attaquée, et, en tout état de cause, moins de dix ans avant l’octroi de la mesure d’aide.

100    Deuxièmement, en ce qui concerne la notion de « plan de restructuration », il convient de rappeler que, pour pouvoir être déclaré compatible avec le marché intérieur en application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, un projet d’aide à la restructuration d’une entreprise en difficulté doit être lié à un plan de restructuration visant à en réduire ou à en réorienter les activités (arrêts du 14 septembre 1994, Espagne/Commission, C‑278/92 à C‑280/92, EU:C:1994:325, point 67, et du 6 avril 2006, Schmitz-Gotha Fahrzeugwerke/Commission, T‑17/03, EU:T:2006:109, point 43 ; voir également, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2007, Olympiaki Aeroporia Ypiresies/Commission, T‑68/03, EU:T:2007:253, point 88).

101    Ainsi, le fait qu’une aide à la restructuration soit liée à un plan de restructuration ne signifie pas que, en tant que telle, cette aide fait partie du plan de restructuration, l’existence de ce dernier constituant, au contraire, une condition essentielle pour qu’une telle aide puisse être considérée comme compatible avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 17 juillet 2014, Westfälisch-Lippischer Sparkassen- und Giroverband/Commission, T‑457/09, EU:T:2014:683, point 283).

102    Une telle interprétation est corroborée par la notion de « plan de restructuration », telle qu’elle figure dans les lignes directrices, dont les points 45 à 52 en définissent les objectifs et le contenu, y compris son rapport avec une aide à la restructuration.

103    Ainsi, les points 45 et 46 des lignes directrices exigent que, dans le cas d’une telle aide, l’État membre concerné présente à la Commission un plan de restructuration, l’octroi de l’aide devant être ainsi subordonné à la mise en œuvre de ce plan. Le point 45 desdites lignes directrices énonce les éléments que peut comporter un plan de restructuration, étant entendu qu’aucun de ces éléments n’a trait à l’aide à la restructuration. S’agissant du point 47 des lignes directrices, il en ressort qu’un tel plan a pour objectif de rétablir la viabilité à long terme du bénéficiaire dans un délai raisonnable et sur la base d’hypothèses réalistes.

104    Il s’ensuit que les lignes directrices distinguent la notion de « mise en œuvre d’une mesure d’aide » de celle de « mise en œuvre d’un plan de restructuration ».

105    Or, lorsque la requérante soutient que la circonstance selon laquelle l’aide à la restructuration de TAROM a été mise en œuvre jusqu’en 2019 signifie que le plan de restructuration a également duré jusqu’en 2019, elle méconnaît tant la portée de la jurisprudence citée aux points 100 et 101 ci-dessus que la distinction entre la notion de mise en œuvre d’une mesure d’aide d’État et celle de mise en œuvre d’un plan de restructuration.

106    Par conséquent, l’argumentation de la requérante tendant à démontrer que la Commission aurait dû avoir des doutes quant à la date à laquelle la période de restructuration a pris fin ou quant à celle à laquelle le plan de restructuration a cessé doit être écartée.

107    En troisième lieu, la requérante critique les considérations énoncées par la Commission au considérant 88 de la décision attaquée, selon lesquelles l’aide à la restructuration de TAROM constituait une aide existante eu égard au fait qu’elle avait été approuvée par le Conseil de la concurrence antérieurement à la date d’adhésion de la Roumanie à l’Union. En particulier, la Commission n’aurait pas vérifié si l’aide à la restructuration constituait bien une aide existante au sens du point 4 du titre 2 de l’annexe V de l’acte relatif aux conditions d’adhésion à l’Union européenne de la République de Bulgarie et de la Roumanie et aux adaptations des traités sur lesquels est fondée l’Union européenne (JO 2005, L 157, p. 203), qui exige qu’une aide de cette nature ait été notifiée à la Commission dans un délai de quatre mois à compter de la date d’adhésion et limite les effets de la qualification d’aide existante jusqu’à la fin de la troisième année suivant cette date.

108    Cependant, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la qualification de l’aide à la restructuration de TAROM d’aide existante est pertinente pour la mise en œuvre de la condition de non-récurrence, force est de constater que la Commission ne s’est pas fondée sur une telle qualification pour examiner si ladite condition était respectée en l’espèce par la mesure d’aide. L’argumentation de la requérante n’est dès lors pas de nature à influer sur la légalité de la décision attaquée.

109    Il découle de ce qui précède que la requérante n’a pas présenté d’indices concernant le respect de la condition de non-récurrence qui seraient susceptibles de démontrer l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû amener la Commission à éprouver des doutes quant à la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché intérieur.

110    Dès lors, il convient d’écarter le deuxième grief du troisième moyen.

–       Sur les indices de l’existence de difficultés sérieuses, relatifs à la méconnaissance des droits procéduraux de la requérante

111    Par la troisième branche du troisième moyen, la requérante soutient que l’issue de la procédure d’examen de la mesure d’aide aurait pu être différente si la Commission avait respecté ses droits procéduraux, en lui offrant la possibilité de présenter ses observations sur cette mesure et de porter à la connaissance de celle-ci des informations factuelles ou d’une autre nature.

112    Force est de constater que, ainsi que le relève la Commission, une telle argumentation est inopérante pour contester une décision par laquelle la Commission déclare une aide d’État compatible avec le marché intérieur sans ouvrir la procédure formelle d’examen.

113    En effet, la légalité d’une décision de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen dépend de la question de savoir si la Commission a rencontré des difficultés sérieuses dans l’examen de la mesure d’aide d’État qui lui a été notifiée.

114    Or, la possibilité pour la requérante de présenter des observations sur la mesure d’aide et de porter à la connaissance de la Commission des informations factuelles ou d’une autre nature n’est pas susceptible de démontrer l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû amener la Commission à éprouver des doutes quant à la compatibilité de la mesure d’aide avec le marché intérieur.

115    Dès lors, il convient d’écarter la troisième branche du troisième moyen et, partant, ledit moyen dans son ensemble.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation au sens de l’article 296 TFUE

116    La requérante considère que la Commission a manqué à son obligation de motivation en ce qu’elle n’a indiqué ni la raison pour laquelle l’activité de TAROM devait être considérée comme revêtant une importance particulière pour la Roumanie ni les parts de marché détenues par TAROM dans les segments national et international du marché roumain. De plus, la décision attaquée comporterait des explications incomplètes sur la possibilité de reproduire les services fournis par TAROM, et elle serait contradictoire et lacunaire quant à l’application de la condition de non-récurrence.

117    La Commission considère qu’il convient d’écarter l’argumentation de la requérante.

118    À cet égard, il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle (arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37) et qu’elle doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Ainsi, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées par ledit acte au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences prévues par l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 63, et du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C‑390/06, EU:C:2008:224, point 79).

119    En outre, une décision adoptée à l’issue de la phase préliminaire d’examen et déclarant une mesure d’aide d’État compatible avec le marché intérieur, qui est prise dans de délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur (arrêts du 22 décembre 2008, Régie Networks, C‑333/07, EU:C:2008:764, point 65, et du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C‑47/10 P, EU:C:2011:698, point 111).

120    En l’espèce, en ce qui concerne, tout d’abord, la critique concernant la motivation relative à l’importance particulière des services fournis par TAROM pour la Roumanie, la Commission a exposé, aux considérants 60 à 64 de la décision attaquée, les raisons pour lesquelles elle estimait que la mesure d’aide répondait aux exigences prévues aux points 43 et 44 des lignes directrices, au motif que l’activité de TAROM, à savoir les services de transport aérien de passagers que celle-ci assurait, revêtait une importance particulière pour la Roumanie pour les raisons reproduites au point 49 ci-dessus.

121    En ce qui concerne, ensuite, l’absence d’indication, dans la décision attaquée, des parts de marché détenues par TAROM dans les segments national et international du marché roumain, il ressort des points 50 à 53 et 73 ci-dessus qu’une telle indication n’était pas nécessaire pour que la Commission puisse procéder à l’analyse des conséquences préjudiciables de l’éventuelle cessation d’activité de TAROM pour l’ensemble du secteur du transport aérien en Roumanie ainsi que, plus généralement, pour l’économie roumaine, et pour qu’elle puisse conclure que la mesure d’aide répondait aux exigences prévues aux points 43 et 44 des lignes directrices.

122    En ce qui concerne, en outre, le reproche concernant la motivation relative à la possibilité de reproduire les services de TAROM, il doit être relevé que, au considérant 61 de la décision attaquée, la Commission a estimé, en s’appuyant sur les considérants 17 à 19 de cette décision, qu’il apparaissait improbable que des compagnies aériennes concurrentes de TAROM reprendraient intégralement les liaisons intérieures exclusivement exploitées par celle-ci, leur volonté d’entrer sur ce marché étant vraisemblablement faible. À cet égard, le considérant 17 de ladite décision expose que ces liaisons intérieures ne seraient pas attractives pour lesdits concurrents, qui sont des compagnies aériennes à bas coûts, dès lors que la demande pour ces liaisons est faible en termes de passagers par vol et qu’il ne serait pas profitable de les exploiter avec des aéronefs plus grands que ceux utilisés par TAROM, tels que ceux qu’exploitent de telles compagnies. Au considérant 18 de la même décision, il est souligné qu’il n’existerait pas d’alternatives valables pour les liaisons exploitées par TAROM en termes d’aéroports de proximité, de temps minimal de trajet et de nombre d’escales pour arriver à destination, les vols proposés par les concurrents de celle-ci pour les liaisons internationales n’étant possibles qu’avec une ou deux escales. Enfin, au considérant 19 de la décision attaquée, il est relevé que les concurrents de TAROM ne pourraient pas proposer en quelques mois une capacité supplémentaire pour reprendre les liaisons qui seraient abandonnées et que, s’ils le faisaient, les services proposés ne seraient pas au même niveau que ceux de TAROM en termes de fréquence de vol et de qualité de service.

123    En ce qui concerne, enfin, les arguments se rapportant à la motivation relative à la mise en œuvre de l’aide à la restructuration de TAROM jusqu’en 2019, il suffit de relever que, ainsi qu’il ressort des points 100 à 106 ci-dessus, une telle mise en œuvre est sans incidence sur le principe de non-récurrence des aides, dont le respect est exigé aux points 70 à 75 des lignes directrices et, donc, sur la compatibilité de la mesure d’aide à cet égard. Dès lors, la Commission n’était pas tenue de faire observer, dans la décision attaquée, que l’aide à la restructuration de TAROM avait été mise en œuvre jusqu’en 2019.

124    Par conséquent, il convient d’écarter le quatrième moyen.

125    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

126    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (dixième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Wizz Air Hungary Légiközlekedési Zrt. (Wizz Air Hungary Zrt.) est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Papasavvas

Kornezov

Buttigieg

Hesse

 

      Petrlík

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 4 mai 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.