Language of document : ECLI:EU:T:2022:507

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

7 septembre 2022 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Recrutement – Appel à manifestation d’intérêt – Examen en visioconférence – Seuil minimal de points – Égalité de traitement – Objectivité de la notation »

Dans l’affaire T‑507/21,

Ioannis Migadakis, demeurant à Athènes (Grèce), représenté par Me K. Bicard, avocate,

partie requérante,

contre

Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA), représentée par Mmes I. Taurina, G. Pappa et C. Chalanouli, en qualité d’agents, assistées de Me B. Wägenbaur, avocat,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de MM. H. Kanninen, président, M. Jaeger (rapporteur) et Mme N. Półtorak, juges,

greffier : M. L. Ramette, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 5 juillet 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 270 TFUE, le requérant, M. Ioannis Migadakis, demande l’annulation de la décision de l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité (ENISA) du 30 octobre 2020 de ne pas retenir sa candidature (ci-après la « décision attaquée »).

 Faits à l’origine du litige

2        Le requérant a répondu à l’appel à manifestation d’intérêt portant la référence ENISA-TA-AD-2020-01 pour le recrutement d’agents temporaires au sein de l’ENISA publié le 11 mars 2020 (ci‑après l’« appel à manifestation d’intérêt »).

3        Le 16 juillet 2020, il a été déclaré éligible par l’ENISA, qui l’a invité à participer à un examen constitué d’une épreuve écrite et d’un entretien oral.

4        Le 27 juillet 2020, le requérant a passé lesdites épreuves à distance, après avoir effectué, le 21 juillet 2020, un test de connexion organisé, par le biais d’une plateforme numérique, par un agent travaillant au service des ressources humaines de l’ENISA.

5        Par courriel du 30 octobre 2020, l’ENISA a informé le requérant de la décision attaquée.

6        Par courriel du 25 janvier 2021, le requérant a introduit une réclamation, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, à l’encontre de la décision attaquée.

7        Par décision du 21 mai 2021, l’ENISA a rejeté la réclamation introduite par le requérant (ci‑après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Conclusions des parties

8        Le requérant conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler « la décision [de l’ENISA] prononcée à [son égard] » ;

–        condamner l’ENISA aux dépens.

9        L’ENISA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

 Sur l’objet du litige

10      Le présent recours, selon le dispositif de la requête, a pour objet une demande, fondée sur l’article 270 TFUE, tendant à l’annulation de « la décision [de l’ENISA] prononcée à l’égard [du requérant] ».

11      Dans ses écritures, le requérant indique avoir formé son recours « contre une décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination de l’ENISA […] refusant de faire droit à la réclamation », mais vise plus spécifiquement, eu égard à la teneur de son argumentation, l’annulation de la décision attaquée.

12      À cet égard, selon une jurisprudence constante, la réclamation administrative, telle que visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, et son rejet, explicite ou implicite, font partie intégrante d’une procédure complexe et ne constituent qu’une condition préalable à la saisine du juge. Dans ces conditions, un recours, même formellement dirigé contre le rejet de la réclamation, a pour effet de saisir le juge de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée, sauf dans l’hypothèse dans laquelle le rejet de la réclamation a une portée différente de celle de l’acte contre lequel cette réclamation a été formée (voir arrêt du 6 avril 2022, FC/AUEA, T‑634/19, non publié, EU:T:2022:222, point 34 et jurisprudence citée).

13      En outre, compte tenu du fait que la procédure précontentieuse présente un caractère évolutif, une décision explicite de rejet de la réclamation qui ne contient que des précisions complémentaires et se borne ainsi à révéler, de manière détaillée, les motifs de la confirmation de la décision antérieure ne constitue pas un acte faisant grief. Néanmoins, ce même caractère évolutif de la procédure précontentieuse implique que ces précisions complémentaires soient prises en considération pour apprécier la légalité de l’acte attaqué (voir arrêts du 9 juin 2021, Hill Mansilla/Commission, T‑575/19, non publié, EU:T:2021:324, point 19 et jurisprudence citée, et du 6 avril 2022, MF/eu-LISA, T‑568/20, non publié, EU:T:2022:223, point 23 et jurisprudence citée).

14      En l’espèce, il y a lieu de constater que la décision de rejet de la réclamation a confirmé la décision attaquée. Conformément à la jurisprudence rappelée au point 13 ci-dessus, la circonstance que l’ENISA ait été amenée, en réponse aux arguments avancés par le requérant dans la réclamation, à apporter des précisions concernant les motifs de la décision attaquée ne saurait justifier que la décision de rejet de la réclamation soit considérée comme un acte autonome faisant grief au requérant, la motivation de ladite décision coïncidant, en substance, avec la décision contre laquelle la réclamation a été formée.

15      Les conclusions en annulation dirigées contre la décision de rejet de la réclamation sont donc dépourvues de contenu autonome et, ainsi, doivent être regardées comme formellement dirigées contre la décision contre laquelle la réclamation a été formée, telle que précisée par la décision de rejet de la réclamation (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2021, Hill Mansilla/Commission, T‑575/19, non publié, EU:T:2021:324, point 21 et jurisprudence citée).

16      Partant, il convient de considérer que l’acte faisant grief au requérant est la décision attaquée, dont la légalité doit être examinée en prenant également en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation.

 Sur le fond

17      Au soutien de son recours, le requérant soulève trois moyens, tirés, le premier, d’une violation du cadre légal applicable à la procédure de recrutement, le deuxième, d’une violation du principe d’égalité de traitement et, le troisième, d’une violation du principe d’objectivité de la notation.

 Sur le premier moyen, tiré de la violation du cadre légal applicable à la procédure de recrutement

18      Par son premier moyen, divisé en deux branches, le requérant soulève, en substance, une violation du cadre légal applicable à la procédure de recrutement en ce que, d’une part, des modalités non prévues dans l’appel à manifestation d’intérêt ont été appliquées (première branche) et, d’autre part, ces modalités ont été imposées sans raison objective et sans qu’aucune autre solution soit prévue (seconde branche).

19      L’ENISA conteste tant la recevabilité du premier moyen que son bien‑fondé.

–       Sur la recevabilité du premier moyen

20      L’ENISA considère que le premier moyen est irrecevable en raison de la méconnaissance de la règle de concordance, l’argumentation du requérant dans le cadre de son recours ne figurant pas dans la réclamation.

21      À cet égard, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, qu’il résulte d’une jurisprudence constante que la règle de concordance entre la réclamation et la requête subséquente exige, sous peine d’irrecevabilité, qu’un moyen soulevé devant le juge de l’Union européenne l’ait déjà été dans le cadre de la procédure précontentieuse, afin que l’autorité investie du pouvoir de nomination ait été mise en mesure de connaître d’une manière suffisamment précise les critiques que l’intéressé formule à l’encontre de la décision contestée (arrêts du 27 octobre 2016, BCE/Cerafogli, T‑787/14 P, EU:T:2016:633, point 34, et du 16 décembre 2020, VP/Cedefop, T‑187/18, non publié, EU:T:2020:613, point 84 ; voir, également, arrêt du 9 juin 2021, Hill Mansilla/Commission, T‑575/19, non publié, EU:T:2021:324, point 50 et jurisprudence citée).

22      En l’espèce, en premier lieu, en ce qui concerne les objections formulées par le requérant quant au déroulement à distance des épreuves, il convient de relever que, dans la réclamation, le requérant a souligné les mauvaises conditions dans lesquelles s’était passé l’entretien oral, notamment en raison de prétendus problèmes sonores ayant perturbé la communication avec les examinateurs. Or, ces allégations sont directement liées à l’organisation à distance des épreuves, la qualité de la connexion étant remise en question.

23      Dans ce contexte, les chefs de contestation relatifs à cette organisation, tels qu’exposés par le requérant dans le cadre de son premier moyen, d’une part, reposent sur la même cause que ceux figurant dans la réclamation et, d’autre part, constituent une ampliation des arguments présentés dans la réclamation.

24      En tout état de cause, il y a lieu de relever que, dans la décision de rejet de la réclamation, l’ENISA a abordé, pour la première fois, les conséquences que l’absence, dans l’appel à manifestation d’intérêt, d’indications relatives aux modalités de déroulement des épreuves permettait de tirer sur la liberté dévolue au comité de sélection à cet égard.

25      Dès lors, même si les arguments du requérant développés sur ce point dans le cadre de son premier moyen ne trouvaient pas de rattachement dans la réclamation, ils seraient néanmoins recevables, le requérant étant en droit de soulever, au stade de la requête, des arguments à l’encontre de la motivation exposée dans la décision de rejet de la réclamation.

26      En second lieu, en ce qui concerne les objections formulées par le requérant quant à l’application d’un seuil minimal de points permettant l’admission des candidats, il convient de relever que les informations relatives à cette question ne sont apparues, pour la première fois, que dans la décision de rejet de la réclamation.

27      Par conséquent, les arguments du requérant, présentés au stade de la requête, visant à contester ces informations doivent être considérés comme recevables.

28      Ainsi, le premier moyen est recevable dans son ensemble.

–       Sur le bien-fondé du premier moyen

29      À l’appui de la première branche de son premier moyen, le requérant allègue, en substance, que, d’une part, en ayant organisé les épreuves à distance et, d’autre part, en ayant appliqué un seuil minimal de points permettant l’admission des candidats, l’ENISA a enfreint l’appel à manifestation d’intérêt, qui ne contenait aucune indication en ce sens.

30      L’ENISA conteste les arguments du requérant.

31      À titre liminaire, il convient de relever que l’argumentation du requérant repose sur la prémisse selon laquelle il existait une obligation, pour l’ENISA, de faire figurer, dans l’appel à manifestation d’intérêt, le déroulement à distance des épreuves et le seuil de points au‑delà duquel les candidats seraient retenus.

32      Selon une jurisprudence constante, d’une part, l’administration dispose d’un très large pouvoir d’appréciation tant dans le choix des modalités d’organisation de la procédure de sélection aux fins du pourvoi d’un poste d’agent temporaire que dans la conduite de celle-ci (voir arrêt du 6 février 2019, TN/ENISA, T‑461/17, non publié, EU:T:2019:63, point 83 et jurisprudence citée) et, d’autre part, l’avis de recrutement constitue un cadre légal que l’administration s’impose à elle-même et qu’elle doit respecter rigoureusement (voir, par analogie, arrêt du 8 mai 2019, Stamatopoulos/ENISA, T‑99/18, non publié, EU:T:2019:305, point 36 et jurisprudence citée).

33      À cet égard, la fonction d’un appel à manifestation d’intérêt est, d’une part, d’informer les intéressés d’une façon aussi exacte que possible sur la nature des conditions requises pour occuper le poste à pourvoir afin de les mettre en mesure d’apprécier s’il y a lieu pour eux de faire acte de candidature et, d’autre part, de fixer le cadre de légalité au regard duquel l’examen comparatif des mérites des candidats sera mené (arrêts du 11 février 1999, Leite Mateus/Commission, T‑21/98, EU:T:1999:28, point 31, et du 22 mars 2018, Popotas/Médiateur, T‑581/16, EU:T:2018:169, point 73). Cette seconde fonction implique que soient énoncées des exigences suffisamment précises pour permettre de procéder audit examen et de justifier le choix opéré (voir, par analogie, arrêt du 8 mai 2019, Stamatopoulos/ENISA, T‑99/18, non publié, EU:T:2019:305, point 48).

34      Ainsi, ne ressort nullement de cette jurisprudence l’existence d’une obligation pour l’ENISA de faire figurer dans l’appel à manifestation d’intérêt les informations visées au point 29 ci‑dessus.

35      En effet, d’une part, en ce qui concerne l’information relative au déroulement à distance des épreuves, elle ne relève ni de la nature des conditions requises pour occuper le poste à pourvoir ni du cadre de légalité au regard duquel l’ENISA a entendu procéder à l’examen comparatif des mérites des candidats.

36      D’autre part, en ce qui concerne l’information relative au seuil minimal de points permettant l’admission des candidats, tout d’abord, il convient de relever que cette information n’est pas liée à la nature des conditions requises pour occuper le poste à pourvoir. Ensuite, la fixation d’un tel seuil relève de la marge d’appréciation et du pouvoir d’organisation dont dispose le comité de sélection dans le cadre de l’exercice de ses fonctions. Enfin, l’appel à manifestation d’intérêt expose, de manière suffisamment détaillée, les différentes étapes de la procédure de recrutement et les critères de sélection sur la base desquels l’examen comparatif des mérites des candidats est opéré. Dès lors, le seuil minimal de points permettant l’admission des candidats, qui n’aurait en tout état de cause pas eu d’incidence sur l’examen comparatif des mérites, n’avait pas à être préétabli et fixé dans l’appel à manifestation d’intérêt (voir, par analogie, arrêt du 8 mai 2019, Stamatopoulos/ENISA, T‑99/18, non publié, EU:T:2019:305, point 49).

37      Par conséquent, en adoptant la décision attaquée, l’ENISA n’a pas violé le cadre légal applicable à la procédure de recrutement en cause en l’espèce du fait du déroulement à distance des épreuves et de l’application d’un seuil minimal de points permettant l’admission des candidats.

38      Eu égard à ce qui précède, la première branche du premier moyen n’est pas fondée.

39      À l’appui de la seconde branche de son premier moyen, le requérant estime que, l’appel à manifestation d’intérêt ne prévoyant pas la tenue d’épreuves à distance, une telle modalité ne pouvait lui être imposée sans que soit commise une violation du cadre légal applicable à la procédure de recrutement en cause en l’espèce. Dès lors, le fait, pour l’ENISA, d’une part, d’avoir procédé de la sorte sans raison objective et, d’autre part, de ne pas lui avoir proposé d’autre option serait constitutif d’une violation du cadre légal applicable.

40      L’ENISA conteste les arguments du requérant.

41      Dans la mesure où il a été conclu que c’est sans commettre de violation du cadre légal applicable à la procédure de recrutement en cause en l’espèce que l’ENSIA pouvait, d’une part, organiser les épreuves à distance et, d’autre part, appliquer un seuil minimal de points à atteindre pour déterminer l’admission des candidats alors même que l’appel à manifestation d’intérêt ne contenait pas d’informations en ce sens (voir point 37 ci‑dessus), les arguments du requérant exposés au point 39 ci‑dessus sont dépourvus de pertinence.

42      Eu égard à ce qui précède, il convient de conclure au caractère non fondé de la seconde branche du premier moyen.

43      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement

44      Par son deuxième moyen, le requérant soulève, en substance, une violation du principe d’égalité de traitement, en raison, d’une part, des différences entre les conditions d’organisation du test de connexion et celles de l’entretien oral et, d’autre part, de l’utilisation d’une plateforme numérique pour la tenue des épreuves.

45      L’ENISA conteste tant la recevabilité du deuxième moyen que son bien‑fondé.

–       Sur la recevabilité du deuxième moyen

46      L’ENISA considère que le deuxième moyen est irrecevable en raison de la méconnaissance de la règle de concordance, l’argumentation du requérant développée dans le cadre de son recours ne figurant pas dans la réclamation. En outre, elle émet des doutes quant à la possibilité de rattacher ladite argumentation au contenu de la réclamation.

47      En premier lieu, tout d’abord, il convient de relever qu’il ressort de la réclamation que le requérant a mentionné en détail les conditions dans lesquelles s’était déroulé l’entretien oral, en insistant sur les perturbations dues aux problèmes sonores ayant affecté la communication à distance avec les examinateurs par le biais d’une plateforme numérique. Ensuite, dans ce contexte, il a décrit les paramètres techniques de sa connexion et les mesures prises pour tenter de pallier les difficultés rencontrées à cet égard afin d’écarter toute responsabilité pouvant lui être attribuée. Enfin, il a indiqué les conséquences liées à cette situation, à savoir la formulation, à plusieurs reprises, de demandes qu’il a adressées aux examinateurs afin qu’ils répètent les questions et qu’ils parlent plus fort.

48      En second lieu, il ressort de la décision de rejet de la réclamation que, en lien avec les éléments invoqués par le requérant, l’ENISA a, notamment, mis en avant, d’une part, les mesures prises pour s’assurer, auprès de tous les candidats, de la qualité de la connexion et de leur accord quant à l’organisation des épreuves par le biais d’une plateforme numérique et, d’autre part, l’absence de problème technique rapporté après la réalisation des tests de connexion.

49      Par conséquent, les éléments essentiels sur lesquels se fonde le deuxième moyen figuraient dans la réclamation de manière suffisamment explicite pour que l’ENISA en comprenne la portée, comme cela ressort du contenu de la décision de rejet de la réclamation.

50      Ainsi, le deuxième moyen est recevable.

–       Sur le bienfondé du deuxième moyen

51      Le deuxième moyen s’articule en deux branches.

52      Dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, le requérant allègue une violation du principe d’égalité de traitement dans la mesure où les conditions d’organisation du test de connexion différaient de celles de l’entretien oral, les durées dudit test et dudit entretien et l’identité des personnes de l’ENISA impliquées dans ceux-ci ayant été différentes.

53      L’ENISA conteste les arguments du requérant.

54      Selon une jurisprudence constante, il y a violation du principe de non‑discrimination ou d’égalité de traitement lorsque deux catégories de personnes, dont les situations factuelle et juridique ne présentent pas des différences essentielles, se voient appliquer un traitement différent ou lorsque des situations différentes sont traitées de manière identique (voir arrêt du 24 octobre 2018, Fernández González/Commission, T‑162/17 RENV, non publié, EU:T:2018:711, point 81 et jurisprudence citée).

55      En l’espèce, bien que les écritures ne soient pas limpides à cet égard, il ne peut être exclu que le requérant ait cherché à soulever l’existence d’une discrimination du fait que les tests de connexion n’auraient pas été effectués dans les mêmes conditions pour l’ensemble des candidats, à savoir avec, comme « testeur », le membre du service des ressources humaines de l’ENISA.

56      Afin de rejeter cette argumentation, il suffit de relever que, lors de l’audience, l’ENISA a confirmé que les tests de connexion avaient été effectués, sans distinction entre les candidats, avec, comme « testeur », la même employée de son service des ressources humaines.

57      L’argumentation du requérant développée dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, telle que réitérée lors de l’audience en réponse aux questions du Tribunal, peut également se comprendre comme se fondant sur l’existence de différences entre les caractéristiques techniques qui ont présidé à l’organisation du test de connexion avec les candidats et celles ayant commandé le déroulement de l’entretien oral de ces candidats.

58      Or, dans la mesure où il n’est pas question d’une différence de traitement entre deux catégories de personnes, mais de deux situations différentes ayant concerné les mêmes personnes, cette argumentation est dénuée de pertinence.

59      Par conséquent, la première branche du deuxième moyen doit être écartée.

60      Dans le cadre de la seconde branche du deuxième moyen, le requérant se plaint, en substance, du fait que l’utilisation d’une plateforme numérique dans le cadre de la procédure de recrutement a entraîné une violation du principe d’égalité de traitement entre les candidats, en raison de la qualité aléatoire des connexions Internet et de la variété du matériel informatique pouvant être utilisé.

61      À cet égard, dans un premier temps, il y a lieu de rappeler qu’il incombe tant aux institutions de l’Union d’assurer à tous les candidats participant à une procédure de recrutement un déroulement le plus serein et régulier possible des épreuves (voir, par analogie, arrêt du 24 avril 2001, Torre e.a./Commission, T‑159/98, EU:T:2001:121, point 46, et ordonnance du 3 mars 2017, GX/Commission, T‑556/16, non publiée, EU:T:2017:139, point 35) qu’au comité de sélection de veiller strictement au respect du droit à l’égalité de traitement entre les candidats lors du déroulement d’une procédure de recrutement (voir, par analogie, arrêt du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, point 132 et jurisprudence citée). Dans ce cadre, dans la mesure où, eu égard aux modalités des épreuves, tout examen comporte, en général et de façon inhérente à sa nature même, un risque d’inégalité de traitement, une violation du principe d’égalité de traitement ne peut être constatée que lorsque ledit comité n’a pas limité, lors du choix des épreuves, le risque d’inégalité des chances à celui inhérent, en règle générale, à tout examen (voir, par analogie, arrêt du 12 mars 2008, Giannini/Commission, T‑100/04, EU:T:2008:68, point 133 et jurisprudence citée).

62      Il ressort de ce qui précède qu’il revenait à l’ENISA de s’assurer que, malgré l’impossibilité d’exclure tout risque d’inégalité, celui‑ci serait limité afin de permettre un déroulement de la procédure de recrutement le plus serein possible.

63      Or, en l’espèce, il n’est pas contesté que des tests de connexion, dont il a été conclu qu’ils n’enfreignaient pas le principe d’égalité de traitement (voir point 59 ci‑dessus), ont été organisés par l’ENISA pour tous les candidats, préalablement aux entretiens de sélection. En outre, l’ENISA a mis en place une procédure afin d’attirer spécifiquement l’attention des candidats sur le déroulement à distance des épreuves et de s’assurer qu’ils aient pris connaissance de ce déroulement, leur permettant de préparer au mieux leur environnement pour le jour des épreuves, à savoir notamment le lieu où celles-ci se dérouleraient et le matériel utilisé. À cet égard, le requérant a signé une déclaration de confidentialité dans laquelle il a donné son accord pour l’organisation à distance des épreuves.

64      Dans un second temps, il y a lieu de relever que, en réponse à une question posée lors de l’audience, le requérant a indiqué qu’il considérait que tous les candidats avaient été traités de la même manière dans chacune des deux situations ayant impliqué l’utilisation d’une plateforme numérique, à savoir lors des tests de connexion et lors des épreuves à distance.

65      Au regard de cette précision et du fait qu’il a été conclu que les candidats ne se trouvaient pas dans des situations différentes (voir point 63 ci-dessus), il ne peut être reproché à l’ENISA d’avoir violé le principe d’égalité de traitement, au sens de la jurisprudence rappelée au point 54 ci‑dessus.

66      Par conséquent, la seconde branche du deuxième moyen doit être écartée.

67      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe d’objectivité de la notation

68      Par son troisième moyen, le requérant allègue, en substance, une violation du principe d’objectivité de la notation, du fait des modalités d’évaluation appliquées par l’ENISA dans le cadre de la procédure de recrutement.

69      L’ENISA conteste tant la recevabilité du troisième moyen que son bien‑fondé.

–       Sur la recevabilité du troisième moyen

70      L’ENISA considère que le troisième moyen est irrecevable en raison de la méconnaissance de la règle de concordance, l’argumentation du requérant développée dans le cadre de son recours ne figurant pas dans la réclamation.

71      En premier lieu, il convient de relever que, dans la réclamation, le requérant a affirmé ne pas comprendre les raisons pour lesquelles sa candidature n’avait pas été retenue alors qu’il avait répondu à l’ensemble des questions qui lui avaient été posées. Il y indiquait également qu’aucune information ne lui avait été fournie à l’appui du rejet de sa candidature.

72      En second lieu, il ressort des pièces du dossier que ce n’est qu’au stade de la décision de rejet de la réclamation que l’ENISA a communiqué au requérant les notes qu’il avait obtenues pour chacune de ses réponses aux questions posées pendant les épreuves.

73      Dès lors, le requérant n’a été mis en mesure de formuler une contestation relative à la notation de ses réponses qu’au stade de l’introduction de son recours.

74      Ainsi, les arguments avancés par le requérant dans le cadre de son troisième moyen n’enfreignent pas la règle de concordance et, partant, ledit moyen doit être considéré comme recevable.

–       Sur le bien-fondé du troisième moyen

75      Dans le cadre de son troisième moyen, le requérant allègue, en substance, que l’ENISA a violé le principe d’objectivité de la notation. Le caractère subjectif tant des questions posées lors de l’épreuve écrite et de l’entretien oral que de l’évaluation de ses réponses par le comité de sélection n’aurait pas permis d’assurer une notation objective.

76      L’ENISA conteste les arguments du requérant.

77      Selon une jurisprudence bien établie, un comité de sélection, d’une part, dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant au contenu détaillé des épreuves prévues dans le cadre d’une procédure de sélection et il n’appartient au juge de l’Union de censurer ce contenu que si celui‑ci sort du cadre indiqué dans l’appel à manifestation d’intérêt ou n’a pas de commune mesure avec les finalités de l’épreuve ou de la sélection et, d’autre part, doit, notamment, veiller à l’objectivité du choix opéré entre les intéressés et, à cette fin, il est tenu de garantir l’application cohérente des critères d’évaluation à tous les candidats concernés (voir, par analogie, arrêt du 5 avril 2005, Christensen/Commission, T‑336/02, EU:T:2005:115, points 38 et 92).

78      Dans ce contexte, il doit, néanmoins, être relevé qu’il ressort de l’application par analogie de la jurisprudence relative aux décisions prises par un jury de concours aux procédures de sélection pour un emploi d’agent temporaire (voir, par analogie, arrêt du 5 avril 2005, Christensen/Commission, T‑336/02, EU:T:2005:115, point 25) que les appréciations d’un comité de sélection sur les connaissances et aptitudes des candidats constituent l’expression d’un jugement de valeur et s’insèrent dans son large pouvoir d’appréciation. Ce jugement de valeur ne saurait être soumis au contrôle du juge de l’Union qu’en cas de violation évidente des règles qui président aux travaux d’un tel comité, d’erreur manifeste ou de détournement de pouvoir, ou encore de dépassement manifeste des limites de son pouvoir d’appréciation. Dans ce cadre, il n’appartient pas au Tribunal de substituer sa propre appréciation à celle dudit comité (voir, par analogie, arrêt du 6 octobre 2021, NZ/Commission, T‑668/20, non publié, EU:T:2021:667, point 64 et jurisprudence citée).

79      En matière de recrutement, il appartient au candidat évincé de prouver, par des éléments concrets, que l’administration a commis une erreur manifeste d’appréciation (voir arrêt du 8 mai 2019, Stamatopoulos/ENISA, T‑99/18, non publié, EU:T:2019:305, point 38 et jurisprudence citée), privant de plausibilité sa décision (voir, par analogie, arrêt du 12 décembre 2018, Colin/Commission, T‑614/16, non publié, EU:T:2018:914, point 73).

80      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner les griefs formulés par le requérant dans le cadre de son troisième moyen.

81      Le requérant fonde ses allégations relatives à la violation du principe d’objectivité de la notation sur l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation commises par le comité de sélection dans l’évaluation de sa candidature.

82      À cet égard, il doit être relevé, à titre liminaire, que, en réponse à des questions posées lors de l’audience, le requérant a précisé, par deux fois, que sa contestation se limitait au caractère subjectif des questions et ne concernait pas l’évaluation des réponses qu’il a données à ces questions.

83      En premier lieu, il convient d’examiner les griefs formulés par le requérant à l’égard de l’épreuve écrite, venant au soutien de sa contestation du caractère objectif des questions qui lui ont été posées.

84      Le requérant soutient que les questions posées permettaient autant de réponses qu’il y avait de candidats.

85      Cependant, le fait qu’une question n’appelle pas une seule et unique réponse et que, de ce fait, il puisse exister autant de réponses que de candidats n’est pas de nature à remettre en question la légalité de la méthode d’évaluation. En effet, conformément aux principes rappelés au point 78 ci‑dessus, il appartient au comité de sélection d’apprécier la pertinence des réponses fournies par les candidats et de les évaluer selon une appréciation comparative.

86      À cet égard, comme cela est rappelé au point 77 ci‑dessus, le comité de sélection dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant au contenu détaillé des épreuves prévues dans le cadre d’une procédure de sélection et il n’appartient au juge de l’Union de censurer ce contenu que si celui‑ci sort du cadre indiqué dans l’appel à manifestation d’intérêt ou n’a pas de commune mesure avec les finalités de l’épreuve ou de la sélection.

87      Or, le fait qu’il ait été demandé aux candidats de présenter leur façon de mettre en place un processus ou que des questions relatives à leur expérience et à leurs connaissances leur aient été posées n’apparaît pas manifestement inapproprié au regard de la finalité de la sélection en cause.

88      Dans la mesure où il ressort de ce qui précède que l’ENISA n’a pas violé le principe d’objectivité de la notation dans le cadre de l’épreuve écrite, il n’y a pas lieu d’examiner le bien-fondé de l’argument du requérant relatif à la nécessité de prévoir une autre procédure, quand bien même le requérant aurait cherché, par ce grief, à démontrer l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation relative au choix de la procédure.

89      En second lieu, il convient d’examiner les griefs formulés par le requérant à l’égard de l’entretien oral, venant au soutien de sa contestation du caractère objectif des questions qui lui ont été posées.

90      Dans ce cadre, comme cela est souligné au point 77 ci‑dessus, il y a lieu de rappeler que le comité de sélection dispose d’un large pouvoir d’appréciation quant au contenu détaillé des épreuves. Cela vaut à plus forte raison pour l’entretien oral, qui est l’épreuve pour laquelle ledit comité possède la marge d’appréciation la plus étendue (voir, par analogie, arrêt du 5 mai 2010, Schopphoven/Commission, F‑48/09, EU:F:2010:38, point 26 et jurisprudence citée).

91      Premièrement, il convient d’examiner les griefs formulés par le requérant à l’égard des questions ayant porté sur la présentation de son curriculum vitae et de sa motivation, posées lors de la phase orale de la seconde étape de la procédure de sélection.

92      Dans un premier temps, il convient d’écarter, pour défaut de pertinence, les observations du requérant visant à remettre en question les notes qu’il a obtenues pour ses réponses orales aux questions portant sur la présentation de son parcours et de sa motivation alors que tant son curriculum vitae que sa motivation décrite dans le formulaire intitulé « Évaluateur de talent » de l’ENISA avaient été estimés suffisants pour lui permettre de passer la première étape de la procédure de sélection relative à l’admissibilité de sa candidature.

93      En effet, le fait de retenir une candidature dans le cadre d’une étape antérieure à un entretien oral, sur la base notamment du curriculum vitae du candidat et d’un descriptif de sa motivation, n’informe en rien celui-ci de la valeur donnée à ces éléments par le comité de sélection par rapport aux autres candidatures également sélectionnées pour l’étape suivante de la procédure de recrutement. À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 12, paragraphe 1, premier alinéa, du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne, l’engagement des agents temporaires doit viser à assurer à l’institution le concours de personnes possédant les plus hautes qualités de compétence. À cette fin, l’évaluation à laquelle procède le comité de sélection réside en une analyse comparative des mérites des candidats. Ainsi, le fait que la candidature du requérant se soit vu reconnaître des mérites n’implique pas que celles des autres candidats également retenus pour passer un entretien oral ne se soient pas vu reconnaître des mérites supérieurs (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 13 décembre 2001, Cubero Vermurie/Commission, C‑446/00 P, EU:C:2001:703, point 21, et du 14 novembre 2006, Neirinck/Commission, T‑494/04, EU:T:2006:344, point 142).

94      En outre, l’évaluation du curriculum vitae et de la motivation d’un candidat effectuée dans le cadre de la première étape de la procédure de sélection n’est pas de la même nature que celle effectuée lors de la phase orale de la seconde étape de la procédure de sélection. En effet, il ressort de la note en bas de page no 14 de l’appel à manifestation d’intérêt que la forme écrite du curriculum vitae était contrainte par l’exigence du respect d’un format spécifique, sous peine d’exclusion. De la même manière, la description de la motivation du candidat était limitée en nombre de mots, conformément aux indications figurant à la fin des intitulés des questions du point 8, dédié à la motivation, des pages 14 et 16 du formulaire intitulé « Évaluateur de talent ». Par conséquent, les questions relatives à ces aspects posées pendant la phase orale de la seconde étape de la procédure de sélection permettaient au comité de sélection d’évaluer les développements supplémentaires que le candidat pouvait présenter par rapport aux informations et documents fournis par écrit lors de l’étape antérieure. Le fait que le requérant ait choisi de donner les mêmes réponses pendant l’entretien oral que celles qu’il avait fournies par écrit dans le formulaire intitulé « Évaluateur de talent » n’exclut pas qu’il ait eu la possibilité de les enrichir, de les étayer et de les expliquer.

95      Ainsi, le fait que le curriculum vitae du requérant et la description de sa motivation aient été pris en compte lors de la première étape de la procédure de sélection n’implique aucune conséquence sur les notes qu’il a obtenues pour ses réponses orales aux questions portant sur sa présentation et sa motivation lors de l’étape suivante du processus de recrutement.

96      Dans un second temps, le requérant estime que, dans la mesure où l’évaluation de ses réponses à des questions relatives à son parcours et à sa motivation ne peut être que subjective, le simple fait de les avoir posées est constitutif d’une violation du principe d’objectivité de la notation.

97      Il y a lieu de constater que cet argument n’est pas fondé.

98      En effet, d’une part, s’agissant de critères n’ayant pas trait à des connaissances spécifiques que le candidat doit posséder, mais à des qualités, comme la « motivation », dont le candidat doit faire preuve, il ressort de la jurisprudence que de telles qualités peuvent être appréciées au regard du comportement du candidat et de ses déclarations lors de l’épreuve orale, sans qu’aucune question ayant un rapport direct ou explicite avec les qualités en cause ne soit posée (voir arrêt du 28 mars 2012, Marsili/Commission, F‑19/10, EU:F:2012:47, point 23 et jurisprudence citée).

99      D’autre part, dans le cadre de l’évaluation des qualités subjectives, comme la motivation ou l’expérience professionnelle des candidats, la jurisprudence reconnaît qu’il est loisible à un comité de sélection, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont il jouit, de prendre en considération des éléments spécifiques à chaque candidat (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 8 juillet 2010, Wybranowski/Commission, F‑17/08, EU:F:2010:83, point 54). En outre, il ressort de cette jurisprudence que les allégations du requérant selon lesquelles le fait de n’être évalué que sur la base de l’épreuve écrite et de l’entretien oral exclut la prise en compte de son expérience professionnelle par le comité de sélection sont erronées. D’ailleurs, il ressort explicitement de certaines questions posées lors de l’épreuve écrite que les réponses données par les candidats devaient être fondées sur leur expérience.

100    Deuxièmement, il convient d’examiner les griefs formulés par le requérant à l’égard des questions techniques qui lui ont été posées par le comité de sélection lors de son entretien oral.

101    S’agissant de la question relative à la survenance d’un incident théorique de sécurité en Europe pour lequel l’assistance de l’ENISA aurait été requise, le requérant considère que, au regard de la réponse attendue, la partie de cette question concernant l’identification des risques encourus dans une telle situation n’avait pas lieu d’être posée. En effet, le requérant conteste la pertinence de la nature des risques dont il était question, dans la mesure où il estime que de tels risques n’existent pas, et, par conséquent, il reproche au comité de sélection l’absence de caractère objectif de cette question.

102    Il ressort des pièces du dossier que, par cette question, il était attendu des candidats qu’ils envisagent le risque encouru par l’ENISA d’atteinte à sa réputation du fait de ses activités et les conséquences que ce risque emporte sur sa crédibilité au sein de l’Union.

103    Or, la prise en compte par une agence de l’Union d’un tel risque et de son impact sur son activité n’apparaît pas être un élément constitutif d’une erreur manifeste d’appréciation. En effet, il ressort de la question litigieuse que le comité de sélection cherchait à évaluer la capacité des candidats à prendre conscience des incidences potentielles des actions menées au sein de l’ENISA.

104    Contrairement à ce que le requérant soutient, cette aptitude à mettre en perspective les fonctions pour lesquelles le candidat postulait au regard du fonctionnement de l’ENISA pouvait légitimement faire l’objet d’une attention particulière de la part du comité de sélection.

105    Dès lors, tant la formulation de la question litigieuse que le contenu de la réponse attendue s’inscrivaient bien dans les finalités de la sélection pour laquelle la procédure en cause en l’espèce avait été mise en place.

106    Ainsi, il ressort de ce qui précède que le comité de sélection n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en posant la question litigieuse.

107    S’agissant de la question relative à l’identification d’une grande menace pour la cybersécurité en Europe, le requérant estime que, dans la mesure où sa réponse mettait en lumière un sujet majeur, comme cela a été évoqué quelques mois plus tard sur des sites Internet spécialisés dans ce domaine, il aurait dû obtenir une meilleure note et que, dès lors, l’évaluation de sa réponse faite par le comité de sélection était subjective.

108    Par ce grief, le requérant ne vise plus le caractère subjectif de la question posée, mais celui de l’évaluation de sa réponse. Dès lors, conformément à la précision qu’il a apportée lors de l’audience, rappelée au point 82 ci‑dessus, ce grief est, désormais, dépourvu de pertinence.

109    En tout état de cause, il ne ressort pas de l’évaluation, par le comité de sélection, de la réponse du requérant à cette question que ce dernier aurait commis une erreur manifeste d’appréciation.

110    En effet, tout d’abord, il convient de rappeler que les appréciations d’un comité de sélection constituent l’expression de jugements de valeur qui ne peuvent faire l’objet d’un contrôle du juge de l’Union qu’en cas d’erreur manifeste d’appréciation, qu’il appartient au candidat évincé de prouver par des éléments concrets (voir, à cet égard, points 78 et 79 ci‑dessus). Ensuite, les appréciations d’un comité de sélection portent non seulement sur la pertinence des réponses données par les candidats, mais également sur la manière dont ils les exposent. Enfin, ledit comité attribue une note en fonction de l’analyse comparative, qu’il lui revient d’effectuer dans le cadre de son pouvoir d’appréciation, des réponses données par les autres candidats. À cet égard, le fait que, à travers sa réponse, le requérant ait pu faire valoir ses mérites n’exclut pas que d’autres candidats aient pu faire valoir des mérites supérieurs (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 13 décembre 2001, Cubero Vermurie/Commission, C‑446/00 P, EU:C:2001:703, point 21, et du 14 novembre 2006, Neirinck/Commission, T‑494/04, EU:T:2006:344, point 142).

111    Dans ce contexte, même si le niveau des notes obtenues par le requérant n’est pas à la hauteur de ses espérances au regard de sa propre évaluation, il ne révèle pas en soi l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de la part du comité de sélection, ce niveau s’établissant toujours à la moyenne, ou au‑dessus, du total des points alloués pour chaque question technique.

112    Troisièmement, il convient d’examiner les griefs formulés par le requérant à l’égard des questions comportementales qui lui ont été posées.

113    S’agissant de la question relative à l’attitude que le requérant adopterait si une nouvelle tâche lui était confiée alors qu’aucune aide ne pourrait lui être fournie par ses collègues, le requérant reproche au comité de sélection la prise en compte d’éléments de réponse allant au‑delà des termes de la question.

114    À cet égard, il doit être relevé que les griefs formulés par le requérant dans ses écritures portant sur cette question ne concernent pas le caractère prétendument subjectif de ladite question, mais celui de l’appréciation de sa réponse par le comité de sélection.

115    Par conséquent, conformément à la précision apportée par le requérant lors de l’audience et rappelée au point 82 ci‑dessus, ce grief est, désormais, dépourvu de pertinence.

116    En tout état de cause, il n’est pas contesté que la réponse complète donnée par le requérant comportait des éléments venant contredire les termes de la question. Ainsi, le comité de sélection a pu légitimement prendre en compte cet aspect dans son évaluation.

117    Dès lors, il ressort des éléments du dossier qu’il est plausible que la note obtenue par le requérant à ladite question en ait été affectée, sans que cette prise en compte soit constitutive d’une erreur manifeste d’appréciation.

118    À cet égard, il ne peut être reproché au comité de sélection d’avoir intégré dans son évaluation tous les éléments que le requérant avait jugé utile de donner oralement en réponse à cette question, fussent-ils considérés comme uniquement complémentaires par le requérant lui‑même. Dès lors, au regard de la question posée, le requérant aurait pu se limiter à ce qui lui était demandé. Dans ce contexte, il est infondé d’exiger de la part du comité de sélection de prévenir le candidat qu’il doit fournir une réponse limitée aux termes de la question sous peine d’être pénalisé, comme l’allègue le requérant.

119    Eu égard à ce qui précède, il doit être conclu à l’absence de violation du principe d’objectivité de la notation.

120    Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les demandes de production de documents

121    Le requérant estime avoir répondu de manière complète à toutes les questions qui lui ont été posées au cours de l’entretien oral alors que l’ENISA lui reproche de ne pas avoir compris la signification de certaines d’entre elles. À cet égard, le requérant relève le caractère douteux de cette allégation au regard des notes qu’il a obtenues.

122    Par conséquent, il demande que l’ENISA produise toutes les questions qui lui ont été posées lors de l’entretien oral, les réponses qu’il y a données, les éléments relatifs à la manière dont ses réponses ont été notées, les corrigés se rapportant aux questions posées ainsi qu’une copie de l’enregistrement de l’entretien oral, si elle existe.

123    L’ENISA s’oppose à ce qu’il soit fait droit à ces demandes.

124    Lors de l’audience, le requérant a précisé que, par ces demandes, il cherchait à obtenir des éléments lui permettant de contester l’objection, formulée par l’ENISA, selon laquelle il n’aurait pas répondu à toutes les questions.

125    Or, tout d’abord, il est constant entre les parties que le requérant n’a pas répondu à une question, ce qui a, en outre, été confirmé lors de l’audience.

126    Ensuite, il ressort du dossier que, malgré les problèmes sonores allégués, le requérant a pu entendre les questions et y répondre, ce qu’il affirme à maintes reprises dans ses écritures. En outre, en réponse à une question posée lors de l’audience, l’ENISA a confirmé que tous les membres du comité de sélection avaient entendu les réponses du requérant.

127    Enfin, comme cela est indiqué au point 82 ci‑dessus, lors de l’audience, le requérant a précisé qu’il limitait sa contestation au caractère prétendument subjectif des questions et que celle-ci ne visait pas la remise en question de l’évaluation de ses réponses par le comité de sélection.

128    Dès lors, au regard de l’objectif poursuivi par le requérant avec l’introduction de ses demandes de production de documents, il convient de constater que la production de ces documents n’apporterait pas d’éléments pertinents complémentaires, d’une part, à ceux contenus dans le dossier et, d’autre part, à ceux développés lors de l’audience.

129    Par conséquent, il n’y a pas lieu de faire droit à ces demandes.

 Sur les dépens

130    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

131    Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’ENISA.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Ioannis Migadakis est condamné aux dépens.

Kanninen

Jaeger

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 7 septembre 2022.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

S. Papasavvas


*      Langue de procédure : le français.